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Grimpe Septembre 2012

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EXPOSÉ

FOUDROYÉ

VAINCRESANS RISQUESÉDITO

PROFIL MATHIEU FONTAINE

TROIS QUESTIONS À...

JEAN-MARC DE LA PLANTE

> numéro 2, septembre 2012

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L’escalade est un sport paradoxal. Certains diront qu’il est devenu très sécuritaire avec les années, avec un meilleur équipement, une formation plus accessible et de bonnes pratiques de plus en plus répandues. Et en parallèle, des grimpeurs recherchent – et ont toujours recherché – le risque, en solo, à faire des blocs de plus en plus hauts, ou des voies difficiles à protéger.

Le fait demeure: l’escalade est, et sera toujours, un sport où il y a un danger inhérent. Il suffit de penser à cette histoire, tirée de la biographie de Lynn Hill: elle ne fait pas correctement son noeud avant de s’élancer dans une voie. Arrivée à la fin, elle s’assoit dans son harnais, et fait une longue chute qui aurait pu lui être mortelle.

Grimper une montagne, des falaises, des pans de glace ou même de larges rochers implique des risques, et tous les grimpeurs devraient en être conscients. Même si la technologie s’améliore, les pratiques deviennent plus sécuritaires, les matelas plus épais, le risque, même amoindri, demeure.

Je me souviens, quand j’ai commencé à grimper, que l’escalade était encore, à cette époque, étiquetée de « sport extrême », au même titre que le bungee, le parachute et d’autres. Il me fallait expliquer en quoi l’escalade n’est pas un sport si extrême et démystifier certains de ses aspects.

Mais cette année, il y a eu nombre important d’accidents, plusieurs morts aussi. Sur l’Everest, sur le Mont-Blanc, plus près de chez nous aussi, dans les Gunks notamment. Méconnaissance, mépris des risques, mauvaise manipulation, on pourrait s’attarder longtemps sur les causes de chacun de ces accidents.

Ils devraient cependant nous rappeler que l’escalade est fondamentalement dangereuse. Des risques qu’on peut choisir, réduire, mais jamais complètement éliminer. Je ne dis pas d’être paranoïaque – mais un grimpeur averti en vaut deux. Et plusieurs grimpeurs avisés peuvent sauver des vies.

Il ne faut pas non plus lésiner sur l’importance de bien connaître les manipulations. Si vous venez de commencer à grimper, assurez-vous d’apprendre de grimpeurs expérimentés en qui vous avez confiance, ou référez-vous à des écoles et des gymnases. C’est à mon avis un investissement intéressant, qui vous mettra en confiance.

Loin de moi l’idée de vouloir paraître moraliste, mais le danger est là, il faut le garder en tête à chacune de vos sorties. Vérifier le noeud de son partenaire, évaluer la route ou la montagne où on s’engage, placer les matelas de sol en fonction d’une chute. Et savoir aussi s’arrêter si le risque n’en vaut pas la chandelle. Ce n’est pas une morale, ce devrait être une habitude de grimpeur.

***

Je profite également de cette occasion pour souligner le travail des collaborateurs du magazine. Leur passion compense pour notre budget modeste, et ils font un sacré boulot. Sans eux, vous ne pourriez pas apprécier ces pages ! Je leur lève donc mon chapeau, parce que je suis content de pouvoir amener notre petite contribution au monde de l’escalade, faire découvrir des gens et des parois qu’on ne connaît pas assez. Un magazine ne saurait cependant vivre sans ses lecteurs, et pendant que nous faisons un numéro, il est toujours difficile de savoir ce qu’en penseront les lecteurs. N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires ou de vos critiques. C’est après tout un peu votre magazine. Bonne lecture – et bonne grimpe!

par David Savoie Rédacteur en chef [email protected]

Ventes et publicités: EscaladeQuebec.com [email protected]

Mise en garde : L’escalade comporte desrisques pouvant causer des blessures ou un décès. Toute information ou tout conseil reçu par le présent magazine ne dispense quiconque d’évaluer lui-même les risques auxquels il peut être exposé. EscaladeQuebec.com recommande d’acquérir les connaissances et l’expérience nécessaires avant de s’aventurer en paroi, en montagne ou sur toute structure verticaale. Vous devez accepter les risques et responsabilités inhérents pouvant survenir lors de la pratique de vos activités.

Tous droits réservés EscaladeQuebec.com : Le contenu de ce magazine ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans le consentement explicite de l’éditeur. Les opinions qui sont exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement la position d’EscaladeQuebec.com.

Édito

Page couverture Illustration : Sophie Dufresne [email protected]

À VAINCRE SANS RISQUES

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chinookaventure.com

AU MOMENT OÙ VOUS LIREZ CES LIGNES, LE NOUVEAU GYMNASE D’ALLEZ-UP DEVRAIT AVOIR OUVERT SES PORTES À MONTRÉAL. AVEC PLUS DE 22 000 PIEDS CARRÉS DE MURS À GRIMPER, IL RIVALISERA AVEC D’AUTRES GRANDS CENTRES D’AMÉRIQUE DU NORD. JEAN-MARC DE LA PLANTE EST LE CERVEAU DERRIÈRE CETTE TRANSFORMATION, ET IL A BEAUCOUP, BEAUCOUP D’IDÉES EN TÊTE...

QUE PEUX-TU NOUS DIRE SUR LE NOUVEAU ALLEZ-UP ?

