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Séquence n°1 :……………………………………………………………. Groupement de textes réalistes et naturalistes CORPUS : Texte A : Stendhal, La Chartreuse de Parme, Livre II, chapitre XV, extrait (1839). Texte B : Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857, 2ème partie, chapitre IX Texte C : Guy de Maupassant, Bel-Ami, 1885 Texte D : Emile Zola, La Bête humaine, 1890 Texte A : Stendhal, La Chartreuse de Parme, Livre II, chapitre XV, extrait (1839). La Chartreuse de Parme raconte l’itinéraire d’un jeune aristocrate italien, Fabrice del Dongo. Victime d’une vengeance, le personnage est emprisonné dans la citadelle de Parme. Le gouverneur de cette forteresse est le général Fabio Conti, que Fabrice avait croisé avec sa fille Clélia sept années plus tôt. Fabrice revoit la jeune fille. Fabrice sortait du bureau escorté par trois gendarmes on le conduisait à la chambre qu’on lui avait destinée : Clélia regardait par la portière, le prisonnier était fort près d’elle. En ce moment elle répondit à la question de son père par ces mots : Je vous suivrai. Fabrice, entendant prononcer ces paroles tout près de lui, leva les yeux et rencontra le regard de la jeune fille. Il fut frappé surtout de l’expression de mélancolie 5 de sa figure. « Comme elle est embellie, pensa-t-il, depuis notre rencontre près de Côme ! quelle expression de pensée profonde ! … On a raison de la comparer à la duchesse ; quelle physionomie angélique ! » Barbone, le commis sanglant, qui ne s’était pas placé près de la voiture sans intention, arrêta d’un geste les trois gendarmes qui conduisaient Fabrice, et, faisant le tour de la voiture par derrière, pour arriver à la 10 portière près de laquelle était le général : Comme le prisonnier a fait acte de violence dans l’i ntérieur de la citadelle, lui dit-il, en vertu de l’article 157 du règlement, n’y aurait-il pas lieu de lui appliquer les menottes pour trois jours ? Allez au diable ! s’écria le général, que cette arrestation ne laissait pas 15 d’embarrasser. () Durant ce court dialogue, Fabrice était superbe au milieu des ces gendarmes, c’était bien la mine la plus fière et la plus noble ; ses traits fins et délicats, et le sourire de mépris qui errait sur ses lèvres, faisaient un charmant contraste avec les apparences grossières des gendarmes qui l’entouraient. Mais tout cela ne formait pour 20

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Séquence n°1 :…………………………………………………………….

Groupement de textes réalistes et naturalistes

CORPUS :

Texte A : Stendhal, La Chartreuse de Parme, Livre II, chapitre XV, extrait (1839).

Texte B : Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857, 2ème partie, chapitre IX

Texte C : Guy de Maupassant, Bel-Ami, 1885

Texte D : Emile Zola, La Bête humaine, 1890

Texte A : Stendhal, La Chartreuse de Parme, Livre II, chapitre XV, extrait (1839).

La Chartreuse de Parme raconte l’itinéraire d’un jeune aristocrate italien, Fabrice del Dongo. Victime d’une

vengeance, le personnage est emprisonné dans la citadelle de Parme. Le gouverneur de cette forteresse est le

général Fabio Conti, que Fabrice avait croisé avec sa fille Clélia sept années plus tôt. Fabrice revoit la jeune fille.

Fabrice sortait du bureau escorté par trois gendarmes on le conduisait à la chambre

qu’on lui avait destinée : Clélia regardait par la portière, le prisonnier était fort près

d’elle. En ce moment elle répondit à la question de son père par ces mots : Je vous

suivrai. Fabrice, entendant prononcer ces paroles tout près de lui, leva les yeux et

rencontra le regard de la jeune fille. Il fut frappé surtout de l’expression de mélancolie 5

de sa figure. « Comme elle est embellie, pensa-t-il, depuis notre rencontre près de

Côme ! quelle expression de pensée profonde ! … On a raison de la comparer à la

duchesse ; quelle physionomie angélique ! » Barbone, le commis sanglant, qui ne

s’était pas placé près de la voiture sans intention, arrêta d’un geste les trois gendarmes

qui conduisaient Fabrice, et, faisant le tour de la voiture par derrière, pour arriver à la 10

portière près de laquelle était le général :

– Comme le prisonnier a fait acte de violence dans l’intérieur de la citadelle, lui dit-il,

en vertu de l’article 157 du règlement, n’y aurait-il pas lieu de lui appliquer les menottes

pour trois jours ?

– Allez au diable ! s’écria le général, que cette arrestation ne laissait pas 15

d’embarrasser.

(…) Durant ce court dialogue, Fabrice était superbe au milieu des ces gendarmes,

c’était bien la mine la plus fière et la plus noble ; ses traits fins et délicats, et le sourire

de mépris qui errait sur ses lèvres, faisaient un charmant contraste avec les

apparences grossières des gendarmes qui l’entouraient. Mais tout cela ne formait pour 20

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ainsi dire que la partie extérieure de sa physionomie ; il était ravi de la céleste beauté

de Clélia, et son oeil trahissait toute sa surprise. Elle, profondément pensive, n’avait

pas songé à retirer la tête de la portière ; il la salua avec le demi-sourire le plus

respectueux ; puis, après un instant :

– Il me semble, mademoiselle, lui dit-il, qu’autrefois, près d’un lac, j’ai déjà eu l’honneur 25

de vous rencontrer avec accompagnement de gendarmes.

Clélia rougit et fut tellement interdite qu’elle ne trouva aucune parole pour répondre.

