11
Clémence Pagnon 19 octobre 2010 Clémentine Legay Commentaire de texte de Gracchus Babeuf. L’Ancien-Régime touche à sa fin avec la Révolution. Ce n’est pas seulement un changement de gouvernement, la Révolution c’est aussi un changement de société et de manière de pensée. Désormais, une grande place est faite à l’individu, les idéologies qui se développent sont tournées en faveur et pour le bien être de l’Homme. Babeuf fait parti de ces Révolutionnaires qui mettent en avant l'intérêt et le bonheur de l’individu. Ce texte politique, critique de la société de la fin du XVIIIème siècle, a été écrit par Gracchus Babeuf, durant la Révolution Française, sans doute vers 1796. Babeuf est une figure révolutionnaire importante, rallié aux positions de Robespierre et des Montagnards. Il expose durant la révolution, dans son journal intitulé le Tribun du Peuple, des idées telles que la « Communauté des Biens » ou la « Société des Egaux ». Peu de temps après avoir rédigé ce texte, il tente avec les membres de son réseau appelé la Conjuration des Egaux, de renverser le Directoire en place depuis 1795. Mais il échoue et est exécuté en 1797. Ce texte est une critique de la société et de la politique de la toute fin du XVIIIème siècle. Pour Babeuf, la Révolution n’a pas résorbé les inégalités de la société, il existe toujours une minorité de riche qui exploite l’immense majorité pauvre. Babeuf fait également l’étalage des défauts de la Constitution de 1795, en vigueur lorsqu’il écrit ce texte. Mais derrière cette critique, il expose ses idées et ses solutions : communauté des biens, fin de la propriété individuelle, égalité sociale, travail de tous et également souveraineté du peuple, notamment à travers la Constitution de 1793 qu’il voit comme la plus démocratique et la plus juste. Quelle est la conception de Babeuf de la société et de la politique de son époque, quelles propositions y apporte-t-il ? Lorsque Babeuf écrit ce texte, vers 1796, les changements qu’apporte la Révolution française ne sont pas terminés, mais Babeuf estime que la société postrévolutionnaire est loin de l’idéal que défendaient les révolutionnaires. Nous étudierons les critiques de cette société dans la première partie.

Gracchus Babeuf

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Gracchus Babeuf

Clémence Pagnon 19 octobre 2010Clémentine Legay

Commentaire de texte de Gracchus Babeuf.

L’Ancien-Régime touche à sa fin avec la Révolution. Ce n’est pas seulement un changement de gouvernement, la Révolution c’est aussi un changement de société et de manière de pensée. Désormais, une grande place est faite à l’individu, les idéologies qui se développent sont tournées en faveur et pour le bien être de l’Homme. Babeuf fait parti de ces Révolutionnaires qui mettent en avant l'intérêt et le bonheur de l’individu. Ce texte politique, critique de la société de la fin du XVIIIème siècle, a été écrit par Gracchus Babeuf, durant la Révolution Française, sans doute vers 1796. Babeuf est une figure révolutionnaire importante, rallié aux positions de Robespierre et des Montagnards. Il expose durant la révolution, dans son journal intitulé le Tribun du Peuple, des idées telles que la « Communauté des Biens » ou la « Société des Egaux ». Peu de temps après avoir rédigé ce texte, il tente avec les membres de son réseau appelé la Conjuration des Egaux, de renverser le Directoire en place depuis 1795. Mais il échoue et est exécuté en 1797. Ce texte est une critique de la société et de la politique de la toute fin du XVIIIème siècle. Pour Babeuf, la Révolution n’a pas résorbé les inégalités de la société, il existe toujours une minorité de riche qui exploite l’immense majorité pauvre. Babeuf fait également l’étalage des défauts de la Constitution de 1795, en vigueur lorsqu’il écrit ce texte. Mais derrière cette critique, il expose ses idées et ses solutions : communauté des biens, fin de la propriété individuelle, égalité sociale, travail de tous et également souveraineté du peuple, notamment à travers la Constitution de 1793 qu’il voit comme la plus démocratique et la plus juste. Quelle est la conception de Babeuf de la société et de la politique de son époque, quelles propositions y apporte-t-il ? Lorsque Babeuf écrit ce texte, vers 1796, les changements qu’apporte la Révolution française ne sont pas terminés, mais Babeuf estime que la société postrévolutionnaire est loin de l’idéal que défendaient les révolutionnaires. Nous étudierons les critiques de cette société dans la première partie. La base de l’idéologie de Gracchus Babeuf repose sur l’égalité parfaite. Cette égalité doit selon lui, passer par la communauté des biens, mais aussi des fruits du travail. L’éducation commune joue également un rôle primordial en donnant à tous les mêmes possibilités. La seconde partie est consacrée à cette idée fondamentale dans la théorie de Babeuf, de l’Egalité. Enfin, la constitution de 1795, en application au moment où Babeuf écrit ce texte rétabli le suffrage censitaire et réduit les possibilités du peuple de s’exprimer : la dernière partie expose la réaction de Babeuf par rapport à cette constitution.

