Géoéconomie Article Parmentier

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GOCONOMIEREVUE TRIMESTRIELLE - T 2008

LE KRACH AGRICOLE

Sommaireditorial 5

EntretienLes enjeux de la prsidence franaise de lUnion europenne Pascale JOANNIN 9

Dossier

Le krach agricolePropositions pour une nouvelle vision de lagriculture Jacques CARLES Marchs agricoles en bullition : diagnostic et valuation des risques pour lconomie mondiale Thierry POUCH Agriculture : la nouvelle donne mondiale et les perspectives moyen et long termes Bruno PARMENTIER Ne pas sacrier lagriculture franaise Christian PES Les biocarburants : un engagement responsable Xavier BEULIN 19

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VariaLe rchauffement climatique : un dilemme du prisonnier aux consquences catastrophiques Jean-Paul MARCHAL Iran : lmergence dune puissance rgionale Barry RUBIN Lectures 109

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Agriculture : la nouvelle donne mondiale et les perspectives moyen et long termesBruno PARMENTIERDirecteur gnral du groupe ESA dAngers, auteur de Nourrir lhumanit (ditions La Dcouverte 2007, prix Terra 2008).

En matire dagriculture, on dira probablement dans quelques annes que le XXIe sicle a commenc en 2007. 2007. Grce la Politique agricole commune, la population europenne dispose, depuis des annes, de nourritures abondantes, rgulires et bon march, permettant ainsi de limiter les hausses salariales et de prserver la comptitivit des entreprises franaises. Cela fonctionne tellement bien que la majorit des Europens en vient considrer cette politique comme un anachronisme. Il est prvu de la changer, au plus tard en 2013, et de faire un premier bilan ds 2008 pour prcipiter les choses Aprs llection prsidentielle en mai 2007, on se demandait mme sil y aurait encore un ministre de lAgriculture en France. Les classes moyennes de la plante, qui font tat de plus en plus de problmes dobsit et dinquitudes, souvent infondes, pour leur sant, nont plus aucune angoisse de manquer. Seule

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demeure une vague honte face aux 850 millions de gens qui ont faim, et au milliard supplmentaire qui mange mal. La peur de manquer, une grande constante dans lhistoire de lhumanit, semble dnitivement vaincue. Soudain, au cours de cette priode prospre sopre un spectaculaire retournement de tendance. Les prix agricoles, qui ne cessaient de baisser depuis des dcennies, repartent la hausse avec une tonnante vigueur (crales, pain, riz, lait, viande, etc.). Des pays traditionnellement exportateurs doivent fermer leurs frontires pour garder leurs rcoltes pour eux. Les spculateurs sen donnent coeur joie. De nombreux pays importateurs sont le cadre dmeutes de la faim, en Amrique, en Afrique, et en Asie. Dans les pays riches, le pouvoir dachat revient au cur des proccupations et on craint dsormais les pnuries ponctuelles et la rapparition de la faim dans certains secteurs fragiles de la population. Ce renversement de la donne mondiale aura des consquences pendant des annes. On se rend compte maintenant que cette nouvelle impression de scurit naura probablement t quune double parenthse historique et gographique : historique parce quelle naura dur que quelques dizaines dannes, et gographique parce quelle naura concern quun tiers de lhumanit.

62On tentera, dans cet article introductif, de se poser les questions de base : comment volue la plante et la demande alimentaire ? Disposons-nous des techniques sufsantes pour rsoudre les problmes ? Lorganisation actuelle du monde agricole et alimentaire est-elle la hauteur des enjeux ? Rappelons en prambule des caractristiques essentielles des marchs agricoles : - Pour survivre, les humains (et les animaux) souhaitent salimenter tous les jours, quoi quil arrive, et mme si possible plusieurs fois par jour. Ils ne mangent pas vraiment davantage quand les prix baissent (on ne se remet pas table juste aprs en tre sorti, mme si le repas na pas cot cher), mais entendent bien continuer manger mme si les prix montent. On peut imaginer se priver quelques mois de chaussures ou de tlphones portables, mais de nourriture, jamais ! Ds que cette dernire vient manquer, on est prt tout : immigrer dans un bidonville sordide ou un camp de rfugis prcaire lorsquon est la campagne, ou participer des meutes lorsquon est en ville. Quand on est rassasi, on se dcouvre des dizaines de problmes existentiels, plus ou moins fonds, mais quand on a faim, on nen a plus quun, omniprsent et propice la paralysie ou la colre. Ventre affam na pas doreille.

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- Le rsultat de lactivit agricole est trs alatoire, prend beaucoup de temps et dpend de multiples facteurs externes, en particulier de la mto. Lorsque lon sme un champ de bl, on ne sait jamais exactement combien on rcoltera car beaucoup dvnements imprvus peuvent se produire : scheresse, inondations, temptes, maladies, invasions dinsectes, conits... - Le rsultat de ces deux caractristiques demande imprative et offre alatoire entrane une trs grande volatilit des cours. Des baisses spectaculaires lorsquil y a un peu de surplus prcdent des hausses vertigineuses lorsquon commence manquer. De tout temps, les gouvernements ont donc tent de rguler ce march, au moins en ce qui concerne lapprovisionnement des grandes villes, et surtout, celui des capitales o les foules affames ont en fait tomber historiquement plus dun !

Comment volue la plante ? Mauvais temps en perspective2007 a t lanne de la prise de conscience de la ralit du rchauffement climatique et des immenses menaces quil fait courrir lhumanit partir du XXIe sicle et pour les sicles suivants. Des vnements qui tait auparavant placs de faon un peu fataliste la rubrique pas de chance ou mauvaise anne ont maintenant tendance tre requalis en nouvelle donne mtorologique mondiale . Exemples, parmi dautres : - LAustralie a connu cinq annes successives de scheresse : retrouverat-elle un jour sufsamment de pluie pour devenir nouveau un grand pays producteur de crales et de viande ? Produira-t-elle encore seulement du vin ? - Le Bangladesh a connu deux inondations dans la mme anne 2007 : une inondation traditionnelle au printemps, la fonte des neiges, plus une deuxime lautomne due un ouragan. Ces deux inondations ont affect prs de 40 % du territoire, tout le delta du Gange et du Brahmapoutre. Ce pays de 140 millions dhabitants devra-t-il trs bientt se vider purement et simplement dun tiers de son territoire ? Mme question pour la Birmanie voisine et de son delta de lIrrawaddy, qui produit 65 % du riz, 80 % de laquaculture et 50 % de llevage du pays

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- Plusieurs les des Carabes ont t dvastes par un ouragan qui a dtruit les bananeraies. terme, aura-t-on le temps de rcolter des bananes dans ces rgions, entre deux ouragans ? Les experts prvoyaient que les changements climatiques vont engendrer au moins 150 millions de rfugis climatiques dans les prochaines annes. Dautres prvisions, plus pessimistes encore, estiment maintenant que si le climat se dgrade vraiment , ce chiffre pourrait se rapprocher du milliard. Quelles que soient les hypothses, il sagira dun phnomne majeur qui va provoquer de grandes tensions internationales. Car en effet, o iront-ils, ces rfugis ? Dans les pays vides, comme la Russie ? Dans ceux qui ont particulirement contribu au rchauffement climatique, comme les tatsUnis ? Ou, plus probablement, dans les pays voisins, pauvres eux-aussi, entranant des dstabilisations en chane, en particulier dans la pninsule indienne, en Asie tropicale et en Afrique Sahlienne ? Il ne faut pas croire que ces volutions climatiques ne vont toucher que les pays pauvres et tropicaux. Les experts prvoient quen 2050, il fera le temps de Nice Angers et le temps dAlger Nice. Sils ont raison, cela veut dire quil ny aura plus dagriculture efcace sans irrigation dans la moiti nord de la France et trs peu dagriculture efcace tout court dans le SudEst. De gros investissements agro-environnementaux seront indispensables trs rapidement, mme en France.

