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santelmo
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Grard Genette Figures III collection Potique aux ditions du Seuil, Paris Figures III 9 782020 020398 Les tudes qui composent ce volume s'articulent en une suite rigoureuse: Critique et potique, Potique et histoire, La rhtorique restreinte (ou mtaphore et mtonymie), Mtonymie chez Proust (ou la naissance du Rcit), enfin Discours du rcit (pour une technologie du discours narratif) qui est un essai de mthode " appliqu )) la Recherche du Temps perdu. Discours dont la dualit de dmarche se veut exemplaire : " La spcifi-cit proustienne est irrductible, elle n'est pas indcomposable. Comme toute uvre, comme tout organisme, la Recherche est faite d'lment s universels qu'elle assemble en une totalit singulire. L'analyser, c'est donc aller non du gnral au particulier, mais bien du particulier au gnral. Ce paradoxe est celui de toute potique, sans doute aussi de toute activit de connaissance, toujours cartele entre ces deux lieux communs incontournables, qu'il n'est d'objets que singu-liers, et qu'il n'est de science que du gnral; toujours cependant rconforte, et comme aimante, par cette autre vrit un peu moins rpandue, que le gnral est au cur du singulier, et donc - contrairement au prjug commun - le connaissable au cur du mystre. )) Potique Seuil ISBN %.01.00239.4 / Imprim en France 9-72.- 9 FIGURES III DU M:ME AUTEUR AUX M ~ M E S bOITIONS Figures 1 coll. Tel Quel repris dans la coll. Points Figures II coll. Tel Quel repris dans la coll. Points Mimologiques coll. Potique Introduction l'architexte coll. Potique Palimpsestes coll. Potique Nouveau discours du rcit coll. Potique Seuils coll. Potique GRARD GENETTE FIGURES III DITIONS DU SEUIL 27, rue Jacob, Paris VIe CE LIVRE EST PUBLI DANS LA COLLECTION POTIQUE DIRIGE PAR GRARD GENETTE ET TZVETAN TODOROV ISBN 2-02-002039-4 @ Editions du Seuil. 1972. La loi du Il mars 1957 interdit les copi" ou reproductions desn!el une utilisation collective. Toute reprsentation ou reproduction intgrale ou partielle faite par quelque procd que ce loit, sans le CODJentement do l'auleur ou de leS ayanta cause, est illicite et constue une contrefaon sancoDD60 par los artldes425 et suivants du Code p6naI. Un autre dira : - Je parie que c'est encore l une figure. Le premier rpondra : - Tu as gagn. Le second dira : - Oui, mais hlas! sur le seul plan du symbole. Le premier: - Non, en ralit; symboliquement, tu as perdu. Kafka Critique et potique Voici quelques annes, la conscience littraire, en France, semblait s'enfoncer dans un processus d'involution l'aspect quelque peu inquitant : querelles entre histoire littraire et nouvelle cri-tique , obscurs dbats, l'intrieur de cette nouvelle critique elle-mme, entre une ancienne nouvelle , existentielle et thmatique, et une nouvelle nouvelle d'inspiration formaliste ou structuraliste, prolifration malsaine d'tudes et d'enqutes sur les tendances, les mthodes, les voies et les impasses de la critique. De scission en scission, de rduction en rduction, les tudes littraires semblaient voues sans cesse davantage retourner sur elles-mmes l'appareil' de leurs prises et s'enfermer dans un ressassement narcissique, strile et finalement autodestructeur, ralisant chance le pronostic nonc en 1928 par Valry: O va la critique? A sa perte, j'espre. Cette fcheuse situation pourrait cependant n'tre qu'une apparence. En effet, comme le montre bien, par exemple, le mou-vement de Proust dans son Contre Sainte-Beuve, toute rflexion un peu srieuse sur la critique engage ncessairement une rflexion sur la littrature elle-mme. Une critique peut tre purement empi-rique, nave, inconsciente, sauvage ; une mtacritique, par contre, implique toujours une certaine ide de la littrature, et cet implicite ne peut manquer trs longtemps d'en venir l'explicitation. Et voil peut-tre comment d'une sorte de mal peut nous venir une sorte de bien : de quelques annes de spculations ou de ratiocinations sur la critique pourrait sortir ce qui nous a tant manqu, depuis plus d'un sicle, que la conscience mme de ce manque semblait nous avoir quitts; une apparente impasse de la critique pourrait en fait conduire un renouveau de la thorie littraire. C'est bien de renouveau qu'il faut parler, puisque, sous les noms de potique et de rhtorique, la thorie des genres et, plus gnra-lement encore, la thorie du discours, remontent comme chacun le sait la plus haute antiquit, et, d'Aristote La Harpe, se sont maintenues dans la pense littraire de l'Occident jusqu' l'avnement 9 CRITIQUE ET POTIQUE du romantisme : lequel, en dplaant l'attention des formes et des genres vers les individus crateurs , a relgu ce type de rflexion gnrale au profit d'une psychologie de l'uvre quoi, depuis Sainte-Beuve et travers tous ses avatars, s'est toujours tenue ce que l'on nomme aujourd'hui critique. Que cette psychologie s'arme (ou s'al-tre) plus ou moins de perspective historique, ou de psychanalyse, freudienne, jungienne, bachelardienne ou autre, ou de sociologie, marxiste ou non, qu'elle