I. Critique de la société postrévolutionnaire inégalitaire

Babeuf, picard proche de la classe populaire, participe à la Révolution en Picardie puis à Paris. Critiquant farouchement puis réhabilitant Robespierre, il met cependant en avant que la société malgré les années de Révolution effectuées, n’a pas atteint son but. La société au moment où il écrit ces deux textes, lui semble loin de l’idéal fixé. Il dresse au travers de ces écrits un constat sur la société qui ne réalise pas les idéaux de la Révolution.

Page 2: Gracchus Babeuf

A- Une société qui ne change pas.

Dans le premier texte, Babeuf critique la société dans laquelle il vit. On peut voir au début de l’extrait qu’il commence par critiquer un manque d’égalité : “ De temps immémorial, on nous répète que les hommes sont égaux, et de temps immémorial la plus monstrueuse inégalité pèse sur le genre humain” (l.1 texte A). Il nous parle d’une égalité entre les hommes qui est déjà inscrite dans les esprits français. Or, cette égalité, encore loin d’être atteinte, et ancrée dans les esprits, n’est admise que depuis peu, la Déclaration des Droits de l’Homme n’étant rédigée que depuis 1789. L’égalité entre les hommes n’est officiellement admise que depuis cette déclaration. On est donc loin “des temps immémoriaux”, il pourrait s’agir ici d’une hyperbole utilisée par Babeuf pour appuyer son propos et interpeler le lecteur. Mais il peut aussi s’agir d’une critique de sa part sur les individus qui clament l’égalité des Hommes mais qui ne mettent pas en place cette égalité une fois au pouvoir, même s’ils continuent de la déclarer. On peut voir la dénonciation de la situation de la population au fil du premier texte des lignes 16 à 19 et également dans le paragraphe 2. Pour Babeuf, la société ne semble pas avoir changée, “les riches absorbent tous les biens”(l.17 texte A). Il ne voit à cet instant la Révolution que comme une révolution bourgeoise qui n’établit aucun changement dans les rapports sociaux, le riche opprime toujours le pauvre. Le pauvre vit toujours dans la misère comme dit à la ligne 19. Cette misère est liée à une grave crise économique que le gouvernement ne semble pas savoir gérer. La crise endémique du prix des denrées alimentaires continue, malgré la « loi du maximum » mise en place par la Convention en 1792 sur les denrées (pain et céréales), sur les prix du transport, et sur un maximum des salaires. Cette mesure, réclamée par les Sans-Culottes, qui vise à freiner le chômage et la pénurie pour redresser la situation économique du pays échoue. De nombreux paysans cachent les denrées pour ne pas les vendre à perte, les magasins se vident, rien ne marche. La loi est abandonnée en 1794. Cependant, son arrêt trop brusque amène une inflation, et la situation ne s’améliore pas pour la masse populaire. Il faut combiner à cela la crise des assignats qui ne valent plus rien puisqu’ils ne valent en 1795 plus que 8% de leur valeur nominale.Babeuf nous fait voir ici une société qui n’a pas évoluée par rapport à l’Ancien Régime : l’égalité n’est toujours pas d’actualité dans les faits, et la situation des masses populaires reste la même.

