Gonzalez Prada Et La Culture Européenne

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    MANUEL GONZALEZ PRADA ET LA CULTURE EUROPEENNE

    Jol DELHOM

    C.R.I.L.A.U.P., Universit de Perpignan et

    G.R.A.L.-C.N.R.S., Universit de Toulouse-Le Mirail

    Publi dans :

    Colloque Europe-Amrique latine : rceptions et rlaborations sociales, culturelles et linguistiques aux XIXe et XXe

    sicles (Angers, 27-28 novembre 1992), Angers, Alfil d.-ALMOREAL-Bibliothque Municipale dAngers, 1993,p. 123-148.

    Manuel Gonzlez Prada (1844-1918) est l'homme qui dtache le Prou de l'empreinte

    coloniale pour l'ancrer dans le XX sicle. Cet ardent rvolutionnaire prsente deux visagesdistincts et complmentaires, forgs l'un et l'autre par la frquentation assidue de la culture

    europenne dont il matrise les principales langues. Prada est avant tout un pote prcurseur du

    modernisme, bien que ce soit l'aspect le plus mconnu de son oeuvre. Il est fortement influenc par

    les romantiques allemands et franais, puis par le Parnasse et le symbolisme, mais son immense

    culture littraire ne connat aucune frontire.

    Cependant, au nom des exigences de la revendication socio-politique, le pote s'efface

    souvent devant le polmiste. Sa critique de l'ordre tabli, imprgne de l'esprit des Lumires,

    s'enracine essentiellement dans le bouillonnement intellectuel et scientifique de son poque.

    Schmatiquement, il oppose l'Espagne au reste de l'Europe, notamment la France : celle-ci centre

    vibrant du progrs et de la modernit, celle-l irrductible foyer de l'obscurantisme et du passisme

    ractionnaire. Un sjour de sept ans en France (1891-1898), tout entier consacr l'tude et la

    rflexion, permet la pense politique et sociale de Prada de s'affirmer pleinement.

    Son idologie glisse progressivement du libralisme radical et anticlrical vers

    l'anarchisme. Outre les thoriciens libertaires, des penseurs tels que Renan, Comte et Spencer le

    marquent profondment, et son adhsion au positivisme se renforce.

    Gonzlez Prada adhre aussi au darwinisme mais rejette ses dviations sociales qui

    voudraient tablir la supriorit de la race blanche. C'est l, avec son anarchisme, une des

    principales singularits de cet crivain sud-amricain, l'un des rares rsister ce penchant raciste

    de la sociologie naissante. Il a le mrite de poser le "problme indien" au Prou en termes socio-

    conomiques et non raciaux, ce qui lui vaut d'tre considr comme l'un des pres de

    l'indignisme.

    La culture europenne dont Prada se fait l'cho constitue une arme dans son combat pour la

    modernisation du Prou. Elle trouve une application directe sur la ralit locale malgr son origine

    exogne, car elle est porteuse de valeurs universelles. La dfense de l'Indien et du peuple opprim

    en tmoigne. La vritable question que l'on doit se poser est celle de sa transposition : donne-t-elle

    lieu un adaptation en vue d'une relaboration sociale et culturelle spcifique, ou bien GonzlezPrada n'est-il qu'un "rcepteur-metteur" neutre, laissant d'autres, par exemple Maritegui et

    Haya de la Torre qu'il influence grandement, le soin d'innover ? En d'autres termes, Prada est-il

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    rellement un penseur amricain ?

    Nous appuierons notre analyse sur un recensement systmatique des sources cites dans

    l'ensemble de son oeuvre1, sources que nous avons "ventiles" selon un classement gographique,

    chronologique et typologique. Il convient de prciser que cette communication ne prsente que des

    lments d'une rflexion prliminaire, base sur une tude quantitative et une apprhension descitations presque exclusivement textuelle. C'est l un pralable ncessaire une tude

    intertextuelle approfondie des influences reues par Gonzlez Prada. Toutefois, l'intrt de cette

    approche est principalement de fournir des indications d'ordre gnral et il faut se garder de tirer

    des conclusions htives.

    Nous examinerons tout d'abord les aspects gnraux de la culture europenne, telle qu'elle

    apparat dans l'oeuvre de Prada, puis nous aborderons rapidement la littrature. Dans une

    deuxime partie, nous traiterons des sources de sa pense philosophique et politique, partir du

    positivisme.

    I - LA CULTURE EUROPEENNE DANS L'OEUVRE DE GONZALEZ PRADA

    On ne peut qu'tre frapp, la lecture de l'oeuvre de Gonzlez Prada, par l'abondance et la

    varit des rfrences des crivains, penseurs et personnages historiques, europens pour la

    plupart. Cependant, si les citations sont nombreuses, leur contenu explicite n'apporte souvent que

    peu d'informations.

    1) Aspects gnraux

    La rpartition des citations par pays d'origine (Tableau 1 - Graphique 1) met en vidence la

    trs nette prdominance quantitative des citations franaises (41 %) et espagnoles (24 %), qui

    reprsentent elles seules les deux tiers de l'ensemble. Viennent ensuite l'Allemagne-Autriche (9

    %), la Grande Bretagne (6 %), l'Italie et le Prou (5 % chacun). Au total, nous avons relev 928

    rfrences distinctes, auxquelles s'ajoute une centaine relevant de l'Antiquit.