se dporte davantage vers la personne de l'auteur ou vers celle du lecteur (du critique lui-mme), ou qu'elle tente cncore de s'enfermer dans la problmatique immanence de l'uvre, ces variations d'accent ne modifient jamais fondamen-talement la fonction essentielle de la critique, qui reste d'entretenir le dialogue d'un texte et d'une psych, consciente et/ou inconsciente, individuelle et/ou collective, cratrice et/ou rceptrice. Le projet structuraliste lui-mme pouvait fort bien n'introduire finalement dans ce tableau qu'une nuance, du moins en tant qu'il consisterait tudier la structure (ou les structures ) d'une uvre, considre, d'une manire quelque peu ftichiste, comme un objet clos, achev, absolu " donc invitablement motiver (en en rendant compte par les procdures de l'analyse structurale) cette clture, et par l mme la dcision (peut-tre arbitraire) ou la circonstance (peut-tre fortuite) qui l'instaure; oubliant cet avertis-sement de Borges, que l'ide d'uvre acheve relve de la fatigue ou de la superstition . Dans son dbat avec l 'histoire littraire, la critique moderne depuis un demi-sicle s'est applique sparer les notions d'uvre et d'auteur, dans le dessein tactique fort compr-hensible d'opposer la premire la seconde, responsable de tant d'excs et d'activits parfois oiseuses. On commence percevoir aujourd'hui qu'elles ont partie lie, et que toute forme de critique est ncessairement prise dans le cercle de leur renvoi rciproque. Or, il apparat en mme temps que son statut d'uvre n'puise pas la ralit, ni mme la littrarit du texte littraire, et, qui plus est, que le fait de l'uvre (l'immanence) prsuppose un grand nombre de donnes transcendantes elle, qui relvent de la linguis-tique, de la stylistique, de la smiologie, de l'analyse des discours, de la logique narrative, de la thmatique des genres et des poques, etc. Ces donnes, la critique est dans l'inconfortable situation de ne pouvoir, en tant que telle, ni s'en passer ni les matriser. Il lui faut donc bien admettre la ncessit, de plein exercice, d'une discipline assumant ces formes d'tudes non lies la singularit de telle ou telle uvre; et qui ne peut tre qu'une thorie gnrale des formes littraires - disons une potique. 10 CRITIQUE ET POTIQUE Qu'une telle discipline doive ou non chercher se constituer comme une science de la littrature, avec les connotations dplaisantes que peut comporter l'usage prcipit d'un tel terme en un tel lieu, c'est une question peut-tre secondaire; du moins est-il certain qu'elle seule peut y prtendre, puisque, comme chacun le sait (mais comme notre tradition positiviste, adoratrice des faits et indiffrente aux lois, semble l'avoir oubli depuis longtemps), il n'est de science que du gnral . Mais il s'agit moins ici d'une tude des formes et des genres au sens o l'entendaient la rhtorique et la potique de l'ge classique, toujours portes, depuis Aristote, riger en norme la tradition et canoniser l'acquis, que d'une exploration des divers possibles du discours, dont les uvres dj crites et les formes dj remplies n'apparaissent que comme autant de cas particuliers au-del desquels se profilent d'autres combinaisons prvisibles, ou dduc-tibles. C'est un des sens que l'on peut donner aux clbres formules de Roman Jakobson, qui, aux tudes littraires, proposent pour objet non la littrature mais la littrarit, non la posie mais la fonction potique : plus gnralement, l'objet de la thorie serait ici non le seul rel, mais la totalit du virtuel littraire. Cette opposition d'une potique ouverte la potique ferme des classiques montre bien qu'il ne s'agit pas, comme on pourrait le croire, d'un retour au pass pr-critique : la thorie littraire, au contraire, sera moderne, et lie la modernit de la littrature, ou ne sera rien. En prsentant son programme d'enseignement de la potique, Valry dclarait avec une insolence salutaire, et somme toute justifie, que l'objet de cet enseignement, loin de se substituer ou de s'opposer celui de l'histoire littraire, serait de donner ceIIe-ci la fois une introduction, un sens et un but . Les relations entre potique et critique pourraient tre du mme ordre, ceci prs - qui est capital - que la potique valryenne n'attendait peu prs rien en retour de l'histoire littraire, qualifie de vaste fumisterie , tandis que la thorie littraire a beaucoup recevoir des travaux particuliers de la critique. Si l'histoire littraire n'est en fait nuIIement une fumis-terie , elle est cependant de manire vidente, comme les techniques philologiques de dchiffrement et d'tablissement du texte (et au fond bien davantage) une discipline annexe dans l'tude de la litt-rature, dont elle n'explore (biographie, recherche des sources et des influences, gense et fortune des uvres, etc.) que les ct. La critique, elle, est et restera une approche fondamentale, et l'on peut prsager que l'avenir des tudes littraires est essentiellement dans l'change et le va-et-vient ncessaire entre critique et potique - dans la conscience et l'exercice de leur complmentarit. Potique et histoire On reproche couramment la critique dite nouvelle (