B. L’exemple de la paysannerie.

Babeuf décrit aux la ligne 22-23-24, cette frange miséreuse de la population. Il nous parle de « 99 hommes mal vêtus sur 100 travaillant dans les champs ». Il peut y avoir deux explications à ce chiffre: - Dans les années 1790, la haute-bourgeoisie critiquée ne représente qu’1% d’une population excluant le clergé et l’aristocratie. Composées de banquiers, négociants, industriels, c’est elle qui, selon Babeuf, opprime le reste de la population : ils possèdent les moyens de production, dirigent le pays et contribuent à ne rien changer aux conditions des plus pauvres. Cependant, le reste de la population n’est pas “mal vêtue” comme Babeuf l’affirme. Les paysans vivant dans la misère représentent 75 à 80% de cette population, les artisans-ouvriers-petits métiers ne représentent que 5%, et le reste de la bourgeoisie faite de propriétaires terriens, hommes de lois et commerçants représentent eux 8 à 10% de la population non aristocratique. Les chiffres de Babeuf sont donc ici à nuancer. - Cependant, les 99 hommes peuvent aussi faire référence aux 99% d’expressions de votes positifs

Page 3: Gracchus Babeuf

revendiqués lors de l’adoption de la constitution de l’An I (1793). Ces hommes qui ont voté en faveur d’une vie meilleure pour eux qui ne vient pas.Il en ressort qu’une seule catégorie : la haute bourgeoisie, semble détenir le pouvoir ; la propriété privée défendue par la constitution dès 1791, ne profite pour la plus grande partie qu’à elle-même. Babeuf insiste sur le rôle capital des paysans : « le lin et le chanvre» cités ligne 25, sont à l’époque des matières essentielles pour l’économie française, car ils permettent de contrebalancer les importations de coton britannique. Ces graines essentielles servent dans le domaine textile, mais aussi pour les matériaux de construction, et dans le domaine alimentaire. Babeuf montre ici que c’est bien la paysannerie qui fait vivre la France en travaillant dans la plus grande misère et en ne retirant aucun bénéfice de leur production. On est donc là dans une société inégalitaire malgré une Révolution dont on pourrait penser qu’elle règle les problèmes des basses franges de la population. L’oppression sociale continue.

II. Une Égalité parfaite.

Babeuf, oppose à cette situation un idéal qui lui est propre. L’auteur a sa propre idée sur l’idéal à atteindre pour la société: “le bonheur commun”. Considéré comme un précurseur du communisme dont même Marx reconnaît l’influence, ses idées avancées et originales sur leur temps, trouvent des adeptes qui vont l’aider à développer son idéologie. Explication des principaux principes du Babouvisme.

A- “Communauté des biens”

L’un des principaux buts de Babeuf est la communauté des biens, comme il le dit à la ligne 5 du texte. Mais qu’entend-il par là ?Babeuf est un picard élevé dans les basses couches de la population. Il lutte dans sa région aux côtés des paysans dans les années 90-92. Au départ, ses revendications sont simples : Babeuf veut l’abolition totale des redevances, la redistribution des biens du clergé aux plus pauvres avec des baux à longs termes, le partage des communaux, en usufruit en non en propriété, aboutissant à une loi agraire. Mais cette loi va à l’encontre d’un droit affirmé par la Révolution: la propriété privée. Babeuf doit donc préciser son idée, car il rencontre de vives oppositions. Le seul moyen pour lui d’arriver “au but de la Révolution qui est de détruire l’inégalité” (l.15-16), est d’aller plus loin que la loi agraire. Il veut selon ses mots “supprimer la propriété particulière”, elle doit donc devenir collective. Il s’élève contre toute appropriation exclusive : il parle ligne 35 du texte A de “quote-part individuel”. Tout individu accaparant la terre au-delà de ses besoins, au-delà de ce qui peut le nourrir se rend alors coupable d’un “vol social”. Cela aboutit selon Babeuf en matière de propriété à un droit “égal à la jouissance de tous les biens”. Il s’agit donc de venir à une propriété collective et à une limitation des possessions individuelles.

