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Revue du rhumatisme 81 (2014) 89–92 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Fait clinique Glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’immunoglobulines (Ig)A chez un patient présentant une polyarthrite rhumatoïde traitée par abatacept Murielle Michel a , Patrick Henri b , Fabien B. Vincent c,, Nathalie Leon a , Christian Marcelli a a Service de rhumatologie, CHU de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex 9, France b Service de néphrologie, CHU Clémenceau, 14033 Caen cedex 9, France c B lymphocyte, BAFF and Autoimmunity Laboratory, Department of Immunology, Monash University, Central Clinical School, Alfred Medical Research and Education Precinct (AMREP), Level 2, AMREP Building, 89 Commercial Road, Melbourne, Victoria 3004, Australie i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Accepté le 21 mai 2013 Disponible sur Internet le 9 aoˆ ut 2013 Mots clés : Abatacept Biothérapies Cytotoxic T-lymphocyte antigen 4 (CTLA4) Glomérulonéphrite Immunoglobuline (Ig)A Polyarthrite rhumatoïde (PR) r é s u m é Nous rapportons l’observation d’une femme âgée de 47 ans, souffrant d’une polyarthrite rhumatoïde (PR) séropositive, présentant une glomérulonéphrite (GN) à dépôts mésangiaux d’immunoglobulines (Ig)A après l’introduction de l’abatacept (cytotoxic T-lymphocyte antigen 4 (CTLA4)-Ig), protéine de fusion modulant sélectivement la co-stimulation des lymphocytes T. Elle a été initialement traitée par corticoïdes, suivis par méthotrexate associé à un anti-tumour necrosis factor (TNF) (adalimumab puis eta- nercept), puis rotation vers l’abatacept en monothérapie, après échec secondaire de ces deux anti-TNF. Du fait de l’augmentation persistante de l’hématurie et de la protéinurie après l’introduction de l’abatacept, une biopsie rénale a été réalisée objectivant une GN à dépôts mésangiaux d’IgA, avec nécrose et formation de croissants extracapillaires. La GN à IgA à été considéré comme un potentiel effet secondaire au traite- ment par abatacept. L’abatacept a été arrêté et une corticothérapie a été initiée. La protéinurie a diminué les mois suivant l’arrêt de l’abatacept. Le court délai entre l’introduction de l’abatacept et la survenue de la GN à IgA, de même que l’amélioration de la GN dès l’arrêt de l’abatacept, renforce l’hypothèse que CTLA4-Ig puisse jouer un rôle crucial dans la pathogénie de la GN à IgA. La possibilité de survenue d’effets secondaires tardifs justifie une surveillance rénale au long terme chez les patients présentant une PR traitée par abatacept. © 2013 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1. Introduction La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie idiopa- thique chronique auto-immune systémique caractérisée par une inflammation synoviale pouvant entraîner des dégâts structuraux progressifs et irréversibles, se résumant essentiellement en une dégradation cartilagineuse et des érosions de l’os sous-chondral [1]. Des manifestations viscérales peuvent survenir dans la PR, parmi lesquels les atteintes rénales telle que la glomérulonéphrite (GN) (essentiellement mésangiale) [2], la néphrite interstitielle ou l’amylose secondaire. Les atteintes rénales induites par les médicaments, peuvent également survenir, et sont essentiellement liées à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (mise au point de Prete et al. [3]). Les dépôts amyloïdes et les effets DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2013.05.003. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais la réfé- rence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F.B. Vincent). secondaires des médicaments semblent être les causes les plus fréquentes. Parmi les biothérapies utilisées actuellement dans la PR, un modulateur sélectif de la co-stimulation des lymphocytes T (cytotoxic T-lymphocyte antigen 4 [CTLA4]-Ig), connue sous le nom d’abatacept, a démontré une efficacité clinique et structu- rale dans la PR (mise au point de Schiff [4]). La protéine de fusion recombinante humaine abatacept se lie au CD80/86 avec une affi- nité plus forte que le CTLA4 et le CD28, modulant ainsi la liaison de CD80/86 au CD28, et inhibant l’activation des lymphocytes T (mise au point de Fiocco et al. [5]). Nous rapportons le premier cas publié d’une PR séropositive chez une femme traitée par abatacept souf- frant d’une GN à dépôts mésangiaux d’IgA. 2. Observation Une femme âgée de 47 ans a été admise dans le service de rhu- matologie de l’hôpital de Caen, en France. Dans ses antécédents, on note une infection urinaire basse récidivante. Sa PR a été diagnostiquée en 2005, répondant aux critères de l’American Col- lege of Rheumatology (ACR). Elle a été initialement traitée par 1169-8330/$ see front matter © 2013 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2013.07.002

Glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’immunoglobulines (Ig)A chez un patient présentant une polyarthrite rhumatoïde traitée par abatacept

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Revue du rhumatisme 81 (2014) 89–92

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urielle Michela, Patrick Henrib, Fabien B. Vincentc,∗, Nathalie Leona, Christian Marcelli a

Service de rhumatologie, CHU de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex 9, FranceService de néphrologie, CHU Clémenceau, 14033 Caen cedex 9, FranceB lymphocyte, BAFF and Autoimmunity Laboratory, Department of Immunology, Monash University, Central Clinical School, Alfred Medical Research andducation Precinct (AMREP), Level 2, AMREP Building, 89 Commercial Road, Melbourne, Victoria 3004, Australie

i n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 21 mai 2013isponible sur Internet le 9 aout 2013

ots clés :bataceptiothérapiesytotoxic T-lymphocyte antigen 4 (CTLA4)lomérulonéphrite

mmunoglobuline (Ig)A

r é s u m é

Nous rapportons l’observation d’une femme âgée de 47 ans, souffrant d’une polyarthrite rhumatoïde(PR) séropositive, présentant une glomérulonéphrite (GN) à dépôts mésangiaux d’immunoglobulines(Ig)A après l’introduction de l’abatacept (cytotoxic T-lymphocyte antigen 4 (CTLA4)-Ig), protéine defusion modulant sélectivement la co-stimulation des lymphocytes T. Elle a été initialement traitée parcorticoïdes, suivis par méthotrexate associé à un anti-tumour necrosis factor (TNF) (adalimumab puis eta-nercept), puis rotation vers l’abatacept en monothérapie, après échec secondaire de ces deux anti-TNF. Dufait de l’augmentation persistante de l’hématurie et de la protéinurie après l’introduction de l’abatacept,une biopsie rénale a été réalisée objectivant une GN à dépôts mésangiaux d’IgA, avec nécrose et formationde croissants extracapillaires. La GN à IgA à été considéré comme un potentiel effet secondaire au traite-ment par abatacept. L’abatacept a été arrêté et une corticothérapie a été initiée. La protéinurie a diminué

olyarthrite rhumatoïde (PR)les mois suivant l’arrêt de l’abatacept. Le court délai entre l’introduction de l’abatacept et la survenuede la GN à IgA, de même que l’amélioration de la GN dès l’arrêt de l’abatacept, renforce l’hypothèse queCTLA4-Ig puisse jouer un rôle crucial dans la pathogénie de la GN à IgA. La possibilité de survenue d’effetssecondaires tardifs justifie une surveillance rénale au long terme chez les patients présentant une PRtraitée par abatacept.

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© 2013 Société Fr

. Introduction

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie idiopa-hique chronique auto-immune systémique caractérisée par unenflammation synoviale pouvant entraîner des dégâts structurauxrogressifs et irréversibles, se résumant essentiellement en uneégradation cartilagineuse et des érosions de l’os sous-chondral1]. Des manifestations viscérales peuvent survenir dans la PR,armi lesquels les atteintes rénales telle que la glomérulonéphriteGN) (essentiellement mésangiale) [2], la néphrite interstitielleu l’amylose secondaire. Les atteintes rénales induites par les

édicaments, peuvent également survenir, et sont essentiellement

iées à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (miseu point de Prete et al. [3]). Les dépôts amyloïdes et les effets

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2013.05.003.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc aise de cet article, mais la réfé-ence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (F.B. Vincent).