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De moins en moins de terres cultiverLes bonnes terres cultivables, sur lesquelles il pleut rgulirement, sont une denre rare sur la plante. En fait on ne cultive (hors prairies et forts) que 1,5 milliard dhectares, soit 12 % des 13,1 milliards dhectares immergs (la France, avec plus dun tiers du territoire cultiv, faire gure dexception). Sur le plan mondial, il existe encore des rserves disponibles, mais elles sont pour lessentiel situes dans les forts tropicales des bassins de lAmazonie, du Congo et du Sud-Est asiatique, particulirement en Indonsie et en Malaisie. Les mettre en culture prsente un vrai risque daggravation du rchauffement de la plante et de dsertication relativement rapide de ces rgions cologiquement sensibles (noublions pas quun jour le Sahara a t, lui aussi, une fort vierge). Cest pourtant ce que nous faisons, raison de 140 000 km chaque anne et sachant que lon ne replante que la moiti en fort. Malheureusement cela ne suft pas pour augmenter la supercie totale de la ferme-monde , car, anne aprs anne, nous perdons plus de terres que nous nen gagnons. En effet, lrosion et lurbanisation gagnent du

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terrain une vitesse proccupante. Mme en France, dj trs bien pourvue en quipements, les constructions de logements principaux et secondaires, voies de transport, parkings de supermarchs et autres terrains de golf conduisent perdre lquivalent dun dpartement agricole tous les dix ans. En Chine, o sinstallent chaque anne 15 20 millions de ruraux en ville, ce sont 1 million dhectares cultivs qui senvolent chaque anne. Cest ainsi quen 1960, chaque habitant de la plante disposait potentiellement de 0,43 ha de terres cultivables. Aujourdhui, il ny en a plus que 0,25 ha. ce rythme, les terriens de 2050 nen auront plus que 0,15 ha. Sur un hectare cultiv, au lieu dtre 4 manger, nous serons 6.

Plus assez deau pour irriguerDe tout temps, les hommes ont tent de saffranchir des alas de la nature. Au XXe sicle, on a ainsi largement investi dans lirrigation, pour compenser les irrgularits de la pluie. La plante compte actuellement 200 millions dhectares irrigus, soit approximativement un champ sur sept. On sait dores et dj que lon ne peut pas doubler cette surface ; les 44 000 barrages qui ont dj t construits ont tous besoin dentretien (ils sensablent, se ssurent, etc.). Les nouveaux ouvrages vont coter beaucoup plus cher puisquils seront situs dans des endroits plus difciles daccs ou moins favorables au stockage de leau (forte vaporation, par exemple). Autre frein lirrigation : la baisse des nappes phratiques. Cest un problme considrable sur lensemble de la plante car on pompe leau beaucoup plus vite quelle ne se rgnre. Exemples : les 200 000 puits de la nappe de laquifre de lOgallala au centre sud des tats-Unis en ont dj puis prs de la moiti ; celui de la valle du Gange a diminu de 60 mtres ; on observe des baisses rapides de niveau des nappes, de 2 3 mtres par an dans des pays aussi divers que le Mexique (Guanajuato), la Chine (Hebei), le Pakistan (Baloutchistan) ou lIran (Chanaran). Les rivires, actuellement trs charges en t grce la fonte acclre des glaciers ce qui permet de pomper largement pour lirrigation , commencent sasscher lt les unes aprs les autres, sur tous les continents. De nombreux lacs et mers intrieures disparaissent purement et simplement, comme le lac Tchad, la mer dAral ou le lac Owens. Au XXIe sicle, laccs leau sera coup sr une source de conits majeurs, sur tous les continents, en particulier au Moyen-Orient et en Asie.

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Au total, irriguer ses cultures risque de devenir une entreprise beaucoup plus complique au XXIe sicle quau XXe. Les experts estiment que le niveau maximum de surfaces irrigues dans le monde pourrait tourner autour de 240 millions dhectares, soit seulement 20 % de plus quaujourdhui. Des travaux pharaoniques sont entrepris, comme ceux autour du barrage des Trois-Gorges en Chine, le plus grand du monde. Outre la rgulation du dbit du Yang Ts et la prvention des inondations, son objectif est damener leau en excs du Sud de la Chine vers le Nord, qui a dsesprment soif, via trois canaux de 1 300 km de long. La mise en eau du lac de 660 km de long a dj ncessit le dplacement de 1,8 millions de personnes. De la mme manire, on verra probablement dici la n du sicle de gigantesques canaux amener leau des grands lacs du Nord des tats-Unis vers les tats du Sud du pays. Invitablement, on sera conduit faire de gros efforts pour conomiser leau (les pertes en ligne des systmes dirrigation et deau potable sont afigeantes), et pour trouver le moyen de se nourrir avec des plantes qui en consomment moins. Rappelons quen moyenne, il faut 1 tonne deau pour produire 1 kilo de crales, et quun Europen moyen consomme indirectement plus de 4 tonnes deau virtuelle par jour (leau virtuelle tant la quantit deau ncessaire pour produire et acheminer tout ce quil a dans son assiette). Le commerce international de produits alimentaires risque de se faire de plus en termes dquivalent, eau suivant le principe : si vous navez pas deau, importez votre viande ou vos crales ! . Depuis la n des annes 1980, le Moyen-Orient et lAfrique du Nord ont achet en moyenne 40 millions de tonnes de crales par an ; en termes deau virtuelle, cela reprsente 40 milliards de tonnes, soit plus que la quantit utilise pour lagriculture dans toute lgypte.

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Plus assez de ptrole pour produire de la nourritureNous arrivons au bout dune longue priode facile o lnergie tait abondante et bon march. Les techniques agricoles, comme toutes les techniques inventes dans cette priode, sont particulirement nergtivores. Dans les agricultures hautement mcanises et forts intrants (fertilisants, pesticides, etc.), il faut actuellement plusieurs centaines de litres dquivalent ptrole pour produire 1 tonne de bl. Les 28 millions dagriculteurs de la plante qui possdent un tracteur (et tout ce qui va avec : semences slectionnes, engrais, pesticides, irrigation,

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assistance technique, possibilits de stockage, etc.) ont actuellement un avantage comparatif important par rapport aux 250 millions dagriculteurs qui en sont rests la traction animale (bufs, zbus, nes, chameaux, mulets) et des techniques souvent rudimentaires, et un avantage considrable par rapport au milliard dagriculteurs qui ne disposent que de leur propre force physique et souvent aucun accs ces amliorations techniques. Mais avec un ptrole 200 $ le baril, voire bientt 200 et plus, nous devrons, comment on le dtaillera ci-dessous, rinventer entirement les techniques modernes dagriculture. Pour commencer, il faudra beaucoup moins labourer, diminuer lutilisation des engrais de synthse, arrter de chauffer les serres lhiver et relocaliser une partie importante de la production agricole au plus prs des zones de consommation. Cette situation est aggrave par le fait que, tant quon ne sait pas bien stocker lnergie, tous les vhicules auront durablement besoin de carburant pour se dplacer (sauf les rares vhicules qui peuvent accder en permanence une source dnergie, les trains, mtros et tramways). Dans ce contexte, les 600 millions dautomobiles et les 200 millions de camions de la plante, dont le nombre devrait doubler dans cette premire moiti du sicle, risquent de devenir des concurrents redoutables pour laccs aux ressources vgtales, comme on le verra ci-dessous. Il faudra changer radicalement de manire de comptabiliser la productivit agricole, sachant que lorque lon produit ou quon achte un produit, on produit ou on achte le monde qui va avec. La science conomique nous a appris que le plus rare de tous les facteurs de production doit tre sauvegard au maximum. Par exemple largent (do le concept de rentabilit du capital investi), le travail (productivit par unit de travail humain), ou la terre (productivit lhectare). En ce dbut du XXIe sicle, nous allons progressivement devoir ajouter ces raisonnements des lments nouveaux comme la productivit par litre deau ou par litre dquivalent ptrole, ou par litre de gaz carbonique envoy dans latmosphre, puisque ces trois facteurs deviennent fondamentaux ; les deux premiers tant trop rares et le dernier trop abondant. Qui sait vraiment parmi les agriculteurs combien de litres deau ou dquivalent ptrole il utilise aujourdhui pour produire un quintal de bl, ou combien il rejette de gaz effet de serre ? Sans ces informations dornavant essentielles, comment faire des choix rellement citoyens et la hauteur des enjeux de lpoque ? Voil de nouveaux chantiers dfricher, et lEurope devrait tre moteur en ce domaine.