Page 4: Gracchus Babeuf

B- La “Communauté des fruits du travail”

Intéressons nous tout d’abord à l’idée du travail que se fait l’auteur. Il nous dit à la ligne 36 qu’il faut “attacher chaque homme à l’industrie qu’il connaît”. Babeuf voit donc un système de travail basé sur les possibilités de l’individu, selon ses domaines de prédilections. Chaque individu forcément plus doué dans un domaine que dans un autre, exercera un travail s’y rattachant.Dans l’exposé de son système de travail idéal, au dernier paragraphe du texte A, Babeuf lie également la propriété au travail. En ce qui concerne le travail des paysans, plusieurs individus (dont le nombre peut varier: dix, voir cinquante paysans) posséderaient une propriété et l’exploiteraient collectivement, le tout amenant selon lui un meilleur rendement permettant de sortir plus vite le paysan de la misère dans laquelle il se trouve. Babeuf milite donc pour une organisation collective du travail de la terre.

Ensuite vient la répartition des fruits de ce travail. Il dit que l’individu est “obligé d’en déposer les fruits au magasin commun” (l. 37 texte A). Cela amène une “communauté des fruits du travail” comme il le dit. Il relie cette communauté des biens à un système de “quote-part des fruits de la nature et du travail” : comme pour la propriété, il s’agit de redistribuer également les biens selon les besoins. Il arrive à ce résultat avec une « simple administration des subsistances, qui, tenant registre de tous les individus et de toutes les choses, fera répartir ces dernière dans la plus scrupuleuse égalité » (l.38 à 41). Il faut pour cela recenser chaque individu, étudier les besoins nécessaires à sa survie, pour arriver au système voulu : celui d’une répartition juste de tous les biens pour parvenir à l’égalité de fait, chère à l’auteur.Le tout amène à une société de bonheur commun sans superflu, où il faut simplement assurer le nécessaire, la subsistance pour un individu en bonne santé, heureux et égal à son voisin. Mais cet idéal passe aussi par l’éducation.

C- L’importance de l’éducation.

Babeuf, aborde également brièvement la question de l’éducation aux lignes 19 et 20 : “ L’instruction doit être commune”. Il fait de l’éducation un élément central de son idéologie. Pour lui, si le peuple reste écrasé par les masses riches et dirigeantes, c’est avant tout parce qu’il n’a pas conscience de sa valeur. L'auteur met surtout un point d’honneur à abolir par l’éducation les préjugés de la société ainsi que l'ignorance qui sont pour lui, le fondement de l’iniquité sociale. L’éducation sert donc pour lui à faire prendre conscience à l’individu “qu’il y a absurdité dans la prétention d’une plus grande récompense pour celui dont la tâche exige un plus haut degré d’intelligence”; il s’agit d’avoir conscience de sa valeur et ne pas se laisser écraser par la minorité supérieure. Pour Babeuf, tous doivent recevoir la même éducation et « toute éducation inégale est monstrueuse” (manifeste des Plébéiens). N’allant qu’à une petite proportion, l’éducation peut ainsi mener l’autre comme elle le veut. Selon des dires qui ne sont pas dans le texte, Babeuf compte aussi sur l’éducation pour changer les mentalités de la société et ainsi “ôter à tout individu l’espoir de devenir jamais ni plus riche ni plus pauvre (...)”.

Babeuf tient à mettre en place une réelle égalité entre les individus composant la société. Tout est basé sur une mise en commun pour atteindre la société égalitaire qu’il désire, chaque individu peut importe son origine doit avoir accès aux mêmes droits, aux mêmes possibilités qu’un autre.

Page 5: Gracchus Babeuf

III- La conception de la politique selon Babeuf.

A- Le rôle des constitutions.