En tout, nous allons avoir plus de 22 000 pieds carrés de murs à grimper, et les murs sont faits d’une telle façon qu’on pourrait changer l’angle si on le voulait. Tu pourrais quasiment faire un mur de 45 degrés à partir d’un mur vertical si on le veut. L’éclairage a été un élément important de notre travail avec les architectes, pour avoir un éclairage plus naturel. On a peint les murs en blanc et gris pour que les prises ressortent beaucoup, et en plus, c’est beaucoup plus clair. Je pense que ç’a toujours été quelque chose que les gens

appréciaient de l’ancien Allez Up, les grandes fenêtres. Tu ne sens pas que c’est renfermé. Il y a un espace à l’extérieur où nous allons bâtir des murs d’escalade et des stations d’entraînement un peu à la « crossfit ». Ça rajoute vraiment à l’expérience client. Ce que j’ai voulu faire, c’est de bâtir un gymnase où il y a tout ce que j’aime et les activités autour de l’escalade. On a voulu faire des choses qui feraient « tripper » nos clients. Sur le toit, on va bâtir une terrasse qui va pouvoir accueillir plus de 400 personnes, et je veux construire des parois d’escalade à l’extérieur du silo. Du côté de l’escalade, il y a beaucoup de choses que tu peux faire qui ne sont pas traditionnelles mais qui respectent la nature de ce qu’on aime de l’escalade, le mouvement et le côté plus sportif. Avec notre salle de yoga, le but, c’est d’offrir une activité abordable, pour les grimpeurs n’aient pas besoin d’aller chercher un abonnement dans une salle de yoga. L’idée, c’est qu’on en donne assez ici pour qu’avec un seul abonnement, ils puissent faire tout ce dont ils ont besoin. C’est notre version des mégagyms américains, mais sans les machines. On a l’ambition de faire passer nos clients de 5.7 à 5.12, les guider à travers ça. Ce qui m’intéresse, c’est le cheminement de ces gens-là.

TROIS QUESTIONS

@ Jean-Marc de la Plante

JEAN-MARC DE LA PLANTE AU NOUVEAU ALLEZ-UP

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Moi, ce que je veux offrir comme service, c’est la communauté des grimpeurs, plus que juste un pan de mur. Tu vas venir ici, tu vas rencontrer des gens, tu vas avoir le goût de t’améliorer en escalade.

EST-CE QU’UN INVESTISSEMENT FINANCIER COMME CELUI-LÀ EST UN RISQUE ?

(Il réfléchit un moment.) Non. Je ne pense pas. On a une belle entreprise qui roule depuis longtemps, on a fait nos preuves. Pour nous, ce projet-là n’est pas risqué. Comme le marché se développe, tu ne peux pas être tout pour tout le monde. Ici, on ne voulait pas mettre de circuit aérien, parce qu’on s’est dit: ‘on veut être le gym qui se concentre sur le sport de l’escalade et la communauté de l’escalade’. On essaie quelque chose de complètement inhabituel. On va voir ce que ça donne.

C’est un investissement important pour un gymnase d’escalade. Y’a pleins d’éléments qui ont été pensés pour le futur. On a pas tout l’argent du monde en ce moment, mais on a six phases à ce projet-là. C’est un peu ce que je me suis dit en ouvrant ce gym-là: qu’est-ce qu’on peut faire pour être les meilleurs. L’ouverture du gymnase en septembre, c’est seulement la première phase. On a des grandes idées pour le site. On a engagé Dung (Nguyen), le coach de l’équipe junior canadienne. On a voulu faire une équipe de rêve, avec l’objectif d’ouvrir d’autres « succursales ». Je pense qu’on a une bonne marque de commerce, et qu’on a un potentiel de réussir si on ouvre d’autres endroits. Le but, ce serait d’ouvrir deux autres succursales dans la grande région de Montréal. À Boulder, au Colorado, ils ont six gyms pour 200 000 personnes. La réalité, c’est

que les gens ne vont pas voyager tant que ça pour faire de l’escalade. Si tu ouvres un gym près de chez, tu t’ouvres à un autre bassin de clients. Le but, ce serait d’avoir une passe multigym à Montréal. Un exemple, c’est Touchstone, à San Francisco, je pense qu’ils ont neuf centres. Le Canada est toujours quatre ou cinq ans en retard, mais ça s’en vient.

À QUOI RESSEMBLERONT LES GYMNASES DU FUTUR ?

On s’est inspiré de ce qui se fait aux États-Unis, où il y a des salles d’entraînement juste à côté du gym d’escalade.

À Vancouver, ils ont construit un énorme gym, avec une grande porte de garage qui s’ouvre. C’est en plein milieu de nulle part, mais c’est conçu pour accueillir des Coupes du monde. Tu pourrais avoir 6000 personnes qui regardent l’événement. J’entends parler de beaucoup de projets, ici à Montréal, à Toronto. Je pense qu’on va voir apparaître beaucoup de gyms au pays, je pense que le nombre de gyms va doubler ou tripler d’ici cinq ans au Canada. C’est super bon pour notre sport. Nous aussi, on a des projets de développements, mais ce qui va être important, c’est que les gymnases se spécialisent et le « branding » va devenir de plus en plus important. Au fur et à mesure que les gyms s’ouvrent, ça va être important que les gens se situent dans le marché. Quelle est la clientèle, etc. Le sport est en gros boom. Pour le moment, c’est facile d’ouvrir un gym d’escalade. Mais quand il va y avoir huit gyms d’escalade à Montréal, ceux qui ne sont pas excellents ne vont pas survivre. La clientèle sait ce qu’elle veut.

par David Savoie

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Demandez à l’entraîneur

La douleur à l’épicondyle médial du coude (la partie du coude près du corps lorsque les paumes sont vers l’avant) est une condition très présente chez les grimpeurs. Communément appelé le coude du golfeur, cette problématique est une inflammation de la jonction ostéotendineuse de plusieurs muscles de l’avant-bras. Le tendon commun regroupe des muscles qui jouent divers rôles: les fléchisseurs superficiels des doigts, les fléchisseurs ulnaire et radial du carpe (poignet), le long palmaire et le rond pronateur. Ces muscles servent respectivement à fermer les doigts, stabiliser et bouger le poignet, tendre les fascias de la main et faire la pronation de l’avant-bras. La pronation consiste en faire passer la paume de la main face vers le haut à la paume de la main face vers le bas. La supination est le mouvement inverse.

Plusieurs facteurs contribuent à l’apparition du coude du grimpeur, mais on croit souvent à tort que c’est un manque de flexibilité qui provoque la problématique, alors qu’en fait, c’est un manque de force qui est la cause principale.

Lors d’une prise traditionnelle sur une réglette, les fléchisseurs des doigts résistent l’ouverture de la main et les fléchisseurs du carpe stabilisent le poignet afin de rigidifier tout l’avant-bras. De plus, lorsque l’on se tire sur la prise, le biceps et le muscle brachial participent à la flexion du coude. Le brachial travaille bien en position de pronation et n’induit pas de contrainte biomécanique au niveau du coude. À l’inverse, le biceps est

efficace en position de supination et par sa puissance, il induit conséquemment cette supination à l’avant-bras, ce qui fait glisser la main de la prise. Le rond pronateur doit donc compenser cette contrainte biomécanique afin d’assurer une position en pronation. Cependant, il augmente également la tension sur le tendon commun (ça fait beaucoup de tension sur 1 cm2 d’os!)

