Gouvernance Des Organisations, HDR

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  • 8/10/2019 Gouvernance Des Organisations, HDR

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    UNIVERSIT dORLEANS

    Note de synthse des travaux

    en vue de lobtention de

    l H a b i l i t a t i o n D i r i g e r d e s R e c h e r c h e sd e l U n i v e r s i t dO r l a n s

    (Sciences de gestion - Section 06 CNU)

    GOUVERNANCE DES ORGANISATIONS

    Vers une thorie intgre ?

    Prsente par

    Cline CHATELIN-ERTUR

    Membres du Jury :

    Monsieur GrardCHARREAUXProfesseur l'Universit de Bourgogne, Directeur du FARGO

    Monsieur Alain FINETProfesseur luniversit de Mons (Belgique), Directeur du Service

    Management Financier et Gouvernance d'Entreprise

    Monsieur GeorgesGALLAIS-HAMONNOProfesseur mrite l'Universit dOrlans, LEO

    Monsieur Pierre-Yves GOMEZProfesseur lEM Lyon, Directeur de lIFGE

    Monsieur Grard HIRIGOYENProfesseur l'Universit de Bordeaux IV, Directeur de lIRGO

    Monsieur Stphane ONNEEProfesseur l'Universit d'Orlans, Doyen de lUFR Droit Economie Gestion

    ECOLE UNIVERSITAIRE DE MANAGEMENT DORLEANS& LABORATOIRE ORLEANAIS DE GESTION

    Universit dOrlans Rue de Blois BP 6739 45067 Orlans cedex 2http://www.univ-orleans.fr/deg/IAE

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 2

    SOMMAIRE

    Remerciements.4

    Avant propos6

    Introduction.7

    Partie 1 : Approche standard largie : la gouvernance comme systme de contrle

    dcisionnel... 14

    1.1. Adaptation organisationnelle et gouvernance : tude dynamique .............................................................. 161.1.1. Mise en vidence des limites conceptuelles des facteurs defficience organisationnelle....................... 16

    1.1.2. Approche intgrative : De lefficience statique lefficience dynamique.......................... ................... 19

    1.2. Implications mthodologiques et conceptuelles ........................................... ................................................. 261.2.1. Ncessit dune adaptationmthodologique .................................. ............................................................ 27

    1.2.2. Ouverture interdisciplinaire de lapproche standard largie en gouvernance............................................. 31

    Conclusion de la premire partie .................................................................................................................. ........ 34

    Partie 2 : De linteraction faible linteraction forte: la gouvernance comme processusdinteractions...36

    2.1. Normalisation : Etudes des interactions ................................................................................................ ........ 382.1.1. Processus de normalisation en gouvernance : approche sociologique ........................................................ 382.1.2. Effets comportementaux : Apport du droit ................................................................................................. 45

    2.2. Gouvernance et Individu : particules lmentaires de lorganisation.................. ...................................... 522.2.1. La gouvernance est lorganisation ce que latome est la matire .......................................................... 53

    2.2.2. Interdisciplinarit : de lhomoeconomicus lhomosociologicus............................................................... 56

    Conclusion de la deuxime partie ......................................................................................................................... 60

    Perspectives de recherche : Dune gouvernance systme une gouvernance processus .61

    Conclusion Gnrale69

    Annexe : Carte des principaux travaux raliss : une synthse thmatique..71

    Plan de la note de synthse et correspondance avec les travaux et publications...72

    Liste des tableaux, graphiques et figures...75

    Liste des travaux et publications77

    Publications dans des revues comit de lecture ........................................................... ...................................... 77

    Contributions ouvrages ................................................................ .............................................................. ........ 77

    Travaux en cours ou soumettre .............................................................. ............................................................ 77

    Communications avec Actes ou documents de travail mentionns dans la note de synthse ............................... 78

    Bibliographie79

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    "Connatre est une illusion,

    ne pas connatre engendre la confusion."("L'esprit ordinaire est la Voie", Koan de Nan T'ch'Ouan, extrait)

    A ma Famil le

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    Remerciements

    Mon parcours de recherche est le fruit de nombreuses rencontres, passionnantes, stimulantes et

    enrichissantes humainement. Quil me soit donn ici loccasion de remercier celles et ceux qui

    jalonnent ce parcours depuis son commencement.

    En premier lieu, mes vifs remerciements vont aux membres du jury dont lexpertise scientifique et

    la richesse des perspectives ont nourri mes travaux aussi bien quelles ont motiv ce travail de

    synthse et mon projet dencadrement de recherches. Jadresse ainsi toute ma gratitude Stphane

    Onne, Professeur lUniversit dOrlans et Doyen de la facult de Droit Economie Gestion, qui

    en acceptant la direction de ce projet ma tmoign sa confiance et son soutien. Je len remercie trs

    amicalement car ses prcieux conseils, les changes que nous avons depuis plusieurs annes et les

    collaborations qui en sont issues sont autant de sources de progression qui ont nourri mes

    questionnements. Je tiens exprimer mes profonds et trs sincres remerciements Grard

    Charreaux, Professeur lUniversit de Bourgogne, fondateur du centre de recherche en Finance

    Architecture et Gouvernance des Organisations, pour la richesse scientifique de ses travaux qui

    nont de cesse de nourrir ma rflexion, pour son exigence de rigueur, trs formatrice. Je tiens

    tmoigner ici un profond respect celui qui guide, depuis le dbut, mes pas sur le chemin de la

    science. Je tiens remercier trs amicalement Alain Finet, Professeur lUniversit de Mons

    (Belgique) initiateur en 2002, de la confrence annuelle internationale de Gouvernance

    dentreprise. Son invitation ltude de la gouvernance dentreprise: nouveaux dfis financiers et

    non financiers chez De Boeck a t centrale dans ma rflexion sur les avances en gouvernance.

    Que soit remerci ici Georges Gallais-Hamonno, Professeur lUniversit dOrlans pour son

    accueil toujours chaleureux et les changes que jai pu avoir depuis la thse et notamment au sujet

    de son article dans Journal of Political Economyqui a contribu la mise en perspective de mes

    travaux. Je remercie trs sincrement Grard Hirigoyen, Professeur lUniversit de Bordeaux IV

    pour ses travaux interdisciplinaires et sur les entreprises familiales et qui trs spontanment a

    accept de participer ce jury ainsi que Pierre-Yves Gomez, Professeur lEM Lyon et Directeur

    de lIFGE dont les approches politiques en gouvernance motivent galement fortement leffort de

    mes recherches interdisciplinaires.

    Je remercie galement Pierre Salmon, Professeur lUniversit de Bourgogne qui, en me

    transmettant le pourquoi et le comment de la science, ma conduit ds 1997 vouloir y participer et

    transmettre la connaissance aux tudiants en partageant avec eux le respect de celle-ci. Jadresse

    galement mes remerciements Bernard De Montmorillon dont les enseignements la mme

    poque ont t dterminants pour mon orientation professionnelle. Je remercie lquipe de

    recherche LOG/IAE pour son accueil ds 2002 et la confiance qui ma t donne en mme temps

    que les responsabilits institutionnelles prises de bon cur au niveau de la formation et de la

    recherche. Mes remerciements vont Marc Nikitin, Directeur du LOG pour sa dtermination quant la politique scientifique du laboratoire et qui a stimul la prparation cette HDR. Je tiens

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    galement remercier Herv Burdin, Directeur de lIAE dOrlans pour nos discussions politiques

    et en stratgie et pour son engagement institutionnel qui mapporte beaucoup dans

    laccomplissement des mes responsabilits.

    Lexprience du co-autorat, essentielle dans la logique scientifique du dbat et dans la construction

    de connaissance a marqu la progression de ma recherche. Je remercie vivement Dominique

    Bessire, Professeur lUniversit dOrlans et Directrice de la Fdration Gaston Berger avec qui

    les collaborations sont nombreuses en recherche mais aussi en encadrement (articles, contrat de

    plan Etat Rgion, encadrement de mmoires dinitiation la recherche notamment).

    Le positionnement interdisciplinaire de certains de mes travaux est le fruit de collaborations en

    droit, comptabilit et en gestion des ressources humaines. Je remercie trs chaleureusement

    Catherine Thibierge, Professeur de Droit lUniversit dOrlans qui ma offert la possibilit de

    rencontrer la discipline juridique. Son invitation dans limportant projet dtude en droit sur la Force normative : naissance dun concept chez Bruyland a t un facteur essentiel de

    lvolution de mes propres travaux notamment sur la normalisation. Je remercie trs amicalement

    Jean-Luc Rossignol, Maitre de Confrences lUniversit de Besanon pour son invitation au

    projet en Gouvernance juridique et fiscale des organisations chez Lavoisier. Mes remerciements

    vont galement Stphane Trbucq, maitre de Confrences lUniversit de Bordeaux IV avec qui

    les collaborations en gouvernance et comptabilit ont t trs fructueuses. Je souhaite tmoigner

    aussi mon amiti Eline Nicolas, Matre de Confrences en Gestion des Ressources Humaines

    lUniversit dOrlans avec qui lexprience scientifique est extrmement stimulante. La mise en

    commun parfois difficile des disciplines de chacune a produit des rsultats qui ont

    significativement nourri mon parcours notamment dans les derniers travaux et dans les perspectives

    de recherche.

    Jadresse galement mes sincres remerciements Didier Cornardeau, Prsident de lAssociation

    des petits Porteurs Actifs double titre, dune part, pour nos collaborations enrichissantes en

    politique financire au sein du Master Finance et Contrle de Gestion de lIAE dOrlans et dautre

    part, pour les tmoignages prcieux quil moffre rgulirement en tant quacteur de la gouvernance

    des entreprises et qui naturellement alimentent ma recherche.