La période révolutionnaire est marquée par un nombre important de constitutions : entre 1789 et 1795, trois constitutions sont adoptées. Dans le texte, Babeuf en cite deux, qu’il compare et oppose. Il mentionne à la ligne 2 du texte B, la Constitution de 1795 ou Constitution de l’an III. Elle est adoptée le 22 août 1795, c’est donc elle qui est en vigueur lorsqu’il écrit ce texte. Cette constitution institue le Directoire, un collège exécutif de cinq membres, elle est remplacée quatre ans plus tard par la Constitution de l’an X, qui institue le Consulat de Napoléon Bonaparte.A propos de cette constitution, Babeuf affirme que : « d’un côté comme de l’autre, partisans de la monarchie et zélateurs de la liberté, personne n’a accepté de bonne foi. » (Lignes 31 et 32 texte B) et « Les patriotes trouvent cette constitution contraire à tous les principes d’égalité et de liberté, pour lesquels ils ont combattus six ans » (lignes 16 17 texte B). Pour les « patriotes», Babeuf entend sans doute par ici les révolutionnaires, la Constitution de 1795 représente un très net recul par rapport à celle de 1793 : la déclaration initiale de la Constitution de l’an III implique des droits, mais aussi des devoirs (celui par exemple d’être bon père, bon mari …). Le droit à l’éducation, à l’assistance et à l’insurrection, est supprimé. Mais surtout, elle revient sur le suffrage universel, pourtant établi dans la Constitution de 1793, et rétablit le suffrage censitaire (nous reviendrons sur ce point dans la seconde sous partie). De leur côte « les royalistes détestent, méprisent et ridiculisent la constitution » (ligne 8 texte B) : pour les monarchistes à cette époque, l’idée même de constitution est contraire à leurs principes.

En face de cette constitution de 1795, Babeuf cite la Constitution de 1793 (l. 20 du premier texte + allusion aux lignes 25 à 27 du deuxième texte.) Cette constitution, également nommée constitution de l’an I est élaborée durant la convention Montagnarde (en place de juin 1793 à juillet 1794). Les Montagnards sont réputés pour être les députés les plus frondeurs, les révolutionnaires les plus engagés à cette époque. Robespierre en est le chef de file jusqu’à son exécution en 1794. Cette constitution n’est cependant jamais appliquée, la situation d’exception liée aux guerres extérieures et civiles, aux insurrections débouche sur un gouvernement de Terreur. Le renversement de la convention montagnarde en juillet 1794 sonne le glas pour cette constitution. La Constitution de 1795 est donc rédigée, sans que celle de 1793 ne soit jamais appliquée. Babeuf affirme que «La constitution de 1793 est la véritable loi » (l. 20 texte A). Pour lui, dont l’idéologie est basée sur l’égalité, la constitution de l’an I est la meilleure de toute. Elle permet l’expression politique du peuple et si le peuple a les moyens de s’exprimer, de revendiquer ses idées, de défendre ses principes, la société ne pourra qu’être plus juste. La souveraineté populaire est donc, selon Babeuf, un élément politique fondamental d’une société plus juste pour le peuple.

B- La souveraineté populaire.

« La constitution de 1793 est la véritable loi parce que le peuple l’a solennellement acceptée ». (Lignes 20 et 21 texte A) et « quand il en existe une (constitution de 1793) que le peuple a unanimement acceptée ». Babeuf insiste ici sur le fait que le peuple a adopté cette constitution. En effet, elle a été soumise à un référendum populaire masculin et acceptée à une large majorité des votants : selon les sources, près de 95 % des votants ont accepté sans condition cette constitution.