La première étape du rétablissement du coude du grimpeur est le repos, afin de diminuer l’inflammation et les étirements pour retrouver une amplitude de mouvement normale. Une fois la phase aiguë terminée, une guérison complète nécessite absolument un programme d’entrainement. L’augmentation de la force et de l’endurance des muscles impliqués leur permet de travailler dans une zone plus confortable. Ainsi, lors d’une session intensive, les microtraumatismes et l’inflammation sont minimisés. Un renforcement du rond pronateur, des stabilisateurs du carpe (extenseurs et fléchisseurs) et du brachial permet une biomécanique plus équilibrée et prévient l’apparition du coude du grimpeur. Si une douleur est incapacitante, est accompagnée d’autres symptômes ou ne s’améliore pas après une semaine, consulter votre docteur en chiropratique.

par Dr Guillaume Gelderblom DC, chiropraticien facebook.com/chiroguillaume

en collaboration avec Dre Sophie Lecuyer DC, chiropraticienne au Centre de Santé Chiropratique de Ste-Julie

Les conseils du doc LE COUDE DU GRIMPEUR

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DIRE QU’UN GRIMPEUR DOIT POSSÉDER DE BONS DOIGTS, REVIENT AU MÊME QUE DE DIRE QU’UN COUREUR À BESOIN DE BONNES JAMBES: C’EST UNE ÉVIDENCE ! PAR CONTRE, NOUS NE SOMMES PAS TOUS DES USAIN BOLT ! ENTRAÎNER SES DOIGTS DEMANDE UNE BONNE DOSE DE RÉALISME ET UNE CERTAINE CAPACITÉ À APPRÉCIER LA DOULEUR.

Première étape: il faut faire un bilan de ses capacités et de ce que l’on veut cibler comme style de grimpe. Peter Croft et Daniel Woods ne s’entraînent pas de la même manière. Il est donc primordial de bien identifier le style d’escalade que vous préconisez, que ce soit le bloc, les voies sportives ou les longues voies sur protections naturelles. Dans un deuxième temps, il faut établir votre niveau de grimpe. Pour simplifier la chose, nous diviserons en trois catégories les grimpeurs, soit : débutant (grimpeur de 5.9 et moins) ; intermédiaire (jusqu’à 5.12), et avancé (5.13 et plus).

À raison de décevoir plusieurs grimpeurs, celui qui commence à grimper n’a aucun besoin d’entraîner ses doigts. Le maximum de gain peut être atteint en faisant de l’escalade. Grimpez au maximum, le plus souvent possible, votre corps doit d’abord s’adapter à un mode de vie vertical, les doigts vont suivre et vous pourrez songer à les entraîner plus tard, quand vous atteindrez un plateau.Pour les grimpeurs intermédiaires et avancés, voici un exemple de programme pouvant être fait sur une poutre.

GRIMPEUR INTERMÉDIAIRE, POUR LE BLOC :

L’exercice le plus rudimentaire et le plus prolifique que l’on peut faire se nomme « repeaters ».

Celui-ci consiste à faire des suspensions répétées sur un même type de prise pour une même série et par la suite changer de type de prise. Exemple d’entraînement :

1. Échauffement : corde à danser pendant 5 minutes, grimpe légère pendant 20 minutes, étirement balistique.

2. « repeaters »à 4 doigts : sur la poutre, choisir une prise que l’on peut tenir pendant 7 secondes, effectuer la suspension pendant 7 secondes, prendre 7 secondes de pause et recommencer 5 fois. Prendre 3 minutes de pause et changer de type de prise. Faites l’exercice pour 3 types de prises au maximum.

3. Grimpe, mais faites attention à vos doigts, ils seront fatigués.

Notez bien qu’il ne faut jamais finir une séance d’entraînement par un entraînement pour les doigts.

La différence entre ce programme pour un grimpeur de voies et un grimpeur de blocs est simple. Le temps de suspension serait plus long pour le grimpeur de voies. Le grimpeur de voies pourrait faire la suspension jusqu’à 10 secondes. Évidemment, les prises seront aussi plus grosses. Pour les grimpeurs avancés, elles seront. (beaucoup) plus petite, selon ce qui est recherché. Il est à noter que ce programme ne doit pas être fait pendant plus de 6 semaines. Au-delà, les risques de blessures augmentent, en raison du stress auquel vous soumettez vos doigts.

Pour les grimpeurs très avancés qui ne trouveraient ce programme pas assez stimulant et fatigant, il y a la possibilité de le faire en n’utilisant que 3 doigts et d’alterner entre les trois premiers à partir du pouce et les trois derniers à partir de l’auriculaire, mais attention, pour grimpeurs expérimentés en entraînement seulement !

Bonne grimpe.

par Guillaume Raymond

DÉVELOPPER DES DOIGTS

D’ACIER

Crédit photo : Adam Nott

Demandez à l’entraîneur

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Sécurité >

L’ESCALADE A FAUCHÉ PLUSIEURS VIES CETTE ANNÉE, ICI COMME AILLEURS. PARADOXALEMENT, LA PRATIQUE N’A JAMAIS ÉTÉ AUSSI SÉCURITAIRE DU POINT DE VUE TECHNIQUE. PRÈS DE 80 ANS APRÈS L’OUVERTURE DE LA PREMIÈRE VOIE D’ESCALADE AU QUÉBEC, OÙ EN EST LA SÉCURITÉ DANS NOTRE SPORT ? GRIMPE VOUS PROPOSE UN DOSSIER SUR LE SUJET.

OÙ EN EST LA SÉCURITÉ ?

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Illustration : Sophie Dufresne [email protected]

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Les chiffres permettent de bien aborder l’aspect de la sécurité en escalade au Québec. Selon des données provenant du coroner sur

la mortalité associée aux activités récréatives et sportives, entre 1990 et 2005, il y a eu 13 décès liés à la pratique de l’alpinisme ou de l’escalade. Cela représente 0,5 % des accidents mortels pour cette période. En comparaison, durant le même laps de temps, la baignade a causé 627 décès, soit un peu plus de 22 % des accidents.