« Quel air noble au milieu de ces êtres grossiers ! » se disait-elle au moment où Fabrice

lui adressait la parole. La profonde pitié, et nous dirons presque l’attendrissement où

elle était plongée, lui ôtèrent la présence d’esprit nécessaire pour trouver un mot 30

quelconque, elle s’aperçut de son silence et rougit encore davantage. En ce moment

on tirait avec violence les verrous de la grande porte de la citadelle, la voiture de Son

Excellence n’attendait-elle pas depuis une minute au moins ? Le bruit fut si violent

sous cette voûte, que, quand même Clélia aurait trouvé quelque mot pour répondre,

Fabrice n’aurait pu entendre ses paroles. 35

Emportée par les chevaux qui avaient pris le galop aussitôt après le pont-levis, Clélia

se disait : « Il m’aura trouvée bien ridicule ! » Puis tout à coup elle ajouta : « Non pas

seulement ridicule ; il aura cru voir en moi une âme basse, il aura pensé que je ne

répondais pas à son salut parce qu’il est prisonnier et moi fille du gouverneur ».

Cette idée fut du désespoir pour cette jeune fille qui avait l’âme élevée. « Ce qui rend 40

mon procédé tout à fait avilissant, ajouta-t-elle, c’est que jadis, quand nous nous

rencontrâmes pour la première fois, aussi avec accompagnement de gendarmes,

comme il le dit, c’était moi qui me trouvais prisonnière, et lui me rendait service et me

tirait d’un fort grand embarras… Oui, il faut en convenir, mon procédé est complet,

c’est à la fois de la grossièreté et de l’ingratitude. Hélas ! le pauvre jeune homme ! 45

maintenant qu’il est dans le malheur tout le monde va se montrer ingrat envers lui. Il

m’avait bien dit alors : « Vous souviendrez-vous de mon nom à Parme ? » Combien il

me méprise à l’heure qu’il est ! Un mot poli était si facile à dire ! Il faut l’avouer, oui, ma

conduite a été atroce avec lui. Jadis, sans l’offre généreuse de la voiture de sa mère,

j’aurais dû suivre les gendarmes à pied dans la poussière, ou, ce qui est bien pis, 50

monter en croupe derrière un de ces gens-là ; c’était alors mon père qui était arrêté et

moi sans défense ! Oui, mon procédé est complet. Et combien un être comme lui a dû

le sentir vivement ! Quel contraste entre sa physionomie si noble et mon procédé !

Quelle noblesse ! quelle sérénité ! Comme il avait l’air d’un héros entouré de ses vils

ennemis ! Je comprends maintenant la passion de la duchesse : puisqu’il est ainsi au 55

milieu d’un événement contrariant et qui peut avoir des suites affreuses, quel ne doit-

il pas paraître lorsque son âme est heureuse ! »

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Le carrosse du gouverneur de la citadelle resta plus d’une heure et demie dans la cour

du palais et toutefois, lorsque le général descendit de chez le prince, Clélia ne trouva

point qu’il fût resté trop longtemps. 60

– Quelle est la volonté de Son Altesse ? demanda Clélia.

– Sa parole a dit : la prison ! et son regard : la mort !

– La mort ! Grand Dieu ! s’écria Clélia.

– Allons, tais-toi ! reprit le général avec humeur ; que je suis sot de répondre à un

enfant ! 65

Pendant ce temps, Fabrice montait les trois cent quatre-vingts marches qui

conduisaient à la tour Farnèse, nouvelle prison bâtie sur la plate-forme de la grosse

tour, à une élévation prodigieuse. Il ne songea pas une seule fois, distinctement du

moins, au grand changement qui venait de s’opérer dans son sort. « Quel regard ! se

disait-il ; que de choses il exprimait ! quelle profonde pitié ! Elle avait l’air de dire : la 70

vie est un tel tissu de malheurs ! Ne vous affligez point trop de ce qui vous arrive ! est-

ce que nous ne sommes point ici-bas pour être infortunés ? Comme ses yeux si beaux

restaient attachés sur moi, même quand les chevaux s’avançaient avec tant de bruit

sous la voûte ! »

Fabrice oubliait complètement d’être malheureux. 75

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Texte B : Gustave Flaubert, Madame Bovary, 1857

Cet extrait se situe au chapitre IX de la deuxième partie du roman Madame Bovary, qui valut à Gustave

Flaubert un procès pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs » : Charles, médecin

de campagne, a épousé Emma. Rapidement, l’héroïne éponyme se sent enfermée dans une vie plate et monotone

qui ne correspond pas à son tempérament romantique et exalté. Elle rêve souvent et vient de prendre un amant,

Rodolphe, un châtelain : l’extrait choisi ici est la suite de la scène de la promenade à cheval avec Rodolphe, au

cours de laquelle Emma devient sa maîtresse.

D'abord, ce fut comme un étourdissement ; elle voyait les arbres, les chemins, les

fossés, Rodolphe, et elle sentait encore l'étreinte de ses bras, tandis que le feuillage

frémissait et que les joncs sifflaient.

Mais, en s'apercevant dans la glace, elle s'étonna de son visage. Jamais elle n'avait

eu les yeux si grands, si noirs, ni d'une telle profondeur. Quelque chose de subtil 5

épandu sur sa personne la transfigurait.

Elle se répétait : " J'ai un amant ! un amant ! " se délectant à cette idée comme à celle

d'une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc posséder enfin ces joies de

l'amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque

chose de merveilleux où tout serait passion, extase, délire ; une immensité bleuâtre 10

l'entourait, les sommets du sentiment étincelaient sous sa pensée, et l'existence

ordinaire n'apparaissait qu'au loin, tout en bas, dans l'ombre, entre les intervalles de

ces hauteurs.

Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu'elle avait lus, et la légion lyrique de ces

femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de soeurs qui la 15

charmaient. Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ces imaginations

et réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en se considérant dans ce type

d'amoureuse qu'elle avait tant envié. D'ailleurs, Emma éprouvait une satisfaction de

vengeance. N'avait-elle pas assez souffert ! Mais elle triomphait maintenant, et

l'amour, si longtemps contenu, jaillissait tout entier avec des bouillonnements joyeux. 20

Elle le savourait sans remords, sans inquiétude, sans trouble.