    Comme ses contemporains, Prada avait donc les yeux tourns vers l'Europe et notamment

    la France. Il faut souligner son apparent dsintrt pour l'Amrique latine qui ne reprsente que 3

    % des citations si l'on exclue le Prou, sa patrie2

    .

    La ventilation des citations par poque (Tab. 2 - Graph. 2 8) montre que la moiti d'entre

    elles concernent les XIX-XX sicles. On remarque la part considrable de l'Antiquit grco-

    romaine (10 %) qui dpasse lgrement le XVIII s. (9 %) et totalise presque autant de citations

    que le XVII et le XVI s. runis (5 % chacun). L'analyse pays par pays rvle que l'Espagne se

    dtache nettement au XV et surtout au XVI s., sa priode d'apoge. Au XVII s., la France et

    l'Espagne obtiennent pratiquement le mme rsultat ; pour le XVIII et le XIX s., les citations

    1

    Deux recueils de posie, auxquels nous n'avons pu avoir accs, n'ont pas t pris en compte dans ce recensement ; ils'agit de Presbiterianas - Lima : Imp. El Olimpo, 1909 et Adoracin - Lima : PTCM, 1947.2

    L'Equatorien Montalvo, le Vnzulien Bello, le Cubain Heredia et les Colombiens Jos Eusebio Caro et son fils

    Miguel Antonio sont les seuls grands noms cits en dehors des Pruviens.

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    franaises dominent.

    Ces donnes mettent en vidence que Gonzlez Prada possdait une impressionnante

    culture classique, mais qu'il s'intressait essentiellement sa propre poque. Sa prdilection pour

    la France des XIX et XVIII s. semble indiquer qu'elle constituait ses yeux un vivier intellectuel

    incontournable. Le recours une typologie sommaire va nous permettre de prciser la nature de cet

    intrt.

    En classant les rfrences par catgorie (Tab. 4 - Graph. 9 et 10), on constate la

    prpondrance manifeste des crivains : 68 % du total pour l'Espagne, 61 % pour l'Amrique

    latine, 48 % pour l'Allemagne, 43 % pour la Grande Bretagne et 40 % pour la France. La France et

    l'Espagne se distinguent donc des autres pays europens : la premire par le taux le plus faible

    d'crivains et la seconde par le taux le plus fort. Remarquons, toutefois, qu'en valeur absolue, le

    nombre d'crivains franais (176) est pratiquement gal au nombre d'espagnols (173). Le

    pourcentage de la catgorie "religieux", plus lev pour ces deux pays, les diffrencie une

    deuxime fois du reste de l'Europe.

    En ce qui concerne les catgories restantes, on observe des situations plus nuances selon

    les pays. Pour la France, l'Allemagne et la Grande Bretagne, les crivains sont suivis dans des

    proportions relativement comparables par les hommes politiques, les scientifiques et les

    philosophes3. Pour la Grande Bretagne et l'Allemagne, les philosophes ont un poids relatif (%) plus

    important que les autres catgories, tandis que c'est l'inverse pour la France. Et l'cart est

    considrable entre les pourcentages franais (10 %) et britannique (20 %). Toutefois, il faut noter

    qu'en valeur absolue, le nombre de philosophes franais est largement plus lev que celui des

    autres pays. En revanche, pour l'Italie, la part des philosophes, tant en valeur absolue que relative,

    est sensiblement plus faible. Mais ce minimum (7 %) demeure nanmoins considrable si on le

    compare au taux espagnol. L'Espagne prsente, en effet, des caractristiques spcifiques qui

    l'loignent des autres pays europens : la proportion de scientifiques et de philosophes y est

    particulirement faible (respectivement 2 et 5 %, contre une moyenne de 13 % dans le reste de

    l'Europe, pour ces deux catgories).

    Bien entendu, cette analyse demanderait tre affine, notamment grce une meilleure

    connaissance des citations "indtermines" et une typologie plus subtile, mais elle confirme

    indiscutablement ce que nous savons de Gonzlez Prada et de son oeuvre : une nette prdilection

    pour la littrature, associe un intrt jamais dmenti pour les grandes questions politiques,

    philosophiques et scientifiques de son temps. Il s'est intress aux littratures de tous les pays,

    mais en revanche, en matire de philosophie et de sciences, il a clairement dtourn son regard del'Espagne qui, ses yeux, ne produisait rien de positif. Quant au problme religieux, il n'est pas

    surprenant qu'il l'ait abord partir des exemples antagonistes franais et espagnol.

    2) Littrature

    A en juger d'aprs les dates de rdaction ou de publication des discours, essais et articles,

    Prada semble avoir lu les principaux auteurs europens avant son sjour sur le vieux continent

    (1891-98)4. Au moins la moiti des crivains franais, quasiment tous les crivains allemands, un

    3Cette catgorie inclue aussi les historiens.

    4Nous ne pouvons tre catgoriques ce sujet car il se pose de nombreux problmes philologiques, non rsolus,

    concernant l'oeuvre de Gonzlez Prada, notamment autour des crits antrieurs 1891. En effet, il n'existe aucune

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    tiers des britanniques et les deux tiers des italiens sont cits avant 1891.