    Enfin, je tiens remercier Cem Ertur, mon poux, Professeur en sciences conomiques au

    Laboratoire dEconomie dOrlans, pour sa patience, son soutien inconditionnel et pour les

    nombreux dbats passionns que nous pouvons avoir au sujet de nos disciplines respectives. Je

    remercie chaleureusement Tho notre petit garon de 5 ans pour sa comprhension et qui, par ses

    questionnements quotidiens, me rappelle sans cesse combien la connaissance est une matire

    curieuse, volutive et si panouissante.

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    Avant propos

    Cette synthse prsente lvolution de mes travaux en gouvernance des organisations, les

    projets qui en rsultent et leur insertion dans une communaut scientifique en mouvement. Ce bilan

    porte sur des recherches conduites depuis 8 ans au sein du Laboratoire Orlanais de Gestion aprs

    une formation la recherche lcole dijonnaise au sein du FARGO 1. Chacun des travaux est

    lexpression dune interrogation particulire, que ce soit dordre conceptuel, mthodologique voire

    pistmologique. La progression de mes questionnements2 est le fruit de rencontres stimulantes,

    essentielles, et somme toute, de quelques intuitions qui ont jalonn jusque l ce parcours. Cette

    mise en perspective de mes travaux me permet de rendre compte des choix que laccomplissement

    de ma recherche ma conduit effectuer. Sil mtait donn dexposer en quelques mots seulement

    lorientation de mes travaux, alors je dirais sans hsiter quils sont le rsultat dun choix

    scientifique marqu du sceau de linterdisciplinarit en gouvernance.Reflet de lvolution des proccupations de la communaut scientifique investie dans le

    champ de la gouvernance des organisations, ce choix douverture disciplinaire sinscrit dans ce qui

    caractrise essentiellement mon sens, les sciences de gestion. Leur emprise sur la ralit ainsi que

    la complexit des organisations et des pratiques de gestion font de ces jeunes sciences une

    science ouverte au dialogue intra et interdisciplinaire (Charreaux, 2009). Ainsi, la finance ctoie

    par exemple, la stratgie (Hirigoyen, 1997 ; Caby et Hirigoyen, 2005), la comptabilit (Hoarau,

    Teller, 2001) ou la gestion des ressources humaines (DArcimoles, 1995) et vice versa. Ces

    disciplines de gestion interrogent galement le droit, lconomie politique ou la sociologienotamment. Cette posture participe de lidentit de cette discipline, qui en rfrence Cohen (1997,

    p. 1161), constitue un ensemble de dmarches explicatives et opratoires qui sappliquent la

    conduite des organisations .

    Les recherches en gouvernance des organisations sont donc naturellement

    interdisciplinaires. La reconnaissance, largement partage, dun paradigme dominant dessence

    financire rvle simultanment lexistence de courants parallles, complmentaires. Fonds sur

    une approche multidisciplinaire voire interdisciplinaire, ces courants proposent dlargir et

    daffiner la conceptualisation de la gouvernance comme le relve un nombre croissant

    dobservateurset de prfaciers travers des ouvrages centrs sur les nouvelles perspectives de la

    recherche dans le champ (Perez, 2003 ; Caby et Hirigoyen, Op. Cit ; Charreaux et Wirtz, 2006 ;

    Finet, 2009 ; Gomez et Korine, 2009). Cette ouverture disciplinaire est la fois conceptuelle et

    mthodologique. Ce faisant, elle nous invite nous interroger sur les voies possibles dune thorie

    intgre en gouvernance.

    Mots cls : comportement, droit, efficience, gouvernance, individu, interactions, paradigme, performance, processus

    dcisionnel, sciences de gestion, sociologie, stratgie

    1Centre de Recherche en Finance, Architecture et Gouvernance des Organisations de lUniversit de Bourgogne.

    2Cf. annexe Schma de synthse de mes travaux

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    Introduction

    La gouvernance dentreprise est une matire vivante []

    qui se renouvelle et senrichit constammentdepuis le dbut des annes 1990

    Daniel Lebgue, Prsident de lIFA3

    La gouvernance dentreprise concerne en premier lieu bon nombre de praticiens, dirigeants,

    actionnaires, administrateurs, agences dvaluation, autorits de rgulation, pour nen citer que

    quelques uns. Les pratiques se sophistiquent et se standardisent au rythme des publications des

    codes dits de bonnes pratiques et de lintervention du droit dur dans la vie des affaires fortement

    chahute par une succession de dfaillances dentreprises globales pour lesquelles la gouvernance

    est montre du doigt.

    A en juger la croissance de la production scientifique sur le sujet depuis le milieu des annes

    soixante dix, elle constitue en outre, un terrain dobservation foisonnant pour les chercheurs. Les

    nombreux ouvrages qui proposent une synthse des recherches en gouvernance soulignent

    clairement ltroite relation entre les pratiques, leurs spcificits et les questionnements thoriques

    que celles-ci soulvent. Ces recherches tentent de comprendre et dexpliquer le rle de la

    gouvernance dans la performance des entreprises (pour ventuellement proposer des voies

    damlioration des pratiques) mais galement son rle dans la socit. La gouvernance dentrepriseconstitue par consquent un objet dtude commun plusieurs sciences humaines et sociales et

    notamment les sciences politiques, juridiques, conomiques et de gestion. Ces disciplines

    scientifiques contribuent au dveloppement de deux paradigmes de la recherche en gouvernance.

    Dune part, sous langle politique, la gouvernance renvoie la question de la lgitimit du pouvoir

    dans lentreprise. Dautre part, elle pose la question de lefficience organisationnelle et des

    mcanismes y contribuant. De nature juridique (issus du droit dur et du droit souple) ou non

    juridique (tels que les marchs par exemple), ces mcanismes visent encadrer le processus

    dcisionnel managrial de cration et de rpartition de la valeur. Le rcent ouvrage de Gomez et

    Korine (Op. Cit) propose une approche transversale visant identifier les lments communs aux

    deux paradigmes. La thorie politique de la gouvernancepropose par lauteur met en lumire dans

    une perspective historique, la transdisciplinarit du champ centre sur la fragmentation des

    pouvoirs et la performance conomique de lentreprise capitaliste. Dans cette perspective, la

    lgitimit de la gouvernance repose sur des critres (rgles, institutions) considrs,

    conventionnellement, comme la meilleure garantie de la prennit conomique et de la prosprit

    (Gomez et Korine, 2009, p. 298).

    3 Prface du Prsident de lInstitut Franais des Administrateurs dans Gouvernance des entreprises, Nouvelles

    perspectives(Charreaux et Wirtz, 2006).

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    Mes travaux de recherche en gouvernance sinscrivent essentiellement dans le paradigme de

    lefficience organisationnelledans le cadre dune proccupation centrale des sciences de gestion,

    celle de lexploration de lorganisation et de son fonctionnement. Mon objectif est de tester le

    pouvoir explicatif de plusieurs avances thoriques successives dans ce paradigme qui envisage la

    gouvernance comme un levier defficience organisationnelle. Mes recherches mettent ainsi en

    vidence deux types de contradictions : des contradictions entre les avances thoriques et les faits

    observs et des contradictions internes au paradigme de lefficience. Les rsultats obtenus ouvrent

    des pistes de rflexion sur les liens entre les deux paradigmes en gouvernance.

    Lvolution conceptuelle de la gouvernance a commenc avec celle des thories originelles

    contractuelles. Sous limpulsion des travaux prcurseurs de Jensen et Meckling (1976), sest

    dvelopp un courant positiviste paralllement au courant normatif initial, donnant naissance la

    thorie positive de lagence et au concept darchitecture organisationnelle (Jensen, 1998;Charreaux, 1999). Cette approche positive reconsidre le statut de crancier rsiduel et lhypothse

    dincertitude rsiduelle de lapproche actionnariale et permet ainsi dlargir dautres partenaires le

    rle de la gouvernance dans lefficience des firmes.

    Ma recherche doctorale et travaux associs [3-4-5-10-12-17] examinent lvolution du

    systme de gouvernance et ses consquences sur la performance de lentreprise. Jai souhait

    tudier, sous langle partenarial limpact dun changement organisationnel majeur de la vie dune

    entreprise sur sa gouvernance. La question de lefficience des formes organisationnelles tant

    centrales dans le paradigme, mon choix sest port sur la privatisation envisage dans lapproche

    standard actionnariale, comme le transfert de la proprit publique la proprit prive. Je montre

    que la privatisation est un processus adaptatif de larchitecture dcisionnelle et par consquent du

    systme de gouvernance qui modifie de manire htrogne, le niveau de valeur appropriable par

    les diffrentes parties prenantes. Le transfert de proprit nest que lune des dernires tapes du

    processus. Ce rsultat permet dexpliquer lhtrognit des rsultats de la littrature standard

    (souvent sur de courtes priodes limites de 2 3 ans autour de lanne de transfert de capital) car

    selon la priode retenue le sens de la relation (effet positif versus effet ngatif) peut tre trs

    diffrent. Je montre galement que lefficience de la proprit (publique versus prive) dpend des

    rgles institutionnelles, notamment celles de libralisation des marchs. Leffet de la nature

    publique ou prive de la proprit sur ladite performance doit tre relativis dans la mesure o

    nationalisation et privatisation sont des choix politiques portant sur ladaptation des formes

    organisationnelles et de leur gouvernance aux rgles dominantes4. Je dfends par consquent

    lhypothse du caractre contextuel et dynamique de lefficience des formes organisationnelles

    publiques et prives.

    4Il est remarquable aujourdhui que la Grande Bretagne, berceau du mo uvement gnralis des privatisations dans les

    annes 70 est lun des pays les plus actifs en matire de nationalisation de ses banques en rponse la criseconomico-financire actuelle. De mme, nos rsultats montrent que le contexte de reconstruction aprs guerre (1945)

    donnait lavantage en termes defficience la structure publique.