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Comment volue la demande alimentaire ?La simple hausse de la population oblige augmenter de 1,2 % par an la production agricole (80 millions de personnes sur 6,5 milliards). Cest sans compter le changement de rgime alimentaire et le gchis li au stockage, au transport ou aux dchets, qui font que la demande augmente en fait de prs de 2 % par an. Au total, le d auquel doit faire face lagriculture mondiale est simple : doubler la production agricole mondiale dici 2050. Mais avec des disparits considrables suivant les continents. Il faudrait multiplier par cinq la production agricole en Afrique et mme seulement par trois si les Africains restent vgtariens (la population va doubler, et dj 30 50 % ne mange pas sa faim). Cest pratiquement irralisable. En Asie, il faut multiplier la production par 2,3, un autre d considrable compte tenu de la grande productivit actuelle et du manque de terres, et en Amrique latine par 1,9. Examinons de plus prs le dtail de lvolution de cette demande.

2,5 milliards de bouches supplmentaires nourrir68La population mondiale augmente de plus de 200 000 personnes par jour, et prs de 80 millions par an. Autant de consommateurs en plus. Il est compliqu dvaluer trs prcisment combien nous serons sur la plante en 2050 et a fortiori en 2100. On peut cependant remarquer que partout o le niveau de vie augmente, la natalit diminue. On peut galement observer les effets dune politique trs volontariste de diminution de la natalit telle quelle a t applique en Chine depuis plusieurs dcennies : elle na pas pu empcher que la population passe malgr tout de 700 millions 1,3 milliards dhabitants. En labsence de politique de diminution de la natalit, il est donc inluctable que la population africaine augmente massivement au cours de ce sicle, provoquant malheureusement une nouvelle augmentation de la mortalit (par maladies, famines, guerres, etc.). Les prvisions les plus solides conduisent imaginer une population mondiale autour de 9 milliards dhabitants en 2050, avec une certaine stabilisation dans la deuxime moiti du sicle, ce qui veut dire quil faudra accueillir au moins 1,1 milliard dAsiatiques, 800 millions dAfricains et 400 millions de Latino-Amricains supplmentaires. La population europenne, elle, devrait diminuer (il ne reste plus que deux pays au-dessus du seuil de renouvellement de la population, lIrlande et la France). Mais il est probable quon assistera, malgr toutes les proclamations sur la fermeture

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des frontires, une immigration massive, ne serait-ce que pour maintenir peu prs la population active. On peut tre optimiste et observer quon a fait beaucoup mieux au XXe sicle, lequel a dmarr avec 1,8 milliard dhabitants et termin avec 6,3 milliards, soit 4,5 milliards dhabitants supplmentaires. Comme il y a peu prs autant de gens qui ont faim aujourdhui quil y a cent ans (autour de 850 millions), on a bel et bien russi ce tour de force au XXe sicle de nourrir 4,5 milliards de bouches en plus. Mais on peut galement tre pessimiste, en observant que cest le plus facile qui a t fait (produire plus de nourriture avec beaucoup plus dintrants : plus de terres, plus deau, plus dnergie et plus de chimie) et que le d du XXIe sicle va tre beaucoup plus compliqu relever : cette fois-ci il faudra produire plus avec moins : moins de terres, moins deau, moins dnergie et moins de chimie. On touche concrtement aux limites de la plante, et il faudra beaucoup dintelligence et de mobilisation collective pour arriver franchir le cap.

Beaucoup plus de gens qui mangent de la viandeSous toutes les latitudes et dans toutes les cultures, on observe un phnomne absolument universel : quand des populations qui ont manqu de nourriture pendant de nombreuses gnrations accdent un peu daisance matrielle, elles se prcipitent pour acheter et consommer des sucres, des graisses et dune manire gnrale des produits animaux (viande, lait, ufs). Cest ce qui sest pass en France au XXe sicle : depuis 1950, on est pass de 44 85 kilos de viande par an et par habitant, de 5 18 kilos de fromage, de 10 25 kilos de poissons, de 5 14 kilos dhuile. En revanche on a diminu de plus de moiti la consommation de pain et de pommes de terre. On observe dsormais ce phnomne dans les classes moyennes des pays mergents, en particulier Chine (pour la viande) et Inde (pour le lait). On parle l de centaines de millions de personnes. Et encore on na pas vu le pire : imaginons que les ouvriers chinois, qui peuvent maintenant mettre une aile de poulet dans leur riz, se mettent en plus consommer du fromage, et que les employs indiens, qui boivent davantage de lait, arrtent de croire la rincarnation et se mettent manger aussi de la viande Il faut en moyenne 4 kilos de protines vgtales pour produire un kilo de poulet. Ce rapport est de 6 pour 1 pour le porc et de 12 pour 1

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pour le buf 1. Les populations qui auparavant taient bien obliges dtre vgtariennes et qui deviennent carnivores augmentent donc trs fortement les ponctions sur les ressources de la plante, en particulier surtout ce qui va manquer : terre, eau et nergie. Si la surpopulation mondiale est un phnomne inquitant, noublions pas un autre fait : la vraie surpopulation, cest celle du btail. Le poids cumul des 1,4 milliard de bovins est actuellement suprieur celui des 6,5 milliards dhumains sur la plante. 80 % de lalimentation animale provient de cultures qui conviendraient galement la consommation humaine : mas, bl, soja, colza, etc. Les animaux dlevage accaparent eux seuls 44 % de la production mondiale de crales. Un vgtarien consomme en moyenne 180 kilos de grains par an et un consommateur de viandes 930 kilos par an. Il est fort peu probable quon empchera les classes moyennes du monde dacheter davantage de produits dorigine animale. La politique la plus raliste consiste donc acclrer autant que possible lvolution naturelle, qui fait quaprs plusieurs gnrations dabondance, de gchis et dobsit, les gnrations deviennent plus raisonnables et nissent par manger moins de viande et plus de fruits et lgumes, pour mincir nouveau. On pourrait alors partiellement compenser laugmentation de la consommation des classes moyennes dans le tiers monde par une diminution de celle des classes aises du monde occidental. Mais on ne voit pas trs bien quelles politiques mettre en place pour acclrer le processus.