    Les potes romantiques, allemands notamment, ainsi que les auteurs de l'Antiquit (que

    nous laisserons de ct) sont ses premires amours littraires, au cours des annes 1870 et

    probablement ds 1860. Goethe, Heine, Lessing, Schiller et Uhland, dans cet ordre, sont les plus

    frquemment cits. Tous sont des potes de la seconde moiti du XVIII ou de la premire moitidu XIX s. Les trois grands courants littraires sont reprsents :Aufklrung

    5, Sturm und Drang

    6et

    classicisme. On peut cependant s'tonner de ne trouver aucune rfrence Wieland, pote

    sceptique et licencieux, et surtout Baumgarten, le premier distinguer sous le nom d'esthtique

    la science du beau, de la connaissance par l'entendement et la raison. Gonzlez Prada estime

    beaucoup Lessing et Goethe comme potes et les considre comme les meilleurs critiques

    modernes, avec Sainte Beuve et Taine7. Il admire le sens dramatique de Lessing et le sens du

    rythme de Klopstock et de Goethe. Mais il reproche ce dernier de n'tre pas accessible au plus

    grand nombre, contrairement Uhland, bien qu'il voie en son Faust une oeuvre universelle o

    toute l'humanit se retrouve8. Chez Heine, il censure l'abus de sarcasme, d'ironie et une certaine

    monotonie9. Toutefois, la posie allemande lui sert de rfrence pour critiquer le manque de

    vigueur et de profondeur des potes de langue espagnole :

    "A ms de la poesa subjetiva del Intermezzo lrico [de Heine], abunda en Alemania la poesa objetiva de lasbaladas. Por qu los germanistas castellanos no aclimatan en su idioma el objetivismo alemn? Por qu

    no toman el elemento dramtico que predomina en las baladas de Brger, Schiller, Uhland y muchas del

    mismo Heine? Ya que nuestra poesa carece de perspectiva, relieve, claroscuro y ritmo, por qu los poetas

    no estudian la forma arquitectnica, escultural, pictrica y musical de Goethe? S, Goethe, a pesar de su

    frialdad marmrea (frialdad explicable por el dominio del ingenio sobre la inspiracin), tiene avasalladora

    fuerza del ritmo, y en sus versos parece realizar imposibles, como una arquitectura en movimiento, como

    una msica petrificada, como una pintura con palabras."10

    En ce qui concerne la littrature britannique, les crivains les plus cits sont galement tous

    des potes : Shakespeare au XVI s., le puritain Milton au XVII s., le matre du classicisme Pope

    au XVIII s. et, pour le XIX s., les romantiques Byron et Shelley, l'aristocratique Tennyson et

    enfin Wilde, le pote de "l'art pour l'art". Mais d'aprs Estuardo Nuez11

    , Prada avait une

    prfrence pour Thomas Moore, Ossian et Shelley. Il blme Alfred Austin, Kipling et Swinburne

    pour leur engagement nationaliste et imprialiste12

    et exalte Byron, le proscrit : "el primero de los

    dition critique, digne de ce nom, qui mentionne rigoureusement les corrections et modifications apportes par l'auteur

    aux premires versions des textes. Nous recommandons la lecture d'Efran Kristal : "Problemas filolgicos e

    histricos en Pginas libres de Gonzlez Prada"- Revista de Crtica Literaria Latinoamericana, Lima, Vol. XI (n 23),

    1er semestre 1986, p. 141-150.5

    Mouvement de pense rationaliste, d'inspiration leibnizienne, qui s'effora de promouvoir une mancipation

    intellectuelle de l'Allemagne du XVIII s. et l'affirmation du gnie national.6

    Mouvement s'inspirant des ides de J. J. Rousseau, qui correspond au prromantisme et une volont de libration

    de l'Allemagne d'un rationalisme d'importation et de retour sa nature profonde.7

    VoirLa Crtica in El Tonel de Digenes - Mxico : F.C.E., 1945 - p. 133.8

    VoirMemoranda n 117in : El Tonel de Digenes, p 201-202 etLa Poesa in : Nuevas Pginas Libres - Santiago de

    Chile : Ercilla, 1940 - p. 71.9

    Voir Conferencia en el Ateneo de Lima (1886) in : Pginas Libres - (Caracas) : Ayacucho, 1976 - p. 10.10

    Ibid.,p. 12.11Estuardo Nuez : "Gonzlez Prada y la cultura inglesa" - La Nueva Democracia, New York, Vol. XL (n 1), Enero

    1960, p. 73-77.12

    La Poesa, op. cit., p. 73-74.

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    modernos poetas ingleses, el rival de Shakespeare y Milton"13

    . Regrettant que rien n'ait t fait

    depuis le XVI s. pour rnover et enrichir la versification castillane14, Gonzlez Prada disserte sur

    les origines et l'adaptation en espagnol d'une strophe anglaise invente par Spenser, et donne ainsi

    la mesure de son rudition. On peut penser que c'est prcisment sa grande connaissance des

    lettres trangres qui lui a permis de porter un regard critique neuf sur la littrature castillane et

    surtout de mener lui mme bien une oeuvre de rnovation qui en fait un prcurseur duModernisme.

    Les potes du XIV s., Dante, Boccace et Petrarque, sont les plus souvent mentionns dans

    la littrature italienne. Pour le XIX s., Prada cite le pote lyrique Leopardi, qu'il admire beaucoup,

    et Carducci dont il critique l'ardeur patriotique15.

