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GUIDE D’AUDIT
D’UN MARCHÉ PUBLIC
GUIDE PRATIQUE DU CHAI
Version présentée lors de la session
plénière du CHAI du 9 mars 2015
AVRIL 2014
Précaution concernant l’utilisation du présent document
Le présent guide a été élaboré par un groupe de travail interministériel, sous l’égide du Comité d’harmonisation de l’audit interne (CHAI). Il est le fruit de plusieurs mois de travaux collectifs, de partage d'expériences et de mise en commun des meilleures pratiques ayant cours dans les corps de contrôle ou les missions ministérielles d’audit interne. Son objet est au premier chef de faciliter l’harmonisation de la méthodologie de travail des auditeurs internes et il se rapporte à ce titre à la partie « dispositions recommandées » du cadre de référence de l’audit interne de l’Etat. Ce document est une première version, actuellement en cours d’expérimentation par les praticiens de l’audit interne en fonction dans les différents ministères. L’attention du lecteur est appelée sur le fait que, même une fois devenu définitif, le présent guide ne pourra en aucun cas être considéré comme le seul référentiel à la lumière duquel les auditeurs auront à former leur opinion globale et porter leur jugement professionnel dans le domaine considéré.
Ce document a été produit par un groupe de travail animé par Pascal PENAUD (IGAS), Isabelle PAVIS (IGAS) et Hervé
PEREZ (CHAI) composé de :
Marie-Caroline BEER (CNRS),
Delphine CASTILLON (CGA),
Jean-Pierre DUDOGNON (CGA),
Hélène LOUBIER (DGFiP),
Juliette ROGER (IGAS),
Anne TAGAND (IGA),
Hervé TORO (CGEDD).
Introduction et mode
d’emploi
1. Introduction
La régularité de la passation et de l’exécution des marchés publics est un
sujet traditionnel de préoccupation et donc d’audit pour les organismes
soumis à la réglementation spécifique qui régit la commande publique, au
regard, en particulier, du risque pénal qui est, à cette occasion, couru par
l’acheteur public.
Cet aspect est déjà traité dans le guide d’audit des achats proposé par le
CHAI, en le replaçant dans le cadre d’un audit général des achats. Le
présent guide, complémentaire, a pour objet de donner une méthode pour
l’audit de la régularité de la passation et de l’exécution d’un marchépublic.
Il est destiné à fournir à un auditeur ayant une connaissance de base du
code des marchés publics, une méthode d’analyse et des référentiels de
régularité, étayés par la connaissance des problèmes les plus souvent
rencontrés et des jurisprudences notables. Il ne prétend pas être un
manuel de droit des marchés publics et l’auditeur sera amené, dans
certains cas à un travail complémentaire ou à faire appel à un juriste
spécialisé.
Il est aussi fourni, en complément, des éléments pour mener une mission
qui porterait uniquement sur la passation et l’exécution des marchés, ce
qui emporterait la nécessité de sélectionner un échantillon de marchés à
contrôler.
Le présent guide s’applique aux organismes soumis au code des marchés
publics. Il ne peut être utilisé directement pour des organismes soumis aux
directives européennes mais non au code des marchés publics.
Il a vocation à être complété, en particulier par des fiches traitant de
procédures de passation non abordées ici.
2. Mode d’emploi du guide
Le guide comporte quatre parties.
La première est constituée de fiches définissant des travaux de prise de
connaissance ; elle s’applique principalement à des missions qui ont pour
objet d’auditer des marchés passés dans un secteur particulier ou par un
organisme dans son ensemble. Ces étapes pourront être omises lorsqu’il
s’agit d’auditer un marché préalablement ciblé.
La seconde est le guide d’audit proprement dit, il déroule la méthode
proposée qui découpe la procédure de passation en plusieurs phases et
comporte une fiche relative à l’exécution. Deux fiches sont consacrées à
l’audit de la passation dans le cas des procédures les plus courantes c'est-à-
dire les marchés sur appel d’offres et les marchés à procédure adaptée.
La troisième regroupe des fiches techniques qui donnent soit des
informations utiles (organisation des travaux, champs d’application des
directives, notion d’opération) soit des précisions sur des points d’audit ou
des éléments particuliers de la procédure de passation (critère de jugement
des offres, allotissement,…).
La quatrième comporte des fiches relatives à des marchés particuliers en
raison de la nature des biens ou prestations acquis.
L’auditeur pourra utiliser la première partie de manière différenciée selon
le contenu de sa mission, la seconde partie vise à structurer ses
investigations, la troisième et la quatrième fournissent des éléments
complémentaires mobilisables en fonction des besoins.
3. Les rubriques des fiches
Sans que toutes les rubriques soient systématiquement présentes (tous les
points n’étant pas forcément pertinents pour toutes les fiches) sont
abordés dans chaque fiche :
Des éléments de cadrage spécifiques ;
Les risques spécifiques au sujet traité ;
Les articles du code pertinents ;
Les documents qui peuvent être demandés pour étayer l’audit ;
Les points de contrôle ;
Les signaux d’alerte qui peuvent attirer l’attention de l’auditeur ;
Quelques recommandations qui peuvent paraitre pertinentes en
général au regard des difficultés les plus couramment rencontrées.
Partie SOMMAIRE DU GUIDE PRATIQUE D’AUDIT DES MARCHÉS PUBLICS N° page
Introduction et mode d’emploi 7
1
FICHE 1.0 : « Champ d’application du présent guide » 13
FICHE 1.1 : «Prise de connaissance et analyse de risques » 17
FICHE 1.2 : «Établir la cartographie des achats et des marchés » 19
FICHE 1.3 : « Repérage du « saucissonnage » 23
FICHE 1.4 : « Échantillonnage/représentatif ou procédures à risques » 27
2
FICHE 2.0 : « Organisation des travaux d’audit » 31
FICHE 2.1 : « Les acteurs des marchés publics » 33
FICHE 2.2. : « La définition du besoin» 35
FICHE 2.3 : « Analyse du choix de la procédure » 41
FICHE 2.3 - Annexe : (Article 27 du CMP) 46
FICHE 2.4 : « Description du marché et de la procédure » 49
FICHE 2.5 : «Analyse du dossier de consultation des entreprises » 51
FICHE 2.6 : «Analyse de la procédure de mise en concurrence et du choix de l'attributaire » 57
FICHE 2.6.1 : «Analyse de la passation d’un appel d’offres ouvert» 69
FICHE 2.6.2 : «Analyse de la passation d’un marché à procédure adaptée (MAPA) » 73
FICHE 2.7 : «Analyse de l’exécution du marché » 79
3
FICHE 3.0 : «Composition du dossier de marché à demander » 87
FICHE 3.1 : « La notion d'opération (article 27, II [1er]) » 91
FICHE 3.2 : « Modification des conditions de la consultation » 95
FICHE 3.3 : « Les critères de jugement des offres » 99
FICHE 3.4 : «L’allotissement » 105
FICHE 3.5 : «L’examen des candidatures – les candidatures irrecevables ou incomplètes » 109
FICHE 3.6 : «Négociation » 115
FICHE 3.7 : «Le traitement des offres irrégulières, inacceptables, inappropriées » 119
FICHE 3.8 : «Pondération des critères - Méthode de notation - Classement des offres » 125
FICHE 3.9: «Le traitement des offres anormalement basses » 131
FICHE 3.10 : «La déclaration d’infructuosité – la déclaration sans suite » 135
FICHE 3.11 : « L’information des candidats évincés » 139
FICHE 3.12 : «La régularité des avenants » 143
FICHE 3.13 : «Les marchés complémentaires » 149
4
FICHE 4.1 : « Marchés de travaux » 153
FICHE 4.2 : «Marché de prestations intellectuelles (audit, conseil, AMOA)» 161
FICHE 4.3 : «Les marchés de prestations informatiques (études et développements) » 167
FICHE 4.3.1 – Annexe : Les différentes phases d’un projet informatique 176
FICHE 4.4 : «Les marchés de prestations informatiques : Tierce maintenance applicative » 179
FICHE 4.4.1 - Annexe : extraits du CCAG TIC mentionnant la TMA 187
FICHE 4.5 : «Les marchés de prestations informatiques : Les logiciels libres » 189
FICHE 4.5.1 – Annexe : Comparatif des principales licences utilisées par les logiciels 200
FICHE D’ÉVALUATION DU GUIDE 203
12
13
FICHE 1.0 : «Champ
d’application du présent
guide»
1. Le présent guide est utilisable pour les
« pouvoirs adjudicateurs » (PA) soumis à
la première partie du code des marchés
publics et non pour cette forme
particulière de PA que constituent les
« entités adjudicatrices ».
Le droit des accords cadres et des marchés publics est avant tout un droit
communautaire qui prime sur le droit interne. Le droit européen
comporte une vision plus extensive et moins organique que le droit
interne des personnes morales susceptibles d’être soumises au droit des
marchés publics, notamment au travers de la notion «d’organisme de
droit public » (cf. encadré).
Extrait de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE : Aux fins de la présente directive, on entend par: 1. «pouvoirs adjudicateurs», l’État, les autorités régionales ou locales, les
organismes de droit public ou les associations formées par une ou
plusieurs de ces autorités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit
public;
2. «autorités publiques centrales», les pouvoirs adjudicateurs figurant à
l’annexe I et, dans la mesure où des rectificatifs ou des modifications
auraient été apportés au niveau national, les entités qui leur auraient
succédé;
3. «pouvoirs adjudicateurs sous-centraux», tous les pouvoirs adjudicateurs
qui ne sont pas des autorités publiques centrales;
4. «organisme de droit public», tout organisme présentant toutes les
caractéristiques suivantes:
a) il a été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt
général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial;
b) il est doté de la personnalité juridique; et
c) soit il est financé majoritairement par l’État, les autorités régionales
ou locales ou par d’autres organismes de droit public, soit sa gestion
est soumise à un contrôle de ces autorités ou organismes, soit son
organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé
de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, les
autorités régionales ou locales ou d’autres organismes de droit public;
14
Le droit français a été plus en retrait dans sa conception mais il tend à
évoluer et à s’aligner sur le droit européen notamment depuis le code des
marchés publics (CMP) de 2006.1
Le droit européen comporte deux directives l’une, générale, 2014/24 sur
la passation des marchés publics et une autre 2014/25 relative à la
passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau,
de l’énergie, des transports et des services postaux. La directive
sectorielle pose des règles propres à une catégorie spécifique de pouvoirs
adjudicateurs qui lui sont soumis. Ces deux directives mettant à jour des
directives plus anciennes n’ont pas encore été transposées dans le droit
interne et leurs nouveautés ne sont donc pas prises en compte dans le
présent guide.
En droit les organismes soumis aux deux directives sont des pouvoirs
adjudicateurs. En pratique « pouvoir adjudicateur » est le nom de
principe des organismes soumis aux directives sur les marchés publics
tandis que la catégorie particulière qui relève de la directrice sectorielle
est appelée « entité adjudicatrice ».
Le code des marchés publics comporte ainsi une première partie qui
s’applique aux pouvoirs adjudicateurs. C’est dans ce champ que se situe le
présent guide.
1 Lors de contacts avec des auditeurs d’autres pays européens on est frappé du
fait qu’ils utilisent directement les directives comme référentiel de leur discours sans se référer à des normes transposées de droit interne.
2. Ce guide ne peut être utilisé sans
précautions pour tous les organismes
auxquels la directive 2014/24 est
applicable
La France a fait le choix de « recopier » dans son droit interne les
directives européennes de sorte que des textes sont pris pour soumettre
au code des marchés publics des organismes qui relèvent des directives. A
l’inverse il est possible d’être amené à auditer un organisme qui relève
des directives mais qui n’a pas été soumis au code des marchés publics.
Entrent dans le premier cas les organismes de sécurité sociale. Pour les
organismes gérant tout ou partie d’un régime légalement obligatoire de
sécurité sociale l’article L 124- 4 du code de la sécurité sociale prévoit
qu’ils passent des « marchés dont le mode de passation et les conditions
d'exécution respectent les garanties prévues en matière de marchés de
l'Etat. »
Article L. 124-4 Code de la sécurité sociale (modifié par la loi n°2007-1786
du 19 décembre 2007 - art. 101)
Les travaux, les fournitures, les prestations intellectuelles et les services
pour le compte des organismes de droit privé jouissant de la personnalité
civile assurant en tout ou partie la gestion d'un régime légalement
obligatoire d'assurance contre la maladie, la maternité, la vieillesse,
l'invalidité, le décès, le veuvage, les accidents du travail et les maladies
15
professionnelles ou de prestations familiales, ainsi que des unions ou
fédérations desdits organismes, font l'objet de marchés dont le mode de
passation et les conditions d'exécution respectent les garanties prévues
en matière de marchés de l'Etat.
Les dispositions du premier alinéa sont également applicables aux
groupements d'intérêt public et aux groupements d'intérêt économique
financés majoritairement par un ou plusieurs organismes mentionnés au
premier alinéa, ou par un ou plusieurs organismes nationaux cités à
l'article L. 200-2.
Les conditions d'application du présent article sont fixées par arrêté
interministériel.
Peut entrer dans le second cas de figure, une association loi 1901 qui
remplirait les conditions figurant dans la directive sans pour autant être
soumise au code des marchés publics. Il faudra toutefois vérifier que les
dispositions du code auxquelles on fait référence figurent bien dans les
directives.
Enfin il faut noter que le droit interne peut (ou pourrait2) soumettre au
CMP des organismes qui ne sont pas soumis aux directives. A titre
d’exemple la CJUE a jugé que l’ordre des médecins de Westphalie Lippe
n’était pas soumis aux directives. Pourtant les ordres professionnels
figuraient sur la liste annexée à la directive concernant l’Allemagne mais
la Cour a jugé qu’aucun des trois critères du 4.c) n’étaient remplis. En
particulier il n’y avait pas de financement (même indirect) car il avait une
2 Ce pourrait être une recommandation de l’auditeur
grande autonomie de l’organisme dans la définition de la nature, de
l’étendue et des modalités de ses actions et partant dans la fixation de
son budget et de ses cotisations. Le critère du contrôle de la gestion
n’était pas rempli car ce contrôle a posteriori ne permettait pas aux
pouvoirs publics d’influencer les décisions de l’organisme concerné en
matière de marchés publics. Rien n’interdirait par contre de soumettre un
organisme de ce type au code des marchés publics par un texte législatif.
Pratiquement la méthode de travail exposée et bon nombre des éléments
de ce guide peuvent être utilisés dans ce cadre mais il conviendra de bien
prendre en compte les quelques différences juridiques qui existent entre
les deux champs.
Par ailleurs, les EPIC ou des EPA mais aussi des services de l'Etat, sont
opérateurs de réseaux. La DSNA par exemple, SCN, l'est depuis 2005.
Dans ce cas s’ils passent des marchés de travaux les deux directives
s'appliquent et l’auditeur devra prendre en compte ce fait.
3. Limites au champ des marchés publics
traités par le présent guide
Les partenariats public-privé (PPP) sont des marchés publics au sens des
directives3, mais ils n’en sont pas au sens du CMP et n’entrent pas dans le
champ du présent guide.
Les spécificités des marchés de défense ne sont pas traitées dans ce
guide.
3 L’ordonnance qui les crée vise la directive marchés publics
16
Il en va de même de règles particulières à certains marchés (comme par
exemple les règles spécifiques aux marchés passés par les établissements
à caractère scientifique et technologique pour leurs achats de fournitures,
services ou travaux, destinés à conduire leurs activités de recherche).
17
FICHE 1.1 : «Prise de
connaissance et analyse de
risques»
On ne se place pas ici dans le cadre de l’audit d’un marché particulier mais
d’une mission d’audit de marchés, dont le champ peut d’ailleurs être
variable (marchés d’un organisme ou d’une partie d’un organisme,
marchés particuliers, mission portant sur des points particuliers) et qui
porte uniquement sur la régularité.
On pourra se reporter utilement à la fiche de même titre du guide de
l’audit des achats et aux fiches relatives à l’organisation des achats qui
peuvent être tout à fait pertinentes dans le cadre d’une mission portant
sur les seuls marchés. La présente fiche propose une démarche plus
réduite dans son ampleur.
1. Organisation des travaux de prise de
connaissance
La phase de prise de connaissance traitera les points suivants :
• Prise de connaissance de l’organisation de la commande publique
afin principalement d’en apprécier la
centralisation/décentralisation et repérer les principaux
interlocuteurs (cf. fiches 2.1 et 2.5 du guide d’audit des achats) ;
• Prise de connaissance de la cartographie des achats et des
marchés (cf. fiche 1.2 du présent guide) ;
• Prise de connaissance du système d’information sur les achats (cf.
fiche 2.4 du guide d’audit des achats) et en son sein de la partie
qui concerne la seule commande publique ; repérage de systèmes
d’information spécifiques comme des logiciels d’aide à la
passation des marchés ;
• Obtention ou lancement des demandes permettant de constituer
une base des marchés passés et actifs pendant la période sous
revue.
2. Principales questions d’audit sur
l’analyse des risques
Les principales questions d’audit de la fonction achat demeurent
pertinentes en les recentrant sur la seule commande publique :
• L’organisme a-t-il conduit une analyse des risques en matière de
commande publique ?
- Cette analyse est-elle formalisée dans un document
auditable ?
- Couvre-t-elle l’ensemble du processus commande
publique ou uniquement la partie correspondant aux
tâches accomplies par une fonction commande publique
identifiée (tout ou partie) ?
18
- A-t-on défini au sein du processus et de la fonction
commande publique des points critiques et les risques
associés ?
• Un contrôle interne est-il formalisé ? Se fonde-t-il sur l’analyse
des risques conduite par la structure, le cas échéant ?
• Existe-t-il des documents explicitant les principaux contrôles
informatisés fournis par le système d’information et des
restitutions de leurs résultats ? Qui utilise ces restitutions ?
- Cela existe-t-il pour les systèmes d’information supportés
par des progiciels ou des logiciels propres couvrant la fonction
achat ?
- Est-on dans le cas de logiciels locaux ou ne couvrant
qu’une part de la fonction ?
- Est-on dans le cas d’un système d’information supporté
par des tableaux type Excel® ?
3. La question difficile de l’organisation
interne de l’administration
En droit pur une entité juridique constitue un pouvoir adjudicateur au
sens des directives et donc c’est à ce niveau que doivent s’apprécier les
règles, en particulier les règles de seuil.
Cela pose une difficulté pour l’Etat, à qui on ne peut appliquer
simplement ce raisonnement :
Il n’est clairement pas applicable aux assemblées parlementaires
et aux autorités indépendantes de toute nature ;
Au sein même de l’exécutif il pose question au regard de la
structure ministérielle et du principe selon lequel le ministre est le
chef de son administration.
L’auditeur devra donc vérifier que le découpage qui lui est présenté
n’est pas un moyen de se soustraire à des contraintes du CMP et qu’il
apparait de ce point de vue raisonnable.
Dans cette analyse la suppression de la notion de personne
responsable du marché (PRM) clarifie le débat car elle pouvait avoir
été utilisée pour apprécier au niveau du champ de compétence de la
PRM les règles du CMP. L’existence d’une ou plusieurs personnes
habilitées à passer des marchés n’a aucun lien avec la structure
organique et donc la définition de ce qu’est le pouvoir adjudicateur.
19
FICHE 1.2 : «Établir la
cartographie des achats et
des marchés»
Dans le cas où la mission ne porte pas sur un marché mais sur la régularité
de la passation des marchés soit dans un organisme, soit pour un segment
de son activité, il sera nécessaire de dresser la cartographie des marchés
qui sont passés, au minimum afin de constituer la base dont sera tiré
l’échantillon de marchés examinés. Ce travail peut aussi avoir d’autres
usages.
Dans cette fiche on utilisera le terme de « marché » pour le contrat passé
avec un fournisseur et l’expression « consultation » pour une procédure
de mise en concurrence, qui peut éventuellement donner lieu à plusieurs
marchés.
1. Etablir un lien entre cartographie des
achats et nomenclature produits ou
services « homogènes » au sens du
code des marchés publics
S’il existe une cartographie des achats elle devrait comporter une
nomenclature de famille de produits et celle-ci devrait être identique à
celle utilisée pour apprécier les produits ou services homogènes, c'est-à-
dire pour appliquer les règles de computation des seuils. Toute différence
devrait être justifiée et analysée par l’auditeur.
Si le système d’information le permet, l’auditeur peut envisager de
repartir de données sur les achats ou les marchés et, s’il disposepour
chacun d’entre eux des code CPV (Common Procurement Vocabular) de
les examiner sur cette base, ces codes permettant de reconstituer des
familles homogènes.Constituer une base de données de consultations et
de marchés (y compris les avenants)
L’objectif est de constituer une base exhaustive des marchés passés et en
cours d’exécution à la date du contrôle : en général les marchés passés
serviront de base à la sélection des marchés faisant l’objet d’un audit de
leur passation, notamment si on veut en évaluer l’évolution dans le
temps, les marchés totalement exécutés ou en cours d’exécution
serviront de base à la sélection des marchés faisant l’objet d’un audit de
leur exécution.
Le logiciel comptable et, s’il existe, le logiciel de gestion des achats sont
les bases globales de travail. Ils ne possèdent souvent pas toutes les
informations dont l’auditeur a besoin. Il sera donc nécessaire de le
compléter à partir d’autres sources (publication des marchés attribués,
tableaux Excel divers tenus par les services).
20
Les éléments principaux à recueillir sont :
Identification de la
consultation
Si un marché d’une consultation présente
des irrégularités, celles-ci risquent de
concerner aussi les autres marchés
auxquels elle a donné lieu
Identification du marché
Date de passation
(JJ/MM/AA)
Permet de calibrer l’échantillon en fonction
des exercices couverts par l’audit. Des
marchés trop anciens encore utilisés sont
une zone de risque au regard des règles de
durée des marchés, les marchés en fin
d’exercice présentent des facteurs de
risque particuliers, ce qui suppose de
connaitre non seulement l’année mais
aussi le mois
Mode de passation Permet de calibrer l’échantillon sur ce
critère et de cibler les procédures
considérées comme « à risque »
Montant du marché C’est le montant du marché initial figurant
mais aussi celui des avenants si possible en
ayant les deux informations
Montant dépenses par
exercice et cumulé depuis
le début du marché
Permet de calculer des ratios de
couverture par rapport au champ couvert
Le montant peut être un critère de
sélection dans l’échantillon
Famille produit code CPV Application des règles de computation.