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Texte C : Guy de Maupassant, Bel-Ami, 1885

Dans la dernière page du roman, le personnage principal, Georges Duroy, devenu Georges Du Roy

et aussi surnommé « Bel-Ami », se marie avec Suzanne Walter, la fille du directeur du journal La Vie

française. L’œuvre raconte l’ascension sociale de Bel-Ami dans le journalisme, grâce aux femmes et à

son ambition. Madame de Marelle fut l’une de ses maîtresses.

L'encens répandait une odeur fine de benjoin, et sur l'autel le sacrifice divin s'accomplissait,

l'Homme-Dieu, à l'appel de son prêtre, descendait sur la terre pour consacrer le triomphe du baron Georges Du Roy.

Bel-Ami, à genoux à côté de Suzanne, avait baissé le front. Il se sentait en ce moment presque croyant, presque religieux, plein de reconnaissance pour la divinité qui l'avait ainsi favorisé, qui le 5 traitait avec ces égards. Et sans savoir au juste à qui il s'adressait, il la remerciait de son succès.

Lorsque l'office fut terminé, il se redressa, et, donnant le bras à sa femme, il passa dans la sacristie. Alors commença l'interminable défilé des assistants. Georges, affolé de joie, se croyait un roi qu'un peuple venait acclamer. Il serrait des mains, balbutiait des mots qui ne signifiaient rien, saluait, répondait aux compliments : « Vous êtes bien aimable. » 10

Soudain, il aperçut Mme de Marelle ; et le souvenir de tous les baisers qu'il lui avait donnés, qu'elle lui avait rendus, le souvenir de toutes leurs caresses, de ses gentillesses, du son de sa voix, du goût de ses lèvres, lui fit passer dans le sang le désir brusque de la reprendre. Elle était jolie, élégante, avec son air gamin et ses yeux vifs. Georges pensait : « Quelle charmante maîtresse, tout de même. » 15

Elle s'approcha, un peu timide, un peu inquiète, et lui tendit la main. Il la reçut dans la sienne et la garda. Alors il sentit l'appel de ces doigts de femme, la douce pression qui pardonne et reprend. Et lui-même il la serrait, cette petite main, comme pour dire : « Je t'aime toujours, je suis à toi ! »

Leurs yeux se rencontrèrent, souriants, brillants, pleins d'amour. Elle murmura de sa voix gracieuse : « À bientôt, monsieur. » 20

Il répondit gaiement : « À bientôt, madame. » Et elle s'éloigna. D'autres personnes se poussaient. La foule coulait devant lui comme un fleuve. Enfin elle

s'éclaircit. Les derniers assistants partirent. Georges reprit le bras de Suzanne pour retraverser l'église. 25

Elle était pleine de monde, car chacun avait regagné sa place, afin de les voir passer ensemble. Il allait lentement, d'un pas calme, la tête haute, les yeux fixés sur la grande baie ensoleillée de la porte. Il sentait sur sa peau courir de légers frissons, ces frissons froids que donnent les immenses bonheurs. Il ne voyait personne. Il ne pensait qu'à lui. Lorsqu'il parvint sur le seuil, il aperçut la foule immense amassée, une foule noire, bruissante, 30 venue là pour lui, pour lui Georges Du Roy. Le peuple de Paris le contemplait et l'enviait.

Puis, relevant les yeux, il découvrit là-bas, derrière la place de la Concorde, la Chambre des députés. Et il lui sembla qu'il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon.

Il descendit avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de spectateurs. Mais il 35 ne les voyait point ; sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant ses yeux éblouis par l'éclatant soleil flottait l'image de Mme de Marelle rajustant en face de la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit.

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Texte D : Emile Zola, La Bête humaine, 1890

Lorsqu’il écrit La Bête humaine, Emile Zola souhaite écrire un « roman du crime » dans lequel presque tous les 5 personnages ont du sang sur les mains. Jacques Lantier un mécanicien d’une locomotive qu’il a surnommé

« Lison » rend ici visite à sa tante : il y rencontre Flore, et tous deux semblent attirés l’un vers l’autre..

Il se taisait, elle se décida à lâcher le noeud et à le regarder.

- Est-ce donc que tu n'aimes que ta machine? On en plaisante, tu sais. On prétend

que tu es toujours à la frotter, à la faire reluire, comme si tu n'avais des caresses que 10

pour elle... Moi, je te dis ça, parce que je suis ton amie.

Lui aussi, maintenant, la regardait, à la pâle clarté du ciel fumeux. Et il se

souvenait d'elle, quand elle était petite, violente et volontaire déjà, mais lui sautant au

cou dès qu'il arrivait, prise d'une passion de fillette sauvage. Ensuite, l'ayant souvent

perdue de vue, il l'avait chaque fois retrouvée grandie, l'accueillant du même saut à 15

ses épaules, le gênant de plus en plus par la flamme de ses grands yeux clairs. A cette

heure, elle était femme, superbe, désirable, et elle l'aimait sans doute, de très loin, du

fond même de sa jeunesse. Son coeur se mit à battre, il eut la sensation soudaine

d'être celui qu'elle attendait. Un grand trouble montait à son crâne avec le sang de ses

veines, son premier mouvement fut de fuir, dans l'angoisse qui l'envahissait. Toujours 20

le désir l'avait rendu fou, il voyait rouge.

- Qu'est-ce que tu fais là, debout? reprit-elle. Assieds-toi donc!

De nouveau, il hésitait. Puis, les jambes subitement très lasses, vaincu par le besoin

de tenter l'amour encore, il se laissa tomber près d'elle, sur le tas de cordes. Il ne

parlait plus, la gorge sèche. C'était elle, maintenant, la fière, la silencieuse, qui 25

bavardait à perdre haleine, très gaie, s'étourdissant elle-même.

- Vois-tu, le tort de maman, ç'a été d'épouser Misard. Ça lui jouera un mauvais tour...