De son côté, l’American Alpine Club tient des statistiques sur les accidents qui surviennent chaque année dans un document baptisé « Accidents in North American Mountaineering ». Aux États-Unis, pour l’année 2006 – les dernières données accessibles – il y a eu 109 accidents rapportés, dont 21 décès, ce qui en fait une des années les moins meurtrières. La majorité des accidents se sont produits sur le rocher et étaient attribuables à des chutes ou des grimpeurs qui ont glissé.

Jusqu’à maintenant, cette année, il y a eu trois décès en escalade au Québec. Hormis ces décès, généralement très médiatisés, de nombreux accidents ne sont pas rapportés. Jambes fracturées, chevilles foulées et autres blessures du même acabit ne sont souvent pas comptabilisées.

« C’est assez inhabituel », constate Charles Laliberté, guide au Québec depuis 1978. Breveté à la fois chez la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME) et chez l’École Nationale d’Escalade du Québec (ENEQ), le guide en a vu des parois et des grimpeurs. Selon lui, un des gros problèmes à l’heure actuelle, c’est le manque de jugement des grimpeurs. Et une formation avec un détenteur de brevet est une des meilleures façons de développer ce jugement, selon lui. « Se faire former par quelqu’un qui est breveté n’est pas la seule avenue », dit-il, « tu peux te faire former par parrainage. Mais qui a formé cette personne-là ? Est-ce quelqu’un qui sort d’un gymnase qui a décidé de grimper et qui par essai-erreur est parvenu à la bonne chose ? On ne le sait pas. C’est clair qu’il peut y avoir de l’amélioration à ce chapitre-là. »

La transition entre la grimpe à l’intérieur et celle à l’extérieur y serait également pour quelque chose, dit-il. « Les gens qui arrivent des gyms ont grimpé dans un milieu aseptisé pendant tellement longtemps, ça peut être plus difficile de voir les dangers qui peuvent se présenter à l’extérieur, autant objectif que subjectif », souligne le guide.

En 2005, une enquête de la coroner Catherine Rudel-Tessier sur la mort d’un grimpeur au mont Orford, en Estrie, et de deux autres à cap Trinité, au Saguenay, avait recommandé que la formation des alpinistes soit améliorée et que les gestionnaires de sites d’escalade se préoccupent davantage de la sécurité des adeptes de ce sport. Dans un document du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, « la participante ou le participant doit s’assurer de la qualité de la formation qui lui est offerte. Celle-ci doit être confiée à des intervenantes ou à des intervenants titulaires d’un brevet reconnu par la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME). »

En 2011, d’après les chiffres de la FQME, il y a environ 400 personnes qui ont obtenu un brevet, et la majorité sont des nouveaux détenteurs du brevet.

Par contre, Charles Laliberté parle d’une bonne nouvelle dans le domaine des formations à l’autosauvetage. Il constate une augmentation du nombre de personnes qui suivent des formations en la matière, et la présence de plusieurs clubs en région semble faire progresser la tenue de ce genre d’atelier.

Pour Éric Lachance, responsable de la formation et de la sécurité à la FQME, la sécurité s’est beaucoup améliorée sur les sites québécois. « De plus en plus, je vois des gens qui portent des casques. C’est significatif, parce que cela veut dire que les gens sont sensibilisés aux risques. »

À son avis, il y a encore la mauvaise habitude d’apprendre avec un autre grimpeur – dont on ne connaît pas les véritables aptitudes – mais cette habitude se perd graduellement. Tous les gymnases offrent des formations pour assurer, les gens sont de plus en plus compétents. Mais un nombre plus élevé de gens qui pratiquent l’escalade ne se traduiront pas par plus d’accidents, dit Éric Lachance.

Ironiquement, c’est en bloc qu’il considère que la situation est plus préoccupante. Selon lui, les gens qui font du bloc à l’intérieur sous-estiment les dangers lorsqu’ils sortent à l’extérieur. Les gens ne savent pas toujours bien parer les grimpeurs, parce qu’à l’intérieur, ils n’ont pas besoin de le faire, dit-il.

Éric Lachance rappelle aussi l’importance de bien prévoir ses sorties, en ne perdant pas de vue l’aspect de la sécurité. Même à une paroi accessible, il faudrait que les grimpeurs sachent comment faire l’évacuation et vérifier la réception de leurs téléphones portables.

EN HAUTE MONTAGNE

Même si le Québec n’a pas de « hautes montagnes » à proprement parler, plusieurs grimpeurs écument les régions du monde pour tenter de gravir les sommets. Et ceux-là sont généralement assez expérimentés pour ce qu’ils tentent de faire, dit Louis Rousseau, un vétéran de l’alpinisme au Pakistan. Selon ses observations, les gens qui se retrouvent au camp de base d’une montagne – surtout les sommets éloignés – ont l’expérience nécessaire, sont conscients des risques et savent dans quoi ils s’engagent. L’alpiniste souligne l’importance de la communication pour assurer la sécurité des grimpeurs. « Les choses peuvent rapidement dégénérer dans notre sport », explique-t-il, et de la planification avant de grimper – ou de s’engager sur une montagne – permet de réduire les problèmes par la suite.

Une des seules montagnes qui échappe à cette règle, c’est l’Everest, où il y a eu plusieurs morts lors de la dernière saison. La CBC a mené une enquête sur le décès d’une alpiniste canadienne, Shriya Shah-Klorfine, morte à l’âge de 33 ans le printemps dernier. Selon les sources de la CBC, la grimpeuse a notamment eu recours aux services d’une compagnie de guide peu connue. Et malgré les avertissements de plusieurs personnes, elle aurait choisi de tenter de se rendre au sommet, ce qui serait une des explications de son décès.

Michael Koehle, de la Vancouver Altitude Medecine Clinic, est un chercheur qui s’intéresse au mal des montagnes aigu. Son travail l’amène à suivre ce qui se passe sur différents sommets de la planète. « Je m’inquiète du sensationnalisme autour des montagnes comme l’Everest. Vous regardez les taux de mortalité et c’est clair qu’il y a déjà un problème. Ce sont des risques qu’on ne doit pas prendre à la légère et qui ne doivent pas être pris par ceux qui sont mal préparés. »

À sa dernière tentative de grimper le Gasherbrum, Louis Rousseau a survécu à une avalanche et durant la dernière année, il a aussi perdu des bons amis sur la montagne. Ces événements lui ont permis de comprendre les véritables dangers que pose l’alpinisme.