Attention un même marché peut recouvrir
des produits de familles différentes. Il
faudra donc être attentif à la qualité et la
pertinence de cette donnée au niveau du
marché.
Service acheteur Afin de pouvoir différencier la performance
de chaque service acheteur ou d’identifier
le champ de l’audit
Service
utilisateur/prescripteur
On cherche ici à identifier à la fois
l’utilisateur et le prescripteur et il peut
parfois être pertinent de distinguer les
deux notions
Signataire Important car c’est le « porteur » du risque
juridique et pénal final
Il est nécessaire de préciser comment sont identifiés et éventuellement
suivis les avenants avec comme principe que les informations à recueillir
sont les mêmes que celles des marchés.
21
2. Définir les échantillons de contrôle
On se reportera sur ce point à la fiche correspondante du guide d’audit
des achats (cf. fiche 0.4). Deux questions sont à se poser
1. Prend-on un échantillon représentatif de la base selon des critères
d’attribut à déterminer (poids financier, type de procédure, …) ou utilise-
t-on un échantillon de marchés à risque ? Dans le premier cas on peut si la
base est suffisante extrapoler les résultats, dans le second on est en
mesure de déterminer si, lorsque l’organisme est confronté à un risque, il
est en mesure de le traiter.
2. Fonde-t-on l’analyse sur un échantillon de marchés qui seront examinés
dans leur ensemble de la passation à l’exécution, ou constitue-t-on un
échantillon ad hoc pour chaque risque analysé ou par morceau du
processus étudié (par exemple si le risque est l’absence de validation du
service fait on ne prendrait que des dossiers de validation de services
faits).
Les choix dépendront des objectifs de la mission, des résultats de
l’analyse des risques et des données disponibles. Ils devront être
documentés dans le dossier d’audit.
22
23
Fiche 1.3 : «Repérage du
‘saucissonnage’»
Nb : En complément de la présente fiche, on renverra à des travaux plus généraux dédiés aux méthodes et modalités de computation des seuils (cf. fiche 4.1 du guide d’audit des achats).
1. Principaux risques
Le « saucissonnage » s’apparente à un fractionnement artificiel des
commandes aboutissant à se soustraire aux obligations concurrentielles,
dans le but d’éviter le recours à une procédure formalisée ou de
favoriser certaines entreprises.
Ce fractionnement peut alternativement être opéré à l’échelle d’une
prestation ou à celle de l’organisme, en lien avec l’organisation des achats
retenue par la structure.
Le Code des marchés publics de 2001 renvoyait les acheteurs à une
nomenclature très détaillée en matière de fournitures et de services et à
la notion d’opérations ou d’ouvrage en matière de travaux. Le Code de
2006 supprime le caractère obligatoire des nomenclatures. Pour autant
lorsque le pouvoir adjudicateur établit un avis d’appel public à la
concurrence communautaire, il est tenu de faire référence au numéro de
nomenclature du règlement n° 2195/02/CE relatif au vocabulaire
commun pour les marchés publics, dit CPV pour Common Procurement
Vocabulary.
Par ailleurs le code de 2006 maintient l’obligation pour le pouvoir
adjudicateur d’identifier des prestations homogènes.
Pour les marchés de fournitures et de services, l’acheteur doit pouvoir
justifier ses choix par référence à la notion de fournitures et services
homogènes4 dans lesquelles les services acheteurs doivent classer les
commandes. Il doit pour ce faire procéder à une estimation de la valeur
de l’ensemble des fournitures ou des services qui peuvent être considérés
comme homogènes :
ou bien en raison de leurs caractéristiques propres,
ou bien parce qu’ils constituent une unité fonctionnelle. Le
pouvoir adjudicateur définira alors ces unités en fonction de la
vocation de sa commande.
Sauf si le PA a de bonnes raisons pour et la capacité à mener un travail de
nomenclature propre, le recours au CPV est la solution la plus aisée et la
moins coûteuse en temps de travail. Elle a aussi l’avantage de se couler
dans les obligations prévues au-dessus des seuils européens.
Pour les marchés de travaux, la computation des seuils s’appuie sur la
notion d’opération : celle-ci s’apparente à un ensemble de travaux
indissociables en raison de leur objet, des procédés techniques employés
ou du financement que le maitre d’ouvrage a mis en œuvre dans une
période de temps et un périmètre géographique déterminé.
4 Pour une présentation détaillée de la notion de familles de fournitures ou de
services homogènes, on se référera utilement à la fiche 4.1 du guide d’audit des achats.
24
Quelle que soit la technique qu’il emploie, la délimitation d’une
catégorie homogène de fournitures ou d’une opération ne doit pas avoir
pour effet de soustraire certains marchés aux règles qui leur sont
normalement applicables dans le cadre du Code des marchés publics. La
période à prendre en compte est celle du nombre d’années maximum
pendant lesquelles le marché peut être exécuté.
2. Articles du code pertinents et autres
textes
L’article 5 du Code des marchés publics rend nécessaire de pouvoir
justifier les choix effectués sans indiquer comment ces choix doivent être
faits. Les principes de computation des seuils exposés dans l’article 27
visent à lutter contre le « saucissonnage » des marchés et à imposer aux
pouvoirs adjudicateurs l’utilisation de procédures en adéquation avec le
montant estimé de leurs besoins.
3. Etapes du contrôle
L’objectif pour l’auditeur consiste à vérifier notamment quel impact la
méthode de computation des seuils (si le pouvoir adjudicateur recourt à
une méthode) peut avoir sur le franchissement de ceux-ci.
On voit mal comment un pouvoir adjudicateur peut couvrir les risques liés
au saucissonnage sans avoir défini dans un document traçable et
auditable une nomenclature de ses achats courants de fournitures et de
services (homogènes par nature).
Pour cadrer les travaux l’auditeur peut utilement procéder en deux
étapes :
Mise en évidence de certaines situations manifestes
de fractionnement L’auditeur pourra utilement retracer la part du hors marché dans les
achats. Trop importante, elle est le signe d’un « saucissonnage » dans le
but de contourner l’obligation réglementaire de passer un marché. Le
poids des achats hors marché donne ainsi une indication sur les
possibilités existantes en matière d’agrégation de la demande. Il est
nécessaire de prêter attention à une évolution de cet indicateur dans le
temps : a priori l’indicateur doit au minimum faire apparaître une
stabilité.
Une analyse plus détaillée en fonction de la typologie des achats peut
s’avérer utile. Si l’auditeur ne peut s’appuyer sur la nomenclature CPV
ou celle établie par l’organisme, une approche par ligne de compte (ou
groupe de lignes de compte) regroupant des opérations de même nature
afin de repérer les agrégations possibles, notamment sur plusieurs
années, est pertinente, dès lors que l’on se place à un niveau de compte
assez fin. L’auditeur peut également procéder à une analyse fine par
centre d’achat, afin de repérer un type d’achat présentant une part
notoirement plus élevée de dépenses hors marché en proportion des
dépenses réalisées.
Il est recommandé de prêter une attention particulière à l’évolution
dans le temps du poids des procédures sans concurrence et avec
concurrence, afin de mettre en avant certaines évolutions notoires.
En cas de changement récent dans les modes de computation des seuils,
il est conseillé de vérifier l’impact de ce changement. En particulier une
25
augmentation du nombre et/ou du poids financier des marchés en
dessous du seuil des procédures formalisées est une évolution qui devra
être expliquée car cette évolution peut faire supposer une volonté de
fractionnement des marchés. Ce même exercice peut être pratiqué à des
fins de comparaison entre la méthode employée par le pouvoir
adjudicateur et une méthode alternative.
L’auditeur s’intéressera enfin aux choix d’allotissement du pouvoir
adjudicateur, au regard de la possibilité de passer des marchés à
procédure adaptée pour les lots de faible montant5. L’existence de séries
de marchés présentant des variations significatives dans les périmètres
pour une même catégorie de produits d’un marché à l’autre peut
constituer un signal d’alerte.
Analyse de la méthode de computation des seuils
Pour les marchés de fournitures et de services :
Il est nécessaire d’auditer l’existence et l’utilisation effective d’un
document interne (ou des règles utilisées dans le système d’information
en place) définissant les familles de fournitures et services homogènes,
5 Selon l’article 27 du CMP, le montant d’un marché alloti s’apprécie sur la base
de la totalité des lots qui le compose. Cependant pour les lots inférieurs à 80 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services et à 1 000000 € HT dans le cas des marchés de travaux, il est possible de recourir à une procédure adaptée à la condition que le montant cumulé des lots n’excède pas 20 % de la valeur de la totalité des lots.
ainsi que son utilisation effective par les services acheteurs pour classer
les commandes.
Il convient de vérifier ensuite le caractère sincère et raisonnable de la
méthode utilisée pour élaborer ce document : référence à la
nomenclature CPV, à celle annexée à l’arrêté du 13 décembre 2001, à la
nomenclature SAE ou à une cartographie des achats réalisée en interne,
prise en compte de l’impact de la méthode sur le nombre de marchés
susceptibles de dépasser le seuil de l’appel d’offres…. A minima il est
nécessaire de s’assurer que le choix de la méthode de computation
(computation par famille homogène ou par unité fonctionnelle) obéit à
une définition claire. Si la méthode retenue impacte fortement le nombre
de procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur doit être en mesure
de prouver que ce fractionnement correspond à des besoins de nature
différente ou à la structure du marché des fournisseurs. En d’autres
termes, l’impact doit être justifiable par des arguments objectifs.
Pour les marchés de travaux, il est nécessaire de s’assurer que la notion
d’opération de travaux est bien identifiée par des critères (période de
temps et zone géographique données pour un ensemble de travaux
caractérisés par une unité fonctionnelle, technique ou économique).
Pour les marchés de fournitures et de services on s’intéressera à
l’utilisation de la notion d’unité fonctionnelle pour vérifier qu’elle ne sert
pas à camoufler le dépassement des seuils dans une famille de prestations
et services homogènes par nature.
26
Il convient enfin de s’assurer que les choix d’allotissement sont
effectivement justifiés par des avantages économiques, financiers ou
techniques.
4. Documents à utiliser
Pour ces travaux il est nécessaire, outre les tableaux de synthèse des
achats, tableaux de bord et rapports prévus à l’article 138 du CMP, d’avoir
accès à l’ensemble des documents retraçant la méthode de computation
des seuils ainsi que la classification des achats par familles.
Il sera nécessaire d’examiner si à partir du SI Achats ou du SI Budgétaire et
comptable il est possible de produire les données recherchées.
Si ces données sont intégrées dans le SI il conviendra d’auditer les choix
faits et les contrôles programmés.
27
Fiche 1.4 :
«Échantillonnage/représent
atif ou procédures à risques»
Nb. Dans le cadre d’un contrôle de marchés, l’auditeur tendra à faire
porter son contrôle sur un seul et même échantillon. Cette pratique diffère
de celle valable lors d’un contrôle des achats, consistant à déterminer pour
chaque étape de l’audit nécessitant de recourir à un échantillon, la taille
de celui-ci, l’unité d’échantillonnage (marché, fournisseur, commande,
etc.) et ses principales caractéristiques. Une démarche comparable à celle
d’un audit des achats n’est toutefois pas à exclure a priori s’il s’agit de
tester des risques spécifiques (exemple : conformité des clauses de prix). 6
Etape n°0 : déterminer si le recours à un échantillon est nécessaire
Le recensement des marchés passés sur la période de référence apparaît
comme un préalable à la constitution de l’échantillon. La décision de
recourir ou non à un échantillon doit être prise au regard de la taille de la
population considérée et de la possibilité de faire usage de logiciels
spécialisés pour le retraitement des données.
On portera une attention particulière à la détermination de la population
de référence en fonction des objectifs de l’audit et de l’analyse des
risques. S’il s’agit d’apprécier la passation des marchés pendant une
6 Cette fiche reproduit pour des raisons de commodité la fiche établie dans le
cadre du guide d’audit des achats. Cette fiche a été rédigée par Issahne SLIMANI stagiaire à l’IGAS
période donnée, remonter trop loin dans le temps n’a pas de sens et la
population de référence risque d’être faible si la période est courte. S’il
s’agit d’apprécier l’exécution, la population de référence est l’ensemble
des marchés exécutés ou en cours d’exécution, soit un nombre plus
important.
Etape 1 : choisir la méthode d’échantillonnage
L’échantillon de marchés pourra alternativement être constitué sur une
base statistique (échantillonnage aléatoire) ou non statistique
(échantillonnage raisonné), en fonction des objectifs de l’audit :
dans le cas d’un échantillon statistique, l’auditeur souhaite
obtenir une base raisonnable à partir de laquelle pourront être
tirées des conclusions probantes concernant la population dans
son ensemble. Il aura recours à ce type d'échantillonnage lorsqu'il
entend faire un énoncé quantitatif au sujet d'une population plus
grande en se fondant sur les résultats d'un échantillon ; cette
approche n’est pertinente que pour un nombre de marchés
relativement élevé (cf. infra) ;
dans le cas d’un échantillon non statistique, l’auditeur
sélectionne l’échantillon de marchés en fonction d’une
caractéristique donnée et n'a pas l'intention de tirer des
conclusions au sujet d'autres cas que ceux qui sont dans
l'échantillon. L’échantillonnage non statistique ou raisonné donne
à l’auditeur la flexibilité d’utiliser son opinion professionnelle
pour sélectionner les éléments qui ont le plus besoin d’être
28
testés. Le recours à ce type d’échantillon se justifie lorsque les
énoncés généraux sont d'ordre qualitatif plutôt que quantitatif.
Par exemple, on peut avoir l'intention de recenser les cas
particuliers de dysfonctionnements sans faire d'observation sur la
fréquence avec laquelle ils se produisent. Nb : Pour les petites
populations, une démarche non statistique peut permettre
d’obtenir des résultats significatifs : si sur 50 marchés, on en a
examiné 15 dont 10 sont irréguliers, on ne pourra déduire que 2/3
des marchés sont irréguliers, mais on aura montré que 20% le sont
effectivement. Dans une autre, si sur 50 marchés on a examiné 15
tous réguliers, on ne pourra déduire que 100% des marchés le sont
mais on sera sûr que 30% sont réguliers, sans pouvoir exclure que
70% ne le soient pas.
Si l’approche statistique permet de soutenir des conclusions et des
recommandations de manière plus crédible, sa constitution peut s’avérer
difficilement compatible avec les contraintes de temps d’un contrôle des
marchés. Elle doit notamment intégrer le risque d’échantillonnage (risque
que la conclusion basée sur un échantillon soit différente de celle à
laquelle il serait parvenu si l’ensemble de la population avait été soumis à
la même procédure d’audit). Ce risque est notamment fonction :
de la taille de la population (cf. tableau ci-dessous), à croiser avec
les moyens dont dispose l’auditeur pour l’analyse (effectifs en
jour/homme et accès à des logiciels spécialisés), ainsi qu’avec la
précision et la marge d’erreur acceptées de l’estimation ;
de son caractère plus ou moins uniforme au regard de la
caractéristique observée. La conception d'un échantillon devient
plus complexe dans le cas où les caractéristiques principales des
membres de l'échantillon ne sont pas uniformément réparties
dans toute la population (ex : petit nombre de marchés de
montant élevé et grand nombre de marchés dont le montant
relatif est très faible), rendant nécessaire le recours à des
échantillons complexes (ex. échantillons aléatoires décomposés
en strates de caractéristiques similaires).
Tableau 1 : Taille d’échantillon en fonction de la taille de la population,
de la précision et la marge d’erreur acceptées de l’estimation
Niveau de
confiance
Marge
d'erreur
Taille de la population étudiée
10 15 30 50 100 150 200
99% 2% 10 15 30 50 98 145 191
5% 10 15 29 47 87 123 154
10% 10 14 26 39 63 79 91
95% 2% 10 15 30 49 96 142 185
5% 10 15 28 45 80 108 132
10% 10 13 23 33 49 59 65
90% 2% 10 15 30 49 95 138 179
5% 10 15 27 43 73 97 115
10% 9 13 21 29 41 47 51
Exemple : si sur une population de 200 commandes, l’auditeur veut
estimer le montant moyen et avoir 95% de chances que le chiffre de la
population soit dans la fourchette chiffre de l’échantillon à plus ou moins
5% il faut que cet échantillon soit de 132.
29
Cf. notamment sur ce point la norme ISA530 sur les sondages en audit.
Un croisement possible entre les deux approches peut consister à
procéder en deux temps :
1/ Analyse de risques préalable permettant d’isoler une population « à
risque ». Cette analyse prendra en compte :
l’impact, ce qui peut notamment amener l’auditeur à la sélection
d’achats d’un montant élevé ou encore d’achats de caractère
stratégiques ;
la probabilité, ce qui peut conduire l’auditeur à constituer son
échantillon à partir des points d’alerte les plus facilement et
rapidement repérables aux différentes étapes de la procédure.
Etape de l’audit Exemples de population « à risque »
Auditer les modalités de
computation des seuils
- « Série » chronologique de marchés
présentant des variations significatives dans les
périmètres pour une même catégorie de
produits d’un marché à l’autre,
(traduisant possiblement des variations dans
le référentiel utilisé).
- « Série » chronologique de marchés
caractérisés par la récurrence d’un même
fournisseur dans le temps, (traduisant
possiblement un mode de computation des
seuils ou des modalités d’allotissement
inadaptés).
Auditer les modalités de
choix de la procédure
- Marchés passés grâce à des procédures
simplifiées (procédure adaptée, MAPA).
Auditer l’analyse des
offres
- « Série » chronologique de marchés
caractérisés par la récurrence d’un même
fournisseur dans le temps (faible taux de
rotation des attributaires) ou à l’échelle d’un
même marché, pour ceux d’entre eux qui ont
fait l’objet d’un allotissement.
Analyser l’exécution
financière des achats
- Marchés présentant des difficultés au stade
de l’exécution (problèmes
d’approvisionnement, inexécution de certaines
dispositions contractuelles, ruptures de stock,
défauts de qualité signalés par les services,
etc.)
30
Etape de l’audit Exemples de population « à risque »
Auditer les avenants et
décisions de poursuivre
- Marchés ayant fait l’objet de plusieurs
avenants successifs d’un montant important.
2/ Sélection d’un échantillon statistique de marchés, destiné à être
représentatif, non de la population dans son ensemble, mais du type de
marché « à risque » isolé.
Etape 2 : constituer l’échantillon de marchés
Pour la constitution d’un échantillon probabiliste et la présentation des
différentes techniques disponibles (aléatoire simple, aléatoire
systématique, échantillonnage stratifié, l’échantillonnage en grappe à
plusieurs degrés, etc.), l’auditeur pourra notamment se référer au guide
d’audit des achats (cf. fiche 0.4), ainsi qu’aux manuels d’utilisation des
logiciels d’audit type IDEA©, qu’il croisera utilement avec les supports
existants de formation à l’audit.
31
Fiche 2.0 : «Organisation des
travaux d’audit»
On décrira ici une démarche générale d’organisation des travaux
d’audit d’un marché. Pour la passation on examinera la
consultation qui donnera éventuellement lieu à plusieurs marchés
au sens d’un contrat. Pour l’exécution on examinera marché par
marché (au sens de contrat par contrat).
1. Constitution du dossier : principaux
documents à demander
Reconstituer le dossier du marché : - Les pièces standards (CCAP, CCTP, AE, rapport de présentation,
..) - Les documents formalisés qui retracent les travaux menés
(rapports, notes, voire mail dont on peut trouver trace dans les dossiers …)
- Les offres des sociétés non retenues (elles sont éventuellement difficiles à obtenir car souvent elles n’ont pas été conservées)
Repérer l’ensemble des intervenants dans la procédure tant de passation que de l’exécution, tant en terme d’organisation (service d’appartenance) que d’identification individuelle ( nom et coordonnées des personnes).
2. Entretiens
On recommandera le plus souvent de commencer par une phase
d’analyse des documents permettant d’acquérir une première
compréhension, puis par les entretiens, destinés à vérifier la
compréhension et à obtenir des informations sur des points précis,
auprès :
des personnes qui ont participé à la procédure à quelque stade que ce soit
des décideurs tant en amont (lancement et choix de la procédure) qu’en aval (décision sur l’attributaire)
des sociétés qui ont retiré le cahier des charges et n’ont pas répondu,
des sociétés non retenues (les coordonnées de la personne responsable figurent sur les offres, un contact téléphonique peut être intéressant).
3. Travaux à mener et documents à
produire
Le tableau ci-dessous donne les travaux minimum à mener pour conduire
l’audit. Il ne comporte pas tous les travaux possibles ou recommandés (cf.
fiches suivantes).
32
Etape Tâche
Analyse des étapes
préalables à la
consultation
Définition du besoin
Comprendre ce qui s’est passé avant le lancement
de la consultation, de la définition du besoin à
l’élaboration des documents de consultation ; une
approche des délais de cette phase permet
d’apprécier à sa juste valeur le poids des délais
imposés par le CMP
Analyse du choix de
la procédure
Vérifier le respect des seuils de montant pour
certaines procédures
Vérifier l’adéquation de la procédure choisie à
l’objet du marché
Description du
marché et de la
procédure
Relever le contenu précis du marché et le coût de
ses composantes
Calculer ou évaluer le montant total du marché
Repérer la nature de la procédure de choix et celle
du marché (modalités d’exécution)
Relever les étapes de la procédure
Comparer les délais légaux aux délais effectifs
Analyse du dossier
de consultation
Vérifier les conditions d’élaboration de ces
documents
Vérifier le contenu du DCE
Vérifier la mise en œuvre du principe
d’allotissement
Vérifier le contenu des clauses ( en particulier
qu’elles n’avantagent pas une société) et
l’opportunité des clauses dérogatoires au CCAG
Vérifier, s’il y en a eu, la régularité de la
modification du DCE
Analyse de la mise
en concurrence et
du choix du
fournisseur retenu
Vérifier la conduite de la procédure de mise en
concurrence
Vérifier que la procédure de dépouillement a bien
conduit à retenir le mieux disant
Analyse de
l’exécution
Vérifier la réalité des prestations
Vérifier le contenu et le montant des avenants et
faire un tableau des avenants
33
Fiche 2.1 : «Les acteurs»
1. Eléments introductifs
Les acteurs d’un marché public sont nombreux : représentant du pouvoir
adjudicateur, unité achat centralisée ou bureau de la coordination de la
commande publique, cellule marchés, groupes d’utilisateurs, commissions
de choix (commission d’appel d’offres,…)… Suivant les cas, certains de ces
acteurs ont (ou non) un caractère obligatoire.