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    Une deuxime volution marque depuis une dizaine dannes la recherche en gouvernance. A

    lappui dune dmarche interdisciplinaire, le dveloppement des courants cognitif et

    comportemental en finance (Hirigoyen 2007, Charreaux et Wirtz, 2006 ; Charreaux, 2008) permet

    de complter la comprhension de la gouvernance, non plus exclusivement disciplinaire mais aussi

    habilitante. Or, certaines prescriptions initiales et dailleurs en vigueur dans les codes de

    gouvernance de par le monde sont contestes sous cet angle psychosociologique. Cette contestation

    est dautant plus loquente que les pratiques en gouvernance au sein des entreprises, fidles aux

    prescriptions du courant disciplinaire dorigine, rvlent des dfaillances retentissantes que la

    communaut cherche identifier depuis une quinzaine dannes.

    Mes travaux post-doctoraux examinent plus prcisment la contradiction entre lintrt

    conceptuel croissant pour la gouvernance habilitante et le processus de normalisation gnralis en

    gouvernance fortement empreint de linterprtation disciplinaire.Plusieurs collaborations [1-2-7-9-11] ont permis de traiter cette contradiction entre les faits et les avances thoriques. Lobjet

    dtude a ncessit le recours dautres disciplines comme la sociologie et le droit. Ces recherches

    produisent plusieurs rsultats.

    Premirement, la normalisation est un processus sociologique de confrontation des valeurs de

    diffrents groupes dacteurs suite des perturbations de lenvironnement qui occasionnent des

    menaces sur les intrts de tout ou partie de ceux-ci. Cette tude sociologique montre que le groupe

    dacteurs qui domine ce processus sociologique est porteur de valeurs centres sur la logique

    actionnariale qui se traduit finalement au niveau du standard retenu ( dominante disciplinaire)

    lissue de la normalisation. Mes collaborations avec Stphane Trbucq ont permis de mettre en

    vidence le rle des schmas mentaux dans llaboration des normes de gouvernance. Nous

    montrons le jeu dinteractions des valeurs portes par les acteurs de la normalisation, au niveau des

    Etats, de lEurope ainsi quau niveau global. Ces confrontations cognitives prfigurent des

    composantes multi-niveaux (micro, meso ou macroconomique) de la gouvernance.

    Deuximement, sous langle juridique, ce processus de normalisation se caractrise par une

    influence croissante du droit souple (soft law)notamment au travers des codes de rfrence (AFEP-

    MEDEF, 2003 en France, Cadbury, 1992 en Angleterre) sous surveillance du droit dur (NRE,

    LME, SOX). Ltude de la force normative du droit souple en gouvernance montre que la

    normalisation souple , malgr labsence de force contraignante et obligatoire, exerce des

    pressions normatives sur les comportements. Ce rsultat montre la contradiction entre le principe

    du comply or explain5 retenu dans les recommandations et leffectivit des normes souples en

    gouvernance. Les innovations en matire de pratiques de gouvernance permises par le droit souple

    sont convergentes avec lapproche habilitante de la gouvernance. Toutefois, les forces normatives

    exerces par le march financier ont une vocation disciplinaire de sanction du non-respect de la

    norme attendue. Nous suggrons ainsi que ces pressions normatives dpendent de lefficience du

    5Option institutionnelle retenue au niveau europen du libre choix dappliquer ou non les recommandations.

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    march financier, donc de sa capacit valuer le respect de ces normes ou la pertinence de leur

    non respect. Ces rsultats indiquent la ncessit dexaminer entre autres, le rle jou par lindustrie

    de la gouvernance dont loffre est centre sur lvaluation des bonnes pratiques . A cet gard, la

    dimension thique de lvaluation fait lobjet dune recherche en cours et rejoint le paradigme dela

    lgitimit [13c].

    Ces rsultats tayent la contradiction observe entre un droit souple, paradoxalement disciplinaire,

    et la fonction habilitante de la gouvernance. Ils soulignent la ncessit, pour la communaut

    acadmique, de dployer ses efforts pour examiner en profondeur cette nouvelle approche en

    gouvernance et la rendre intelligible, si elle savre source defficience pour les organisations

    concernes.

    Dans cette perspective, deux recherches [8-15] tudient la question des critres dune bonne

    gouvernance. Si les pratiques observes et la convergence des standards (Wirtz, 2006 ; Pichet,2007) semblent apporter une rponse quasiment unanime, en revanche lanalyse des recherches sur

    la question est plus incertaine. En mettant en vidence les contradictions au sein du paradigme, mes

    collaborations avec Dominique Bessire et Stphane Onneproposent une rflexion sur la ncessit

    de rompre avec le paradigme dominant afin de rexaminer la nature de lhomme et la finalit de

    lorganisation. Nous dfendons ainsi lide que lintgration des courants actuels en gouvernance

    ou leur possible dpassement par unification au sein dun paradigme intgrateur ncessite linstar

    de Khun, de se tourner probablement vers lanalyse philosophique pour y chercher un procd qui

    rsolve les problmes de leur propre domaine (Khun, 1970 p. 128). Ma contribution la question

    des Nouveaux dfis financiers et non financiers en gouvernance dentreprise [6] montre que la

    gouvernance est lorganisation ce que latome est la matire, la fois particule lmentaire

    mais aussi systme complexe en interaction avec les individus acteurs. Sur la base du modle de la

    dcouverte scientifique de Khun, jinterroge lhypothse dune rvolution en marche en

    gouvernance dont la connaissance vers linfiniment petit amne la communaut scientifique

    explorer lindividu en tant quacteur insr dans un collectif et vis--vis duquel la gouvernance

    semble avoir des proprits changeantes quil nous appartient didentifier. Cette hypothse dont

    mes travaux actuels apportent successivement quelques arguments favorables sa validation au

    regard des avances actuelles, semble offrir des pistes dexploration pour rsoudre la contradiction

    observe plus haute entre faits et avances thoriques. En particulier, il est ncessaire dapprofondir

    la connaissance du rle de la gouvernance vis--vis du comportement des individus face aux choix

    de cration de richesse. Le comportement de lacteur face aux mcanismes de gouvernance

    constitue un thme privilgi de mes recherches actuelles.

    Lesproccupations stratgiques de la dcision font lobjet dun renouvellement dans le champ de la

    gouvernance depuis larticle prcurseur de Charreaux et Desbrires (1998). Les travaux conduits

    par Charreaux et Wirtz (2006) et Charreaux (2008) explorent les facteurs psychologiques etsociologiques qui affectent le processus de cration de valeur et le comportement sous-jacent des

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    individus. Ce questionnement relatif au jeu des acteurs vis--vis du processus dcisionnel et du

    systme de gouvernance constitue la suite logique de mon programme de recherche entam avec

    lexamen des liens complexes entre gouvernance et dcision stratgique. Il constitue en quelque

    sorte un retour aux sources de mes premires interrogations. Cest donc avec un intrt accru que

    mes rcentes recherches tentent dapprofondir cette relation dinterdpendance

    gouvernance/individu envisage antrieurement sous langle de la dynamique adaptative de

    lorganisation.

    Ainsi, en empruntant les apports de la thorie des conventions (Gomez, 1997), de la gestion des

    ressources humaines et de la sociologie notamment, mes rcentes collaborations avec Eline Nicolas

    [13a-13b-13c] portent sur le processus de dcision du dirigeant face aux attentes dune catgorie

    dacteurs appels convenants . Apartir dun modle de la dcision nous dveloppons le concept

    de style de gouvernance dfini comme le processus dappropriation par le dirigeant du systme degouvernance. Nous proposons une typologie des styles de gouvernance que nous avons ensuite

    partiellement teste dans le cas BNP-Paribas, sur une priode de 4 ans. Nous montrons dune part,

    lhtrognit des pratiques de la banque pourtant considre comme leader par les agences

    Riskmetrics et Capitalcom en 2009 par rapport aux recommandations du code de rfrence AFEP-

    MEDEF 2003. Ce rsultat permet didentifier les styles possibles de gouvernance de la banque que

    nous envisageons daffiner pour ensuite rpliquer le test de cette typologie dautres cas. Dautre

    part, cette tude de cas permet dexaminer les dimensions thiques de lvaluation des pratiques.

    En outre, alors que la grande majorit des recherches en gouvernance porte sur les entreprises

    cotes qui ne reprsentent en ralit quune faible proportion de la population des entreprises en

    activit6, la gouvernance des entreprises de plus petite taille et but non lucratif reste peu explore

    (Hirigoyen, 2007 ; Laville et Hoarau, 2008). Afin didentifier les spcificits de la gouvernancede

    ces organisations, je participe la mise en place dun observatoire des PME en Rgion Centre

    (Contrat de Projet Etat Rgion pilot par Dominique Bessire). Jencadre ainsi plusieurs mmoires

    de recherche applique sur lindentification des pratiques degouvernance des petites et moyennes

    organisations, de leur composante institutionnelle (Rgion, rseaux professionnels, administrations)

    et sur les dterminants du pilotage du besoin en fonds de roulement par les PME.

    Quelle que soit la perspective choisie (changement organisationnel, normalisation,

    processus de dcision), je privilgie une approche interdisciplinaire afin de rendre compte des

    processus organisationnels associs la gouvernance. Cette posture impose le recours une

    mthodologie trs reprsentative de celles appliques dans diffrentes sciences sociales comme la

    sociologie, lethnologie ou lanthropologie. La mthodologie de ltude de cas que je privilgie

    dans la plupart de mes travaux est la dmarche dinvestigation empirique la plus mme de gagner

    6

    Gomez (2009) et Gomez et Korine (2009, p. 242) rappellent que la recherche en gouvernance managriale dans lecontexte des annes 80 traite en dfinitive dun objet trs limit, portant sur 10 000 entreprises cotes dans le monde

    soit 1/100 000 entreprises.

