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Grand Théâtre de Reims Audrey GAUTHIER Enseignant relais 03.26.61.91.94 [email protected] Caroline Mora Service Jeune Public 03 26 50 31 06 [email protected]

Grand Théâtre de Reims - cndp.fr · prières de saint François d'Assise" pour chœur de voix d'hommes, "Petites voix" pour ... Poulenc a allégé ce prologue de toutes les allusions

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LES MAMELLES DE TIRESIAS Francis POULENC

LE MEDIUM Gian Carlo MENOTTI

LES MAMELLES DE TIRESIAS Francis POULENC LE MEDIUM Gian Carlo MENOTTI Ce dossier se compose des fiches suivantes

LA PRODUCTION

LES BIOGRAPHIES

LES SYNOPSIS

LES PISTES PEacuteDAGOGIQUES LES LIENS

La PRODUCTION

Direction musicale Bruno MEMBREY Mise en scegravene Olivier BENEZECH Sceacutenographie Olivier MILAGOU Orchestre Grand Theacuteacirctre de Reims

LES MAMELLES DE TIRESIAS Production Opeacutera de Toulon-Provence-Meacutediterraneacutee Diffusion La clef des chants et Nord Pas-de-Calais La Distribution THEacuteREgraveSE Renate Arends LA MARCHANDE DE JOURNAUX Magali Paliegraves LE MARI Marc Maullion Mr LACOUF ET LE JOURNALISTE Mathieu Cabanegraves Mr PRESTO ET LE FILS Vincent Billier LE DIRECTEUR ET LE GENDARME Mathieu Leacutecroart

LE MEDIUM Coproduction La clef des chants le Grand Theacuteacirctre de Limoges et le Grand theacuteacirctre de Reims La Distribution Mme FLORA Blandine Folio-Peregraves MONICA Renate Arends Mrs GOBINEAU Diana Higbee Mrs NOLAN Magali Paliegraves Mr GOBINEAU Vincent Billier

LES BIOGRAPHIES

LES MAMELLES DE TIRESIAS

POULENC Francis (18991963) laquo Je crois bien que je preacutefegravere cette œuvre agrave tout ce que jrsquoai eacutecrit Si lrsquoon veut se faire une ideacutee de ma complexe personnaliteacute musicale on me trouvera tregraves exactement moi-mecircme aussi bien dans les Mamelles que dans mon Stabat Mater raquo

SA VIE

Francis PouIenc naicirct agrave Paris citeacute quil affectionnera toute sa vie pour son eacuteleacutegance et son eacutenergie il y meurt agrave lacircge de soixante-quatre ans Ageacute dagrave peine sept ans il compose de courtes piegraveces et son ambition preacutecoce de jouer du piano est encourageacutee par sa megravere elle-mecircme musicienne Il continue ses eacutetudes de piano de faccedilon plus seacuterieuse avec Ricardo Vines qui le preacutesente agrave Satie Casella et Auric Apregraves voir obtenu son diplocircme au Lyceacutee Condorcet et fait son service militaire de trois anneacutees Poulenc eacutetudie avec Koechlin Ainsi que les autres compositeurs du Groupe des Six (Milhaud Auric Honegger Durey et Tailleferre) Poulenc rejette le goucirct contemporain pour le romantisme et limpressionnisme et se prononce en faveur du style populaire et plein desprit du music-hall adoptant Satie et Cocteau comme maicirctres estheacutetiques et spirituels Il admire beaucoup la poeacutesie en particulier celle de G Apollinaire M Jacob et P Eluard et accompagne Pierre Bernac lors de ses nombreux reacutecitals de meacutelodies sur ces poegravemes agrave la fin des anneacutees trente Les compositions de Poulenc reflegravetent un reacuteel bon honneur et un sens de linvention spontaneacutee elles teacutemoignent toujours dune grande indeacutependance desprit

Son pegravere eacutetait un des fondateurs des eacutetablissements Poulenc Fregraveres qui devinrent Rhocircne-Poulenc En 1935 de passage agrave Rocamadour et suite agrave la mort accidentelle de son ami le compositeur et critique Pierre-Octave Ferroud il veacutecut une profonde conversion agrave la foi catholique de son enfance Il composa ses Litanies agrave la Vierge noire en 1936 Ses œuvres religieuses furent par la suite une messe (1937) et un Stabat Mater (1950) entre autres Il est enterreacute au cimetiegravere du Pegravere Lachaise agrave Paris

SON OEUVRE

Des opeacuteras Les Dialogues des Carmeacutelites en 1957 La Voix humaine en 1959 Des œuvres bouffonnes Les Mamelles de Tireacutesias en 1947 Des œuvres religieuses Litanies agrave la vierge noire en 1936 un gloria pour soprano solo chœur mixte et orchestre un Stabat mater pour soprano choeur mixte et orchestre Des ballets Les Biches en 1924 Des piegraveces pour piano dont le concerto pour piano et orchestre qui eacutetait nommeacute de son vivant le Concerto numeacutero 1 et quil nommait en priveacute pour des raisons mal connues le Concerto casquette Une mise en musique de lhistoire de Babar leacuteleacutephant pour reacutecitant et piano (plus tard orchestreacutee par Jean Franccedilaix)

Un concerto pour orgue cordes et timbales un concerto pour piano un concerto pour deux pianos le concert champecirctre pour clavecin et orchestre De la musique de chambre notamment une sonate pour clarinette et piano (1962) une sonate pour flucircte et piano un sextuor pour piano et instruments agrave vent Nombreuses piegraveces profane et religieuses pour chœur mixte agrave cappella sept chansons sur des textes de Guillaume Apollinaire et Paul Eluard un soir de neige Chansons franccedilaises sur des textes anonymes du Moyen AcircgeChansons agrave boire quatre petites priegraveres de saint Franccedilois dAssise pour chœur de voix dhommes Petites voix pour chœur denfants une messe en sol majeur et plusieurs motets

APOLLINAIRE Guillaume (18801918) Dorigine polonaise et de son vrai nom Wilhelm de Kostrowitzki est neacute agrave Rome en 1880 Depuis 1903 il publiait des poegravemes parfois dans ses propres revues Il est mort agrave Paris en 1918 apregraves avoir eacuteteacute griegravevement blesseacute agrave la guerre sur le front franccedilais laquoApollinaire a trouveacute surtout depuis 1945 la place qui lui revient moins celle dun novateur parce quil a eu le tort de ne systeacutematiser aucune de ses intuitions que celle dun geacutenie lyrique et dun musicien du langageraquo

SON OEUVRE

LEnchanteur pourrissant (18991904) Rheacutenanes (190102) Les Mamelles de Tireacutesias (190318) Les Meacutemoires dun jeune Don Juan (1905) La Chanson du Mal-Aimeacute (1909) La Poeacutesie symboliste (1909) LHeacutereacutesiarque et Cie (1910) Le Bestiaire ou Cortegravege dOrpheacutee (1911) Les Peintres cubiste (1913) Alcools (1913) Les Meacuteditations estheacutetique (1913) LAntitradition futuriste (1914) Le Poegravete assassineacute (1916) LEsprit nouveau et les Poegravetes (1917) Le Flacircneur des deux rives (1918) Calligrammes (1918) Le Guetteur meacutelancolique (posth 1952) Poegravemes agrave Lou (posth 1955) Poegravemes retrouveacutes (posth 1956)

LE MEDIUM

MENOTTI Gian Carlo (1911)

Menotti commenccedila agrave eacutecrire ses chansons alors quil navait que 7 ans A 11 ans deacutejagrave il eacutecrivait le livret et la musique de son premier opeacutera La mort de Pierrot Cependant il ne commenccedila reacuteellement son activiteacute musicale quen 1923 lorsquil entra au Conservatoire Verdi de Milan

Apregraves la mort de son pegravere Menotti et sa megravere vinrent srsquoinstaller aux USA en 1928 il entra ensuite au Curtis Institute of Music de Philadelphie Parmi les eacutetudiants de cet institut se trouvaient eacutegalement Leonard Bernstein et Samuel Barber qui devinrent plus tard les partenaires de Menotti dans son travail On peut citer

notamment le plus ceacutelegravebre opeacutera de Samuel Barber intituleacute Vanessa dont le livret est signeacute par Menotti La premiegravere de cet opeacutera eut lieu en 1958 au Metropolitan Opera Menotti eacutetait encore eacutetudiant au Curtis Institute of Music lorsqursquoil signa en italien son premier grand opeacutera Amelia al Ballo (Amelia va au Bal en franccedilais) Par la suite il nrsquoeacutecrivit en italien que deux autres opeacuteras LrsquoIcircle de Dieu et Le dernier Sauvage Le reste de son œuvre fut eacutecrite en anglais Ses travaux les plus important furent composeacutes dans les anneacutees 1940 et 1950 Par la suite Menotti enseigna eacutegalement au Curtis Institute of Music et eut parmi ses eacutetudiants et proteacutegeacutes un compositeur ameacutericain du nom de Stanley Hollingsworth

Menotti reacutedigea les livrets de deux opeacuteras de Samuel Barber Vanessa et A Hand of Bridge et revisita le dernier - Antony and Cleopatra Amelia de Menotti remporta un tel succegraves que NBC en commanda une version audio pour la radio The Old Maid and the Thief fut le premier travail de grande ampleur pour Menotti Il composa ensuite des ballets Sebastian en 1944 et un concert pour piano en 1945 avant de revenir agrave son premier amour lopeacutera avec The Medium et Le teacuteleacutephone

Œuvres Musicales

bull Amelia al Ballo (1937) bull The Island of God (1942) bull The Medium (1946) bull The Telephone or LAmour agrave trois (1947) bull The Consul (1950) bull Amahl and the Night Visitors television opera (1951) bull Labyrinth television opera (1963) bull The Last Savage (1963) bull Martins Lie (1964) bull Help Help the Globolinks (1968) bull The Most Important Man (1971) bull The Egg (1976) bull The Hero (1976) bull The Trial of the Gypsy (1978) bull Chip and his Dog (1979) bull A Bride from Pluto (1982) bull The Boy Who Grew Too Fast (1982) bull Goya (1986) bull The Wedding (Giorno da Nozze) (1988) bull Goya [rev] (1991) bull The Singing Child (1993)

LES SYNOPSIS

LES MAMELLES DE TIRESIAS

SITUATION Apollinaire avait situeacute son action theacuteacirctrale agrave une eacutepoque impreacutecise dans lrsquoicircle de Zanzibar Poulenc place son opeacutera en 1912 agrave Zanzibar ville imaginaire pregraves de Monte-Carlo car comme il lrsquoeacutecrit laquo 1912 est lrsquoeacutepoque heacuteroiumlque drsquoApollinaire celle des premiers combats pour le cubisme de la publication drsquoAlcools Jrsquoai substitueacute Monte-Carlo agrave Zanzibar pour eacuteviter lrsquoexotisme et parce que Monte-Carlo que jrsquoadore et ougrave Apollinaire a passeacute les quinze premiegraveres anneacutees de sa vie est bien assez tropical pour le Parisien que je suis raquo

ACTE I

Comme dans Paillasse le rideau se legraveve sur le directeur de la troupe qui va exprimer la signification ultime de la repreacutesentation laquo faites des enfants vous qui nrsquoen faisiez guegravere raquo Poulenc a alleacutegeacute ce prologue de toutes les allusions agrave la premiegravere guerre mondiale et aux obus qui eacuteteignent laquo mecircme les eacutetoiles raquo superbe meacutetaphore pour toutes ces vies interrompues et qursquoil convient de remplacer aux plus vite Priveacute de ces reacutefeacuterences lrsquoappel agrave la repopulation du pays perd une grande partie de sa signification

A la fin du prologue Theacuteregravese surgit sur scegravene clamant son feacuteminisme et son deacutesir drsquoindeacutependance Des coulisses son mari lui reacuteclame du lard Pour exprimer sa libeacuteration Theacuteregravese fait sortir ses laquo mamelles raquo de son corsage ce sont deux ballons lrsquoun rouge lrsquoautre bleu qui srsquoenvolent et que Theacuteregravese fait exploser La barbe se met agrave lui pousser Le mari qui sort de la maison pense que Theacuteregravese a eacuteteacute assassineacutee par cet individu barbu et veut la venger Theacuteregravese se fait reconnaicirctre et lui annonce qu lsquoelle portera deacutesormais un nom drsquohomme Tireacutesias Puis elle retourne au logis et jette les objets du meacutenage par la fenecirctre le violon (un pot de chambre) le piano (un urinal) Le mari rentre preacutecipitamment

A ce moment Lacouf et Presto sortent du cafeacute ivres et dansant une polka Ils se disputent pour savoir srsquoils sont agrave Paris ou agrave Zanzibar La querelle srsquoenvenimant ils se battent en duel au pistolet et tombent morts tous les deux

Tireacutesias sort du logis habilleacutee en homme suivie de son mari habilleacute en femme et les mains ligoteacutees Tireacutesias achegravete un journal dans lequel elle apprend la mort de Lacouf et Presto Le peuple de Zanzibar enlegraveve les corps en commentant laquo comme il perdait au zanzibar monsieur Presto a perdu son pari puisque nous sommes agrave Paris Monsieur Lacouf nrsquoa rien gagneacute puisque la scegravene se passe agrave Zanzibar autant que la Seine passe agrave Paris raquo

Le mari reste seul sur scegravene Entre le gendarme dans un cheval-jupon qui le prenant pour une femme commence agrave lui compter fleurette Le mari se rend compte que puisque sa femme est un homme il est juste que lui soit une femme et tandis que le peuple acclame le geacuteneacuteral et le deacuteputeacute Tireacutesias deacutecide de faire des enfants pour repeupler Zanzibar Le gendarme la marchande de journaux Lacouf et Presto ressusciteacutes et en patinette commentent sa deacutecision dans un texte aux allusions joyeusement grivoises (laquo et fumez la pipe bergegravere moi je vous jouerai du pipeauhellip raquo)

Un entracte se deacuteroule devant le rideau fermeacute montrant les parents-choristes et le chœur des nouveaux neacutes laquo vous qui pleurez en voyant la piegravece souhaitez les enfants vainqueurs raquo

ACTE II

Le mari seul sur scegravene chante les joies de la paterniteacute Il a fait 40 049 enfants en un seul jour

Un journaliste parisien se preacutesente et lrsquointerroge Le mari explique que ses enfants le nourrissent deacutejagrave accapareur (une trace de la guerre) romancier artistehelliple journaliste demande au mari de lui precircter de lrsquoargent et se fait jeter dehors

Le mari deacutecide de creacuteer un enfant journaliste ce qursquoil fait en jetant de lrsquoencre un porte-plume de la colle des ciseaux et du papier journal dans un berceau Heacutelas ce nouvel enfant nrsquoest pas tregraves reacuteussi il reacuteunit toutes les tares des mauvais journalistes et tente de faire chanter son pegravere

Le gendarme est de retour la population zanzibarienne est affameacutee par le surcroicirct de bouches agrave nourrir et va mourir de faim Le mari connaicirct la solution il leur faut des cartes (des cartes de rationnement bien sucircr encore une seacutequelle de la guerre ) Cette allusion aux cartes fait apparaicirctre la cartomancienne qui se met agrave chanter les meacuterites de la feacuteconditeacute et insulte le gendarme qui est steacuterile Le gendarme veut arrecircter la cartomancienne ils se battent tous les deux la cartomancienne eacutetrangle le gendarme puis se deacutebarrasse de ses voiles Le mari reconnaicirct alors sa Theacuteregravese qui sans ses mamelles est laquo plate comme une punaise raquo Theacuteregravese est drsquoaccord pour reprendre la vie commune mais pas pour remettre ses mamelles

Le gendarme ressusciteacute le peuple de Zanzibar la marchande de journaux et les deux eacutepoux chantent les joies de lrsquoamour et de la feacuteconditeacute

LE MEDIUM Acte I Madame Flora meacutedium assisteacutee par sa fille Monica et par Toby un adolescent muet dorigine boheacutemienne reccediloit trois clients M et Mme Gobineau et Mme Nolan pour une seacuteance de spiritisme Flora eacutevoque leurs enfants disparus et les deacutefunts se manifestent par une apparition par un rire mais la seacuteance est truqueacutee cest Toby qui agrave laide de fils fait bouger la table et cest Monica qui joue le rocircle des disparus Soudain Flora laisse eacutechapper un cri elle a senti une main glaceacutee eacutetreindre sa gorge elle renvoie les clients et accuse Toby de lavoir volontairement effrayeacutee mais le jeune muet ne fait aucun signe ni daveu ni de deacuteneacutegation La peur hante deacutesormais Flora Acte II Quelques jours plus tard Monica et Toby jouent dans le salon Survient Flora qui noie sa frayeur dans lalcool Elle interroge de nouveau Toby et ne pouvant rien tirer de lui le fouette jusquau sang A ses clients de retour elle annonce quil ny aura plus de seacuteances et tente en leur deacutevoilant tous les truquages de les convaincre quelle les a berneacutes mais ses victimes ne veulent rien comprendre et croient agrave ce quon leur faisait voir et entendre Flora les chasse Monica senferme dans sa chambre et Toby senfuit Resteacutee seule Flora est victime dhallucinations Toby revient discregravetement et se dissimule Sentant une preacutesence insolite devinant une forme derriegravere un rideau Flora saisit un revolver et tire Sur le visage de lenfant abattu elle cherche en vain avec deacutesespoir une reacuteponse qui ne viendra jamais

LES LIENS LES PISTES

DE LA LECTURE

Le mythe de Tireacutesias

Tireacutesias il nrsquoest pas inutile de le rappeler est un personnage mythologique qui en se promenant surprit deux serpents en train de srsquoaccoupler et tua la femelle ce qui eut pour effet de le transformer en femme Il (elle) se fit prostitueacutee mais sept ans plus tard il (elle) assista de nouveau agrave la mecircme scegravene au mecircme endroit et en tuant le macircle redevint homme Survint une querelle entre Jupiter et Junon au sujet de qui de lrsquohomme ou de la femme a le plus de plaisir dans lrsquoamour Jupiter pensait qursquoil srsquoagit de la femme Junon optait pour lrsquohomme Ils choisirent tout naturellement Tireacutesias comme arbitre Tireacutesias se prononccedila en faveur de Jupiter et deacuteclara le plaisir de la femme sept fois plus grand que celui de lrsquohomme Pour le punir Junon lrsquoaveugla Tireacutesias aveugle devint laquo voyant raquo crsquoest agrave dire devin et entre autres reacuteveacutela sa faute agrave Œdipe

Selon certaines variantes Tireacutesias neacutee de sexe feacuteminin a degraves lrsquoacircge de sept ans inspireacute de lrsquoamour agrave Apollon avant de subir sept changements de sexe

Elle crsquoest Theacuteregravese bien sucircr mais crsquoest aussi sa creacuteatrice Denise Duval Voici une heacuteroiumlne insoumise qui srsquoinsurge contre lrsquoautoriteacute masculine revendique des droits eacutegaux agrave ceux de lrsquohomme et quitte le foyer conjugal Elle aspire agrave devenir soldat artiste deacuteputeacute avocat seacutenateur ministre preacutesident de la chose publiquehellipElle a deacutecideacute qursquoaucun des postes traditionnellement reacuteserveacutes aux hommes ne lui sera interdit

Et de la mecircme faccedilon que ses arriegraveres-petites-filles brucircleront leurs soutien-gorges dans les anneacutees 1970 Theacuteregravese fait exploser ses mamelles Gracircce soit rendue agrave Apollinaire et agrave Poulenc mais notre chegravere Theacuteregravese nrsquoest jamais tourneacutee en ridicule jamais transformeacutee en amazone hommasse Theacuteregravese se reacutealise tout simplement

Bien sucircr nous sommes au deacutebut du siegravecle et pour obtenir le pouvoir social politique et militaire Theacuteregravese adopte une identiteacute masculine Elle doit se transformer en Tireacutesias qursquoon ne ressent pas vraiment comme un homme mais comme un ecirctre plus ou moins androgyne le charme feacuteminin sous la reacuteussite sociale masculine si lrsquoon peut dire Elle doit aussi neutraliser son mari en le ligotant et laquo lrsquoandrogyniser raquo en lui faisant revecirctir des vecirctements feacuteminins

Et Theacuteregravese reacuteussit fort bien sa reconversion elle est acclameacutee par le peuple comme geacuteneacuteral comme deacuteputeacute

Il est vraiment incroyable qursquoen 1917 Apollinaire ait reacuteussi agrave creacuteer un personnage si actuel que les aspirations des femmes qui en eacutetaient encore agrave leurs balbutiements aient eacuteteacute si bien comprises sans jamais ecirctre tourneacutees en ridicule Elles sont si justement deacutecrites qursquoune femme de lrsquoan 2001 peut srsquoy reconnaicirctre Il faut dire qursquoApollinaire qui fut lrsquoamant de Marie Laurencin pendant plusieurs anneacutees devait srsquoy connaicirctre en matiegravere de femmes eacutemancipeacutees

Bien sucircr cet esprit de reacutevolte et ce deacutesir drsquoindeacutependance ne seront pas immeacutediatement satisfaits Il faudra une deuxiegraveme guerre mondiale avant que les femmes obtiennent le droit de vote Les aspirations de lrsquoheacuteroiumlne sont bien en avance sur son eacutepoque

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Grand Theacuteacirctre de Reims Audrey GAUTHIER Enseignant relais 0326619194

audreygauthierac-reimsfr

Caroline Mora Service Jeune Public

03 26 50 31 06 caroline-moragrandtheatredereimscom

LES MAMELLES DE TIRESIAS Francis POULENC

LE MEDIUM Gian Carlo MENOTTI

LES MAMELLES DE TIRESIAS Francis POULENC LE MEDIUM Gian Carlo MENOTTI Ce dossier se compose des fiches suivantes

LA PRODUCTION

LES BIOGRAPHIES

LES SYNOPSIS

LES PISTES PEacuteDAGOGIQUES LES LIENS

La PRODUCTION

Direction musicale Bruno MEMBREY Mise en scegravene Olivier BENEZECH Sceacutenographie Olivier MILAGOU Orchestre Grand Theacuteacirctre de Reims

LES MAMELLES DE TIRESIAS Production Opeacutera de Toulon-Provence-Meacutediterraneacutee Diffusion La clef des chants et Nord Pas-de-Calais La Distribution THEacuteREgraveSE Renate Arends LA MARCHANDE DE JOURNAUX Magali Paliegraves LE MARI Marc Maullion Mr LACOUF ET LE JOURNALISTE Mathieu Cabanegraves Mr PRESTO ET LE FILS Vincent Billier LE DIRECTEUR ET LE GENDARME Mathieu Leacutecroart

LE MEDIUM Coproduction La clef des chants le Grand Theacuteacirctre de Limoges et le Grand theacuteacirctre de Reims La Distribution Mme FLORA Blandine Folio-Peregraves MONICA Renate Arends Mrs GOBINEAU Diana Higbee Mrs NOLAN Magali Paliegraves Mr GOBINEAU Vincent Billier

LES BIOGRAPHIES

LES MAMELLES DE TIRESIAS

POULENC Francis (18991963) laquo Je crois bien que je preacutefegravere cette œuvre agrave tout ce que jrsquoai eacutecrit Si lrsquoon veut se faire une ideacutee de ma complexe personnaliteacute musicale on me trouvera tregraves exactement moi-mecircme aussi bien dans les Mamelles que dans mon Stabat Mater raquo

SA VIE

Francis PouIenc naicirct agrave Paris citeacute quil affectionnera toute sa vie pour son eacuteleacutegance et son eacutenergie il y meurt agrave lacircge de soixante-quatre ans Ageacute dagrave peine sept ans il compose de courtes piegraveces et son ambition preacutecoce de jouer du piano est encourageacutee par sa megravere elle-mecircme musicienne Il continue ses eacutetudes de piano de faccedilon plus seacuterieuse avec Ricardo Vines qui le preacutesente agrave Satie Casella et Auric Apregraves voir obtenu son diplocircme au Lyceacutee Condorcet et fait son service militaire de trois anneacutees Poulenc eacutetudie avec Koechlin Ainsi que les autres compositeurs du Groupe des Six (Milhaud Auric Honegger Durey et Tailleferre) Poulenc rejette le goucirct contemporain pour le romantisme et limpressionnisme et se prononce en faveur du style populaire et plein desprit du music-hall adoptant Satie et Cocteau comme maicirctres estheacutetiques et spirituels Il admire beaucoup la poeacutesie en particulier celle de G Apollinaire M Jacob et P Eluard et accompagne Pierre Bernac lors de ses nombreux reacutecitals de meacutelodies sur ces poegravemes agrave la fin des anneacutees trente Les compositions de Poulenc reflegravetent un reacuteel bon honneur et un sens de linvention spontaneacutee elles teacutemoignent toujours dune grande indeacutependance desprit

Son pegravere eacutetait un des fondateurs des eacutetablissements Poulenc Fregraveres qui devinrent Rhocircne-Poulenc En 1935 de passage agrave Rocamadour et suite agrave la mort accidentelle de son ami le compositeur et critique Pierre-Octave Ferroud il veacutecut une profonde conversion agrave la foi catholique de son enfance Il composa ses Litanies agrave la Vierge noire en 1936 Ses œuvres religieuses furent par la suite une messe (1937) et un Stabat Mater (1950) entre autres Il est enterreacute au cimetiegravere du Pegravere Lachaise agrave Paris

SON OEUVRE

Des opeacuteras Les Dialogues des Carmeacutelites en 1957 La Voix humaine en 1959 Des œuvres bouffonnes Les Mamelles de Tireacutesias en 1947 Des œuvres religieuses Litanies agrave la vierge noire en 1936 un gloria pour soprano solo chœur mixte et orchestre un Stabat mater pour soprano choeur mixte et orchestre Des ballets Les Biches en 1924 Des piegraveces pour piano dont le concerto pour piano et orchestre qui eacutetait nommeacute de son vivant le Concerto numeacutero 1 et quil nommait en priveacute pour des raisons mal connues le Concerto casquette Une mise en musique de lhistoire de Babar leacuteleacutephant pour reacutecitant et piano (plus tard orchestreacutee par Jean Franccedilaix)

Un concerto pour orgue cordes et timbales un concerto pour piano un concerto pour deux pianos le concert champecirctre pour clavecin et orchestre De la musique de chambre notamment une sonate pour clarinette et piano (1962) une sonate pour flucircte et piano un sextuor pour piano et instruments agrave vent Nombreuses piegraveces profane et religieuses pour chœur mixte agrave cappella sept chansons sur des textes de Guillaume Apollinaire et Paul Eluard un soir de neige Chansons franccedilaises sur des textes anonymes du Moyen AcircgeChansons agrave boire quatre petites priegraveres de saint Franccedilois dAssise pour chœur de voix dhommes Petites voix pour chœur denfants une messe en sol majeur et plusieurs motets

APOLLINAIRE Guillaume (18801918) Dorigine polonaise et de son vrai nom Wilhelm de Kostrowitzki est neacute agrave Rome en 1880 Depuis 1903 il publiait des poegravemes parfois dans ses propres revues Il est mort agrave Paris en 1918 apregraves avoir eacuteteacute griegravevement blesseacute agrave la guerre sur le front franccedilais laquoApollinaire a trouveacute surtout depuis 1945 la place qui lui revient moins celle dun novateur parce quil a eu le tort de ne systeacutematiser aucune de ses intuitions que celle dun geacutenie lyrique et dun musicien du langageraquo