Cette fiche est une approche méthodologique destinée à aider l’auditeur
dans l’organisation de ses travaux pour ce qui concerne l’identification
des différents acteurs intervenus sur le marché audité.
Le champ pourra être limité à la phase de passation ou porter y compris
sur l’exécution et le suivi selon le champ de l’audit.
2. Principaux points d’attention
a- Identifier l’ensemble des acteurs et documenter leur liste
En premier lieu, l’auditeur est invité à lister dans un document
récapitulatif (description littérale ou tableau) l’ensemble des acteurs
intervenus sur le marché.
Afin de favoriser une identification exhaustive de ces acteurs et de
fonder l’analyse sur des éléments opposables, il est recommandé de
documenter qui a fait quoi dans la production des différents
documents du marché : dossier de consultation des entreprises,
cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses
techniques particulières, …
De plus en plus d’échanges se font par voie électronique. Par
conséquent l’auditeur doit s’interroger sur la documentation de ces
échanges et vérifier qu’ils ne font pas intervenir d’acteurs qui
n’apparaîtraient pas dans les documents fournis.
b- Principaux axes de questionnement guidant l’identification des
acteurs
Dans ce cadre, il n’est évidemment pas question de porter un
jugement de valeur sur les compétences de ces différents acteurs.
Il convient pour l’auditeur notamment de s’assurer que le stade de la
procédure auquel interviennent ces acteurs, la direction / le service /
le bureau dont ils relèvent ainsi que leur positionnement hiérarchique
(directeur,…) sont de nature à favoriser une bonne appréciation et
une correcte maîtrise des risques associés au marché.
Une attention toute particulière est également à porter sur les
interactions entre ces différents acteurs (conflits d’intérêts,…).
A titre d’illustrations, l’auditeur examine :
qui intervient dans la définition des besoins ? S’agit-il
uniquement d’experts ou de techniciens ? S’agit-il
uniquement de l’utilisateur final ? Uniquement des membres
de la cellule marchés ?...
34
qui intervient dans le choix des prestataires ?...
qui assure l’exécution du marché et son suivi ?
S’agissant de ces interactions, l’auditeur s’assure non seulement de
leur existence mais aussi du contrôle interne associé.
c- Nécessaire adaptation de l’analyse
Afin d’être pertinente, la démarche d’analyse de l’auditeur est à adapter à
chaque cas.
En particulier, l’auditeur doit adapter son questionnement et les critères
de formulation de son diagnostic prioritairement aux dispositions
règlementaires applicables à la structure / entité qui procède à l’achat
dans le cadre duquel s’inscrit le marché mais aussi à l’organisation de
cette structure / entité.
Ainsi, à titre d’illustration, l’auditeur adapte son analyse, et surtout est
susceptible de formuler un diagnostic différent, selon que les instances
sont ou pas obligatoires.
35
Fiche 2.2 : «La définition du
besoin»
Les étapes préalables à la consultation revêtent une importance souvent
mésestimée par leurs conséquences par la suite.
1. Eléments introductifs
Le besoin doit être défini avec méthode :
Identification des finalités et des objectifs (recueil de données sur
les besoins des utilisateurs).
Identification du marché fournisseurs et donc de ce qu’offre le
marché au regard des besoins exprimés (avec la possibilité d’une
discussion sur le bilan avantage/coût de certaines expressions de
besoin et spécifications techniques qui en découlent).
Intégration à ce stade des démarches de globalisation des achats
(entre utilisateurs, dans le temps,...).
Description via des spécifications techniques.
Puis intervient la définition des modalités d’acquisition (mode de
dévolution du marché ou de l’accord-cadre, procédure de passation,
durée du marché).
L’auditeur devra s’assurer que, pour le marché contrôlé, la nature et
l’étendue du besoin ont été déterminés avec précision, avec
réalisme, en lien avec l’offre existante, en termes de fonctionnalités
à obtenir.
L’auditeur sera vigilant car les descriptions techniques peuvent
notamment être des freins à la concurrence voire avantager certains
fournisseurs.
Par ailleurs définir le besoin n’est pas dire comment il doit être
satisfait.
Du fait des spécificités de la procédure de dialogue compétitif, cette
fiche ne lui est pas applicable.
2. Risques
La définition du besoin est une exigence en tant que telle et conditionne le choix de la procédure à mettre en œuvre. Les risques associés sont en particulier les suivants :
a- Les risques ayant des conséquences sur la régularité des achats :
nullité du marché, spécifications techniques qui induisent une atteinte au principe d’égalité des candidats, délit de favoritisme, erreur dans le choix de la procédure puisque cette dernière se détermine en fonction du montant et des caractéristiques du besoin, risque de requalification d’un achat en prêt illicite de main d’œuvre…
36
L’imprécision du besoin peut entraîner l’annulation de la
procédure d’attribution, si cette imprécision ne permet pas aux
candidats de disposer d’informations suffisantes pour élaborer
leurs offres :
Informations inexactes données aux candidats7 :
Absence d’informations sur la durée du marché, que les
candidats doivent fixer eux-mêmes dans leurs offres8 :
L’imprécision peut entraîner la nullité du marché9. Il en est
ainsi lorsque la consistance de l’objet du marché ne peut être
définie avec suffisamment de précision10) ou par exemple
lorsque des prestations sont ajoutées au marché alors qu’elles
n’étaient pas initialement prévues11.
b- Risques ayant trait à l’efficacité fonctionnelle et au bon usage
des achats : inadéquation de l’objet du marché et du besoin réel
du fait de sa définition incomplète ou parcellaire, sous-estimation
non fondée du besoin conduisant à un marché
« complémentaire », procédure infructueuse du fait d’une
mauvaise définition de l’objet du marché, engagement de la
responsabilité publique dans le cadre de l’exécution du marché, …
7 CE 12 mars 2012, Dynacité, Société Dalkia France
8 CE 1
er juin 2011 Commune de Saint Benoît.
9 CE 29 décembre 1997 Département de Paris
10 CE 8 mars 1996, Commune de Petit-Bourg
11 CAA Marseille 1
er avril 2003, OPHLM d’Aix-en-Provence
La mauvaise détermination du besoin n’affecte pas, en tant que
telle, la légalité du marché mais elle peut permettre l’engagement
de la responsabilité publique dans le cadre de l’exécution du
marché12: responsabilité de l’administration pour les dépenses
supplémentaires supportées par l’entreprise, en raison des
erreurs graves de l’administration quant à la nature et aux
quantités d’ouvrages à réaliser).
c- Risques de nature à impacter l’efficacité économique et la
maîtrise des coûts : regroupement insuffisant des demandes,
évaluation incomplète car elle n’intègre pas les dépenses induites,
imprécision des besoins altérant les conditions de la mise en
concurrence et menaçant la sécurité du marché.
Toutes ces zones de risques constituent des points d’attention particuliers pour l’auditeur lors de ses contrôles du marché.
3. Articles du code pertinents
Concernant la définition du besoin, les articles de référence du code des marchés publics sont les articles 5 et 6 :
L’article 5 prévoit : « I. - La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la
12
CE 12 mai 1989 Fougerolles
37
concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins. II. - Le pouvoir adjudicateur détermine le niveau auquel les besoins sont évalués. Ce choix ne doit pas avoir pour effet de soustraire des marchés aux règles qui leur sont normalement applicables en vertu du présent code. »
L’article 6 dispose notamment « I. - Les prestations qui font l'objet d'un marché ou d'un accord-cadre sont définies, dans les documents de la consultation, par des spécifications techniques formulées : 1° Soit par référence à des normes ou à d'autres documents équivalents accessibles aux candidats, notamment des agréments techniques ou d'autres référentiels techniques élaborés par les organismes de normalisation ; 2° Soit en termes de performances ou d'exigences fonctionnelles. Celles-ci sont suffisamment précises pour permettre aux candidats de connaître exactement l'objet du marché et au pouvoir adjudicateur d'attribuer le marché. Elles peuvent inclure des caractéristiques environnementales.
Un arrêté du ministre chargé de l'économie précise la nature et le contenu des spécifications techniques.
Pour les marchés passés selon une procédure adaptée, les spécifications techniques peuvent être décrites de manière succincte.
II. - Le pouvoir adjudicateur détermine les prestations qui font l'objet du marché ou de l'accord-cadre qu'il passe : 1° Soit en
utilisant exclusivement l'une ou l'autre des catégories de spécifications techniques mentionnées aux 1° et 2° du I ; 2° Soit en les combinant. (…) ».
4. Documents
Il convient de demander tous les éléments attestant d’une stratégie d’achats qui comprendrait voire porterait sur le marché contrôlé.
Pour une analyse détaillée de ce point, voir les fiches 1.1 à 1.5 (politique et stratégie achats) du guide d’audit de la fonction achats (publication du CHAI - avril 2014).
En outre l’auditeur doit prendre connaissance des comptes rendus des commissions internes préparant l’élaboration des documents administratifs et techniques du marché si elles sont obligatoires. La question reste néanmoins fondée même si ces commissions ne sont pas obligatoires. Les dispositions de l’article 11 du CMP prévoient que « Pour les marchés passés selon les procédures formalisées, l'acte d'engagement et, le cas échéant, les cahiers des charges en sont les pièces constitutives. ». Dans les autres cas, le cahier des charges constitue une obligation.
Les documents fondamentaux à solliciter sont : le cahier des charges (documents généraux : CCAG et documents spécifiques : CCAP, CCTP). Il convient également de solliciter une nomenclature d’appréciation des besoins homogènes si elle existe.
38
5. Contrôles à effectuer
Les contrôles à effectuer concernent trois approches
complémentaires du besoin :
a- Les aspects amont à l’identification du besoin en tant que telle :
Le besoin s’inscrit-il dans une stratégie d’achats, qu’elle soit globale, propre au segment ou spécifique au marché ? Il convient donc pour l’auditeur de rapprocher ce qui relève du marché contrôlé des éléments attestant de cette éventuelle stratégie pour s’assurer de leur cohérence.
La définition du besoin est-elle réellement préalable ? Cela est essentiel au regard des principes généraux du droit de la commande publique (liberté d’accès à la commande publique, égalité des candidats et transparence des procédures). Ce point est consacré par le juge13.
L’anticipation du besoin par le pouvoir adjudicateur est-elle suffisante pour lancer, en temps utile, une consultation sans avoir à invoquer, à tort, l’urgence impérieuse pour passer un marché négocié ?14
L’appréhension du besoin est-elle globalisée au niveau adéquat
et n’est-elle par trop limitée ?
13
CE 23 décembre 2009, Etablissement public du Musée et du domaine national de Versailles, req. n°330054 14
CAA Lyon 18 mai 1989, Société Royat Automobiles
Pour la nomenclature d’appréciation de besoin homogène, voir
fiche 32 du présent guide « Analyse du choix de la procédure ».
b- La pertinence de la définition même du besoin :
Le besoin est-il suffisamment défini ? Le juge administratif sanctionne l'insuffisance de définition des besoins (voir arrêt 06DA00353 de la Cour administrative d'appel de Douai du 10 mai 2007 qui invoque « de l'imprudence de la commune qui n'a pas hésité à signer un contrat dont les subtilités des clauses pouvaient être sujettes à interprétation »).
Le besoin est-il réalisable ? Une consultation ne peut être lancée
sur deux projets alternatifs si l’un ne peut pas être réalisé
(notamment, CE avis 6 juillet 1993, EDCE Rapport 1993, p. 375 :
au sujet d’un appel d'offres portant sur deux projets alternatifs de
section d'autoroute, à savoir une variante «aérienne» et une
variante «souterraine» dont, seule, la première avait fait l'objet
d'une déclaration d'utilité publique).
Le besoin exprimé n’est-il pas excessif ? L’acheteur public ne doit pas exiger des prestations qui excèdent manifestement les besoins du service au point qu’aucun candidat ne peut les satisfaire15.
Le besoin n’est-il pas nettement et de façon infondée sous-estimé ?
15
CE 18 novembre 1988, Ministre de l'Intérieur c/ SARL Les voyages Brounais
39
c- Régularité de la définition du besoin :
Le besoin, objet du marché, est-il régulier ? Le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération par laquelle le conseil de la communauté urbaine de Lyon avait décidé le réaménagement d’un boulevard et de lancer, à cet effet, une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation des marchés relatifs à ces travaux, car l’aménagement en question était de nature à compromettre la commodité de la circulation au point de faire obstacle à un usage normal de la voie publique concernée16
Le pouvoir adjudicateur ne substitue-t-il pas de façon injustifiée, des spécifications techniques particulières à des normes ou à des documents préétablis ayant fait l’objet par exemple d’un agrément technique européen, ou par exemple encore à des écolabels (écolabel européen : “Copying paper”…) ?
Les spécifications mentionnent-elles une marque, un brevet, un type, une origine ou une production déterminés qui auraient pour finalité ou pour effet de favoriser ou d’écarter certains produits ou productions ?
N’y a-t-il pas de confusion entre les options (demande du pouvoir adjudicateur) et les variantes qui relèvent d’une proposition du candidat ?
Le besoin est-il suffisamment précis ? Car cela conditionne la qualification du marché (contrat susceptible de présenter le
16
TA Lyon 17 septembre 1997, Association pour lutter contre les effets néfastes du
périphérique nord
caractère d’un prêt de main-d’œuvre illicite en cas d’objet insuffisamment défini).
40
41
Fiche 2.3 : «Analyse du
choix de la procédure»
1. Risques
Les risques associés au choix de la procédure sont notamment les suivants :
Les risques ayant des conséquences sur la régularité des achats :
délit d’octroi d’avantage injustifié ou délit de favoritisme constitué
même en l’absence de volonté de favoriser un candidat et même
lorsque l’octroi d’un avantage n’a pas eu les conséquences
escomptées sur le choix de l’attributaire, nullité du marché,
irrégularité du fait de l’inadéquation entre la nature et le montant du
besoin et le choix de la procédure, fractionnement infondé du besoin
afin d’échapper aux règles du Code des marchés publics ou non
allotissement injustifié.
Risques ayant trait à l’efficacité fonctionnelle et au bon usage des
achats : procédures infructueuses du fait de leur mauvaise
appréhension et maîtrise,…
Risques de nature à impacter l’efficacité économique et la maîtrise
des coûts : choix d’une procédure mal maîtrisée,…
2. Articles du code pertinents
En fonction des montants hors taxe engagés pour l'achat public et de
l'objet du marché, les procédures à respecter sont différentes.
L’article 5 II du CMP précise le niveau de détermination du besoin (voir ci-
après).
Conformément aux directives de l’Union européenne, le CMP établit des
seuils de procédures différents selon que le contrat est conclu dans les
secteurs classiques (art 26 du CMP) ou dans les secteurs des opérateurs
de réseaux (article 144 du CMP). Depuis le décret n°2011-1104 du
14 septembre 2011 relatif à la passation et à l'exécution des marchés
publics de défense ou de sécurité, ces contrats doivent être traités
séparément. L’auditeur sera attentif à se référer au seuil pertinent pour le
marché examiné.
L’article 26 du CMP porte sur la présentation des procédures de passation et sur la définition de seuils de passation
L’article 27 interdit le « saucissonnage », définit les modalités d’estimation du besoin et de calcul du montant du marché
L’article 28 porte sur la procédure adaptée.
L’article 29 porte sur les procédures applicables aux marchés de services.
L’article 30 porte sur les marchés et les accords-cadres ayant pour objet des prestations de services qui ne sont pas mentionnées à l'article 29.
42
Au sein des procédures de passation des marchés publics, l’appel d’offres est la procédure de droit commun.
C’est la procédure obligatoire lorsque le contrat dépasse un certain montant, sous réserve de certaines dérogations.
Elle est toujours possible en deçà des montants où elle est obligatoire.
À l’inverse, les autres procédures de passation sont soumises à des conditions (montant du contrat, objet et/ou les circonstances de l’achat…).
3. Points de contrôle
SINCERITE DE L’ESTIMATION DU BESOIN AU REGARD
DU RISQUE DE FRACTIONNEMENT EXCESSIF
L’auditeur doit contrôler que :
L’estimation est sincère et le besoin non abusivement
fractionné dans le but d’échapper aux règles du CMP. Le
découpage doit présenter un avantage pour être justifié. Des
lots donnent lieu chacun à un marché distinct « lorsque cela
présente des « avantages économiques, techniques ou
financiers ».
L’allotissement qui s’impose désormais comme règle de
droit commun est cohérent avec les caractéristiques du
marché.
Pour le traitement détaillé de ce point, voir la fiche 3.4 du
présent guide « l’allotissement ».
CHOIX DE LA PROCEDURE ET CHIFFRAGE DU
MARCHE
L’auditeur doit contrôler les éléments qui ont été pris en compte
dans le chiffrage du marché qui a servi de base au choix de la
procédure.
Article du code pertinent : Article 27 (annexé à la présente fiche)
Une bonne estimation du montant du marché est un point
fondamental du choix de la procédure. Les éléments de
jurisprudence ci-après l’illustrent et peuvent guider l’auditeur
dans ses contrôles et dans la formulation de son appréciation :
Le pouvoir adjudicateur commet un manquement à ses
obligations de publicité et de mise en concurrence en sous-
estimant les quantités du marché lors de la définition du
besoin17.
La sous-estimation du besoin conduit à un fractionnement
irrégulier du marché, le pouvoir adjudicateur ayant lancé, la
17
CE 29 juillet 1998, Commune de Léognan, req. n° 19045
43
même année, une procédure d’attribution d’un second
marché ayant le même objet que le premier18.
Rappel : pour le traitement détaillé de ce point, voir la fiche
31 du présent guide « la définition du besoin ».
CHOIX DE LA PROCEDURE AU REGARD DES SEUILS Le choix de la procédure de mise en concurrence repose sur l’estimation
du montant du marché et de son objet distinguée en trois catégories :
marché de travaux : travaux du bâtiment et des constructions civiles (ponts, routes, ports, barrages, infrastructures urbaines….),
marché de fournitures : achat de matériels, de mobilier ou de produits « sur étagères »,
marché de services : services matériels (comme l'entretien des locaux par exemple) ou immatériels (conseil juridique, projet informatique,…).
L’auditeur doit contrôler la compatibilité du choix de la procédure avec
l’objet et le montant du marché.
L’existence de seuils de procédures permet la proportionnalité entre le
degré de contrainte imposé et l’enjeu économique de l’achat. Pour les
consultations engagées ou avis d’appel public à la concurrence envoyés à
18
CAA Paris 22 juin 2004, Commune de Bussy-Saint-Georges
la publication postérieurement au 1er janvier 2014, les seuils des
procédures de passation ont été fixés par le décret n° 2013-1259 du
27 décembre 2013.
Tableau : Seuils en vigueur en 2014-2015 (pour les secteurs classiques)
(montant HT) Marchés sans mise en
concurrence
Procédures adaptées (Mapa)
Procédures formalisées
Marché de travaux (pour tout type d'acheteur)
jusqu'à 14 999 €
de 15 000 € à 5 185 999 €
à partir de 5 186 000 €
Marché de fournitures et de services pour l'État et les EPA nationaux
jusqu'à 14 999 €
de 15 000 € à 133 999 €
à partir de 134 000 €
Marché de fournitures et de services pour les collectivités territoriales et les Épic locaux
jusqu'à 14 999 €
de 15 000 € à 206 999 €
à partir de 207 000 €
Marché de fournitures et de services passés dans le domaine de la défense et de la sécurité
jusqu'à 14 999 €
de 15 000 € à 413 999 €
à partir de 414 000 €
44
L’auditeur doit notamment contrôler l’adéquation entre la procédure
choisie et les seuils règlementaires.
A noter que :
Le délit de favoritisme (article 432-14 du code pénal) est
applicable aux marchés sans formalités préalables et aux
marchés à procédure adaptée quel que soit leur montant19.
Le Conseil d’Etat a annulé le décret n°2008-1356 du
19 décembre 2008 «en tant qu’il relève le seuil applicable aux
marchés passés selon la procédure de l’article 28 du code des
marchés publics» qui avait fait passer le seuil de publicité et
de mise en concurrence de 4 000€ à 20 000€ et conduisant
ainsi à un retour au seuil de 4 000 €20. Néanmoins le décret n°
2011-1853 du 9 décembre 2011 modifiant certains seuils du
code des marchés publics a relevé le seuil de dispense de
procédure à 15 000 € HT, tout en garantissant, en dessous de
ce seuil, le respect par l'acheteur public des principes
fondamentaux de la commande publique.
En dessous du seuil à partir duquel le choix de la procédure
est encadré, il convient donc tout autant de s’assurer du
respect des principes fondamentaux de la commande
publique.
19
Cass. crim. 14 février 2007, pourvoi n° 06-81924 20
arrêt Perez du CE du 10 février 2010, req n°329100
La DAJ a établi à ce sujet une fiche technique21 qui précise et explicite les modalités de mise en œuvre de trois règles permettant à l’acheteur public d’effectuer son achat en dessous de ce seuil, en bon gestionnaire dans le respect des principes fondamentaux de la commande publique :
o choisir une offre répondant de manière pertinente au besoin ;
o respecter le principe de bonne utilisation des deniers publics ;
o ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire lorsqu’il existe une pluralité d’offres potentielles susceptibles de répondre au besoin
(*) Fiche DAJ relative aux achats de moins de 15 000 €.