Moi, je m'en fiche, parce qu'on a assez de ses affaires, n'est-ce pas? Et puis, maman

m'envoie coucher, dès que je veux intervenir... Alors, qu'elle se débrouille! Je vis

dehors, moi. Je songe à des choses, pour plus tard... Ah! Tu sais, je t'avais vu passer, 30

ce matin, sur ta machine, tiens! de ces broussailles, là-bas, où j'étais assise. Mais toi,

tu ne regardes jamais... Et je te les dirai, à toi, les choses auxquelles je songe, mais

pas maintenant, plus tard, quand nous serons tout à fait bons amis.

Elle avait laissé glisser les ciseaux, et lui, toujours muet, s'était emparé de ses

deux mains. Ravie, elle les lui abandonnait. Pourtant, lorsqu'il les porta à ses lèvres 35

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brûlantes, elle eut un sursaut effaré de vierge. La guerrière se réveillait, cabrée,

batailleuse, à cette première approche du mâle.

- Non, non! laisse-moi, je ne veux pas... Tiens-toi tranquille, nous causerons... ça ne

pense qu'à ça, les hommes. Ah! si je te répétais ce que Louisette m'a raconté, le jour

où elle est morte, chez Cabuche... D'ailleurs, j'en savais déjà sur le président, parce 40

que j'avais vu des saletés, ici, lorsqu'il venait avec des jeunes filles... Il en a une que

personne ne soupçonne, une qu'il a mariée...

Lui, ne l'écoutait pas, ne l'entendait pas. Il l'avait saisie d'une étreinte brutale, et

il écrasait sa bouche sur la sienne. Elle eut un léger cri, une plainte plutôt, si profonde,

si douce, où éclatait l'aveu de sa tendresse longtemps cachée. Mais elle luttait 45

toujours, se refusait quand même, par un instinct de combat. Elle le souhaitait et elle

se disputait à lui, avec le besoin d'être conquise. Sans parole, poitrine contre poitrine,

tous deux s'essoufflaient à qui renverserait l'autre. Un instant, elle sembla devoir être

la plus forte, elle l'aurait peut-être jeté sous elle, tant il s'énervait, s'il ne l'avait pas

empoignée à la gorge. Le corsage fut arraché, les deux seins jaillirent, durs et gonflés 50

de la bataille, d'une blancheur de lait, dans l'ombre claire. Et elle s'abattit sur le dos,

elle se donnait, vaincue.

Alors, lui, haletant, s'arrêta, la regarda, au lieu de la posséder. Une fureur

semblait le prendre, une férocité qui le faisait chercher des yeux, autour de lui, une

arme, une pierre, quelque chose enfin pour la tuer. Ses regards rencontrèrent les 55

ciseaux, luisant parmi les bouts de corde; et il les ramassa d'un bond, et il les aurait

enfoncés dans cette gorge nue, entre les deux seins blancs, aux fleurs roses. Mais un

grand froid le dégrisait, il les rejeta, il s'enfuit, éperdu; tandis qu'elle, les paupières

closes, croyait qu'il la refusait à son tour, parce qu'elle lui avait résisté.

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Textes en annexe au groupement de textes de la séquence n°1:

Personnages féminins et masculins face à la passion

Réalisme et Naturalisme

Texte 1 : Stendhal, De l'amour, Paris, Hypérion, 1936, pp. 3-7, la cristallisation

" Voici ce qui se passe dans l'âme : 1- l'admiration 2- on se dit : " quel plaisir de lui donner des baisers, d'en recevoir ! etc. " 3- l'espérance (...) 4- l'amour est né (...) 5- la première cristallisation commence. On se plaît à orner de mille perfections une femme de laquelle on est sûr ; on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie. Cela se réduit à exagérer une propriété superbe, qui vient de nous tomber du ciel, que 5 l'on ne connaît pas, et de la possession de laquelle on est assuré. Laissez travailler la tête d'un amant pendant vingt-quatre heures, et voici ce que vous trouverez : Aux mines de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d'arbre effeuillé par l'hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes : les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses 10

que la taille d'une mésange, sont garnies d'une infinité de diamants mobiles et éblouissants ; on ne peut plus reconnaître le rameau primitif. Ce que j'appelle cristallisation, c'est l'opération de l'esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l'objet aimé a de nouvelles perfections. (...) En un mot, il suffit de penser à une perfection pour la voir dans ce qu'on aime (...) 6- Le doute naît (...) 15

L'amant arrive à douter du bonheur qu'il se promettait, il devient sévère sur les raisons d'espérer qu'il a cru voir. Il veut se rabattre sur les autres plaisirs de la vie, il les trouve anéantis. La crainte d'un affreux malheur le saisit et avec elle l'attention profonde. 7- Seconde cristallisation. Alors commence la seconde cristallisation produisant pour diamants des confirmations à cette idée : Elle m'aime. A chaque quart d'heure de la 20 nuit qui suit la naissance des doutes, après un moment de malheur affreux, l'amant se dit : oui, elle m'aime ; et la cristallisation se tourne à découvrir de nouveaux charmes ; puis le doute à l'œil hagard s'empare de lui et l'arrête en sursaut. Sa poitrine oublie de respirer ; il se dit : mais est-ce qu'elle m'aime ? Du milieu de ces alternatives déchirantes et délicieuses, le pauvre amant sent vivement : elle me donnerait des 25 plaisirs qu'elle seule au monde peut me donner. C'est l'évidence de cette vérité, c'est ce chemin sur l'extrême bord d'un précipice affreux, et touchant de l'autre main le bonheur parfait, qui donne tant de supériorité à la seconde cristallisation sur la première. »

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Texte 2 : Lettre de Gustave Flaubert, 18 mars 1857

[...] Avec une lectrice telle que vous, Madame, et aussi sympathique, la franchise est un devoir. Je vais donc répondre à vos questions: Madame Bovary n'a rien de vrai. C'est une histoire totalement inventée. Je n'y ai rien mis ni de mes sentiments ni de mon existence. L'illusion (s'il y en a une) vient au contraire de l'impersonnalité de l'oeuvre. C'est un de mes principes, qu'il ne faut pas s'écrire. L'artiste doit être dans 5 son oeuvre comme Dieu dans la création, invisible et tout-puissant; qu'on le sente partout, mais qu'on ne le voie pas.