    Remarquons, propos de la France, qu'il ne s'intresse pas uniquement aux potes. Au

    XVI s., Rabelais, Marot et Montaigne sont les plus cits ; ce qui est plus surprenant, c'est de

    constater l'absence de La Boetie, de Du Bellay et de Ronsard. Cependant, il est difficile d'imaginer

    qu'il ignorait ces auteurs. Except La Bruyre, tous les crivains importants du XVII s. sont cits :

    Molire et Bossuet se dtachent nettement, puis viennent Pascal, Corneille, La Fontaine et

    Boileau. Mais Racine n'est nomm qu' trois occasions seulement. Pour le XVIII s., Voltaire se

    taille la part du lion, suivi par Rousseau et Diderot. Moins cits sont Lesage, De Maistre et

    Montesquieu. On peut toutefois s'tonner de l'absence de quelques noms clbres : Fontenelle,

    pour l'veil de l'esprit philosophique ; pour le thtre, Marivaux ; l'Abb Prvost, Restif de la

    Bretonne et Choderlos de Laclos pour le roman.

    Prada, qui s'intresse par dessus tout au XIX s., voue Victor Hugo une profonde

    admiration et lui consacre un essai en 1885, l'anne de sa mort. Ernest Renan, trs pris lui aussi,

    tant pour sa prose que pour son oeuvre critique d'historien de la religion (trois textes lui sont

    ddis), talonne Hugo en nombre de rfrences. Viennent ensuite Zola, Lamartine, Sainte Beuve,

    Gautier, Leconte de Lisle, Dumas, Chateaubriand, Daudet, Flaubert, Baudelaire, Littr, Vigny,

    Verlaine, Musset...

    Gonzlez Prada traverse ainsi, dans ses lectures, les trois grands courants littraires du

    XIX s. : le romantisme, le ralisme et le symbolisme. Signalons nouveau quelques absents de

    marque : Heredia, pour le Parnasse ; Rimbaud et Maeterlinck pour le symbolisme ; Maupassant

    pour le ralisme ; enfin, Loti et son roman exotique et impressionniste.

    Il apparat que la frquentation des littratures trangres et la connaissance des languessont, pour cet crivain pruvien, une exigence intellectuelle vitale :

    "En el idioma s'encastilla el mezquino espritu de nacionalidad.(...) Si dejramos de practicar la lengua

    nativa, cambiaramos tal vez nuestra manera de pensar, porque las convicciones polticas i las creencias

    relijiosas se reducen muchas veces a fetichismos de palabras. (...) Por eso, no hai mejor hijiene para el

    cerebro que emigrar a tierra estranjera o embeberse en literaturas de otras lenguas. Salir de la patria,

    hablar otro idioma, es como dejar el ambiente de un subterrneo para ir a respirar el aire de una

    13

    Byron (1900) in : Pginas Libres, p. 193.14"Los modernos poetas castellanos no se han mostrado muy fecundos en la invencin de ritmos ni de estrofas as

    que nuestro arsenal mtrico permanece casi el mismo desde los tiempos de Boscn y Garcilaso." Ibid., p. 201.15La Poesa,op. cit., p. 73.

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    montaa."16(sic)

    Prada a lui-mme pratiqu cette cure d'air pur et il la conseille au Prou. Les nations amricaines

    qui regardent vers l'Espagne monarchiste et catholique tournent le dos la modernit, car c'est en

    Allemagne, en Angleterre et en France que la pense progresse. Mais il prvient, la solution n'est

    pas dans l'imitation et la dpendance :

    "(...) dejemos las andaduras de la infancia y busquemos en otras literaturas nuevos elementos y nuevas

    impulsiones. Al espritu de naciones ultramontanas y monrquicas prefiramos el espritu libre y democrtico

    del Siglo. Volvamos los ojos a los autores castellanos, estudiemos sus obras maestras, enriquezcamos su

    armoniosa lengua; pero recordemos constantemente que la dependencia intelectual de Espaa significara

    para nosotros la indefinida prolongacin de la niez."17

    "Los taladores de selvas primitivas, los arrojadores de semillas nuevas no pertenecen a Espaa: Hegel y

    Schopenhauer nacieron en Alemania, Darwin y Spencer en Inglaterra, Fourier y Comte en Francia.

    Entonces por qu beber en el riachuelo cuando se puede acudir a la misma fuente? El agua del riachuelo -

    Madrid- viene de la fuente: Pars. Hoy, con algunas excepciones no existe literatura espaola, sino

    literatura francesa en castellano."18

    Il ressort clairement que la littrature est indissociable de l'volution de la socit, tant dans ses

    aspects politiques et sociaux que scientifiques ou philosophiques. Cela tient la fonction

    minemment sociale que ce polmiste assigne la littrature : " propaganda y ataque",

    engagement en faveur de l'ducation du peuple, lutte pour la justice et la vrit19

    .

    "Apartndonos de escuelas y sistemas, adquiriremos verdad en estilo y en ideas. Clasicismo y romanticismo,

    idealismo y realismo, cuestiones de nombres, pura logomaquia. No hay ms que obras buenas o malas: obra

    buena quiere decir verdad en forma clara y concisa; obra mala, mentira en ideas y forma. Verdad en estilo y

    lenguaje vale tanto como verdad en el fondo."20

    II - LES SOURCES DE LA PENSEE PHILOSOPHIQUE ET POLITIQUE DE Gonzlez

    Prada

    La pense pradienne s'inscrit tout fait dans le XIX s. des bouleversements socio-

    politiques et scientifiques. Elle repose sur trois principes directeurs : la vrit, la justice et la

    libert. La science, la seule clef permettant l'homme de dcrypter la ralit, est rige en exigence

    intellectuelle primordiale ; elle correspond au premier principe. L'anarchisme ralise la fusion des

    deux suivants.