SON OEUVRE

LEnchanteur pourrissant (18991904) Rheacutenanes (190102) Les Mamelles de Tireacutesias (190318) Les Meacutemoires dun jeune Don Juan (1905) La Chanson du Mal-Aimeacute (1909) La Poeacutesie symboliste (1909) LHeacutereacutesiarque et Cie (1910) Le Bestiaire ou Cortegravege dOrpheacutee (1911) Les Peintres cubiste (1913) Alcools (1913) Les Meacuteditations estheacutetique (1913) LAntitradition futuriste (1914) Le Poegravete assassineacute (1916) LEsprit nouveau et les Poegravetes (1917) Le Flacircneur des deux rives (1918) Calligrammes (1918) Le Guetteur meacutelancolique (posth 1952) Poegravemes agrave Lou (posth 1955) Poegravemes retrouveacutes (posth 1956)

LE MEDIUM

MENOTTI Gian Carlo (1911)

Menotti commenccedila agrave eacutecrire ses chansons alors quil navait que 7 ans A 11 ans deacutejagrave il eacutecrivait le livret et la musique de son premier opeacutera La mort de Pierrot Cependant il ne commenccedila reacuteellement son activiteacute musicale quen 1923 lorsquil entra au Conservatoire Verdi de Milan

Apregraves la mort de son pegravere Menotti et sa megravere vinrent srsquoinstaller aux USA en 1928 il entra ensuite au Curtis Institute of Music de Philadelphie Parmi les eacutetudiants de cet institut se trouvaient eacutegalement Leonard Bernstein et Samuel Barber qui devinrent plus tard les partenaires de Menotti dans son travail On peut citer

notamment le plus ceacutelegravebre opeacutera de Samuel Barber intituleacute Vanessa dont le livret est signeacute par Menotti La premiegravere de cet opeacutera eut lieu en 1958 au Metropolitan Opera Menotti eacutetait encore eacutetudiant au Curtis Institute of Music lorsqursquoil signa en italien son premier grand opeacutera Amelia al Ballo (Amelia va au Bal en franccedilais) Par la suite il nrsquoeacutecrivit en italien que deux autres opeacuteras LrsquoIcircle de Dieu et Le dernier Sauvage Le reste de son œuvre fut eacutecrite en anglais Ses travaux les plus important furent composeacutes dans les anneacutees 1940 et 1950 Par la suite Menotti enseigna eacutegalement au Curtis Institute of Music et eut parmi ses eacutetudiants et proteacutegeacutes un compositeur ameacutericain du nom de Stanley Hollingsworth

Menotti reacutedigea les livrets de deux opeacuteras de Samuel Barber Vanessa et A Hand of Bridge et revisita le dernier - Antony and Cleopatra Amelia de Menotti remporta un tel succegraves que NBC en commanda une version audio pour la radio The Old Maid and the Thief fut le premier travail de grande ampleur pour Menotti Il composa ensuite des ballets Sebastian en 1944 et un concert pour piano en 1945 avant de revenir agrave son premier amour lopeacutera avec The Medium et Le teacuteleacutephone

Œuvres Musicales

bull Amelia al Ballo (1937) bull The Island of God (1942) bull The Medium (1946) bull The Telephone or LAmour agrave trois (1947) bull The Consul (1950) bull Amahl and the Night Visitors television opera (1951) bull Labyrinth television opera (1963) bull The Last Savage (1963) bull Martins Lie (1964) bull Help Help the Globolinks (1968) bull The Most Important Man (1971) bull The Egg (1976) bull The Hero (1976) bull The Trial of the Gypsy (1978) bull Chip and his Dog (1979) bull A Bride from Pluto (1982) bull The Boy Who Grew Too Fast (1982) bull Goya (1986) bull The Wedding (Giorno da Nozze) (1988) bull Goya [rev] (1991) bull The Singing Child (1993)

LES SYNOPSIS

LES MAMELLES DE TIRESIAS

SITUATION Apollinaire avait situeacute son action theacuteacirctrale agrave une eacutepoque impreacutecise dans lrsquoicircle de Zanzibar Poulenc place son opeacutera en 1912 agrave Zanzibar ville imaginaire pregraves de Monte-Carlo car comme il lrsquoeacutecrit laquo 1912 est lrsquoeacutepoque heacuteroiumlque drsquoApollinaire celle des premiers combats pour le cubisme de la publication drsquoAlcools Jrsquoai substitueacute Monte-Carlo agrave Zanzibar pour eacuteviter lrsquoexotisme et parce que Monte-Carlo que jrsquoadore et ougrave Apollinaire a passeacute les quinze premiegraveres anneacutees de sa vie est bien assez tropical pour le Parisien que je suis raquo

ACTE I

Comme dans Paillasse le rideau se legraveve sur le directeur de la troupe qui va exprimer la signification ultime de la repreacutesentation laquo faites des enfants vous qui nrsquoen faisiez guegravere raquo Poulenc a alleacutegeacute ce prologue de toutes les allusions agrave la premiegravere guerre mondiale et aux obus qui eacuteteignent laquo mecircme les eacutetoiles raquo superbe meacutetaphore pour toutes ces vies interrompues et qursquoil convient de remplacer aux plus vite Priveacute de ces reacutefeacuterences lrsquoappel agrave la repopulation du pays perd une grande partie de sa signification

A la fin du prologue Theacuteregravese surgit sur scegravene clamant son feacuteminisme et son deacutesir drsquoindeacutependance Des coulisses son mari lui reacuteclame du lard Pour exprimer sa libeacuteration Theacuteregravese fait sortir ses laquo mamelles raquo de son corsage ce sont deux ballons lrsquoun rouge lrsquoautre bleu qui srsquoenvolent et que Theacuteregravese fait exploser La barbe se met agrave lui pousser Le mari qui sort de la maison pense que Theacuteregravese a eacuteteacute assassineacutee par cet individu barbu et veut la venger Theacuteregravese se fait reconnaicirctre et lui annonce qu lsquoelle portera deacutesormais un nom drsquohomme Tireacutesias Puis elle retourne au logis et jette les objets du meacutenage par la fenecirctre le violon (un pot de chambre) le piano (un urinal) Le mari rentre preacutecipitamment

A ce moment Lacouf et Presto sortent du cafeacute ivres et dansant une polka Ils se disputent pour savoir srsquoils sont agrave Paris ou agrave Zanzibar La querelle srsquoenvenimant ils se battent en duel au pistolet et tombent morts tous les deux

Tireacutesias sort du logis habilleacutee en homme suivie de son mari habilleacute en femme et les mains ligoteacutees Tireacutesias achegravete un journal dans lequel elle apprend la mort de Lacouf et Presto Le peuple de Zanzibar enlegraveve les corps en commentant laquo comme il perdait au zanzibar monsieur Presto a perdu son pari puisque nous sommes agrave Paris Monsieur Lacouf nrsquoa rien gagneacute puisque la scegravene se passe agrave Zanzibar autant que la Seine passe agrave Paris raquo

Le mari reste seul sur scegravene Entre le gendarme dans un cheval-jupon qui le prenant pour une femme commence agrave lui compter fleurette Le mari se rend compte que puisque sa femme est un homme il est juste que lui soit une femme et tandis que le peuple acclame le geacuteneacuteral et le deacuteputeacute Tireacutesias deacutecide de faire des enfants pour repeupler Zanzibar Le gendarme la marchande de journaux Lacouf et Presto ressusciteacutes et en patinette commentent sa deacutecision dans un texte aux allusions joyeusement grivoises (laquo et fumez la pipe bergegravere moi je vous jouerai du pipeauhellip raquo)

Un entracte se deacuteroule devant le rideau fermeacute montrant les parents-choristes et le chœur des nouveaux neacutes laquo vous qui pleurez en voyant la piegravece souhaitez les enfants vainqueurs raquo

ACTE II

Le mari seul sur scegravene chante les joies de la paterniteacute Il a fait 40 049 enfants en un seul jour

Un journaliste parisien se preacutesente et lrsquointerroge Le mari explique que ses enfants le nourrissent deacutejagrave accapareur (une trace de la guerre) romancier artistehelliple journaliste demande au mari de lui precircter de lrsquoargent et se fait jeter dehors

Le mari deacutecide de creacuteer un enfant journaliste ce qursquoil fait en jetant de lrsquoencre un porte-plume de la colle des ciseaux et du papier journal dans un berceau Heacutelas ce nouvel enfant nrsquoest pas tregraves reacuteussi il reacuteunit toutes les tares des mauvais journalistes et tente de faire chanter son pegravere

Le gendarme est de retour la population zanzibarienne est affameacutee par le surcroicirct de bouches agrave nourrir et va mourir de faim Le mari connaicirct la solution il leur faut des cartes (des cartes de rationnement bien sucircr encore une seacutequelle de la guerre ) Cette allusion aux cartes fait apparaicirctre la cartomancienne qui se met agrave chanter les meacuterites de la feacuteconditeacute et insulte le gendarme qui est steacuterile Le gendarme veut arrecircter la cartomancienne ils se battent tous les deux la cartomancienne eacutetrangle le gendarme puis se deacutebarrasse de ses voiles Le mari reconnaicirct alors sa Theacuteregravese qui sans ses mamelles est laquo plate comme une punaise raquo Theacuteregravese est drsquoaccord pour reprendre la vie commune mais pas pour remettre ses mamelles

Le gendarme ressusciteacute le peuple de Zanzibar la marchande de journaux et les deux eacutepoux chantent les joies de lrsquoamour et de la feacuteconditeacute

LE MEDIUM Acte I Madame Flora meacutedium assisteacutee par sa fille Monica et par Toby un adolescent muet dorigine boheacutemienne reccediloit trois clients M et Mme Gobineau et Mme Nolan pour une seacuteance de spiritisme Flora eacutevoque leurs enfants disparus et les deacutefunts se manifestent par une apparition par un rire mais la seacuteance est truqueacutee cest Toby qui agrave laide de fils fait bouger la table et cest Monica qui joue le rocircle des disparus Soudain Flora laisse eacutechapper un cri elle a senti une main glaceacutee eacutetreindre sa gorge elle renvoie les clients et accuse Toby de lavoir volontairement effrayeacutee mais le jeune muet ne fait aucun signe ni daveu ni de deacuteneacutegation La peur hante deacutesormais Flora Acte II Quelques jours plus tard Monica et Toby jouent dans le salon Survient Flora qui noie sa frayeur dans lalcool Elle interroge de nouveau Toby et ne pouvant rien tirer de lui le fouette jusquau sang A ses clients de retour elle annonce quil ny aura plus de seacuteances et tente en leur deacutevoilant tous les truquages de les convaincre quelle les a berneacutes mais ses victimes ne veulent rien comprendre et croient agrave ce quon leur faisait voir et entendre Flora les chasse Monica senferme dans sa chambre et Toby senfuit Resteacutee seule Flora est victime dhallucinations Toby revient discregravetement et se dissimule Sentant une preacutesence insolite devinant une forme derriegravere un rideau Flora saisit un revolver et tire Sur le visage de lenfant abattu elle cherche en vain avec deacutesespoir une reacuteponse qui ne viendra jamais

LES LIENS LES PISTES

DE LA LECTURE

Le mythe de Tireacutesias

Tireacutesias il nrsquoest pas inutile de le rappeler est un personnage mythologique qui en se promenant surprit deux serpents en train de srsquoaccoupler et tua la femelle ce qui eut pour effet de le transformer en femme Il (elle) se fit prostitueacutee mais sept ans plus tard il (elle) assista de nouveau agrave la mecircme scegravene au mecircme endroit et en tuant le macircle redevint homme Survint une querelle entre Jupiter et Junon au sujet de qui de lrsquohomme ou de la femme a le plus de plaisir dans lrsquoamour Jupiter pensait qursquoil srsquoagit de la femme Junon optait pour lrsquohomme Ils choisirent tout naturellement Tireacutesias comme arbitre Tireacutesias se prononccedila en faveur de Jupiter et deacuteclara le plaisir de la femme sept fois plus grand que celui de lrsquohomme Pour le punir Junon lrsquoaveugla Tireacutesias aveugle devint laquo voyant raquo crsquoest agrave dire devin et entre autres reacuteveacutela sa faute agrave Œdipe

Selon certaines variantes Tireacutesias neacutee de sexe feacuteminin a degraves lrsquoacircge de sept ans inspireacute de lrsquoamour agrave Apollon avant de subir sept changements de sexe

Elle crsquoest Theacuteregravese bien sucircr mais crsquoest aussi sa creacuteatrice Denise Duval Voici une heacuteroiumlne insoumise qui srsquoinsurge contre lrsquoautoriteacute masculine revendique des droits eacutegaux agrave ceux de lrsquohomme et quitte le foyer conjugal Elle aspire agrave devenir soldat artiste deacuteputeacute avocat seacutenateur ministre preacutesident de la chose publiquehellipElle a deacutecideacute qursquoaucun des postes traditionnellement reacuteserveacutes aux hommes ne lui sera interdit

Et de la mecircme faccedilon que ses arriegraveres-petites-filles brucircleront leurs soutien-gorges dans les anneacutees 1970 Theacuteregravese fait exploser ses mamelles Gracircce soit rendue agrave Apollinaire et agrave Poulenc mais notre chegravere Theacuteregravese nrsquoest jamais tourneacutee en ridicule jamais transformeacutee en amazone hommasse Theacuteregravese se reacutealise tout simplement

Bien sucircr nous sommes au deacutebut du siegravecle et pour obtenir le pouvoir social politique et militaire Theacuteregravese adopte une identiteacute masculine Elle doit se transformer en Tireacutesias qursquoon ne ressent pas vraiment comme un homme mais comme un ecirctre plus ou moins androgyne le charme feacuteminin sous la reacuteussite sociale masculine si lrsquoon peut dire Elle doit aussi neutraliser son mari en le ligotant et laquo lrsquoandrogyniser raquo en lui faisant revecirctir des vecirctements feacuteminins

Et Theacuteregravese reacuteussit fort bien sa reconversion elle est acclameacutee par le peuple comme geacuteneacuteral comme deacuteputeacute

Il est vraiment incroyable qursquoen 1917 Apollinaire ait reacuteussi agrave creacuteer un personnage si actuel que les aspirations des femmes qui en eacutetaient encore agrave leurs balbutiements aient eacuteteacute si bien comprises sans jamais ecirctre tourneacutees en ridicule Elles sont si justement deacutecrites qursquoune femme de lrsquoan 2001 peut srsquoy reconnaicirctre Il faut dire qursquoApollinaire qui fut lrsquoamant de Marie Laurencin pendant plusieurs anneacutees devait srsquoy connaicirctre en matiegravere de femmes eacutemancipeacutees

Bien sucircr cet esprit de reacutevolte et ce deacutesir drsquoindeacutependance ne seront pas immeacutediatement satisfaits Il faudra une deuxiegraveme guerre mondiale avant que les femmes obtiennent le droit de vote Les aspirations de lrsquoheacuteroiumlne sont bien en avance sur son eacutepoque

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

LES MAMELLES DE TIRESIAS Francis POULENC LE MEDIUM Gian Carlo MENOTTI Ce dossier se compose des fiches suivantes

LA PRODUCTION

LES BIOGRAPHIES

LES SYNOPSIS

LES PISTES PEacuteDAGOGIQUES LES LIENS

La PRODUCTION

Direction musicale Bruno MEMBREY Mise en scegravene Olivier BENEZECH Sceacutenographie Olivier MILAGOU Orchestre Grand Theacuteacirctre de Reims

LES MAMELLES DE TIRESIAS Production Opeacutera de Toulon-Provence-Meacutediterraneacutee Diffusion La clef des chants et Nord Pas-de-Calais La Distribution THEacuteREgraveSE Renate Arends LA MARCHANDE DE JOURNAUX Magali Paliegraves LE MARI Marc Maullion Mr LACOUF ET LE JOURNALISTE Mathieu Cabanegraves Mr PRESTO ET LE FILS Vincent Billier LE DIRECTEUR ET LE GENDARME Mathieu Leacutecroart

LE MEDIUM Coproduction La clef des chants le Grand Theacuteacirctre de Limoges et le Grand theacuteacirctre de Reims La Distribution Mme FLORA Blandine Folio-Peregraves MONICA Renate Arends Mrs GOBINEAU Diana Higbee Mrs NOLAN Magali Paliegraves Mr GOBINEAU Vincent Billier

LES BIOGRAPHIES

LES MAMELLES DE TIRESIAS

POULENC Francis (18991963) laquo Je crois bien que je preacutefegravere cette œuvre agrave tout ce que jrsquoai eacutecrit Si lrsquoon veut se faire une ideacutee de ma complexe personnaliteacute musicale on me trouvera tregraves exactement moi-mecircme aussi bien dans les Mamelles que dans mon Stabat Mater raquo

SA VIE

Francis PouIenc naicirct agrave Paris citeacute quil affectionnera toute sa vie pour son eacuteleacutegance et son eacutenergie il y meurt agrave lacircge de soixante-quatre ans Ageacute dagrave peine sept ans il compose de courtes piegraveces et son ambition preacutecoce de jouer du piano est encourageacutee par sa megravere elle-mecircme musicienne Il continue ses eacutetudes de piano de faccedilon plus seacuterieuse avec Ricardo Vines qui le preacutesente agrave Satie Casella et Auric Apregraves voir obtenu son diplocircme au Lyceacutee Condorcet et fait son service militaire de trois anneacutees Poulenc eacutetudie avec Koechlin Ainsi que les autres compositeurs du Groupe des Six (Milhaud Auric Honegger Durey et Tailleferre) Poulenc rejette le goucirct contemporain pour le romantisme et limpressionnisme et se prononce en faveur du style populaire et plein desprit du music-hall adoptant Satie et Cocteau comme maicirctres estheacutetiques et spirituels Il admire beaucoup la poeacutesie en particulier celle de G Apollinaire M Jacob et P Eluard et accompagne Pierre Bernac lors de ses nombreux reacutecitals de meacutelodies sur ces poegravemes agrave la fin des anneacutees trente Les compositions de Poulenc reflegravetent un reacuteel bon honneur et un sens de linvention spontaneacutee elles teacutemoignent toujours dune grande indeacutependance desprit

Son pegravere eacutetait un des fondateurs des eacutetablissements Poulenc Fregraveres qui devinrent Rhocircne-Poulenc En 1935 de passage agrave Rocamadour et suite agrave la mort accidentelle de son ami le compositeur et critique Pierre-Octave Ferroud il veacutecut une profonde conversion agrave la foi catholique de son enfance Il composa ses Litanies agrave la Vierge noire en 1936 Ses œuvres religieuses furent par la suite une messe (1937) et un Stabat Mater (1950) entre autres Il est enterreacute au cimetiegravere du Pegravere Lachaise agrave Paris

SON OEUVRE

Des opeacuteras Les Dialogues des Carmeacutelites en 1957 La Voix humaine en 1959 Des œuvres bouffonnes Les Mamelles de Tireacutesias en 1947 Des œuvres religieuses Litanies agrave la vierge noire en 1936 un gloria pour soprano solo chœur mixte et orchestre un Stabat mater pour soprano choeur mixte et orchestre Des ballets Les Biches en 1924 Des piegraveces pour piano dont le concerto pour piano et orchestre qui eacutetait nommeacute de son vivant le Concerto numeacutero 1 et quil nommait en priveacute pour des raisons mal connues le Concerto casquette Une mise en musique de lhistoire de Babar leacuteleacutephant pour reacutecitant et piano (plus tard orchestreacutee par Jean Franccedilaix)

Un concerto pour orgue cordes et timbales un concerto pour piano un concerto pour deux pianos le concert champecirctre pour clavecin et orchestre De la musique de chambre notamment une sonate pour clarinette et piano (1962) une sonate pour flucircte et piano un sextuor pour piano et instruments agrave vent Nombreuses piegraveces profane et religieuses pour chœur mixte agrave cappella sept chansons sur des textes de Guillaume Apollinaire et Paul Eluard un soir de neige Chansons franccedilaises sur des textes anonymes du Moyen AcircgeChansons agrave boire quatre petites priegraveres de saint Franccedilois dAssise pour chœur de voix dhommes Petites voix pour chœur denfants une messe en sol majeur et plusieurs motets

APOLLINAIRE Guillaume (18801918) Dorigine polonaise et de son vrai nom Wilhelm de Kostrowitzki est neacute agrave Rome en 1880 Depuis 1903 il publiait des poegravemes parfois dans ses propres revues Il est mort agrave Paris en 1918 apregraves avoir eacuteteacute griegravevement blesseacute agrave la guerre sur le front franccedilais laquoApollinaire a trouveacute surtout depuis 1945 la place qui lui revient moins celle dun novateur parce quil a eu le tort de ne systeacutematiser aucune de ses intuitions que celle dun geacutenie lyrique et dun musicien du langageraquo

SON OEUVRE

LEnchanteur pourrissant (18991904) Rheacutenanes (190102) Les Mamelles de Tireacutesias (190318) Les Meacutemoires dun jeune Don Juan (1905) La Chanson du Mal-Aimeacute (1909) La Poeacutesie symboliste (1909) LHeacutereacutesiarque et Cie (1910) Le Bestiaire ou Cortegravege dOrpheacutee (1911) Les Peintres cubiste (1913) Alcools (1913) Les Meacuteditations estheacutetique (1913) LAntitradition futuriste (1914) Le Poegravete assassineacute (1916) LEsprit nouveau et les Poegravetes (1917) Le Flacircneur des deux rives (1918) Calligrammes (1918) Le Guetteur meacutelancolique (posth 1952) Poegravemes agrave Lou (posth 1955) Poegravemes retrouveacutes (posth 1956)

LE MEDIUM

MENOTTI Gian Carlo (1911)

Menotti commenccedila agrave eacutecrire ses chansons alors quil navait que 7 ans A 11 ans deacutejagrave il eacutecrivait le livret et la musique de son premier opeacutera La mort de Pierrot Cependant il ne commenccedila reacuteellement son activiteacute musicale quen 1923 lorsquil entra au Conservatoire Verdi de Milan

Apregraves la mort de son pegravere Menotti et sa megravere vinrent srsquoinstaller aux USA en 1928 il entra ensuite au Curtis Institute of Music de Philadelphie Parmi les eacutetudiants de cet institut se trouvaient eacutegalement Leonard Bernstein et Samuel Barber qui devinrent plus tard les partenaires de Menotti dans son travail On peut citer

notamment le plus ceacutelegravebre opeacutera de Samuel Barber intituleacute Vanessa dont le livret est signeacute par Menotti La premiegravere de cet opeacutera eut lieu en 1958 au Metropolitan Opera Menotti eacutetait encore eacutetudiant au Curtis Institute of Music lorsqursquoil signa en italien son premier grand opeacutera Amelia al Ballo (Amelia va au Bal en franccedilais) Par la suite il nrsquoeacutecrivit en italien que deux autres opeacuteras LrsquoIcircle de Dieu et Le dernier Sauvage Le reste de son œuvre fut eacutecrite en anglais Ses travaux les plus important furent composeacutes dans les anneacutees 1940 et 1950 Par la suite Menotti enseigna eacutegalement au Curtis Institute of Music et eut parmi ses eacutetudiants et proteacutegeacutes un compositeur ameacutericain du nom de Stanley Hollingsworth

Menotti reacutedigea les livrets de deux opeacuteras de Samuel Barber Vanessa et A Hand of Bridge et revisita le dernier - Antony and Cleopatra Amelia de Menotti remporta un tel succegraves que NBC en commanda une version audio pour la radio The Old Maid and the Thief fut le premier travail de grande ampleur pour Menotti Il composa ensuite des ballets Sebastian en 1944 et un concert pour piano en 1945 avant de revenir agrave son premier amour lopeacutera avec The Medium et Le teacuteleacutephone

Œuvres Musicales

bull Amelia al Ballo (1937) bull The Island of God (1942) bull The Medium (1946) bull The Telephone or LAmour agrave trois (1947) bull The Consul (1950) bull Amahl and the Night Visitors television opera (1951) bull Labyrinth television opera (1963) bull The Last Savage (1963) bull Martins Lie (1964) bull Help Help the Globolinks (1968) bull The Most Important Man (1971) bull The Egg (1976) bull The Hero (1976) bull The Trial of the Gypsy (1978) bull Chip and his Dog (1979) bull A Bride from Pluto (1982) bull The Boy Who Grew Too Fast (1982) bull Goya (1986) bull The Wedding (Giorno da Nozze) (1988) bull Goya [rev] (1991) bull The Singing Child (1993)

LES SYNOPSIS

LES MAMELLES DE TIRESIAS

SITUATION Apollinaire avait situeacute son action theacuteacirctrale agrave une eacutepoque impreacutecise dans lrsquoicircle de Zanzibar Poulenc place son opeacutera en 1912 agrave Zanzibar ville imaginaire pregraves de Monte-Carlo car comme il lrsquoeacutecrit laquo 1912 est lrsquoeacutepoque heacuteroiumlque drsquoApollinaire celle des premiers combats pour le cubisme de la publication drsquoAlcools Jrsquoai substitueacute Monte-Carlo agrave Zanzibar pour eacuteviter lrsquoexotisme et parce que Monte-Carlo que jrsquoadore et ougrave Apollinaire a passeacute les quinze premiegraveres anneacutees de sa vie est bien assez tropical pour le Parisien que je suis raquo

ACTE I

Comme dans Paillasse le rideau se legraveve sur le directeur de la troupe qui va exprimer la signification ultime de la repreacutesentation laquo faites des enfants vous qui nrsquoen faisiez guegravere raquo Poulenc a alleacutegeacute ce prologue de toutes les allusions agrave la premiegravere guerre mondiale et aux obus qui eacuteteignent laquo mecircme les eacutetoiles raquo superbe meacutetaphore pour toutes ces vies interrompues et qursquoil convient de remplacer aux plus vite Priveacute de ces reacutefeacuterences lrsquoappel agrave la repopulation du pays perd une grande partie de sa signification

A la fin du prologue Theacuteregravese surgit sur scegravene clamant son feacuteminisme et son deacutesir drsquoindeacutependance Des coulisses son mari lui reacuteclame du lard Pour exprimer sa libeacuteration Theacuteregravese fait sortir ses laquo mamelles raquo de son corsage ce sont deux ballons lrsquoun rouge lrsquoautre bleu qui srsquoenvolent et que Theacuteregravese fait exploser La barbe se met agrave lui pousser Le mari qui sort de la maison pense que Theacuteregravese a eacuteteacute assassineacutee par cet individu barbu et veut la venger Theacuteregravese se fait reconnaicirctre et lui annonce qu lsquoelle portera deacutesormais un nom drsquohomme Tireacutesias Puis elle retourne au logis et jette les objets du meacutenage par la fenecirctre le violon (un pot de chambre) le piano (un urinal) Le mari rentre preacutecipitamment

A ce moment Lacouf et Presto sortent du cafeacute ivres et dansant une polka Ils se disputent pour savoir srsquoils sont agrave Paris ou agrave Zanzibar La querelle srsquoenvenimant ils se battent en duel au pistolet et tombent morts tous les deux

Tireacutesias sort du logis habilleacutee en homme suivie de son mari habilleacute en femme et les mains ligoteacutees Tireacutesias achegravete un journal dans lequel elle apprend la mort de Lacouf et Presto Le peuple de Zanzibar enlegraveve les corps en commentant laquo comme il perdait au zanzibar monsieur Presto a perdu son pari puisque nous sommes agrave Paris Monsieur Lacouf nrsquoa rien gagneacute puisque la scegravene se passe agrave Zanzibar autant que la Seine passe agrave Paris raquo

Le mari reste seul sur scegravene Entre le gendarme dans un cheval-jupon qui le prenant pour une femme commence agrave lui compter fleurette Le mari se rend compte que puisque sa femme est un homme il est juste que lui soit une femme et tandis que le peuple acclame le geacuteneacuteral et le deacuteputeacute Tireacutesias deacutecide de faire des enfants pour repeupler Zanzibar Le gendarme la marchande de journaux Lacouf et Presto ressusciteacutes et en patinette commentent sa deacutecision dans un texte aux allusions joyeusement grivoises (laquo et fumez la pipe bergegravere moi je vous jouerai du pipeauhellip raquo)