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Un gchis proprement scandaleuxEntre 10 % et 15 % des rcoltes mondiales sont perdues, avec des pointes allant jusqu 50 % dans certaines zones. Dans le cas des crales, les causes sont multiples : perte de grains avant ou pendant la rcolte, chute des tiges, pourrissement lors du stockage, attaque des oiseaux, des insectes ou des moisissures, envol pendant le transport ou le battage, etc. Il y a l un norme1. Le cas des boeufs est plus complexe que celui des poulets ou des porcs, car la majorit dentre eux broutent lherbe de champs qui peuvent difcilement servir produire des crales, et on peut estimer quils entretiennent ainsi la nature et les paysages. Il consomment eux aussi trs souvent des complments craliers, mais raison en moyenne de 3 kg par kilo de viande. Donc vu sous cet angle, cest nalement le meilleur rapport consommationproduction, tant quon ne dcide pas daugmenter massivement la production. Car si on le fait, soit on va puiser les pturages et les transformer en dsert (cest ce qui se passe au Sahel ou en Mongolie par exemple), soit on va revenir une alimentation articielle et donc retomber dans un prlvement de ressources plantaires insupportables Mais par ailleurs, ils ont une fcheuse propension scrter et ructer du mthane quand ils ruminent, aggravant leffet de serre. Le bilan total nest pas vident.

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gisement exploiter au XXIe sicle, sur le modle de ce quont par exemple ralis les pays europens ; des investissements importants dans le stockage sont notamment indispensables dans de nombreux pays du Sud. Mais les pays riches occidentaux et en transition ont galement leurs propres problmes de gchis, qui se sont dplacs de la production vers la consommation. Les quantits de nourriture jetes la poubelle, tous les stades, sont phnomnales, depuis les supermarchs dont les salaris disent souvent que leur plus gros client, cest la benne ordure , jusquaux restaurants et cantines dont les normes sanitaires empchent de resservir les restes de nourriture, en passant par les particuliers. Depuis les rcentes crises sanitaires, il devient mme de plus en plus difcile de rcuprer les restes des restaurants et autres boulangeries pour approvisionner les porcheries. De plus, la tendance est laugmentation de la taille des portions servies, particulirement aux tats-Unis (les portions nord-amricaines sont 30 40 % plus abondantes que les portions europennes dans des restaurants comparables), ce qui augmente la fois lobsit et la taille des poubelles. Il y a actuellement 850 millions de gens qui ont faim dans le monde, comparer aux 1 100 millions de gens en surpoids (dont prs de 400 millions sont obses). Et ces chiffres augmentent trs rapidement. Selon lOrganisation mondiale de la sant, lobsit constitue la premire pidmie non infectieuse de lhistoire de lhumanit. Sans oublier le poids considrable des emballages alimentaires (la plupart du temps non consignables et peu recyclables), les kilomtres effectus en voiture pour aller faire ses courses au supermarch, et la fcheuse habitude prise par les Occidentaux de consommer de tout 12 mois par an. Manger des tomates en janvier, cest dabord manger du ptrole, soit celui qui a fait fonctionner lavion qui les a livr depuis un pays du Sud, soit celui qui a chauff la serre prs de chez nous. Tout cela reprsente un gaspillage qui va bientt apparatre dun autre sicle .

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800 millions de nouveaux consommateursComme on la vu ci-dessus, tant quon na pas trouv de moyens efcaces de stocker lnergie ni dnergie transportable alternative bon march, la voracit des 800 millions de vhicules, dont les propritaires sont tous solvables, reprsentent une menace considrable daugmentation de la demande de produits agricoles. Si elle se concrtise, elle provoquera immanquablement des conits majeurs entre lassiette des pauvres et le rservoir dessence des riches. Dans ltat actuel des techniques des agro-carburants de premire

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gnration, 1 hectare de colza permet une voiture diesel de rouler 25 000 km et 1 ha de betteraves sucre permet une voiture essence de rouler le double. Sans compter quil faut actuellement environ 1 tonne dquivalent ptrole pour arriver produire 3 tonnes dquivalent diester ! Pour arriver faire rouler toutes les voitures franaises aux agrocarburants avec les technologies actuelles, il faudrait y consacrer la totalit des surfaces agricoles du pays. Mais alors que mangerions-nous ? La premire gnration des agrocarburants, base de crales et dolagineux, reprsente donc une vritable erreur historique. On nen pensait que du bien : ils allaient soutenir les cours dfaillants, lutter contre leffet de serre, crer des emplois, contribuer lindpendance nergtique nationale. Cruelle dception : ils provoquent des pnuries graves et ont un cot cologique prohibitif, tel point quon commence se demander si, au bout du compte, ils naggravent pas leffet de serre. On na durablement pas assez de crales et dolagineux, et choisir den brler dans les moteurs ne saurait reprsenter une solution durable. Cette erreur est, toute proportion garde, comparable celle qui a conduit au scandale des abattoirs de la Villette. Beaucoup de gens ont honntement pens que pour garantir la scurit alimentaire Paris, il fallait y amener les animaux vivants et en bonne sant et les abattre sur place. peine le gigantesque abattoir termin, on sest aperu quil y avait une faille dans le raisonnement, que les transports incessants et massifs danimaux vivants prsentaient eux-mmes de nombreux risques sanitaires, et quil tait prfrable dabattre les animaux au plus prs les levages et transporter la viande dans des camions rfrigrs. Finalement, on a transform cet abattoir en muse. Il est probable que nous devrons faire la mme chose pour les quelques usines de biothanol et de diester de la premire gnration ; heureusement, nous nen avons pas construit beaucoup en Europe, contrairement aux tats-Unis qui en ont, eux, ralis 170. Comme nous le verrons plus loin, ce pays rserve ses excdents de mas la fabrication lessence, au dtriment du ravitaillement alimentaire du Mexique. Si les Europens persistent dans cette politique, ils risquent de devenir galement des affameurs de la plante . La feuille de route est simple en la matire : il faut trouver, sur le modle de ce qui se passe au Brsil avec la canne sucre, des plantes qui fournissent beaucoup de biomasse en ncessitant peu dnergie (donc probablement des plantes prennes), qui consomment le moins possible deau (puisquelle va manquer), et qui poussent ailleurs que dans les champs dj utiliss pour produire de la nourriture (puisquil ny en a pas assez). Cest le d des

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agrocarburants de deuxime gnration, et on doit sy investir rapidement et efcacement pour diminuer les dlais annoncs de dix ans pour leur mise au point. Tenter dacclrer le processus en mettant au point de nouvelles plantes par gnie gntique semblerait indiqu.

Quelles nouvelles techniques pour satisfaire cette demande ?Une bonne part des techniques agricoles productives qui sont appliques aujourdhui, et qui ont permis de nourrir 4,5 milliards dhabitants de plus sur la plante, ont t inventes dans la deuxime moiti du XXe sicle, au cours de ce quon a appel la rvolution verte. Les succs ont t remarquables et durant les cinquante dernires annes, la production agricole a t multiplie par 2,6. Malheureusement le progrs nest pas un long euve tranquille, et on arrive au bout dun cycle de plusieurs dizaines dannes daugmentation de la productivit. Un champ de bl franais a dj progress de 20 80 quintaux lhectare en moyenne, et on ne voit pas trs bien comment ces mmes techniques permettront dans les prochaines annes de passer 150 quintaux lhectare. De mme, on est pass de 2 3 000 litres/an de lait par vache 10 000, et on ne se voit pas passer 20 000. Nettement plus grave est la situation en Asie. La rvolution verte y a accompli des miracles et permis dapprocher les 4 milliards dhabitants. Nanmoins la productivit a recommenc y stagner depuis une quinzaine dannes. On nest pas sr que les progrs de la gntique conduisent trouver des plantes qui produisent encore beaucoup plus. De plus, ces varits haut rendement se rvlent extrmement sensibles : elles nexpriment pleinement leur potentiel que lorsque les conditions optimales de temprature, dhumidit, de protection et de pratiques culturales sont runies. Les excs dpandage dengrais, dherbicides, dinsecticides et de fongicides ont ni par polluer les terres, puis les nappes phratiques, et poser de rels problmes de sant humaine. La destruction dune part importante de la biodiversit, la surexploitation des nappes phratiques, la salinisation acclre des sols, lrosion puis la dsertication des rgions entires seront des prix importants payer. Les changements climatiques font que ce qui tait vrai hier en matire de pratiques culturales risque de ne plus ltre demain. La demande sociale de produits plus sains, plus varis, plus naturels et contenant moins de produits chimiques, devient de plus en plus forte ; la rupture de conance entre les consommateurs urbains et les producteurs