    1) Vacuit de la philosophie et des sciences espagnoles

    L'antagonisme opposant l'Espagne au reste de l'Europe, dj constat en littrature, prend

    maintenant tout son sens. Il suffit, pour s'en convaincre de lire ce que dit Gonzlez Prada des deux

    principaux philosophes du XIX s. espagnol. A Balmes, le plus cit, il reproche son aveuglement

    16Notas acerca del idioma (1889) in : Pginas Libres, p. 177-178. Nous avons respect la grammaire et l'orthographe

    originales de l'auteur.17

    Conferencia en el Ateneo de Lima, op. cit., p. 17.18Discurso en el Teatro Olimpo (1888) in : Pginas Libres, p. 28.

    19Sur ce sujet, lire l'essai Propaganda y Ataque (1888) in : Pginas Libres, p. 107...

    20Discurso en el Teatro Olimpo, op. cit., p. 31.

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    religieux :

    "(...) en pleno siglo XIX, el filsofo Balmes asegura que "el catolicismo nos hace llegar desde nuestrainfancia al punto ms culminante que sealar a la ciencia la sabidura humana" Cul es la ciencia

    suprema? Indudablemente el conocimiento de Dios, puesto que conocida la causa se conoce el efecto"21

    Un peu plus haut dans le texte, il affirme catgoriquement : "La secular y magna labor de laIglesia romana se resume en tres vocablos: fomentar la ignorancia"

    22. L'Espagne tant, pour lui,

    l'archtype du pays asservi au fanatisme et l'obscurantisme catholique.

    Quant Sanz del Ro, le fondateur de l'cole krausienne espagnole, Prada ironise sur son

    incomprhensibilit et son incohrence23. Et ce n'est assurment pas par dfaut de culture

    philosophique puisqu'il avait lu tous les grands penseurs, de l'Antiquit au XX s. naissant. Dans

    son oeuvre, il cite : Machiavel, pour le XVI s. ; Leibniz, Newton, Spinoza, Pascal, Locke, Hume

    et Bacon pour le XVII s. ; Kant, ainsi que tous les philosophes des Lumires pour le XVIII s. ;

    pour le XIX s., les Allemands Nietzsche, Schopenhauer, Hegel, Hartmann, Feuerbach, Krause et

    Stirner ; les Anglais Spencer et Stuart Mill ; les Franais Comte, Guyau, Taine, Quinet, Durkheim,Tarde, Cousin, Fouille, Fourier, Considrant, Saint Simon...

    Pompeyo Gener, le philosophe catalan positiviste et antireligieux qui fut l'imitateur de

    Comte et de Littr, ainsi que l'ami de Renan, est le seul penseur espagnol qui semble avoir retenu

    favorablement l'attention de Gonzlez Prada.

    La science lui est familire galement. Pour ne parler que du XIX s., citons Haeckel et

    Humboldt pour l'Allemagne, Darwin, Lyell, Huxley et Pearson pour la Grande Bretagne, l'Italien

    Lombroso, et enfin les Franais Bernard, Berthelot, Reclus, Cuvier, Flammarion, Mnard, Arago,

    Paul Bert, Biot, Charcot, Pasteur... La liste serait trop longue.

    En revanche, seuls trois scientifiques espagnols sont mentionns (Echegaray, Monlau, De

    Buen) et encore ne le sont-ils qu' titre d'crivains. Cela est symptomatique du ddain dans lequel

    Prada tient la science ibrique.

    Nous avons pu constater l'tendue de ses connaissances et donc des influences qu'il a pu

    recevoir. Une bonne partie de ce savoir tait dj acquis avant son sjour en France qui lui permit

    d'approfondir sa rflexion. Sauf erreurs dues aux incertitudes philologiques, il apparat que Prada

    connaissait au moins la moiti des philosophes et des scientifiques allemands, la moiti des

    philosophes et un quart des scientifiques britanniques et, pour la France, la moiti des philosophes

    et des scientifiques du XIX s., quasiment tous les philosophes et les scientifiques du XVIII et des

    sicles antrieurs.

    21La Santa Ignorancia (1900) in : Propaganda y Ataque - Buenos Aires : Imn, 1939. - p. 41. La mme ide est

    exprime dans une pigramme intitule "Balmes" : "Balmes dice gravemente / Que, sabiendo el Catecismo, / Lo sabe

    todo la gente / Porque sabe el Cristianismo. /Pues admrese la Tierra: / A varn de tal calaa ,/ A quien tal criterio

    encierra ,/ Llam filsofo Espaa." in : Grafitos : Paris : Tipo. de L. Bellenand et Fils, 1937. - p. 34.22

    Ibid., p. 40.23

    "En Espaa tenemos el papagayismo religioso de Santa Teresa y los msticos, el filosfico de Sanz del Ro y los

    dems krausistas (...)" Campoamor(1903), "sexta nota marginal del autor", in : Nuevas Pginas Libres, p. 144. D'une

    certaine manire et en dpit de cette critique plutt formelle, Prada tait peut-tre reconnaissant Sanz del Ro d'avoirdivulgu l'oeuvre de Krause. Une pigramme mi-figue mi-raisin, intitule "Krause" semble en porter tmoignage : "La

    maravilla secular de Espaa / Es la ocurrencia de endiosar a Krause; / Mas sin Krause, los genios espaoles /

    Continuaran adorando a Balmes." in : Grafitos, p. 48.