« Les accidents sont en fait une série d’étapes », illustre-t-il. Pour prévenir les accidents, l’idée, selon lui, est de songer à toutes les conséquences de chacun des gestes posés et d’être capable de penser à ce qu’ils signifient en aval. L’expérience permet de développer cette capacité d’anticipation, mais la seule façon de gagner cette expérience, c’est de grimper davantage.

par David Savoie

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AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES, DE NOUVELLES FIBRES SONT APPARUES POUR LA CONFECTION DE CORDELETTES, DE SANGLE ET DE DÉGAINES. PAUL LAPERRIÈRE, EXPERT EN LA MATIÈRE, S’EST PENCHÉ SUR LE SUJET, ET DÉBOULONNE QUELQUES MYTHES AU PASSAGE.

La plupart de ces nouvelles fibres ont été conçues pour des usages dans des domaines autres que l’escalade, et au fil des ans, avec leur utilisation intensive, il est apparu que certaines utilisations pouvaient être problématiques. Et plusieurs histoires ont commencé à circuler à leur sujet.

Chacune a des propriétés différentes. Certaines de ces propriétés sont intéressantes, mais d’autres peuvent être très néfastes, selon l’usage que l’on en fait. Plusieurs facteurs sont à considérer pour avoir une sangle ou une cordelette optimale. Il n’y a pas encore de fibres qui répondent bien à tous les facteurs suivant: résistance à la traction (brin simple), élongation, perte de résistance avec un nœud, résistance après flexion, résistance à la chaleur, fatigue, poids, volume et coût.

Les produits finis sont généralement composés de plus d’une fibre, mais une d’entre elles sert souvent à protéger la seconde. Voici un bref résumé des matériaux disponibles ainsi que leurs caractéristiques.

KEVLAR : Une des premières fibres à très haute résistance (aramide). Très haute résistance à la traction et une très faible élongation. Elle a un point de fusion très haut (500 degrés Celsius). Par contre, cette fibre se fatigue très rapidement. Les fibres s’usent par le frottement entre elles et il est très difficile d’évaluer la résistance résiduelle dès qu’elles sont utilisées. Cette fibre perd rapidement de la résistance dès qu’il y a plusieurs flexions. Elle peut perdre près de 30% avec un nœud et un autre 40% après plusieurs cycles de flexions.

TECHNORA : C’est une fibre (aramide) similaire au kevlar, mais qui se fatigue moins vite. Haute résistance à la traction et point de fusion élevé. Par contre elle peut perdre jusqu’à 60% de résistance lorsque l’on fait un nœud en huit sur la cordelette. De plus, elle perd quand même beaucoup de résistance après plusieurs cycles de flexions.

SPECTRA : Le Spectra (ou Dyneema) est très populaire pour les sangles et les dégaines La fibre de polyéthylène haute densité est 2 fois plus forte que l’acier pour 1/10 de la densité. Plus difficile à couper que le nylon, elle absorbe moins l’eau, est plus résistante aux UV et aux attaques chimiques. Haute résistance à la traction et élongation faible. Mais cette fibre peut perdre jusqu’à 50% et plus de sa résistance dès que l’on fait un nœud. La fibre est extrêmement glissante. Si on fait un nœud de pêcheur double sur une cordelette en Spectra, le nœud risque de se défaire parce que la fibre est trop glissante. Il faut absolument fait un pêcheur triple. Autre problème, le point de fusion de cette fibre a un point de fusion très bas (147 degrés Celsius). Il ne faut pas l’utiliser pour les nœuds autobloquants.

Nylon : Le nylon est la plus connue des fibres (polyamide), la moins coûteuse et la plus disponible. Elle a la résistance à la traction la plus faible si on la compare aux autres fibres. Elle a une élongation plus élevée, ce qui est un avantage pour l’escalade. La force de choc est plus basse. Ce qui est très intéressant avec le nylon, c’est qu’il y a peu de perte lorsque l’on fait un nœud. Même si sa résistance à la traction est plus basse, dès que l’on fait un nœud, elle est plus résistante que le Spectra. Elle tolère les cycles de flexions sans perdre de résistance. Pour un nœud autobloquant, le nylon résiste mieux à la chaleur que le Spectra.

En regardant les différentes caractéristiques des différentes fibres, on peut voir qu’il y en a certaines qui sont intéressantes, mais pour des usages différents.

PRENEZ-VOUS LES BONNES FIBRES ?

Sécurité >

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POUR RÉALISER UN RELAIS :

Il est intéressant de voir que certaines fibres, qui ont des résistances à la traction très élevées, soient beaucoup plus faibles dès que l’on fait un nœud (jusqu’à 60% de perte). De plus, certaines de ces fibres perdent rapidement de la résistance aux manipulations et aux flexions. Pour avoir le maximum de résistance avec un pourcentage plus élevé d’élongation, le nylon devient le choix le plus intéressant. Il y a peu de perte de résistance quand il y a un noeud et il ne perd pas de résistance avec des flexions.

Pour ces raisons, que ce soit pour une sangle ou une cordelette, le nylon demeure un choix privilégié.

POUR LES SANGLES ET LES DÉGAINES :

Lorsque l’on parle de dégaine et de sangle (cousues), le Spectra devient un choix intéressant. Les dégaines et

les sangles sont plus légères pour une résistance équivalente que celles en nylon. Le nylon est plus volumineux et un peu plus lourd (on parle de grammes cependant).

Le peu d’élongation que la sangle en Spectra possède est compensé par le fait que le grimpeur est attaché sur la corde et c’est celle-ci qui absorbera une bonne partie de l’impact. Cependant, on ne doit jamais faire de nœud sur les sangles en Spectra et on ne doit jamais s’autoassurer sur une sangle ou une dégaine en paroi.

AUTO ASSURAGE :

Dès qu’il est question de s’auto assurer sur un relais, de se longer sur un ancrage en paroi, le choix de la sangle ou de la cordelette peut devenir dramatique. Toutes les fibres à très haute résistance comme le Spectra (Dyneema) ont une très faible élongation ce qui peut donner des forces de choc très élevées (au-delà de 20 Kn) sur une chute relativement petite. Au-dessus de 10Kn, une force de choc peut causer des blessures internes.