Un entracte se deacuteroule devant le rideau fermeacute montrant les parents-choristes et le chœur des nouveaux neacutes laquo vous qui pleurez en voyant la piegravece souhaitez les enfants vainqueurs raquo

ACTE II

Le mari seul sur scegravene chante les joies de la paterniteacute Il a fait 40 049 enfants en un seul jour

Un journaliste parisien se preacutesente et lrsquointerroge Le mari explique que ses enfants le nourrissent deacutejagrave accapareur (une trace de la guerre) romancier artistehelliple journaliste demande au mari de lui precircter de lrsquoargent et se fait jeter dehors

Le mari deacutecide de creacuteer un enfant journaliste ce qursquoil fait en jetant de lrsquoencre un porte-plume de la colle des ciseaux et du papier journal dans un berceau Heacutelas ce nouvel enfant nrsquoest pas tregraves reacuteussi il reacuteunit toutes les tares des mauvais journalistes et tente de faire chanter son pegravere

Le gendarme est de retour la population zanzibarienne est affameacutee par le surcroicirct de bouches agrave nourrir et va mourir de faim Le mari connaicirct la solution il leur faut des cartes (des cartes de rationnement bien sucircr encore une seacutequelle de la guerre ) Cette allusion aux cartes fait apparaicirctre la cartomancienne qui se met agrave chanter les meacuterites de la feacuteconditeacute et insulte le gendarme qui est steacuterile Le gendarme veut arrecircter la cartomancienne ils se battent tous les deux la cartomancienne eacutetrangle le gendarme puis se deacutebarrasse de ses voiles Le mari reconnaicirct alors sa Theacuteregravese qui sans ses mamelles est laquo plate comme une punaise raquo Theacuteregravese est drsquoaccord pour reprendre la vie commune mais pas pour remettre ses mamelles

Le gendarme ressusciteacute le peuple de Zanzibar la marchande de journaux et les deux eacutepoux chantent les joies de lrsquoamour et de la feacuteconditeacute

LE MEDIUM Acte I Madame Flora meacutedium assisteacutee par sa fille Monica et par Toby un adolescent muet dorigine boheacutemienne reccediloit trois clients M et Mme Gobineau et Mme Nolan pour une seacuteance de spiritisme Flora eacutevoque leurs enfants disparus et les deacutefunts se manifestent par une apparition par un rire mais la seacuteance est truqueacutee cest Toby qui agrave laide de fils fait bouger la table et cest Monica qui joue le rocircle des disparus Soudain Flora laisse eacutechapper un cri elle a senti une main glaceacutee eacutetreindre sa gorge elle renvoie les clients et accuse Toby de lavoir volontairement effrayeacutee mais le jeune muet ne fait aucun signe ni daveu ni de deacuteneacutegation La peur hante deacutesormais Flora Acte II Quelques jours plus tard Monica et Toby jouent dans le salon Survient Flora qui noie sa frayeur dans lalcool Elle interroge de nouveau Toby et ne pouvant rien tirer de lui le fouette jusquau sang A ses clients de retour elle annonce quil ny aura plus de seacuteances et tente en leur deacutevoilant tous les truquages de les convaincre quelle les a berneacutes mais ses victimes ne veulent rien comprendre et croient agrave ce quon leur faisait voir et entendre Flora les chasse Monica senferme dans sa chambre et Toby senfuit Resteacutee seule Flora est victime dhallucinations Toby revient discregravetement et se dissimule Sentant une preacutesence insolite devinant une forme derriegravere un rideau Flora saisit un revolver et tire Sur le visage de lenfant abattu elle cherche en vain avec deacutesespoir une reacuteponse qui ne viendra jamais

LES LIENS LES PISTES

DE LA LECTURE

Le mythe de Tireacutesias

Tireacutesias il nrsquoest pas inutile de le rappeler est un personnage mythologique qui en se promenant surprit deux serpents en train de srsquoaccoupler et tua la femelle ce qui eut pour effet de le transformer en femme Il (elle) se fit prostitueacutee mais sept ans plus tard il (elle) assista de nouveau agrave la mecircme scegravene au mecircme endroit et en tuant le macircle redevint homme Survint une querelle entre Jupiter et Junon au sujet de qui de lrsquohomme ou de la femme a le plus de plaisir dans lrsquoamour Jupiter pensait qursquoil srsquoagit de la femme Junon optait pour lrsquohomme Ils choisirent tout naturellement Tireacutesias comme arbitre Tireacutesias se prononccedila en faveur de Jupiter et deacuteclara le plaisir de la femme sept fois plus grand que celui de lrsquohomme Pour le punir Junon lrsquoaveugla Tireacutesias aveugle devint laquo voyant raquo crsquoest agrave dire devin et entre autres reacuteveacutela sa faute agrave Œdipe

Selon certaines variantes Tireacutesias neacutee de sexe feacuteminin a degraves lrsquoacircge de sept ans inspireacute de lrsquoamour agrave Apollon avant de subir sept changements de sexe

Elle crsquoest Theacuteregravese bien sucircr mais crsquoest aussi sa creacuteatrice Denise Duval Voici une heacuteroiumlne insoumise qui srsquoinsurge contre lrsquoautoriteacute masculine revendique des droits eacutegaux agrave ceux de lrsquohomme et quitte le foyer conjugal Elle aspire agrave devenir soldat artiste deacuteputeacute avocat seacutenateur ministre preacutesident de la chose publiquehellipElle a deacutecideacute qursquoaucun des postes traditionnellement reacuteserveacutes aux hommes ne lui sera interdit

Et de la mecircme faccedilon que ses arriegraveres-petites-filles brucircleront leurs soutien-gorges dans les anneacutees 1970 Theacuteregravese fait exploser ses mamelles Gracircce soit rendue agrave Apollinaire et agrave Poulenc mais notre chegravere Theacuteregravese nrsquoest jamais tourneacutee en ridicule jamais transformeacutee en amazone hommasse Theacuteregravese se reacutealise tout simplement

Bien sucircr nous sommes au deacutebut du siegravecle et pour obtenir le pouvoir social politique et militaire Theacuteregravese adopte une identiteacute masculine Elle doit se transformer en Tireacutesias qursquoon ne ressent pas vraiment comme un homme mais comme un ecirctre plus ou moins androgyne le charme feacuteminin sous la reacuteussite sociale masculine si lrsquoon peut dire Elle doit aussi neutraliser son mari en le ligotant et laquo lrsquoandrogyniser raquo en lui faisant revecirctir des vecirctements feacuteminins

Et Theacuteregravese reacuteussit fort bien sa reconversion elle est acclameacutee par le peuple comme geacuteneacuteral comme deacuteputeacute

Il est vraiment incroyable qursquoen 1917 Apollinaire ait reacuteussi agrave creacuteer un personnage si actuel que les aspirations des femmes qui en eacutetaient encore agrave leurs balbutiements aient eacuteteacute si bien comprises sans jamais ecirctre tourneacutees en ridicule Elles sont si justement deacutecrites qursquoune femme de lrsquoan 2001 peut srsquoy reconnaicirctre Il faut dire qursquoApollinaire qui fut lrsquoamant de Marie Laurencin pendant plusieurs anneacutees devait srsquoy connaicirctre en matiegravere de femmes eacutemancipeacutees

Bien sucircr cet esprit de reacutevolte et ce deacutesir drsquoindeacutependance ne seront pas immeacutediatement satisfaits Il faudra une deuxiegraveme guerre mondiale avant que les femmes obtiennent le droit de vote Les aspirations de lrsquoheacuteroiumlne sont bien en avance sur son eacutepoque

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

La PRODUCTION

Direction musicale Bruno MEMBREY Mise en scegravene Olivier BENEZECH Sceacutenographie Olivier MILAGOU Orchestre Grand Theacuteacirctre de Reims

LES MAMELLES DE TIRESIAS Production Opeacutera de Toulon-Provence-Meacutediterraneacutee Diffusion La clef des chants et Nord Pas-de-Calais La Distribution THEacuteREgraveSE Renate Arends LA MARCHANDE DE JOURNAUX Magali Paliegraves LE MARI Marc Maullion Mr LACOUF ET LE JOURNALISTE Mathieu Cabanegraves Mr PRESTO ET LE FILS Vincent Billier LE DIRECTEUR ET LE GENDARME Mathieu Leacutecroart

LE MEDIUM Coproduction La clef des chants le Grand Theacuteacirctre de Limoges et le Grand theacuteacirctre de Reims La Distribution Mme FLORA Blandine Folio-Peregraves MONICA Renate Arends Mrs GOBINEAU Diana Higbee Mrs NOLAN Magali Paliegraves Mr GOBINEAU Vincent Billier

LES BIOGRAPHIES

LES MAMELLES DE TIRESIAS

POULENC Francis (18991963) laquo Je crois bien que je preacutefegravere cette œuvre agrave tout ce que jrsquoai eacutecrit Si lrsquoon veut se faire une ideacutee de ma complexe personnaliteacute musicale on me trouvera tregraves exactement moi-mecircme aussi bien dans les Mamelles que dans mon Stabat Mater raquo

SA VIE

Francis PouIenc naicirct agrave Paris citeacute quil affectionnera toute sa vie pour son eacuteleacutegance et son eacutenergie il y meurt agrave lacircge de soixante-quatre ans Ageacute dagrave peine sept ans il compose de courtes piegraveces et son ambition preacutecoce de jouer du piano est encourageacutee par sa megravere elle-mecircme musicienne Il continue ses eacutetudes de piano de faccedilon plus seacuterieuse avec Ricardo Vines qui le preacutesente agrave Satie Casella et Auric Apregraves voir obtenu son diplocircme au Lyceacutee Condorcet et fait son service militaire de trois anneacutees Poulenc eacutetudie avec Koechlin Ainsi que les autres compositeurs du Groupe des Six (Milhaud Auric Honegger Durey et Tailleferre) Poulenc rejette le goucirct contemporain pour le romantisme et limpressionnisme et se prononce en faveur du style populaire et plein desprit du music-hall adoptant Satie et Cocteau comme maicirctres estheacutetiques et spirituels Il admire beaucoup la poeacutesie en particulier celle de G Apollinaire M Jacob et P Eluard et accompagne Pierre Bernac lors de ses nombreux reacutecitals de meacutelodies sur ces poegravemes agrave la fin des anneacutees trente Les compositions de Poulenc reflegravetent un reacuteel bon honneur et un sens de linvention spontaneacutee elles teacutemoignent toujours dune grande indeacutependance desprit

Son pegravere eacutetait un des fondateurs des eacutetablissements Poulenc Fregraveres qui devinrent Rhocircne-Poulenc En 1935 de passage agrave Rocamadour et suite agrave la mort accidentelle de son ami le compositeur et critique Pierre-Octave Ferroud il veacutecut une profonde conversion agrave la foi catholique de son enfance Il composa ses Litanies agrave la Vierge noire en 1936 Ses œuvres religieuses furent par la suite une messe (1937) et un Stabat Mater (1950) entre autres Il est enterreacute au cimetiegravere du Pegravere Lachaise agrave Paris

SON OEUVRE

Des opeacuteras Les Dialogues des Carmeacutelites en 1957 La Voix humaine en 1959 Des œuvres bouffonnes Les Mamelles de Tireacutesias en 1947 Des œuvres religieuses Litanies agrave la vierge noire en 1936 un gloria pour soprano solo chœur mixte et orchestre un Stabat mater pour soprano choeur mixte et orchestre Des ballets Les Biches en 1924 Des piegraveces pour piano dont le concerto pour piano et orchestre qui eacutetait nommeacute de son vivant le Concerto numeacutero 1 et quil nommait en priveacute pour des raisons mal connues le Concerto casquette Une mise en musique de lhistoire de Babar leacuteleacutephant pour reacutecitant et piano (plus tard orchestreacutee par Jean Franccedilaix)

Un concerto pour orgue cordes et timbales un concerto pour piano un concerto pour deux pianos le concert champecirctre pour clavecin et orchestre De la musique de chambre notamment une sonate pour clarinette et piano (1962) une sonate pour flucircte et piano un sextuor pour piano et instruments agrave vent Nombreuses piegraveces profane et religieuses pour chœur mixte agrave cappella sept chansons sur des textes de Guillaume Apollinaire et Paul Eluard un soir de neige Chansons franccedilaises sur des textes anonymes du Moyen AcircgeChansons agrave boire quatre petites priegraveres de saint Franccedilois dAssise pour chœur de voix dhommes Petites voix pour chœur denfants une messe en sol majeur et plusieurs motets

APOLLINAIRE Guillaume (18801918) Dorigine polonaise et de son vrai nom Wilhelm de Kostrowitzki est neacute agrave Rome en 1880 Depuis 1903 il publiait des poegravemes parfois dans ses propres revues Il est mort agrave Paris en 1918 apregraves avoir eacuteteacute griegravevement blesseacute agrave la guerre sur le front franccedilais laquoApollinaire a trouveacute surtout depuis 1945 la place qui lui revient moins celle dun novateur parce quil a eu le tort de ne systeacutematiser aucune de ses intuitions que celle dun geacutenie lyrique et dun musicien du langageraquo

SON OEUVRE

LEnchanteur pourrissant (18991904) Rheacutenanes (190102) Les Mamelles de Tireacutesias (190318) Les Meacutemoires dun jeune Don Juan (1905) La Chanson du Mal-Aimeacute (1909) La Poeacutesie symboliste (1909) LHeacutereacutesiarque et Cie (1910) Le Bestiaire ou Cortegravege dOrpheacutee (1911) Les Peintres cubiste (1913) Alcools (1913) Les Meacuteditations estheacutetique (1913) LAntitradition futuriste (1914) Le Poegravete assassineacute (1916) LEsprit nouveau et les Poegravetes (1917) Le Flacircneur des deux rives (1918) Calligrammes (1918) Le Guetteur meacutelancolique (posth 1952) Poegravemes agrave Lou (posth 1955) Poegravemes retrouveacutes (posth 1956)

LE MEDIUM

MENOTTI Gian Carlo (1911)

Menotti commenccedila agrave eacutecrire ses chansons alors quil navait que 7 ans A 11 ans deacutejagrave il eacutecrivait le livret et la musique de son premier opeacutera La mort de Pierrot Cependant il ne commenccedila reacuteellement son activiteacute musicale quen 1923 lorsquil entra au Conservatoire Verdi de Milan

Apregraves la mort de son pegravere Menotti et sa megravere vinrent srsquoinstaller aux USA en 1928 il entra ensuite au Curtis Institute of Music de Philadelphie Parmi les eacutetudiants de cet institut se trouvaient eacutegalement Leonard Bernstein et Samuel Barber qui devinrent plus tard les partenaires de Menotti dans son travail On peut citer

notamment le plus ceacutelegravebre opeacutera de Samuel Barber intituleacute Vanessa dont le livret est signeacute par Menotti La premiegravere de cet opeacutera eut lieu en 1958 au Metropolitan Opera Menotti eacutetait encore eacutetudiant au Curtis Institute of Music lorsqursquoil signa en italien son premier grand opeacutera Amelia al Ballo (Amelia va au Bal en franccedilais) Par la suite il nrsquoeacutecrivit en italien que deux autres opeacuteras LrsquoIcircle de Dieu et Le dernier Sauvage Le reste de son œuvre fut eacutecrite en anglais Ses travaux les plus important furent composeacutes dans les anneacutees 1940 et 1950 Par la suite Menotti enseigna eacutegalement au Curtis Institute of Music et eut parmi ses eacutetudiants et proteacutegeacutes un compositeur ameacutericain du nom de Stanley Hollingsworth

Menotti reacutedigea les livrets de deux opeacuteras de Samuel Barber Vanessa et A Hand of Bridge et revisita le dernier - Antony and Cleopatra Amelia de Menotti remporta un tel succegraves que NBC en commanda une version audio pour la radio The Old Maid and the Thief fut le premier travail de grande ampleur pour Menotti Il composa ensuite des ballets Sebastian en 1944 et un concert pour piano en 1945 avant de revenir agrave son premier amour lopeacutera avec The Medium et Le teacuteleacutephone

Œuvres Musicales

bull Amelia al Ballo (1937) bull The Island of God (1942) bull The Medium (1946) bull The Telephone or LAmour agrave trois (1947) bull The Consul (1950) bull Amahl and the Night Visitors television opera (1951) bull Labyrinth television opera (1963) bull The Last Savage (1963) bull Martins Lie (1964) bull Help Help the Globolinks (1968) bull The Most Important Man (1971) bull The Egg (1976) bull The Hero (1976) bull The Trial of the Gypsy (1978) bull Chip and his Dog (1979) bull A Bride from Pluto (1982) bull The Boy Who Grew Too Fast (1982) bull Goya (1986) bull The Wedding (Giorno da Nozze) (1988) bull Goya [rev] (1991) bull The Singing Child (1993)

LES SYNOPSIS

LES MAMELLES DE TIRESIAS

SITUATION Apollinaire avait situeacute son action theacuteacirctrale agrave une eacutepoque impreacutecise dans lrsquoicircle de Zanzibar Poulenc place son opeacutera en 1912 agrave Zanzibar ville imaginaire pregraves de Monte-Carlo car comme il lrsquoeacutecrit laquo 1912 est lrsquoeacutepoque heacuteroiumlque drsquoApollinaire celle des premiers combats pour le cubisme de la publication drsquoAlcools Jrsquoai substitueacute Monte-Carlo agrave Zanzibar pour eacuteviter lrsquoexotisme et parce que Monte-Carlo que jrsquoadore et ougrave Apollinaire a passeacute les quinze premiegraveres anneacutees de sa vie est bien assez tropical pour le Parisien que je suis raquo

ACTE I

Comme dans Paillasse le rideau se legraveve sur le directeur de la troupe qui va exprimer la signification ultime de la repreacutesentation laquo faites des enfants vous qui nrsquoen faisiez guegravere raquo Poulenc a alleacutegeacute ce prologue de toutes les allusions agrave la premiegravere guerre mondiale et aux obus qui eacuteteignent laquo mecircme les eacutetoiles raquo superbe meacutetaphore pour toutes ces vies interrompues et qursquoil convient de remplacer aux plus vite Priveacute de ces reacutefeacuterences lrsquoappel agrave la repopulation du pays perd une grande partie de sa signification

A la fin du prologue Theacuteregravese surgit sur scegravene clamant son feacuteminisme et son deacutesir drsquoindeacutependance Des coulisses son mari lui reacuteclame du lard Pour exprimer sa libeacuteration Theacuteregravese fait sortir ses laquo mamelles raquo de son corsage ce sont deux ballons lrsquoun rouge lrsquoautre bleu qui srsquoenvolent et que Theacuteregravese fait exploser La barbe se met agrave lui pousser Le mari qui sort de la maison pense que Theacuteregravese a eacuteteacute assassineacutee par cet individu barbu et veut la venger Theacuteregravese se fait reconnaicirctre et lui annonce qu lsquoelle portera deacutesormais un nom drsquohomme Tireacutesias Puis elle retourne au logis et jette les objets du meacutenage par la fenecirctre le violon (un pot de chambre) le piano (un urinal) Le mari rentre preacutecipitamment

A ce moment Lacouf et Presto sortent du cafeacute ivres et dansant une polka Ils se disputent pour savoir srsquoils sont agrave Paris ou agrave Zanzibar La querelle srsquoenvenimant ils se battent en duel au pistolet et tombent morts tous les deux

Tireacutesias sort du logis habilleacutee en homme suivie de son mari habilleacute en femme et les mains ligoteacutees Tireacutesias achegravete un journal dans lequel elle apprend la mort de Lacouf et Presto Le peuple de Zanzibar enlegraveve les corps en commentant laquo comme il perdait au zanzibar monsieur Presto a perdu son pari puisque nous sommes agrave Paris Monsieur Lacouf nrsquoa rien gagneacute puisque la scegravene se passe agrave Zanzibar autant que la Seine passe agrave Paris raquo

Le mari reste seul sur scegravene Entre le gendarme dans un cheval-jupon qui le prenant pour une femme commence agrave lui compter fleurette Le mari se rend compte que puisque sa femme est un homme il est juste que lui soit une femme et tandis que le peuple acclame le geacuteneacuteral et le deacuteputeacute Tireacutesias deacutecide de faire des enfants pour repeupler Zanzibar Le gendarme la marchande de journaux Lacouf et Presto ressusciteacutes et en patinette commentent sa deacutecision dans un texte aux allusions joyeusement grivoises (laquo et fumez la pipe bergegravere moi je vous jouerai du pipeauhellip raquo)

Un entracte se deacuteroule devant le rideau fermeacute montrant les parents-choristes et le chœur des nouveaux neacutes laquo vous qui pleurez en voyant la piegravece souhaitez les enfants vainqueurs raquo

ACTE II

Le mari seul sur scegravene chante les joies de la paterniteacute Il a fait 40 049 enfants en un seul jour

Un journaliste parisien se preacutesente et lrsquointerroge Le mari explique que ses enfants le nourrissent deacutejagrave accapareur (une trace de la guerre) romancier artistehelliple journaliste demande au mari de lui precircter de lrsquoargent et se fait jeter dehors

Le mari deacutecide de creacuteer un enfant journaliste ce qursquoil fait en jetant de lrsquoencre un porte-plume de la colle des ciseaux et du papier journal dans un berceau Heacutelas ce nouvel enfant nrsquoest pas tregraves reacuteussi il reacuteunit toutes les tares des mauvais journalistes et tente de faire chanter son pegravere

Le gendarme est de retour la population zanzibarienne est affameacutee par le surcroicirct de bouches agrave nourrir et va mourir de faim Le mari connaicirct la solution il leur faut des cartes (des cartes de rationnement bien sucircr encore une seacutequelle de la guerre ) Cette allusion aux cartes fait apparaicirctre la cartomancienne qui se met agrave chanter les meacuterites de la feacuteconditeacute et insulte le gendarme qui est steacuterile Le gendarme veut arrecircter la cartomancienne ils se battent tous les deux la cartomancienne eacutetrangle le gendarme puis se deacutebarrasse de ses voiles Le mari reconnaicirct alors sa Theacuteregravese qui sans ses mamelles est laquo plate comme une punaise raquo Theacuteregravese est drsquoaccord pour reprendre la vie commune mais pas pour remettre ses mamelles

Le gendarme ressusciteacute le peuple de Zanzibar la marchande de journaux et les deux eacutepoux chantent les joies de lrsquoamour et de la feacuteconditeacute

LE MEDIUM Acte I Madame Flora meacutedium assisteacutee par sa fille Monica et par Toby un adolescent muet dorigine boheacutemienne reccediloit trois clients M et Mme Gobineau et Mme Nolan pour une seacuteance de spiritisme Flora eacutevoque leurs enfants disparus et les deacutefunts se manifestent par une apparition par un rire mais la seacuteance est truqueacutee cest Toby qui agrave laide de fils fait bouger la table et cest Monica qui joue le rocircle des disparus Soudain Flora laisse eacutechapper un cri elle a senti une main glaceacutee eacutetreindre sa gorge elle renvoie les clients et accuse Toby de lavoir volontairement effrayeacutee mais le jeune muet ne fait aucun signe ni daveu ni de deacuteneacutegation La peur hante deacutesormais Flora Acte II Quelques jours plus tard Monica et Toby jouent dans le salon Survient Flora qui noie sa frayeur dans lalcool Elle interroge de nouveau Toby et ne pouvant rien tirer de lui le fouette jusquau sang A ses clients de retour elle annonce quil ny aura plus de seacuteances et tente en leur deacutevoilant tous les truquages de les convaincre quelle les a berneacutes mais ses victimes ne veulent rien comprendre et croient agrave ce quon leur faisait voir et entendre Flora les chasse Monica senferme dans sa chambre et Toby senfuit Resteacutee seule Flora est victime dhallucinations Toby revient discregravetement et se dissimule Sentant une preacutesence insolite devinant une forme derriegravere un rideau Flora saisit un revolver et tire Sur le visage de lenfant abattu elle cherche en vain avec deacutesespoir une reacuteponse qui ne viendra jamais

LES LIENS LES PISTES

DE LA LECTURE

Le mythe de Tireacutesias

Tireacutesias il nrsquoest pas inutile de le rappeler est un personnage mythologique qui en se promenant surprit deux serpents en train de srsquoaccoupler et tua la femelle ce qui eut pour effet de le transformer en femme Il (elle) se fit prostitueacutee mais sept ans plus tard il (elle) assista de nouveau agrave la mecircme scegravene au mecircme endroit et en tuant le macircle redevint homme Survint une querelle entre Jupiter et Junon au sujet de qui de lrsquohomme ou de la femme a le plus de plaisir dans lrsquoamour Jupiter pensait qursquoil srsquoagit de la femme Junon optait pour lrsquohomme Ils choisirent tout naturellement Tireacutesias comme arbitre Tireacutesias se prononccedila en faveur de Jupiter et deacuteclara le plaisir de la femme sept fois plus grand que celui de lrsquohomme Pour le punir Junon lrsquoaveugla Tireacutesias aveugle devint laquo voyant raquo crsquoest agrave dire devin et entre autres reacuteveacutela sa faute agrave Œdipe

Selon certaines variantes Tireacutesias neacutee de sexe feacuteminin a degraves lrsquoacircge de sept ans inspireacute de lrsquoamour agrave Apollon avant de subir sept changements de sexe

Elle crsquoest Theacuteregravese bien sucircr mais crsquoest aussi sa creacuteatrice Denise Duval Voici une heacuteroiumlne insoumise qui srsquoinsurge contre lrsquoautoriteacute masculine revendique des droits eacutegaux agrave ceux de lrsquohomme et quitte le foyer conjugal Elle aspire agrave devenir soldat artiste deacuteputeacute avocat seacutenateur ministre preacutesident de la chose publiquehellipElle a deacutecideacute qursquoaucun des postes traditionnellement reacuteserveacutes aux hommes ne lui sera interdit

Et de la mecircme faccedilon que ses arriegraveres-petites-filles brucircleront leurs soutien-gorges dans les anneacutees 1970 Theacuteregravese fait exploser ses mamelles Gracircce soit rendue agrave Apollinaire et agrave Poulenc mais notre chegravere Theacuteregravese nrsquoest jamais tourneacutee en ridicule jamais transformeacutee en amazone hommasse Theacuteregravese se reacutealise tout simplement

Bien sucircr nous sommes au deacutebut du siegravecle et pour obtenir le pouvoir social politique et militaire Theacuteregravese adopte une identiteacute masculine Elle doit se transformer en Tireacutesias qursquoon ne ressent pas vraiment comme un homme mais comme un ecirctre plus ou moins androgyne le charme feacuteminin sous la reacuteussite sociale masculine si lrsquoon peut dire Elle doit aussi neutraliser son mari en le ligotant et laquo lrsquoandrogyniser raquo en lui faisant revecirctir des vecirctements feacuteminins

Et Theacuteregravese reacuteussit fort bien sa reconversion elle est acclameacutee par le peuple comme geacuteneacuteral comme deacuteputeacute

Il est vraiment incroyable qursquoen 1917 Apollinaire ait reacuteussi agrave creacuteer un personnage si actuel que les aspirations des femmes qui en eacutetaient encore agrave leurs balbutiements aient eacuteteacute si bien comprises sans jamais ecirctre tourneacutees en ridicule Elles sont si justement deacutecrites qursquoune femme de lrsquoan 2001 peut srsquoy reconnaicirctre Il faut dire qursquoApollinaire qui fut lrsquoamant de Marie Laurencin pendant plusieurs anneacutees devait srsquoy connaicirctre en matiegravere de femmes eacutemancipeacutees

Bien sucircr cet esprit de reacutevolte et ce deacutesir drsquoindeacutependance ne seront pas immeacutediatement satisfaits Il faudra une deuxiegraveme guerre mondiale avant que les femmes obtiennent le droit de vote Les aspirations de lrsquoheacuteroiumlne sont bien en avance sur son eacutepoque