169-8330/$ – see front matter © 2013 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsttp://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2013.07.002

se de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

secondaires des médicaments semblent être les causes les plusfréquentes. Parmi les biothérapies utilisées actuellement dans laPR, un modulateur sélectif de la co-stimulation des lymphocytesT (cytotoxic T-lymphocyte antigen 4 [CTLA4]-Ig), connue sous lenom d’abatacept, a démontré une efficacité clinique et structu-rale dans la PR (mise au point de Schiff [4]). La protéine de fusionrecombinante humaine abatacept se lie au CD80/86 avec une affi-nité plus forte que le CTLA4 et le CD28, modulant ainsi la liaison deCD80/86 au CD28, et inhibant l’activation des lymphocytes T (miseau point de Fiocco et al. [5]). Nous rapportons le premier cas publiéd’une PR séropositive chez une femme traitée par abatacept souf-frant d’une GN à dépôts mésangiaux d’IgA.

2. Observation

Une femme âgée de 47 ans a été admise dans le service de rhu-

matologie de l’hôpital de Caen, en France. Dans ses antécédents,on note une infection urinaire basse récidivante. Sa PR a étédiagnostiquée en 2005, répondant aux critères de l’American Col-lege of Rheumatology (ACR). Elle a été initialement traitée par

evier Masson SAS. Tous droits réservés.

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F ontre les perfusions d’abatacept, le début de la protéinurie, l’arrêt de l’abatacept et lad . La valeur de référence de la protéinurie est inférieure à 0,15 g/24 heures.

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Tableau 1Caractéristiques démographiques, cliniques et biologiques de la patiente àl’inclusion.

Caractéristique Patiente

DémographiqueÂge (ans) 48Ethnie Caucasienne

PRDurée d’évolution (ans) 5Durée de suivi (ans) 5DAS28 NR

TraitementPrednisone (mg/j) 15

Variables biologiquesLeucocytes (/mm3), VR (4000–10 500) 11 190Lymphocytes (/mm3), VR (1300–4000) 2810Neutrophiles (/mm3), VR (1800–8000) 6850Créatinine (�mol/L), VR (40–100) 102CRP (mg/L), VR (0–6) 17VS (mm/h), VR (4–8) 21FR (UI/mL), VR (< 10) 130Anti-CCP (UI/mL), VR (< 20) 50Anticorps anti-DNAdb (UI), VR (< 7) Non détectable

CCP : cyclic citrullinated peptide ; CRP : C-reactive protein ; ADNdb : acide deoxyri-bonucleique double brin ; DAS28 : Disease Activity Score in 28 joints ; VS : vitesse

ig. 1. Évolution de la protéinurie de la patiente au cours du suivi. Cette figure misparition de la protéinurie suite à l’augmentation de la posologie de la prednisone

orticoïdes en 2005, puis par méthotrexate (MTX) (15 mg/semaine)er os, puis passage au MTX en sous-cutané (S/C) en 2006. Duait d’une réponse partielle au MTX, un traitement par adalimu-

ab (ADA), anticorps monoclonal anti-tumour necrosis factor (TNF)mise au point de Vincent et al. [6]), a été introduit en 2006 en asso-iation avec le MTX, puis passage vers le récepteur soluble du TNF,tanercept (ETN) (mise au point de Vincent et al. [6]) en 2009, duait de la survenue d’infections respiratoires hautes à répétition.n 2009, le MTX a été arrêté (échec secondaire) et remplacé par leeflunomide (10 mg/j) qui a été interrompu après l’apparition d’unedénopathie généralisée. Après l’échec de ces deux formes d’anti-NF, une rotation vers une autre biothérapie avec un mécanisme’action différent a été décidée en 2010, et la patiente a été miseous abatacept en monothérapie.