  • 8/10/2019 Gouvernance Des Organisations, HDR

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 12

    en profondeur dans lanalyse systmique et la gnralisabilit thorique du fonctionnement des

    organisations et de leur gouvernance. Les techniques dentretien, danalyse de contenu, les rcits de

    vie ou lobservation participante sont autant de stratgies instrumentales de recherche pour

    comprendre les processus en jeu en gouvernance. La rplication de ces techniques pour le reprage

    de rgularits nexclut pas le recours des traitements quantitatifs complmentaires, notamment sur

    les variables classiques de performance issues des donnes comptables et financires. Ainsi en est-

    il du projet collaboratif avec Eline Nicolas. A cet gard, ltude [16] sur la recherche doctorale en

    finance dentreprise et au sein des sciences de gestion conduite en collaboration avec Cem Ertur sur

    la priode [2000 ; 2005] montre notamment une diversification des politiques rgionales en France

    en matire de choix mthodologiques et qui reflte une volution interdisciplinaire marque en

    sciences de gestion. Ce rsultat est confirm dans le panorama de la recherche en gouvernance de

    Charreaux et Schatt (2006) qui observent la diversit des rattachements disciplinaires des auteurs

    qui travaillent dans le champ de la gouvernance en raison notamment du pluralisme des mthodes

    utilises.

    Cette dmarche interdisciplinaire me parat centrale et reflte mon engagement scientifique et

    lorientation de mon programme de recherche. Les sciences de gestion sont historiquement de

    jeunes sciences dont on ne peut nier les racines en conomie notamment. Pour autant, elles gagnent

    en maturit et, par consquent, en autonomie. Cest dans cette perspective pistmologique que

    sinscrit ma thse en montrant dans le cas spcifique de la privatisation, le dpassement des limites

    de lapproche conomique par lanalyse de lorganisation et de son fonctionnement dans sonenvironnement. En dfinitive, les racines des sciences de gestion et plus particulirement dans le

    champ de la gouvernance, confirment la mtaphore de Coase (2000, p. 51) sur la place de

    lconomie no-institutionnelle au sein de la science conomique et que je reprendrai ici pour le

    compte des relations quentretient mon sens, le champ de la gouvernance avec de multiples

    disciplines en sciences de gestion et dans dautres sciences humaines et sociales: la source dun

    puissant fleuve nest quun mince filet deau, [] sa force lui vient des affluents qui sy

    dversent . En dfinitive, quil sagisse dexplorer la dynamique organisationnelle et/ou les

    facteurs habilitants ou disciplinaires dun systme de gouvernance, lobservation ma conduit un

    constat : la multiplicit des courants et des thories rvlent parfois des forces contraires mais

    quelle que soit lapproche retenue, toutes ont en partage, ou tout le moins sont susceptibles

    dintgrer directement ou indirectement le principe defficience organisationnelle. Dans cette

    perspective, mon objectif est dexplorer ces forces, les arguments des divers courants travers les

    recherches prcdemment mentionnes, partir dune question centrale qui reprend le titre que jai

    souhait donner cette note de synthse : Les recherches en gouvernance pourraient-elles

    converger vers un modle intgr ?

    La porte interdisciplinaire des recherches en gouvernance constitue une opportunit

    didentifier les composants universels constitutifs de lorganisation. Mon programme de recherche

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 13

    rejoint cet gard le projet de Jensen dans son ouvrage de synthse en 1998 sur lide dune

    marche vers une thorie gnrale des organisations qui puisse intgrer terme, lensemble des

    recherches en gouvernance. Il rejoint galement les travaux de Charreaux et Wirtz (2006) et de

    Gomez et Korine (2009) en tentant de concevoir travers la gouvernance, une organisation

    efficiente et lgitime au sein des socits. Il sagit dune question de recherche fondamentale, elle

    na donc pas pour premire motivation, dtablir en tant que tel, des prescriptions ni donc des

    recommandations pratiques. Mon programme de recherche se positionne du point de vue explicatif,

    positiviste parmi les recherches contribuant amliorer sinon rejeter le pouvoir explicatif des

    thories actuelles en gouvernance. Ce faisant, les prescriptions issues de certaines avances de la

    littrature ont vocation tre discutes, notamment lorsque le pouvoir explicatif des thories qui les

    produisent est faible.

    Cette note de synthse a pour finalit dextraire partir des antagonismes tudis jusque l,les voies de dpassement possibles pour la construction dune thorie intgre de la gouvernance

    des organisations. Cette dmarche porte en elle-mme mon programme de recherche, celui

    dexplorer par conciliation ou rupture, les apports potentiels des courants dautres disciplines de

    sciences sociales pour approfondir notre connaissance du rle de la gouvernance dans

    lorganisation. Jenvisage dans la poursuite des travaux raliss jusque l, dapprofondir lexamen

    des finalits de la gouvernance sous langle de lefficience et de la lgitimit en conciliant

    lindividualisme mthodologique et une posture interactionniste qui ensemble relvent du ralisme

    scientifique. Lobjectif est danalyser le processus de dcision au cours duquel lindividu

    communique sans cesse avec un ensemble de parties prenantes, intgrant par consquent le

    contexte collectif dans sa rflexion et plus particulirement, dans le sens quil donne ces choix.

    Cette approche est susceptible de contribuer llaboration dun pont entre les deux paradigmes qui

    dmarquent la recherche en gouvernance. Cette synthse vise mettre en vidence la polysmie du

    concept de gouvernance.

    Ainsi, si mes travaux doctoraux abordent la gouvernance comme un systme de contrle

    et/ou daide la dcision propre lapproche standard (Partie 1), mes travaux ultrieurs tudient la

    gouvernance comme un processus dinteraction sociale et dexpression des conflits (Partie 2) . En

    premire partie, jexposeles rsultats de mes premiers travaux dans le courant standard largi sous

    langledynamique de la gouvernance (1.1) et les implications thoriques (1.2) et mthodologiques

    (1.3). La seconde partie est consacre aux travaux centrs sur la conceptualisation de la

    gouvernance en tant que processus dinteraction. Seront prsentes, les tudes interdisciplinaires

    ralises sur la normalisation en gouvernance (2.1) puis les rcentes recherches sur les premiers

    lments susceptibles de contribuer une approche intgrative en gouvernance (2.2). En

    conclusion, seront abordes les ouvertures de recherche issues de ce bilan dactivit.

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 14

    Partie 1 : Approche standard largie : la gouvernance comme systme de

    contrle dcisionnel

    Les questionnements en gouvernance des organisations ont pris leur essor dans un contexte

    de fort dveloppement du march des capitaux faisant des socits cotes actionnariat diffus (ou

    tout le moins fragment) lobjet privilgi des recherches en gouvernance. Le dveloppement de

    cette organisation ouverte a marqu le dbut du 20mesicle. Il a constitu un vnement majeur

    de lhistoire des entreprises notamment partir de la crise de 1929 qui soulevait la question des

    dysfonctionnements organisationnels et des sources defficience de ce type de structure.

    Linterrogation centrale est relative aux facteurs susceptibles de contribuer la prennit de ce type

    organisationnel donc aux variables defficience.

    Ce nouvel objet dobservation a conduit depuis The Modern Corporation and Private Propertyde

    Berle et Means (1932), nombre de chercheurs identifier les effets de ce dmembrement de la

    proprit sur la performance et notamment sur lappropriation de la rente ou dit autrement sur sa

    rpartition. De l, les dveloppements normatifs des thories contractuelles et notamment de la

    thorie principal-agent et celle des droits de proprit puis des contrats incomplets et des cots de

    transaction (Williamson, 1975) ont propos des mesures de rduction des sources dinefficience

    lies la structure de proprit. Lorganisation est alors envisage comme un arrangement

    institutionnel alternatif au march. La dfinition gnralement retenue dans ces approches

    contractuelles est celle propose par Jensen et Meckling (1976) selon lesquels, la firme est une

    fiction lgale qui sert de lieu de ralisation dun processus complexe dquilibre entre les objectifs

    complexes dindividus lintrieur dun cadre de relations contractuelles. La gouvernance est

    alors tudie sous langle des mcanismes visant protger les intrts des actionnaires supposs

    tre exposs aux risques dexpropriation de la rente par un dirigeant devenu professionnel du

    management. Dans cette perspective dagence, la recherche dominante en gouvernance porte

    essentiellement sur lanalyse des facteurs de rduction des cots dagence et par consquent des

    dterminants du systme de contrle de la dcision relativement la maximisation de la richesse

    actionnariale.

    Dans le cadre de ma recherche doctorale, mon intrt sest port sur la privatisation pour

    quatre raisons majeures. Premirement, le mouvement gnralis des privatisations dans le monde

    depuis les annes soixante-dix contribue au dveloppement des marchs, laccroissement du

    nombre dinvestisseurs et la fragmentation de la proprit. Ainsi prs des trois-quarts des offres

    publiques les plus importantes de lhistoire du 20me sicle atteignant plus de cinq milliards de

    dollars taient des privatisations. Les entreprises privatises constituent de fait un objet de

    prdilection de la recherche en gouvernance. Deuximement, et en corollaire, alors que les sciences

    conomiques se sont trs tt intresses la privatisation produisant de trs nombreux travaux