Lors d’essais chez DMM, une chute de facteur 1 sur sangle (Dynnema) de 60cm (donc une chute de 60cm) avec un poids de 80Kg, pouvait développer une force de choc de 16.7 Kn. Blessure assurée.

La même chute de facteur 1 sur une sangle de 60 cm avec un nœud dans la sangle et la sangle de 22kn cédait à seulement 10.2 Kn.

Imaginez avec une sangle de 120cm et des chutes de facteur 1 ou 2

Le problème majeur avec les sangles en Spectra (Dyneema), les « daisy chain » (Spectra) et autres fibres à faible élongation, c’est que ces fibres ont une élongation minime. Donc la force de choc est directement transmise, au grimpeur, aux ancrages, aux mousquetons. Il y a risque de bris de matériel ou de blessures internes pour le grimpeur. Ce type de sangle peut s’avérer extrêmement dangereux dès que l’on a risque de chute, si minime

soit-elle. On doit absolument rester en tension, n’avoir aucun mou sur la sangle. On ne devrait jamais s’auto -assurer avec ce type de sangle dès qu’il y a risque de chute. Même si la sangle ne cède pas, la force de choc est assez élevée pour faire des dommages ou des blessures. Il faut éviter tout nœud dans ce type de sangle.

Se longer ou se « clipper » sur une sangle dans une voie pour se reposer n’est pas une bonne idée surtout lorsque l’on veut voir plus haut et qu’on se sert de la sangle pour se tirer au-dessus de l’ancrage. En cas de chute, la force de choc peut être assez sévère et infliger des blessures au grimpeur.

Pour ce qui est des « daisy chain », la plupart sont actuellement en Spectra (Dynnema) et les précautions sont les mêmes.

Avec une sangle en nylon, la force de choc est moins élevée, mais suffisamment importante pour blesser le grimpeur. On doit aussi éviter les nœuds sur la sangle.

Une solution valable pour l’autoassurage est la longe faite avec de la corde dynamique (8mm) ou encore mieux, utiliser la dynaconnexion (Béal) qui est une longe dynamique qui respecte la norme de 22Kn et qui est conçue pour ce type d’usage. Ces deux systèmes sont dynamiques et permettent d’absorber une partie de l’énergie lors d’un impact. Cependant, il est conseillé de ne pas se retrouver en situation de chute de facteur 2. Il est important de lire la notice du fabricant.

Un autre moyen de protection au relais est de s’auto assurer avec la corde d’escalade qui elle est dynamique.

par Paul Laperrière

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LE 4 JUILLET DERNIER, NOUS APPRENIONS PAR LE BIAIS DES MÉDIAS LE DÉCÈS DE JEAN-PHILIPPE DION, 21 ANS, FOUDROYÉ ALORS QU’IL GRIMPAIT UNE PAROI DANS LA VALLÉE DE PORTNEUF. LES MÉDIAS DE MASSE ONT RAPPORTÉ LA VERSION OFFICIELLE, PROBABLEMENT DONNÉE PAR UN PORTE-PAROLE DE LA SURETÉ DU QUÉBEC, SANS TROP SE SOUCIER DE CE QUI S’ÉTAIT RÉELLEMENT DÉROULÉ. JEAN-DANIEL LABONTÉ, SON PARTENAIRE DE CORDÉE, A ACCEPTÉ DE ME DONNER UNE ENTREVUE AFIN QUE LA COMMUNAUTÉ SACHE TOUS LES DÉTAILS ET NE SUPPOSE PAS DES ÉVÈNEMENTS. VOICI LA CHRONOLOGIE D’UNE TERRIBLE MALCHANCE.

Jean-Philippe Dion et son partenaire, Jean-Daniel Labonté, avaient comme projet d’ouvrir une nouvelle voie multi-longueurs en « sport ». Las des voies existantes dans la région de Québec, ils ont parcouru les chemins éloignés de la Vallée Bras-du-Nord, aux limites de la zec Batiscan-Nelson, afin d’y trouver une paroi digne d’assouvir leur désir. La falaise avait été dénichée quelques semaines auparavant et ils avaient déjà entrepris l’ouverture de leur voie. « On a ouvert la paroi en trad et, ce jour-là, on était retourné pour la finaliser », relate Jean-Daniel.

Le duo était arrivé le 3 juillet, vers 23h et avait planté leur tente afin de débuter tôt le lendemain. La nuit donna lieu à des bonnes averses qui cessèrent vers 10h du matin. Comme la température semblait plus clémente, ils se mirent en route afin de grimper leur voie et continuer d’y équiper les relais. «J’étais en haut, à la fin du deuxième pitch, quand on a entendu des orages au loin. Lorsque la pluie a débuté, on a commencé à redescendre», me raconte Jean-Daniel. « Vers 16h, il s’est mis à pleuvoir très fort et Jean-Philippe est descendu au sol rapidement ». Jean-Daniel entreprend alors le

second et dernier rappel pendant que son compagnon l’attend en bas. Point à noter, contrairement à ce qui a été véhiculé dans les médias, Jean-Philippe n’est donc jamais tombé dans une crevasse ou un ravin. Arrivé à mi-corde, Jean-Daniel entend la foudre qui s’abat et il est alors éjecté violement de la paroi. « Je pensais que j’étais mort. Ça bourdonnait dans mes oreilles et y’avait un drôle de silence. J’ai constaté que j’étais bien vivant et je suis descendu rapidement pour retrouver Jean-Philippe ».

