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Grammaire, arithmétique, que faire pour sauver l'école ? Ou La reconquête de la véritable autonomie intellectuelle. Colloque « Lire-Ecrire » - 7 février 2007 – Institut de France. GS onsidérant que l'autonomie était la part de comportement humain la plus nécessaire à la liberté de l'homme, les créateurs de l'homme nouveau du 20ème siècle l'ont inscrite en lettres d'or au fronton de la toute nouvelle « science de l'éducation », lorsqu'elle est arrivée sur le marché public, dans les années 70. Les puissants démiurges qui ont alors saisi, pour ne plus les lâcher, les rênes de l'Education Nationale ont inventé la pédagogie nouvelle, dont le principal objectif était « l'autonomie de l'enfant », tant il est vrai que l'enfant avait alors besoin d'armes pour se débarrasser du carcan vermoulu de la culture et de la domination bourgeoises, que, bien sûr, ses parents et « l'école des flics et des patrons » lui infligeaient. C ous allons regarder de près comment l'autonomie de l'enfant a été à la fois un objectif fondamental de l'enseignement dit moderne et un moyen pédagogique largement utilisé, à travers quelques exemples de ce qui s'est fait en grammaire et en arithmétique. Vous m'avez bien entendu, l'objectif réel d'une séquence de grammaire ou d'arithmétique n'est plus le nom, le sujet du verbe, la division de deux entiers ou l'angle droit, mais, bel et bien, « l'autonomie de l'enfant », pondérée toutefois par un peu de « citoyenneté ». Un peu de citoyenneté, surtout pour que les voitures ne brûlent tout de même pas trop. N oici le sommaire du manuel de CE1, « Du texte au mot », pour montrer ce qui se fait aujourd'hui en « autonomie de l'enfant » à travers l'observation réfléchie de la langue (ORL), puisque, jusqu'à ces derniers jours, la grammaire avait disparu de nos programmes. Le maître démiurge, propose à l'élève- apprenant, de découvrir lui-même, un peu aidé parce qu'il est petit, la structure de la langue. Il lui présente donc des V 1

Grammaire, arithmétique, que faire pour sauver l'école ...marc.le.bris.free.fr/textes_pdf/lireecrire070207.pdf · Voici une autre présentation de la structure ... les problèmes

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Grammaire, arithmétique, que faire pour sauver l'école ?Ou

La reconquête de la véritable autonomie intellectuelle.Colloque « Lire-Ecrire » - 7 février 2007 – Institut de France. GS

onsidérant que l'autonomie était la part de comportement humain la plus nécessaire à la liberté de l'homme, les créateurs de l'homme nouveau du

20ème siècle l'ont inscrite en lettres d'or au fronton de la toute nouvelle « science de l'éducation », lorsqu'elle est arrivée sur le marché public, dans les années 70. Les puissants démiurges qui ont alors saisi, pour ne plus les lâcher, les rênes de l'Education Nationale ont inventé la pédagogie nouvelle, dont le principal objectif était « l'autonomie de l'enfant », tant il est vrai que l'enfant avait alors besoin d'armes pour se débarrasser du carcan vermoulu de la culture et de la domination bourgeoises, que, bien sûr, ses parents et « l'école des flics et des patrons » lui infligeaient.

C

ous allons regarder de près comment l'autonomie de l'enfant a

été à la fois un objectif fondamental de l'enseignement dit moderne et un moyen pédagogique largement utilisé, à travers quelques exemples de ce qui s'est fait en grammaire et en arithmétique. Vous m'avez bien entendu, l'objectif réel d'une séquence de grammaire ou d'arithmétique n'est plus le nom, le sujet du verbe, la division de deux entiers ou l'angle droit, mais, bel et bien, « l'autonomie de l'enfant », pondérée toutefois par un peu de « citoyenneté ». Un peu de citoyenneté, surtout pour que les voitures ne brûlent tout de même pas trop.

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oici le sommaire du manuel de CE1, « Du texte au mot », pour montrer

ce qui se fait aujourd'hui en « autonomie de l'enfant » à travers l'observation réfléchie de la langue (ORL), puisque, jusqu'à ces derniers jours, la grammaire avait disparu de nos programmes. Le maître démiurge, propose à l'élève-apprenant, de découvrir lui-même, un peu aidé parce qu'il est petit, la structure de la langue. Il lui présente donc des

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textes complexes, vrais, naturels pour ainsi dire, qu'il lui demande d'analyser lui même. Le texte est composé de paragraphes; eux-mêmes, sont faits de phrases -et on étudie au passage, en une seule leçon, toutes les formes de phrases, puisqu'il suffit désormais de les « découvrir » : phrases affirmative, négative, interrogative, interro-négative, le même jour. Dans la phrase, toujours par sa recherche autonome, l'élève-découvreur doit délimiter les « groupes de nom », vocable clé de la grammaire de découverte.