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 15

    depuis les premires vagues de privatisation dans les annes soixante-dix, les sciences de gestion

    ont port un intrt tardif ce phnomne organisationnel. Or, si lon retient lacception

    traditionnelle de la privatisation, considre comme le transfert de la proprit des agents privs,

    ltude de la privatisation sous langle organisationnel parait vidente dautant que la

    problmatique centrale porte sur laccroissement de performance thoriquement induit part le

    changement de nature de la proprit. La littrature en conomie se concentre ainsi depuis une

    quarantaine dannes sur lanalyse controverse de lefficience de la proprit sur la base dune

    approche comparative de la performance avant et aprs privatisation, ou entre formes

    organisationnelles publiques et prives. Sur la base du principe defficience7, la majorit des

    travaux consacrent la supriorit de la proprit prive sur la proprit publique. Dans le cadre de

    ma recherche doctorale jai donc souhait examiner du point de vue des sciences de gestion la

    question de la relation entre privatisation et performance. Jai ainsi centre ma recherche sur les

    mcanismes organisationnels impliqus lors de la privatisation au regard des apports du paradigme

    de lefficience en gouvernance. Troisimement, la privatisation reprsente un phnomne

    organisationnel dampleur puisquau-del du changement dactionnariat (public/priv), cest

    lensemble des parties prenantes qui est concern. La privatisation constitue en ce sens un contexte

    privilgi pour mettre lpreuve les avances en gouvernance partenariale. Sous cet angle, ltude

    de la relation entre privatisation et performance consiste examiner lvolution du systme de

    contrle de la dcision. Dans la mesure o la gouvernance constitue thoriquement un levier de

    performance, ltude de sa dynamique lors de la privatisation permet de renouveler lanalyse des

    effets de la privatisation sur la performance qui se limite traditionnellement aux facteursdefficience de la nature publique ou prive de la proprit. Lapproche dynamique et largie de la

    gouvernance me paraissait donc propice lanalyse de ce changement organisationnel et

    susceptible denrichir lapproche standard fonde sur une analyse statique et dessence

    actionnariale. Enfin, la quatrime raison relve de la controverse persistante sur le sujet entre les

    tenants de lefficience et ceux de la lgitimit des privatisations conduisant la science en

    approfondir la connaissance. Lanalyse de la privatisation sous cet angle offre une opportunit de

    construire un pont entre les deux paradigmes en gouvernance.

    Ainsi, travers la thse de doctorat consacre lanalyse de la gouvernance partenariale

    sous langle adaptatif des organisations, et les travaux associs, jexamine lapport de la thorie de

    la gouvernance partenariale et lintrt dlargir le paradigme de lefficiencepour tudier la relation

    entre privatisation et performance, offrant ainsi plusieurs lments de rponses cette controverse

    persistante sur lefficience des formes organisationnelles (1.1). La relecture de la privatisation que

    je propose prsente des implications mthodologiques et conceptuelles pour la recherche en

    gouvernance (1.2).

    7Selon lequel les entreprises qui survivent terme sont celles qui sadaptent et dont lexpression anglo-saxonne bien

    connue est the fittest survives .

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 16

    1.1. Adaptation organisationnelle et gouvernance : tude dynamique

    Ltude de la relation entre privatisation, gouvernance et performance que jai choisie de

    conduire dans le cadre de ma recherche doctorale est voue identifier les causes thoriques et

    mthodologiques de lhtrognit des rsultats de la littrature relatifs au test de lhypothse

    centrale selon laquelle la privatisation affecte positivement la performance de lentreprise

    concerne. La revue de littrature sur le sujet allait montrer les limites dune approche fonde sur la

    seule nature publique/prive de la proprit et la ncessit de revoir les arguments thoriques des

    facteurs defficience organisationnelle (1.1.1). Une approche par les processus mis en jeu lors de la

    privatisation permet dclairer le dbat notamment en exploitant la thorie de la gouvernance

    partenariale dont le principal apport est de considrer lefficience sous langle dynamique. Cette

    relecture de la privatisation sous langle de la gouvernance partenariale conduit par consquent

    privilgier une approche dynamique de la privatisation et partant de lefficience des formesorganisationnelles (1.1.2).

    1.1.1. Mise en vidence des limites conceptuelles des facteurs defficienceorganisationnelle

    La thse recense dans un premier temps, les diffrentes acceptions de la privatisation qui

    mont conduit mettre en vidence un large spectre de transformations organisationnelles(Chapitre

    1 de la thse de doctorat). La privatisation recouvre ainsi de multiples aspects lis au degr de

    contrle exerc par les pouvoirs publics, aux objectifs associs (autonomie de gestion oriente surles bnfices, adaptabilit face la drglementation et la globalisation, promotion de la

    concurrence, rduction des inefficiences publiques, etc.), aux formes de privatisation (franchise,

    subvention, cession dactifs au secteur priv, etc.), aux techniques de mise en uvre (offre

    publique, cession de gr gr). Dun bout lautre du spectre, on peut ainsi identifier la

    privatisation comme un transfert complet ou partiel de lactif public au domaine priv dans le cas le

    plus fort, ou une modification des modes de gestion des ressources publiques dans le cas le plus

    faible de privatisation. En retenant le cas le plus abouti de privatisation, la dfinition largement

    reprise dans la littrature est celle dun transfert partiel ou total de la proprit publique la

    proprit prive propose par Bs (1991).

    Cette dfinition standard considre la proprit (publique versus prive) comme la variable

    explicative centrale de laccroissement de performance induit par la privatisation. Partant de cette

    thse initiale largement dominante dans la littrature, je mets en vidence lhtrognit des

    rsultats empiriques quant aux effets positifs de la privatisation sur la performance (Chapitre 1 de la

    thse de doctorat, et notamment tableau 4, p. 77). En montrant lvolution mthodologique de plus

    en plus sophistique de ces tudes (approche statique puis dynamique de lefficience), je conclus

    une accrditation relative de la thse de la proprit selon laquelle la proprit publique est moinsefficiente en milieu concurrentiel que la forme prive. En effet, quil sagisse de la comparaison de

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 17

    performance des firmes publiques et prives ou de limpact de la privatisationsur la performance,

    la variation des ratios de performance conomique et financire est positive mais de significativit

    trs htrogne selon les ratios (variation positive significative pour le taux de marge nette mais

    non significative pour la rentabilit des capitaux propres, lintensit capitalistique ou le niveau

    demploi par exemple). Lapproche, plus marginale, par tude de cas multiples conclut la mme

    htrognit en identifiant plusieurs facteurs : les spcificits macroconomiques (conomies en

    transition, rcession par exemple) qui attnueraient leffet positif de la privatisation, un

    accroissement de performance observ antrieurement au transfert de proprit et une priode

    dtude souvent trs limitene permettant pas de capter les effets de la privatisation.

    Lensemble de ces travaux montre par lhtrognit des effets de la privatisation sur la

    performance que lanalyse thorique fonde sur lefficience de la proprit est insuffisante pour

    statuer sur la relation. Les rsultats favorables lhypothse dune corrlation positive entre

    privatisation et performance, comme ceux de Ehlrich et al.(1994) sur le long terme, ou les rsultats

    dfavorables ou plus nuancs de Villalonga (2000) ou Alexandre et Charreaux (2001) ont le

    mritent didentifier dautres variables explicatives comme le contexte institutionnel et

    organisationnel ainsi que la priode dtude retenue. En rejetant la proprit comme facteur

    explicatif exclusif, ces travaux montrent la complexit des effets de la privatisation sur la

    performance organisationnelle et la ncessit den approfondir lanalyse.

    Dans un second temps, jai privilgi un examen des caractristiques organisationnelles

    publiques et prives daprs la lecture des thses qui les modlisent. Ce travail de recherche sestdonc orient sur une analyse comparative des formes organisationnelles partir des approches

    contractuelles qui se consacrent la firme (chapitre 2) dans lobjectif de cerner les sources

    defficience ou dinefficience des organisations publiques et prives. La comparaison des

    approches endogne et exogne des thories de droits de proprit, avec lapproche principal/agent

    et la thorie des cots de transaction fait apparatre des rsultats limage des tudes empiriques.

    Alors que la littrature sur les privatisations tend plutt dfendre lhypothse defficience

    suprieure de la proprit prive et partant de leffet positif de la privatisation sur la performance,

    les fondements thoriques compars des deux types organisationnels sont plus nuancs (tableau 1

    ci-dessous). Il apparat que lorganisation publique, par ailleurs dote de formes multiples (Cf.

    Schma 3, p. 99 de la thse de doctorat) peut constituer une forme organisationnelle efficiente

    comparativement dautres, notamment dans le cas dune incertitude trs forte et de transactions

    trs spcifiques. Ainsi la question de la disparition programme de lorganisation publique, la

    comparaison des thories mobilises me conduit rpondre par la ngative et ce faisant remettre

    louvrage sur le mtier.

    Cette analyse comparative des formes organisationnelles partir des approches

    contractuelles a fait lobjet dun document de travail du LOG (2003) : Efficience

    versus inefficience de lorganisation publique: contribution des thories

    contractuelles

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 18

    Tableau 1 : Approches contractuelles des organisations publiques et prives : la concurrence

    des formes organisationnelles efficientes inChatelin (2003, p. 29)

    Prismethorique

    Entreprise publique Entreprise prive Efficience vs inefficience

    Approcheexogne

    de la

    proprit

    Non transfrabilit des titres,Exclusivit et Partitionabilit floues

    Droit de dcision rsiduelle dilu

    Droit au gain/perte rsiduel

    peu incitatif

    Transfrabilit,

    Exclusivit et Partitionabilit mieuxdlimites

    Droit de dcision rsiduelle plus

    prcis

    Droit au gain/perte rsiduel plus

    incitatif

    Lentreprise publique est moins

    efficiente que lentreprise

    prive

    Approche

    endogne

    de laproprit -

    contrats

    incomplets

    Systme de droits rpondant uneincompltude contractuelle forte

    Systme de droits rpondant uneincompltude contractuelle moindre

    Lefficience dpend du degr de

    dillution des droits de propritet des incitations au contrle

    dans les 2 types

    organisationnels

    Approche

    Principal

    - agent

    Relation dagence multiple

    composite,

    Rente informationnelle publique,

    Risques dexpropriation plus levs

    du dirigeant (agendas et objectifs

    sociaux),

    => dilution forte des incitations du

    dirigeant

    Principal public en asymtrieinformationnelle

    => Contrles des activits

    managriales moins efficaces

    Relation dagence moins composite,

    AI agent principal favorise lincitation

    du dirigeant efficacit productivepour consommation personnelle,

    Risque dexpropriation moindre

    => Dilution moins forte des

    incitations du dirigeant

    Principal priv en asymtrie

    informationnelle moindre=> Contrles complmentaires des

    activits managriales plus efficaces

    Lorganisation publique peut

    tre plus efficiente quune

    organisation rgule

    Thorie

    des Cots

    de

    transaction

    Technologie extrme de

    gouvernance (de tout dernier ressort)

    pour transaction forte implication

    sociopolitique

    Technologie de dernier ressort

    conomisatrice de cots de transactionpar rapport au march

    Lorganisation publique est uneforme de gouvernance plus

    efficiente pour transactions

    forte incertitude impliquantdautres critres de coordination

    que les objectifs conomiques

    stricto sensus

    Adapt de Chatelin (2001, p. 121)