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

LES BIOGRAPHIES

LES MAMELLES DE TIRESIAS

POULENC Francis (18991963) laquo Je crois bien que je preacutefegravere cette œuvre agrave tout ce que jrsquoai eacutecrit Si lrsquoon veut se faire une ideacutee de ma complexe personnaliteacute musicale on me trouvera tregraves exactement moi-mecircme aussi bien dans les Mamelles que dans mon Stabat Mater raquo

SA VIE

Francis PouIenc naicirct agrave Paris citeacute quil affectionnera toute sa vie pour son eacuteleacutegance et son eacutenergie il y meurt agrave lacircge de soixante-quatre ans Ageacute dagrave peine sept ans il compose de courtes piegraveces et son ambition preacutecoce de jouer du piano est encourageacutee par sa megravere elle-mecircme musicienne Il continue ses eacutetudes de piano de faccedilon plus seacuterieuse avec Ricardo Vines qui le preacutesente agrave Satie Casella et Auric Apregraves voir obtenu son diplocircme au Lyceacutee Condorcet et fait son service militaire de trois anneacutees Poulenc eacutetudie avec Koechlin Ainsi que les autres compositeurs du Groupe des Six (Milhaud Auric Honegger Durey et Tailleferre) Poulenc rejette le goucirct contemporain pour le romantisme et limpressionnisme et se prononce en faveur du style populaire et plein desprit du music-hall adoptant Satie et Cocteau comme maicirctres estheacutetiques et spirituels Il admire beaucoup la poeacutesie en particulier celle de G Apollinaire M Jacob et P Eluard et accompagne Pierre Bernac lors de ses nombreux reacutecitals de meacutelodies sur ces poegravemes agrave la fin des anneacutees trente Les compositions de Poulenc reflegravetent un reacuteel bon honneur et un sens de linvention spontaneacutee elles teacutemoignent toujours dune grande indeacutependance desprit

Son pegravere eacutetait un des fondateurs des eacutetablissements Poulenc Fregraveres qui devinrent Rhocircne-Poulenc En 1935 de passage agrave Rocamadour et suite agrave la mort accidentelle de son ami le compositeur et critique Pierre-Octave Ferroud il veacutecut une profonde conversion agrave la foi catholique de son enfance Il composa ses Litanies agrave la Vierge noire en 1936 Ses œuvres religieuses furent par la suite une messe (1937) et un Stabat Mater (1950) entre autres Il est enterreacute au cimetiegravere du Pegravere Lachaise agrave Paris

SON OEUVRE

Des opeacuteras Les Dialogues des Carmeacutelites en 1957 La Voix humaine en 1959 Des œuvres bouffonnes Les Mamelles de Tireacutesias en 1947 Des œuvres religieuses Litanies agrave la vierge noire en 1936 un gloria pour soprano solo chœur mixte et orchestre un Stabat mater pour soprano choeur mixte et orchestre Des ballets Les Biches en 1924 Des piegraveces pour piano dont le concerto pour piano et orchestre qui eacutetait nommeacute de son vivant le Concerto numeacutero 1 et quil nommait en priveacute pour des raisons mal connues le Concerto casquette Une mise en musique de lhistoire de Babar leacuteleacutephant pour reacutecitant et piano (plus tard orchestreacutee par Jean Franccedilaix)

Un concerto pour orgue cordes et timbales un concerto pour piano un concerto pour deux pianos le concert champecirctre pour clavecin et orchestre De la musique de chambre notamment une sonate pour clarinette et piano (1962) une sonate pour flucircte et piano un sextuor pour piano et instruments agrave vent Nombreuses piegraveces profane et religieuses pour chœur mixte agrave cappella sept chansons sur des textes de Guillaume Apollinaire et Paul Eluard un soir de neige Chansons franccedilaises sur des textes anonymes du Moyen AcircgeChansons agrave boire quatre petites priegraveres de saint Franccedilois dAssise pour chœur de voix dhommes Petites voix pour chœur denfants une messe en sol majeur et plusieurs motets

APOLLINAIRE Guillaume (18801918) Dorigine polonaise et de son vrai nom Wilhelm de Kostrowitzki est neacute agrave Rome en 1880 Depuis 1903 il publiait des poegravemes parfois dans ses propres revues Il est mort agrave Paris en 1918 apregraves avoir eacuteteacute griegravevement blesseacute agrave la guerre sur le front franccedilais laquoApollinaire a trouveacute surtout depuis 1945 la place qui lui revient moins celle dun novateur parce quil a eu le tort de ne systeacutematiser aucune de ses intuitions que celle dun geacutenie lyrique et dun musicien du langageraquo

SON OEUVRE

LEnchanteur pourrissant (18991904) Rheacutenanes (190102) Les Mamelles de Tireacutesias (190318) Les Meacutemoires dun jeune Don Juan (1905) La Chanson du Mal-Aimeacute (1909) La Poeacutesie symboliste (1909) LHeacutereacutesiarque et Cie (1910) Le Bestiaire ou Cortegravege dOrpheacutee (1911) Les Peintres cubiste (1913) Alcools (1913) Les Meacuteditations estheacutetique (1913) LAntitradition futuriste (1914) Le Poegravete assassineacute (1916) LEsprit nouveau et les Poegravetes (1917) Le Flacircneur des deux rives (1918) Calligrammes (1918) Le Guetteur meacutelancolique (posth 1952) Poegravemes agrave Lou (posth 1955) Poegravemes retrouveacutes (posth 1956)

LE MEDIUM

MENOTTI Gian Carlo (1911)

Menotti commenccedila agrave eacutecrire ses chansons alors quil navait que 7 ans A 11 ans deacutejagrave il eacutecrivait le livret et la musique de son premier opeacutera La mort de Pierrot Cependant il ne commenccedila reacuteellement son activiteacute musicale quen 1923 lorsquil entra au Conservatoire Verdi de Milan

Apregraves la mort de son pegravere Menotti et sa megravere vinrent srsquoinstaller aux USA en 1928 il entra ensuite au Curtis Institute of Music de Philadelphie Parmi les eacutetudiants de cet institut se trouvaient eacutegalement Leonard Bernstein et Samuel Barber qui devinrent plus tard les partenaires de Menotti dans son travail On peut citer

notamment le plus ceacutelegravebre opeacutera de Samuel Barber intituleacute Vanessa dont le livret est signeacute par Menotti La premiegravere de cet opeacutera eut lieu en 1958 au Metropolitan Opera Menotti eacutetait encore eacutetudiant au Curtis Institute of Music lorsqursquoil signa en italien son premier grand opeacutera Amelia al Ballo (Amelia va au Bal en franccedilais) Par la suite il nrsquoeacutecrivit en italien que deux autres opeacuteras LrsquoIcircle de Dieu et Le dernier Sauvage Le reste de son œuvre fut eacutecrite en anglais Ses travaux les plus important furent composeacutes dans les anneacutees 1940 et 1950 Par la suite Menotti enseigna eacutegalement au Curtis Institute of Music et eut parmi ses eacutetudiants et proteacutegeacutes un compositeur ameacutericain du nom de Stanley Hollingsworth

Menotti reacutedigea les livrets de deux opeacuteras de Samuel Barber Vanessa et A Hand of Bridge et revisita le dernier - Antony and Cleopatra Amelia de Menotti remporta un tel succegraves que NBC en commanda une version audio pour la radio The Old Maid and the Thief fut le premier travail de grande ampleur pour Menotti Il composa ensuite des ballets Sebastian en 1944 et un concert pour piano en 1945 avant de revenir agrave son premier amour lopeacutera avec The Medium et Le teacuteleacutephone

Œuvres Musicales

bull Amelia al Ballo (1937) bull The Island of God (1942) bull The Medium (1946) bull The Telephone or LAmour agrave trois (1947) bull The Consul (1950) bull Amahl and the Night Visitors television opera (1951) bull Labyrinth television opera (1963) bull The Last Savage (1963) bull Martins Lie (1964) bull Help Help the Globolinks (1968) bull The Most Important Man (1971) bull The Egg (1976) bull The Hero (1976) bull The Trial of the Gypsy (1978) bull Chip and his Dog (1979) bull A Bride from Pluto (1982) bull The Boy Who Grew Too Fast (1982) bull Goya (1986) bull The Wedding (Giorno da Nozze) (1988) bull Goya [rev] (1991) bull The Singing Child (1993)

LES SYNOPSIS

LES MAMELLES DE TIRESIAS

SITUATION Apollinaire avait situeacute son action theacuteacirctrale agrave une eacutepoque impreacutecise dans lrsquoicircle de Zanzibar Poulenc place son opeacutera en 1912 agrave Zanzibar ville imaginaire pregraves de Monte-Carlo car comme il lrsquoeacutecrit laquo 1912 est lrsquoeacutepoque heacuteroiumlque drsquoApollinaire celle des premiers combats pour le cubisme de la publication drsquoAlcools Jrsquoai substitueacute Monte-Carlo agrave Zanzibar pour eacuteviter lrsquoexotisme et parce que Monte-Carlo que jrsquoadore et ougrave Apollinaire a passeacute les quinze premiegraveres anneacutees de sa vie est bien assez tropical pour le Parisien que je suis raquo

ACTE I

Comme dans Paillasse le rideau se legraveve sur le directeur de la troupe qui va exprimer la signification ultime de la repreacutesentation laquo faites des enfants vous qui nrsquoen faisiez guegravere raquo Poulenc a alleacutegeacute ce prologue de toutes les allusions agrave la premiegravere guerre mondiale et aux obus qui eacuteteignent laquo mecircme les eacutetoiles raquo superbe meacutetaphore pour toutes ces vies interrompues et qursquoil convient de remplacer aux plus vite Priveacute de ces reacutefeacuterences lrsquoappel agrave la repopulation du pays perd une grande partie de sa signification

A la fin du prologue Theacuteregravese surgit sur scegravene clamant son feacuteminisme et son deacutesir drsquoindeacutependance Des coulisses son mari lui reacuteclame du lard Pour exprimer sa libeacuteration Theacuteregravese fait sortir ses laquo mamelles raquo de son corsage ce sont deux ballons lrsquoun rouge lrsquoautre bleu qui srsquoenvolent et que Theacuteregravese fait exploser La barbe se met agrave lui pousser Le mari qui sort de la maison pense que Theacuteregravese a eacuteteacute assassineacutee par cet individu barbu et veut la venger Theacuteregravese se fait reconnaicirctre et lui annonce qu lsquoelle portera deacutesormais un nom drsquohomme Tireacutesias Puis elle retourne au logis et jette les objets du meacutenage par la fenecirctre le violon (un pot de chambre) le piano (un urinal) Le mari rentre preacutecipitamment

A ce moment Lacouf et Presto sortent du cafeacute ivres et dansant une polka Ils se disputent pour savoir srsquoils sont agrave Paris ou agrave Zanzibar La querelle srsquoenvenimant ils se battent en duel au pistolet et tombent morts tous les deux

Tireacutesias sort du logis habilleacutee en homme suivie de son mari habilleacute en femme et les mains ligoteacutees Tireacutesias achegravete un journal dans lequel elle apprend la mort de Lacouf et Presto Le peuple de Zanzibar enlegraveve les corps en commentant laquo comme il perdait au zanzibar monsieur Presto a perdu son pari puisque nous sommes agrave Paris Monsieur Lacouf nrsquoa rien gagneacute puisque la scegravene se passe agrave Zanzibar autant que la Seine passe agrave Paris raquo

Le mari reste seul sur scegravene Entre le gendarme dans un cheval-jupon qui le prenant pour une femme commence agrave lui compter fleurette Le mari se rend compte que puisque sa femme est un homme il est juste que lui soit une femme et tandis que le peuple acclame le geacuteneacuteral et le deacuteputeacute Tireacutesias deacutecide de faire des enfants pour repeupler Zanzibar Le gendarme la marchande de journaux Lacouf et Presto ressusciteacutes et en patinette commentent sa deacutecision dans un texte aux allusions joyeusement grivoises (laquo et fumez la pipe bergegravere moi je vous jouerai du pipeauhellip raquo)

Un entracte se deacuteroule devant le rideau fermeacute montrant les parents-choristes et le chœur des nouveaux neacutes laquo vous qui pleurez en voyant la piegravece souhaitez les enfants vainqueurs raquo

ACTE II

Le mari seul sur scegravene chante les joies de la paterniteacute Il a fait 40 049 enfants en un seul jour

Un journaliste parisien se preacutesente et lrsquointerroge Le mari explique que ses enfants le nourrissent deacutejagrave accapareur (une trace de la guerre) romancier artistehelliple journaliste demande au mari de lui precircter de lrsquoargent et se fait jeter dehors

Le mari deacutecide de creacuteer un enfant journaliste ce qursquoil fait en jetant de lrsquoencre un porte-plume de la colle des ciseaux et du papier journal dans un berceau Heacutelas ce nouvel enfant nrsquoest pas tregraves reacuteussi il reacuteunit toutes les tares des mauvais journalistes et tente de faire chanter son pegravere

Le gendarme est de retour la population zanzibarienne est affameacutee par le surcroicirct de bouches agrave nourrir et va mourir de faim Le mari connaicirct la solution il leur faut des cartes (des cartes de rationnement bien sucircr encore une seacutequelle de la guerre ) Cette allusion aux cartes fait apparaicirctre la cartomancienne qui se met agrave chanter les meacuterites de la feacuteconditeacute et insulte le gendarme qui est steacuterile Le gendarme veut arrecircter la cartomancienne ils se battent tous les deux la cartomancienne eacutetrangle le gendarme puis se deacutebarrasse de ses voiles Le mari reconnaicirct alors sa Theacuteregravese qui sans ses mamelles est laquo plate comme une punaise raquo Theacuteregravese est drsquoaccord pour reprendre la vie commune mais pas pour remettre ses mamelles

Le gendarme ressusciteacute le peuple de Zanzibar la marchande de journaux et les deux eacutepoux chantent les joies de lrsquoamour et de la feacuteconditeacute

LE MEDIUM Acte I Madame Flora meacutedium assisteacutee par sa fille Monica et par Toby un adolescent muet dorigine boheacutemienne reccediloit trois clients M et Mme Gobineau et Mme Nolan pour une seacuteance de spiritisme Flora eacutevoque leurs enfants disparus et les deacutefunts se manifestent par une apparition par un rire mais la seacuteance est truqueacutee cest Toby qui agrave laide de fils fait bouger la table et cest Monica qui joue le rocircle des disparus Soudain Flora laisse eacutechapper un cri elle a senti une main glaceacutee eacutetreindre sa gorge elle renvoie les clients et accuse Toby de lavoir volontairement effrayeacutee mais le jeune muet ne fait aucun signe ni daveu ni de deacuteneacutegation La peur hante deacutesormais Flora Acte II Quelques jours plus tard Monica et Toby jouent dans le salon Survient Flora qui noie sa frayeur dans lalcool Elle interroge de nouveau Toby et ne pouvant rien tirer de lui le fouette jusquau sang A ses clients de retour elle annonce quil ny aura plus de seacuteances et tente en leur deacutevoilant tous les truquages de les convaincre quelle les a berneacutes mais ses victimes ne veulent rien comprendre et croient agrave ce quon leur faisait voir et entendre Flora les chasse Monica senferme dans sa chambre et Toby senfuit Resteacutee seule Flora est victime dhallucinations Toby revient discregravetement et se dissimule Sentant une preacutesence insolite devinant une forme derriegravere un rideau Flora saisit un revolver et tire Sur le visage de lenfant abattu elle cherche en vain avec deacutesespoir une reacuteponse qui ne viendra jamais

LES LIENS LES PISTES

DE LA LECTURE

Le mythe de Tireacutesias

Tireacutesias il nrsquoest pas inutile de le rappeler est un personnage mythologique qui en se promenant surprit deux serpents en train de srsquoaccoupler et tua la femelle ce qui eut pour effet de le transformer en femme Il (elle) se fit prostitueacutee mais sept ans plus tard il (elle) assista de nouveau agrave la mecircme scegravene au mecircme endroit et en tuant le macircle redevint homme Survint une querelle entre Jupiter et Junon au sujet de qui de lrsquohomme ou de la femme a le plus de plaisir dans lrsquoamour Jupiter pensait qursquoil srsquoagit de la femme Junon optait pour lrsquohomme Ils choisirent tout naturellement Tireacutesias comme arbitre Tireacutesias se prononccedila en faveur de Jupiter et deacuteclara le plaisir de la femme sept fois plus grand que celui de lrsquohomme Pour le punir Junon lrsquoaveugla Tireacutesias aveugle devint laquo voyant raquo crsquoest agrave dire devin et entre autres reacuteveacutela sa faute agrave Œdipe

Selon certaines variantes Tireacutesias neacutee de sexe feacuteminin a degraves lrsquoacircge de sept ans inspireacute de lrsquoamour agrave Apollon avant de subir sept changements de sexe

Elle crsquoest Theacuteregravese bien sucircr mais crsquoest aussi sa creacuteatrice Denise Duval Voici une heacuteroiumlne insoumise qui srsquoinsurge contre lrsquoautoriteacute masculine revendique des droits eacutegaux agrave ceux de lrsquohomme et quitte le foyer conjugal Elle aspire agrave devenir soldat artiste deacuteputeacute avocat seacutenateur ministre preacutesident de la chose publiquehellipElle a deacutecideacute qursquoaucun des postes traditionnellement reacuteserveacutes aux hommes ne lui sera interdit

Et de la mecircme faccedilon que ses arriegraveres-petites-filles brucircleront leurs soutien-gorges dans les anneacutees 1970 Theacuteregravese fait exploser ses mamelles Gracircce soit rendue agrave Apollinaire et agrave Poulenc mais notre chegravere Theacuteregravese nrsquoest jamais tourneacutee en ridicule jamais transformeacutee en amazone hommasse Theacuteregravese se reacutealise tout simplement

Bien sucircr nous sommes au deacutebut du siegravecle et pour obtenir le pouvoir social politique et militaire Theacuteregravese adopte une identiteacute masculine Elle doit se transformer en Tireacutesias qursquoon ne ressent pas vraiment comme un homme mais comme un ecirctre plus ou moins androgyne le charme feacuteminin sous la reacuteussite sociale masculine si lrsquoon peut dire Elle doit aussi neutraliser son mari en le ligotant et laquo lrsquoandrogyniser raquo en lui faisant revecirctir des vecirctements feacuteminins

Et Theacuteregravese reacuteussit fort bien sa reconversion elle est acclameacutee par le peuple comme geacuteneacuteral comme deacuteputeacute

Il est vraiment incroyable qursquoen 1917 Apollinaire ait reacuteussi agrave creacuteer un personnage si actuel que les aspirations des femmes qui en eacutetaient encore agrave leurs balbutiements aient eacuteteacute si bien comprises sans jamais ecirctre tourneacutees en ridicule Elles sont si justement deacutecrites qursquoune femme de lrsquoan 2001 peut srsquoy reconnaicirctre Il faut dire qursquoApollinaire qui fut lrsquoamant de Marie Laurencin pendant plusieurs anneacutees devait srsquoy connaicirctre en matiegravere de femmes eacutemancipeacutees

Bien sucircr cet esprit de reacutevolte et ce deacutesir drsquoindeacutependance ne seront pas immeacutediatement satisfaits Il faudra une deuxiegraveme guerre mondiale avant que les femmes obtiennent le droit de vote Les aspirations de lrsquoheacuteroiumlne sont bien en avance sur son eacutepoque

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Un concerto pour orgue cordes et timbales un concerto pour piano un concerto pour deux pianos le concert champecirctre pour clavecin et orchestre De la musique de chambre notamment une sonate pour clarinette et piano (1962) une sonate pour flucircte et piano un sextuor pour piano et instruments agrave vent Nombreuses piegraveces profane et religieuses pour chœur mixte agrave cappella sept chansons sur des textes de Guillaume Apollinaire et Paul Eluard un soir de neige Chansons franccedilaises sur des textes anonymes du Moyen AcircgeChansons agrave boire quatre petites priegraveres de saint Franccedilois dAssise pour chœur de voix dhommes Petites voix pour chœur denfants une messe en sol majeur et plusieurs motets

APOLLINAIRE Guillaume (18801918) Dorigine polonaise et de son vrai nom Wilhelm de Kostrowitzki est neacute agrave Rome en 1880 Depuis 1903 il publiait des poegravemes parfois dans ses propres revues Il est mort agrave Paris en 1918 apregraves avoir eacuteteacute griegravevement blesseacute agrave la guerre sur le front franccedilais laquoApollinaire a trouveacute surtout depuis 1945 la place qui lui revient moins celle dun novateur parce quil a eu le tort de ne systeacutematiser aucune de ses intuitions que celle dun geacutenie lyrique et dun musicien du langageraquo

SON OEUVRE

LEnchanteur pourrissant (18991904) Rheacutenanes (190102) Les Mamelles de Tireacutesias (190318) Les Meacutemoires dun jeune Don Juan (1905) La Chanson du Mal-Aimeacute (1909) La Poeacutesie symboliste (1909) LHeacutereacutesiarque et Cie (1910) Le Bestiaire ou Cortegravege dOrpheacutee (1911) Les Peintres cubiste (1913) Alcools (1913) Les Meacuteditations estheacutetique (1913) LAntitradition futuriste (1914) Le Poegravete assassineacute (1916) LEsprit nouveau et les Poegravetes (1917) Le Flacircneur des deux rives (1918) Calligrammes (1918) Le Guetteur meacutelancolique (posth 1952) Poegravemes agrave Lou (posth 1955) Poegravemes retrouveacutes (posth 1956)

LE MEDIUM

MENOTTI Gian Carlo (1911)

Menotti commenccedila agrave eacutecrire ses chansons alors quil navait que 7 ans A 11 ans deacutejagrave il eacutecrivait le livret et la musique de son premier opeacutera La mort de Pierrot Cependant il ne commenccedila reacuteellement son activiteacute musicale quen 1923 lorsquil entra au Conservatoire Verdi de Milan

Apregraves la mort de son pegravere Menotti et sa megravere vinrent srsquoinstaller aux USA en 1928 il entra ensuite au Curtis Institute of Music de Philadelphie Parmi les eacutetudiants de cet institut se trouvaient eacutegalement Leonard Bernstein et Samuel Barber qui devinrent plus tard les partenaires de Menotti dans son travail On peut citer

notamment le plus ceacutelegravebre opeacutera de Samuel Barber intituleacute Vanessa dont le livret est signeacute par Menotti La premiegravere de cet opeacutera eut lieu en 1958 au Metropolitan Opera Menotti eacutetait encore eacutetudiant au Curtis Institute of Music lorsqursquoil signa en italien son premier grand opeacutera Amelia al Ballo (Amelia va au Bal en franccedilais) Par la suite il nrsquoeacutecrivit en italien que deux autres opeacuteras LrsquoIcircle de Dieu et Le dernier Sauvage Le reste de son œuvre fut eacutecrite en anglais Ses travaux les plus important furent composeacutes dans les anneacutees 1940 et 1950 Par la suite Menotti enseigna eacutegalement au Curtis Institute of Music et eut parmi ses eacutetudiants et proteacutegeacutes un compositeur ameacutericain du nom de Stanley Hollingsworth

Menotti reacutedigea les livrets de deux opeacuteras de Samuel Barber Vanessa et A Hand of Bridge et revisita le dernier - Antony and Cleopatra Amelia de Menotti remporta un tel succegraves que NBC en commanda une version audio pour la radio The Old Maid and the Thief fut le premier travail de grande ampleur pour Menotti Il composa ensuite des ballets Sebastian en 1944 et un concert pour piano en 1945 avant de revenir agrave son premier amour lopeacutera avec The Medium et Le teacuteleacutephone

Œuvres Musicales

bull Amelia al Ballo (1937) bull The Island of God (1942) bull The Medium (1946) bull The Telephone or LAmour agrave trois (1947) bull The Consul (1950) bull Amahl and the Night Visitors television opera (1951) bull Labyrinth television opera (1963) bull The Last Savage (1963) bull Martins Lie (1964) bull Help Help the Globolinks (1968) bull The Most Important Man (1971) bull The Egg (1976) bull The Hero (1976) bull The Trial of the Gypsy (1978) bull Chip and his Dog (1979) bull A Bride from Pluto (1982) bull The Boy Who Grew Too Fast (1982) bull Goya (1986) bull The Wedding (Giorno da Nozze) (1988) bull Goya [rev] (1991) bull The Singing Child (1993)

LES SYNOPSIS

LES MAMELLES DE TIRESIAS

SITUATION Apollinaire avait situeacute son action theacuteacirctrale agrave une eacutepoque impreacutecise dans lrsquoicircle de Zanzibar Poulenc place son opeacutera en 1912 agrave Zanzibar ville imaginaire pregraves de Monte-Carlo car comme il lrsquoeacutecrit laquo 1912 est lrsquoeacutepoque heacuteroiumlque drsquoApollinaire celle des premiers combats pour le cubisme de la publication drsquoAlcools Jrsquoai substitueacute Monte-Carlo agrave Zanzibar pour eacuteviter lrsquoexotisme et parce que Monte-Carlo que jrsquoadore et ougrave Apollinaire a passeacute les quinze premiegraveres anneacutees de sa vie est bien assez tropical pour le Parisien que je suis raquo

ACTE I

Comme dans Paillasse le rideau se legraveve sur le directeur de la troupe qui va exprimer la signification ultime de la repreacutesentation laquo faites des enfants vous qui nrsquoen faisiez guegravere raquo Poulenc a alleacutegeacute ce prologue de toutes les allusions agrave la premiegravere guerre mondiale et aux obus qui eacuteteignent laquo mecircme les eacutetoiles raquo superbe meacutetaphore pour toutes ces vies interrompues et qursquoil convient de remplacer aux plus vite Priveacute de ces reacutefeacuterences lrsquoappel agrave la repopulation du pays perd une grande partie de sa signification

A la fin du prologue Theacuteregravese surgit sur scegravene clamant son feacuteminisme et son deacutesir drsquoindeacutependance Des coulisses son mari lui reacuteclame du lard Pour exprimer sa libeacuteration Theacuteregravese fait sortir ses laquo mamelles raquo de son corsage ce sont deux ballons lrsquoun rouge lrsquoautre bleu qui srsquoenvolent et que Theacuteregravese fait exploser La barbe se met agrave lui pousser Le mari qui sort de la maison pense que Theacuteregravese a eacuteteacute assassineacutee par cet individu barbu et veut la venger Theacuteregravese se fait reconnaicirctre et lui annonce qu lsquoelle portera deacutesormais un nom drsquohomme Tireacutesias Puis elle retourne au logis et jette les objets du meacutenage par la fenecirctre le violon (un pot de chambre) le piano (un urinal) Le mari rentre preacutecipitamment

A ce moment Lacouf et Presto sortent du cafeacute ivres et dansant une polka Ils se disputent pour savoir srsquoils sont agrave Paris ou agrave Zanzibar La querelle srsquoenvenimant ils se battent en duel au pistolet et tombent morts tous les deux

Tireacutesias sort du logis habilleacutee en homme suivie de son mari habilleacute en femme et les mains ligoteacutees Tireacutesias achegravete un journal dans lequel elle apprend la mort de Lacouf et Presto Le peuple de Zanzibar enlegraveve les corps en commentant laquo comme il perdait au zanzibar monsieur Presto a perdu son pari puisque nous sommes agrave Paris Monsieur Lacouf nrsquoa rien gagneacute puisque la scegravene se passe agrave Zanzibar autant que la Seine passe agrave Paris raquo

Le mari reste seul sur scegravene Entre le gendarme dans un cheval-jupon qui le prenant pour une femme commence agrave lui compter fleurette Le mari se rend compte que puisque sa femme est un homme il est juste que lui soit une femme et tandis que le peuple acclame le geacuteneacuteral et le deacuteputeacute Tireacutesias deacutecide de faire des enfants pour repeupler Zanzibar Le gendarme la marchande de journaux Lacouf et Presto ressusciteacutes et en patinette commentent sa deacutecision dans un texte aux allusions joyeusement grivoises (laquo et fumez la pipe bergegravere moi je vous jouerai du pipeauhellip raquo)