uis, il regarde ce qui compose le groupe de nom : déterminant, nom, adjectif qualificatif et proposition subordonnée relative. Eh oui, la découverte autonome

implique une sorte d'exhaustivité systématique. On n'a pas découvert vraiment, tant qu'on n'a pas tout découvert. Comme pour les phrases affirmatives et négatives, voici encore quatre ou cinq notions nouvelles découvertes le même jour : déterminant, nom, adjectif qualificatif et proposition subordonnée relative ! Si vous connaissez un peu le fonctionnement de la mémoire enfantine, vous avez compris qu'il en restera très peu de choses. Sauf si notre enseignant moderne a le temps, avant la fin de l'année, d'étudier maintenant chacun des éléments ainsi découverts tout au long de l'année. Ce livre de grammaire est basé sur la découverte autonome par l'élève, en suivant une analyse autonome guidée de textes naturels, de la structure de la phrase. Quelle structure est visée ? En voici une présentation.

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ans la pédagogie moderne, la complexité de l'objet étudié, n'est pas un obstacle pour l'élève jeune ou débutant. Au contraire, elle est l'objet à

observer, et sa complexité permettra à l'élève-chercheur de découvrir la réalité de la langue, telle qu'elle est. A ce moment de leur étude, les élèves ne savent pas encore reconnaître un nom, puisque c'est justement l'observation de cette structure complexe qui est censée les amener à le découvrir par eux-mêmes, comme brique élémentaire de ces complexes structures.

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Voici une autre présentation de la structure de la phrase ...

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'étude de la grammaire n'est plus l'étude de la grammaire, elle n'est plus que prétexte à l'acquisition par les élèves d'un nouveau « savoir-être » : l'autonomie.

Le moyen adapté à cette acquisition d'autonomie est tout simplement la recherche autonome dans le cadre de la découverte autonome. Comme pour la lecture où l'élève détermine lui-même quelles lettres font quel son par observation autonome des mots, pour la grammaire, l'élève construit lui-même comme un linguiste averti le ferait, sa propre vision de la structure de la langue. Son autonomie dans le domaine est en réalité, tout simplement pré-supposée. Pour lui donner l'autonomie, on considère tout simplement qu'il l'a déjà, et on l'invite à s'en servir. C'est tout.

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uis, parce que le cycle du progrès est une boucle sans

fin, les décideurs de l'Education Nationale sont allés jusqu'au bout. L'ORL est l'actuelle pratique de la grammaire à l'école primaire. Observation Réfléchie de la Langue. On observe, on réfléchit et on passe à autre chose. L'autonomie est ici considérée comme atteinte, puisque l'élève se contentera, comme un grand étudiant, de ce qu'il aura compris. Un exemple, ici, où l'auteur du manuel s'applique à ne pas écrire « formes affirmative, négative, interrogative » pour que l'élève autonome puisse se contenter de sa compréhension naturelle de l'affaire. Observe, réfléchis. Et c'est fini.

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n mathématiques comme en grammaire, l'autonomie est aussi un but pédagogique fondamental. Pour que l'élève apprenne à se débrouiller seul

devant une situation nouvelle, on lui propose d'emblée, des situations nouvelles. Elles portent le nom de « situation-problème », quintessence et raccourci de la pédagogie moderne.

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e qu'on appelle habituellement « problèmes », dans la vision classique des choses est reporté à après Pâques, ce manuel n'en propose que 6, en tout et

pour tout sur l'année. Les voici.C

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n peut noter que les élèves n'ont pas les opérations à effectuer. Ils ont seulement à entourer l'opération qui donne la bonne réponse. Nous sommes à

la fin du CE1. Pourquoi si tard ? Parce que la soustraction vient seulement d'apparaître dans le cursus des élèves qui suivent ce manuel. Pourquoi ne doivent-ils pas effectuer les opérations ? Parce qu'ils ne s'occupent pour l'instant que du « sens » des opérations, ils n'ont donc pas encore appris effectuer les soustractions, même sans retenue. La pratique d'algorithmes millénaires se prête mal à la découverte autonome.

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utant les objectifs d'autonomie sont apparents dans la première fiche présentée : « Débrouille-toi pour lire un mode d'emploi ! » -Ah, les modes

d'emploi et les recette de cuisine ! Fond de commerce de la pédagogie moderne- , autant la part de travail autonome d'un élève dans la fiche de problèmes semble maigre. En effet, lorsque la seule action autonome possible devant une opération est de l'entourer ou de cocher la bonne, il est certain que le travail autonome est très réduit.