    Cette comparaison des arguments thoriques contractuels sur lefficience des formes

    organisationnelles montre la ncessit de renouveler lanalyse du lien entre privatisation et

    performance. La nature de la proprit est susceptible davoir des implications complexes sur le

    comportement des parties prenantes lgard de la performance. De mme, lenvironnement

    semble appeler des formes organisationnelles particulires susceptibles dvoluer avec lui. On

    comprend alors dune part, lexistence des entreprises publiques, dautre part, limportance dun

    examen approfondi des effets de la privatisation sur le comportement organisationnel. En ce sens,

    lanalyse doit pouvoir prendre en compte les modifications comportementales de la firme vis --vis

    du processus de cration de valeur lors de sa privatisation.

  • 8/10/2019 Gouvernance Des Organisations, HDR

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 19

    Ces lectures partielles de la firme soulignent la ncessit dune grille de lecture qui puisse

    intgrer les processus organisationnels qui sont finalement mis en jeu par la privatisation et la

    drgulation qui peut parfois laccompagner. Comme le souligne Glachant (1994, p. 53) les

    diffrences public-priv s'avreraient donc moins tranches que ce que lon avait pu dire, et

    consisteraient davantage dans des diffrentiels dintensit que dans des spcificits radicales. En

    consquence, un cadre thorique offrant une analyse plus qualitative et intgrative du

    fonctionnement de la firme semble simposer pour comprendre ladaptation organisationnelle en

    matire defficience. La synthse que nous avons propose des travaux sur la privatisation,

    dmontre en dfinitive lintrt scientifique dune analyse des processus organisationnels comme

    rponse endogne dune recherche dquilibre ou defficience. En ce sens, je propose de renouveler

    la question de la privatisation en examinant ses effets sur larchitecture organisationnelle.

    1.1.2. Approche intgrative : De lefficience statique lefficiencedynamique

    La lecture compare des sources defficience des formes organisationnelles publique et

    prive permet de caractriser ces dernires selon plusieurs dimensions (incompltude contractuelle,

    caractristique des droits dcisionnels, relation dagence, spcificit des transactions). Cette

    approche comparative met en exergue la ncessit de rendre compte de leur complmentarit dans

    la mesure o le fonctionnement de lentreprise rsulte davantage des interactions entre ces variables

    organisationnelles que de leur simple juxtaposition. Pour comprendre les effets de la privatisationsur la performance, jai donc analyslinteraction de ces variables en amont de la privatisation ce

    qui ma conduit rinterprter les apports thoriques prcdents sous un angle plus systmique de

    la firme.

    Cette problmatique relie deux aspects de lorganisation, dune part lallocation des droits

    dcisionnels, tant en matire de contrle que de dcisions relatives lusage des ressources, dautre

    part la recherche de cration de valeur optimale compte tenu des cots de coordination lis la

    localisation de linformation. De plus, une prise en compte des partenaires contractuels de la firme

    parat plus proche de la ralit organisationnelle. En effet, elle caractrise de manire plus raliste,

    la nature des problmes informationnels qui animent la firme et sa recherche dconomie de cots.

    En consquence, la prise en compte simultane des composants de larchitecture organisationnelle

    conduit privilgier une vision largie de la firme. Larchitecture organisationnelle sentend par

    rapport aux caractristiques des flux de ressources et dinformation, aux relations dautorit et de

    contrle, aux moyens par lesquels les nouvelles ides et connaissances sont gnres et diffuses et

    par lesquels les objectifs et les comportements individuels sont aligns (Milgrom et Roberts

    1997, p. 29).

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 20

    En choisissant ce positionnement, ma recherche doctorale sinscrit dans le paradigme largi

    de lefficience. Dans la mesure o je privilgie une dmarche hypothtico-dductive, il convient de

    dmarquer8 brivement le paradigme de lapproche standard en gouvernance dans lequel je

    minscris en rappelant le questionnement et les principes et thories mobilises. Le paradigme

    largi de lefficience vise rsoudre une limite centrale du paradigme standard qui se heurte au

    ralisme de lhypothse statutaire de linvestisseur financier comme seul crancier rsiduel. La

    crance rsiduelle gnralement assimile au profit suppose que les autres parties prenantes

    nassument aucun risque et notamment aucune externalit lies aux dcisions de cration de valeur.

    En ce sens, les salaris, clients ou fournisseurs notamment, engags contractuellement envers la

    firme nont aucun droit sur la rpartition de la valeur rsiduelle tant entendu quils sont rmunrs

    leur cot dopportunit. Le rle de la gouvernance est alors de rduire les cots contractuels et

    notamment les cots dagence par lecontrle exerc sur le dirigeant, ou plus exactement sur son

    comportement dcisionnel en matire de cration de valeur actionnariale. Lobjectif normatif de la

    gouvernance est alors la prservation des intrts actionnariaux (Shleifer et Vishny, 1997).

    Or la thorie positive de lagence centre sur larchitecture des droits dcisionnels retient

    comme dfinition du risque rsiduel assum par le crancier du mme nom, le risque dune

    diffrence entre les flux stochastiques de ressources et la rtribution prvue des apporteurs (Fama

    et Jensen, 1983a, p. 176). Le crancier rsiduel dtient donc le droit dappropriation des flux nets

    issus de la ralisation des engagements du contrat. En ce sens, la fonction du crancier rsiduel

    est exerce par celui dont lutilit est affecte par la partie non contractualisable des dcisionsprises et mises en uvre. Cette fonction dassomption du risque rsiduel considre par Charreaux

    (1999, p. 121) comme une fonction dincertitude rsiduelle attache tout contrat liant un individu

    la firme, suppose donc dlargir le statut de crancier rsiduel toute partie prenante. Cet

    largissement du paradigme standard a fait lobjet dun article de synthse en collaboration avec

    Stphane Trbucq (2003) permettant de faire un point sur les avances en gouvernance et leurs

    auteurs comme le montre la figure suivante.

    8En rfrence au principe de dmarcation de la science dvelopp par Popper (1979).

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 21

    Figure 1 :Le statut du crancier rsiduel et llargissement de la gouvernance chez quelques

    auteurs

    (in Stabilit et volution du cadre conceptuel en gouvernance dentreprise: un essai de synthse , 2003)

    De l, lefficience9 de lorganisation se dcline en deux niveaux (Charreaux, 1999). Dune

    part, lefficience interne sexamine au regard de la capacit de lorganisation rduire les cots

    dagence pour lensemble des partenaires. Il sagit dun quilibre de troisime degr. A ce niveau,le systme de gouvernance est apprhend sous langle explicatif de la thorie positive de lagence

    et plus largement de larchitecture organisationnelle vue comme la combinaison dun systme de

    rpartition des droits dcisionnels (Fama et Jensen, 1983) et du systme de coordination et de

    contrle (Jensen et Meckling, 1992). Ainsi comme je le dveloppe dans le chapitre 3 de la thse de

    doctorat (p.138), sur la base des travaux de Fama et Jensen (Op. Cit), le problme organisationnel

    consiste mettre en place un ensemble de rgles du jeu organisationnel qui permette une

    organisation du processus de dcision organis autour des fonctions de gestion des dcisions

    (droit dinitiative et de mise en uvre) et la fonction de contrle de ces dcisions (droit de

    ratification et de surveillance par valuation et sanction/rcompense). Dautre part, lefficience

    externe sexamine au regard de la capacit de la firme rduire ses cots dagence

    comparativement aux formes organisationnelles alternatives. Il sagit dun quilibre de deuxime

    degr qui rejoint le critre de remdiabilit10dvelopp par Williamson (1999, p. 316).

    9Charreaux (2006, p.303) prcise que lefficience allocative dorigine partienne ou la simple efficience productive

    au sens statique sont abandonnes au profit dune conception dynamique ou adaptative, dinspiration schumpeterienne,

    qui accorde une grande importance linnovation et la flexibilit, donc la capacit crer de la valeur de faon

    durable. 10

    En rfrence au principe de slection naturelle, la survie dune entreprise dpend de sa capacit sadapter encherchant la minimisation de ces cots dagence. Il ny a donc pas de forme organisationnelle univ erselle, permettant

    datteindre un optimum de premier rang. Comme le souligne Charreaux (1999), les formes existantes sont alors celles

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 22

    En consquence, lanalyse de la firme et notre problmatique sur la privatisation consiste

    envisager les facteurs explicatifs de la performance entendue ds lors, comme rsultante dun

    processus de cration de valeur partenariale. Jai alors examin limpact de la privatisation sur

    larchitecture dcisionnelle et sur le systme de gouvernance associ (Chapitres 3 et 4 de la thse de

    doctorat). La gouvernance recouvre alors un systme de rgles disciplinaires du jeu managrial

    quil sagisse de mcanismes spcifiques la firme comme le conseil dadministration, ou non

    spcifique, comme par exemple le march des capitaux ou le systme rglementaire (Charreaux,

    1997). Ces rgles du jeu ont vocation rduire les pertes rsiduelles des partenaires en gouvernant

    le processus de rpartition de la rente par surveillance, incitation et sanction du dirigeant en matire

    de choix dinvestissement et de financement.