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    2) Positivisme et volutionnisme

    C'est probablement durant les trois annes de l'occupation chilienne (1881-83) que se

    produit l'adhsion de Gonzlez Prada au positivisme. La dcennie 1870-80 semble, elle, marque

    par les philosophies de Schopenhauer, Hegel et Nietzsche, ainsi que par les ides romantiques24

    . A

    partir de 1880, il analyse les causes du retard et de la dchance de son pays et les attribue l'hritage colonial espagnol, notamment la religion :

    "Y cmo pensaremos bien si todava respiramos en atmsfera de la Edad Media, si en nuestra educacin

    giramos alrededor de los estriles dogmas catlicos, si no logramos expeler el virus teolgico heredado de

    los espaoles."25

    La science positive, conue non seulement comme somme de savoirs, mais surtout comme rapport

    global de l'homme au monde, lui parat tre le remde indispensable : "Algo muere, pero tambin

    algo nace : muere la mentira con las lucubraciones metafsicas y teolgicas, nace la verdad con

    la Ciencia positiva"

    26

    .Comme Stuart Mill, il souhaite que la science serve de fondement

    l'ducation, afin de parvenir la rforme sociale27

    .

    Nous retrouvons dans la condamnation de la thologie et la mtaphysique l'influence

    d'Auguste Comte, qui se prcise encore propos de la "loi des trois tats" successifs du

    dveloppement de l'esprit humain et de la socit28

    . Prada nuance ainsi la thorie du matre :

    "Perodo natural o primitivo: arreligiosidad absoluta.

    Perodo medio: supersticin pura.

    Perodo actual: mezcla de supersticin y ciencia.

    Perodo futuro: exclusin de la supersticin por la ciencia."29

    Il fond la thologie et la mtaphysique sous le terme de superstition, et introduit une priode sans

    aucune religiosit. En crant une priode de transition, peut-tre fait-il preuve de plus de

    pragmatisme que Comte. Ces "nuances" aboutissent en fait un dsaccord fondamental lorsque le

    penseur franais, fondateur de la sociologie, la fait s'panouir en religion de l'humanit, dont il

    s'institue le grand prtre.30

    Et Prada de constater avec dpit :

    "Auguste Comte, despus de fundar la Filosofa Positiva, concibe el monstruoso fetiche de la Humanidad y

    quiere organizar un sacerdocio profano con una liturgia laica. (...) Los pueblos agregan supersticiones a

    supersticiones antes de cambiar un error por una verdad."31

    Le dterminisme, dogme fondamental de la philosophie positiviste, et l'volutionnisme

    imprgnent le discours de Gonzlez Prada, notamment propos de la langue :

    24Voir Manuel Meja Valera : "El pensamiento filosfico de Manuel Gonzlez Prada." - Cuadernos Americanos,

    Mxico, Vol. XII (n 5), Sept.-Oct. 1953, p. 123, 128 et 129.25

    Propaganda y Ataque, op. cit., p. 102.26

    Discurso en el Teatro Olimpo, op. cit., p. 32. Voir aussiDiscurso en el Politeama in : Pginas Libres, p. 45.27

    Voir Catolicismo y Ciencia (1891-98) in : Nuevas Pginas Libres, p. 58.28

    Auguste Comte : Cours de Philosophie positive (1830-42). Il fait rfrence aux trois tats : thologique ou fictif,

    mtaphysique ou abstrait et scientifique ou positif.29Memoranda n 243 in : El Tonel de Digenes, p. 230.

    30A. Comte : Systme de Politique positive (1851-54).

    31Catolicismo y Ciencia, op. cit., p. 49.

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    "Nada recuerda tanto su inestabilidad a los organismos vitales como el idioma, i con razn los alemanes, le

    consideran como un perpetuo devenir. En las lenguas, como en las relijiones, la doctrina de la evolucin no

    admite rplica. Un idioma no es creacin ficticia o convencional, sino resultado necesario del medio

    intelectual i moral, del mundo fsico i de nuestra constitucin orgnica."32

    (sic)

    Comme Taine, il a une confiance illimite en la science ; on peut mme parler de

    scientisme. Aussi reproche-t-il Spencer et Huxley leur agnosticisme.33

    Mais sa pense a, sur cepoint, nettement volu. Dix ans auparavant, sa rflexion sur la vie et la mort lui faisait prendre le

    contre-pied de ce scientisme34

    .

    Nous ne pouvons manquer d'voquer l'influence dterminante de Renan, auquel Prada

    reconnait la grande audace d'avoir ni la divinit du Christ, portant ainsi un coup fatal au

    catholicisme. Mais il regrette qu'il n'ait pas su ou voulu tirer les ultimes consquences de ses

    ides35

    .