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ourquoi, des problèmes si tard ? Pourquoi si peu ? Parce les opérations sont apprises successivement. Au CP l'addition, puis en fin de CP, on aborde la

multiplication comme une addition particulière - 3+3+3+3+3, c'est 5 fois 3 – que le maître fait découvrir à ses élèves dans un quadrillage dont il doit compter les carreaux -la commutativité de la multiplication étant considérée comme primordiale. Au CE1, apparaît la soustraction, systématiquement abordée comme une addition à trou. 4 plus combien donne 10 ? Dans quelques classes, certains maîtres modernes, considérant que l'addition à trou est conceptuellement suffisante pour le sens, n'utilisent pas le signe moins (-) ni le mot soustraction. Ce manuel, lui, le fait, mais seulement après les vacances de Pâques. La division, quant à elle, n'apparaîtra que deux ans plus tard, au CM1.

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insi, ne disposant pas de plusieurs opérations avant la fin du CE1, les problèmes élémentaires, les vrais problèmes élémentaires à une seule

question, où l'élève doit tout simplement choisir une opération parmi les quatre , sont impossibles. D'autre part, non seulement l'élève n'écrit pas lui-même l'opération qui répond, il l'entoure. Mais en plus, il ne rédige absolument pas la phrase française qui répond à la question, et qui en fait est l'élément initial du raisonnement autonome. Parce que, le raisonnement autonome, cela s'apprend progressivement. Et c'est toute la question de la transmission de la culture contre l'application forcenée d'une théorie pédagogique. Le retard dans la pratique des algorithmes des opérations n'est que la conséquence de la méthode pédagogique employée. La méthode pédagogique est employée pour favoriser l'accès à l'autonomie de l'enfant. La première conséquence de cette méthode, est le recul des connaissances utilisables, donc le recul de l'âge de l'autonomie.

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J. Ferry Ch. Pierre, Ma grammaire, CE1&2, Larousse, 1961G. E. A, Milan - Dépôt légal 1961-3e - No Série Editeur 9970 - 9U.122 F-7-70.

IMPRIME EN ITALIE Printed in. Italy

TABLE DES MATIÈRESGrammaire

Idée du nom précédé de le, la, les 4Idée du nom précédé de un, une, des 6Idée de l'adjectif 8Idée du verbe 10Révision : le nom, l'adjectif, le verbe 12Le nom précédé de du, au, aux 14Le nom séparé de l'article 16Le nom commun et le nom propre 18Le nom masculin et le nom féminin 20Le nom singulier et le nom pluriel 22Le verbe au présent et le nom sujet 24Des verbes au présent ayant le même sujet. 26Le verbe au passé et le nom sujet 28Le verbe au futur et le nom sujet 30Le verbe et le pronom personnel sujet 32 L'adjectif qualificatif accompagne le nom34 L'adjectif qualificatif employé avec le verbe être 36 Le féminin des noms (féminin en -e et -ère) 38Le féminin des noms (féminin en -nne, -sse)40Le féminin des noms (autres formes) 42L'adjectif joint au nom féminin singulier44Le féminin particulier de certains adjectifs46Le pluriel des noms 48Le pluriel des noms en -au, -eu, -ou 50Le pluriel des noms en -al 52L'adjectif joint au nom masculin pluriel 54L'adjectif joint au nom féminin pluriel 56Le pluriel particulier de certains adjectifs58L'adjectif possessif 60L'adjectif démonstratif 62L'adjectif numéral 64Le groupe de mots complément du verbe66Le complément direct et le complément indirect 68Le pronom personnel complément du verbe 71Le pronom relatif 77Les fonctions du nom 76La proposition simple 76 Conjugaison […]

Les leçons réservées à la deuxième année du cours sont indiquées en caractères gras.

comparer avec le sommaire de tout à l'heure. Dès le CE1, les élèves étudiaient un par un les éléments de la langue que sont les mots : nom, verbe,

adjectif, de façon très explicite et très sérieuse. Sans des programmes décents, en termes de contenu, rien n'est possible.

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vant de proposer une nouvelle façon d'apprendre la grammaire française, je me permettrai d'en revenir à la tradition.A

Nouvelle grammaire française (Cours Supérieur, A. Chassang, Garnier) de 1882

Manuel de CE1 en 1960 (J.Ferry .. Larousse)

Cahier d'élève de 3ème d'une classe de ma collègue Cécile Revéret

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Cahier de ma classe de CM2 de l'an dernier.

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PROBLEMES330.Je partage ces 24 crayons entre 3 élèves. Combien

donnerai-je de crayons à chaque élève ?331.On doit séparer ces 30 chocolats en 3 boîtes. Combien

rangera-t-on de chocolats dans chaque boîte? .

332.Trois enfants se partagent 27 €. Combien d'argent recevra chaque enfant ?333.Je veux plier en trois un ruban de 24 cm de long. Que dois-je faire ?334.Les 3 frères se sont partagé les billes du sac. Il ont reçu chacun 9 billes. Combien y avait-il

de billes dans le sac avant le partage ?

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