Un entracte se deacuteroule devant le rideau fermeacute montrant les parents-choristes et le chœur des nouveaux neacutes laquo vous qui pleurez en voyant la piegravece souhaitez les enfants vainqueurs raquo

ACTE II

Le mari seul sur scegravene chante les joies de la paterniteacute Il a fait 40 049 enfants en un seul jour

Un journaliste parisien se preacutesente et lrsquointerroge Le mari explique que ses enfants le nourrissent deacutejagrave accapareur (une trace de la guerre) romancier artistehelliple journaliste demande au mari de lui precircter de lrsquoargent et se fait jeter dehors

Le mari deacutecide de creacuteer un enfant journaliste ce qursquoil fait en jetant de lrsquoencre un porte-plume de la colle des ciseaux et du papier journal dans un berceau Heacutelas ce nouvel enfant nrsquoest pas tregraves reacuteussi il reacuteunit toutes les tares des mauvais journalistes et tente de faire chanter son pegravere

Le gendarme est de retour la population zanzibarienne est affameacutee par le surcroicirct de bouches agrave nourrir et va mourir de faim Le mari connaicirct la solution il leur faut des cartes (des cartes de rationnement bien sucircr encore une seacutequelle de la guerre ) Cette allusion aux cartes fait apparaicirctre la cartomancienne qui se met agrave chanter les meacuterites de la feacuteconditeacute et insulte le gendarme qui est steacuterile Le gendarme veut arrecircter la cartomancienne ils se battent tous les deux la cartomancienne eacutetrangle le gendarme puis se deacutebarrasse de ses voiles Le mari reconnaicirct alors sa Theacuteregravese qui sans ses mamelles est laquo plate comme une punaise raquo Theacuteregravese est drsquoaccord pour reprendre la vie commune mais pas pour remettre ses mamelles

Le gendarme ressusciteacute le peuple de Zanzibar la marchande de journaux et les deux eacutepoux chantent les joies de lrsquoamour et de la feacuteconditeacute

LE MEDIUM Acte I Madame Flora meacutedium assisteacutee par sa fille Monica et par Toby un adolescent muet dorigine boheacutemienne reccediloit trois clients M et Mme Gobineau et Mme Nolan pour une seacuteance de spiritisme Flora eacutevoque leurs enfants disparus et les deacutefunts se manifestent par une apparition par un rire mais la seacuteance est truqueacutee cest Toby qui agrave laide de fils fait bouger la table et cest Monica qui joue le rocircle des disparus Soudain Flora laisse eacutechapper un cri elle a senti une main glaceacutee eacutetreindre sa gorge elle renvoie les clients et accuse Toby de lavoir volontairement effrayeacutee mais le jeune muet ne fait aucun signe ni daveu ni de deacuteneacutegation La peur hante deacutesormais Flora Acte II Quelques jours plus tard Monica et Toby jouent dans le salon Survient Flora qui noie sa frayeur dans lalcool Elle interroge de nouveau Toby et ne pouvant rien tirer de lui le fouette jusquau sang A ses clients de retour elle annonce quil ny aura plus de seacuteances et tente en leur deacutevoilant tous les truquages de les convaincre quelle les a berneacutes mais ses victimes ne veulent rien comprendre et croient agrave ce quon leur faisait voir et entendre Flora les chasse Monica senferme dans sa chambre et Toby senfuit Resteacutee seule Flora est victime dhallucinations Toby revient discregravetement et se dissimule Sentant une preacutesence insolite devinant une forme derriegravere un rideau Flora saisit un revolver et tire Sur le visage de lenfant abattu elle cherche en vain avec deacutesespoir une reacuteponse qui ne viendra jamais

LES LIENS LES PISTES

DE LA LECTURE

Le mythe de Tireacutesias

Tireacutesias il nrsquoest pas inutile de le rappeler est un personnage mythologique qui en se promenant surprit deux serpents en train de srsquoaccoupler et tua la femelle ce qui eut pour effet de le transformer en femme Il (elle) se fit prostitueacutee mais sept ans plus tard il (elle) assista de nouveau agrave la mecircme scegravene au mecircme endroit et en tuant le macircle redevint homme Survint une querelle entre Jupiter et Junon au sujet de qui de lrsquohomme ou de la femme a le plus de plaisir dans lrsquoamour Jupiter pensait qursquoil srsquoagit de la femme Junon optait pour lrsquohomme Ils choisirent tout naturellement Tireacutesias comme arbitre Tireacutesias se prononccedila en faveur de Jupiter et deacuteclara le plaisir de la femme sept fois plus grand que celui de lrsquohomme Pour le punir Junon lrsquoaveugla Tireacutesias aveugle devint laquo voyant raquo crsquoest agrave dire devin et entre autres reacuteveacutela sa faute agrave Œdipe

Selon certaines variantes Tireacutesias neacutee de sexe feacuteminin a degraves lrsquoacircge de sept ans inspireacute de lrsquoamour agrave Apollon avant de subir sept changements de sexe

Elle crsquoest Theacuteregravese bien sucircr mais crsquoest aussi sa creacuteatrice Denise Duval Voici une heacuteroiumlne insoumise qui srsquoinsurge contre lrsquoautoriteacute masculine revendique des droits eacutegaux agrave ceux de lrsquohomme et quitte le foyer conjugal Elle aspire agrave devenir soldat artiste deacuteputeacute avocat seacutenateur ministre preacutesident de la chose publiquehellipElle a deacutecideacute qursquoaucun des postes traditionnellement reacuteserveacutes aux hommes ne lui sera interdit

Et de la mecircme faccedilon que ses arriegraveres-petites-filles brucircleront leurs soutien-gorges dans les anneacutees 1970 Theacuteregravese fait exploser ses mamelles Gracircce soit rendue agrave Apollinaire et agrave Poulenc mais notre chegravere Theacuteregravese nrsquoest jamais tourneacutee en ridicule jamais transformeacutee en amazone hommasse Theacuteregravese se reacutealise tout simplement

Bien sucircr nous sommes au deacutebut du siegravecle et pour obtenir le pouvoir social politique et militaire Theacuteregravese adopte une identiteacute masculine Elle doit se transformer en Tireacutesias qursquoon ne ressent pas vraiment comme un homme mais comme un ecirctre plus ou moins androgyne le charme feacuteminin sous la reacuteussite sociale masculine si lrsquoon peut dire Elle doit aussi neutraliser son mari en le ligotant et laquo lrsquoandrogyniser raquo en lui faisant revecirctir des vecirctements feacuteminins

Et Theacuteregravese reacuteussit fort bien sa reconversion elle est acclameacutee par le peuple comme geacuteneacuteral comme deacuteputeacute

Il est vraiment incroyable qursquoen 1917 Apollinaire ait reacuteussi agrave creacuteer un personnage si actuel que les aspirations des femmes qui en eacutetaient encore agrave leurs balbutiements aient eacuteteacute si bien comprises sans jamais ecirctre tourneacutees en ridicule Elles sont si justement deacutecrites qursquoune femme de lrsquoan 2001 peut srsquoy reconnaicirctre Il faut dire qursquoApollinaire qui fut lrsquoamant de Marie Laurencin pendant plusieurs anneacutees devait srsquoy connaicirctre en matiegravere de femmes eacutemancipeacutees

Bien sucircr cet esprit de reacutevolte et ce deacutesir drsquoindeacutependance ne seront pas immeacutediatement satisfaits Il faudra une deuxiegraveme guerre mondiale avant que les femmes obtiennent le droit de vote Les aspirations de lrsquoheacuteroiumlne sont bien en avance sur son eacutepoque

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

LE MEDIUM

MENOTTI Gian Carlo (1911)

Menotti commenccedila agrave eacutecrire ses chansons alors quil navait que 7 ans A 11 ans deacutejagrave il eacutecrivait le livret et la musique de son premier opeacutera La mort de Pierrot Cependant il ne commenccedila reacuteellement son activiteacute musicale quen 1923 lorsquil entra au Conservatoire Verdi de Milan

Apregraves la mort de son pegravere Menotti et sa megravere vinrent srsquoinstaller aux USA en 1928 il entra ensuite au Curtis Institute of Music de Philadelphie Parmi les eacutetudiants de cet institut se trouvaient eacutegalement Leonard Bernstein et Samuel Barber qui devinrent plus tard les partenaires de Menotti dans son travail On peut citer

notamment le plus ceacutelegravebre opeacutera de Samuel Barber intituleacute Vanessa dont le livret est signeacute par Menotti La premiegravere de cet opeacutera eut lieu en 1958 au Metropolitan Opera Menotti eacutetait encore eacutetudiant au Curtis Institute of Music lorsqursquoil signa en italien son premier grand opeacutera Amelia al Ballo (Amelia va au Bal en franccedilais) Par la suite il nrsquoeacutecrivit en italien que deux autres opeacuteras LrsquoIcircle de Dieu et Le dernier Sauvage Le reste de son œuvre fut eacutecrite en anglais Ses travaux les plus important furent composeacutes dans les anneacutees 1940 et 1950 Par la suite Menotti enseigna eacutegalement au Curtis Institute of Music et eut parmi ses eacutetudiants et proteacutegeacutes un compositeur ameacutericain du nom de Stanley Hollingsworth

Menotti reacutedigea les livrets de deux opeacuteras de Samuel Barber Vanessa et A Hand of Bridge et revisita le dernier - Antony and Cleopatra Amelia de Menotti remporta un tel succegraves que NBC en commanda une version audio pour la radio The Old Maid and the Thief fut le premier travail de grande ampleur pour Menotti Il composa ensuite des ballets Sebastian en 1944 et un concert pour piano en 1945 avant de revenir agrave son premier amour lopeacutera avec The Medium et Le teacuteleacutephone

Œuvres Musicales

bull Amelia al Ballo (1937) bull The Island of God (1942) bull The Medium (1946) bull The Telephone or LAmour agrave trois (1947) bull The Consul (1950) bull Amahl and the Night Visitors television opera (1951) bull Labyrinth television opera (1963) bull The Last Savage (1963) bull Martins Lie (1964) bull Help Help the Globolinks (1968) bull The Most Important Man (1971) bull The Egg (1976) bull The Hero (1976) bull The Trial of the Gypsy (1978) bull Chip and his Dog (1979) bull A Bride from Pluto (1982) bull The Boy Who Grew Too Fast (1982) bull Goya (1986) bull The Wedding (Giorno da Nozze) (1988) bull Goya [rev] (1991) bull The Singing Child (1993)

LES SYNOPSIS

LES MAMELLES DE TIRESIAS

SITUATION Apollinaire avait situeacute son action theacuteacirctrale agrave une eacutepoque impreacutecise dans lrsquoicircle de Zanzibar Poulenc place son opeacutera en 1912 agrave Zanzibar ville imaginaire pregraves de Monte-Carlo car comme il lrsquoeacutecrit laquo 1912 est lrsquoeacutepoque heacuteroiumlque drsquoApollinaire celle des premiers combats pour le cubisme de la publication drsquoAlcools Jrsquoai substitueacute Monte-Carlo agrave Zanzibar pour eacuteviter lrsquoexotisme et parce que Monte-Carlo que jrsquoadore et ougrave Apollinaire a passeacute les quinze premiegraveres anneacutees de sa vie est bien assez tropical pour le Parisien que je suis raquo

ACTE I

Comme dans Paillasse le rideau se legraveve sur le directeur de la troupe qui va exprimer la signification ultime de la repreacutesentation laquo faites des enfants vous qui nrsquoen faisiez guegravere raquo Poulenc a alleacutegeacute ce prologue de toutes les allusions agrave la premiegravere guerre mondiale et aux obus qui eacuteteignent laquo mecircme les eacutetoiles raquo superbe meacutetaphore pour toutes ces vies interrompues et qursquoil convient de remplacer aux plus vite Priveacute de ces reacutefeacuterences lrsquoappel agrave la repopulation du pays perd une grande partie de sa signification

A la fin du prologue Theacuteregravese surgit sur scegravene clamant son feacuteminisme et son deacutesir drsquoindeacutependance Des coulisses son mari lui reacuteclame du lard Pour exprimer sa libeacuteration Theacuteregravese fait sortir ses laquo mamelles raquo de son corsage ce sont deux ballons lrsquoun rouge lrsquoautre bleu qui srsquoenvolent et que Theacuteregravese fait exploser La barbe se met agrave lui pousser Le mari qui sort de la maison pense que Theacuteregravese a eacuteteacute assassineacutee par cet individu barbu et veut la venger Theacuteregravese se fait reconnaicirctre et lui annonce qu lsquoelle portera deacutesormais un nom drsquohomme Tireacutesias Puis elle retourne au logis et jette les objets du meacutenage par la fenecirctre le violon (un pot de chambre) le piano (un urinal) Le mari rentre preacutecipitamment

A ce moment Lacouf et Presto sortent du cafeacute ivres et dansant une polka Ils se disputent pour savoir srsquoils sont agrave Paris ou agrave Zanzibar La querelle srsquoenvenimant ils se battent en duel au pistolet et tombent morts tous les deux

Tireacutesias sort du logis habilleacutee en homme suivie de son mari habilleacute en femme et les mains ligoteacutees Tireacutesias achegravete un journal dans lequel elle apprend la mort de Lacouf et Presto Le peuple de Zanzibar enlegraveve les corps en commentant laquo comme il perdait au zanzibar monsieur Presto a perdu son pari puisque nous sommes agrave Paris Monsieur Lacouf nrsquoa rien gagneacute puisque la scegravene se passe agrave Zanzibar autant que la Seine passe agrave Paris raquo

Le mari reste seul sur scegravene Entre le gendarme dans un cheval-jupon qui le prenant pour une femme commence agrave lui compter fleurette Le mari se rend compte que puisque sa femme est un homme il est juste que lui soit une femme et tandis que le peuple acclame le geacuteneacuteral et le deacuteputeacute Tireacutesias deacutecide de faire des enfants pour repeupler Zanzibar Le gendarme la marchande de journaux Lacouf et Presto ressusciteacutes et en patinette commentent sa deacutecision dans un texte aux allusions joyeusement grivoises (laquo et fumez la pipe bergegravere moi je vous jouerai du pipeauhellip raquo)

Un entracte se deacuteroule devant le rideau fermeacute montrant les parents-choristes et le chœur des nouveaux neacutes laquo vous qui pleurez en voyant la piegravece souhaitez les enfants vainqueurs raquo

ACTE II

Le mari seul sur scegravene chante les joies de la paterniteacute Il a fait 40 049 enfants en un seul jour

Un journaliste parisien se preacutesente et lrsquointerroge Le mari explique que ses enfants le nourrissent deacutejagrave accapareur (une trace de la guerre) romancier artistehelliple journaliste demande au mari de lui precircter de lrsquoargent et se fait jeter dehors

Le mari deacutecide de creacuteer un enfant journaliste ce qursquoil fait en jetant de lrsquoencre un porte-plume de la colle des ciseaux et du papier journal dans un berceau Heacutelas ce nouvel enfant nrsquoest pas tregraves reacuteussi il reacuteunit toutes les tares des mauvais journalistes et tente de faire chanter son pegravere

Le gendarme est de retour la population zanzibarienne est affameacutee par le surcroicirct de bouches agrave nourrir et va mourir de faim Le mari connaicirct la solution il leur faut des cartes (des cartes de rationnement bien sucircr encore une seacutequelle de la guerre ) Cette allusion aux cartes fait apparaicirctre la cartomancienne qui se met agrave chanter les meacuterites de la feacuteconditeacute et insulte le gendarme qui est steacuterile Le gendarme veut arrecircter la cartomancienne ils se battent tous les deux la cartomancienne eacutetrangle le gendarme puis se deacutebarrasse de ses voiles Le mari reconnaicirct alors sa Theacuteregravese qui sans ses mamelles est laquo plate comme une punaise raquo Theacuteregravese est drsquoaccord pour reprendre la vie commune mais pas pour remettre ses mamelles

Le gendarme ressusciteacute le peuple de Zanzibar la marchande de journaux et les deux eacutepoux chantent les joies de lrsquoamour et de la feacuteconditeacute

LE MEDIUM Acte I Madame Flora meacutedium assisteacutee par sa fille Monica et par Toby un adolescent muet dorigine boheacutemienne reccediloit trois clients M et Mme Gobineau et Mme Nolan pour une seacuteance de spiritisme Flora eacutevoque leurs enfants disparus et les deacutefunts se manifestent par une apparition par un rire mais la seacuteance est truqueacutee cest Toby qui agrave laide de fils fait bouger la table et cest Monica qui joue le rocircle des disparus Soudain Flora laisse eacutechapper un cri elle a senti une main glaceacutee eacutetreindre sa gorge elle renvoie les clients et accuse Toby de lavoir volontairement effrayeacutee mais le jeune muet ne fait aucun signe ni daveu ni de deacuteneacutegation La peur hante deacutesormais Flora Acte II Quelques jours plus tard Monica et Toby jouent dans le salon Survient Flora qui noie sa frayeur dans lalcool Elle interroge de nouveau Toby et ne pouvant rien tirer de lui le fouette jusquau sang A ses clients de retour elle annonce quil ny aura plus de seacuteances et tente en leur deacutevoilant tous les truquages de les convaincre quelle les a berneacutes mais ses victimes ne veulent rien comprendre et croient agrave ce quon leur faisait voir et entendre Flora les chasse Monica senferme dans sa chambre et Toby senfuit Resteacutee seule Flora est victime dhallucinations Toby revient discregravetement et se dissimule Sentant une preacutesence insolite devinant une forme derriegravere un rideau Flora saisit un revolver et tire Sur le visage de lenfant abattu elle cherche en vain avec deacutesespoir une reacuteponse qui ne viendra jamais

LES LIENS LES PISTES

DE LA LECTURE

Le mythe de Tireacutesias

Tireacutesias il nrsquoest pas inutile de le rappeler est un personnage mythologique qui en se promenant surprit deux serpents en train de srsquoaccoupler et tua la femelle ce qui eut pour effet de le transformer en femme Il (elle) se fit prostitueacutee mais sept ans plus tard il (elle) assista de nouveau agrave la mecircme scegravene au mecircme endroit et en tuant le macircle redevint homme Survint une querelle entre Jupiter et Junon au sujet de qui de lrsquohomme ou de la femme a le plus de plaisir dans lrsquoamour Jupiter pensait qursquoil srsquoagit de la femme Junon optait pour lrsquohomme Ils choisirent tout naturellement Tireacutesias comme arbitre Tireacutesias se prononccedila en faveur de Jupiter et deacuteclara le plaisir de la femme sept fois plus grand que celui de lrsquohomme Pour le punir Junon lrsquoaveugla Tireacutesias aveugle devint laquo voyant raquo crsquoest agrave dire devin et entre autres reacuteveacutela sa faute agrave Œdipe

Selon certaines variantes Tireacutesias neacutee de sexe feacuteminin a degraves lrsquoacircge de sept ans inspireacute de lrsquoamour agrave Apollon avant de subir sept changements de sexe

Elle crsquoest Theacuteregravese bien sucircr mais crsquoest aussi sa creacuteatrice Denise Duval Voici une heacuteroiumlne insoumise qui srsquoinsurge contre lrsquoautoriteacute masculine revendique des droits eacutegaux agrave ceux de lrsquohomme et quitte le foyer conjugal Elle aspire agrave devenir soldat artiste deacuteputeacute avocat seacutenateur ministre preacutesident de la chose publiquehellipElle a deacutecideacute qursquoaucun des postes traditionnellement reacuteserveacutes aux hommes ne lui sera interdit

Et de la mecircme faccedilon que ses arriegraveres-petites-filles brucircleront leurs soutien-gorges dans les anneacutees 1970 Theacuteregravese fait exploser ses mamelles Gracircce soit rendue agrave Apollinaire et agrave Poulenc mais notre chegravere Theacuteregravese nrsquoest jamais tourneacutee en ridicule jamais transformeacutee en amazone hommasse Theacuteregravese se reacutealise tout simplement

Bien sucircr nous sommes au deacutebut du siegravecle et pour obtenir le pouvoir social politique et militaire Theacuteregravese adopte une identiteacute masculine Elle doit se transformer en Tireacutesias qursquoon ne ressent pas vraiment comme un homme mais comme un ecirctre plus ou moins androgyne le charme feacuteminin sous la reacuteussite sociale masculine si lrsquoon peut dire Elle doit aussi neutraliser son mari en le ligotant et laquo lrsquoandrogyniser raquo en lui faisant revecirctir des vecirctements feacuteminins

Et Theacuteregravese reacuteussit fort bien sa reconversion elle est acclameacutee par le peuple comme geacuteneacuteral comme deacuteputeacute

Il est vraiment incroyable qursquoen 1917 Apollinaire ait reacuteussi agrave creacuteer un personnage si actuel que les aspirations des femmes qui en eacutetaient encore agrave leurs balbutiements aient eacuteteacute si bien comprises sans jamais ecirctre tourneacutees en ridicule Elles sont si justement deacutecrites qursquoune femme de lrsquoan 2001 peut srsquoy reconnaicirctre Il faut dire qursquoApollinaire qui fut lrsquoamant de Marie Laurencin pendant plusieurs anneacutees devait srsquoy connaicirctre en matiegravere de femmes eacutemancipeacutees

Bien sucircr cet esprit de reacutevolte et ce deacutesir drsquoindeacutependance ne seront pas immeacutediatement satisfaits Il faudra une deuxiegraveme guerre mondiale avant que les femmes obtiennent le droit de vote Les aspirations de lrsquoheacuteroiumlne sont bien en avance sur son eacutepoque

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

LES SYNOPSIS

LES MAMELLES DE TIRESIAS

SITUATION Apollinaire avait situeacute son action theacuteacirctrale agrave une eacutepoque impreacutecise dans lrsquoicircle de Zanzibar Poulenc place son opeacutera en 1912 agrave Zanzibar ville imaginaire pregraves de Monte-Carlo car comme il lrsquoeacutecrit laquo 1912 est lrsquoeacutepoque heacuteroiumlque drsquoApollinaire celle des premiers combats pour le cubisme de la publication drsquoAlcools Jrsquoai substitueacute Monte-Carlo agrave Zanzibar pour eacuteviter lrsquoexotisme et parce que Monte-Carlo que jrsquoadore et ougrave Apollinaire a passeacute les quinze premiegraveres anneacutees de sa vie est bien assez tropical pour le Parisien que je suis raquo

ACTE I

Comme dans Paillasse le rideau se legraveve sur le directeur de la troupe qui va exprimer la signification ultime de la repreacutesentation laquo faites des enfants vous qui nrsquoen faisiez guegravere raquo Poulenc a alleacutegeacute ce prologue de toutes les allusions agrave la premiegravere guerre mondiale et aux obus qui eacuteteignent laquo mecircme les eacutetoiles raquo superbe meacutetaphore pour toutes ces vies interrompues et qursquoil convient de remplacer aux plus vite Priveacute de ces reacutefeacuterences lrsquoappel agrave la repopulation du pays perd une grande partie de sa signification

A la fin du prologue Theacuteregravese surgit sur scegravene clamant son feacuteminisme et son deacutesir drsquoindeacutependance Des coulisses son mari lui reacuteclame du lard Pour exprimer sa libeacuteration Theacuteregravese fait sortir ses laquo mamelles raquo de son corsage ce sont deux ballons lrsquoun rouge lrsquoautre bleu qui srsquoenvolent et que Theacuteregravese fait exploser La barbe se met agrave lui pousser Le mari qui sort de la maison pense que Theacuteregravese a eacuteteacute assassineacutee par cet individu barbu et veut la venger Theacuteregravese se fait reconnaicirctre et lui annonce qu lsquoelle portera deacutesormais un nom drsquohomme Tireacutesias Puis elle retourne au logis et jette les objets du meacutenage par la fenecirctre le violon (un pot de chambre) le piano (un urinal) Le mari rentre preacutecipitamment

A ce moment Lacouf et Presto sortent du cafeacute ivres et dansant une polka Ils se disputent pour savoir srsquoils sont agrave Paris ou agrave Zanzibar La querelle srsquoenvenimant ils se battent en duel au pistolet et tombent morts tous les deux

Tireacutesias sort du logis habilleacutee en homme suivie de son mari habilleacute en femme et les mains ligoteacutees Tireacutesias achegravete un journal dans lequel elle apprend la mort de Lacouf et Presto Le peuple de Zanzibar enlegraveve les corps en commentant laquo comme il perdait au zanzibar monsieur Presto a perdu son pari puisque nous sommes agrave Paris Monsieur Lacouf nrsquoa rien gagneacute puisque la scegravene se passe agrave Zanzibar autant que la Seine passe agrave Paris raquo

Le mari reste seul sur scegravene Entre le gendarme dans un cheval-jupon qui le prenant pour une femme commence agrave lui compter fleurette Le mari se rend compte que puisque sa femme est un homme il est juste que lui soit une femme et tandis que le peuple acclame le geacuteneacuteral et le deacuteputeacute Tireacutesias deacutecide de faire des enfants pour repeupler Zanzibar Le gendarme la marchande de journaux Lacouf et Presto ressusciteacutes et en patinette commentent sa deacutecision dans un texte aux allusions joyeusement grivoises (laquo et fumez la pipe bergegravere moi je vous jouerai du pipeauhellip raquo)

Un entracte se deacuteroule devant le rideau fermeacute montrant les parents-choristes et le chœur des nouveaux neacutes laquo vous qui pleurez en voyant la piegravece souhaitez les enfants vainqueurs raquo

ACTE II

Le mari seul sur scegravene chante les joies de la paterniteacute Il a fait 40 049 enfants en un seul jour

Un journaliste parisien se preacutesente et lrsquointerroge Le mari explique que ses enfants le nourrissent deacutejagrave accapareur (une trace de la guerre) romancier artistehelliple journaliste demande au mari de lui precircter de lrsquoargent et se fait jeter dehors

Le mari deacutecide de creacuteer un enfant journaliste ce qursquoil fait en jetant de lrsquoencre un porte-plume de la colle des ciseaux et du papier journal dans un berceau Heacutelas ce nouvel enfant nrsquoest pas tregraves reacuteussi il reacuteunit toutes les tares des mauvais journalistes et tente de faire chanter son pegravere

Le gendarme est de retour la population zanzibarienne est affameacutee par le surcroicirct de bouches agrave nourrir et va mourir de faim Le mari connaicirct la solution il leur faut des cartes (des cartes de rationnement bien sucircr encore une seacutequelle de la guerre ) Cette allusion aux cartes fait apparaicirctre la cartomancienne qui se met agrave chanter les meacuterites de la feacuteconditeacute et insulte le gendarme qui est steacuterile Le gendarme veut arrecircter la cartomancienne ils se battent tous les deux la cartomancienne eacutetrangle le gendarme puis se deacutebarrasse de ses voiles Le mari reconnaicirct alors sa Theacuteregravese qui sans ses mamelles est laquo plate comme une punaise raquo Theacuteregravese est drsquoaccord pour reprendre la vie commune mais pas pour remettre ses mamelles

Le gendarme ressusciteacute le peuple de Zanzibar la marchande de journaux et les deux eacutepoux chantent les joies de lrsquoamour et de la feacuteconditeacute