NIVEAU D’IDENTIFICATION DU BESOIN Art 5 II. du CMP « - Le pouvoir adjudicateur détermine le niveau auquel les besoins sont évalués. Ce choix ne doit pas avoir pour effet de soustraire des marchés aux règles qui leur sont normalement applicables en vertu du présent code ». L’auditeur doit contrôler que :
La déconcentration est bien seulement utilisée en tant que facilité de gestion de la mise en œuvre des procédures de passation et ne constitue pas un moyen de fractionner les besoins, destiné à permettre l’utilisation d’un régime plus souple de passation.
21
http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/mise-en-oeuvre-procedure/achats-moins-15-000-euros.pdf
45
L’appréciation de la nécessité de l’achat et la mise en œuvre concrète de la procédure sont seules déconcentrées. La procédure appliquée est celle qui l’aurait été sans ce fractionnement.
Même si l’évaluation des besoins est effectuée au niveau d’une direction ou d’un service, le contrat destiné à satisfaire ces besoins a été conclu sur appel d’offres dès lors qu’une évaluation au niveau de la personne publique elle-même aurait imposé le respect de cette procédure.
Le fractionnement organique n’est pas argué pour diminuer artificiellement le montant du marché en le «saucissonnant» entre plusieurs prestataires.
UTILISATION DE LA NOMENCLATURE ET PRINCIPE DE
COMPUTATION DES SEUILS La procédure à mettre en œuvre doit être appréciée en regroupant, à l’intérieur d’une même famille homogène de la nomenclature, les produits qui la composent (ou, en l’absence de nomenclature, en additionnant la totalité des fournitures ou services considérés comme homogènes). Les seuils seront appréciés par famille.
L’appréhension du besoin est-elle cohérente avec une
nomenclature d’appréciation de besoins homogènes si elle
existe ?
La nomenclature communautaire de référence applicable aux
marchés publics est fixée par le règlement (CE) n° 2195/2002 du
parlement et du Conseil du 5 novembre 2002 relatif au
vocabulaire commun pour les marchés publics (Common
Procurement Vocabular [CPV]), la liste des codes, ainsi que des
tables de concordance avec d’autres nomenclatures, figurent en
annexe au règlement. Il convient que la référence à la
nomenclature CPV pour exprimer le besoin soit précise. Le juge
contrôle l’utilisation des codes CPV et admet une marge de
manœuvre limitée au bénéfice de l’acheteur public22.
A l’issue de cette analyse, l’auditeur est invité à poursuivre ses
travaux en se reportant notamment à la fiche 70 du présent
guide : « Analyse de la procédure de mise en concurrence et du
choix de l’attributaire ».
Il pourra en particulier examiner la question du choix de la
procédure au regard du risque de pluralité fictive de co-
contractants. L’examen du choix de la procédure ne permet en
effet pas d’auditer ce risque.
22
TA Paris 23 février 2007, Société Clear Channel France, req. n° 0701657, MTP 16 mars 2007, Suppl. TO, p. 20; le juge admet l’usage de codes CPV approchant, dans la mesure de l’absence de codes rassemblant l’ensemble des prestations
46
ANNEXE A LA FICHE 3.2 : Article 27
du CMP
« I- Le pouvoir adjudicateur ne peut pas se soustraire à l'application du présent code en scindant ses achats ou en utilisant des modalités de calcul de la valeur estimée des marchés ou accords-cadres autres que celles prévues par le présent article.
II. - Le montant estimé du besoin est déterminé dans les conditions suivantes, quel que soit le nombre d'opérateurs économiques auxquels il est fait appel et quel que soit le nombre de marchés à passer.
1° En ce qui concerne les travaux, sont prises en compte la valeur globale des travaux se rapportant à une opération portant sur un ou plusieurs ouvrages ainsi que la valeur des fournitures nécessaires à leur réalisation que le pouvoir adjudicateur met à disposition des opérateurs.
Il y a opération de travaux lorsque le pouvoir adjudicateur prend la décision de mettre en œuvre, dans une période de temps et un périmètre limités, un ensemble de travaux caractérisé par son unité fonctionnelle, technique ou économique.
2° En ce qui concerne les fournitures et les services, il est procédé à une estimation de la valeur totale des fournitures ou des services qui peuvent être considérés comme homogènes soit en raison de leurs caractéristiques propres, soit parce qu'ils constituent une unité fonctionnelle.
La délimitation d'une catégorie homogène de fournitures ou de services ne doit pas avoir pour effet de soustraire des marchés aux règles qui leur sont normalement applicables en vertu du présent code.
Pour les marchés d'une durée inférieure ou égale à un an, conclus pour répondre à un besoin régulier, la valeur totale mentionnée ci-dessus est celle qui correspond aux besoins d'une année.
III. - Lorsqu'un achat peut être réalisé par lots séparés, est prise en compte la valeur globale estimée de la totalité de ces lots.
Les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider de mettre en œuvre soit une procédure commune de mise en concurrence pour l'ensemble des lots, soit une procédure de mise en concurrence propre à chaque lot. Quelle que soit l'option retenue, lorsque la valeur cumulée des lots est égale ou supérieure aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, la ou les procédures à mettre en œuvre sont les procédures formalisées mentionnées au I de cet article.
Toutefois, même si la valeur totale des lots est égale ou supérieure aux seuils des marchés formalisés, il est possible de recourir à une procédure adaptée :
1° Pour les lots inférieurs à 80 000 Euros HT dans le cas de marchés de fournitures et de services ;
2° Pour les lots inférieurs à 1 000 000 Euros HT dans le cas des marchés de travaux,
à la condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur de la totalité des lots. Dans le cas où un minimum et un maximum sont fixés, les 20 % s'appliquent au montant minimum du marché.
Cette dérogation peut également s'appliquer à des lots déclarés infructueux ou sans suite au terme d'une première procédure ainsi qu'à des lots dont l'exécution est inachevée après résiliation du marché initial
47
lorsque ces lots satisfont aux conditions fixées par les trois alinéas précédents.
Cette dérogation ne peut, en revanche, s'appliquer aux accords-cadres et aux marchés qui ne comportent pas de montant minimum.
IV. - Si le pouvoir adjudicateur prévoit des primes au profit des candidats, il prend en compte leur montant pour calculer la valeur estimée du besoin.
V. - Pour les accords-cadres et pour les systèmes d'acquisition dynamique, la valeur à prendre en compte est la valeur maximale estimée de l'ensemble des marchés envisagés pendant la durée totale de l'accord-cadre ou du système d'acquisition dynamique.
VI. - Pour les marchés à bons de commande comportant un maximum, la valeur à prendre en compte correspond à ce maximum. Si le marché ne fixe pas de maximum, sa valeur estimée est réputée excéder les seuils de procédure formalisée définis à l'article 26. »
48
49
Fiche 2.4 : «Description du
marché et de la procédure»
Cette fiche est une approche méthodologique destinée à aider l’auditeur
dans l’organisation de ses travaux pour ce qui concerne l’appréhension du
marché ainsi que l’identification des étapes de la procédure et de son
calendrier.
1. Description du marché et de la
procédure
Il est utile de décrire le contenu du marché et des prestations dans un
document récapitulatif (description littéraire ou tableau) permettant de
bien s’approprier, d’une part le contenu des prestations demandées et les
livrables correspondants et, d’autre part, le découpage de la prestation
(lots, tranches, options …).
En second lieu, l’auditeur est invité à constituer un tableau pour chaque
procédure/marché avec une ligne pour chaque étape et en débutant
l’analyse, a minima, avec la phase de définition du besoin afin de
formaliser la chronologie des opérations.
Il s’agit d’une étape initiale pour les travaux de l’auditeur dans le
contrôle du marché. Ce support accompagnera également l’auditeur
dans l’essentiel de sa démarche pour deux raisons : d’une part il
contribue à structurer ses contrôles et, d’autre part, il lui est
recommandé de l’alimenter et de l’étayer progressivement.
2. Identification et contrôle du calendrier
du marché/de la procédure
Principe de la démarche Cette démarche simple et pragmatique d’identification du calendrier du
marché/de la procédure permet de mettre en exergue la chronologie et
facilite le contrôle des délais, qu’ils soient ou non règlementairement
définis.
Pour les délais et durées qui ne sont pas règlementairement définis
comme par exemple lors de la phase de définition du besoin, c’est la
cohérence de l’ensemble du marché/procédure que l’auditeur est invité à
contrôler.
Il convient également d’examiner non seulement la durée laissée aux
candidats pour répondre mais aussi la période concernée (période
estivale, fêtes de fin d’année, période calendairement courte et
comportant de nombreux jours fériés avec (ou non) des « ponts »…).
De même, il importe d’examiner les durées de dépouillement (ouverture
des offres), les délais de prise de décision et d’attribution du marché et
d’information de l’ensemble des candidats ainsi que les délais entre ces
différentes étapes.
50
Enfin, l’auditeur pourra comparer la part des délais imputables aux délais
réglementaires et celle qui est liée aux délais propres à l’organisme. Cet
examen permet souvent de relativiser le poids des premiers.
L’auditeur doit contrôler le calendrier et le cadencement de la
procédure/marché.
Signaux d’alerte (exemples)
Des durées anormalement courtes ou réduites de fait (jours
fériés…) peuvent être le signe qu’un candidat aura été choisi par
avance ou aura été favorisé par une information préalable à sa
publicité portant sur la procédure en elle-même ou son contenu.
Des durées anormalement longues et des reports peuvent être
au contraire le signe de négociations bilatérales avec un seul
candidat.
Des modifications d’offres.
…
Point de contrôle Même si l’auditeur est le plus souvent conduit à procéder par
recoupement entre différents éléments, à ce stade de prise de
connaissance du marché, le seul point de contrôle concerne l’observation
des délais, qu’ils soient ou non règlementaires.
51
Fiche 2.5 : «Analyse du
dossier de consultation des
entreprises»
Le dossier de consultation comporte trois catégories de documents :
Les documents de procédure : principalement, le règlement de la consultation aux mentions obligatoires s’il est établi, les formulaires relatifs aux renseignements et pièces exigibles.
Les documents qui constitueront les pièces du futur marché et qui sont donc des clauses contractuelles :
o Le cahier des clauses techniques particulières (CCTP)
définissant le besoin, c’est à dire la consistance et la
spécification des prestations,
o Le cahier des clauses administratives particulières (CCAP)
définissant les dispositions administratives propres au
marché,
o L’acte d’engagement, cadre incorporé dans le DCE qui
une fois complété, daté et signé par le candidat au
marché constitue son offre.
Des documents complémentaires pouvant faciliter la compréhension
du dossier (qui peuvent n’être consultables que sur place)…
Son contenu est important car le principe d’égalité conduit à ce que :
L’administration ne peut pas imposer des conditions contraires à celles prévues par les documents de consultation,
Elle ne peut pas fonder sa décision sur des conditions non prévues dans le dossier de consultation.
Surtout c’est lui qui définit le contenu du contrat ce qui a des effets
pendant toute la vie de ce dernier (par exemple son contenu peut être
important pour savoir si l’entreprise peut être rémunérée pour des
travaux supplémentaires dans le cadre d’un marché à prix forfaitaires).
1. Risques
Les risques sont à la fois opérationnels et pénaux :
La mauvaise maîtrise de l’élaboration des documents ou
l’insuffisante précision du DCE peuvent provoquer des motifs
d’annulation de la procédure, une sous-évaluation du coût réel
final ou la non-conformité des réponses aux besoins.
Il peut exister une entrave volontaire à la mise en concurrence
(rédaction orientée du dossier ou du règlement de la
consultation), par l’organisme lui-même (informations privilégiant
certains notamment le titulaire actuel) ou par l’un des futurs
candidats au marché.
Il peut s’avérer nécessaire de vérifier l’application de règles tirées
de réglementations autres que celles des marchés. Ainsi, parce
que le code de la déontologie médicale (décret) interdit au
médecin toute ristourne, le TA d’Amiens a annulé un marché
52
hospitalier relatif à des actes d’anatomie et de cytologie
pathologique car le CCTP prévoyait une rémunération sur la base
de la lettre clé « P » assortie d’une ristourne exprimée en
pourcentage de la dite valeur par le candidat23.
2. Articles du code pertinents
Article 6 :définition des spécifications techniques ;
Article 10 : allotissement ;
Articles 11, 12 et 13 : documents constitutifs du marché.
3. Etapes du contrôle
En pratique, on procédera souvent en deux temps en analysant en
premier lieu les clauses qui définissent les conditions de la mise en
concurrence, puis dans un second temps celles qui concernent l’exécution
du marché. Il est toutefois important de « boucler » cette analyse. En
effet, certaines clauses d’exécution peuvent avoir un impact sur la mise
en concurrence si elles favorisent un candidat, en particulier si, après
application des avenants, l’offre moins disante se révèle supérieure à des
offres non retenues lors de la passation du marché.
23
TA Amiens 12/3/98 Lelarge
4. Vérifier les conditions d’élaboration de
ces documents
L’auditeur vérifiera:
qu’ils ont bien été rédigés par la puissance publique ou une
AMOA sans intervention irrégulière d’un ou de futurs
soumissionnaires, (si elle n’est pas en mesure de le faire, il faut
faire appel à un dialogue compétitif),
que certains candidats n’ont pas eu un accès privilégié et
antérieur à la publication,
en cas de renouvellement, que les dispositions techniques du
CCTP ne sont pas le décalque de l’offre du précédent titulaire.
Il n’est pas possible d’écarter par principe un candidat qui a
contribué à la rédaction des pièces contractuelles, il faut pouvoir
justifier que sa participation lui donne un avantage24.
On traite de la même manière toutes les prestations d’assistance
technique.
5. Vérifier le contenu du DCE
Au-delà des principales pièces citées ici le contenu du DCE varie
selon l’objet du marché et la nature de la procédure de
passation ; on pourra se référer à une liste des mentions par
24
CE 1998 Ministère Justice c/ Génicorp
53
exemple dans le Moniteur III-327-1. En particulier dans certaines
procédures doit figurer le programme de l’opération.
o Sauf si toutes les informations nécessaires ont été
données dans l’avis d’appel public à la concurrence, un
règlement de la consultation est obligatoire dans toutes
les procédures impliquant une mise en concurrence. Il
ne peut être différent de l’appel public à la concurrence
qu’il peut seulement compléter.
On ne peut se limiter à un renvoi général au CMP (en particulier
pour les critères d’attribution).
De manière générale les documents doivent être exacts, non
ambigus, non contradictoires entre eux, complets, rédigés de
façon claire et normalement compréhensible, précis (en
particulier la durée doit être impérativement définie).
6. Vérifier la mise en œuvre du principe
d’allotissement
L’article 10 du code pose le principe de l’allotissement, le non
allotissement doit être justifié. Par contre ce choix est fait
« librement » ce qui limite le contrôle du juge au contenu des lots
à l’erreur manifeste d’appréciation. La répartition géographique
des prestations est l’indice d’une possibilité d’allotir mais elle ne
rend pas l’allotissement obligatoire.
Les cas de non allotissement prévus par le code sont :
o si l'objet du marché ne permet pas l'identification de
prestations distinctes ;
Sujétions techniques d’un marché de
maintenance d’installation de chauffage même
sur plusieurs sites.
o si le PA estime que :
la dévolution en lots séparés est de nature, dans
le cas particulier, à restreindre la concurrence,
(l’allotissement par zone géographique
conduisant à un seul prestataire possible par
exemple),
elle risque de rendre techniquement difficile ou
financièrement coûteuse l'exécution des
prestations,
il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les
missions d'organisation, de pilotage et de
coordination.
La jurisprudence donne des précisions sur les possibilités de ne
pas allotir :
o Le recours au marché global peut être justifié par de
moindres coûts et par extension par l’économie
budgétaire mais celle-ci doit être « démontrée au
54
moment du choix entre les lots séparés et le marché
global »25,
o La limitation du nombre de lots pouvant être attribués à
un même candidat est contraire au CMP (on ne peut la
justifier par la volonté de s’assurer que les candidats
seront en mesure d’exécuter simultanément un nombre
de lots raisonnables26).
Sans que cela soit traité ici il faut noter que certaines dispositions
du CMP dérogent à l’obligation d’allotir :
o Possibilité de réserver des lots à des opérateurs
économiques spécifiques27,
o Marchés ayant pour objet à la fois la construction et
l’exploitation ou la maintenance d’un ouvrage (article 73
du CMP).
o
7. Vérifier le contenu des clauses28
L’auditeur vérifiera :
Que les clauses ne sont pas contraires aux règles des marchés
publics,
25
CE 9/12/2009 Département de l’Eure 26
TA Bordeaux 22/6/2009 Sté Multitec SA 27
(artisans, sociétés coopératives d’artisans, entreprise adaptées, pour les travaux
artistiques artisans d’art) avec un risque juridique au regard du droit européen avec une question préjudicielle en cours 28
Les clauses de prix ne sont pas vues ici elles seront traitées aux fiches 2.7 et 3.9
Qu’elles ne sont pas discriminatoires29
o L’implantation géographique des candidats (cas d’un
marché portant sur l’entretien d’espace verts attribué à
une entreprise qui s’était engagée à créer l’implantation
locale demandée) peut être une condition exécution mais
non un critère d’attribution. Si le marché nécessite la
présence d’une implantation locale, l’entreprise doit la
mettre en œuvre mais celle-ci ne doit pas être préalable
et faire à ce titre l’objet d’un critère d’attribution.
o Des exigences élevées non justifiées par les nécessités du
service ou par l’organisation de la dévolution du marché
qui limiteraient le nombre de candidats potentiels.
En particulier que le contenu technique ne favorise pas un
candidat ou une marque, (ces références doivent être justifiées
par l’objet du marché ou à titre exceptionnel en cas
d’impossibilité de décrire autrement la prestation demandée).
Des CCTP qui écartent un produit susceptible, au regard des normes à
atteindre, de produire le même résultat que le produit particulier que
favorisent ces dispositions sont irréguliers30 Il appartient à
l’administration de justifier que les spécifications techniques figurant
dans le CCTP qui ont pour effet de limiter la concurrence, sont
29
Une clause illégale n’est discriminatoire et donc n’entraine l’irrégularité de la passation que si elle a excerçé une influence sur le choix du cocontractant 30
TA Nancy 20/9/93 Sarl Norit c/ District agglomération nancéienne
55
justifiées par les nécessités propres du service public31 En l’espèce : il
est possible d’adopter des caractéristiques supérieures aux normes en
vigueur pour la fourniture d’eau destinée à la consommation
humaine ; par contre restreindre le marché aux seules techniques à
charbon actif au détriment de ceux traités à la vapeur n’est pas justifié
par les nécessités propres du service public.
L’indication d’une spécification technique qui désigne en fait la marque
d’un produit déterminé est une clause discriminatoire tant au plan du
droit national que du droit européen. Ainsi dans un cahier des charges on
ne peut demander à acquérir un système informatique UNIX sans rajouter
la mention « ou équivalent » car ce produit n’est pas normalisé (CJCE
24/1/95) : ce point est sanctionné pour manquement aux obligations
prévues par la directive.
On vérifiera particulièrement qu’il n’y a pas de dispositions de nature à
favoriser le candidat en place
qu’il est fait référence au bon CCAG,
que les dérogations aux CCAG sont bien nécessaires et n’ont pas
pour effet de favoriser une entreprise,
plus largement, que le dossier de consultation permet de
déterminer précisément la nature de la prestation à réaliser et
les besoins réels de la personne publique (notamment en
matière de marché d’études).
31
CE 3/11/95 District agglomération nancéienne
8. Vérifier, s’il y en a eu, la régularité de la
modification du DCE
L’application du principe d’égalité devrait conduire à interdire toute
modification des documents de consultation, toutefois des exceptions
très encadrées existent pour ne pas imposer le déroulement d’une
procédure à partir de documents mal rédigés ou inadaptés à la
satisfaction des besoins. Les marges de manœuvre sont différentes selon
que la modification a lieu avant ou après le dépôt des offres.
A noter : dans ce cas la personne publique peut mettre fin à la procédure.
Modification avant le dépôt des offres
Les modifications du DCE, une fois qu’il est à la disposition des entreprises,
ne doivent pas atteindre à l’objet même du marché ou être
discriminatoires32.
Au fond on ne peut faire une modification qui altère les conditions de
droit ou de fait de la mise en concurrence. Dans le cas des procédures
ouvertes la modification doit faire l’objet d’un appel public à la
concurrence.
Dans une espèce, le juge a ainsi annulé une procédure au motif que la
modification apportée au cahier des charges « présentée postérieurement
au commencement des opérations du concours, a eu pour effet, bien qu’il
ait été précisé que le jury ne ferait pas de l’acceptation des entreprises
32
CE 9/3/60 Massida
56
concurrentes, ni une condition de sa décision, ni même un élément
déterminant de son choix, de modifier en fait les conditions initiales du
concours et de porter atteinte à l’égalité des candidats »33.
Les candidats doivent avoir un délai suffisant pour adapter leurs offres. Ce
n’est pas le cas d’une modification portée à la connaissance des candidats la
veille de la remise des offres, au surplus alors que certaines sociétés avaient
déjà remis leurs offres34 ou d’un délai de trois semaines pour un
bouleversement des conditions du marché (desserrement de la contrainte
de quatre ans pour les phases de conception et de réalisation).
S’agissant de la forme le pouvoir adjudicateur doit informer tous les
candidats et leur laisser un délai suffisant pour répondre
Modifications après le dépôt des offres : elles ne peuvent porter sur le
règlement de la consultation et doivent être mineures.
On ne peut modifier le programme après le dépôt des plis ayant déterminé
le choix du candidat car cela rompt l'égalité entre les candidats35
La durée du contrat n’est pas une modification mineure36.