Page 6: Gracchus Babeuf

Pour Babeuf, cela prouve que seule la Constitution de 1793 est légitime, car elle seule a été acceptée par le peuple entier, et pas seulement par une minorité. Cependant, les sources rapportent que pour sept millions d’électeurs potentiels, seuls 1, 8 millions ont exprimé leur opinion, ce qui donne environ 75 % d’abstention. Néanmoins, cette abstention est sans doute due aux difficultés et aux troubles de communication, dans une France en proie à la guerre civile. Babeuf affirme également que le peuple: « N’a point demandé la réformation [de cette constitution], et dont il a au contraire réclamé l’exécution avec une solennelle énergie » (lignes 25 à 27 texte B). En plus d’avoir été soumise au référendum populaire pour son adoption, la Constitution de 1793 instaure d’autres éléments qui affirment la volonté d’une souveraineté populaire : suffrage universel masculin, assemblées primaires qui peuvent s’opposer à l’adoption d’une loi et être consultées par référendum. La Constitution de l’an I est donc la constitution de la souveraineté populaire, elle instaure la démocratie, l’égale représentation politique de tous et c’est cela que Babeuf approuve.

D’un autre côté, il oppose à cette constitution de 1793, celle de 1795. Dans le second texte proposé, il critique la manière dont la Constitution de 1795 a été adoptée : « Si l’on considère le mérite des huit cent mille votes pour la constitution de 95 » (l.1 et 2 texte B) : il parle ici de « 800 000 votes», or, pour la Constitution de 1793, on compte près de sept millions d’appelés à voter. Pour Babeuf, la constitution de 1795 ne permet pas une juste et égale représentation politique. Cette idée peut être appuyée par la déclaration de Boissy d’Anglas (23 juin 1795), défenseur de la Constitution de 1795 : «Nous devons être gouvernés par les meilleurs : les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois ; or, à bien peu d’exceptions près, vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux qui, possédant une propriété, sont attachés au pays qui la contient, aux lois qui la protègent, à la tranquillité qui la conserve. » Cela est donc totalement contraire aux idées de Babeuf qui lutte pour l’égalité tant politique que foncière.

Il ressort donc de ce texte que l’idéal pour Babeuf est d’obtenir une société totalement égalitaire afin que tous aient droit au bonheur. Aucun individu ne doit en opprimé un autre, nul ne doit avoir que l'autre. L’idéologie de Babeuf est basée sur l’égalité de tous. Pour cela, la propriété et les biens doivent devenir collectifs. Personne ne doit accaparer plus que nécessaire : nul ne peut vivre dans l'opulence. Il faut pour ça changer la mentalité des individus, d'où l’importance de l'éducation. Cependant, cet idéal utopique se met en place dans une société qui, pour Babeuf, semble figée et traditionnelle, alors qu'arrive à grand pas la Révolution industrielle et une société plus moderne. A propos de la politique de son époque, Babeuf émet une critique assez virulente de la constitution en application, celle de 1795. Elle est contraire à ses principes de liberté d’expression, de représentation politique de tous et d’égalité. En face de cette constitution, il défend celle de 1793, qui permet, notamment avec le suffrage universel, la démocratie et l’expression du peuple, l’égalité. Babeuf est un défenseur de la Constitution de 1793, pour lui, elle est la meilleure. Cependant, elle n’a jamais été appliquée : la théorie n’a donc jamais été confrontée à la pratique, on ne sait donc pas si elle aurait réellement fonctionné, notamment à cette époque troublée.L’idéologie de Gracchus Babeuf est restée assez discrète à son époque. Il est en réalité sans doute passé à la postérité grâce à Buonarroti (membre de la Conjuration des Égaux) avec Conspiration pour l'égalité dite de Babeuf, publié en 1828.Mais le Babouvisme n’est pas seulement une idéologie. C'est aussi une nouvelle façon de faire de la politique et d'imposer cette politique (réunion, propagande, envisager une dictature). Selon Karl Marx, Babeuf serait même le premier penseur communiste, et la Conjuration des Égaux, le premier parti communiste de l’Histoire.

Page 7: Gracchus Babeuf

Bibliographie :

Dictionnaires et encyclopédies.F. Furet, M. Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution française, Flammarion, Paris, 1988.

Ouvrages généraux.J.P Jessenne, Histoire de la France, révolution et empire : 1783 - 1815, Hachette supérieure, Paris, 1992.J. Tulard, J.F Fayard, A. Fierro, Histoire et dictionnaire de la révolution française : 1789 - 1799, Laffont, Paris, 1987.