LE MEDIUM Acte I Madame Flora meacutedium assisteacutee par sa fille Monica et par Toby un adolescent muet dorigine boheacutemienne reccediloit trois clients M et Mme Gobineau et Mme Nolan pour une seacuteance de spiritisme Flora eacutevoque leurs enfants disparus et les deacutefunts se manifestent par une apparition par un rire mais la seacuteance est truqueacutee cest Toby qui agrave laide de fils fait bouger la table et cest Monica qui joue le rocircle des disparus Soudain Flora laisse eacutechapper un cri elle a senti une main glaceacutee eacutetreindre sa gorge elle renvoie les clients et accuse Toby de lavoir volontairement effrayeacutee mais le jeune muet ne fait aucun signe ni daveu ni de deacuteneacutegation La peur hante deacutesormais Flora Acte II Quelques jours plus tard Monica et Toby jouent dans le salon Survient Flora qui noie sa frayeur dans lalcool Elle interroge de nouveau Toby et ne pouvant rien tirer de lui le fouette jusquau sang A ses clients de retour elle annonce quil ny aura plus de seacuteances et tente en leur deacutevoilant tous les truquages de les convaincre quelle les a berneacutes mais ses victimes ne veulent rien comprendre et croient agrave ce quon leur faisait voir et entendre Flora les chasse Monica senferme dans sa chambre et Toby senfuit Resteacutee seule Flora est victime dhallucinations Toby revient discregravetement et se dissimule Sentant une preacutesence insolite devinant une forme derriegravere un rideau Flora saisit un revolver et tire Sur le visage de lenfant abattu elle cherche en vain avec deacutesespoir une reacuteponse qui ne viendra jamais

LES LIENS LES PISTES

DE LA LECTURE

Le mythe de Tireacutesias

Tireacutesias il nrsquoest pas inutile de le rappeler est un personnage mythologique qui en se promenant surprit deux serpents en train de srsquoaccoupler et tua la femelle ce qui eut pour effet de le transformer en femme Il (elle) se fit prostitueacutee mais sept ans plus tard il (elle) assista de nouveau agrave la mecircme scegravene au mecircme endroit et en tuant le macircle redevint homme Survint une querelle entre Jupiter et Junon au sujet de qui de lrsquohomme ou de la femme a le plus de plaisir dans lrsquoamour Jupiter pensait qursquoil srsquoagit de la femme Junon optait pour lrsquohomme Ils choisirent tout naturellement Tireacutesias comme arbitre Tireacutesias se prononccedila en faveur de Jupiter et deacuteclara le plaisir de la femme sept fois plus grand que celui de lrsquohomme Pour le punir Junon lrsquoaveugla Tireacutesias aveugle devint laquo voyant raquo crsquoest agrave dire devin et entre autres reacuteveacutela sa faute agrave Œdipe

Selon certaines variantes Tireacutesias neacutee de sexe feacuteminin a degraves lrsquoacircge de sept ans inspireacute de lrsquoamour agrave Apollon avant de subir sept changements de sexe

Elle crsquoest Theacuteregravese bien sucircr mais crsquoest aussi sa creacuteatrice Denise Duval Voici une heacuteroiumlne insoumise qui srsquoinsurge contre lrsquoautoriteacute masculine revendique des droits eacutegaux agrave ceux de lrsquohomme et quitte le foyer conjugal Elle aspire agrave devenir soldat artiste deacuteputeacute avocat seacutenateur ministre preacutesident de la chose publiquehellipElle a deacutecideacute qursquoaucun des postes traditionnellement reacuteserveacutes aux hommes ne lui sera interdit

Et de la mecircme faccedilon que ses arriegraveres-petites-filles brucircleront leurs soutien-gorges dans les anneacutees 1970 Theacuteregravese fait exploser ses mamelles Gracircce soit rendue agrave Apollinaire et agrave Poulenc mais notre chegravere Theacuteregravese nrsquoest jamais tourneacutee en ridicule jamais transformeacutee en amazone hommasse Theacuteregravese se reacutealise tout simplement

Bien sucircr nous sommes au deacutebut du siegravecle et pour obtenir le pouvoir social politique et militaire Theacuteregravese adopte une identiteacute masculine Elle doit se transformer en Tireacutesias qursquoon ne ressent pas vraiment comme un homme mais comme un ecirctre plus ou moins androgyne le charme feacuteminin sous la reacuteussite sociale masculine si lrsquoon peut dire Elle doit aussi neutraliser son mari en le ligotant et laquo lrsquoandrogyniser raquo en lui faisant revecirctir des vecirctements feacuteminins

Et Theacuteregravese reacuteussit fort bien sa reconversion elle est acclameacutee par le peuple comme geacuteneacuteral comme deacuteputeacute

Il est vraiment incroyable qursquoen 1917 Apollinaire ait reacuteussi agrave creacuteer un personnage si actuel que les aspirations des femmes qui en eacutetaient encore agrave leurs balbutiements aient eacuteteacute si bien comprises sans jamais ecirctre tourneacutees en ridicule Elles sont si justement deacutecrites qursquoune femme de lrsquoan 2001 peut srsquoy reconnaicirctre Il faut dire qursquoApollinaire qui fut lrsquoamant de Marie Laurencin pendant plusieurs anneacutees devait srsquoy connaicirctre en matiegravere de femmes eacutemancipeacutees

Bien sucircr cet esprit de reacutevolte et ce deacutesir drsquoindeacutependance ne seront pas immeacutediatement satisfaits Il faudra une deuxiegraveme guerre mondiale avant que les femmes obtiennent le droit de vote Les aspirations de lrsquoheacuteroiumlne sont bien en avance sur son eacutepoque

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

ACTE II

Le mari seul sur scegravene chante les joies de la paterniteacute Il a fait 40 049 enfants en un seul jour

Un journaliste parisien se preacutesente et lrsquointerroge Le mari explique que ses enfants le nourrissent deacutejagrave accapareur (une trace de la guerre) romancier artistehelliple journaliste demande au mari de lui precircter de lrsquoargent et se fait jeter dehors

Le mari deacutecide de creacuteer un enfant journaliste ce qursquoil fait en jetant de lrsquoencre un porte-plume de la colle des ciseaux et du papier journal dans un berceau Heacutelas ce nouvel enfant nrsquoest pas tregraves reacuteussi il reacuteunit toutes les tares des mauvais journalistes et tente de faire chanter son pegravere

Le gendarme est de retour la population zanzibarienne est affameacutee par le surcroicirct de bouches agrave nourrir et va mourir de faim Le mari connaicirct la solution il leur faut des cartes (des cartes de rationnement bien sucircr encore une seacutequelle de la guerre ) Cette allusion aux cartes fait apparaicirctre la cartomancienne qui se met agrave chanter les meacuterites de la feacuteconditeacute et insulte le gendarme qui est steacuterile Le gendarme veut arrecircter la cartomancienne ils se battent tous les deux la cartomancienne eacutetrangle le gendarme puis se deacutebarrasse de ses voiles Le mari reconnaicirct alors sa Theacuteregravese qui sans ses mamelles est laquo plate comme une punaise raquo Theacuteregravese est drsquoaccord pour reprendre la vie commune mais pas pour remettre ses mamelles

Le gendarme ressusciteacute le peuple de Zanzibar la marchande de journaux et les deux eacutepoux chantent les joies de lrsquoamour et de la feacuteconditeacute

LE MEDIUM Acte I Madame Flora meacutedium assisteacutee par sa fille Monica et par Toby un adolescent muet dorigine boheacutemienne reccediloit trois clients M et Mme Gobineau et Mme Nolan pour une seacuteance de spiritisme Flora eacutevoque leurs enfants disparus et les deacutefunts se manifestent par une apparition par un rire mais la seacuteance est truqueacutee cest Toby qui agrave laide de fils fait bouger la table et cest Monica qui joue le rocircle des disparus Soudain Flora laisse eacutechapper un cri elle a senti une main glaceacutee eacutetreindre sa gorge elle renvoie les clients et accuse Toby de lavoir volontairement effrayeacutee mais le jeune muet ne fait aucun signe ni daveu ni de deacuteneacutegation La peur hante deacutesormais Flora Acte II Quelques jours plus tard Monica et Toby jouent dans le salon Survient Flora qui noie sa frayeur dans lalcool Elle interroge de nouveau Toby et ne pouvant rien tirer de lui le fouette jusquau sang A ses clients de retour elle annonce quil ny aura plus de seacuteances et tente en leur deacutevoilant tous les truquages de les convaincre quelle les a berneacutes mais ses victimes ne veulent rien comprendre et croient agrave ce quon leur faisait voir et entendre Flora les chasse Monica senferme dans sa chambre et Toby senfuit Resteacutee seule Flora est victime dhallucinations Toby revient discregravetement et se dissimule Sentant une preacutesence insolite devinant une forme derriegravere un rideau Flora saisit un revolver et tire Sur le visage de lenfant abattu elle cherche en vain avec deacutesespoir une reacuteponse qui ne viendra jamais

LES LIENS LES PISTES

DE LA LECTURE

Le mythe de Tireacutesias

Tireacutesias il nrsquoest pas inutile de le rappeler est un personnage mythologique qui en se promenant surprit deux serpents en train de srsquoaccoupler et tua la femelle ce qui eut pour effet de le transformer en femme Il (elle) se fit prostitueacutee mais sept ans plus tard il (elle) assista de nouveau agrave la mecircme scegravene au mecircme endroit et en tuant le macircle redevint homme Survint une querelle entre Jupiter et Junon au sujet de qui de lrsquohomme ou de la femme a le plus de plaisir dans lrsquoamour Jupiter pensait qursquoil srsquoagit de la femme Junon optait pour lrsquohomme Ils choisirent tout naturellement Tireacutesias comme arbitre Tireacutesias se prononccedila en faveur de Jupiter et deacuteclara le plaisir de la femme sept fois plus grand que celui de lrsquohomme Pour le punir Junon lrsquoaveugla Tireacutesias aveugle devint laquo voyant raquo crsquoest agrave dire devin et entre autres reacuteveacutela sa faute agrave Œdipe

Selon certaines variantes Tireacutesias neacutee de sexe feacuteminin a degraves lrsquoacircge de sept ans inspireacute de lrsquoamour agrave Apollon avant de subir sept changements de sexe

Elle crsquoest Theacuteregravese bien sucircr mais crsquoest aussi sa creacuteatrice Denise Duval Voici une heacuteroiumlne insoumise qui srsquoinsurge contre lrsquoautoriteacute masculine revendique des droits eacutegaux agrave ceux de lrsquohomme et quitte le foyer conjugal Elle aspire agrave devenir soldat artiste deacuteputeacute avocat seacutenateur ministre preacutesident de la chose publiquehellipElle a deacutecideacute qursquoaucun des postes traditionnellement reacuteserveacutes aux hommes ne lui sera interdit

Et de la mecircme faccedilon que ses arriegraveres-petites-filles brucircleront leurs soutien-gorges dans les anneacutees 1970 Theacuteregravese fait exploser ses mamelles Gracircce soit rendue agrave Apollinaire et agrave Poulenc mais notre chegravere Theacuteregravese nrsquoest jamais tourneacutee en ridicule jamais transformeacutee en amazone hommasse Theacuteregravese se reacutealise tout simplement

Bien sucircr nous sommes au deacutebut du siegravecle et pour obtenir le pouvoir social politique et militaire Theacuteregravese adopte une identiteacute masculine Elle doit se transformer en Tireacutesias qursquoon ne ressent pas vraiment comme un homme mais comme un ecirctre plus ou moins androgyne le charme feacuteminin sous la reacuteussite sociale masculine si lrsquoon peut dire Elle doit aussi neutraliser son mari en le ligotant et laquo lrsquoandrogyniser raquo en lui faisant revecirctir des vecirctements feacuteminins

Et Theacuteregravese reacuteussit fort bien sa reconversion elle est acclameacutee par le peuple comme geacuteneacuteral comme deacuteputeacute

Il est vraiment incroyable qursquoen 1917 Apollinaire ait reacuteussi agrave creacuteer un personnage si actuel que les aspirations des femmes qui en eacutetaient encore agrave leurs balbutiements aient eacuteteacute si bien comprises sans jamais ecirctre tourneacutees en ridicule Elles sont si justement deacutecrites qursquoune femme de lrsquoan 2001 peut srsquoy reconnaicirctre Il faut dire qursquoApollinaire qui fut lrsquoamant de Marie Laurencin pendant plusieurs anneacutees devait srsquoy connaicirctre en matiegravere de femmes eacutemancipeacutees

Bien sucircr cet esprit de reacutevolte et ce deacutesir drsquoindeacutependance ne seront pas immeacutediatement satisfaits Il faudra une deuxiegraveme guerre mondiale avant que les femmes obtiennent le droit de vote Les aspirations de lrsquoheacuteroiumlne sont bien en avance sur son eacutepoque

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

LES LIENS LES PISTES

DE LA LECTURE

Le mythe de Tireacutesias

Tireacutesias il nrsquoest pas inutile de le rappeler est un personnage mythologique qui en se promenant surprit deux serpents en train de srsquoaccoupler et tua la femelle ce qui eut pour effet de le transformer en femme Il (elle) se fit prostitueacutee mais sept ans plus tard il (elle) assista de nouveau agrave la mecircme scegravene au mecircme endroit et en tuant le macircle redevint homme Survint une querelle entre Jupiter et Junon au sujet de qui de lrsquohomme ou de la femme a le plus de plaisir dans lrsquoamour Jupiter pensait qursquoil srsquoagit de la femme Junon optait pour lrsquohomme Ils choisirent tout naturellement Tireacutesias comme arbitre Tireacutesias se prononccedila en faveur de Jupiter et deacuteclara le plaisir de la femme sept fois plus grand que celui de lrsquohomme Pour le punir Junon lrsquoaveugla Tireacutesias aveugle devint laquo voyant raquo crsquoest agrave dire devin et entre autres reacuteveacutela sa faute agrave Œdipe

Selon certaines variantes Tireacutesias neacutee de sexe feacuteminin a degraves lrsquoacircge de sept ans inspireacute de lrsquoamour agrave Apollon avant de subir sept changements de sexe

Elle crsquoest Theacuteregravese bien sucircr mais crsquoest aussi sa creacuteatrice Denise Duval Voici une heacuteroiumlne insoumise qui srsquoinsurge contre lrsquoautoriteacute masculine revendique des droits eacutegaux agrave ceux de lrsquohomme et quitte le foyer conjugal Elle aspire agrave devenir soldat artiste deacuteputeacute avocat seacutenateur ministre preacutesident de la chose publiquehellipElle a deacutecideacute qursquoaucun des postes traditionnellement reacuteserveacutes aux hommes ne lui sera interdit

Et de la mecircme faccedilon que ses arriegraveres-petites-filles brucircleront leurs soutien-gorges dans les anneacutees 1970 Theacuteregravese fait exploser ses mamelles Gracircce soit rendue agrave Apollinaire et agrave Poulenc mais notre chegravere Theacuteregravese nrsquoest jamais tourneacutee en ridicule jamais transformeacutee en amazone hommasse Theacuteregravese se reacutealise tout simplement

Bien sucircr nous sommes au deacutebut du siegravecle et pour obtenir le pouvoir social politique et militaire Theacuteregravese adopte une identiteacute masculine Elle doit se transformer en Tireacutesias qursquoon ne ressent pas vraiment comme un homme mais comme un ecirctre plus ou moins androgyne le charme feacuteminin sous la reacuteussite sociale masculine si lrsquoon peut dire Elle doit aussi neutraliser son mari en le ligotant et laquo lrsquoandrogyniser raquo en lui faisant revecirctir des vecirctements feacuteminins

Et Theacuteregravese reacuteussit fort bien sa reconversion elle est acclameacutee par le peuple comme geacuteneacuteral comme deacuteputeacute

Il est vraiment incroyable qursquoen 1917 Apollinaire ait reacuteussi agrave creacuteer un personnage si actuel que les aspirations des femmes qui en eacutetaient encore agrave leurs balbutiements aient eacuteteacute si bien comprises sans jamais ecirctre tourneacutees en ridicule Elles sont si justement deacutecrites qursquoune femme de lrsquoan 2001 peut srsquoy reconnaicirctre Il faut dire qursquoApollinaire qui fut lrsquoamant de Marie Laurencin pendant plusieurs anneacutees devait srsquoy connaicirctre en matiegravere de femmes eacutemancipeacutees

Bien sucircr cet esprit de reacutevolte et ce deacutesir drsquoindeacutependance ne seront pas immeacutediatement satisfaits Il faudra une deuxiegraveme guerre mondiale avant que les femmes obtiennent le droit de vote Les aspirations de lrsquoheacuteroiumlne sont bien en avance sur son eacutepoque

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Les Mamelles de Tireacutesias du Drame Surreacutealiste agrave lOpeacutera Bouffe

Les Mamelles de Tireacutesias drame surreacutealiste eacutecrit par Guillaume Apollinaire fut repreacutesenteacute pour la premiegravere fois le 24 juin 1917 au theacuteacirctre Reneacute-Maubel agrave Montmartre avec une musique de scegravene dune musicienne du dimanche Mme Germaine Albert-Birot et dans une mise en scegravene de lacteur Marcel Herrand Qui aurait put preacutevoir quil servirait de livret trente ans plus tard agrave lune des œuvres les plus accomplies du theacuteacirctre lyrique franccedilais contemporain Il eacutetait cependant tout naturel que le musicien du Bestiaire et de tant de poegravemes dApollinaire en quecircte dun livret dopeacutera bouffe fucirct seacuteduit par la loufoquerie la fantaisie mi-narquoise mi-seacuterieuse des Mamelles Avant lui Erik Satie et George Auric solliciteacutes par le poegravete avaient eacuteteacute rebuteacutes par le caractegravere deacutecousu de lintrigue ou plus exactement le manque dintrigue

On se trouve en preacutesence dune suite de gags plus ou moins reacuteussis qui nillustrent que faiblement le dessein initial du poegravete exhorter les Franccedilais agrave faire des enfants Pour tout dire le ressort dramatique theacuteacirctral de la piegravece est inexistant aucune progression aucun deacuteveloppement aucune intrigue En bref ce nest pas lagrave veacuteritablement du theacuteacirctre mais une fantaisie poeacutetique Comment imaginer quun texte aussi peu verteacutebreacute pucirct jamais servir de livret agrave un opeacutera-bouffe

Il ny a pas lagrave pour le musicien matiegravere agrave une musique dramatique en eacutetroite connexion avec laction qui doit la souligner coller absolument avec elle mais cest autant de gagneacute puisque laction sceacutenique laisse la musique reacutegner seule La ranccedilon de cette liberteacute cest que le musicien se doit decirctre eacutegal agrave lui-mecircme du deacutebut agrave la fin de lœuvre

De cette seacuteduisante mais dangereuse liberteacute Francis Poulenc a su tirer le maximum Toutes les intentions du poegraveme toutes les actions des personnages toute leur agitation se reacutealisent en musique De la premiegravere agrave la derniegravere note celle-ci fait entendre sa voix que rien ne vient empecirccher ni brouiller A la cocasserie des situations et des mots correspond la cocasserie de la musique agrave la fantaisie du poegravete narquoise irreacuteelle et souvent plus humaine quil paraicirct reacutepondent la verve et linvention du musicien laccord de lun avec lautre est total

En eacutecoutant les Mamelles de Tireacutesias il est difficile de ne pas songer agrave une autre œuvre de Poulenc bien anteacuterieure puisquelle date de 1932 la cantate profane le Bal masqueacute sur des poegravemes de Max Jacob Certes lœuvre est diffeacuterente et dans son esprit et dans sa conception et dans sa forme Mais on y trouve deacutejagrave une cocasserie meacutelodique et vocale dessence quasi theacuteacirctrale dont Poulenc se souviendra lorsquil eacutecrira les Mamelles de Tireacutesias

Lopeacutera commence immeacutediatement par le prologue que ne preacutecegravede aucune ouverture Lair du directeur de la troupe est lune des plus belles pages de la partition Ample et solennel mais sans emphase ce prologue dune graviteacute singuliegravere deacutegage une indiscutable eacutemotion

Le ton change quand le rideau se legraveve sur le Ier acte Un presto tregraves agiteacute preacutepare le changement de sexe de Theacuteregravese Et lenvol de ses seins sous la forme de deux ballons qui montent vers les cintres donne le deacutepart agrave une valse ravissante dune gracircce sensuelle qui se deacuteroule avec des modulations exquises Elle ceacutedera bientocirct la place agrave la savoureuse polka qui rythme lentreacutee de Lacouf et de Presto Cest loccasion dun duo cocasse et tendre ougrave la ligne meacutelodique sinfleacutechit avec une naiumlveteacute feinte

Apregraves le duel qui se termine par la mort (reacuteversible) de ces deux pantins le peuple de Zanzibar conduit par Theacuteregravese entonne un chœur dont laccompagnement dune grande simpliciteacute a la beauteacute poeacutetique dune vieille chanson du XVIe siegravecle

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Lentreacutee du gendarme qui ne tardera guegravere agrave faire la cour au mari de Theacuteregravese habilleacute en femme est loccasion dun nouveau duo cocasse et tendre qui sachegraveve sur une deacuteclaration du mari puisquagrave Zanzibar les femmes ne font plus denfant aux hommes den faire Ici le ton redevient grave et quasi-lyrique

Lacte se termine dans un mouvement endiableacute par un chœur geacuteneacuteral ougrave se mecirclent curieusement la solenniteacute glorieuse dun pseudo-choral et la vivaciteacute prime sautiegravere dun rondo agrave la franccedilaise Un entracte seacutepare le Ier et le IIegraveme acte Le thegraveme du final du Ier acte est repris par le chœur devant le rideau sur un ton pompeux et solennel tandis que lon entend les voix des nouveau-neacutes Il est interrompu par un court air du mari qui chante les joies de la paterniteacute et annonce avec fierteacute la naissance de 49049 enfants en un seul jour Arrive un journaliste de Paris Apregraves cette entrevue agrave laquelle le mari met fin en chassant le visiteur se deacuteroule une scegravene exquise le mari fait venir au monde un journaliste Le reacutecit par ce dernier des eacuteveacutenements du jour passeacute est une des pages les mieux venues de la partition et permet agrave Poulenc de rendre hommage agrave Picasso Le gendarme reacuteapparaicirct suivi de peu par Theacuteregravese travestie en cartomancienne Une seacuterie de vocalises aeacuteriennes traiteacutees dans un style quasi instrumental annonce son arriveacutee La reacuteconciliation de Theacuteregravese et de son mari sert de preacutetexte agrave une meacutelodie dun charme poeacutetique meacutelancolique et doux

Lœuvre sachegraveve dans un veacuteritable tourbillon musical qui prend son deacutepart sur une valse dune amoureuse langueur pendant de la valse du Ier acte pour se terminer en une sorte dallegravegre galop

Si lapparente incoheacuterence du texte laissait au musicien une entiegravere liberteacute elle neacutetait pas sans danger labsence deacutepine dorsale dans la piegravece dApollinaire risquait dinspirer une partition inverteacutebreacutee sans uniteacute reacuteelle faite dune juxtaposition dairs de duos densembles etc quaucune neacutecessiteacute naurait relieacutes Cette difficile uniteacute Poulenc a su la trouver et lexprimer musicalement elle reacuteside principalement dans lextraordinaire mouvement qui emporte lœuvre Du deacutebut agrave la fin il ny a pas de temps mort Cest un veacuteritable tumulte musical certes ordonneacute et dirigeacute qui ne sapaise que pour mieux repartir Luniteacute lœuvre la doit aussi au geacutenie meacutelodique de Poulenc qui jaillit ici sans jamais se tarir avec une aisance un naturel une spontaneacuteiteacute incomparables Il porte lœuvre sans la moindre deacutefaillance de la premiegravere agrave la derniegravere note comme un flux continu quaucune surcharge aucun ornement inutile aucun accident ne vient alourdir interrompre ou deacutetourner de son cours une fois commenceacutee la partition va droit son chemin avec une rectitude parfaite Les formes musicales employeacutees par Poulenc sont celles quil affectionne le plus et auxquelles il doit ses reacuteussites les plus eacuteclatantes la meacutelodie naturellement le rondo prestement meneacute le chant choral la valse la polka et jusquagrave la forme de la pavane ou de la gavotte Toutes ces formes sont employeacutees avec une adresse extrecircme un sens tregraves sucircr des contrastes qui met lœuvre agrave labri de tout soupccedilon de monotonie

Les registres de la sensibiliteacute musicale exploiteacutes par le musicien ne sont pas moins varieacutes de la cocasserie la plus franche agrave la graviteacute les Mamelles de Tireacutesias baignent dans un lyrisme dune couleur particuliegravere Jamais il ne tombe dans la sentimentaliteacute tout en demeurant tendrement humain Si les Mamelles de Tireacutesias est un opeacutera-bouffe elle nest pas une œuvre ironique (comme le Bal masqueacute par exemple) ni humoristique Ce nest pas quelle soit deacutepourvue dhumour mais celui-ci se deacutetache sur un fond essentiellement poeacutetique Chaque fois quApollinaire parle de Paris ou de la Seine cest avec une tendresse et une poeacutesie que le musicien a su respecter et traduire fidegravelement Les pages de la partition des Mamelles de Tireacutesias ougrave apparaissent cette tendresse et cette poeacutesie sont nombreuses le chœur Comme il perdait au zanzibar (Ier acte) tous les airs du mari lair du fils journaliste (IIegraveme acte) lair de Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise etc Mais naturellement ce qui domine dans les Mamelles de Tireacutesias cest la cocasserie Elle semble jaillir naturellement Il est remarquable quelle ne cegravede jamais agrave leffet Elle nest jamais souligneacutee ou due agrave de gros proceacutedeacutes voyants et

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

tapageurs (distorsion du rythme ou dissonance de lorchestration) Musique gaie ou bouffonne ne signifie pas musique humoristique ou pince sans rire Si paradoxale quil paraisse la musique des Mamelles de Tireacutesias est seacuterieuse elle ne se permet ni deacutebrailleacute ni laisser-aller Poulenc se garde bien de souligner musicalement ce que le texte dApollinaire peut avoir dincongru de loufoque ou mecircme dinconvenant Au contraire plus les paroles semblent absurdes sans coheacuterence logique grotesques mecircme plus la musique garde son seacuterieux Le comique naicirct justement de leffet de contraste contraste entre la gratuiteacute des paroles et le lyrisme de la musique On pourrait en donner de multiples exemples Cest ainsi que tous les airs du mari sur des paroles souvent ridicules ont une beauteacute grave meacutelodieuse et lyrique Mais lexemple le plus frappant est au Ier acte le choral Vous qui pleurez en voyant la piegravece

Au seacuterieux de la musique les Mamelles de Tireacutesias doivent leur caractegravere humain Certes Theacuteregravese son mari et les comparses qui les entourent sont des fantoches mais ceux-ci tous fantoches quils soient ont un cœur dont les battements sont perceptibles Roland-Manuel eacutecrit tregraves justement agrave propos de lHeure espagnole parlant de Ravel et de ses personnages Casuiste et chirurgien il regravegle segravechement lallure deacutebonnaire ou salace qui leur convient agrave chacun puis leur greffe un cylindre agrave la place du cœur les mue en marionnettes aux reacuteflexes savants ou glaceacutes Par une opeacuteration inverse Francis Poulenc enlegraveve aux marionnettes dApollinaire le cylindre qui leur tient lieu de cœur et leur rend ce cœur que le poegravete leur refusait

Si les Mamelles semblent avoir eacuteteacute eacutecrites avant tout avec le cœur du musicien dans une sorte de mouvement instinctif lœuvre nen est pas moins reacutegie par lintelligence la plus lucide

Cest elle qui preacuteserve cette musique gaie dune verve raffineacutee et vigoureuse des dangers de la faciliteacute de la frivoliteacute ou de la vulgariteacute Cest elle qui donne agrave cette œuvre son style De dimensions restreintes et parfaitement harmonieuses elle met en œuvre avec le tact et le goucirct le plus exquis toutes les ressources musicales de Poulenc Il est certain quil y a lagrave un exemple assez rare dune complegravete adeacutequation du musicien agrave son sujet et dune maicirctrise souveraine sur la matiegravere musicale