L’appréciation de la modification par la jurisprudence varie en fonction de
la procédure de passation :
Elle est très stricte pour les appels d’offres et les concours,
33
CE 18/12/68 Cie générale des eaux c/ ville de Vannes 34
CE 9/3/97 Min agriculture c/ S. Bull 35
CE 22/4/83 Auffret et autres 36
CE 4 avril 1997 commune de l’ile d’Yeu
Elle l’est moins pour les procédures négociées avec mise en
concurrence où le juge pourra admettre des
« adaptations », non « substantielles », qui doivent
toutefois respecter le principe d’égalité des candidats.
Elle se pose dans des termes différents pour les procédures
de dialogue compétitif.
57
Fiche 2.6 : «Analyse de la
procédure de mise en
concurrence et du choix de
l'attributaire»
Les mesures de publicité et de mise en concurrence assurent le respect
des principes rappelés à l'article 1er du code : liberté d'accès à la
commande publique, égalité de traitement des candidats et transparence
des procédures.
La publicité présente une double utilité. Elle permet le libre accès à la
commande publique de l'ensemble des prestataires intéressés en
informant les secteurs économiques concernés du lancement d'une
procédure d'achat. Elle suscite une plus grande diversité des offres, elle
permet d'accroître les chances d'obtenir l'offre économiquement la plus
avantageuse et de garantir un bon usage des deniers publics.
Le choix de l’attributaire doit s’effectuer selon des modalités
transparentes dont la traçabilité et l’objectivité sont de nature à garantir
l’égalité de traitement des candidats et la sécurité juridique de la
procédure suivie.
1. Risques
L’exigence de publicité est mal satisfaite
En raison d'une insuffisance de la publicité destinée à faire connaître
l'intention du service de passer un marché, la concurrence entre les
fournisseurs potentiels ne peut pas jouer. Il s'agit donc de vérifier que
les règles de publicité ont bien eu pour but d'informer clairement les
candidats potentiels de l'objet et des contraintes techniques du
marché et de donner à tous le même délai raisonnable pour formuler
une offre cohérente.
La violation ou la manipulation des règles relatives à la publicité
peuvent cacher des actes de favoritisme.
L’appel public de candidature est vicié
Le défaut d’information ou l’imprécision des mentions figurant dans
l’avis d’appel public à candidature (AAPC) nuit à la bonne information
des candidats potentiels et au respect du principe d’égalité de
traitement.
Les modalités de sélection des candidats portent atteinte au
principe de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité
de traitement
Le principe de l’égalité d’accès à la commande publique implique
l’impossibilité d’écarter une candidature, sauf cas particulier
58
d’opérateurs économiques placés sous l’effet d’une interdiction de
soumissionner.
La possibilité offerte aux candidats de compléter leur dossier de
candidature doit être mise en œuvre dans le respect de l’égalité de
traitement. Cette possibilité ouverte par le code des marchés publics
n’est pas une obligation imposée à l’acheteur.
L’examen des candidatures doit permettre d’identifier la réelle
pluralité des dossiers présentés (entreprise intervenant sous
plusieurs raisons sociales différentes pour une même
prestation…).
Les modalités d’examen des offres ne garantissent pas le respect
du principe de transparence des procédures et d’égalité de
traitement
Une analyse des offres objective permettant d’obtenir les conditions
économiques et qualitatives les plus favorables repose en amont sur
la définition par l’acheteur de son besoin sur la base d’une bonne
connaissance du secteur d’activité et des exigences proportionnées
au besoin, afin de susciter une mise en concurrence optimale et de
limiter le coût des procédures.
Les modalités de choix de l’attributaire ne satisfont pas aux
règles en vigueur
La procédure irrégulière, qui viserait à choisir un candidat qui ne
satisferait pas aux obligations requises, peut constituer un acte de
favoritisme vis-à-vis du candidat retenu.
Les modalités de l’information sur l’attribution et notamment
celle des candidats évincés ne satisfont pas aux règles en vigueur
Une information non conforme peut cacher une attribution
irrégulière.
2. Articles du code pertinents
Article 39 : avis de pré-information ;
Article 40 : organisation de la publicité ;
Article 52 : sélection des candidatures ;
Article 53 : attribution des marchés ;
Article 57 : procédure d’appel d’offre ouvert ;
Article 60 II : délai de remise des candidatures (AOR) ;
Article 62 II -III : délai de remise des offres en appel d’offre
restreint ;
59
Article 65 II : délai de remise des candidatures (procédure
négociée) ;
Articles 80 et 83 : information des candidats évincés ;
Article 81 : notification du marché ;
Article 85 : publication de l’avis d’attribution ;
Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics du 24
septembre 2014 sur lequel la présente fiche s’appuie.
3. Etapes de l’audit
Vérification de la conformité à l’exigence de
publicité
Les éléments ci-après doivent être vérifiés :
Si le délai de remise des offres a été réduit : publication d'un avis
de pré-information conforme au modèle européen lorsque
l’acheteur public veut réduire le délai de remise des offres pour
les cas d’appel d’offre ouvert et d’appel d’offre restreint à partir
du seuil de 750 000 euros HT pour les fournitures et les services et
de 5 186 000 euros HT pour les travaux (art. 39 du CMP). Tout
raccourcissement des délais de remise des offres en l’absence
d’avis de pré-information est irrégulier.
La réduction du délai minimal suppose, outre la publication d’un
avis de pré information, le respect de deux autres conditions (art.
57 – appel d’offre ouvert - et 62 II – appel d’offre restreint - du
CMP) :
o publication de cet avis cinquante-deux jours au moins et
douze mois au plus avant la date d'envoi de l'avis d'appel
public à la concurrence,
o diffusion dans cet avis des mêmes renseignements que
ceux qui figurent dans l'avis d'appel public à la
concurrence (AAPC), pour autant que ces renseignements
soient disponibles au moment de l'envoi de l'avis de pré-
information.
Respect des règles obligatoires de publicité au BOAMP, au JOUE
et sur le profil acheteur du pouvoir adjudicateur (site
dématérialisé auquel il a recours pour ses achats). Des publicités
complémentaires facultatives (presse quotidienne régionale,
presse spécialisée…) sont possibles. Se reporter au tableau
synthétique de la DAJ :
o Publicité de la modification des dates limites de remise des
candidatures.
Absence de divulgation d'informations non contenues dans
l'appel d'offres à destination d'un candidat privilégié.
60
Vérification de la conformité de l’appel public de
candidature
Le contenu de l’avis d’appel public de candidature (AAPC) doit
faire l’objet d’un examen attentif :
Vérification que les avis publiés au JOUE et au BOAMP ont un
contenu identique et que la publication au BOAMP n’est pas
intervenue avant l’envoi à l’Office de publication de l’Union
européenne. Les risques relatifs à ces deux points sont toutefois
très restreints en pratique compte tenu du système de
transmission automatique mis en place par les services du
BOAMP.
Vérification du correct renseignement des rubriques du modèle
d’avis : les omissions, erreurs ou ambiguïtés dans le
renseignement des rubriques sont autant d’occasions pour les
candidats évincés de demander l’annulation de la procédure. Ils
ne peuvent, cependant, utilement invoquer devant le juge des
référés précontractuel et contractuel que des manquements qui,
eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se
rapportent, sont susceptibles de les avoir lésés ou risquent de les
léser37.
Formulaires européens : se reporter à la fiche de conseils aux
utilisateurs de la DAJ :
o En particulier, le correct renseignement de l’avis doit
permettre de couvrir tant les risques susceptibles d’emporter
37
CE Sect., 3 octobre 2008, Smirgeomes, n° 305420
une annulation de procédure que les risques susceptibles
d’être qualifiés pénalement :
o S’agissant des risques portant sur la procédure :
Définition du type d'AAPC : l'avis doit préciser
s’il s’agit d’une procédure ouverte, restreinte,
restreinte accélérée, négociée, négociée
accélérée, de dialogue compétitif ;
Renseignement de la rubrique relative aux
accords-cadres dans le cas de marchés à bons
de commande (art. 77 du CMP) dès lors que
ceux-ci sont des accords-cadres au sens
communautaire ;
Information selon laquelle le marché est ou
non couvert par l’accord sur les marchés
publics (AMP) conclu dans le cadre de l’OMC ;
Mention de la quantité ou de l’étendue
globale du marché, y compris en cas d’accord-
cadre ou de marché à bons de commande
sans minimum ni maximum. Dans ce cas, les
quantités à fournir ou des éléments
permettant d’apprécier l’étendue du marché
doivent être précisés à titre indicatif et
prévisionnel ;
61
o S’agissant des risques susceptibles d’être qualifiés
pénalement et qui demandent un examen attentif par
les auditeurs :
Description exacte et précise de l’objet du
marché. Le Conseil d’Etat a jugé que la
Chambre de commerce et d’industrie de
Calais a méconnu les obligations de publicité
auxquelles était soumise la passation d’un
marché de travaux dès lors qu’est avérée
l'imprécision de la description de l'objet du
marché dans deux avis adressés à des
journaux d’annonce légale même si l'avis
envoyé au BOAMP comporte des mentions
suffisantes38;
Liste des justifications à produire sur les
qualités et sur les capacités des candidats, les
habilitations et les certificats de qualité. A
titre d’exemple, le Conseil d’Etat a jugé qu’en
annulant la procédure de passation d’un
marché au motif que les avis d'appel public à
la concurrence ne comportaient pas l'énoncé
de pièces figurant à l'article 1er de l'arrêté du
26 février 2004 à partir desquelles la
Communauté urbaine de Lyon entendait
contrôler les garanties financières des
entreprises, le juge des référés n'a pas
38
CE, 29 juin 2005, CCI de Calais, n°266631
commis d'erreur de droit. L'avis de marché
doit en effet énoncer les documents ou
renseignements, à partir desquels le pouvoir
adjudicateur entend contrôler les garanties
professionnelles, techniques et financières
des candidats39.
Vérification, le cas échéant, de la bonne justification du
recours à la procédure d’urgence (urgence simple) qui
autorise le raccourcissement :
o du délai minimum de réception des candidatures pour
l’appel d’offres restreint (art. 60 II du CMP) et la
procédure négociée (65 II du CMP),
o du délai minimum de réception des offres pour la
procédure d’appel d’offres restreint (article 62-III du
CMP).
Les acheteurs publics doivent être en mesure de motiver le
caractère objectif de l’urgence, ainsi que l’impossibilité de respecter
les délais réglementaires. Ces raisons ne peuvent résulter de leur
fait, et, en particulier, de la carence de leurs services dans la gestion
de la procédure de passation du marché. Ainsi le Conseil d’Etat a
jugé que l’urgence invoquée par le département d’Ille et Vilaine
dans un contentieux relatif à la passation de marché de travaux
n’était pas recevable. Ce dernier a, par la voie d'un avis d'appel
d'offres publié le 28 juin 1991, lancé une procédure d'appel d'offres
ouvert en vue de travaux de réfection de la chaufferie d’un collège
39
CE, 26 mars 2008, communauté urbaine de Lyon, n° 303779
62
avec recours à l'urgence en raison de la proximité de la date de la
rentrée scolaire, le délai de réception des offres étant fixé au 15
juillet 1991, soit 17 jours plus tard. Le Conseil d’Etat a jugé que le
retard apporté à l'engagement de la procédure d'appel d'offres,
alors que les travaux étaient programmés dès le mois de janvier
1991, n’était pas imputable à une cause ne résultant pas du fait du
département40.
En cas d’erreur affectant un avis d’appel public à la concurrence,
l’acheteur public peut publier un avis rectificatif. Toutefois, si cette
rectification apporte une modification substantielle au marché, il est
nécessaire de reporter la date limite de dépôt des candidatures, pour
respecter à nouveau le délai minimum fixé par le code.
Distinctions des phases d’examen des candidatures
et des offres
L’examen de la recevabilité des candidatures est obligatoire en
procédure formalisée, comme en procédure adaptée (art. 52 du
CMP). Elle doit précéder l’examen des offres. Les offres ne
peuvent donc être jugées sur des critères qui relèvent de
l’appréciation des capacités des candidats.
Il ne faut pas sous estimer cette phase dans les travaux d’audit en
effet il est bien moins visible et plus facile d’éliminer un candidat
« dont on ne veut pas » lors de cette phase.
40
CE, 4 avril 1997, département d’Ille et Vilaines
Vérification du respect des principes du libre accès
à la commande publique et d’égalité de traitement
lors de l’examen des candidatures
NB : La procédure est distincte selon le type d’appel d’offre ouvert
ou restreint (AOO ou AOR) :
AOO : il s’agit d’éliminer les candidatures dont les capacités sont
jugées insuffisantes,
AOR : l’acheteur ne retient, après classement, que les meilleurs
candidats parmi ceux qui ont les niveaux de capacités requis, le
nombre de candidats admis à présenter une offre étant limité.
S’agissant de l’examen des candidatures, le principe est que tout
opérateur économique peut se porter candidat. Le rejet d’une
candidature doit donc être justifié. L’auditeur devra donc s’attacher à
vérifier les points suivants :
Les candidatures jugées irrecevables le sont pour des raisons
objectives et étayées :
o La candidature d’un opérateur économique ne peut être
écartée, par principe, du seul fait qu’il a participé, sous
quelque forme que ce soit, à la préparation d’un marché
public. Dans le cadre d’un litige opposant la société
Fabricom à l’Etat belge, la CJCE a jugé que les
réglementations visant à rejeter par principe la remise
d’une offre pour un marché public de travaux, fournitures
ou services par une personne qui a été chargée de la
recherche, de l’expérimentation, de l’étude ou du
63
développement de ces travaux, fournitures ou services
sont contraires à la réglementation européenne. En effet
il convient de laisser à cette personne la possibilité de
faire la preuve que, dans les circonstances de l’espèce,
l’expérience acquise par elle n’a pu fausser la
concurrence41). Si la collaboration préalable d’une
entreprise lui a permis de recueillir des informations
susceptibles de l’avantager par rapport aux autres
candidats, l’acheteur public doit supprimer la différence
de situation des entreprises en communiquant ces
informations à tous les candidats.
o De même, un acheteur public ne peut interdire, par
principe, à des entreprises entre lesquelles il existe un
rapport de contrôle ou qui sont liées entre elles de
soumissionner concurremment à l’attribution d’un même
marché. Dans le cadre d’un litige opposant la société
Assitur et la chambre de commerce, d’industrie,
d’artisanat et d’agriculture de Milan, la CJCE s’est
prononcée sur une demande de décision préjudicielle
relative à l’interprétation de la réglementation
communautaire en matière de marchés publics et à la
compatibilité avec une réglementation nationale
interdisant la participation à une même procédure
d’attribution de marché, de manière séparée et
concurrente, de sociétés entre lesquelles existe un
rapport de contrôle ou lorsque l’une d’elles exerce sur les
autres une influence importante. La CJCE a jugé qu’il
41
CJCE, 3 mars 2005, Fabricom SA, aff. C-21/03
serait contraire à une application efficace du droit
communautaire d’exclure systématiquement les
entreprises liées entre elles du droit de participer à une
même procédure de passation de marché public. Il
appartient en effet au pouvoir adjudicateur d’apprécier
dans les faits si ce rapport de contrôle a eu une influence
sur le contenu respectif des offres. Une exclusion de fait
réduirait en effet considérablement la concurrence au
niveau communautaire. Au cas particulier, trois
entreprises s’étaient portées candidates, l’une des trois
possédant la totalité du capital de l’une des deux autres42.
Les interdictions de soumissionner peuvent résulter de
condamnations pénales, de la situation personnelle de
l’entreprise ou de la violation de ses obligations fiscales et
sociales.
L'article 43 du code des marchés publics renvoie à l'article 38 de
l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par
certaines personnes publiques ou privées non soumises au code
des marchés publics qui, lui-même, renvoie à l'article 8 de cette
même ordonnance. Une interdiction de soumissionner peut être
prononcée par le juge dans les cas :
o De condamnations pour participation à une organisation
criminelle, pratique de corruption, de fraude ou de
blanchiment de capitaux, mais également à des cas de
faute professionnelle ou de fausse déclaration,
42
CJCE, 19 mai 2009, Assitur Srl c. Camera di Commercio, Industria, Artigianato e
Agricoltura di Milano, aff. C-538/07
64
o d’une mesure d’exclusion des contrats administratifs,
ordonnée par le préfet, en application de l’article L. 8272-
4 du code du travail (dans le cas d’un constat
d’irrégularité en matière de travail dissimulé, de
marchandage, de prêt illicite de main-d’œuvre ou
d’emploi d’étranger sans titre de travail, par exemple),
o d’impossibilité pour un candidat de déclarer sur l’honneur
qu’il est à jour de ses obligations sociales et fiscales,
o de l’état de liquidation judiciaire ou de faillite personnelle
qui exclut l’entreprise de la participation à la procédure
de marché public. L’admission au redressement judiciaire
d’une entreprise ne permet pas le rejet de sa candidature
dès lors que le juge l’a habilitée à poursuivre son activité
durant la durée de l’exécution du marché.
Si l’acheteur, conformément à la faculté offerte par le code des
marchés publics (art. 52) propose à un candidat, en cas de pièces
absentes ou incomplètes, de compléter son dossier pour ce qui
concerne sa candidature, il en informe les autres candidats qui se
voient ouvrir une même possibilité de complément dans un
même délai qui ne peut excéder 10 jours. Cette faculté favorise la
concurrence en permettant plus de candidatures.
L’acheteur doit vérifier les garanties professionnelles, techniques
et financières du candidat tout en respectant l’obligation
d’allègement des charges administratives pesant sur les
candidats :
o Cette vérification s’effectue au vu des documents ou
renseignements demandés dans les avis d’appel public à
la concurrence ou, en l’absence d’un tel avis, dans le
règlement de consultation. Il ne peut être exigé des
candidats que les pièces mentionnées par l’arrêté du
28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des
documents pouvant être demandés aux candidats aux
marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs
o L’acheteur ne doit demander que des renseignements
objectivement nécessaires à l’objet du marché et à la
nature des prestations à réaliser, permettant d’évaluer
l’expérience, les capacités professionnelles, techniques et
financières, ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs
des personnes habilitées à engager l’entreprise.
Dans un contentieux concernant la commune de Brunoy, le
juge estime ainsi que les conditions d’exécution d’un marché,
dont la durée est limitée à six mois et qui porte sur des
prestations courantes, n’impliquent pas la nécessité de
justifier d’un chiffre d’affaires, sur trois années consécutives,
égal à vingt-quatre fois le seuil minimal du marché et à six fois
son seuil maximal. En imposant un tel niveau de capacité
financière aux candidats au marché, alors qu’il n’a fourni
aucun élément établissant que cette exigence était rendue
nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations
65
à réaliser, l’acheteur a méconnu les obligations de mise en
concurrence43.
Si des niveaux minimaux de capacité ont été définis dans
l’AAPC, l’acheteur doit éliminer toute candidature qui
n’atteint pas ces niveaux.
Vérification de la réalité de la pluralité des
candidats
L’auditeur doit être vigilant pour identifier une pluralité fictive de co-
contractants (prête-nom, sociétés fictives, sociétés différentes mais
dirigées par les mêmes personnes…) :
Information pénale ouverte au motif que «des études auraient
été exécutées par les mêmes personnes sous des raisons sociales
différentes pour éviter les contraintes du Code des marchés
publics»44..
Affranchissement irrégulier des différents seuils et soustraction à
l’obligation de mise en concurrence imposée par le Code des
marchés publics par une répartition volontaire des montants
entre différentes entreprises dont certaines n’étaient en réalité
que :
43
CAA Versailles, 25 mai 2010, commune de Brunoy, n° 08VE02066 44
CAA Marseille 28 mai 2004, M Christian X. req n°00MA01911
o la façade d’un même prestataire45,
o des prête-noms pour le véritable fournisseur ou
entrepreneur46 .
Vérification des modalités d’examen des offres et
de leur adéquation avec les principes de
transparence des procédures et d’égalité de
traitement
Pour l’Etat, ses établissements publics et les établissements publics de
santé, sociaux et médico-sociaux, l’obligation de constituer des
commissions d’appel d’offres a été supprimée par le décret n° 2008-1355
du 19 décembre 2008 relatif à la mise en œuvre du plan de relance
économique dans les marchés publics. Le code laisse donc une totale
liberté aux personnes publiques concernées pour mettre en place
l’organisation de nature à optimiser l’efficacité de leurs achats. L’acheteur
public peut choisir d’instaurer une instance consultative collégiale. Il est
libre de décider de la composition de cette commission, en fonction de
ses besoins et des caractéristiques du marché.
L’auditeur s’attachera à vérifier les points suivants :
L’acheteur s’est organisé pour analyser les offres de manière à ne
pas laisser place au doute quant à son objectivité :
45
Cour de discipline budgétaire et financière 11 et 12 décembre 1991, MP novembre 1992, n°269 46
CDBF 22 mai 1990
66
o une procédure d’ouverture des plis a été définie et a été
formalisée,
o la durée d’analyse des offres n’est pas anormalement
longue,
o L’analyse des offres est faite de manière collégiale et
implique des personnes de services différents,
o La séparation totale entre une phase « technique » et une
phase « administrative » est souvent un indice négatif.
Les critères choisis, ainsi que les sous-critères, doivent toujours
être objectifs, opérationnels et liés à l’objet du marché.
L’acheteur public peut librement choisir les critères de sélection
des offres : les critères énumérés à l’article 53 du CMP ne sont pas
limitatifs. Ces critères doivent :
o avoir été rendus publics dans l’avis d’appel public à la
concurrence ou dans les documents de la consultation,
o ne pas être discriminatoires, mais liés à l’objet du marché,
o être suffisamment précis pour ne pas laisser une liberté
de choix discrétionnaire au pouvoir adjudicateur.
Les modalités d’application des critères de jugement des offres et leur pondération doivent être conformes à l’AAPC ou au
règlement de la consultation. Les critères de sélection des offres ne peuvent être modifiés après le dépôt des offres des candidats.