Lors de l’initiation du traitement par abatacept, le4 octobre 2010 (première perfusion [P1]), la patiente présen-ait une PR active, avec une arthrite des mains, des épaules, desieds, sans synovite clinique. Elle avait un syndrome inflamma-oire biologique avec accélération de la vitesse de sédimentationVS), augmentation de la C-reactive protein (CRP), ainsi qu’uneyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles. Son profil immu-ologique était caractérisé par une élévation du facteur rhumatoïdeFR) et des anticorps anti-peptide citrulliné cyclique (anti-CCP),ans anticorps anti-ADN double brin détectable. Le taux de créa-inine était normal, avec une clairance à 93,6 mL/min/1,73 m2. Il

avait une hématurie microscopique et une protéinurie (0,4 g/j)Tableau 1). À l’imagerie, la patiente avait une radio-carpite de la

ain droite. À noter qu’elle n’avait pas d’infection précédant laremière perfusion.

La patiente rec u sa première perfusion d’abatacept (1000 mg)u jour 0 (j0), ensuite tous les mois (750 mg), sauf à la perfu-ion numéro 7 qui a été reportée du fait de la survenue d’uneinusite (Fig. 1). Une analyse urinaire a été effectuée avanthaque perfusion, montrant une hématurie microscopique etne protéinurie progressivement croissante, atteignant 2,12 g/j le

février 2011 (P6) (Fig. 1). Les taux de créatinine étaient restés des valeurs normales. Deux échographies rénales, effectuéese 8 février et le 8 mars 2011 n’ont pas montré d’anomalies. Envril 2011, des lésions purpuriques sont apparues sur ses jambes.

de sédimentation ; UI : unités internationales ; NR : non reporté ; PR : polyarthriterhumatoïde ; FR : facteur rhumatoïde ; VR : valeurs de référence.

La PR était modérément active malgré le traitement par bio-thérapie (Disease Activity Score in 28 joints [DAS28] = 4,87). Lapersistance de l’hématurie microscopique ainsi que l’aggravationde la protéinurie a incité à l’arrêt du traitement par abataceptpour probable effet secondaire. La dernière perfusion a été réali-sée le 16 mai 2011. Le 6 juillet 2011, la patiente avait toujours unsyndrome inflammatoire biologique et le taux sérique de créati-nine était toujours dans les valeurs normales. Le taux sérique d’IgAétait augmenté (4,91 g/L). La protéinurie a continué d’augmenter,

atteignant 2,89 g/j en septembre 2011, alors que l’hématurie avaitdisparu (Fig. 1). Du fait de la persistance de la protéinurie, une biop-sie rénale a été réalisée le 28 octobre 2011, retardée pour cause
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M. Michel et al. / Revue du rhum

Fig. 2. Histologie rénale. A. Nécrose focale. B. Croissant extracapillaire avec nécrosesd

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aucune infection n’a été notée. L’interféron alpha (IFN�) pourrait

egmentaire et focale. C. Immunofluorescence : dépôts mésangiaux et pariétaux’IgA. Ig : immunoglobuline.

e difficultés techniques (obésité), objectivant une GN avec dépôtsésangiaux d’IgA, nécrose et croissants extracapillaires sur deux à

rois glomérules. En effet, trois glomérules montraient des signes deécrose partielle. Une coloration au trichrome de Masson fut réali-ée sur un croissant extracapillaire. Une partie du floculus semblaitompacte et adhérente à la capsule de Bowman. Sur les autres seg-ents, le floculus apparaissait normal et le mésangium était large,

vec prolifération cellulaire. Approximativement 20 à 30 % de laurface corticale était fibrosée, avec une infiltration lymphocytaire.’immunofluorescence a montré des dépôts mésangiaux et parié-