Et puis, l'Art doit s'élever au-dessus des affections personnelles et des susceptibilités nerveuses! Il est temps de lui donner, par une méthode impitoyable, la précision des sciences physiques! La difficulté capitale, pour moi, n'en reste pas moins 10 le style, la forme, le Beau indéfinissable résultant de la conception même et qui est la splendeur du Vrai comme disait Platon.

J'ai longtemps, Madame, vécu de votre vie. Moi aussi, j'ai passé plusieurs années complètement seul à la campagne, n'ayant d'autre bruit l'hiver que le murmure du vent dans les arbres avec le craquement de la glace, quand la Seine charriait sous 15

mes fenêtres. Si je suis arrivé à quelque connaissance de la vie, c'est à force d'avoir peu vécu dans le sens ordinaire du mot, car j'ai peu mangé, mais considérablement ruminé. J'ai fréquenté des compagnies diverses et vu des pays différents. J'ai voyagé à pied et à dromadaire. Je connais les boursiers de Paris et les Juifs de Damas, les rufians d'Italie et les jongleurs nègres. Je suis un pèlerin de la Terre Sainte et je me 20

suis perdu dans les neiges du Parnasse, ce qui peut passer pour un symbolisme. Ne vous plaignez pas, j'ai un peu couru le monde et je connais à fond ce Paris

que vous rêvez. Rien ne vaut une bonne lecture au coin du feu... lire Hamlet ou Faust... par un jour d'enthousiasme. Mon rêve (à moi) est d'acheter un petit palais à Venise sur le grand canal. 25

Voilà, Madame, une de vos curiosités assouvie. Ajoutez ceci pour avoir mon portrait et ma biographie complète: que j'ai trente-cinq ans, je suis haut de cinq pieds huit pouces, j'ai des épaules de portefaix et une irritabilité nerveuse de petite maîtresse. Je suis célibataire et solitaire. [...]

Source: Correspondance, Flaubert, Ed. Gallimard, 1998. Image: © D.R.

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Texte 3 : Emile Zola, « Préface aux Rougon-Macquart », 1871

Je veux expliquer comment une famille, un petit groupe d'êtres, se comporte dans

une société, en s'épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt individus qui paraissent, au premier coup d'œil, profondément dissemblables, mais que l'analyse montre intimement liés les uns aux autres. L'hérédité a ses lois, comme la pesanteur. 5 Je tâcherai de trouver et de suivre, en résolvant la double question des tempéraments et des milieux, le fil qui conduit mathématiquement d'un homme à un autre homme. Et quand je tiendrai tous les fils, quand j'aurai entre les mains tout un groupe social, je ferai voir ce groupe à l'œuvre comme acteur d'une époque historique, je le créerai agissant dans la complexité de ses efforts, j'analyserai à la fois la somme 10 de volonté de chacun de ses membres et la poussée générale de l'ensemble. Les Rougon-Macquart, le groupe, la famille que je me propose d'étudier a pour caractéristique le débordement des appétits, le large soulèvement de notre âge, qui se rue aux jouissances. Physiologiquement, ils sont la lente succession des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d'une première lésion 15 organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments, les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives, dont les produits prennent les noms convenus de vertus et de vices. Historiquement, ils partent du peuple, ils s'irradient dans toute la société contemporaine, ils montent à toutes les situations, par cette impulsion essentiellement 20 moderne que reçoivent les basses classes en marche à travers le corps social, et ils racontent ainsi le second empire à l'aide de leurs drames individuels, du guet-apens du coup d'état à la trahison de Sedan. Depuis trois années, je rassemblais les documents de ce grand ouvrage, et le présent volume était même écrit, lorsque la chute des Bonaparte, dont j'avais besoin 25

comme artiste, et que toujours je trouvais fatalement au bout du drame, sans oser l'espérer si prochaine, est venue me donner le dénouement terrible et nécessaire de mon œuvre. Celle-ci est, dès aujourd'hui, complète; elle s'agite dans un cercle fini; elle devient le tableau d'un règne mort, d'une étrange époque de folie et de honte. Cette œuvre, qui formera plusieurs épisodes, est donc, dans ma pensée, l'histoire 30 naturelle et sociale d'une famille sous le second empire. Et le premier épisode : la Fortune des Rougon, doit s'appeler de son titre scientifique : Les Origines.

Émile Zola, Paris le 1er juillet 1871

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Texte 4 : Guy de Maupassant, « Le roman », Préface à Pierre et Jean, 1887

Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même. Raconter tout serait impossible, car il faudrait alors un volume au moins par journée, 5 pour énumérer les multitudes d'incidents insignifiants qui emplissent notre existence. (…)Voilà pourquoi l'artiste, ayant choisi son thème, ne prendra dans cette vie encombrée de hasards et de futilités que les détails caractéristiques utiles à son sujet, et il rejettera tout le reste, tout l'à-côté. (…) Faire vrai consiste donc à donner l'illusion complète du vrai, suivant la logique 10

ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession. J'en conclus que les Réalistes de talent devraient s'appeler plutôt des Illusionnistes.

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2nde 6 SQ1 ………………………………………………………………………

……………………………………… Séance n°1 : découverte du corpus : groupement de textes du XIXè siècle Lecture orale Question d’observation : (questions sur le corpus) 1/ Par 2 : classez ces documents en fonction de critères de regroupement à définir (présentation sous forme de tableau possible). Reprise collective 2/ Donnez maintenant un titre à la séquence n°1 : …………………………………………….