    A partir de ce cadre gnral, le premier rsultat de ma recherche doctorale porte sur la r-

    interprtation de la privatisation que je dfinis comme la rallocation des tapes du processus

    dcisionnel au profit dagents privs, en fonction de la localisation de linformation spcifique (tant

    en matire de contrle que de gestion de la dcision) et des agents assumant le risque rsiduel.

    Alors que la littrature fait apparatre un consensus sur ce phnomne organisationnel considr

    comme un simple transfert de proprit publique/prive, plutt favorable laccroissement de la

    performance (Ehrlich, Gallais-Hamonno, Zhiqiang et Lutter, 1994), la thorie de la gouvernance

    partenariale apporte en effet un clairage nouveau. La privatisation constitue un processus

    dvolution conjointe de larchitecture organisationnelle et du systme de gouvernance. Elle

    caractrise la dynamique organisationnelle bien avant lventuel transfert de proprit qui apparat

    ds lors, comme lune des dernires tapes du processus adaptatif de lorganisation. Le schma

    suivant, extrait de la thse de doctorat, reprend les variables explicatives proposes dans mon

    analyse exploratoire du lien entre privatisation, gouvernance et performance.

    Figure 2 : Privatisation et performance, larchitecture organisationnellecomme interface

    Cette approche exploratoire de limpact de la privatisation sur larchitecture

    organisationnelle et sur le systme de gouvernance associ considre alors une dcentralisation des

    fonctions dcisionnelles que jai pu observer travers trois tudes de cas longitudinaux, lun

    qui reprsentent, parmi les choix possibles, un choix efficient de second degr un moment donn (Charreaux qualifie

    galement ce critre defficience externe , 1999, p. 104).

    Systme de gouvernance

    II

    Privatisation Efficience

    organisationnelle

    Processus dcisionnel

    IPartenaires

    de lacoopration

    III

    Architecture

    organisationnelle

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 23

    franais (1948-2001), lautre hollandais(1902-1996) dvelopps dans le chapitre 6 de la thse, puis

    un troisime cas (1991-1998), hors thse, en collaboration avec Carine Catelin.

    Ces tudes qualitatives ont fait lobjet de plusieurs articles: Privatisation,

    Gouvernement d'entreprise et Processus dcisionnel : la dynamique

    organisationnelle - le cas France Tlcom (Finance Contrle Stratgie, 2001) en

    collaboration avec Carine Catelin, La privatisation d'Air France : un test de la

    thorie de la gouvernance partenariale (Sciences de gestion et Pratiques

    managriales, Economica, 2002), et Gouvernance partenariale et performance

    organisationnelle : les enseignements des privatisations passes. (Revue

    Gouvernance, 2004).

    Le deuxime rsultat montre que cette rallocation des fonctions dcisionnelles au sein de

    ces firmes sest accompagne dun ajustement du systme de gouvernance suppos encadrer le

    processus dcisionnel (cf. Figure 3 extraite de larticle paru dans la Revue Gouvernance 2004 et du

    chapitre 6 de la thse de doctorat). Cette adaptation permet denvisager la privatisation comme un

    processus en plusieurs tapes marqu dune part, par le passage dun systme de gouvernance

    rseau un systme de gouvernance march11et dautre part, par une dcentralisation du processus

    dcisionnel, confirmant lhypothse de Fama et Jensen selon laquelle dans le contexte dune

    organisation complexe, une architecture dcisionnelle fortement dcentralise tant en matire de

    gestion quen matire de contrle prvaut.

    Figure 3 : Les phases du processus de privatisation dAir France (AF) et de Dutch State

    Mines (DSM)

    Avec PD Cent : processus dcisionnel centralis, PD Dec : processus dcisionnel dcentralis ; SGM : systme de

    gouvernance de type march et SGR : systme de gouvernance de type rseau

    11Respectivement caractriss par une rgulation via des mcanismes spcifiques propres lorganisation (actionnaires actifs, rseaudes dirigeants par exemple) et par des mcanismes de marchs (financier notamment) selon la typologie de Charreaux (1997, p.465).

    AF1990

    DSM1970

    AF1993-95AF1999

    PD-DecPD-Cent

    AF2000

    SGM

    SGR

    DSM1967

    DSM1989

    DSM2000

    I

    II

    I

    II

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 24

    Le troisime rsultat porte finalement sur les effets de cette volution organisationnelle

    induite par la privatisation sur la performance que japprhende sous langle de la valeur

    appropriable par les diffrents partenaires. Il savre que sur la priode dtude de plus de 10 ans

    (ou plus selon le cas tudi), la privatisation se traduit par une adaptation organisationnelle

    progressive qui impacte la valeur appropriable de manire trs variable la fois dans le temps et

    pour chaque catgorie de partenaires. En ce sens, ces recherches bases sur une rplication de trois

    cas trs diffrents par leur secteur (tlphonie, transport arien et nergie/chimie) et leur contexte

    institutionnel national (deux cas franais, un cas hollandais) confirment la plausibilit de lapproche

    exploratoire propose. Ainsi, je montre que lvolution organisationnelle dclenche par le

    processus de privatisation bien en amont de louverture du capital, rpond dans les cas tudis,

    une modification des contraintes environnementales et notamment institutionnelles. Ces contraintes

    constituent une source dajustement de lquilibre organisationnel, ncessitant une adaptation de

    larchitecture dcisionnelle devenue sous efficiente (quasi-faillite dAir France en 1993, ncessit

    dune rorientation stratgique pour DSM vers 1950, libralisation du secteur des

    tlcommunications partir de 1986). Le processus engag par Air France, DSM ou France

    Tlcom a permis daugmenter, dans le nouveau contexte environnemental, leur efficience interne

    (entre les partenaires de la coopration) et leur efficience externe (comme forme organisationnelle

    efficiente parmi les choix possibles dans un contexte de drgulation).

    Au regard de ces rsultats, la privatisation dpasse la simple modification de la proprit

    publique au profit de la proprit prive, source dune rduction idalise des cotsorganisationnels. Elle doit tre envisage comme un processus organisationnel adaptatif la

    recherche dune meilleure efficience en dynamique. Lapplication des fondements de la thorie de

    la gouvernance partenariale dmontre que la privatisation est un enchanement de processus

    internes en interaction avec lenvironnement de lorganisation. Les mcanismes de gouvernance qui

    encadrent le processus dcisionnel voluent lors de la privatisation de telle sorte quils modifient

    larchitecture du processus de cration et de rpartition de la valeur organisationnelle. Ainsi, la

    privatisation en modifiant la configuration de la coopration influe positivement sur le niveau

    global de valeur appropriable par les partenaires. Toutefois lanalyse par catgorie rvle que

    certains fournisseurs (annulation dinvestissements) et salaris exclus de la coopration

    (licenciements, dparts anticips) ont fait les frais du processus dadaptation notamment lors des

    restructurations de dpart.

    Cette relecture de la privatisation sous langle de la gouvernance partenariale apporte

    plusieurs rponses au regard de la littrature. Dune part, lhtrognit des rsultats des tudes

    centres au mieux sur 3 ans autour de la date de transfert de capital au secteur priv, sexplique par

    limpossibilit de capter sur courte priode les volutions organisationnelles . Dune entreprise

    lautre,celles-ci peuvent tre trs variables dans le temps (de 10 ans ou plus dans nos cas), do la

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 25

    non significativit des rsultats de certaines tudes et lhtrognit des rsultats agrgs. Je

    rejoins pour cette raison, ltude de Ehrlich, Gallais-Hamonno, Zhiqiang et Lutter (1994) qui

    montre une performance suprieure sur le long terme des entreprises privatises alors qu court

    terme la diffrence nest pas significative. Sur ce point, ma recherche montre une amlioration de la

    performance antrieure louverture du capital qui succde une amlioration de lefficience

    interne par la mise en place de mcanismes visant garantir le march de perspectives de cration

    de valeur. Dautre part, ma recherche dfend lhypothse de neutralit de la proprit. En effet, si

    les rsultats convergent vers ceux favorables la privatisation, les facteurs explicatifs avancs sont

    cependant diffrents. En effet, la privatisation conduit une amlioration de performance si

    larchitecture organisationnelle et le systme de gouvernance constituent une rponse endogne de

    lorganisation. En particulier, les modifications institutionnelles lies la drglementation des

    secteurs concerns et ce faisant la concurrence accrue exigent une architecture organisationnelle

    plus dcentralise combine une gouvernance oriente sur des critres de march (rmunration

    variable lie la performance commerciale, stock options). Dans le sens inverse, la

    nationalisation (donc le passage dune architecture organisationnelle de type prive une

    architecture de type publique ) constitue une rponse organisationnelle adapte au contexte

    dapparition de nouvelles rgles institutionnelles qui privilgierait une architecture plus centralise

    et une gouvernance plus spcifique marque par les rseaux dirigeants et politiques, comme par

    exemple lors des nationalisations engages aprs 1945 dans le cadre de la reconstruction daprs

    guerre.