Une fois au sol, Jean-Daniel aperçoit son ami inanimé dans les buissons. Il le soulève afin de comprendre ce qui se passe et il croit l’entendre respirer. « C’est là que j’ai compris que ce n’est pas moi qui avait été frappé, mais bien Jean-Philippe. J’ai pris son pouls et j’ai cru qu’il était vivant, mais je me suis rendu compte que c’était le mien que je sentais au bout de mes doigts ». Le son qu’il avait émis n’était en fait que ses poumons qui se vidaient d’air. Jean-Daniel a alors effectué des manœuvres de réanimation. Au bout d’une vingtaine de minutes, il doit se rendre à l’évidence que son compagnon est décédé et qu’il ne peut plus rien pour lui. « On avait laissé nos cellulaires dans l’auto, car dans la vallée y’a aucun signal. Même si j’avais pu rejoindre des secours, la foudre avait été fatale. »

Il est maintenant environ 17h et Jean-Daniel entreprend de contacter les autorités afin de les aviser de la tragédie. Deux choix s’offrent à lui : aller plus au sud jusqu’à ce que les ondes cellulaires reprennent, ou monter un peu plus au nord à la guérite de la zec Bastican-Nelson. Il choisira cette option. Il informe les gens de la Sureté du Québec qu’un hélicoptère sera nécessaire afin de redescendre le corps, ce à quoi la SQ ne semble pas très favorable. Il faut savoir que le bas de la paroi est reculé et accessible qu’après 1h de « scrambling ».

Vers 18h30, la police arrive enfin pour constater qu’effectivement un hélico sera nécessaire à l’évacuation du corps de Jean-Philippe. Chose qui ne sera faite que le lendemain dû à l’heure déjà tardive.

Les médias ont parlé d’un accident d’escalade, alors qu’en fait Jean-Philippe était au sol et attendait son compagnon. C’est d’avantage un « Act of God » qu’un quelconque accident. « On a vraiment, mais vraiment pas été chanceux », s’étonne Jean-Daniel. « J’ai continué à grimper car je pourrais me faire frapper par la foudre n’importe où! »

La voie est encore en cours d’ouverture et une fois complétée, Jean-Daniel, la famille de Jean-Philippe et certains proches comptent installer une plaque en l’honneur du défunt au pied de la voie.

par Ian Bergeron

Exposé >

« JE PENSAIS QUE J’ÉTAIS MORT. ÇA BOURDONNAIT DANS MES OREILLES ET Y’AVAIT UN DRÔLE DE SILENCE. »

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C’est au Saguenay qu’on peut retrouver cette superbe ligne, plus précisément sur la rive nord de Chicoutimi. La fissure se trouve dans la portion du Parapluie, secteur de la Croix. Il faut d’abord passer par un petit surplomb avant de se retrouver dans la fissure déversante. La première ascension a été réalisée par Louis Babin, Hubert Morin et Mario Bilodeau, en 1989. On voit ici Nathalie Malo, qui est passé à un cheveu d’enchaîner la voie à vue, rien de moins ! Paraîtrait que ce petit (!) coin du Saguenay offre aussi plusieurs autres classiques, et même du bloc...

par David Savoie

Portrait d’rocher

Crédit photo : Jasmin Beaulieu

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IL FIGURE PARMI LES MEILLEURS GRIMPEURS EN ESCALADE SPORTIVE AU QUÉBEC. IL Y A MOINS D’UN AN, IL ENCHAÎNAIT CE QUI SONT PEUT-ÊTRE LES VOIES LES PLUS DIFFICILES DE LA PROVINCE, AUJOURD’HUI, IL TÂTE À PEINE LA ROCHE. MATHIEU FONTAINE HIBERNE.

Le jeune homme parle de sa nouvelle maison, située près du Pinnacle, en Estrie. Il a encore plusieurs travaux à y faire, et il a hâte d’en avoir fini avec tout ça. Après, il songe à se construire un mur intérieur. C’est un des signes que les choses ont beaucoup changés pour lui dans la dernière année. Douze mois auparavant, il avait passé une partie de son été dans une tente, à grimper et méditer. Aujourd’hui, il travaille à temps plein, s’occupe de sa demeure et prend du temps avec sa femme. « Quand je finis de travailler, je suis trop fatigué pour grimper », explique-t-il. Il n’a grimpé qu’une fois ou deux durant l’été, dit-il. « L’escalade, ce n’est pas fini dans ma vie, c’est juste un ralentissement. »

La fermeture d’une paroi qu’il avait équipée et où il multipliait les projets y est pour beaucoup dans cette trêve d’escalade. Mathieu fréquentait le pan de roche depuis de nombreuses années, et il y avait encore des lignes à faire, selon lui. Pour le moment, l’accès est en négociation, et le grimpeur doit patienter. C’était le dernier endroit où il y avait encore des défis pour lui: à quelques exceptions près, Mathieu Fontaine a soit ouvert ou répété toutes les autres voies de l’Estrie.

Il est du genre généreux, et il paraît nonchalant. Lorsque vous le rencontrez à la paroi, il se dore souvent au soleil en faisant des blagues. S’il paraît détendu et nonchalant lorsqu’il ne grimpe pas, dès qu’il s’élance sur la roche, c’est une tout autre histoire. Il est un spécimen unique en son genre. Il serre la mâchoire et grogne en tirant sur toutes les prises qui se trouvent sur son passage. Sa vitesse est étonnante et son endurance paraît sans limites. Si ses proches le décrivent physiquement comme une « machine », le plus frappant demeure sa détermination.

« Mathieu a défriché le terrain au Québec, en établissant des lignes très dures », dit Mikaël Fortin, un ami de longue date. « Quand il a un projet en tête, il est très concentré et il est prêt à mettre énormément de travail là-dedans. »

Une attitude contagieuse, selon son ami. « Il a une puissance physique exceptionnelle, mais il a aussi une compréhension intuitive de l’escalade. »

On doit au grimpeur de 35 ans un nombre important de voies aux cotes solides un partout dans la province. Il a donné au Québec sa première 5.14, avec « Prémutation » à La Pocatière. C’était il y a plus de 10 ans déjà, et depuis, il n’a pas cessé d’en faire. À en croire sa carte 8a, il a plus d’une trentaine de voies de plus de 5.14a au compteur. L’année passée, le jeune homme a grimpé plus fort que jamais, en enchaînant deux 5.14c – qu’il qualifie de très difficiles. C’est sans compter la répétition de nombreuses voies un peu partout au Québec, et même dans le nord-est des États-Unis.

Il a enchaîné beaucoup de voies, mais il en aussi équipé un très grand nombre. Déjà, le grimpeur s’est promené d’une paroi à l’autre pour y ouvrir de nouvelles voies, la plupart du temps dans de la haute voltige de l’escalade sportive. De nombreuses lignes portent sa marque en Estrie et dans le bas du fleuve.