aux d’IgA, et des dépôts d’IgM dans certains segments, de C3 enariétal, sans fibrine ni IgG (Fig. 2A–C). La présence de croissantsémoignait de l’atteinte extracapillaire des glomérules, justifiant

atisme 81 (2014) 89–92 91

ainsi le début d’une corticothérapie le 23 novembre 2011. La protéi-nurie a continué à diminuer (0,87 g/j en décembre 2011) autorisantla diminution du traitement par corticoïdes (Fig. 1). À cette date,l’activité de la PR était faible (DAS28 = 2,49) avec une protéinurieactuelle à 0,40 g/j, mais la patiente souffre d’effets secondaires dela corticothérapie, tels que les vergetures.

3. Discussion

Nous rapportons le premier cas publié de GN à dépôts mésan-giaux d’IgA après traitement d’une PR par abatacept. L’hypothèsed’un effet secondaire lié au traitement est appuyée par le court délaientre l’initiation de l’abatacept et la survenue de la GN, de mêmeque l’amélioration rapide de cette néphropathie après l’arrêt del’abatacept. La biopsie rénale était compatible avec des lésions depurpura rhumatoïde (ou maladie de Henoch-Schönlein) [7], bienque ces lésions peuvent être aussi présentes dans la néphropathieidiopathique à IgA [8]. Cette GN pourrait également résulter d’uneffet secondaire tardif à un anti-TNF.

Quelques observations de GN probablement induite par lesanti-TNF ont été décrites dans la PR, parmi lesquels des GN extraca-pillaires à dépôts d’IgA [9–11]. Saint Marcoux et al. ont étudié39 patients présentant un rhumatisme inflammatoire chronique,dont la PR, l’arthrite juvénile idiopathique, le rhumatisme pso-riasique et la spondylarthrite ankylosante, traités par anti-TNF(infliximab (IFX), ADA ou ETN), et ont rapporté sept cas de néphro-pathie, parmi lesquels trois cas d’hématurie microscopique, quatrecas de protéinurie, et un cas d’insuffisance rénale sévère. Trois biop-sies rénales ont été réalisées, montrant une GN extracapillaire à IgAdans deux cas sur trois qui se sont manifestés par une hématurie etune protéinurie. Dans ces deux cas, l’administration de corticoïdeset de cyclophosphamide a permis une amélioration de l’hématurieainsi que de la protéinurie. Chez un de ces patients, l’anti-TNF aété réintroduit suivi par la réapparition de la GN [10]. Quelques casde vascularite cutanée avec dépôts d’IgA ont été décrits chez despatients présentant un rhumatisme inflammatoire chronique, trai-tés par anti-TNF (ETN, ADA et IFX) [9,12]. Un mécanisme possibleafin d’expliquer cette association est que les complexes immunsanti-TNF/TNF pourraient se déposer au niveau des petits capillaireset induire une réaction d’hypersensibilité de type III.

Un cas de maladie de Henoch-Schönlein chez une patiente pré-sentant une PR recevant un traitement par ETN a été rapporté[7]. Six mois après l’introduction de l’ETN, à 25 mg deux fois parsemaine, elle a présenté des lésions purpuriques au niveau desjambes. Le diagnostic de vascularite leucocytoclasique des petitsvaisseaux de la couche supérieure du derme avec dépôts d’IgA aété confirmé par immunofluorescence directe. La patiente avait unsyndrome inflammatoire biologique avec hyperleucocytose, élé-vation de la CRP et du complément. Son profil immunologiqueétait caractérisé par la présence d’un taux élevé de FR, d’anticorpsantinucléaires (AAN), mais sans anticorps anti-ADN double brindétectable, ni d’anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neu-trophiles, d’anti-cardiolipine ou de complexes immuns circulants.Les taux sériques des IgG et des IgA étaient élevés. Le taux decréatininémie est resté dans les valeurs normales. Le diagnostic demaladie de Henoch-Schönlein a été posé. L’ETN a été arrêté, et untraitement par dapsone a été initié, suivi par l’augmentation dela posologie de la prednisone jusqu’à 30 mg par jour. L’éruptionpurpurique a alors disparu. Nous pouvons supposer que les anti-TNF pourraient favoriser le risque infectieux, élément inducteurde la maladie de Henoch-Schönlein. Mais dans notre observation,