    Le problme racial va galement constituer un srieux motif de dissension entre certains

    sociologues continuateurs de Comte (Gustave Le Bon, Gabriel de Tarde), qui appliquent les

    thories de Darwin la sociologie, et Gonzlez Prada :

    " Se ve, pues que si Augusto Comte pens hacer de la Sociologa una ciencia eminentemente positiva,

    algunos de sus herederos la van convirtiendo en un cmulo de divagaciones sin fundamento cientfico."36

    "Riamos de los desalentados socilogos que nos quieren abrumar con sus "dacadencias" y sus "razas

    inferiores", cmodos hallazgos para resolver cuestiones irresolubles y justificar las iniquidades de los

    europeos en Asia y Africa."37

    "Los socilogos ortodoxos, los que guardan la tradicin de Comte, rechazan la aplicacin del darwinismo a

    la Sociologa y protestan de que en los conflictos humanos se suprima el altruismo al invocar el struggle for

    life"38

    Au nom de la civilisation, Prada partage plutt la position de Durkheim qui prtend que la race ne

    dtermine aucun phnomne social et celle de Novikow qui affirme qu'elle n'est qu'une catgorie

    subjective. Catgorie sociale, dira mme le penseur pruvien en posant, le premier, le problme de

    l'Indien en Amrique en termes socio-conomiques et politiques ; il se distingue ainsi des autres

    positivistes latino-amricains, notamment de Sarmiento. Et il proclame que "La cuestin del Indio,

    ms que pedaggica, es econmica, es social"39

    .Mais Gonzlez Prada ne rejette pas pour autant le

    darwinisme dont il donne une interprtation diffrente :

    32Notas acerca del idioma, op. cit., p. 173-174. A l'appui de ses rflexions, Gonzlez Prada cite lesMlanges de

    mythologie et de linguistique de Michel Breal, prcurseur de la smantique, qui mit l'accent sur les causes sociales des

    mouvements de vocabulaire, etLa Vie des mots du linguiste Arsne Darmesteter.33

    Voir Qu hacer? (1901) in : Nuevas Pginas Libres, p. 88-89.34

    VoirLa Muerte y la Vida (1890) in : Paginas Libres, p. 194.35VoirRenan (1893) in : Pginas Libres, p. 123 et 129.36

    Nuestros Indios (1904) in : Horas de Lucha - (Caracas) : Ayacucho, 1976 - p. 335.37

    Los Partidos y la Unin Nacional (1898), in : Horas de Lucha, p. 209. Gonzlez Prada dnonce ainsi la pseudo-

    justification raciale de l'entreprise imprialiste et de l'exploitation conomique qui l'accompagne.38

    Memoranda n 191, in El Tonel de Digenes, p. 219.39

    Nuestros Indios, op. cit., p. 342. La dimension sociale est venue progressivement s'ajouter l'analyse dans les

    annes 1890. En effet, alors qu'en 1888, dans le Discours du Politeama, Gonzlez Prada dclare "A vosotros,

    maestros de escuela, toca galvanizar una raza que se adormece bajo la tirana embrutecedora del indio" (op. cit., p.46), en 1904 il crit "Al que diga: la escuela, respondsele: la escuela y el pan." (Nuestros Indios). Pour une

    analyse plus complte de la question indienne vue par Prada, Voir Hugo Garca Salvatecci :El Pensamiento de

    Gonzlez Prada. - Lima : Arica, (1972). - p. 261-272.

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    "Si el darwinismo mal interpretado pareca justificar la dominacin de los fuertes y el imperialismo

    desptico, bien comprendido llega a conclusiones humanitarias, reconociendo el poderoso influjo del auxilio

    mutuo, el derecho de los dbiles a la existencia y la realidad del individuo en contraposicin al vago

    concepto metafsico de especie."40

    3) L'anarchisme : dpassement du positivisme

    L'anarchisme est l'aboutissement de la pense de Gonzlez Prada et il contribue lui

    donner toute sa cohrence. Il s'accorde avec le scientisme, qu'il enrichit mme d'un contenu plus

    humain, et il dpasse les aspects conservateurs du positivisme.

    Dans sa jeunesse, des annes 1870 jusqu'en 1886 au moins, Prada faisait cause commune

    avec les intellectuels civilistes du Prou et partageait leur projet libral politico-littraire de

    revitalisation du pays41

    . Plus tard, lorsqu'il fonde en 1891 le parti rformiste Unin Nacional, ses

    ides s'apparentent au radicalisme franais, mais contiennent dj le germe de l'anarchisme. Il est

    difficile de dire avec prcision de quand date sa conversion complte qui apparat nettement

    partir de 190442

    . Il est certain, en tout cas, que son sjour en France a t dterminant.

    La pense sociologique franaise, de Comte Durkheim, ne peut satisfaire Gonzlez Prada

    car elle se proccupe de la recration de la communaut et de la restauration de "l'ordre" social par

    le moyen d'une nouvelle autorit morale qui contrlerait le comportement de l'individu et qui, en

    fait, retarderait le changement social. Les concepts essentiels et les perspectives implicites placent

    ainsi la sociologie, d'une faon gnrale, prs du conservatisme philosophique. Prada se rapproche

    alors des ides de Spencer et il invoque le penseur anglais, ainsi que Bentham, pour justifier le non

    respect des lois iniques43et pour condamner la dmocratie parlementaire :

    "Segn Spencer, "a la gran supersticin poltica de ayer: el derecho divino de los reyes, ha sucedido la gran

    supersticin poltica de hoy: el derecho divino de los Parlamentos". En vez de una sola cabeza ungida por el

    leo sacerdotal, las naciones tienen algunos cientos de cabezas consagradas por el voto de la muchedumbre.