La qualité et la cohérence des motifs invoqués pour éliminer des
offres doivent garantir la sécurité juridique de la procédure de
sélection. L’auditeur doit examiner avec attention le dossier
d’analyse des offres.
o Il regardera le cas échéant la manière dont une offre
anormalement basse aura été traitée (opportunité pour
l’administration ou suspicion d’une offre émanant d’une
entreprise non pérenne ou en difficulté),
o Il s’attachera à vérifier que le prestataire retenu pour un
même type de marché n’est pas toujours le même :
Montant
des
marchés
sur les 5
dernières
années
Répartition des achats
par catégorie de produits
et nombre de marchés
concernés
Répartition des
achats par
entreprises
Répartition des
montants des
marchés par
service de
l'organisme
considéré
matériel informatique
- - en €
- nombre de marchés
Indice de
concentration
sur 1
entreprise ? sur
3 entreprises ?
service technique
service général
autre
matériel bureau
- - en €
- nombre de marchés
Idem Idem
matériel technique
- - en €
- nombre de marchés
Idem Idem
matériel consommable
- - en €
- nbre de marchés
Idem
Idem
67
Examen du respect des obligations de vérification
de la régularité des obligations fiscales et sociales
de l’attributaire Le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché doit produire des
preuves de la régularité de sa situation au regard de ses obligations
sociales et fiscales. A cette fin, il doit produire des attestations et
certificats délivrés par les administrations compétentes. Le défaut de
présentation de ces documents par le candidat rend obligatoire le rejet de
son offre.
L’auditeur s’attachera à vérifier les points suivants :
Fourniture par le candidat des justificatifs nécessaires avant
l’attribution du marché et en cours d’exécution. A défaut si son
cocontractant s’avère avoir recours au travail dissimulé, le
donneur d’ordre sera reconnu solidairement responsable des
sommes dues par le contrevenant, en application de l’article
L. 8222-2 du code du travail.
Remise par le candidat, avant la notification du marché et tous les
six mois durant l’exécution de ce marché, de la liste nominative
(cf. articles D. 8254-2 à D. 8254-5 du code du travail) des salariés
étrangers qu’il emploie et soumis à l’autorisation de travail
mentionnée aux articles L. 5221-2, 3 et 11 du code du travail.
Le contrôle de ces dispositifs revêt une particulière importance. En cas
d’infraction commise par son cocontractant à la réglementation relative à
l’emploi d’étrangers, l’acheteur est solidairement sanctionné, s’il n’a pas
procédé aux vérifications exigées (cf. fiche DAJ « Marchés publics et
dispositifs de lutte contre le travail dissimulé »).
Examen des modalités d’information notamment
des candidats évincés
Information des candidats évincés
Le code des marchés publics prévoit deux types d’information :
l’information immédiate des candidats, dès que l’acheteur public
a fait son choix sur une candidature ou une offre (art. 80) ;
l’information à la demande des entreprises ayant participé à la
consultation (art. 83).
L’information immédiate des candidats s’effectue :
o Au stade de l’examen des candidatures
o Au stade de la sélection des offres : cette information
n’intervient qu’après que le candidat auquel il est
envisagé d’attribuer le marché a produit les attestations
fiscales et sociales mentionnées à l’article 46 du code,
o L’auditeur s’attachera à vérifier que cette information est
systématiquement effectuée et est motivée.
L’acheteur public est tenu de communiquer à tout candidat qui en
fait la demande par écrit les motifs du rejet de sa candidature ou
de son offre, dans un délai de quinze jours à compter de la
réception de cette demande.
68
o L’auditeur s’attachera à vérifier que cette information est
systématiquement effectuée et est motivée.
Achèvement de la procédure : information de l’attributaire
Vérification du respect de l’obligation de notification : un marché
doit être notifié au titulaire du marché, avant tout
commencement d’exécution (art. 81). La notification consiste en
un envoi d'une copie du marché ou de l'accord-cadre signé au
titulaire. C’est à compter de la date de notification au titulaire,
que le contrat commence à produire ses effets juridiques.
L’acheteur a donc tout intérêt à connaître de manière certaine la
date de réception de la notification par le titulaire du contrat, par
exemple par envoi en recommandé avec accusé de réception. Le
titulaire doit attendre d’avoir reçu la notification, avant de
commencer à exécuter le contrat, faute de quoi les prestations
exécutées n’auront aucune base juridique et leur paiement
pourra être refusé.
Vérification du respect de l’obligation de publication d'un avis
d'attribution pour les marchés et les accords-cadres donnant lieu
à une procédure formalisée (art. 85 du CMP). Le pouvoir
adjudicateur doit publier l'avis d'attribution dans un délai
maximal de quarante-huit jours à compter de la notification du
marché, dans les mêmes conditions et en utilisant les mêmes
moyens publicitaires que ceux utilisés lors de l'avis d'appel public
à la concurrence. La publication de cet avis fait courir les délais de
recours.
69
Fiche 2.6.1 : « Analyse de la
passation d’un appel
d’offres ouvert »
La présente fiche couvre la phase allant de la réception et de
l’enregistrement des plis au classement des offres et au choix de l’offre
économiquement la plus avantageuse (cf. fiche déroulement des
procédures DAJ). On traitera ici des spécificités de la passation de l’AOO
et on renverra éventuellement pour certaines étapes du contrôle à des
fiches plus générales.
1. Risques
Les risques principaux peuvent être présentés aux différentes étapes de la
procédure.
Lors de la phase de réception et d’enregistrement des plis les risques
sont principalement :
Des procédures de réception défectueuses permettant la remise
tardive d’une offre ;
Des procédures d’enregistrement n’assurant pas que
l’impossibilité de modifier les offres déposées est effective ;
Un dépassement des possibilités de régularisation des dossiers de
candidature permises par les articles 58-I et 52-I.
Lors de la phase d’examen des candidatures le risque majeur est celui
d’une élimination irrégulière, celui-ci est particulièrement notable, car
l’élimination est alors moins visible qu’au moment du choix des offres. S’y
ajoute un risque de non information des candidats non retenus.
Lors de la phase d’examen des offres le risque principal est celui
d’élimination(s) irrégulière(s) liées à un traitement inégal des candidats ou
à la volonté de favoriser l’un d’entre eux. Il se décline comme suit :
Offre irrégulièrement déclarée inappropriée, irrégulière ou
inacceptable ;
De ce fait déclaration sans suite ou d’infructuosité irrégulière en
particulier quand la suite est le recours à une procédure négociée
et non à un nouvel appel d’offres ;
Irrégularités dans l’analyse des offres et en particulier
comportement allant au-delà des possibilités de préciser et de
compléter la teneur d’une offre, (la négociation est interdite) ;
Irrégularité dans le classement des offres.
2. Articles du code pertinents et autres
textes
Articles 57 à 59 ;
70
3. Etapes du contrôle
Pour cadrer les travaux d’audit il est recommandé d’établir un tableau
recensant les sociétés qui ont retiré un cahier des charges, celles qui ont
déposé une candidature, et celles dont l’offre a été examinée.
Vérification de la réception des offres Il convient de vérifier qu’une procédure de réception est mise en place
fiable et traçable. La dématérialisation déporte le contrôle interne vers la
plateforme et limite les possibilités d’investigation à la revue des
documents qui en sont issus et/ou à l’examen du site.
Vérification de l’enregistrement des plis Il convient de vérifier qu’une procédure d’enregistrement des plis est
mise en place, fiable et traçable. La dématérialisation déporte le contrôle
interne vers la plateforme et limite les possibilités d’investigation à la
revue des documents qui en sont issus et/ou à l’examen du site.
Vérification du traitement des candidatures A ce stade le PA peut évaluer l’expérience, les capacités professionnelles,
techniques et financières et les documents relatifs aux pouvoirs des
personnes habilitées à engager les soumissionnaires.
Cet examen est encadré et l’auditeur doit vérifier le respect de cet
encadrement (cf. fiche n° 3.5) :
Le PA ne peut utiliser d’autres renseignements que ceux listés par
l’arrêté du 28 aout 2006 ;
Si le PA a fixé et publié dans l’AAPC des niveaux minimaux de
capacité, il doit éliminer les candidatures qui ne les atteignent
pas ;
S’il n’en a pas fixé, il doit éliminer les candidats qui ne disposent
manifestement pas de ces capacités.
Vérification de l’information des candidats rejetés Il est important de le vérifier car cela conditionne les capacités de
contentieux des candidats et donc un élément de contrôle externe
du système. (cf. fiche n° 3.11)
Vérification de l’examen des offres Le contrôle portera sur :
Les critères de jugement des offres (cf. fiche n° 3.3) ; en
particulier, les critères de sélection des candidatures doivent
être différents des critères de sélection des offres : un critère
utilisé pour l’appréciation des candidatures ne peut être
« réutilisé » pour celle des offres (cf. fiche 3.8) ;
71
La régularité de la déclaration d’offres irrégulières,
inacceptables ou inappropriées (cf. fiche 3.7) ;
Le traitement des offres anormalement basses (cf. fiche 3.9) ;
La régularité d’une éventuelle déclaration sans suite ou
d’infructuosité (cf. fiche 3.11).
Vérification de la mise en œuvre de la suite de la
procédure
Mise au point éventuelle du marché ;
Attribution du marché ;
Information des candidats dont l’offre n’a pas été retenue ;
Signature du marché à l’issue du délai de suspension.
4. Document à utiliser
Pour ces travaux il est absolument nécessaire de ne pas se limiter au
rapport de présentation, en effet celui-ci est souvent un document ad
hoc, rédigé a minima et ne permettant pas de comprendre ce qui s’est
passé. Il est donc indispensable d’obtenir tous les documents retraçant les
travaux et rendant compte des différentes étapes de choix de manière
détaillée.
Il est aussi très utile de ne pas procéder uniquement par un examen des
pièces. Des entretiens avec les personnes ayant contribué à la procédure
(dès l’amont) sont pertinents. Ils permettent de repérer les documents
intermédiaires produits (et de les obtenir), de demander les courriers
électroniques et autres supports informatiques utilisés et d’obtenir
éventuellement d’utiles explications complémentaires.
72
73
Fiche 2.6.2 : «Analyse de la
passation d’un marché à
procédure adaptée
(MAPA)»
En dessous des seuils des procédures formalisées, l’acheteur peut
organiser la passation du marché comme il le souhaite tout en respectant
les principes constitutionnels de la commande publique (liberté d’accès,
d’égalité de traitement, transparence des procédures). On parle alors de
marché à procédure adaptée (MAPA) dont la procédure de passation est
adaptée à la nature et aux caractéristiques du besoin à satisfaire, au
nombre ou à la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y
répondre ainsi qu’au contexte de l’achat.
1. Risques
Si ce principe donne une grande liberté à l’acheteur en lui permettant
d’adapter la publicité et la mise en concurrence, il doit être mis en œuvre
de façon graduée et réfléchie en cherchant à maîtriser les risques
associés, d’enjeux variables selon le montant et le domaine des achats.
La procédure choisie conduit à ne pas respecter les
principes de la commande publique
Risque de « saucissonnage » des achats pour permettre le recours à la
procédure adaptée et éviter les procédures formalisées (article 27-I du
CMP).
Risque de favoritisme pour réaliser les achats auprès d’un fournisseur ou
prestataire donné.
La procédure retenue n’est pas adaptée à l’achat
effectué
Risque d’une procédure non suffisamment adaptée à chaque achat
(montant et domaine) :
trop de formalisme pouvant rendre l’achat coûteux (perte
de temps, frein à l’accès le plus large des entreprises dont
les petites et moyennes entreprises) ;
peu de formalisme pouvant rendre l’achat douteux (mise
en cause des principes généraux de la commande
publique).
La procédure appliquée n’est pas traçable
Risque de ne pouvoir justifier des achats réalisés, notamment à l’occasion
d’un contentieux.
74
Risque de ne pouvoir s’assurer du bien-fondé de la fourniture, du service
ou des travaux achetés en l’absence de cahier des charges.
2. Règlementation et textes généraux de
référence
Code des marchés publics :
o article 26-II et III, article 27-III : conditions de recours aux
MAPA,
o article 28 : marchés à procédure adaptée,
o article 30 : marchés à procédure adaptée de services.
circulaire du 26 septembre 2014 relative au guide de bonnes
pratiques en matière de marchés publics (points 10.3 et 10.4).
Fiche technique de la DAJ Bercy « Les marchés à procédure
adaptée – article 28 du CMP », disponible sur
http://www.economie.gouv.fr/daj/conseils-aux-acheteurs
Nb : la fiche DAJ recense l’ensemble des articles du code des marchés
public applicables expressément ou non aux MAPA ainsi que les articles
expressément non applicables.
3. Etapes de l’audit
Vérification du bien-fondé du recours à un marché
à procédure adaptée
Il faut vérifier si la procédure adaptée est justifiée soit en raison du
montant de l’achat (3.1.1), soit en raison de son objet (3.1.2). Ces
conditions ne sont pas cumulatives.
Les montants d’achat permettant une procédure adaptée
L’auditeur vérifiera que le montant des achats permet le recours à la
procédure adaptée. Les modalités de calcul du montant estimé du marché
sont prévues à l’article 27 (voir fiche 12 du présent guide).
Cas 1 : seuil national (article 28-III)
< 15 000 € HT Tous domaines
Cas 2 : seuils communautaires évoluant tous les deux ans (* au 1er
janvier 2014) (article 26-III CMP)
134 000 € HT* Marchés de fournitures et services de l’Etat et ses
établissements publics
207 000 € HT* Marchés de fournitures et services des collectivités
territoriales, de leurs établissements publics ainsi
que des établissements publics de santé et du service
de santé des armées
207 000 € HT* Marchés de fournitures acquises par des pouvoirs
adjudicateurs opérant dans le domaine de la défense
Marchés de service de recherche et de
75
développement pour lesquels le pouvoir
adjudicateur acquiert la propriété exclusive des
résultats et qu’il finance entièrement
5 186 000 € HT Marchés de travaux
Cas 3 : petits lots d’un marché formalisé (article 27-III)
Lots inférieurs
à 80 000 € HT
Marchés de fournitures et services
1) lots
inférieurs à
1 000 000 € HT
2) Le montant
cumulé est < à
20% de la
valeur totale
des lots
Marchés de travaux.
Ces conditions sont cumulatives.
Lots déclarés infructueux ou sans suite au terme
d’une première procédure
Lots dont l’exécution est inachevée après résiliation
du marché initial
L’objet de l’achat justifiant une procédure adaptée (articles 30)
L’auditeur vérifiera que, quel que soit le montant du besoin à satisfaire
par le marché contrôlé, le type d’achat de prestations de services n’est
pas mentionné à l’article 29 (services d’entretien et de réparation, service
de transports terrestres…). L’objet des achats rendant possible le recours
à une procédure adaptée porte par exemple, sur des services juridiques,
des actions culturelles et sportives, des prestations de gardiennage…
Vérification des modalités de passation d’un
marché à procédure adaptée
L’auditeur vérifiera que la procédure retenue a été adaptée au type
d’achat réalisé. Cette adaptation porte sur les documents utilisés (3.2.1),
le degré de publicité appliqué (3.2.2) et le niveau de mise en concurrence
(3.2.3).
Les documents nécessaires à la conclusion d’un MAPA
Le vérificateur fera le point des documents constitutifs du MAPA en
tenant compte du fait que chaque pouvoir adjudicateur définit, pour
chacun de ses MAPA, le contenu du dossier de consultation et le
formalisme contractuel. Il doit tenir compte des caractéristiques du
marché (achat plus ou moins complexe), du secteur économique
concerné ainsi que de la rapidité à donner à l’achat (besoin à satisfaire,
temps à consacrer à la démarche). Il s’agit donc d’une vérification de la
pertinence des choix effectués par le pouvoir adjudicateur.
Le marché est de forme écrite, mais libre (lettre, courriel, devis
accompagné de l’accord du pouvoir adjudicateur…) dès lors que l’achat
est au-dessus de 15 000€.
La rédaction d’un cahier des charges est facultative mais fortement
recommandée car en définissant au mieux les besoins à satisfaire, les
candidats peuvent remettre une offre pertinente au meilleur prix.
Un règlement de consultation est obligatoire, même si il peut avoir un
caractère limité (caractéristiques principales de la procédure et du choix
76
des offres – article 42-2 du CMP). L’objectif est d’assurer une information
optimale des candidats pour garantir une égalité de traitement.
La définition pertinente des mesures de publicité
L’auditeur s’assurera du bon niveau de publicité, variable selon le
montant de l’achat, mais également l’objet, la nature, la complexité et
l’état de concurrence entre les entreprises. L’objectif recherché est de
permettre une réelle concurrence.
Champ
d’application
Montant Niveau de publicité Articles
du CMP
Tous les
marchés
< 15 000 € HT Non obligatoire 28-4
Marchés article
28 CMP
Entre 15 000 €
HT et 90 000 €
HT
Publicité adaptée avec
libre choix des
supports
40-II
Entre 90 000 €
HT et les seuils
des procédures
formalisées
JAL ou BOAMP et
publicité obligatoire
sur le profil
d’acheteur.
Eventuellement,
publicité
complémentaire dans
une revue spécialisée
du secteur
économique concerné
40-III-1°
Marchés article
30 CMP
Quel que soit le
montant du
marché
Publicité adaptée avec
libre choix des
supports
40-II
Source : fiche DAJ en date du 13 janvier 2014.
Une jurisprudence de référence sur la détermination des modalités de
publicité et de mise en concurrence adaptées aux caractéristiques d’un
marché : CE, 7 octobre 2005, Région Nord Pas-de-Calais.
La garantie de mise en concurrence effective
L’auditeur s’assurera que la mise en concurrence est effective. En effet, la
liberté donnée par principe au pouvoir adjudicateur dans le cadre d’une
procédure adaptée ne doit pas conduire dans les faits à fausser et limiter
la mise en concurrence. A ce titre, plusieurs obligations existent :
Les délais de remise des candidatures et des offres doivent, bien
que laissées à la libre appréciation de l’acheteur, permettre aux
candidats potentiels de concourir ;
Les modalités de sélection des candidatures doivent respecter les
exigences du code (contrôle des garanties professionnelles,
techniques et financières, information sur les critères de choix des
candidatures, notamment en cas de niveaux minimums de
capacités exigés) ;
La mise en œuvre des critères de sélection des offres est plus
souple car les critères sont connus sans pour autant que le pouvoir
adjudicateur ait à communiquer sa méthode de notation (pas
d’obligation de pondération des critères de choix). Par ailleurs les
variantes sont autorisées par principe.
La négociation doit être annoncée.
77
Vérification des modalités de notification d’un
marché à procédure adaptée
L’auditeur s’assurera des modalités de notification du MAPA, dont
la procédure comporte les particularités suivantes :
Le rapport de présentation est facultatif (l’article 79 CMP
ne le prévoit que pour les procédures formalisées) ;
Il n’y a pas d’obligation d’information des candidats évincés
ni de respect d’un délai de suspension de signature ;
L’information à la demande des candidats évincés est
possible ;
La notification de tout marché de plus de 15 000 € HT est
obligatoire ;
L’avis d’attribution n’est pas indispensable
4. Principales recommandations
Adopter un guide interne de détermination du type
d’adaptation de la procédure à mettre en œuvre selon les
montants, objets ou le degré d’urgence des besoins à
satisfaire.
Garder la trace des démarches effectuées.
78
79
Fiche 2.7 : «Analyse de
l’exécution du marché»
Concrètement, le contrôle de l'exécution du marché va consister à
s’assurer que les prestations et obligations prévues au marché ont bien
été exécutées par le titulaire en contrepartie des paiements effectués.
Cette analyse comportera donc deux axes principaux :
un axe relatif à la réalisation de la prestation : a-t-elle été
réalisée ? Si oui, la réalisation est-elle conforme au cahier des
charges ? Les délais ont-ils été respectés ?…
un axe relatif à l’exécution financière : le circuit de paiement a-t-il
été respecté ? Le montant du marché est-il conforme à celui
indiqué à l’acte d’engagement ?…
Il conviendra également d’étudier, le cas échéant, le recours à des
avenants ou des décisions de poursuivre.
Une attention particulière sera portée au bon calibrage des travaux en
fonction de l'analyse des risques et des objectifs de l'audit : il peut en
effet être plus simple d'auditer l'exécution financière, au détriment de
l'exécution de la prestation.
1. Risques
Les principaux risques pesant sur l’exécution des marchés publics sont de
deux ordres : les risques pesant sur la réalisation de la prestation et les
risques pesant sur l’exécution financière.
Le risque juridique (contentieux contre l’Etat en cas de non respect de ses
obligations, dissimulation d’entente et volonté de fausser la
concurrence…) est présent dans ces deux familles de risques. Des
exemples sont donnés ci-dessous.
Les risques portant sur la réalisation de la prestation :
o non-satisfaction du besoin initial (prestations non
conformes, retards d’exécution, mal-façons…) ;
o défaillance du titulaire en cours d'exécution du marché.
Cf fiches de la DAJ relatives aux entreprises en difficulté
(http://www.economie.gouv.fr/daj/entreprises-en-difficulte-pdt-
execution-mp) et aux cas de résiliation unilatérale par l'administration (
http://www.economie.gouv.fr/daj/resiliation).
Les risques portant sur l’exécution financière du marché :
dépassement du montant initial du marché lié au non-respect des clauses financières ;
o perte financière pour l’Etat en l’absence de mise en œuvre des garanties demandées en cas de livraison/d’exécution non conforme ;
80
o bouleversement de l’économie du marché lié à la multiplication d’avenants.
2. Articles du code pertinents
Les principaux articles du Code des marchés publics s’agissant de
l’exécution des marchés publics sont les articles 20 (avenant), 81
(notification), 87 à 105 (régime financier), 112 à 117 (sous-traitance), et
118 (prestations complémentaires).
L’auditeur doit également se référer au CCAG applicable au marché
étudié.
3. Documents
S’agissant des pièces de marché, les principaux documents à solliciter
sont : le cahier des clauses administratives particulières (CCAP), le cahier
des clauses techniques particulières (CCTP), l’acte d’engagement (AE), les
éventuels avenants ou décisions de poursuivre, les ordres de service ou
bons de commande (a minima, le premier).