Selon Jean-Claude Maurice, Mathieu n’avait pas le choix de devenir un ouvreur prolifique, parce que c’était le seul moyen pour lui de grimper à ce niveau au Québec.

LE GÉANT ENDORMI

Profil

Crédit photo : Nicolas Charron

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A-t-il déjà songé à déménager pour trouver un endroit plus stimulant pour la grimpe ? Oui, dit-il, mais il aime l’Estrie, sa région natale, et il veut rester près de sa famille.

Ce qu’il trouve le plus difficile, c’est de rester motivé malgré le peu de projets ou de lignes près de chez lui. « En réalité, je pense que c’est ça qui m’a démotivé, parce que je n’avais rien à faire. »

« J’ai toujours eu une paroi près de chez moi, j’y allais presque tous les jours », explique-t-il. Il ne s’est jamais vraiment trop entraîné et refuse de se conformer à une diète stricte. Le secret de son succès ? « Moi, j’aime ça, l’escalade. Même quand je ne grimpe pas, je regarde des vidéos, je regarde le site de 8a tous les jours. De toute façon, tu ne peux pas grimper fort quand tu es stressé et que tu fais des trucs que tu n’aimes pas », affirme-t-il.

Malgré son curriculum de grimpeur bien chargé, il est toujours demeuré sous le radar des commanditaires. Il reçoit bien quelques chaussures d’Evolv de temps à autre, mais c’est tout. « Quand j’étais plus jeune, je pensais que de grimper plus fort amènerait des commanditaires », explique-t-il. Plusieurs compagnies manifestent de l’intérêt au début, mais il n’a pas de nouvelles par la suite, affirme Mathieu. « Je continue à grimper parce que j’aime ça. Même si je faisais une 5.15b, je ne pense pas que ça changerait grand-chose côté argent ou commanditaire. »

Le personnage n’est pas sans controverse. À ses débuts à Orford, en Estrie, il sera très critiqué par les locaux de l’époque pour son approche face à l’équipement de nouvelles voies. Jean-Claude Maurice, un vétéran de la grimpe dans le coin, s’en rappelle encore. Il se souvient de quelques confrontations avec le jeune Mathieu Fontaine. Notamment quand il avait utilisé des plaquettes d’une autre voie pour compléter la sienne. « Mais comment faire pour ouvrir le chemin en avant sans effectuer quelques expériences malheureuses ou dérangeantes? », affirme Jean-Claude Maurice. Selon lui, Mathieu s’est affranchi d’une certaine tradition – non sans bousculer un peu au passage – et a repoussé les limites établies. « Sa contribution dans les voies de haut niveau au Québec est remarquable et probablement sans égal. Sa vision de ligne futuriste de grande beauté avec une ténacité de travail pour réaliser la première ascension est remarquable », dit Jean Claude Maurice. « Il a cependant toujours été un peu en marge de ‘l’establishment’, qui ne voit que son attitude désinvolte sans avoir la chance de voir le grand

ouvreur et surtout la personne plus aimable qui se cache derrière. »

Même aujourd’hui, le jeune grimpeur n’hésite pas à aller à contrecourant face à plusieurs sujets en escalade. « Normalement, l’accès, ça ne sert parfois à rien de le demander avant d’équiper, parce que ça va être un non tout de suite en partant », dit Mathieu Fontaine. Pour ouvrir de nouvelles voies ou aller grimper, il s’organise pour ne pas faire de bruit et ne pas se faire remarquer. La plupart du temps, il préfère communiquer avec les propriétaires après.

Il propose aussi une autre approche face aux parois fermées. « Les grimpeurs devraient continuer d’y aller, de cette façon, ils n’auront pas le choix de traiter le problème. On ne peut pas les laisser gagner. On fait juste de l’escalade quelque part. »

Il voudrait bien que les Québécois soient plus attachés à leur paroi, plutôt que d’aller grimper aux États-Unis. Selon lui, aller grimper ailleurs ralentit le développement des parois dans la Belle province. En région, les gens s’impliquent davantage pour ouvrir des voies parce qu’ils ont un lien affectif avec leurs murs, alors que les grimpeurs des grands centres, eux, équipent généralement moins de voies.

Mathieu déplore aussi que les gens se rendent chaque été à Squamish pour aller y faire du bloc. Selon lui, ceux situés dans le bas du fleuve Saint-Laurent rivalisent amplement avec les rochers de l’Ouest en terme de qualité. Le problème, c’est qu’il n’y a que quelques grimpeurs pour brosser et développer les problèmes. Les gens cherchent la facilité, selon lui et « c’est normal », dit-il. « Plus il va y avoir de voies, plus il va y avoir des gens qui vont être intéressés. »

À son avis, il faut développer davantage les voies plus accessibles. Il donne l’exemple de Rumney. Alors qu’il y a une dizaine de personnes aux parfois plus difficiles, « à tous les murs écoles, où les cotes sont 5.11 et moins, toutes ces voies-là vont être pleines. Et ce sont ces personnes-là qui font vivre l’escalade. »

LE RÉVEIL

« Tout s’organise tranquillement, la vie se place, et je vais me remettre à grimper bientôt. Je suis motivé », dit Mathieu Fontaine. Pour lui, il fallait attendre le bon moment avant de revenir à la grimpe.

Après quelques semaines d’escalade, il pense qu’il reviendra à sa forme habituelle. « J’ai compris que je n’ai pas besoin de m’entraîner, je suis déjà suffisamment fort. Je faisais des tractions sur des monos avec la première phalange l’autre fois, et j’en ai fait plusieurs sans difficulté. La forme physique, je ne l’ai pas perdu. »

Le trentenaire dit ne pas ressentir l’effet de l’âge sur son corps, et il pourrait bien continuer à grimper des voies difficiles pendant encore plus de 10 ans, affirme sans ambages son ami Mikaël.

Déjà, les projets se bousculent. Faire des prises, construire un mur pour s’entraîner et enchaîner la ligne qu’il va équiper. Mathieu Fontaine a hiberné en plein été, le voilà qui ressort de sa tanière pour faire ce qu’il fait de mieux: grimper fort.

par David Savoie

« J’AI TOUJOURS EU UNE PAROI PRÈS DE CHEZ MOI, J’Y ALLAIS PRESQUE TOUS LES JOURS »

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Aconcagua | JANVIER 2013AVEC LOUIS ROUSSEAU