Les Mamelles de Tireacutesias sinscrivent directement agrave la suite de deux chef-dœuvres de lopeacutera franccedilais le Roi malgreacute lui de Chabrier et lHeure espagnole de Ravel Du premier elle a la verve savoureuse et spontaneacutee du second lintelligence spirituelle Oui les Mamelles de Tireacutesias allient le cœur et lintelligence en un eacutequilibre jamais compromis Ce mecircme eacutequilibre se trouve dans lorchestration qui est un modegravele de raffinement de sobrieacuteteacute eacuteclatante et de clarteacute

Ecrites en 1944 les Mamelles de Tireacutesias deacutedieacutees au cher Darius Milhaud pour son retour dAmeacuterique furent repreacutesenteacutees pour la premiegravere fois le 3 juin 1947 agrave lOpeacutera-Comique Lœuvre reccedilut de la critique un accueil tregraves chaleureux Unanimement les Mamelles furent salueacutees comme lune des œuvres les plus significatives et les plus accomplies du compositeur Le public fut plus reacuteticent Non le public musicien mais celui particulier de la Salle Favart ses reacuteactions furent houleuses Seacuteduit par les gracircces de Manon et lexotisme de Madame Butterfly attendri par la mort de Mimi il opposa au changement de sexe de Theacuteregravese sa reacuteprobation Cris et protestation accompagnegraverent chacune des repreacutesentations On peut imaginer quils nauraient pas deacuteplu au poegravete lui qui eacutecrivait parlant de la fantaisie de son drame quelle se manifeste avec un bon sens ougrave il y a parfois assez de nouveauteacute pour quil puisse choquer et indigner mais qui apparaicirctra aux gens de bonne foi Ces derniers aussi nombreux dans la salle que les deacutetracteurs et reacutepliquant agrave leurs protestations par de vigoureux applaudissements eussent aussi bien preacutefeacutereacute que les Mamelles de Tireacutesias fussent accompagneacutees sur laffiche de lHeure espagnole ou dune Education manqueacutee plutocirct que de la Vie de Bohegraveme ou des Pecirccheurs de perles Ainsi leur plaisir neucirct pas eacuteteacute troubleacute par

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

lincompreacutehension dun public trop habitueacute agrave un lyrisme larmoyant et sentimental pour reconnaicirctre quune œuvre deacutesinvolte peut ecirctre seacuterieuse et quune musique gaie conserve toutes les vertus du style

Mais la premiegravere œuvre lyrique de Poulenc contient une dimension suppleacutementaire moins eacutevidente qui na pas encore eacuteteacute abordeacutee Bernard Gavoty dans un article du Figaro dateacute du 2 novembre 1964 rappelle une phrase significative de lauteur la musique des Mamelles affubleacutee dun texte latin ferait un tregraves acceptable oratorio Poulenc avouait en effet avoir eacutecrit de la mecircme plume les chœurs des Mamelles de Tireacutesias et ceux de Stabat mater (1950) et citait volontiers comme exemple de contrefacture plausible le chœur de la scegravene V de lacte I au moment ougrave Theacuteregravese deacutecouvrant dans le journal la nouvelle de la mort de Lacouf et Presto (Comme il perdait au Zanzibar) Nonobstant le doux balancement ternaire de la mesure agrave 68 laccompagnement revecirct lallure dun choral harmoniseacute agrave quatre voix Plus encore que le grave Stabat de 1950 le Gloria de 1959 sera veacuteritable fregravere spirituel des Mamelles de Tireacutesias les anges du Laudamus te y tirent la langue et les guichets du Paradis clignent de lœil au kiosque de Zanzibar

Contrairement aux apparences les opeacuteras de Francis Poulenc ne sont pas si marginaux dans le reacutepertoire lyrique du XXegraveme siegravecle En fait ce sont avant tout des opeacuteras franccedilais Le vaudeville agrave la fin des Mamelles de Tireacutesias et la recherche meacutelodique tregraves pousseacutee nous rappelle lopeacutera comique du XVIIIegraveme et le grand opeacutera du XIXegraveme Mais ces œuvres sont aussi profondeacutement ancreacutees dans le XXegraveme et on peut trouver des analogies entre dautres opeacuteras de ce siegravecle et les œuvres de Poulenc Theacuteregravese-Tireacutesias est en fait la petite sœur de Conception lhorlogegravere deacutelureacutee de lHeure Espagnole de Maurice Ravel Du mecircme Ravel la valse Theacuteiegravere-Tasse Chinoise dans lEnfant et les Sortilegraveges ressemble fort au ballet tragi-comique Lacouf-Presto La dimension Opeacutera de chambre des Mamelles de Tireacutesias et de la Voix humaine fut tregraves utiliseacutee au XXegraveme siegravecle par Ravel et surtout Britten

Bien que contemporaines agrave Lulu de Berg ou Moise et Aaron de Schœnberg les œuvres de Poulenc restent toujours tregraves tonales Aloys Moose en 1953 qualifia ainsi la musique de Poulenc Monsieur Francis Poulenc travaille dans le vieux neuf dans le deacutejagrave dit dans le lieu commun quil exploite avec une sorte dimpudeur dont on serait enclin agrave juger quelle frise linconscience Pour les puristes les adeptes dun nouveau style la musique de Poulenc deacuterange Mais Poulenc a reacuteussi en trois opeacuteras agrave eacutedifier des œuvres tregraves diffeacuterentes dans la forme mais toutes les trois dans le fond tregraves humaines Cest pour cela quelles restent des œuvres de reacutepertoire rechercheacutees autant par les interpregravetes que par le public

Extrait drsquoun meacutemoire de Jean-Christophe HENRY intituleacute Francis POULENC Moine ou voyou

Quelques informations compleacutementaires sur les Mamelles de Tireacutesias Typologie vocale

Theacuteregravese -Tessiture Do 3Do5 (Soprano leacuteger) Creacuteatrice du rocircle Denise Duval Grandes interpregravetes Reneacutee Auphan Nathalie Dessay Elisabeth Vidal

Le Mari -Tessiture Do 2Lab 3 (Fa 3 pour la version baryton) Creacuteateur du rocircle Jean Giraudeau Grands interpregravetes Hugues Cuenod Michel Seacuteneacutechal Jean-Paul Foucheacutecourd

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Repreacutesentations marquantes agrave la scegravene

Premiegravere repreacutesentation le 3 juin 1947 agrave lopeacutera comique dans une mise en scegravene de Max de Rieux des deacutecors et costumes de Romain Erteacute Reprises ou nouvelles productions agrave lopeacutera comique en 1972 en 1981 puis en mai 1999 en collaboration avec lopeacutera de Rennes En 1963 agrave la Piccola Scala de Milan puis agrave lopeacutera de Marseille dans une mise en scegravene de Louis Ducreux En feacutevrier 1981 au Metropolitan opera de New York coupleacute avec Parade et lenfant et les sortilegraveges dans des deacutecors et costumes David Hockney Cette production fut reprise en novembre 1991 au Chacirctelet

Cette piegravece se retrouve sous la forme drsquoune bande dessineacutee

Le dessinateur Daniel Casanave - neacute Ardennais reacutesident reacutemois - nen est pas agrave son coup dessai avec les belles lettres En 2002 son Ubu Roi inspireacute de Jarry lui avait valu decirctre coiffeacute sur le poteau par limmense Tardi pour lobtention de lAlphart palme du festival de la BD dangoulecircme On a deacutejagrave vu pire Casanave reacuteeacutedite avec Apollinaire et les mamelles de Tireacutesias une fantaisie sureacutealiste eacutecrite par le grand Guillaume au lendemain de la guerre Inspireacute de la mythologie grecque la leacutegendaire histoire de Tireacutesias femme transformeacutee en homme se voulait agrave leacutepoque une vibrante exortation agrave la procreacuteation Passons sur largument un tantinet deacutejanteacute pour retenir la force du dessin ce coup de patte tonique sombre et loufoque quApollinaire eucirct aimeacutehellip

LUnion (Reims) httpwwwlunionpressefr 122003

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Le Surreacutealisme

Le Surreacutealisme est caracteacuteriseacute par son opposition agrave toutes conventions sociales logiques et morales Cest un mouvement qui prime le recircve linstinct le deacutesir et la reacutevolte Autant litteacuteraire quartistique il provient du Dadaiumlsme Certains artistes importants du Surreacutealisme proviennent de ce premier courant par exemple Max Ernst Man Ray Tout comme le Dadaiumlsme le Surreacutealisme est marqueacute par ses eacutecrivains En 1924 Andreacute Breton eacutecrit le Manifeste du Surreacutealisme Il eacutetait surtout deacutesireux de garder la pureteacute originale du mouvement malgreacute le fait que les artistes nauront que deacutetroits liens tout au long de lexistence de celui-ci La coheacutesion du groupe a surtout eacuteteacute marqueacutee par les nombreuses expositions agrave Paris Malgreacute cette visibiliteacute mondiale importante au sein des expositions parisiennes la deuxiegraveme Guerre Mondiale amegravene les artistes agrave New York ougrave le mouvement fait quelques adeptes De retour apregraves la guerre en 1945 le groupe fait quelques expositions mais se dissout quelques anneacutees plus tard en 1959 Il faut comprendre que les liens entre les surreacutealistes ont toujours eacuteteacute eacutetroits depuis 1929 et ne tenaient quagrave un fil Cest agrave partir de cette anneacutee lagrave que chacun tentait de saffirmer indeacutependamment du groupe venant agrave lencontre du but premier dAndreacute Breton Genegravese de lArt surreacutealiste

Max Ernst Bruumlhl pregraves de Cologne 1891 - Paris 1976 Max Ernst Ubu Imperator 1923 Huile sur toile 81 x 65 cm

Cette œuvre marque drsquoembleacutee lrsquoentreacutee de Max Ernst dans le champ du Surreacutealisme Sa force est de produire une image unifieacutee tout en conservant la perturbation introduite dans la vision par chacun des eacuteleacutements pointe de la toupie carcasse rouge ougrave transparaicirct une armature de fer mains humaines exprimant lrsquoeacutetonnement

Salvador Dali Figueras 1904 - Figueras 1989 Salvador Dali Lion Cheval Dormeuse invisibles 1930 Huile sur toile 5020 x 6520 cm Cette toile deacuteveloppe pour la premiegravere fois le processus drsquoapparition des images doubles triples et mecircme multiples qui relegravevent de lrsquoactiviteacute paranoiumlaque critique tout juste institueacutee par Dali reacutecemment au travers drsquoun processus nettement paranoiumlaque jrsquoai obtenu lrsquoimage drsquoune femme dont la position les ombres et la morphologie sans alteacuterer ni deacuteformer en rien son aspect reacuteel sont en mecircme temps un cheval Par cette multiplication des images possibles Dali entend instaurer un doute sur ce que repreacutesente lrsquoimage pour eacutetendre ensuite cette attitude critique agrave toute la reacutealiteacute on pose le doute mental de savoir si les images mecircmes de la reacutealiteacute sont uniquement un produit de notre faculteacute paranoiumlaque

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Le glossaire du surreacutealisme

Cadavre exquis Le Cadavre exquis est le plus ceacutelegravebre des jeux surreacutealistes Pratiqueacute agrave partir de 1925 Ernst consiste agrave composer des poegravemes ou des dessins agrave plusieurs chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plieacute agrave lrsquoinsu des autres participants Les œuvres ainsi obtenues preacutesentent des rapprochements inattendus comme la phrase le cadavre exquis boira le vin nouveau agrave laquelle le jeu doit son nom

Collage Au sein du Surreacutealisme le proceacutedeacute du collage est surtout employeacute par Max Ernst Degraves 1919 il assemble des images issues de multiples domaines dans le but de provoquer des rencontres insolites Agrave partir de 1929 il creacutee des romans-collages seacuteries drsquoimages confectionneacutees agrave partir de gravures de la fin du 19e siegravecle ou de catalogues illustreacutes et relieacutees entre elles par la simple reacutepeacutetition de motifs visuels Agrave la diffeacuterence du collage cubiste voueacute agrave la seule recherche plastique et des photomontages eacuteminemment politiques du dadaiumlsme allemand le collage surreacutealiste suggegravere de nouvelles associations visuelles poeacutetiques et oniriques

Deacutecalcomanie Cette technique a eacuteteacute utiliseacutee pour la premiegravere fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936 Lrsquoartiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire et reacutepegravete lrsquoopeacuteration de maniegravere agrave reporter plusieurs fois les taches de peinture Lrsquoimage qui en reacutesulte permet agrave lrsquoartiste de libeacuterer son imagination en interpreacutetant agrave sa guise les formes obtenues Agrave la suite drsquoOscar Dominguez Max Ernst applique le principe de la deacutecalcomanie agrave la peinture agrave lrsquohuile

Eacutecriture automatique Inspireacutee de la psychanalyse et surtout de la poeacutesie drsquoArthur Rimbaud et de Lautreacuteamont lrsquoeacutecriture automatique consiste agrave eacutecrire si rapidement que la raison et les ideacutees preacuteconccedilues nrsquoont pas le temps drsquoexercer leur controcircle Le premier texte issu de cette meacutethode Les Champs magneacutetiques de 1919 a eacuteteacute reacutedigeacute tour agrave tour par Andreacute Breton et Philippe Soupault

Frottage Eacutequivalent pictural de lrsquoeacutecriture automatique le proceacutedeacute du frottage a eacuteteacute deacutecouvert par Max Ernst agrave lrsquooccasion drsquoun eacutepisode preacutecis de sa vie en 1925 En fixant le plancher useacute drsquoune auberge ougrave il seacutejournait en Bretagne il deacutecide de relever lrsquoempreinte de cette matiegravere en frottant agrave la mine de plomb un papier poseacute sur les lattes de bois Il eacutetend ensuite ce proceacutedeacute agrave drsquoautres textures et publie son premier recueil de frottages Histoire naturelle en 1926 Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture agrave lrsquohuile

Fumage En 1937 le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le proceacutedeacute du fumage il reacutealise des dessins traceacutes en promenant la flamme drsquoune bougie sur une feuille de papier Plus tard il applique cette technique agrave la peinture agrave lrsquohuile Il annonce ainsi les peintures de feu drsquoYves Klein

Grattage Inventeacute par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage le grattage est surtout pratiqueacute par Esteban Francegraves peintre drsquoorigine espagnol et rallieacute au Surreacutealisme en 1937 Cette technique consiste agrave gratter agrave la lame de rasoir des couches superposeacutees de peinture de diffeacuterentes couleurs afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diapreacutees

Objet surreacutealiste Apregraves les Ready-made de Marcel Duchamp Andreacute Breton suggegravere au milieu des anneacutees 20 de fabriquer certains de ces objets qursquoon nrsquoaperccediloit qursquoen recircve et dont le sort paraicirct infiniment probleacutematique et troublant Comme chez Duchamp il srsquoagit drsquoassembler des objets deacutejagrave existants et de peu de valeur Mais contrairement agrave lui les surreacutealistes attendent du nouvel objet qursquoil provoque une reacuteaction affective voire une eacutemotion sexuelle particuliegravere selon Salvador Dali

Les plus ceacutelegravebres des objets surreacutealistes sont ducircs agrave Alberto Giacometti Salvador Dali Joan Miroacute Andreacute Breton Oscar Dominguez ou encore Man Ray

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Paranoiumla critique Deacuteveloppeacutee par Salvador Dali agrave partir de 1929 la theacuteorie de la paranoiumla-critique consiste en un deacutelire drsquointerpreacutetation appliqueacute non seulement agrave lrsquoart mais aussi agrave la reacutealiteacute Son but est de deacutepasser la perception habituelle jugeacutee trop pauvre au profit drsquoune appreacutehension du reacuteel deacutemultiplieacutee

Rayographe Le proceacutedeacute du rayographe a eacuteteacute inventeacute par Man Ray en 1922 Il srsquoagit de reacutealiser des photographies sans appareils en placcedilant des objets sur une plaque sensible que lrsquoon expose agrave la lumiegravere

Essais sur le Surreacutealisme

- Pierre Chavot LrsquoABCdaire du Surreacutealisme Paris Flammarion 2001 - Geacuterard Durozoi Histoire du mouvement surreacutealiste Paris Hazan 1997 - Jean-Paul Cleacutebert Dictionnaire du Surreacutealisme Paris Seuil 1996 - Gaeumltan Picon Journal du Surreacutealisme 1919-1939 Genegraveve Skira 1976

Eacutecrits drsquoartiste

- Reneacute Magritte Les Mots et les images choix drsquoeacutecrits Bruxelles Labor 2000 - Man Ray Autoportrait Arles Acte Sud 1998 - Joan Miroacute Ecrits et entretiens Paris Daniel Lelong 1995 - Salvador Dali Journal drsquoun geacutenie Paris Gallimard 1994

Filmographie

Man Ray Retour agrave la raison 1922 Man Ray Emak Bakia 1926 Man Ray LrsquoEacutetoile de mer 1928 Man Ray Les Mystegraveres du chacircteau de Deacute 1929 Jean Cocteau Le Sang drsquoun poegravete 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel Un Chien andalou 1929 Salvador Dali et Luis Buntildeuel LrsquoAcircge drsquoor 1930

UNE CONFEacuteRENCE

Une confeacuterence est preacutevue le 23 mars 2007 agrave 18h00 agrave la Caisse drsquoEpargne de Champagne-Ardenne 12 rue Carnot 51100 Reims Confeacuterencier Mr Francis ALBOU Sujet Dans lrsquoeacutelan du surreacutealisme

Entreacutee libre mais la reacuteservation de vos places est conseilleacutee

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

LE LIVRET DES MAMELLES Prologue Devant le rideau baisseacute le Directeur de la Troupe en habit une canne de trancheacutee agrave la main sort du trou du souffleur Scegravene unique Le directeur de la troupe

Me voici donc revenu parmi vous Jai retrouveacute ma troupe ardente Jai trouveacute aussi une scegravene Mais jai retrouveacute avec douleur Lart theacuteacirctral sans grandeur sans vertu Qui tuait les longs soirs davant la guerre Art calomniateur et deacuteleacutetegravere Qui montrait le peacutecheacute non le reacutedempteur Puis le temps est venu le temps des hommes Jai fait la guerre ainsi que tous les hommes Ceacutetait au temps ougrave jeacutetais dans lartillerie Je commandais au front du nord ma batterie Un soir que dans le ciel le regard des eacutetoiles Palpitait comme le regard des nouveau-neacutes Mille fuseacutees issues de lagrave trancheacutee adverse Reacuteveillegraverent soudain les canons ennemis Je men souviens comme si cela seacutetait passeacute hier Jentendais les deacuteparts mais non les arriveacutees Lorsque de lobservatoire dartillerie Le trompette vint agrave cheval nous annoncer Que le mareacutechal des logis qui pointait Lagrave-bas sur les lueurs des canons ennemis Lalidade de triangle de viseacutee faisait savoir Que la porteacutee de ces canons eacutetaient si grande Que lon nentendait plus aucun eacuteclatement Et tous mes canonniers attentifs agrave leurs postes Annoncegraverent que les eacutetoiles

seacuteteignaient une agrave une Puis lon entendit de grands cris parmi toute larmeacutee ILS EacuteTEIGNENT LES EacuteTOILES A COUPS DE CANON Les eacutetoiles mouraient dans ce beau ciel dautomne Comme la meacutemoire seacuteteint dans le cerveau De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir Nous eacutetions lagrave mourant de la mort des eacutetoiles Et sur le front teacuteneacutebreux aux livides lueurs Nous ne savions plus que dire avec deacutesespoir ILS ONT MEcircME ASSASSINEacute LES CONSTELLATIONS Mais une grande voix venue dun meacutegaphone Dont le pavillon sortait De je ne sais quel unanime poste de commandement La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES EacuteTOILES Et ce ne fut quun cri sur le grand front franccedilais AgraveU COLLIMATEUR A VOLONTEacute Les servants se hacirctegraverent Les pointeurs pointegraverent Les tireurs tiregraverent Et les astres sublimes se rallumegraverent lun apregraves lautre Nos obus enflammaient leur ardeur eacuteternelle Lartillerie ennemie se taisait eacuteblouie Par le scintillement de toutes les eacutetoiles

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Voilagrave voilagrave lhistoire de toutes les eacutetoiles Et depuis ce soir-lagrave jallume aussi lun apregraves lautre Tous les astres inteacuterieurs que lon avait eacuteteints Me voici donc revenu parmi vous Ma troupe ne vous impatientez pas Public attendez sans impatience Je vous apporte une piegravece dont le but est de reacuteformer les mœurs Il sagit des enfants dans la famille Cest un sujet domestique Et cest pourquoi il est traiteacute sur un ton familier Les acteurs ne prendront pas de ton sinistre Ils feront appel tout simplement agrave votre bon sens Et se preacuteoccuperont avant tout de vous amuser Afin que bien disposeacutes vous mettiez agrave profit Tous les enseignements contenus dans la piegravece Et que le sol partout seacutetoile de regards de nouveau-neacutes Plus nombreux encore que les scintillements deacutetoiles Ecoutez ocirc Franccedilais la leccedilon de la guerre Et faites des enfants vous qui nen faisiez guegravere On tente ici dinfuser un esprit nouveau au theacuteacirctre Une joie une volupteacute une vertu Pour remplacer ce pessimisme vieux de plus dun siegravecle Ce qui est bien ancien pour une chose si ennuyeuse La piegravece a eacuteteacute faite pour une scegravene ancienne Car on ne nous aurait pas construit de theacuteacirctre nouveau Un theacuteacirctre rond agrave deux scegravenes Une au centre lautre formant comme un anneau Autour des spectateurs et qui permettra Le grand deacuteploiement de notre art moderne Mariant souvent sans lien apparent comme dans la vie Les sons les gestes les couleurs les

cris les bruits La musique la danse lacrobatie la poeacutesie la peinture Les chœurs les actions et les deacutecors multiples Vous trouverez ici des actions Qui sajoutent au drame principal et lornent Les changements de ton du patheacutetique au burlesque Et lusage raisonnable des invraisemblances Ainsi que des acteurs collectifs ou non Qui ne sont pas forceacutement extraits de lhumaniteacute Mais de lunivers entier Car le theacuteacirctre ne doit pas ecirctre un art en trompe-lœil Il est juste que le dramaturge se serve De tous les mirages quil a agrave sa disposition Comme faisait Morgane sur le Mont-Gibel Il est juste quil fasse parler les foules les objets inanimeacutes Sil lui plaicirct Et quil ne tienne pas plus compte du temps Que de lespace Son univers est sa piegravece Agrave linteacuterieur de laquelle il est le dieu creacuteateur Qui dispose agrave son greacute Les sons les gestes les deacutemarches les masses les couleurs Non pas dans le seul but De photographier ce que lon appelle une tranche de vie Mais pour faire surgir la vie mecircme dans toute sa veacuteriteacute Car la piegravece doit ecirctre un univers complet Avec son creacuteateur Cest-agrave-dire la nature mecircme Et non pas seulement La repreacutesentation dun petit morceau De ce qui nous entoure ou de ce qui sest jadis passeacute Pardonnez-moi mes amis ma troupe Pardonnez-moi cher Public

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

De vous avoir parleacute un peu longuement Il y a si longtemps que je meacutetais retrouveacute parmi vous Mais il y a encore lagrave-bas un brasier Ougrave lon abat des eacutetoiles toutes fumantes Et ceux qui les rallument vous

demandent De vous hausser jusquagrave ces flammes sublimes Et de flamber aussi O public Soyez la torche inextinguible du feu nouveau

Acte I La place du marcheacute de Zanzibar le matin Le deacutecor repreacutesente des maisons une eacutechappeacutee sur le port et aussi ce qui peut eacutevoquer aux Franccedilais lideacutee du jeu de zanzibar Un meacutegaphone enforme de cornet agrave deacutes et orneacute de deacutes est sur le devant de la scegravene Du cocircteacute cour entreacutee dune maison du cocircteacute jardin un kiosque de journaux avec une nombreuse marchandise eacutetaleacutee et sa marchande figureacutee dont le bras peut sanimer il est encore orneacute dune glace sur le cocircteacute qui donne sur la scegravene Au fond le personnage collectif et muet qui repreacutesente le peuple de Zanzibar est preacutesent deacutes le lever du rideau Il est assis sur un banc Une table est agrave sa droite et il a sous la main les instruments qui lui serviront agrave mener tel bruit au moment opportun revolver musette grosse caisse accordeacuteon tambour tonnerre grelots castagnettes trompette denfant vaisselle casseacutee Tous les bruits indiqueacutes comme devant ecirctre produits au moyen dun instrument sont meneacutes par le peuple de Zanzibar et tout ce qui est indiqueacute comme devant ecirctre dit au meacutegaphone doit ecirctre crieacute au public

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese Theacuteregravese Visage bleu longue robe bleue orneacutee de singes et de fruits peints Elle entre degraves que le rideau est leveacute mais degraves que le rideau commence agrave se lever elle cherche agrave dominer le tumulte de lorchestre Non Monsieur mon mari Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez Je suis feacuteministe et je ne reconnais pas lautoriteacute de lhomme Du reste je veux agir agrave ma guise Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaicirct Apregraves tout je veux aussi aller me battre contre les ennemis Jai envie decirctre soldat une deux une deux Je veux faire la guerre - Tonnerre - et non pas faire des enfants Non Monsieur mon mari vous ne me commanderez plus Elle se courbe trois fois derriegravere au public Au meacutegaphone Ce nest pas parce que vous mavez fait la cour dans le Connecticut Que je dois vous faire la cuisine agrave Zanzibar

Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Vaisselle casseacutee Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Elle a une crise de nerfs Mais tu ne te doutes pas imbeacutecile Eacuteternuement Quapregraves avoir eacuteteacute soldat je veux ecirctre artiste Eacuteternuement Parfaitement Eacuteternuement Je veux ecirctre aussi deacuteputeacute avocat seacutenateur Deux eacuteternuement Ministre preacutesident de la chose publique Eacuteternuement Et je veux meacutedecin physique ou bien psychique Diafoirer agrave mon greacute lEurope et lAmeacuterique Faire des enfants faire la cuisine non cest trop Elle caquette Je veux ecirctre matheacutematicienne philosophe chimiste Groom dans les restaurants petit teacuteleacutegraphiste Et je veux sil me plaicirct entretenir agrave lan

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Cette vieille danseuse qui a tant de talent Eacuteternuement caquetage apregraves quoi elle imite le bruit du chemin de fer Voix du mari (accent belge) Donnez-moi du lard je te dis donnez-moi du lard Theacuteregravese Vous lentendez il ne pense quagrave lamour Petit air de musette Mange-toi les pieds agrave la Sainte-Menehould Grosse caisse Mais il me semble que la barbe me pousse Ma poitrine se deacutetache Elle pousse un grand cri et entrouvre sa blouse dont il en sort ses mamelles lune rouge lautre bleue et comme elle les lacircche elles senvolent ballons denfants mais restent retenues par les fils Envolez-vous oiseaux de ma faiblesse Et caetera Comme cest joli les appas feacuteminins Cest mignon tout plein On en mangerait Elle tire le fil des ballons et les fait danser Mais trecircve de becirctises Ne nous livrons pas agrave laeacuteronautique Il y a toujours quelque avantage agrave pratiquer la vertu Le vice est apregraves tout une chose dangereuse Cest pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauteacute Qui peut ecirctre une occasion de peacutecheacute Deacutebarrassons-nous de nos mamelles Elle allume un briquet et les fait exploser puis elle fait une belle grimace avec double pied de nez aux spectateurs et leur jette des balles quelle a dans son corsage Quest-ce agrave dire Non seulement ma barbe pousse mais ma moustache aussi Elle caresse sa barbe et retrousse sa moustache qui ont brusquement pousseacute Eh diable Jai lair dun champ de bleacute qui attend la moissonneuse meacutecanique Au meacutegaphone Je me sens viril en diable Je suis un eacutetalon