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ruraux devient proccupante. Les nourrisseurs de lhumanit ne peuvent pas impunment prendre le risque de paratre ce quils ne sont pas, des empoisonneurs. Les solutions alternatives actuelles, type agriculture biologique sans aucun produit chimique, sont certes prometteuses, mais malheureusement nettement insufsantes puisquelles ne produisent pas assez, dans une priode o il devient crucial de produire davantage. Au total, le cocktail technologique actuel ne pourra probablement pas nourrir correctement 9 milliards dhabitants. Et encore moins rpondre en plus toutes les autres demandes dsordonnes de la socit : stocker le carbone, rgnrer leau et lair, produire de lnergie et des matires premires industrielles, entretenir une campagne accueillante, etc.

Une nouvelle agriculture cologiquement intensiveOn a donc un besoin urgent dune nouvelle rvolution agronomique doublement verte , et dune agriculture cologiquement intensive . Lide de base et quil faut remplacer rapidement la plupart des apports articiels par des apports naturels, faire faire par les plantes et les animaux auxiliaires de culture ce quautrefois on conait la machine et la chimie. Les progrs attendus sont immenses, et il convient pour cela de dpasser les clivages actuels entre ceux qui veulent produire mieux et ceux qui veulent produire plus, les deux restant malheureusement largement antinomiques jusqu aujourdhui : la quasi-totalit des agriculteurs qui passent lagriculture biologique produisent moins. Ce qui tait une qualit lorsque, trs provisoirement, on avait trop de production en Europe, devient problmatique alors mme que les pnuries sinstallent dans le monde. Dun autre ct, lagriculture dite productiviste na pu vraiment se dvelopper, comme la plupart des techniques du XXIe sicle, que parce quelle a privatis la production et socialis ses inconvnients en termes denvironnement ou de sant publique. Deux grandes cultures intellectuelles doivent trouver maintenant les moyens de travailler ensemble : celle des agronomes, culture de laction, et celle des cologues, culture de lobservation. Il faut la fois comprendre et agir, pour trouver les cls de lagrocologie, qui permettra de produire la fois plus et mieux, avec moins. Il faut galement dpasser le clivage entre les chercheurs et les agriculteurs pour fonder une nouvelle recherche dans

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le dialogue local entre les thoriciens et les praticiens. Au total, une triple alliance entre les sciences agronomiques, sociales et cologiques. Parmi les pistes explorer, toutes celles qui permettent damliorer naturellement la fertilit des sols, ce qui va bien au-del de retourner les sols avec des charrues de plus en plus agressives. Il est mme probable quon va labourer de moins en moins, puisque cette technique nest plus rellement adapte au XXIe sicle (elle consomme beaucoup dnergie, expose les vers de terre la voracit des oiseaux, tasse les sols, favorise lrosion et la remonte des pierres la surface, offre les restes dengrais aux vents de lautomne et les transforme en gaz effet de serre, etc.). Il faudra apprendre tirer le meilleur parti des vers de terres, des bactries, des champignons, de lhumus, et de tout ce qui peut amliorer la fertilit des sols. Une autre ide consiste dire que nous navons plus les moyens de gcher les rayons du soleil qui arrivent sur une terre nue ; on doit tous les faire capter par des feuilles qui les utilisent pour stocker du carbone par le biais de la photosynthse ; on fait dj deux rcoltes par an dans les pays tropicaux, il faut absolument en faire deux galement dans les pays temprs : une lhiver pour nourrir la terre avec des plantes qui xent en particulier le carbone et lazote, permettant ainsi dconomiser des engrais, et une lt pour nourrir les hommes. Autre tendance, lexploration systmatique de toutes les associations de varits et despces diffrentes sur un mme champ, de faon nourrir et protger les plantes de faon plus naturelle, dont les systmes agroforestiers qui associent certaines espces darbres permanents avec des cultures annuelles. Lide est de combiner de faon optimale diffrentes fonctions spciques de certaines plantes : pompage des lments nutritifs, xation de lazote, rpulsion des insectes, rsistance aux maladies, accueil des auxiliaires de cultures, rsistance au vent, conservation de lhumidit, enrichissement du sol, etc. Tout ce qui permettra dconomiser leau et de lutiliser au maximum pendant toute lanne, sera galement le bienvenu, ainsi que les techniques indispensables de drainage : travaux et couvertures des sols, techniques dinltration, de captage et de stockage, utilisation de varits moins gourmandes en eau, etc. Il faudra galement faire des progrs dcisifs dans le contrle moins agressif des maladies et des ravageurs. Les techniques de lutte biologiques

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ont t trs largement dlaisses au prot des techniques de lutte chimique. Il est temps dinverser les priorits. Le programme est vaste. Il sagit dun effort collectif volontariste et durable comparable celui quont fait les Amricains et les Russes pour gagner la course la lune. Il reste esprer que les crises alimentaires des annes 2007 et 2008 auront sufsamment frapp les esprits pour mettre ce programme de recherche et dexprimentation au coeur des stratgies des diffrents gouvernements, en particulier en Europe. Lavenir de lhumanit est certainement encore plus dpendant du succs de ce programme que de celui des recherches en informatique, lectronique et tlcommunication. Mais il faudra aussi changer dtat desprit et non plus chercher une seule solution valable pour tous, mais un ventail de solutions, chacune valable micro-localement, au niveau du village voire mme du vallon ! Une agriculture ultra diversie, localise, trs grande intensit intellectuelle locale.

Des progrs possibles grce la matrise de la gntique76Le d qui est pos pour nourrir lhumanit au XXIe sicle est tellement grave et important, quil parat fou de se priver de lun des progrs dterminants du XXIe sicle la matrise plus complte de la gntique. Cette science est vieille comme lhumanit. Elle se base sur la sagesse populaire bon sang ne saurait mentir . Elle a conduit par slections successives amliorer considrablement les varits et les races, tant en matire vgtale quanimale. Le tournant du XXIe sicle, cest la comprhension de ces phnomnes partir du dcryptage du gnome. On ne se contente plus de constater que telle varit vgtale ou telle volution dune race animale est plus productive, on commence comprendre pourquoi. Il devient alors tentant de slectionner les seuls individus qui possdent le gne recherch pour ses qualits intrinsques, puis de transfrer ce gne un groupe dindividus de faon obtenir un ensemble homogne possdant la caractristique recherche. On en est au tout dbut de cette science, et les premiers organismes gntiquement modis du dbut du XXIe sicle feront sourire dans 50 ans, lorsquil y en aura des milliers utiliss couramment. Croire que quelques gnes sauveront lhumanit semble simpliste lheure o tout va devenir plus complexe, plus diversi, plus adapt aux conditions cologiques locales. Les rponses aux ds que posent lalimentation