    Ainsi le passage un systme de gouvernance de type march est une rponse de

    lorganisation mouvement institutionnel notamment europen de libralisation qui a du tre

    intgr par le systme de gouvernance des entreprises tudies en vue de garantir leur prennit

    donc leur efficience. En ce sens, les choix institutionnels politiques impactent le systme de

    gouvernance et lefficience des formes organisationnelles. Toute volution de ces choix

    institutionnels orients sur une logique de march conduit les formes organisationnelles des

    adaptations de leur architecture dcisionnelle. Ainsi, si lon considre quun choix institutionnel

    affecte positivement lefficience interne des formes organisationnelles, toute chose gale par

    ailleurs, alors ces choix nont pas de raison de changer et dans ce cas, les formes organisationnelles

    atteignent leur optimum de second rand (efficience externe). A linverse, un impact ngatif des

    choix institutionnels sur lefficience interne peut soit conduire les formes organisationnelles

    voluer12, soit modifier les choix institutionnels de sorte que lorganisation puisse modifier son

    12Cest le cas des trois entreprises tudies qui ont adapt leur architecture dcisionnelle aux contraintes de march qui

    ont prcd. Sur ce point, il faut remarquer que dans le cas de France Tlcom, ladaptation prsente des sources

    dinefficience quil reste neutraliser au niveau de larchitecture dcisionnelle et du systme de gouvernance. Les

    suicides rcents rvlent a prioriune dfaillance des ces derniers (notamment la culture dentreprise associe au statut

    de certains salaris fonctionnaires) par rapport aux rgles du jeu de la libralisation. En ce sens, lefficience interne delentreprise est encore incertaine mme si la privatisation semble avoir contribu garantir ladaptation et donc la

    prennit de lentreprise face un secteur trs concurrentiel.

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    architecture organisationnelle lappui de rgles du jeu institutionnelles plus favorables un

    quilibre de second rang. Dans ce cas, le retour des choix institutionnels antrieurs nest pas

    exclure, autrement dit, comme nous le voyons dailleurs aujourdhui, les vagues de privatisations

    entames dans les annes soixante dix peuvent laisser place de nouvelles vagues de

    nationalisations comme nous lobservons dans le secteur bancaire notamment au Royaume Uni ou

    des formes hybrides comme en France o lEtat devient un partenaire central sans tre

    actionnaire. La dimension institutionnelle de la gouvernance des entreprises contribue par

    consquent lefficience organisationnelle (et vice et versa) sans prsumer de la supriorit dun

    modle institutionnel sur un autre comme le suggre Charreaux (2006). Les implications dune telle

    conjecture notamment sous langle de la lgitimit, seront abordes dans les perspectives de

    recherche de cette note de synthse. Mais ces rsultats posent dornavant la question de la

    lgitimit de ces choix politiques centrs sur le modle libral et de leurs consquences sur le rle

    socital des organisations cest--dire vis--vis des parties prenantes.

    A lissue de cette recherche doctorale, je privilgie finalement lhypothse dynamique et

    contextuelle de lefficience organisationnelle et du systme de gouvernance. En revanche, sous

    rserve de la gnralisabilit statistique du modle propos, la supriorit dune forme

    organisationnelle sur une autre na de sens quen relatif. Ainsi, le critre de remdiabilit dfendu

    par Williamson est confirm ici.

    Pour conclure, llargissement de lapproche standard que jai souhait retenir pourlanalyse exploratoire de lefficience organisationnelle dans le cas de la privatisation a permis

    dapporter un clairage sur le fonctionnement des firmes et leurs facteurs dadaptation.

    Linterdpendance du processus dcisionnel et du systme de gouvernance caractrise le processus

    dadaptation de lorganisation. Cette interaction apparat centrale dans lvolution des firmes et

    leurs niveaux defficience. En optant pour une approche largie de la firme, ma recherche a eu par

    ailleurs pour objectif de mettre lpreuve les apports du courant partenarial en gouvernance qui

    reconsidre la notion de crancier rsiduel. En apportant plusieurs lments de rponses aux

    rsultats contradictoires observs dans la littrature jai pu ainsi confirmer lintrt dune approche

    largie en gouvernance pour apprhender lefficience des organisations. Cette dmarche a des

    consquences mthodologiques et conceptuelles pour la recherche en gouvernance.

    1.2. Implications mthodologiques et conceptuelles

    Si Popper (1972, p. 520) insiste sur lexigence de devoir remplacer autant que possible les

    noncs qualitatifs par des noncs quantitatifs afin daccrotre la testabilit dune thorie, le

    mme auteur remarque aussi que ces procds de mesure ont t assez tardifs dans certaines

    sciences et non utiliss par toutes. Cette question pistmologique est centrale dans la mesure o

    elle contribue dlimiter la production de connaissance. Plus spcifiquement, dans le cadre du

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 27

    paradigme en gouvernance, il sagit aussi dexaminer en quoi son volution conceptuelle concerne

    galement laxe mthodologique de ce mme paradigme. Ainsi, lapproche du fonctionnement des

    organisations par une analyse des processus ma conduit examiner lengagement mthodologique

    sous-jacent (1.2.1) et la porte explicative dune telle approche en gouvernance (1.2.2).

    1.2.1. Ncessit dune adaptationmthodologique

    Le quatrime rsultat de la thse est de nature mthodologique (chapitre 5 de la thse de

    doctorat). Il porte sur ladquation entre la mthode dinvestigation empirique et la question de

    recherche initiale centre sur les processus organisationnels. Alors que lessentiel des travaux dans

    la littrature sur la privatisation opte pour une dmarche quantitative sur dimportants chantillons,

    le renouvellement de la problmatique de la privatisation par lapproche partenariale sest traduit

    par un renouvellement de la mthodologie empirique. Peu traits lpoque dans les travaux en

    gouvernance dessence trs majoritairement quantitative13, ces processus adaptatifs nont pu tre

    rigoureusement traits qu partir dune approche qualitative argumente dans un chapitre ddi et

    plusieurs communications et articles de synthse [3-4].

    Le cinquime chapitre de ma thse de doctorat consacr la stratgie instrumentale

    et repris dans Privatisation et gouvernance : enjeux thoriques et

    mthodologiques , Revue des sciences de gestion -Direction et gestion (2004),

    expose les arguments en faveur dun positionnement qualitatif de lobservation pour

    tester la plausibilit de lanalyse exploratoire de la privatisation et du pouvoir

    explicatif de lapproche standard largie en gouvernance.

    Le recours ncessaire la dmarche qualitative se justifie pour trois principales raisons. La

    premire relve de la nature des variables mobilises par le cadre conceptuel. Ds lors que

    lobjectif de la modlisation est dtudier en profondeur un phnomne, les interactions et les

    processus tals dans le temps, loprationnalisation de telles variables ncessite la collecte de

    donnes qualitatives. Dans cette perspective, ltude dun ou plusieurs cas reprsente une

    instrumentalisation adapte aux questionnements qualitatifs soulevs par lapproche partenariale(volution/allocation des droits dcisionnels, catgories de partenaires et caractristiques conjointes

    des mcanismes de gouvernance). Lobjectif dune telle dmarche peut tre la description, le test

    dune thorie ou sa construction partir dune question de recherche centre sur les processus sous

    jacents au phnomne tudi. Comme je lai voqu dans la section prcdente, les limites des

    rsultats des travaux antrieurs sur la privatisation peuvent tre dpasses ds lors que la

    problmatique soriente sur les processus engags. Ltude de cas permet alors de produire des

    informations plus pertinentes pour la mesure de certains concepts (allocation des droits

    dcisionnels, volution du systme de gouvernance, valeur partenariale), que ne le permet un

    13Mais galement dans la quasi-totalit des travaux sur les privatisations depuis 40 ans.

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    Synthse HDRGouvernance des organisations : vers une thorie intgre ? 28

    chantillonnage statistique. Le recours au cas permet en ce sens de capter des donnes sous-

    exploites, voire ignores, dans lapproche standard compte tenu de la problmatique inhrente

    fonde sur limpact de la structure de proprit sur la performance. Ainsi, les problmatiques qui

    reposent sur des conjectures essentiellement qualitatives, fondes sur des observations difficilement

    quantifiables, contraignent fortement le choix de leur instrumentalisation au profit dune dmarche

    qualitative (Yin, 1994). Lapproche par les processus a permis denvisager la privatisation comme

    une transformation organisationnelle et non pas de manire restrictive comme un transfert de

    proprit. Elle a galement permis de rendre compte de linterdpendance entre le contexte et

    larchitecture organisationnelle et a mis en vidence lintrt dune tude dynamique de

    lefficience, permettant ainsi dexpliquer lhtrognit des rsultats et les processus complexes

    engendrs par la privatisation.

    La deuxime raison du recours ltude de cas est concomitante. Dans la mesure o

    lapproche standard largieen gouvernanceprivilgie une interprtation dynamique de lefficience,

    la priode dtude doit tre suffisamment longue pour examiner les processus organisationnels et

    leurs effets sur lefficience de la firme partir dun chantillonnage qualitatif dun ou plusieurs cas.

    La troisime raison est lie la mesure de la valeur partenariale ncessaire lexamen du

    lien entre les processus organisationnels observs et cette valeur. Ce lien peut tre abord de

    manire indirecte par lobservation au cas par cas des variations de flux et des donnes qualitatives

    sur lappropriation de la valeur par les stakeholders (modification des avantages en nature,

    conditions de travail, rgles sur congs pays par exemple) comme je le dveloppe dans la revue

    Gouvernance (2004).

    Dans le cadre de la recherche sur la relation entre privatisation et performance, notre

    observation relative lambigut des rsultats empiriques, lvolution mthodologique des

    traitements et finalement au renouvellement ncessaire de la problmatique sur la privatisation va

    dans ce sens. En effet, la synthse des tudes transversales reprsentatives dune population

    dentreprises privatises fait apparatre une approche statistique de la relation

    privatisation/performance de plus en plus labore. Comme les tudes rcentes de Villalonga

    (2000) ou Alexandre et Charreaux (2004) lillustrent, cet enrichissement mthodologique vise

    prendre en compte des variables complmentaires (comme le contexte de rcession ou de

    croissance lappui de variables muettes) celle directement implique dans la relation

    (notamment la performance). Comme le prcisent leurs auteurs, ces tudes ont pour objectif

    dapprofondir lanalyse des processus susceptibles dintervenir implicitement dans la relation

    initiale. Les tudes de cas simposent alors comme lapproche instrumentale la plus adquate pour

    expliciter les liens intermdiaires entre privatisation et performance et plus globalement, la

    dynamique des organisations.

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    Dans cette perspective, le problme essentiel rsoudre est celui de la