Séance n°2 : la cristallisation stendhalienne : étude du texte A : Stendhal, La

Chartreuse de Parme, Livre II, chapitre XV, extrait (1839).

Questions d’analyse : Ces questions doivent être justifiées par des recours précis au texte (relevés / indices) 1/Texte A :

a. Quel type de scène est-elle longuement développée dans cet épisode du roman de La chartreuse de Parme ? Justifiez.

b. Repérez les différentes phases de cette scène entre Fabrice et Clélia. c. Comment l’auteur parvient à faire comprendre au lecteur les sentiments qui

animent les deux protagonistes : par quel procédé grammatical inséré dans le récit ?

Fin de séance : Retour sur : les discours rapportés. Pour la séance suivante (modules) : lire la fiche 5 p.437 du manuel Magnard, « Les discours rapportés » et faire l’exercice 1,2.

Séance n°3 : romantisme et réalisme flaubertien : étude du texte B : Gustave

Flaubert, Madame Bovary, 1857

Questions d’analyse : 1/

a. Quels aspects de la vie (situations) et du caractère (portrait moral, psychologique) du personnage principal, Madame Bovary, Gustave Flaubert met-il en valeur dans cet extrait ?

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b. Trouvez un adjectif qualificatif qui correspond le mieux au type de personnage qui se profile dans les traits d’Emma Bovary.

2/ Quel est le point de vue narratif utilisé dans cette page romanesque, particulièrement adapté pour traduire sur le mode de l’intimité les pensées et sentiments d’Emma Bovary ? Justifiez. 3/ Quel type de discours (direct, indirect, indirect libre, narrativisé) renforce cette sensation à la lecture d’entrer dans la conscience du personnage féminin ? Repérez des passages précis. Fin de séance : I/ Exercice à faire pour la séance suivante : ex 4 p.438 du manuel Magnard (discours indirect libre) II/ Retour sur : le narrateur et les focalisations (fiche 1 p.426) du manuel + ex. 1 et 2 p.427

Séance n°4 : la satire sociale : étude du texte C : Guy de Maupassant, Bel-Ami,

1885

Questions :

1. Quel rôle joue la foule dans cet extrait durant cette scène de noce ? Etudiez le jeu des regards (ceux de la foule et ceux de Georges Duroy) et la focalisation.

2. Quel traits de Bel ami G. de Maupassant met-il en valeur dans cette scène ? 3. Montrez que le narrateur conserve une distance ironique (porte un jugement critique

sévère) vis-à-vis du personnage éponyme. Observez les adjectifs, les substantifs qui qualifient la cérémonie et le comportement de Georges Duroy.

Fin de séance :

Retour sur : le registre satirique

1. Lire la « Fiche 19 » du manuel : « Le registre satirique » : ex. 1 p.471 (pour la séance suivante)

2. Dans le texte B, Madame Bovary de Gustave Flaubert, repérez quelques marques de l’ironie de l’auteur à l’égard de Madame Bovary.

Séance n°5 : Un roman naturaliste : étude du texte D : Emile Zola, La Bête

humaine, 1890

Questions : 1/ A quel mal Jacques Lantier est-il en proie dans cette scène et face à Flore ? Décrivez en leur donnant un titre, les étapes du processus psychique qui s’empare de lui tout au long de la scène. 2/ En quoi Jacques Lantier incarne-t-il une véritable « bête humaine » face à Flore ? Observez notamment le lexique employé lors de la scène de l’étreinte. 3/ Identifiez la focalisation et les types de discours rapportés dans cette scène : que mettent-ils en relief dans l’épisode ?

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Séance n°6 : Les ambitions romanesques dans le réalisme et le naturalisme

Textes en annexe au groupement de textes de la séquence n°2 :

Questions :

1. Après avoir lu les textes 1 à 5, dites à quel extrait de roman du corpus (texte A à D) on peut les rattacher et justifiez votre réponse par un argument précis (faites des références précises aux documents).

2. Par groupes de 2, choisissez un ou plusieurs texte(s) (1 à 5) et montrez que les auteurs veulent donner au roman une démarche plus ou moins scientifique. Justifiez votre réponse par des citations précises : observez notamment le lexique utilisé, le mode et temps des verbes, l’emploi des pronoms personnels.

Séance n°7 : Temps et chronologie (fiche 2 et 3 manuel p.431-432) dans le corpus Remplir le tableau suivant : temps de l’histoire / temps du récit (nb de lignes, paragraphes)/ chronologie et distorsions entre le tps de l’histoire et le tps du récit (analepses/ prolepse, ellipse narrative) / Rythme du récit ( scène, sommaire, pause, tableau) / Effets à la lecture de ce rapport entre le temps de l’histoire et du récit (ralentissement de la situation racontée, accélération, dramatisation, etc.) Prolongement : pour séance suivante : sur le site valerie-souchon.jimdo.com : apprendre notions clés de la fiche méthode sur les textes narratifs (dans la rubrique « Documents référents pour la classe »).

Temps de l’histoire

Temps du récit Chronologie et distorsions

Rythme du récit Effets à la lecture de ce rapport entre le tps de l’histoire et le tps du récit

Texte A Stendhal

Texte B Flaubert

Texte C Maupassant

Texte D Zola

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Textes en annexe au groupement de textes de la séquence n°2 :

Personnages féminins et masculins face à la passion

Réalisme et Naturalisme

Texte 4 : …………………………………………………………………………………..