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lchelle mondiale ne peuvent tre que locales et multiples et toute rponse globale et unique devient par nature suspecte. Mais croire quon peut se passer dun pan entier de la science pour alimenter 9 milliards dhabitants en 2050 semble tout aussi anglique. Si lon trouvait des plantes qui poussent en consommant moins deau parce que, comme celles qui arrivent pousser dans le dsert, elles ferment leurs stomates et arrtent de transpirer lorsquil fait trop chaud, cela pourrait reprsenter un progrs dcisif pour lhumanit, surtout en cette priode de rchauffement climatique. De mme si lon augmente la rsistance de certaines plantes au froid, au chaud, laltitude, au sel, leau stagnante, au pourrissement. Ou si lon trouvait des plantes plus riches en protines, en vitamines, en antioxydants, en omga 3, en acides amins, etc., ou qui contiennent moins dlments allergnes ou difciles digrer. Ou des plantes qui fourniraient de lnergie bon compte pour nos voitures, etc. Les champs de recherche sont immenses. On voit ainsi que les deux applications des premiers OGM mis sur le march la rsistance un herbicide et la rpulsion de certains insectes seront certainement marginales lhorizon 2050, sans compter quil sagit dOGM fonction destructive (mort dinsectes ou de mauvaises herbes), et donc chargs symboliquement pour ceux qui les mangent. La plupart des dcouvertes venir devraient concerner des progrs perus comme positifs par les agriculteurs et les consommateurs, des OGM de vie . Se dcourager sur la base des premiers OGM, certes imparfaits, et de lenvironnement social, juridique et conomique impos par la premire entreprise qui sest lance dans cette activit semble vellitaire. De mme que linformatique a dmarr sa vie dans un modle plus ou moins militariste et dirigiste dont le reprsentant principal tait une grosse socit amricaine (IBM) avant que ce modle nexplose, la recherche sur les OGM a t marque par les conditions de son dmarrage par une grande socit prive amricaine (Monsanto) laquelle les pouvoirs publics amricains ont tout pass : laxisme juridique avec la privatisation du vivant et des homologations sur la foi dessais non indpendants et non contradictoires, protection de la justice contre toute vellit daction indpendante des agriculteurs etc. Les Amricains continuent sur le modle qui avait t thoris il y a quelques dcennies par le slogan ce qui est bon pour la General Motors est bon pour les tats-Unis (et, sous-entendu, pour le reste du monde). Ils nont fait que remplacer General Motors, un peu dmod, par Monsanto, plus moderne !

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Lautre grand pays agricole mondial, la Chine, sest aussi lanc dans cette course la connaissance, avec ses propres valeurs et ses propres habitudes juridiques, sociales et conomiques du type parti communiste , sans grande transparence non plus. LEurope a donc son mot dire sur ce dossier, diffrent de ceux des tats-Unis et de la Chine, avec ses valeurs, ses priorits, sa manire de faire, et son environnement juridico-socio-conomique ; il est temps quelle le fasse, au lieu de se contenter de ragir laction des autres. En particulier en lanant des grands programmes de recherche publics ou nancs par le public, sur des priorits dbattues dmocratiquement, avec son propre quilibre entre innovation et prcaution, et avec une autre politique que celle de la privatisation du vivant

Quelle organisation efcace du monde agricole et alimentaire ?

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Il ne suft pas de produire, encore faut-il tre bien organis pour que la nourriture produite dans le monde arrive rgulirement et un prix acceptable tous les consommateurs, o quils habitent. Historiquement, la plupart des grands pays sont intervenus pour rguler les marchs alimentaires, au moins dans les grandes villes, pour compenser les alas de la production due aux conditions mtorologiques ou sanitaires (le prix du pain Paris a t x par le gouvernement de 1268 1986). Les foules rvolutionnaires qui partent chercher Versailles, en 1789 et pleine disette, le boulanger, la boulangre et le petit mitron montrent quel point, pour le peuple, le premier rle du roi, sa principale lgitimit, tait de fournir du pain au peuple. premire vue, cest en dveloppant les campagnes et lagriculture quon a le plus de chances dapprovisionner rgulirement les villes. Mais la n du XXe sicle o le prix des transports a fortement chut, compte tenu de la proximit de la plupart des capitales et mtropoles des grandes voies de communication terrestres ou des ports, et au vu de la constante incertitude concernant les rcoltes, nombre de responsables politiques trouvent plus simple de sapprovisionner sur le march mondial, qui est souvent nettement moins cher que le march local. Dautant plus quils en protent pour prlever sur ce commerce des ressources, publiques ou prives.

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Du volontarisme au libralisme en matire agricoleAprs la Seconde Guerre mondiale, en mme temps quon installe les Nations unies New-York, on installe Rome la FAO (Food and Agriculture Organisation), charge de prvenir la guerre en faisant en sorte que chacun puisse manger sa faim, tellement il paraissait vident que les deux allaient de pair. Plus tard, on a assist un transfert de la responsabilit de lorganisation de lagriculture mondiale de la FAO lOrganisation mondiale du commerce (OMC). La thorie sous-jacente tait que ce qui avait bien march dans lindustrie (privatisation, libralisation des changes et spcialisation de chaque pays l o il a le plus davantages comparatifs) devait galement marcher dans lagriculture. Apparemment, la formule tait magique : le retour une concurrence ouverte ne pouvait que tirer vers le bas les prix mondiaux des produits alimentaires. Cela devait permettre aux urbains des pays pauvres dacqurir de la nourriture, rduisant sensiblement le problme de la faim dans le monde. Les agricultures comptitives prospreraient, et les paysans du tiers monde vendraient mieux leur production, qui serait moins concurrence par les produits subventionns des pays occidentaux. Le march unique devait tout rgler, beaucoup mieux que laction dsordonne et contradictoire des diffrents gouvernements. Physiquement, les experts des grandes institutions nancires se sont donc retirs des campagnes du tiers monde, en particulier des campagnes africaines. Ils les frquentaient beaucoup dans la priode de la dcolonisation, o lon avait limpression que la dynamique de lindpendance rendait tout possible. On avait alors lanc dans les annes 1950 1970 de grands programmes de dveloppements ruraux sur la base de la rvolution verte. Ces programmes ont donn des rsultats positifs en Asie et plus ponctuellement en Afrique (primtres irrigus, net accroissement de la production et de la productivit du travail dans certaines zones cotonnires grce la traction animale et des crdits dquipements). Toutefois, sans prendre en compte que le dveloppement rural demande de la persvrance et que chaque tape se mesure en dcennie(s), et sans sufsamment chercher corriger les erreurs commises, le changement dorientation des annes 1980 et 1990 a conduit rduire drastiquement les prrogatives des tats africains et ne laisser sur le front du dveloppement rural que des ONG, fonctionnant avec des nancements limits et de courte dure (3 5 ans) et changeant trop frquemment dorientation au gr des modes de leurs bailleurs de fonds.