D’autres documents justifiant des points de contrôle particuliers pourront
être demandés. Ils sont précisés à chaque étape.
4. Etapes du contrôle
Trois axes de contrôle seront présentés : un premier relatif à l’exécution
des prestations, un deuxième relatif à l’exécution financière du contrat, et
un troisième relatif aux avenants.
4.1 L’exécution des prestations
S’assurer que les prestations n’ont pas été réalisées avant l’entrée en vigueur du marché
L’article 81 du CMP dispose : « Sauf dans le cas de l'échange de lettres
prévu au 1° du II de l'article 35, les marchés et accords-cadres d'un
montant supérieur à 15 000 Euros HT sont notifiés avant tout
commencement d'exécution ».
Il faut rappeler ici que le Conseil d’Etat a érigé la non-rétroactivité des
actes administratifs en principe général du droit47. En vertu de ce principe,
les personnes publiques ne peuvent légalement fixer l’entrée en vigueur
de leurs décisions, réglementaires ou non, à une date antérieure à celle,
selon les cas, de leur publication ou affichage ou de leur signature ou
notification, ou de leur transmission à l’autorité de tutelle.
Le même article du CMP :
o définit ce qu’est la notification : « la notification consiste en un
envoi d'une copie du marché ou de l'accord-cadre signé au
titulaire. La date de notification est la date de réception de cette
copie par le titulaire » ;
47
CE, 25 juin 1948, société du journal «L’Aurore »
81
o la portée de cette date : « A l'exception du cas de l'échange de
lettres, le marché ou l'accord-cadre prend effet à cette date ».
Concrètement, il convient de se faire produire la notification du marché et
de comparer sa date avec celle du premier bon de commande ou ordre de
service. Si cela est possible, on cherchera à vérifier que les travaux
effectifs n’ont pas commencé avant ces pièces (ex : réunions avec le
prestataire pour débuter les travaux, travail démarré chez ce dernier).
S’assurer que les prestations réalisées ont bien été commandées
Il s’agit ici de s’assurer que, sauf dérogation prévue au CCAP, toute
prestation est bien réalisée suite à l’émission d’un bon de commande ou
d’un ordre de service.
S’assurer que les prestations ont été totalement réalisées
Pour cela, il convient de s’assurer que le circuit de constatation du service
fait déterminé dans la procédure achats a bien été respecté.
Il conviendra de se faire produire, par échantillon, en cas de volumétrie
trop importante, les PV de vérification quantitative et qualitative, les
décisions expresses d'admission, d'ajournement, de réfaction, de rejet, ou
tout autre document permettant d’acter la vérification physique de la
livraison.
L’ensemble de ces documents doit être archivé par le service des achats.
En tout état de cause, l’auditeur doit s’assurer que la procédure de
réception précisée dans le CCAP (qui peut renvoyer au CCAG) est bien
respectée. Cette procédure peut être plus ou moins complexe selon la
nature du marché (travaux ou fournitures).
Un constat physique peut également être réalisé, mais il est plus difficile à
mener selon la nature des prestations (prestations intellectuelles ou
fourniture de services).
Le contrôle de l’exécution de la prestation doit permettre de vérifier :
la qualité du titulaire du marché, à travers notamment l’étude du
taux de rejet partiel ou total de livraisons et l’importance des
réserves ;
ces mêmes indicateurs peuvent permettre de déterminer la
qualité du suivi par le service (une absence totale de rejet peut
être le signe d’une absence de contrôle).
Ils peuvent être complétés par l’analyse du délai entre la réception des
prestations et la constatation du service fait. Cette analyse dépend de
l’objet du marché, très court pour des biens livrés à un entrepôt ; il peut
être important pour des prestations intellectuelles complexes. Un délai
long, au regard des pratiques habituelles pour la prestation concernée
peut constituer une anomalie :. A contrario, un délai très réduit peut
s’analyser comme une absence de contrôles approfondis.
Remarque : certains marchés prévoient des garanties pour protéger
l’administration en cas de mal-façon (garantie à première demande,
garantie solidaire…). Si une telle garantie est prévue (généralement
indiqué dans l’acte d’engagement ou le CCAP), il conviendra de s’assurer
qu’elle a bien été remise et est conservée avec les pièces du marché.
82
S’assurer que les prestations ont été réalisées dans les délais
L’exécution de la prestation et la qualité sa réalisation doivent faire l’objet
d’une attention particulière car cela a un impact sur la satisfaction des
besoins des services et sur l’économie financière du marché.
En effet, des pénalités pour non-respect des délais d’exécution ou non-
réalisation conforme des prestations sont généralement prévues et
doivent être appliquées.
Risques particuliers identifiés : concurrence faussée par la non application
des pénalités, entente illicite entre le titulaire et l’administration
(collusion, rétrocessions…) ;
Il conviendra de s’assurer que :
le respect des délais a été contrôlé ;
en cas de dépassement, des pénalités ont été appliquées ;
les pénalités sont appliquées rapidement (sans qu'il existe
toutefois de délai réglementaire).
Remarque : ces contrôles sont également réalisés par les comptables. Une
consultation des motifs de rejet des demandes d’achat peut également
orienter les travaux de l’auditeur.
4.2 Le respect de l’exécution financière Remarque liminaire : tous ces aspects font l’objet de contrôles par le
comptable public. Une première approche peut consister en la prise de
connaissance des différents échanges entre le comptable et le service
gestionnaire : les différentes communications (lettre d’observation ou
rejets) pourront être demandées au service financier. Un entretien pourra
éventuellement être sollicité auprès du comptable. A noter cependant que
l'audit ne pourra être étendu aux contrôles exercés par le comptable que
dans un cadre partenarial (audit conjoint avec l'IGF ou la DGFiP).
S’assurer du respect de la chaîne d’exécution financière :
L’auditeur se réfèrera ici aux circuits de gestion CHORUS. Il se fera
produire les documents relatifs à procédure prévue dans le service et
s’assurera que la procédure applicable pour la transmission des pièces
nécessaires à la création de l’engagement juridique (pièces de marché et
notification) a bien été respectée.
Cet envoi avant tout début d’exécution du marché permet de s’assurer
qu’il n’y a pas eu d’engagement juridique de régularisation.
De même un contrôle devra être effectué pour s’assurer que la procédure
de demande d’achat est respectée : le service utilisateur doit informer au
préalable le service prescripteur, la création de l’engagement juridique
dans CHORUS devant précéder l’envoi du bon de commande.
Enfin, les habilitations des agents intervenant dans l’exécution du marché
devront être vérifiées (habilitation pour l’émission du BC, l’attestation de
service fait).
83
Vérifier l’exactitude des différents types de paiement :
o une avance peut être versée conformément à l’article 87 du CMP ; des garanties peuvent être demandées en contre-partie (article 101 du CMP).
o le montant des acomptes versés ne peut être supérieur au montant des prestations réalisées (article 91 du CMP).
Il doit par ailleurs correspondre au montant des factures ou des
décomptes de travaux préalablement acceptés par l’ordonnateur.
Le CMP dispose ainsi, article 97, que " Les opérations effectuées par le
titulaire d'un marché qui donnent lieu à versements d'avances ou
d'acomptes, à règlement partiel définitif, ou à paiement pour solde, sont
constatées par un écrit établi par le pouvoir adjudicateur ou vérifié et
accepté par lui ".
Remarque : dans le cas d'un paiement partiel définitif (non prévu pour les
marchés de travaux), et contrairement aux acomptes, le montant du
règlement ne peut plus être remis en cause au moment du paiement du
solde (cf article 92 du CMP).
vérifier la correcte application des prix fixés au marché ou au bordereau des prix unitaires ;
s’assurer de la correcte application des clauses d’actualisation ou d’indexation des prix (se référer aux indices disponibles sur le site de l’INSEE ou du MONITEUR) ;
s’assurer que la récupération de l’avance est réalisée conformément aux dispositions du marché ou, à défaut de mention dans les
documents, lorsque le marché est exécuté à plus de 65% (article 88 du CMP) ;
vérifier la périodicité des versements (périodicité maximale trimestrielle ou mensuelle pour les PME-PMI – al 3 – art 91 CMP) ;
en fin de marché (marchés à prix forfaitaire tels les marchés travaux ou prestations intellectuelle), analyser les modalités de détermination du solde. Il conviendra également de s’assurer que le montant maximum du marché n’a pas été dépassé (contrôle à effectuer sur le montant HT, hors actualisation ou révision de prix).
Remarque : les sous-traitants de premier rang ont droit au paiement
direct dès lors que les conditions d’acceptation et d’agrément sont
satisfaites et que le montant de sa créance est d’au moins 600 € TTC
(cf art.115 à 117 du CMP).
Dans ce cas, un acte de sous-traitance doit être présenté et accepté par le
pouvoir adjudicateur.
Les demandes de paiement seront réalisées au profit du sous-traitant,
directement sur son compte. Ce sous-traitant a également droit à
bénéficier d’une avance (le montant de celle-ci sera déduit de celle versée
au titulaire).
Le titulaire du marché reste seul responsable des obligations afférentes
au marché (article 113 du CMP). C’est donc lui et lui seul qui doit
présenter les garanties prévues au marché (garantie à première demande,
caution personnelle et solidaire ou, le cas échéant, application d’une
retenue de garantie de 5% sur les factures).
84
Remarque : la retenue de garantie, d'un montant maximal de 5 % du
montant du marché – avenants inclus, doit être libérée au plus tard
un mois après l'expiration du délai de garantie (art. 101 et 103 du
CMP). Le service gestionnaire doit alors adresser au comptable une
décision de remboursement de la retenue de garantie accompagnée,
le cas échéant, du PV de levée des réserves.
Vérifier le respect des délais de paiement
Le délai de paiement peut avoir un impact sur la relation avec le
fournisseur.
Par ailleurs, le non-respect de ce délai est sanctionné financièrement et
engage donc les dépenses publiques.
Pour se faire, l’auditeur rapprochera la date de réception de la facture (ou
de la date de certification du service fait si celle-ci est postérieure) et la
date de paiement.
En cas de dépassement de délai, s’assurer que des intérêts moratoires sont liquidés.
Le montant des intérêts moratoires peut également être contrôlé.
Cependant, le calcul étant automatisé dans Chorus, il y a peu de risque sur
leur liquidation, dès lors que les champs ont correctement été saisis. En
revanche, s’assurer que la DP générée automatiquement est validée, ou à
défaut les motifs de refus de validation par le service prescripteur.
4.3 Le recours abusif aux avenants L’article 20 du CMP précise les conditions de recours à un avenant ou une
décision de poursuivre, et ses limites : «En cas de sujétions techniques
imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision
de poursuivre peut intervenir quel que soit le montant de la modification
en résultant.
Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne
peut bouleverser l'économie du marché, ni en changer l'objet ».
L’auditeur listera les différents avenants intervenus sur le marché et
dressera un constat des différents motifs, ce qui lui permettra de
contrôler les points suivants.
Vérifier le bien-fondé de la passation des avenants
A titre d’exemple :
o un avenant doit être pris, même lorsqu’une compensation de plus-values et moins-values conduit à diminuer le montant des travaux48;
o lorsqu'une modification des prestations objet du contrat est envisagée, et même si le montant total du marché n'est pas modifié, il convient de prendre un avenant qui est le seul acte juridique pouvant autoriser contractuellement à constater une telle modification ;
o l’avenant ne doit pas permettre de prendre en compte et régulariser des prestations réalisées en dehors de l’objet initial du marché.
48
CRC Rhône-Alpes, 24 février 1999, Ecole Nationale d'Ingénieurs de Saint-Etienne
85
Avenant ou décision de poursuivre ?
L’article 118 du code des marchés publics dispose que " dans le cas
particulier où le montant des prestations exécutées atteint le montant
prévu par le marché, la poursuite de l'exécution des prestations est
subordonnée, que les prix indiqués au marché soient forfaitaires ou
unitaires, à la conclusion d'un avenant ou, si le marché le prévoit, à une
décision de poursuivre prise par le pouvoir adjudicateur ".
Conditions d’utilisation de la décision de poursuivre :
o doit être prévue au contrat (à noter que le CCAG Travaux ne fait plus référence à cet acte) ;
o la décision de poursuivre ne peut être utilisée que pour augmenter le volume des prestations à réaliser pour parvenir à l’achèvement de l’ouvrage, et ces prestations ne peuvent en aucun cas être différentes de celles prévues au marché initial ;
o le prix doit correspondre au bordereau des prix initial. Il s’ensuit qu’il est impossible de recourir à la décision de poursuivre pour introduire des prestations nouvelles ou différentes de celles du marché initial ou de nouveaux prix. (…)
o elle ne doit, en aucun cas, bouleverser l’économie du marché, ni en changer l’objet.
Vérifier que le recours aux avenants ne conduit pas à bouleverser l’économie du marché
Bien qu’il n’existe pas de définition chiffrée de cette notion et que celle-ci
soit appréciée au cas par cas par le juge, il est considéré qu’une
augmentation par avenant de 15 % à 20 % ou plus du prix d'un marché est
susceptible d'être regardée par le juge administratif comme bouleversant
l'économie du contrat.
Par ailleurs, il convient de préciser que :
o la hausse du prix, pour un marché unique, ne s’apprécie pas lot par lot, mais dans sa globalité ;
o le bouleversement de l’économie du marché, le plus souvent, interprété de manière quantitative (augmentation de son montant initial), peut aussi concerner des éléments du marché d'ordre non quantitatif concernant la durée du contrat, les conditions d’évolution des prix ou les modalités de réalisation des prestations, par exemple ;
S’assurer que l’avenant est exécutoire
Par parallélisme des formes, les dispositions de l’article 188 du CMP
relatives à la notification du marché initial, sont également applicables
aux avenants qui ont pour objet d’en modifier les clauses.
5. Signaux d’alerte
Les principaux signaux d’alerte que l’auditeur doit garder à l’esprit sont :
la non-satisfaction du besoin initial : une qualité des livrables
inférieure aux attentes, des prestations non (ou partiellement)
réalisées, des retards de livraison ;
une dérive budgétaire par un nombre important d’avenants.
86
6. Recommandations possibles
En fonction des différents résultats de contrôle, l’auditeur s’attachera à
rappeler les règles fixées par le CMP ou les documents contractuels.
Le cas échéant, un rappel sur le circuit de la dépense dans CHORUS pourra
également être effectué.
87
Fiche 3.0 : «Composition du
dossier de marché à
demander»
Les documents à demander dans le cadre d’un audit des marchés varient
selon l’étendue du contrôle fixée en fonction des risques déterminés par
ailleurs. L’audit peut porter sur les phases de préparation, de passation,
d’exécution et de clôture du marché.
1. Risques
Risques ayant des conséquences sur la régularité des achats :
- Irrégularité de la procédure (absence de document exigé par la
réglementation en phase de passation et d’exécution du marché).
- Non respect de la confidentialité de la procédure (notamment
du contenu des offres des candidats).
Les risques ayant trait à l’efficacité fonctionnelle et au bon usage des achats :
- Absence de préparation suffisante de la passation du marché :
inadéquation de la procédure retenue ou du support contractuel
choisi ; mauvaise définition du besoin en phase préparation.
Les risques de nature à impacter l’efficacité économique et la maîtrise des coûts :
- Mauvais suivi de l’exécution et de la terminaison du marché.
2. Documents à demander
A/ Préparation du marché
Préparation du marché Audit
minimal
Audit
approfondi
Stratégie d’achat générale du segment
ou spécifique pour le marché
Compte-rendu des commissions
internes du marché préparant
l’élaboration des documents
administratifs et techniques du marché
Livrables des AMO éventuelles sur le
marché
NB : ces documents, non exigés par la réglementation, permettent de
comprendre le contexte de passation du marché audité.
88
B/ Passation du marché
Passation du marché Audit
minimal
Audit
approfondi
Rapport de présentation de la procédure
Note d’organisation de la procédure (dialogue
compétitif, négociation…)
Dossier de consultation (articles 41 et 42 CMP)
Avis d’appel public à concurrence (articles 39 et
40 CMP)
Règlement de la consultation
CCAG et CCAP
CCTP et spécifications techniques du besoin
Modèle d’acte d’engagement
Consultation et analyse des offres
Retraits et téléchargements du dossier de
consultation
Registre des dépôts
Procès-verbal de l’ouverture des
plis/candidatures
Dossiers de candidature de tous les candidats
Analyse des candidatures
Procès-verbal de choix des candidatures
Procès-verbal d’ouverture des offres
Dossiers d’offres de tous les soumissionnaires
Analyse des offres (rapports de choix financier et
technique et tout autre document)
Classement des offres
Documents d’engagement de responsabilité de
confidentialité des parties prenantes à la
procédure (pour les projets majeurs à risque)
Rapports ou procès-verbaux de négociation ou de
dialogue
Choix de l’attributaire
Procès-verbal de décision du pouvoir
adjudicateur
Lettres de rejet et d’acceptation
Prolongation de la validité des offres
Retour des liasses fiscales et sociales
89
Demandes d’explications sur le rejet d’une offre
et leur réponse
Mise au point avec le candidat retenu
Notification du marché
Avis d’attribution
Dossier de soumission aux différents contrôles,
notamment celui du contrôleur budgétaire
comptable ministériel (CBCM) (en fonction des
seuils applicables)
C/ Exécution du marché
Exécution du marché Audit
minimal
Audit
approfondi
Documents généraux
Exemplaire du marché notifié avec l’intégralité
des pièces associées (Articles 11 à 13 CMP)
Avenant(s) et rapport de présentation (article 20)
Ordre(s) de service
Certifications de service fait
Courriers entre le pouvoir adjudicateur et le
titulaire
Documents d’acceptation des sous-traitants
Rapport d’avancement du marché ou tout
document de reporting exigé dans le cadre du
marché
Courriers relatifs aux demandes de sursis de
livraison, de prolongation de délais.
Décomptes de pénalités
Documents d’exécution financière (versement
d’avances, d’acomptes, de retenue de garantie,
90
de cautionnement…)
Documents spécifiques à certaines catégories de marchés
Pour les accords cadres : marché(s) subséquent(s)
et rapport de présentation éventuel
Pour les marchés à bons de commande : bon(s)
de commande
Pour les marchés à tranches : documents
affermissant les tranches conditionnelles
Pour les marchés d’infrastructure : Voir fiche
marchés d’infrastructure
D/ Terminaison du marché
Terminaison du marché Audit
minimal
Audit
approfondi
Fin normale du marché
Avis de non reconduction
Point de situation du règlement financier du
marché
Rupture anticipée
Lettre de résiliation du contrat
Protocole transactionnel
91
Fiche 3.1 : «La notion
d'opération (article 27, II
[1er])»
Une définition :
Cette notion est exclusivement associée aux marchés de travaux publics.
Les marchés de travaux se caractérisent par le fait que le pouvoir
adjudicateur en est le maître d'ouvrage, c'est à dire la personne pour
laquelle l'ouvrage est construit (art. 1er du code).
Un marché de travaux, au sens du code, est un marché conclu avec des
entrepreneurs qui a pour objet soit l'exécution, soit conjointement la
conception et l'exécution d'un ouvrage ou de travaux de bâtiment ou de
génie civil répondant à des besoins précisés par le pouvoir adjudicateur
qui en exerce la maîtrise d'ouvrage (art.1er-III).
Une opération de travaux ne peut être scindée en fonction de l'objet, des
procédés techniques ou de leur financement, lorsqu'ils sont exécutés
durant la même période de temps et sur une zone géographique donnée
(unicité de temps et de lieu).
A titre d'exemple, des marchés conclus presque simultanément entre les
mêmes parties et ayant le même objet, ou des marchés conclus
simultanément pour la réalisation de trottoirs en quatre endroits
différents d'une même commune, ou encore des travaux d'étanchéité de
peinture effectués pour la réfection et le fonctionnement de deux
châteaux d'eau à des dates rapprochées, ont été jugés comme relevant de
mêmes opérations49.
L'évaluation du montant d'un marché de travaux doit être réalisée en
prenant en compte la valeur globale des travaux se rapportant à une
même opération qui peut comporter un ou plusieurs ouvrages, valeur à
laquelle on ajoute la valeur des fournitures nécessaires à leur réalisation
que le pouvoir adjudicateur met à la disposition des opérateurs.
La valeur des services nécessaires à la réalisation des travaux n'a pas à
être prise en compte par les pouvoirs adjudicateurs50. . Ainsi un
établissement public faisant appel à un bureau d'étude n'aura pas à
intégrer le montant des prestations effectuées par celui-ci pour la
réalisation des travaux. En revanche, il est nécessaire d’intégrer par
exemple le stock de tuiles dont il dispose et qu'il met à la disposition du
titulaire du marché.
La notion d'opération de travaux revêt donc une importance particulière
pour l'appréciation des seuils.
La notion d'ouvrage est définie par le code des marchés en conformité
avec le droit communautaire. Cette notion constitue le résultat d'un
ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par
lui même une fonction économique ou technique (art.1er-III). Peuvent
donc constituer un même ouvrage des travaux réalisés par plusieurs
pouvoirs adjudicateurs.
49
CE, 26 juillet 1991 commune de Sainte Marie N°117717
CE, 26 septembre 1994 préfet d'Eure et Loir N°122759 CE, 8 février 1999 Syndicat intercommunal des eux de la Gâtine, N° 156233 50
La règle est différente pour les entités adjudicatrices non traitées dans le cadre de ce
guide
92
L'ouvrage est le résultat obtenu à l'achèvement des travaux de
construction, de restructuration ou de réhabilitation d'un immeuble ou de
travaux de génie civil.
Point de vigilance:
Certains marchés relatifs à des travaux constituent des marchés de
services au sens communautaire. Il a été jugé que des travaux d'entretien
d'espaces verts constituent des services d'entretien au sens des directives
même s'ils constituent des travaux publics en vertu de la jurisprudence du
conseil d'Etat51.
En conséquence les seuils communautaires applicables sont ceux des
marchés de service, moins élevés que ceux relatifs aux marchés de
travaux.