également jouer un rôle, sachant que l’infection virale, un élémentinducteur de la maladie de Henoch-Schönlein, pourrait agir commestimulateur des cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDCs). Il a

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2 M. Michel et al. / Revue du

té montré que les anti-TNF peuvent induire une augmentatione la production d’IFN� par les pDCs, contribuant à l’apparition dealadies auto-immunes telles que certaines vascularites et le lupus

rythémateux systémique [13].Dans notre observation, nous ne pouvons pas exclure la possibi-

ité d’une GN idiopathique à IgA, ou une néphropathie faisant partiees manifestations extra-articulaires de la PR. En effet, Marinchevt al. ont rapporté le cas d’un patient présentant une PR souf-rant d’une GN à dépôts mésangiaux d’IgA et ont suggéré que cetteéphropathie pouvait être en rapport avec la PR elle-même, du faite l’affinité des IgA pour le mésangium [14]. Cependant, même siucun cas de GN à dépôts mésangiaux d’IgA n’avait été préalable-ent rapporté sous abatacept, cet effet indésirable est prévisible.

n effet, dans notre cas, la protéinurie a augmenté dès l’inductione l’abatacept, et a diminué dans les mois suivants l’arrêt du trai-ement. Une seconde biopsie rénale a été indiquée afin de vérifier’absence de lésions histologiques, mais n’a pas pu être réalisée àause de certaines difficultés techniques (obésité). Bien que cetteN à IgA pourrait avoir disparu spontanément, nous ne pouvonsas exclure le bénéfice de la corticothérapie sur cette amélioratione la GN. À noter aussi que le polymorphisme du gène CTLA4 a étéapporté comme étant associé à la néphropathie à IgA [15].

Les lésions cutanées purpuriques sont probablement en rapportvec la néphropathie à IgA secondaire à l’abatacept. En effet, cesésions sont rarement secondaires à la PR. Elles surviennent habi-uellement chez des patients présentant une PR ancienne et active,t sont souvent nécrotiques. À l’inverse, les lésions cutanées purpu-iques secondaires à la néphropathie à IgA sont relativement plusréquentes et surviennent en parallèle à l’évolution de la néphro-athie. Notre patiente n’avait pas présenté de lésions cutanées enapport avec sa PR dans ces antécédents. Sa PR a été diagnostiquéen 2005 et l’activité de la maladie était modérée (DAS28 = 4,87) lorse la survenue des lésions cutanées non nécrotiques. Ces lésionsont cependant survenues alors que l’hématurie persistait et larotéinurie augmentait.

. Conclusion

Cette observation souligne l’importance de la surveillanceénale clinique et biologique chez les patients atteints d’une PR,raités par biothérapie, et particulièrement par abatacept, mêmei l’efficacité et la tolérance de cette molécule apparaissent opti-ales. La possibilité que cela soit un effet secondaire tardif de laolécule justifie une surveillance à long-terme de ces patients. Le

ien de causalité entre le traitement par abatacept et la survenue dea néphropathie reste hypothétique, et ne peut pas être confirmé.ependant, l’intervalle court entre l’initiation de l’abatacept et laurvenue de la GN à IgA, de même que l’amélioration de la GN après

[

atisme 81 (2014) 89–92

l’interruption du traitement par abatacept, renforcent l’hypothèseque CTLA4-Ig puisse jouer un rôle crucial dans la pathogénie de laGN à IgA.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier le staff clinique du service derhumatologie et de néphrologie impliqué dans le recueil des don-nées, ainsi que la patiente elle-même.

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