" Voici ce qui se passe dans l'âme : 1- l'admiration 2- on se dit : " quel plaisir de lui donner des baisers, d'en recevoir ! etc. " 3- l'espérance (...) 4- l'amour est né (...) 5- la première cristallisation commence. On se plaît à orner de mille perfections une femme de laquelle on est sûr ; on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie. Cela se réduit à exagérer une propriété superbe, qui vient de nous tomber du ciel, que 5

l'on ne connaît pas, et de la possession de laquelle on est assuré. Laissez travailler la tête d'un amant pendant vingt-quatre heures, et voici ce que vous trouverez : Aux mines de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d'arbre effeuillé par l'hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes : les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses 10

que la taille d'une mésange, sont garnies d'une infinité de diamants mobiles et éblouissants ; on ne peut plus reconnaître le rameau primitif. Ce que j'appelle cristallisation, c'est l'opération de l'esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l'objet aimé a de nouvelles perfections. (...) En un mot, il suffit de penser à une perfection pour la voir dans ce qu'on aime (...) 6- Le doute naît (...) 15

L'amant arrive à douter du bonheur qu'il se promettait, il devient sévère sur les raisons d'espérer qu'il a cru voir. Il veut se rabattre sur les autres plaisirs de la vie, il les trouve anéantis. La crainte d'un affreux malheur le saisit et avec elle l'attention profonde. 7- Seconde cristallisation. Alors commence la seconde cristallisation produisant pour diamants des confirmations à cette idée : Elle m'aime. A chaque quart d'heure de la 20

nuit qui suit la naissance des doutes, après un moment de malheur affreux, l'amant se dit : oui, elle m'aime ; et la cristallisation se tourne à découvrir de nouveaux charmes ; puis le doute à l'œil hagard s'empare de lui et l'arrête en sursaut. Sa poitrine oublie de respirer ; il se dit : mais est-ce qu'elle m'aime ? Du milieu de ces alternatives déchirantes et délicieuses, le pauvre amant sent vivement : elle me donnerait des 25 plaisirs qu'elle seule au monde peut me donner. C'est l'évidence de cette vérité, c'est ce chemin sur l'extrême bord d'un précipice affreux, et touchant de l'autre main le bonheur parfait, qui donne tant de supériorité à la seconde cristallisation sur la première. »

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Texte 3 : …………………………………………………………………………………..

[...] Avec une lectrice telle que vous, Madame, et aussi sympathique, la franchise est un devoir. Je vais donc répondre à vos questions: Madame Bovary n'a rien de vrai. C'est une histoire totalement inventée. Je n'y ai rien mis ni de mes sentiments ni de mon existence. L'illusion (s'il y en a une) vient au contraire de l'impersonnalité de l'oeuvre. C'est un de mes principes, qu'il ne faut pas s'écrire. L'artiste doit être dans 5 son oeuvre comme Dieu dans la création, invisible et tout-puissant; qu'on le sente partout, mais qu'on ne le voie pas.

Et puis, l'Art doit s'élever au-dessus des affections personnelles et des susceptibilités nerveuses! Il est temps de lui donner, par une méthode impitoyable, la précision des sciences physiques! La difficulté capitale, pour moi, n'en reste pas moins 10

le style, la forme, le Beau indéfinissable résultant de la conception même et qui est la splendeur du Vrai comme disait Platon.

J'ai longtemps, Madame, vécu de votre vie. Moi aussi, j'ai passé plusieurs années complètement seul à la campagne, n'ayant d'autre bruit l'hiver que le murmure du vent dans les arbres avec le craquement de la glace, quand la Seine charriait sous 15

mes fenêtres. Si je suis arrivé à quelque connaissance de la vie, c'est à force d'avoir peu vécu dans le sens ordinaire du mot, car j'ai peu mangé, mais considérablement ruminé. J'ai fréquenté des compagnies diverses et vu des pays différents. J'ai voyagé à pied et à dromadaire. Je connais les boursiers de Paris et les Juifs de Damas, les rufians d'Italie et les jongleurs nègres. Je suis un pèlerin de la Terre Sainte et je me 20

suis perdu dans les neiges du Parnasse, ce qui peut passer pour un symbolisme. Ne vous plaignez pas, j'ai un peu couru le monde et je connais à fond ce Paris

que vous rêvez. Rien ne vaut une bonne lecture au coin du feu... lire Hamlet ou Faust... par un jour d'enthousiasme. Mon rêve (à moi) est d'acheter un petit palais à Venise sur le grand canal. 25

Voilà, Madame, une de vos curiosités assouvie. Ajoutez ceci pour avoir mon portrait et ma biographie complète: que j'ai trente-cinq ans, je suis haut de cinq pieds huit pouces, j'ai des épaules de portefaix et une irritabilité nerveuse de petite maîtresse. Je suis célibataire et solitaire. [...]

Source: Correspondance, Flaubert, Ed. Gallimard, 1998. Image: © D.R.

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Séance n°6 : Les ambitions romanesques dans le réalisme et le naturalisme

Textes en annexe au groupement de textes de la séquence n°2 :

SQ1 Personnages féminins et masculins face à la passion

Réalisme et Naturalisme

Questions :

3. Après avoir lu les textes 1 à 5, dites à quel extrait de roman du corpus (texte A à D) on peut les rattacher et justifiez votre réponse par un argument précis (faites des références précises aux documents).

4. Par groupes de 2, choisissez un ou plusieurs texte(s) (1 à 5) et montrez que les auteurs veulent donner au roman une démarche scientifique. Justifiez votre réponse par des citations précises : observez notamment le lexique utilisé, le mode et temps des verbes, l’emploi des pronoms personnels.

Texte 1 : …………………………………………………………………………………..