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Les experts de ces mmes institutions ont demand aux tats de rduire fortement les programmes de soutien au secteur rural, arguant du fait quils taient inefcaces et engendraient fonctionnarisation, bureaucratisation et corruption, et que le modle de dveloppement asiatique centr sur lindustrie et les services fonctionnait mieux. Chaque fois quun pays avait des difcults pour rembourser sa dette, le Fonds montaire international et la Banque mondiale ont fait de ce dsengagement une condition de leurs aides : arrt du soutien lagriculture vivrire, coteuse et qui ne rapporte rien ; les seuls soutiens accepts taient ceux dirigs vers les productions exportables tropicales et donc sans concurrence au Nord (caf, cacao, arachide, coton, etc.), qui devaient permettre dobtenir des devises, et donc de rembourser les dettes. Le cycle a dur plusieurs dizaines dannes. On continuait avoir faim sur la plante, mais essentiellement dans les campagnes silencieuses (il y a autant de personnes malnutries en 2008 quun sicle plus tt, en 1900, soit 850 millions de personnes, mais elles vivent sans faire de bruit la campagne et sont devenues minoritaires lchelle mondiale). Lensemble de la population des pays riches se nourrissait, ainsi que la majorit des populations des grandes villes du tiers monde (en partie grce aux excdents agricoles vendus bas prix). Du coup, trois phnomnes excdents agricoles dans un certain nombre de rgions comme lEurope, les tats-Unis, lAustralie, le Brsil ; baisse des prix sur les marchs internationaux ; croissance asiatique ont occult tous les autres et en particulier les phnomnes mergents comme la croissance de la demande alimentaire en Asie, lpuisement des ressources naturelles, la dgradation du climat sur la plante, la n des effets de lactuelle rvolution technologique agricole. Mais cette situation tait fragile car elle reposait sur la capacit durable dun certain nombre de pays produire des excdents bon march, et sur la capacit transporter de faon sre et peu onreuse dnormes tonnages de produits prissables travers le monde. De plus, nourrir les villes de cette faon, cest aussi indirectement grossir les bidonvilles o arrivent les paysans ruins, obligs de quitter leurs champs pour sapprocher physiquement des sources dapprovisionnement. Le phnomne sest emball avec la croissance dmographique : on a ainsi constat que plus la population dun pays est importante, moins celui-ci importe de grains par habitant (car il na plus dargent), mais plus il privilgie le march mondial par rapport au march local. Seuls subsistent alors les producteurs

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de fruits et lgumes autour des villes, les produits frais restant difciles transporter massivement dun continent lautre. De plus, le commerce international des produits alimentaires ne porte actuellement que sur 15 % de la production mondiale et moins de 10 % des changes de marchandises dans le monde (de lordre de 700 milliards de dollars en 2003 sur un total estim denviron 7 500 milliards de dollars). Les crales, produit indispensable et des plus chang dans le monde, ont t exportes en 2004 hauteur de 275 millions de tonnes, sur une production totale de 2 200 millions de tonnes. En cas de problmes, les pays exportateurs commencent par garder pour eux leur production et sacrient dabord la petite part quils exportent (cest ce quon a vu en 2008 avec les interdictions dexporter quont dict plusieurs pays producteurs de riz). Les pays qui ont nglig les agriculteurs et sont devenus trs dpendants des importations se retrouvent donc du jour au lendemain avec des villes affames, et des meutes de la faim. Le Gabon importe 86 % de ses crales et lAlgrie 82 %. Recreront-ils une agriculture lorsquils nauront plus de ptrole pour payer ? Et que penser de la situation de pays trs faibles ressources comme Hati, qui importe 70 % de ses crales, le Sngal (61 %) et la Colombie (56 %) ? Le Sngal, par exemple, a laiss chuter sa production cralire de 20 % entre 1995 et 2002, alors que ses importations de crales progressaient de 68 %. Il achte bas prix de la brisure de riz thalandaise, ce qui ruine les riziculteurs de la rgion du euve Sngal, lesquels ne bncient pas des mmes conditions climatiques ni de production (rsultat : en 2005, la production nationale na atteint que 200 000 tonnes, contre 900 000 importes). Il importe galement du bl largement subventionn en provenance de lUnion europenne et des tats-Unis. Les Sngalais ont ainsi chang leurs habitudes alimentaires et consomment de plus en plus de pain ou autres produits alimentaires issus du bl, alors que leur climat ne leur permettra jamais den produire de faon signicative. La dpendance de ltranger ne cesse de crotre, dans un pays dont la vocation industrielle, qui permettrait de gnrer durablement des devises pour importer une partie de ses produits alimentaires, semble bien hypothtique. Le Mexique, qui a sign laccord de libre-change avec les tats-Unis et le Canada, a bnci dun dveloppement important de son industrie de montage (usines dites maquiladoras ). Ce pays exporte lui seul davantage que lensemble des autres pays latino-amricains et hauteur de 89 % vers les tats-Unis. Le commerce entre ces deux pays reprsente lui

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tout seul 10 % de lensemble des changes internationaux du monde. Mais du ct de lagriculture, les choses se sont droules bien diffremment. La productivit du travail agricole est 18 fois plus forte aux tats-Unis, les conditions climatiques et de sols y sont nettement plus favorables et les rendements moyens du mas quatre fois plus levs. Sans compter que lagriculture mexicaine est deux fois moins subventionne que lamricaine (en 2000, le secteur du mas amricain a reu 10 milliards de dollars de subventions, soit dix fois la totalit du budget agricole du Mexique). Quand, dbut 2007, les tats-Unis ont dcid de consacrer leurs surplus fabriquer de lthanol pour leurs voitures au lieu de lexporter (le Mexique achte 30 % de son mas chez son voisin) les prix de la tortilla, galette de mas la base de lalimentation mexicaine, ont augment de 50 %, et le niveau de vie de louvrier mexicain a baiss dun seul coup de 18 %. On voit bien que les meutes qui ont touch plus de 30 pays dans le monde dbut 2008 ne sont pas un phnomne ponctuel isol mais la consquence dune stratgie dorganisation mondiale de lagriculture dont le moins quon puisse dire est quelle tait trs risque. Il est urgent den changer, et par exemple de remettre en selle la FAO au dtriment de lOMC.

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Pour dvelopper lagriculture il faut la soutenir et la protgerLa quasi-totalit des grandes agricultures du monde sest dveloppe labri de frontires soigneusement contrles et de politiques publiques daide la modernisation de la production agricole et de rgulation des marchs. En particulier pour trois des plus grandes agricultures du monde, celles de la Chine, des tats-Unis et de lEurope. En fait, ce que lon a nomm politique agricole a dabord t partout une politique de lalimentation . Mpriss toutes les poques et sous toutes les latitudes, les paysans nont gure t au cur des proccupations des rois ni des gouvernements rpublicains, mme sils furent un temps majoritaires dans le corps lectoral. Et lorsquon se proccupait dalimentation, ctait surtout de celle des citadins, dont la possibilit dun soulvement reprsentait un vrai danger. Le souci de lalimentation est donc la base des politiques de scurit collective. Dans les priodes de vaches grasses, on a souvent observ les pays ngliger leur agriculture en comptant davantage sur les importations (par exemple lEurope coloniale), alors que chaque crise est suivie rapidement dune nouvelle politique agricole, par exemple en Europe aprs 1929 ou 1945.

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Beaucoup des dbats qui ont agit la fois le monde et lEurope depuis plusieurs dizaines dannes tournaient autour de lopportunit et les conditions de ces aides lagriculture. On en tait venu, comme on la vu plus haut, prconiser labandon pur et simple des soutiens. La crise de 2007-2008 risque de remettre en perspective ces dbats. Au XXIe sicle, il ny a rien de plus urgent et le plus important que lindpendance alimentaire, et pour cela, le libralisme apparat relativement inadapt. On peut observer que dans cette crise de 2008, les pays qui ont soutenu leur agriculture mangent tous, alors que pratiquement tous les pays qui ont connu des meutes de la faim sont des pays o on avait arrt de la soutenir. Le soutien lagriculture, cest comme lassurance, a ne cote cher que quand tout va bien ; lorsque le ppin arrive, on est bien content de stre assur ! Il nest plus temps de disserter sur larrt des soutiens aux agricultures, il faut au contraire gnraliser ces soutiens, et dans chaque cas et sous toutes les latitudes, rinventer de nouvelles politiques de soutien adaptes la situation locale, mme si leurs principales caractristiques resteront constantes, derrire les particularits locales. Les agriculteurs ont besoin dune politique dassurance face aux trois grands risques climatiques, sanitaires, et nanciers. Le pays qui naide pas ses agriculteurs aprs une scheresse ou une inondation catastrophique risque de les voir regagner les grandes villes et cesser purement et simplement leur activit. Il en serait de mme en cas dpidmie ncessitant par exemple labattage des troupeaux. Les dgts provoqus par une chute brutale des cours mondiaux, sur lesquels la plupart des cours intrieurs sont aligns, sont de mme ordre : ruine des agriculteurs et expansion rapide des bidonvilles. Les risques et les enjeux lis ce type dvnement sont tels que les systmes dassurance privs ne sufsent pas, mme dans les pays riches. A fortiori videmment dans les pays, trs nombreux, o les agriculteurs vivent dans une grande pauvret et pour lequel le moindre incident les fait basculer dans la faim. Les agriculteurs ont galement besoin dinvestir (matriels, produits chimiques, semences slectionnes, formation aux nouvelle techniques, etc.) et de bncier dinvestissements collectifs (en particulier lhydraulique et la communication). Le simple jeu des forces du march ne suft pas gnraliser ces investissements, et laction des pouvoirs publics est indispensable et dcisive en la matire. On a vu dans de nombreux cas que le simple micro crdit peut aussi transformer une rgion entire.