De la tecircte aux talons Me voilagrave taureau Sans meacutegaphone Me ferai-je torero Mais neacutetalons Pas mon avenir au grand jour heacuteros Cache tes armes Et toi mari moins viril que moi Fais tout le vacarme Que tu voudras Tout en caquetant elle va se mirer dans la glace placeacutee sur le kiosque agrave journaux Scegravene deuxiegraveme Le peuple de Zanzibar Theacuteregravese le mari Le mari Entre avec un gros bouquet de fleurs voit quelle ne le regarde pas et jette les fleurs dans la salle Agrave partir dici le mari perd laccent belge Je veux du lard je te dis Theacuteregravese Mange tes pieds agrave la Sainte-Menehould Le mari Pendant quil parle Theacuteregravese hausse le ton de ses caquetages Il sapproche comme pour la gifler puis en riant Ah mais ce nest pas Theacuteregravese ma femme Un temps puis seacutevegraverement Au meacutegaphone Quel malotru a mis ses vecirctements Il va lexaminer et revient Au meacutegaphone Aucun doute cest un assessin et il la tueacutee Sans meacutegaphone Theacuteregravese ma petite Theacuteregravese ougrave es-tu Il reacutefleacutechit la tecircte dans les mains puis campeacute les poings sur les hanches Mais toi vil personnage qui tes deacuteguiseacute en Theacuteregravese je te tuerai Ils se battent elle a raison de lui Theacuteregravese Tu as raison je ne suis plus ta femme Le mari Par exemple Theacuteregravese Et cependant cest moi qui suis Theacuteregravese Le mari Par exemple Theacuteregravese Mais Theacuteregravese qui nest plus

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

femme Le mari Cest trop fort Theacuteregravese Et comme je suis devenu un beau gars Le mari Deacutetail que jignorais Theacuteregravese Je porterai deacutesormais un nom dhomme Tireacutesias Le mari les mains jointes Elle sort

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Voix de Tireacutesias Je deacutemeacutenage Le mari Adiousias Elle jette successivement par la fenecirctre un pot de chambre un bassin et un urinal Le mari ramasse le pot de chambre Le piano Il ramasse lurinal Le violon Il ramasse le bassin Lassiette au beurre la situation devient grave

Scegravene quatriegraveme Les mecircme Tireacutesias Lacouf Presto Tireacutesias revient avec des vecirctements une corde des objets heacuteteacuteroclites Elle jette tout se preacutecipite sur le mari Sur la derniegravere reacuteplique du mari Presto et Lacouf armeacutes de brownings en carton sont sortis gravement de dessous la scegravene et savancent dans la salle cependant que Tireacutesias maicirctrisant son mari lui ocircte son pantalon se deacuteshabille lui passe sa jupe le ligote se pantalonne se coupe les cheveux et met un chapeau haut de forme Ce jeu de scegravene dure jusquau premier coup de revolver Presto Avec vous vieux Lacouf jai perdu au zanzi Tout ce que jai voulu Lacouf Monsieur Presto je nai rien gagneacute

Et dabord Zanzibar nest pas en question vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf Agrave Paris Presto Cen est trop Apregraves dix ans damitieacuteEt tout le mal que je nai cesseacute de dire sur votre compte

Lacouf Tant pis vous ai-je demandeacute de la reacuteclame vous ecirctes agrave Paris Presto Agrave Zanzibar la preuve cest que jai tout perdu Lacouf Monsieur Presto il faut nous battre Presto Il le faut Ils montent gravement sur la scegravene et se rangent au fond lun vis-agrave-vis de lautre Lacouf Agrave armes eacutegales Presto Agrave volonteacute Tous les coups sont dans la nature Ils se visent Le peuple de Zanzibar tire deux coups de revolver et ils tombent Tireacutesias qui est precirct tressaille au bruit et seacutecrie Ah chegravere liberteacute te voilagrave enfin conquise Mais dabord achetons un journal Pour savoir ce qui vient de se passer Elle achegravete un journal et le lit pendant ce temps le peuple de Zanzibar place une pancarte de chaque cocircteacute de la scegravene PANCARTE POUR PRESTO COMME IL PERDAIT AU ZANZIBAR MONSIEUR PRESTO A PERDU SON PARI PUISQUE NOUS SOMMES Agrave PARIS PANCARTE POUR LACOUF MONSIEUR LACOUF NA RIEN GAGNEacute PUISQUE LA SCEgraveNE SE PASSE Agrave ZANZIBAR AUTANT QUE LA SEINE PASSE A PARIS Degraves que le peuple de Zanzibar est revenu agrave son poste Presto et Lacouf se redressent le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et les duellistes retombent Tireacutesias eacutetonneacute jette le

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

journal Au meacutegaphone Maintenant agrave moi lunivers Agrave moi les femmes agrave moi ladministration Je vais me faire conseiller municipal Mais jentends du bruit Il vaut peut-ecirctre mieux sen aller Elle sort en caquetant tandis que le mari imite le bruit de la locomotive en marche

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari le gendarme Le gendarme Tandis que le peuple de Zanzibar joue de laccordeacuteon le gendarme agrave cheval caracole tire un mort dans la coulisse de faccedilon agrave ce que ses pieds seuls restent visibles fait le tour de la scegravene agit de mecircme avec lautre mort fait une seconde fois le tour de la scegravene et apercevant le mari ficeleacute sur le devant de la scegravene Ccedila sent le crime ici Le mari Ah puisque enfin voici un agent de lautoriteacute Zanzibarienne Je vais linterpeller Eh Monsieur si cest une affaire que vous me cherchez Ayez donc lobligeance de prendre Mon livret militaire dans ma poche gauche Le gendarme Au meacutegaphone La belle fille Sans meacutegaphone Dites ma belle enfant Qui donc vous a traiteacutee si meacutechamment Le mari agrave part Il me prend pour une demoiselle Au gendarme Si cest un mariage que vous me cherchez Le gendarme met la main sur son cœur Commencez donc par me deacutetacher Le gendarme le deacutelie en le chatouillant ils rient et le gendarme reacutepegravete toujours Quelle belle fille

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes Presto Lacouf Degraves que le gendarme commence agrave

deacutetacher le mari Presto et Lacouf reviennent agrave lendroit ougrave ils sont tombeacutes preacuteceacutedemment Presto Je commence agrave en avoir assez decirctre mort Dire quil y a des gens Qui trouvent quil est plus honorable decirctre mort que vif Lacouf Vous voyez bien que vous neacutetiez pas agrave Zanzibar Presto Cest pourtant lagrave que lon voudrait vivre Mais ccedila me deacutegoucircte de nous ecirctre battus en duel Deacutecideacutement on regarde la mort Dun œil trop complaisant Lacouf Que voulez-vous on a trop bonne opinion De lhumaniteacute et de ses restes Est-ce que les selles des bijoutiers Contiennent des perles et des diamants Presto On a vu des choses plus extraordinaires Lacouf Bref Monsieur Presto Les paris ne nous reacuteussissent pas Mais vous voyez bien que vous eacutetiez agrave Paris Presto Agrave Zanzibar Lacouf En joue Presto Feu (Le peuple de Zanzibar tire un coup de revolver et ils tombent Le gendarme a fini de deacutelier le mari) Le gendarme Je vous arrecircte (Presto et Lacouf se sauvent du cocircteacute opposeacute dougrave ils sont revenus Accordeacuteon)

Scegravene septiegraveme Le peuple de Zanzibar le gendarme le mari habilleacute en femme Le gendarme Les duellistes du paysage Ne mempecirccheront pas de dire que je vous trouve

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Agreacuteable au toucher comme une balle en caoutchouc Le mari Atchou Vaisselle casseacutee Le gendarme Un rhume cest exquis Le mari Atchi Tambour Le mari relegraveve sa jupe qui le gecircne Le gendarme Femme leacutegegravere Il cligne de lœil Quimporte puisque cest une belle fille Le mari agrave part Ma foi il a raison Puisque ma femme est homme Il est juste que je sois femme Au gendarme pudiquement Je suis une honnecircte femme-monsieur Ma femme est un homme-madame Elle a emporteacute le piano le violon lassiette au beurre Elle est soldat ministre merdecin Le gendarmeMegravere des seins Le mari lls ont fait explosion mais elle est plutocirct merdecine Le gendarme Elle est megravere des cygnes Ah combien chantent qui vont peacuterir Eacutecoutez Musette air triste

Le mari Il sagit apregraves tout de lart de gueacuterir les hommes La musique sen chargera Aussi bien que toute autre panaceacutee Le gendarme Ccedila va bien pas de rouspeacutetance Le mari Je me refuse agrave continuer la conversation Au meacutegaphone Ougrave est ma femme Voix de femmes dans les coulisses Vive Tireacutesias Plus denfants plus denfants Tonnerre et grosse caisse Le mari fait une grimace aux spectateurs

et met agrave son oreille une main en cornet acoustique tandis que le gendarme tirant une pipe de sa poche la lui offre Grelots Le gendarme Eh Fumez la pipe bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Le mari Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Le gendarme Tous les sept ans elle exagegravere Le peuple de Zanzibar accroche une pancarte contenant cette ritournelle qui reste lagrave EH FUMEZ LA PIPE BERGEgraveRE MOI JE VOUS JOUERAI DU PIPEAU ET CEPENDANT LA BOULANGEgraveRE TOUS LES 7 ANS CHANGEAIT DE PEAU TOUS LES 7 ANS ELLE EXAGEgraveRE Le gendarme Mademoiselle ou Madame je suis amoureux fou de vous Et je veux devenir votre eacutepoux Le mari Atchou Mais ne voyez-vous pas que je ne suis quun homme Le gendarme Nonobstant quoi je pourrais vous eacutepouser Par procuration Le mari Sottises Vous feriez mieux de faire des enfants Le gendarme Ah par exemple Voix d hommes dans les coulisses Vive Tireacutesias Vive le geacuteneacuteral Tireacutesias Vive le deacuteputeacute Tireacutesias Laccordeacuteon joue une marche militaire Voix de femmes dans les coulisses Plus denfants Plus denfants

Scegravene huitiegraveme Les mecircmes le kiosque Le kiosque ougrave sanime le bras de la marchande se deacuteplace lentement vers

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

lautre bout de la scegravene Le mari Fameux repreacutesentant de toute autoriteacute Vous lentendez cest dit je crois avec clarteacute La femme agrave Zanzibar veut des droits politiques Et renonce soudain aux amours prolifiques Vous lentendez crier Plus denfants Plus denfants Pour peupler Zanzibar il suffit deacuteleacutephants De singes de serpents de moustiques dautruches Et steacuteriles comme est lhabitante des ruches Qui du moins fait la cire et butine le miel La femme nest quun neutre agrave la face du ciel Et moi je vous le dis cher Monsieur le gendarme Au meacutegaphone Zanzibar a besoin denfants sans meacutegaphone donnez lalarme Criez au carrefour et sur le boulevard Quil faut refaire des enfants agrave Zanzibar La femme nen fait plus Tant pis Que lhomme en fasse Mais oui parfaitement je vous regarde en face Et jen ferai moi Le gendarme et le kiosque Vous Le kiosque au meacutegaphone que lui tend le mari Elle sort un bobard Bien digne quon lentende ailleurs quagrave Zanzibar Vous qui pleurez voyant la piegravece Souhaitez les enfants vainqueurs Voyez limpondeacuterable ardeur Naicirctre du changement de sexe Le mari Revenez degraves ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Ne faites pas quen vain je croque le marmot

Je reviens degraves ce soir et je vous prends au mot Le kiosque Comme est ignare le gendarme Qui gouverne le Zanzibar Le music-hall et le grand bar Nont-ils pas pour lui plus de charmes Que repeupler le Zanzibar

Scegravene neuviegraveme Les mecircmes Presto Presto chatouillant le mari Comment faut-il que tu les nommes Elles sont tout ce que nous sommes Et cependant ne sont pas hommes Le gendarme Je reviendrai ce soir voir comment la nature Vous donnera sans femme une progeacuteniture Le mari Revenez donc ce soir voir comment la nature Me donnera sans femme une progeacuteniture T o u s en chœur Ils dansent le mari et le gendarme accoupleacutes Presto et le kiosque accoupleacutes et changeant parfois de compagnons Le peuple de Zanzibar danse seul en jouant de laccordeacuteon Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau Tous les sept ans elle exagegravere Rideau

A c t e I I Au mecircme endroit le mecircme jour au moment du coucher du soleil Le mecircme deacutecor orneacute de nombreux berceaux ougrave sont les nouveau-neacutes Un berceau est vide aupregraves dune bouteille dencre eacutenorme dun pot agrave colle gigantesque dun porte-plume deacutemesureacute et dune paire de ciseaux de bonne taille

Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
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Scegravene premiegravere Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Il tient un enfant dans chaque bras Cris continus denfants sur la scegravene dans les coulisses et dans la salle pendant toute la scegravene ad libitum On indique seulement quand et ougrave ils redoublent Ah Crsquoest fou les joies de la paterniteacute 40049 enfants en un seul jour Mon bonheur est complet Silence silence Cris denfants au fond de la scegravene Le bonheur en famille Pas de femme sur les bras Il laisse tomber les enfants Silence Cris denfants sur le cocircteacute gauche de la salle Cest eacutepatant la musique moderne Presque aussi eacutepatant que les deacutecors des nouveaux peintres Qui florissent loin des Barbares Agrave Zanzibar Pas besoin daller aux ballets russes ni au Vieux Colombier Silence silence Cris denfants sur le cocircteacute droit de la salle Grelots Il faudrait peut-ecirctre les mener agrave la baguette Mais il vaut mieux ne pas brusquer les choses Je vais leur acheter des bicyclettes Et tous ces virtuoses iront faire des concerts en plein air Peu agrave peu les enfants se taisent il applaudit Bravo bravo bravo On frappe Entrez

Scegravene deuxiegraveme Les mecircmes le journaliste parisien Le journaliste Sa figure est nue il na que la bouche Il entre en dansant Accordeacuteon Hands up Bonjour Monsieur le mari Je suis correspondant dun journal de Paris Le mari De Paris Soyez le bienvenu Le journaliste fait le tour de la scegravene

en dansant Les journaux de Paris au meacutegaphone ville de lAmeacuterique Sans meacutegaphone Hourra Un coup de revolver le journaliste deacuteploie le drapeau ameacutericain Ont annonceacute que vous avez trouveacute Le moyen pour les hommes De faire des enfants Le journaliste replie le drapeau et sen fait une ceinture Le mari Cela est vrai Le journaliste Et comment ccedila Le mari La volonteacute Monsieur elle nous megravene agrave tout Le journaliste Sont-ils negravegres ou comme tout le monde Le mari Tout cela deacutepend du point de vue ougrave lon se place Castagnettes Le journaliste Vous ecirctes riche sans doute Il fait un tour de danse Le mari Point du tout Le journaliste Comment les eacutelegraveverez-vous Le mari Apregraves les avoir nourris au biberon Jespegravere que ce sont eux qui me nourriront Le journaliste En somme vous ecirctes quelque chose comme une fille-pegravere Ne serait-ce pas chez vous instinct paternel materniseacute Le mari Non cest cher Monsieui tout agrave fait inteacuteresseacute Lenfant est la richesse des meacutenages Bien plus que la monnaie et tous les heacuteritages Le journaliste note Voyez ce tout petit qui dort dans son berceau Lenfant crie Le journaliste va le voir sur la pointe des pieds Il se preacutenomme Arthur et ma deacutejagrave

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

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  • Œuvres Musicales

gagneacute Un million comme accapareur de lait cailleacute Trompette denfant Le journaliste Avanceacute pour son acircge Le mari Celui-lagrave Joseph lenfant crie est romancier Le journaliste va voir Joseph Son dernier roman sest vendu agrave 600 000 exemplaires Permenez que je vous en offre un Descend un grand livre-pancarte agrave plusieurs feuillets sur lesquels on lit au premier feuillet QUELLE CHANCE ROMAN Le mari Lisez-le agrave votre aise Le journaliste se couche le mari tourne les autres feuillets sur lesquels on lit agrave raison dun mot par feuillet UNE DAME QUI SAPPELAIT CAMBRON Le journaliste se relegraveve et au meacutegaphone Une dame qui sappelait Cambron Il rit au meacutegaphone sur les quatre voyelles a eacute i o Le mari Il y a cependant lagrave une maniegravere polie de sexprimer Le journalistesans meacutegaphone Ah ah ah ah Le mari Une certaine preacutecociteacute Le journaliste Eh eh Le mari Qui ne court point les rues Le journaliste Hands up Le mari Enfin tel quil est Le roman ma rapporteacute Pregraves de 200 000 francs Plus un prix litteacuteraire Composeacute de 20 caisses de dynamite Le journaliste se retire agrave reculons Au revoir

Le mari Nayez pas peur elles sont dans mon coffre-fort agrave la banque Le journaliste All right Vous navez pas de fille Le mari Si fait celle-ci divorceacutee Elle crie Le journaliste va la voir Du roi des pommes de terre En reccediloit une rente de 100 000 dollars Et celle-ci (elle crie) plus artiste que quiconque agrave Zanzibar Le journaliste sexerce agrave boxer Reacutecite de beaux vers par les mornes soireacutees Ses feux et ses cachets lui rapportent chaque an Ce quun poegravete gagne en cinquante mille ans Le journaliste Je vous feacutelicite my dear Mais vous avez de la poussiegravere Sur votre cache-poussiegravere Le mari sourit comme pour remercier le journaliste qui tient le grain de poussiegravere agrave la main Puisque vous ecirctes si riche precirctez-moi cent sous Le mari Remettez la poussiegravere Tous les enfants crient Le mari chasse le journaliste agrave coups de pied Celui-ci sort en dansant

Scegravene troisiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Eh oui cest simple comme un peacuteriscope Plus jaurai denfants Plus je serai riche et mieux je pourrai me nourrir Nous disons que la morue produit assez dœufs en un jour Pour queacuteclos ils suffisent agrave nourrir de brandade et daiumloli Le monde entier pendant une anneacutee entiegravere Nest-ce pas que cest eacutepatant davoir une nombreuse famille Quels sont donc ces eacuteconomistes imbeacuteciles Qui nous ont fait croire que lenfant Ceacutetait la pauvreteacute Tandis que cest tout le contraire

Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
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Est-ce quon a jamais entendu parler de morue morte dans la misegravere Aussi vais-je continuer agrave faire des enfants Faisons dabord un journaliste Comme ccedila je saurai tout Je devinerai le surplus Et jinventerai le reste Il se met agrave deacutechirer avec la bouche et les mains des journaux il treacutepigne Son jeu doit eacutetre tregraves rapide Il faut quil soit apte agrave toutes les besognes Et puisse eacutecrire pour tous les partis Il met les journaux deacutechireacutes dans le berceau vide Quel beau journaliste ce sera Reportage articles de fond Et cœtera Il lui faut un sang puiseacute dans lencrier Il prend la bouteille dencre et la verse dans le berceau Il lui faut une eacutepine dorsale Il met un eacutenorme porte-plume dans le berceau De la cervelle pour ne pas penser Il verse le pot agrave colle dans le berceau Une langue pour mieux baver Il met les ciseaux dans le berceau Il faut encore quil connaisse le chant Allons chantez Tonnerre

Scegravene quatriegraveme Les mecircmes le fils Le mari reacutepegravete laquoune deuxraquo jusquagrave la fin du monologue du fils Cette scegravene se passe tregraves rapidement Le fils se dressant dans le bercrau Mon cher papa si vous voulez savoir enfin Tout ce quont fait les aigrefins Faut me donner un petit peu dargent de poche Larbre dimprimerie eacutetend feuilles et feuilles Qui vous claquent au vent comme des eacutetendards Les journaux ont pousseacute faut bien que tu les cueilles Fais-en de la salade agrave nourrir tes moutards Si vous me donnez cinq cents francs Je ne dis rien de vos affaires Sinon je dis tout je suis franc

Et je compromets pegravere sœurs et fregraveres Jeacutecrirai que vous avez eacutepouseacute Une femme triplement enceinte Je vous compromettrai je dirai Que vous avez voleacute tueacute donneacute sonneacute barbeacute Le mari Bravo voilagrave un maicirctre chanteur Le fils sort du berceau Le fils Mes chers parents en un seul homme Si vous voulez savoir ce qui sest passeacute hier soir Voici Un grand incendie a deacutetruit les chutes du Niagara Le mari Tant pis

Le fils Le beau constructeur Alcindor Masqueacute comme les fantassins Jusquagrave minuit joua du cor Pour un parterre dassassins Et je suis sucircr quil sonne encore Le mari Pourvu que ce ne soit pas dans cette salle Le fils Mais la Princesse de Bergame Epouse demain une dame Simple rencontre de meacutetro Castagnettes Le mari Que mimporte est-ce que je connais ces gens-lagrave Je veux de bonnes informations qui me parlent de mes amis Le fils Il fait remuer un berceau On apprend de Montrouge Que Monsieur Picasso Fait un tableau qui bouge Ainsi que ce berceau Le mari Et vive le pinceau De lami Picasso O mon fils Agrave une autre fois je connais maintenant Suffisamment La journeacutee dhier Le fils Je men vais afin dimaginer celle de demain Le mari Bon voyage

Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

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Exit le fils

Scegravene cinquiegraveme Le peuple de Zanzibar le mari Le mari Celui-ci nest pas reacuteussi Jai envie de le deacutesheacuteriter Agrave ce moment arrivent des radios-pancartes OTTAWA INCENDIE EacuteTABLISSEMENTS J C B stop 20 000 POEgraveMES EN PROSE CONSUMEacuteS stop PREacuteSIDENT ENVOIE CONDOLEacuteANCES ROME H NR M T SS DIRECTEUR VILLA MEacuteDICIS ACHEgraveVE PORTRAIT SS AVIGNON GRAND ARTISTE G RG S BRAQUE VIENT INVENTER PROCEacuteDEacute CULTURE INTENSIVE DES PINCEAUX VANCOUVER RETARDEacute DANS LA TRANSMISSION CHIENS MONSIEUR LEacuteAUTD EN GREacuteVE Le mari Assez assez Quelle fichue ideacutee jai eue de me fier agrave la Presse Je vais ecirctre deacuterangeacute Toute la sainte journeacutee Il faut que ccedila cesse Au meacutegaphone Allocirc allocirc Mademoiselle Je ne suis plus abonneacute au teacuteleacutephone Je me deacutesabonne Sans meacutegaphone Je change de programme pas de bouches inutiles Eacuteconomisons eacuteconomisons Avant tout je vais faire un enfant tailleur Je pourrai bien vecirctu aller en promenade Et neacutetant pas trop mal de ma personne Plaire agrave mainte jolie personne

Scegravene sixiegraveme Les mecircmes le gendarme Le gendarme Il paraicirct que vous en faites de belles Vous avez tenu parole 40 050 enfants en un jour

Vous secouez le pot-de-fleurs Le mari Je menrichis Le gendarme Mais la population Zanzibarienne Affameacutee par ce surcroicirct de bouches agrave nourrir Est en passe de mourir de faim Le mari Donnez-lui des cartes ccedila remplace tout Le gendarme Ougrave se les procure-t-on Le mari Chez la cartomancienne Le gendarme Extra-lucide Le mari Parbleu puisquil sagit de preacutevoyance

Scegravene septiegraveme Les mecircmes la cartomancienne La cartomancienne Elle arrive du fond de la salle Son cracircne est eacuteclaireacute eacutelectriquement Chastes citoyens de Zanzibar me voici Le mari Encore quelquun Je ny suis pour personne La cartomancienne Jai penseacute que vous ne seriez pas facirccheacutes De savoir la bonne aventure Le gendarme Vous nignorez pas Madame Que vous exercez un meacutetier illicite Cest eacutetonnant ce que font les gens Pour ne point travailler Le mari au gendarme Pas de scandale chez moi La cartomancienne agrave un spectateur Vous Monsieur prochainement Vous accoucherez de trois jumeaux Le mari DeacutejAgrave la concurrence Une dame (spectatrice dans la salle) Madame la Cartomancienne Je crois bien quil me trompe

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

  • LES BIOGRAPHIES
  • Œuvres Musicales

Vaisselle casseacutee La cartomancienne Conservez-le dans la marmite norveacutegienne Elle monte sur la scegravene cris denfants accordeacuteon Tiens une couveuse artificielle Le mari Seriez-vous le coiffeur coupez-moi les cheveux La cartomancienne Les demoiselles de New-York Ne cueillent que les mirabelles Ne mangent que du jambon dYork Cest lagrave ce qui les rend si belles Le mari Ma foi les dames de Paris Sont bien plus belles que les autres Si les chats aiment les souris Mesdames nous aimons les vocirctres La cartomancienne Cest-agrave-dire vos sourires T o u s en chœur Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Suffit de sen apercevoir La cartomancienne Chastes citoyens de Zanzibar Qui ne faites plus denfants Sachez que la fortune et la gloire Les forecircts dananas les troupeaux deacuteleacutephants Appartiennent de droit Dans un proche avenir Agrave ceux qui pour les prendre auront fait des enfants Tous les enfants se mettent agrave crier sur la scegravene et dans la salle La cartomancienne fait les cartes qui tombent du plafond Puis les enfants se taisent Vous qui ecirctes si feacutecond Le mari e t Le gendarme Feacutecond feacutecond La cartomancienne au mari Vous deviendrez 10 fois milliardaire Le mari tombe assis par terre

La cartomancienne au gendarme Vous qui ne faites pas denfants Vous mourrez dans la plus affreuse des deacutebines Le gendarme Vous minsultez Au nom de Zanzibar je vous arrecircte La cartomancienne Toucher une femme quelle honte Elle le griffe et leacutetrangle Le mari lui tend une pipe Le mari Eh fumez la pipe Bergegravere Moi je vous jouerai du pipeau Et cependant la Boulangegravere Tous les sept ans changeait de peau La cartomancienne Tous les sept ans elle exagegravere Le mari En attendant je vais vous livrer au commissaire Assassine Theacuteregravese se deacutebarrassant de ses oripeaux de cartomancienne Mon cher mari ne me reconnais-tu pas Le mari Theacuteregravese ou bien Tireacutesias Le gendarme ressuscite Theacuteregravese Tireacutesias se trouve officiellement A la tecircteacute de lArmeacutee agrave la Chambre Agrave lHocirctel de Ville Mais sois tranquille Je ramegravene dans une voiture de deacutemeacutenagement Le piano le violon lassiette au beurre Ainsi que trois dames influentes dont je suis devenu lamant Le gendarme Merci davoir penseacute agrave moi Le mari Mon geacuteneacuteral mon deacuteputeacute Je me trompe Theacuteregravese Te voilagrave plate comme une punaise Theacuteregravese Quimporte viens cueillir la fraise Avec la fleur du bananier Chassons agrave la Zanzibaraise Les eacuteleacutephants et viens reacutegner Sur le grand cœur de ta Theacuteregravese Le mari Theacuteregravese

Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

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Theacuteregravese Quimporte le trocircne ou la tombe Il faut saimer ou je succombe Avant que ce rideau ne tombe Le mari Chegravere Theacuteregravese il ne faut plus Que tu sois plate comme une punaise Il prend dans la maison un bouquet de ballons et un panier de balles En voici tout un stock Theacuteregravese Nous nous en sommes passeacutes lun et lautre Continuons Le mari Cest vrai neacute compliquons pas les choses

Allons plutocirct tremper la soupe Theacuteregravese Elle lacircche les ballons et lance les balles aux spectateurs Envolez-vous oiscaux de ma faiblesse Allez nourrir tous les enfants De la repopulation T o u s en chœur Le peuple de Zanzibar danse en secouant des grelots Et puis chantez matin et soir Grattez-vous si ccedila vous deacutemange Aimez le blanc ou bien le noir Cest bien plus drocircle quand ccedila change Suffit de sen apercevoir Rideau

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