    Sin embargo, las asambleas legislativas (...) van perdiendo su aureola divina y convirtindose en objetos de

    aversin y desconfianza, cuando no de vergenza y ludibrio. (...) Hay exceso de gobierno y pltora de

    leyes."44

    Mais la "Rpublique" de Spencer, qui favorise l'individu et o la part de l'Etat est rduite au

    minimum, est encore insuffisante ses yeux45

    . Car l'Etat et ses lois qui organisent l'oppression

    politique, conomique et sociale doivent disparatre pour permettre l'mancipation totale de

    l'homme.

    Seul l'anarchisme permet de concilier la science, notamment le dterminisme, avec les

    40La Anarqua (1907) in : Anarqua - Santiago de Chile : Ercilla, 1940. - p. 18.

    41Voir Kristal, op. cit., p. 144-149.

    42Seule une dition critique de Pginas Libres permettrait de mettre en lumire cette volution et de rsoudre les

    points encore obscurs et les incohrences concernant l'attitude nationaliste et militariste de Gonzlez Prada43

    VoirEl Libre Pensamiento y la Ley (1905) in : Prosa Menuda - Buenos Aires : Imn, 1941. - p. 125.44El Deber anrquico in : Anarqua, p. 36.

    45DansLa Anarqua, op. cit., p. 18, il qualifie mme Spencer de : "el gran apstol de la evolucin

    antirrevolucionaria y conservadora".

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    exigences de la rvolution sociale, dans le respect de la libert et de la singularit de l'individu46

    . Il

    considre, en effet, que le marxisme, qu'il nomme socialisme, est incompatible avec cette libert47

    .

    Gonzlez Prada prend soin de souligner que l'anarchisme est le corollaire de la science positive :

    "No se llame a la Anarqua un empirismo ni una concepcin simplista y anticientfica de las sociedades. Ella

    no rechaza el positivismo comtiano; le acepta despojndole del Dios-Humanidad y del sacerdocio educativo,

    es decir, de todo rezago semiteolgico y neocatlico. (...) La Ciencia contiene afirmaciones anrquicas y laHumanidad tiende a orientarse en direccin de la Anarqua."

    48

    et que la rvolution est conforme aux principes du dterminisme positiviste :

    "La vida y la muerte de las sociedades obedecen a un determinismo tan inflexible como la germinacin de

    una semilla o la cristalizacin de una sal (...). Todo sigue la ley; pero en este determinismo universal donde

    actan innumerables fuerzas desconocidas, sabemos medir la importancia del factor humano? Si podemos

    ayudar la germinacin e impedir la cristalizacin, no lograremos influir en el desarrollo de los

    acontecimientos o fenmenos que se refieren a las colectividades? (...) La voluntad del hombre puede

    modificarse ella misma o actuar eficazmente en la produccin de los fenmenos sociales, activando la

    evolucin, es decir efectuando revoluciones. (...) La revolucin podra llamarse una evolucin acelerada o alescape, algo as como la marcha en lnea recta y con la mayor velocidad posible."

    49

    Parmi les thoriciens anarchistes, tous connus de Prada, Kropotkine, Elise Reclus et

    Proudhon sont les plus frquemment cits.

    III - CONCLUSION

    Meja Valera crit : "Al trazar un cuadro del panorama intelectual de mediados del siglo

    XIX, no puede omitirse la figura de Manuel Gonzlez Prada (1844-1918), de timbre ms fino que

    sus contemporneos, de sustancia ms literaria, que se salen del lmite dogmtico del positivismo,

    del racionalismo y an del socialismo"50

    .Une des caractristiques de Gonzlez Prada est, en effet,

    qu'il s'intresse tous les courants de pense et qu'il est permable aux influences les plus

    diverses. Mais, esprit trs individualiste et slectif, il n'est pas un pigone docile. Les influences

    reues, littraires ou philosophiques, passent par le filtre de la critique avant d'tre relabores. Les

    ides qui en rsultent ont pour lui une valeur universelle qui ne le dtourne pas pour autant de la

    ralit sociale du Prou, la fois point de dpart et d'arrive de toute sa rflexion. Il se distingue

    ainsi et des autres positivistes latino-amricains, plus orthodoxes, et des pruviens, influents

    partir de 1900, qui ne s'intresseront que trs marginalement la situation de leur pays. La

    gnration suivante, celle de Maritegui et de Haya de la Torre, se chargera de moissonner le bl

    sem par ce penseur atypique, dont l'anarchisme et "l'indignisme" font la singularit.

    46Pour une analyse des fondements de l'anarchisme de Gonzlez Prada consulter Garca Salvatecci :El Pensamiento

    de Gonzlez Prada, op. cit., p. 185-187 et Manuel Meja Valera : "El Positivismo en el Per." - Cuadernos

    Americanos, Mxico, Vol. IV (n 5), Julio-Agosto 1987, p. 117-118.47

    Il crit : "Los libertarios deben recordar que el Socialismo, en cualquiera de sus mltiples formas, es opresor y

    reglamentario, diferencindose mucho de la Anarqua, que es ampliamente libre y rechaza toda reglamentacin o

    sometimiento del Individuo a las leyes del mayor nmero." Socialismo y Anarqua in : Anarqua, p. 94-95. Sur

    Gonzlez Prada et le marxisme, lire Meja Valera : "El pensamiento filosfico de Manuel Gonzlez Prada", op. cit., p.

    130-131.48La Anarqua, op. cit., p. 18.49

    La Revolucin in : Anarqua, p. 110-111.50

    Manuel Meja Valera : "El Positivismo en el Per.", op. cit., p. 116.

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