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Les consommateurs ont besoin, eux, davoir un approvisionnement rgulier et bon march. Cela passe galement souvent par des systmes de rgulation des marchs et de contrle des importations, mais aussi de subventions donnes au maillon le plus faible. Ce dernier est trs souvent lagriculteur local, mais il peut aussi tre le distributeur ou limportateur, voire le transformateur puisquune part croissante de lalimentation du monde provient de produits transforms et non plus de produits bruts de lagriculture. Les consommateurs ont galement besoin dune politique de sant publique, qui les protge en amont de faon ce quils ne mangent pas de produits nocifs pour leur sant. Des contrles sanitaires tous les maillons de la chane alimentaire restent absolument indispensables. Et il y a malheureusement bien peu de pays sur la plante qui disposent dun corps nombreux et comptent de vtrinaires non corrompus ! De plus, un des plus grands aux de la plante est actuellement le dveloppement de lobsit, et les gouvernements ne peuvent plus sabstenir dagir sur ce terrain. Enn la demande sociale de produits sains permettent de vivre longtemps en bonne sant est en forte croissance ; pour la satisfaire, lintervention publique restera longtemps ncessaire. Une politique damnagement des territoires savre tout aussi ncessaire. Pour prendre un exemple caricatural, si lon veut pouvoir skier dans les Alpes ou se promener dans le Massif central, il faut y maintenir une activit dlevage, forcment beaucoup moins rentable quen Normandie. La rpartition homogne de lagriculture sur lensemble du territoire ncessite de mettre en place une politique de compensation entre les cots moyens de production des zones de plaines riches et les zones de montagnes isoles. Une politique de contrle de lenvironnement ncessite galement laction des pouvoirs publics pour compenser la tendance naturelle des marchs produire davantage et moins cher au dtriment de la plante. Si on veut encore de leau potable, de la biodiversit, des paysages, etc., il faut mettre en oeuvre les politiques incitatives ou rglementaires qui vont avec. On voit bien que les ds normes de lpoque nindiquent pas quil faille arrter dinvestir dans lagriculture mondiale. Bien au contraire, il ny a rien de plus urgent que de rorienter les priorits des diffrents gouvernements en faveur dun soutien rsolu lagriculture, aux agriculteurs et la recherche en agriculture. Quitte refermer des frontires pour que chaque grande rgion du monde puisse se nourrir avec une certaine scurit.

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Mettons en place simultanment un nouveau plan Marshall pour dvelopper lagriculture vivrire dans les pays du Sud, en particulier africains, et un plan de recherche aussi ambitieux que celui de la conqute de la lune, pour inventer et mettre en place une agriculture haute intensit environnementale.

RsumEn 2007, plusieurs facteurs ont amen une prise en considration de la question alimentaire jusquici dlaisse, notamment en Occident : catastrophes climatiques, hausse des prix agricoles et du ptrole, effritement croissant de la supercie des terres arables malgr la forte augmentation de la population mondiale, stress hydrique, modications des habitudes des consommateurs, gchis alimentaire, etc. Ces dterminants vont amener des changements profonds dans la future gestion de la question agricole. Par consquent, pour relever ces ds, Bruno Parmentier propose une rvolution verte, base sur la nature et la gntique, amenant une agriculture cologiquement intensive. Concomitamment, une nouvelle rgulation mondiale de lagriculture est ncessaire visant mieux la soutenir et la protger.

AbstractIn 2007, food issues that have been put aside must be taken again into account due to several factors: climate disasters, agricultural products as well as oil price increase, decrease of available cultivable areas in spite of population growth, water stress, changes in consumer diets, food waste... These factors will lead to profound changes in the future agricultural management. To face the challenges of this situation, Bruno Parmentier suggests a green revolution, based on nature and genetics, leading to an ecologically-intensive agriculture.

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Pour aller plus loin sur lagricultureBruno Parmentier, Nourrir lhumanit, les grands problmes de lagriculture mondiale au XXIe sicle, La Dcouverte, 2007, prix Terra 2008. Michel Griffon, Nourrir la plante, Odile Jacob, Paris, 2006. La leon inaugurale prononce lESA dAngers par Michel Griffon n 2007 et dite par le groupe ESA sous le titre : Pour des agricultures cologiquement intensives et des territoires haute valeur environnementale est le premier ouvrage signicatif sur lagriculture haute intensit environnementale de laprs Grenelle de lenvironnement. Bernard Chevassus au Louis, Biodiversit, un nouveau regard et Refonder la recherche agronomique, leon inaugurale du groupe ESA, 2006. Edgard Pisani, Une politique mondiale pour nourrir le monde, Springer 2008 Edgard Pisani, Un vieil homme et la terre, Seuil, 2004, Edgard Pisani, Le monde pourra-t-il nourrir le monde, et lEurope garder ses paysans ?, leon inaugurale du groupe ESA 2004. Philippe Collomb, Une voie troite pour la scurit alimentaire dici 2050.

Et, plus gnralement sur la plante...Lester R. Brown, Le plan B, pour un pacte cologique mondial, Calmann-Lvy, 2007. Genevive Ferone, 2030, le Krach cologique, Grasset, 2008.

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GOCONOMIE | NOUVELLE MAQUETTEDOSSIER | LA FINANCEINTERNATIONALE EN BULLITIONWall Street et le reste des places boursires de la plante dvissent depuis la n de lt. En cette n danne 2008, la crise des subprimes et leffondrement de lempire bancaire amricain dessinent une nouvelle gopolitique internationale. La crise est internationale, mais contrairement aux discours par trop optimistes, le tsunami nancier guette dabord la vieille Europe. Comprendre les ressorts de la crise pour dceler les fractures stratgiques, tel est le contenu de cette livraison de Goconomie.

Revue trimestrielle 136 pages | 155 x 240 20 euros TTC ISBN : 978-2-916722-29-0 Achat en ligne sur www.choiseul-editions.com (paiement scuris)

>> DERNIERS DOSSIERSGOCONOMIE n46 | Le krach agricoleDans une conomie mondialise, lalimentation est devenue une arme au service de la puissance et de linuence des tats. Ce numro revient sur les mutations de lindustrie agricole, plus que jamais au coeur des grands enjeux conomiques.

GOCONOMIE n45 | Guerre conomique. Dbat, ralit et perspectivesPour conqurir des marchs extrieurs, protger leurs sphres dinuence, laborer des normes, les tats et les entreprises saffrontent dsormais visage dcouvert. Inuence , lobbying, dstabilisation par linformation, llan mondialiste a accouch de nouvelles pratiques. Ce numro se penche sur un nouvueau courant danalyse : la guerre conomique.

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