Je veux expliquer comment une famille, un petit groupe d'êtres, se comporte dans

une société, en s'épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt individus qui paraissent, au premier coup d'œil, profondément dissemblables, mais que l'analyse montre intimement liés les uns aux autres. L'hérédité a ses lois, comme la pesanteur. Je tâcherai de trouver et de suivre, en résolvant la double question des 5

tempéraments et des milieux, le fil qui conduit mathématiquement d'un homme à un autre homme. Et quand je tiendrai tous les fils, quand j'aurai entre les mains tout un groupe social, je ferai voir ce groupe à l'œuvre comme acteur d'une époque historique, je le créerai agissant dans la complexité de ses efforts, j'analyserai à la fois la somme de volonté de chacun de ses membres et la poussée générale de l'ensemble. 10 Les Rougon-Macquart, le groupe, la famille que je me propose d'étudier a pour caractéristique le débordement des appétits, le large soulèvement de notre âge, qui se rue aux jouissances. Physiologiquement, ils sont la lente succession des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d'une première lésion organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette 15 race, les sentiments, les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives, dont les produits prennent les noms convenus de vertus et de vices. Historiquement, ils partent du peuple, ils s'irradient dans toute la société contemporaine, ils montent à toutes les situations, par cette impulsion essentiellement moderne que reçoivent les basses classes en marche à travers le corps social, et ils 20 racontent ainsi le second empire à l'aide de leurs drames individuels, du guet-apens du coup d'état à la trahison de Sedan. Depuis trois années, je rassemblais les documents de ce grand ouvrage, et le présent volume était même écrit, lorsque la chute des Bonaparte, dont j'avais besoin comme artiste, et que toujours je trouvais fatalement au bout du drame, sans oser 25 l'espérer si prochaine, est venue me donner le dénouement terrible et nécessaire de mon œuvre. Celle-ci est, dès aujourd'hui, complète; elle s'agite dans un cercle fini; elle devient le tableau d'un règne mort, d'une étrange époque de folie et de honte. Cette œuvre, qui formera plusieurs épisodes, est donc, dans ma pensée, l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second empire. Et le premier épisode : la 30 Fortune des Rougon, doit s'appeler de son titre scientifique : Les Origines.

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Texte 2 : …………………………………………………………………………………..

Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même. Raconter tout serait impossible, car il faudrait alors un volume au moins par journée, 5

pour énumérer les multitudes d'incidents insignifiants qui emplissent notre existence. (…)Voilà pourquoi l'artiste, ayant choisi son thème, ne prendra dans cette vie encombrée de hasards et de futilités que les détails caractéristiques utiles à son sujet, et il rejettera tout le reste, tout l'à-côté. (…) Faire vrai consiste donc à donner l'illusion complète du vrai, suivant la logique 10 ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession. J'en conclus que les Réalistes de talent devraient s'appeler plutôt des Illusionnistes.

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Séance n°7 : Temps et chronologie (fiche 2 et 3 manuel p.431-432) dans le corpus Remplir le tableau suivant : temps de l’histoire / temps du récit (nb de lignes, paragraphes)/ chronologie et distorsions entre le tps de l’histoire et le tps du récit (analepses/ prolepse, ellipse narrative) / Rythme du récit ( scène, sommaire, pause, tableau) / Effets à la lecture de ce rapport entre le temps de l’histoire et du récit (ralentissement de la situation racontée, accélération, dramatisation, etc.)

Prolongement : pour séance suivante : sur le site valerie-souchon.jimdo.com : apprendre les notions clés de la fiche méthode sur les textes narratifs

(dans la rubrique « Documents référents pour la classe »).

Temps de l’histoire

Temps du récit Chronologie et distorsions

Rythme du récit Effets à la lecture de ce rapport entre le tps de l’histoire et le tps du récit

Texte A Stendhal La chartreuse de Parme

Texte B Flaubert Madame Bovary

Texte C Maupassant Bel Ami

Texte D Zola La Bête humaine

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1) D'abord, on voit dans ce texte qu'à la base, il n'y a pas de raisonnement (du moins le passionné ne fait pas encore appel au raisonnement) : la passion (en l'occurrence l'amour-fou) commence par une illusion en quelque sorte spontanée, immédiate On peut voir ici que le passionné fait le contraire de celui qui utiliserait sa raison : il cherche en effet dans les choses, êtres, ou personnes, les signes de sa passion : ie, il part de son idée obsessionnelle, et toutes les choses vont être, à partir de là, les signes du bien-fondé de sa passion. L'amoureux projette donc sur sa dulcinée certains traits, sans interroger l'expérience : la conclusion est posée au départ; perte du sens du réel, etc. La passion est confirmée a priori (la passion est une idée a priori, issue de la cristallisation, et seulement ensuite étayée par le raisonnement circulaire qui la confirme sans contradiction possible ; cf. les deux cristallisations : 1) on cherche dans les choses et les êtres les signes de réponses préalables, et 2) à défaut, on se crée des obstacles à ces réponses, bien entendu destinés à être vaincus, afin que soit confirmée et renforcée l'idée-passion de départ. On dit en général, depuis Dugas, que les passions ont à leur manière une certaine logique, une logique "des sentiments" : il y a une part d'inférence, mais illogique, et inconsciente : elle consiste souvent à choisir, parmi les traits de x, ceux qui relèvent de la passion préalable, ou qui l'évoquent : cela s'appelle prendre la partie pour le tout (x est a, b, c, d, mais vous dites qu'elle est a) : Exemple : (1) votre mère représente pour vous l'amour (2) elle avait les yeux verts (3) Anabelle est petite, blonde, et a de grands yeux verts, (4) elle a les yeux verts : donc elle est l'amour ... Vous ne voyez alors plus que le caractère qui renvoie à votre passion initiale (Anabelle est tout entière représentée dans ses beaux yeux verts); le reste, vous ne le voyez plus. Autrement dit : toute passion a une part d'inconscient, et ce que vous aimez, si cette passion est l'amour, n'est pas tant la personne en tant que telle, avec ses qualités, que votre passion elle-même. Cf. Descartes : il aime les filles qui louchent, ce qui lui paraît bizarre. C'est que son premier amour = petite fille qui louchait. Ainsi aime-t-il les filles qui louchent car ce défaut représente l'amour (inconsciemment, il a cristallisé cette caractéristique, si bien que le défaut est embelli) 2) Non seulement le passionné "raisonne" mal, mais encore, en une seconde étape, il va s'aider de la raison. En effet, le passionné, à défaut de trouver cette idée de départ confirmée, va se créér des obstacles à ces réponses, bien évidemment destinés à être vaincus, afin que soit confirmée et renforcée l'Idée-passion de départ.