1. Risques
Les risques financiers et économiques résultant d'annulation de marchés
et de condamnations éventuelles de la personne publique ne sont pas à
sous estimer. Toutefois les deux risques les plus importants sont liés au
fait qu'un défaut d'appréciation du seuil est de nature à induire une
procédure irrégulière.
51
CE,7 juin 2010, ville de Marseille N°316528
Un recours introduit peut voir l'attribution initiale annulée par le juge
avec toutes les conséquences qui en résulteraient, en particulier
l'indemnisation du titulaire52 par la personne publique.
Le risque est également d'ordre pénal pour l'agent éventuellement
responsable du délit d'octroi d'avantage injustifié. L’unicité de temps et
de lieu pour la réalisation de travaux, même réalisés dans le cadre de
marchés distincts et / ou attribués à des entrepreneurs différents sont
déterminants pour le juge afin de fonder son appréciation de la notion
d'opération.
2. Articles du code pertinents
Articles 1er-III et 27, II {1°] ;
3. Documents
Circulaire du 26 septembre 2014 relative au guide des bonnes pratiques
en matière de marchés publics
4. Le contrôle
Outre les informations qui pourraient être recueillies dans des entretiens
et fournir des indices, le contrôle nécessite une extraction complète des
52
Transaction amiable
93
marchés passés par le pouvoir adjudicateur quel que soit leur objet, ceci
sur une période couvrant deux ou trois ans puisque des marchés d'une
même opération peuvent être passés en fin d'année et au début de
l'année suivante.
A partir de quelques informations (numéro d'ordre, objet, montant, nom
du fournisseur, procédure, date de notification et si possible la typologie
du marché (FCS, S, MI ou T), il sera alors possible d'identifier dans certains
cas des marchés avec des objets identiques ou connexes, des fournisseurs
récurrents, des marchés de travaux passés à des dates différentes mais
proches.
A partir d'éléments concrets il sera alors possible de consulter le contenu
des dossiers identifiés en particulier les rapports de présentation, les
cahiers des charges, les offres y compris celles de concurrents afin de
déterminer à partir des éléments transcrits si les marchés sont
susceptibles de relever ou non de la même opération.
Une visite du site concerné peut éventuellement être utile.
94
95
Fiche 3.2 : « Modification
des conditions de la
consultation53 »
Si les investigations font apparaître une modification des conditions de la
consultation pendant la procédure, il est nécessaire de vérifier que celles-
ci sont régulières. En effet, si les modifications ne sont pas interdites elles
sont fortement encadrées.
Le principe d’égalité entre les candidats implique le respect des
documents de consultation. L’administration ne peut fonder sa
décision sur des conditions contraires à celles prévues aux
documents de consultation ni sur des conditions non prévues aux
documents de consultation.
Des modifications sont possibles en cas de mauvaise rédaction ou
d’inadaptation des documents mais elles sont encadrées et
plusieurs éléments doivent être pris en compte :
o le principal est le moment de la modification, avant ou
après le dépôt des offres, dans le premier cas, la
modification est plus facile ;
53
Source : Le moniteur III.328.3, juillet 2012
o l’importance de la modification ;
o la nature de la procédure de consultation – en cas de
procédure dérogatoire, la souplesse est plus grande ;
o la nature du document de consultation modifié – le
respect du règlement de consultation est strictement
contrôlé ;
o la nature de la disposition modifiée ;
o le respect de conditions dites formelles, c'est-à-dire de
modalités de mise en œuvre requises pour la
modification.
Si la modification envisagée ne rentre pas dans ce cadre le
pouvoir adjudicateur est dans l’obligation d’interrompre et de
relancer la consultation.
Les travaux de l’auditeur viseront à apprécier la régularité de la ou des
modifications apportées. Les développements ci-dessous donnent les
éléments juridiques principaux permettant de le faire. On sera attentif
dans l’appréciation au niveau du risque :
Purement juridique : annulation du marché,
Susceptible d’être qualifié pénalement si les modifications
avantagent un candidat particulier
96
1. Articles du code pertinents en dehors
de ceux qui seront cités infra
article 6 : définition des spécifications techniques ;
article 10 : allotissement ;
articles 11 à 13 : documents constitutifs du marché.
2. Modification avant le dépôt des offres
La personne publique peut décider de modifier les conditions de la
consultation avant le dépôt des offres, mais doit respecter certaines
exigences de fond et de forme.
Au fond, une modification ne peut altérer les
conditions de droit ou de fait de la mise en
concurrence.
Il n’est pas possible d’ajouter une obligation insusceptible d’être justifiée
par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution ni de placer les
entreprises dans une situation de fait qui serait discriminatoire.
Dans une espèce, le juge a ainsi annulé une procédure au motif que la
modification apportée au cahier des charges « présentée postérieurement
au commencement des opérations du concours, a eu pour effet, bien qu’il
ait été précisé que le jury ne ferait pas de l’acceptation des entreprises
concurrentes, ni une condition de sa décision, ni même un élément
déterminant de son choix, de modifier en fait les conditions initiales du
concours et de porter atteinte à l’égalité des candidats » (CE 18/12/68 Cie
générale des eaux c/ ville de Vannes).
Dans la forme les modalités sont soumises à des
contraintes
Les candidats doivent avoir un délai suffisant pour adapter leurs
offres ;
o Ce n’est pas le cas d’une modification portée à la connaissance
des candidats la veille de la remise des offres, au surplus alors que
certaines sociétés avaient déjà remis leurs offres (CE 9/3/1997
Min agriculture c/ S. Bull) ou d’un délai de trois semaines pour un
bouleversement des conditions du marché (desserrement de la
contrainte de quatre ans pour les phases de conception et de
réalisation).
o L’administration doit informer tous les candidats des
modifications apportées, dans des conditions respectueuses du
principe d’égalité.
Dans le cas des procédures ouvertes, il faudra un avis d’appel à la
concurrence adressé sur les mêmes supports et dans les mêmes
délais que l’avis initial.
o TA Strasbourg 14/11/2000 Ville de Metz: caractère régulier de
l’augmentation de l’enveloppe d’un marché de conception
réalisation de 25 à 30 % « dès lors que l’ensemble des
groupements candidats en ont été informés préalablement au
dépôt de leur offre ».
97
La modification doit être formulée en termes clairs.
3. Modification après le dépôt des offres
Après le dépôt des offres, il n’est plus possible de modifier les conditions de
la consultation. Des modifications mineures sont possibles mais elles ne
peuvent porter sur le règlement de la consultation. L’appréciation de la
modification apportée peut varier en fonction de la procédure retenue.
Possibilité de modification mineure
Les modifications sont impossibles sur le règlement de la consultation. Antérieurement, des modifications portant sur un point étranger à l’objet du marché et sans rapport direct avec les modalités de fixation ou de règlement des prix avaient pu être regardées comme mineures. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le Conseil d'Etat considère en effet qu'en procédure d'appel d'offres ou de dialogue compétitif, aucune modification du dossier de consultation ne peut avoir lieu, même s'agissant d'obligations étrangères à l'objet du marché et n'ayant pas « de rapport avec les modalités de fixation et de règlement de son prix »54. Dans le cas d'une procédure négociée, ne sont admises que « des adaptations correspondant à des éléments d'information complémentaires apparues nécessaires en cours de procédure », ce qui n'est pas le cas s'il s'agit d'éléments de prix55.
Changer la durée du contrat n’est pas une modification mineure56.
54
CE, 23 novembre 2005, S. A. R. L. Axialogic, n° 267494 55
CE, 29 juillet 1998, Editions Dalloz-Sirey et Société Ort, n° 188686 56
CE 4 avril 1997 commune de l’ile d’Yeu
L’appréciation du caractère mineur de la
modification par la jurisprudence varie en fonction
de la procédure de passation mais demeure
généralement stricte
Elle est très stricte pour les appels d’offres.
o Ceci vaut notamment pour le respect du principe
d’allotissement. Une modification de l’allotissement n’est pas
possible.
Elle est aussi très stricte pour la procédure du concours.
o C’est notamment vrai du règlement du concours : documents
à fournir par les candidats ; respect, si le principe en a été posé
dans le règlement, de la présélection d’une partie des
candidats parmi les soumissionnaires pour choisir le lauréat ;
respect de l’enveloppe, de la superficie, de l’implantation.de
l’échelle de présentation des plans.
o Elle l’est moins pour les procédures négociées avec mise en
concurrence où le juge pourra admettre des « adaptations »,
non « substantielles », qui doivent toutefois respecter les
principes d’égalité des candidats et de transparence.
L’adaptation doit être de portée limitée, être justifiée par l’intérêt du
service et ne pas présenter, entre les entreprises concurrentes, de
caractère discriminatoire.
98
Le dialogue compétitif représente un cas particulier Cette procédure prévoit que l’administration définisse un programme
fonctionnel sur la base duquel est mené le dialogue avec des candidats
préalablement sélectionnés. Le cahier des charges est arrêté au terme de
ce dialogue après la remise des offres.
Cette procédure est la « transposition anticipée », dans le code des
marchés publics du 7 mars 2004, de la directive 2004/18/CE du 31 mars
2004. Elle est très proche de l’appel d’offres sur performances, abrogé par
le code de 2004 et dont la directive suscitée s’était largement inspirée.
Dans l’appel d’offres sur performance, comme dans les marchés de
conception réalisation, l’administration était autorisée, après audition des
candidats, à modifier le cahier des charges afin de permettre audits
candidats de modifier, le cas échéant, leur offre.
La question était posée, et le reste dans le cadre de la procédure du
dialogue compétitif, de l’étendue du pouvoir de l’administration pour
modifier les documents de consultation.
En premier lieu, les offres, avant l’attribution, peuvent être précisées,
clarifiées ou perfectionnées par l’entreprise candidate à la demande du
pouvoir adjudicateur. Cela ne doit pas « avoir pour effet de modifier les
éléments fondamentaux de l’offre » - formule utilisée par l’article 67 – VII
du code du 1/8/2006.
En second lieu – article 67 – VIII – du code de 2006, après l’attribution, le
candidat peut se voir demander de « clarifier des aspects de son offre ou
de confirmer les engagements figurant dans celle – ci à condition de ne
pas modifier des aspects substantiels de l’offre, de fausser la concurrence
ou d’entraîner des discriminations ».
Ces possibilités existent dans d’autres procédures (appel d’offres ouvert ou
restreint) mais la marge de manœuvre semble plus importante dans le cas
du dialogue compétitif. La vigilance requise est d’autant plus importante.
La jurisprudence exclut la modification de la nature et de l’étendue des
besoins de la personne publique.
Eléments de jurisprudence portant sur la procédure d’appel d’offres sur
performances :
Ministère de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation contre
société Bull, CE 19/3/1997 : en cas d’exigences nouvelles sur un
des objets principaux du marché, nécessité de délais suffisants
pour assurer le respect de l’égalité entre les candidats ;
Société Unisys France, TA Paris 2/9/2003 : les modifications ne
peuvent avoir pour effet de bouleverser les conditions initiales de
la mise en concurrence. C’était le cas de la modification des
exigences techniques dès lors qu’elle portait le montant du
marché de 6 à 14,3 M Francs.
99
Fiche 3.3 : «Les critères de
jugement des offres»
Il convient de distinguer :
les critères de sélection des candidatures qui permettent d’évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats (article 52 du CMP) : cette étape est traitée dans la fiche 3.5 du guide marché ;
les critères d’attribution qui permettent de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse (article 53-1 du CMP) : c’est l’objet de la présente fiche. La méthode de classement des offres (article 53-2 du CMP) est détaillée en fiche 3.8.
En particulier un même critère ne peut servir à la sélection des
candidatures puis au jugement des offres.
Les critères choisis doivent toujours être objectifs, opérationnels et liés à
l’objet du marché. Selon l’article 53-1 du CMP, le pouvoir adjudicateur se
fonde soit sur une pluralité de critères, soit sur un seul critère qui est alors
obligatoirement celui du prix. On prendra garde cependant que, hormis
pour les achats de fournitures ou de services standardisés, le fait de ne
retenir que le seul critère du prix peut être contraire aux dispositions de
l’article 53 du code57.
En procédure adaptée, néanmoins, le pouvoir adjudicateur peut retenir
un critère reposant sur l’expérience des candidats, « lorsque sa prise en
compte est rendue objectivement nécessaire par l’objet du marché et la
nature des prestations à réaliser et n’a pas d’effet discriminatoire »58.
La liste des critères de choix énumérés à l’article 53-1 ne présente pas un
caractère exhaustif. D’autres critères peuvent être pris en compte, mais
leur choix doit se justifier par l’objet du marché ou ses conditions
d’exécution.
Il est en général préférable de retenir plusieurs critères. Le prix en fait
alors généralement partie (sans que cela soit obligatoire). Les coûts
induits (charges d’entretien ou d’exploitation) peuvent aussi constituer un
critère bien que ne constituant pas l’objet du marché. Le coût global
d’utilisation ou la rentabilité peuvent donc figurer parmi les critères de
choix. Enfin, le critère peut ne pas présenter de caractère uniquement
économique. Il peut aussi être environnemental59 ou esthétique60. Il doit
néanmoins être objectif, opérationnel et non discriminatoire.
L’acheteur se doit de ne pas permettre que différentes interprétations
des critères d’attribution du marché puissent être faites. Ainsi, le
caractère assez subjectif de critères tels que « la valeur technique de
l’offre » ou son « caractère esthétique », impose à l’acheteur public de
57
CE, 6 avril 2007, Département de l’Isère, n° 298584. 58
CE, 2 août 2011, Parc naturel régional des Grands Causses, n° 348254. 59
CJCE, 20 septembre 1988, Gebroeders Beentjes, aff. 31/87. 60
CE, 28 avril 2006, Commune de Toulouse, n° 280197. – CE, 5 novembre 2008, Commune
de Saint-Nazaire, n° 310484
100
définir, avec précision, ce qu’il entend par ce critère, en ayant recours à
des sous-critères61. Ces sous-critères doivent alors, également, être
objectifs, opérationnels et non-discriminatoires et liés à l’objet du
marché.
Dans le cas d’une pluralité de critères et de sous-critères, pour les
marchés à procédure formalisée (autre que le concours), le PA précise
leur pondération ou, si cela n’est pas possible62, indique les critères par
ordre décroissant d’importance (cf. fiche 3.8).
Les candidats doivent ensuite être « raisonnablement informés » du
dispositif de sélection des offres. Les critères (et sous-critères le cas
échéant) et leur pondération (ou leur hiérarchisation) sont intégrés dans
l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la
consultation.
Pour les marchés passés selon une procédure adaptée, les principes
fondamentaux de la commande publique impliquent l’information
appropriée des candidats sur les critères d’attribution du marché, ainsi
que, lorsque le prix n’est pas l’unique critère de choix, sur leurs conditions
de mise en œuvre63.
61
Les critères d'attribution doivent être formulés de manière à permettre à tous les
soumissionnaires, raisonnablement informés et normalement diligents, de les interpréter de la même manière : CJCE, 18 octobre 2001, SIAC Construction Ltd c/ County Council of the County of Mayo, aff. C-19/00 (cons. 42 et 44). – CJCE, 24 janvier 2008, Emm. G. Lianakis AE c/ Dimos Alexandroupolis, aff. C-532/06. 62
En raison de la complexité du marché. 63
CE, 30 janvier 2009, ANPE, n° 290236
En procédure formalisée64, comme en procédure adaptée65, le pouvoir
adjudicateur n’est pas tenu de mentionner les méthodes de notation dans
l’avis de publicité ou le règlement de la consultation. Cependant, le choix
de la méthode étant déterminant sur le résultat obtenu, il doit respecter
les principes fondamentaux de la commande publique et pouvoir en
justifier devant le juge. Dans un souci de bonne administration et afin
d’éviter d’éventuelles contestations, il est recommandé d’assurer la plus
grande transparence des méthodes de notation (cf. fiche 3.8).
Après le dépôt des offres des candidats, l’acheteur ne peut pas modifier
les critères de sélection des offres66. Il ne peut pas, non plus, modifier
unilatéralement les offres des candidats. De même, les candidats ne
peuvent pas modifier leurs offres, « sauf dans le cas exceptionnel où il
s’agit de rectifier une erreur purement matérielle, d’une nature telle que
nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat
verrait son offre retenue »67.
Les offres présentées par les candidats sont examinées lot par lot : le
principe d’égalité entre les candidats à un marché public ne s’apprécie
qu’entre les candidats à un même lot68.
64
CE, 23 mai 2011, Commune d’Ajaccio, n° 339406 65
CE, 31 mars 2010, Collectivité territoriale de Corse, n° 334279. 66
CE, 1er avril 2009, Sté des autoroutes du sud de la France, n° 315586. – CE, 27 avril 2011, Président du Sénat, n° 344244. 67
CE, 21 septembre 2011, Département des Hauts-de-Seine, n° 349149. 68
CE, 10 mai 2006, Société Schiocchet, n° 288435
101
1. Risques
Risques ayant des conséquences sur la régularité des achats :
o Risque d’irrégularité de la procédure en cas d’absence de choix de critères de sélection par l’acheteur ;
o Risque d’irrégularité de la procédure en cas de choix du critère unique du « prix » non justifié au regard de l’objet du marché ;
o Risque d’irrégularité en cas de choix de critères jugés trop subjectifs, non précisés par des sous-critères objectifs, opérationnels et non-discriminatoires ;
o Risque d’irrégularité en cas de modification des critères ou de modification de l’offre des candidats.
o Risque contentieux en cas d’absence de transparence du dispositif de sélection pour les candidats (critères et pondération/hiérarchisation).
Risques ayant trait à l’efficacité fonctionnelle et au bon usage des achats :
o Des critères non pertinents peuvent ne pas conduire à la meilleure offre possible.
Risques de nature à impacter l’efficacité économique et la maîtrise des coûts :
o Risque de choix d’une offre n’étant pas la plus avantageuse économiquement compte-tenu d’un choix non adapté des critères de sélection.
2. Réglementation et textes généraux de
référence
Dans le code des marchés publics :
article 53-1 du CMP
I.-Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde :
1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ;
Consulter également :
circulaire du 26 septembre 2014 relative au guide de bonnes
pratiques en matière de marchés publics (point 15.1).
102
3. Le contrôle
L’auditeur s’attachera à vérifier, dans tous les cas, les conditions de forme
et de fond de la définition puis de la mise en œuvre du dispositif de
sélection du représentant du pouvoir adjudicateur.
Les principaux documents à solliciter en la matière sont :
tout document de travail préalable ayant conduit à définir la nature des critères et à justifier leur pertinence ;
l’AAPC ou le règlement de la consultation (ou tout autre document du DCE) précisant quels sont les critères de choix ;
tout document de travail ayant mis en œuvre le dispositif de sélection ;
tous les documents ayant été présentés au décideur pour fonder sa décision et le rapport de présentation du marché (on ne se fondera pas sur le seul rapport de présentation, celui-ci étant souvent peu explicite, voire produit après la décision pour la justifier auprès d’une autorité externe).
Vérifier le respect des conditions de fond ayant
conduit à définir le dispositif de sélection des offres
Des critères et une pondération ou une hiérarchisation de ceux-ci ont-ils été choisis ? Comment ce choix a-t-il été justifié ?
Le choix de ces critères est-il en adéquation avec l’objet du marché ? Les critères économiques permettent-ils d’apprécier un coût global ? Si non, pourquoi des critères permettant d’appréhender le coût global ne sont-ils pas adaptés ?
Les critères et sous-critères retenus sont-ils objectifs, opérationnels et non discriminatoires ? Leur définition est-elle explicite ?
Vérifier le respect des conditions de forme et de
fond ayant permis une information raisonnable des
candidats
Dans quels documents le(s) critère(s) de sélection sont-ils décrits ? Ces documents étaient-ils accessibles aux candidats ? A quel moment ?
L’information délivrée aux candidats sur le(s) critère(s) de sélection est-elle jugée suffisamment précise ? Permettait-elle des marges d’interprétation de la définition de ces critères ?
La définition des critères de sélection a-t-elle fait l’objet de demandes d’informations complémentaires de la part de candidats potentiels ou de la part de candidats non-retenus ? Ces demandes ont-elles mis en lumière une absence de lisibilité ou des incompréhensions potentielles sur les critères de sélection ? La réponse éventuelle de l’acheteur a-t-elle fait l’objet d’une information de l’ensemble des candidats potentiels (cf. fiche 3.2).
Vérifier les conditions d’application des critères de
sélection
Les critères de sélection initialement retenus ont-ils été effectivement appliqués ?
Les critères sont-ils discriminants ? Leur application a-t-elle conduit à des discussions, des questionnements ou à une adaptation de la définition des critères retenus ?
103
4. Signaux d’alerte
Les principaux signaux d’alerte que l’auditeur doit garder à l’esprit sont :
l’absence de critères de sélection explicites ;
le choix du seul critère de prix permettant de sélectionner les offres ;
la subjectivité manifeste des critères ou leur non-adéquation à l’objet du marché ;
des notes identiques pour un ou plusieurs critères posent la question
de la pertinence du ou des critères en question ;
une modification des critères (ou la suppression de l’un ou de
plusieurs d’entre eux) à l’issue de l’ouverture des offres ;
une demande de précision sur la définition des critères avant la
remise des offres émanant d’un candidat potentiel ou émanant, à
l’issue de la procédure de choix d’une offre, d’un candidat non
retenu ;
le rapport de présentation est peu précis et les documents présentés
au décideur de mauvaise qualité.
5. Recommandations possibles
Iinciter l’organisme à mieux définir ses critères de sélection en
procédant à leur élaboration en parallèle de l’élaboration des pièces
du DCE ;
inciter l’organisme à veiller à la qualité des informations fournies aux
candidats ;
inciter l’organisme à procéder à des retours d’expérience à l’issue de
ses différentes procédures de mise en concurrence sur la difficulté
d’application de certains critères de sélection.
104
105
Fiche 3.4 : «L’allotissement»
L’allotissement est le fractionnement d’un marché en plusieurs lots
correspondant à des prestations distinctes. Les lots sont susceptibles de
faire l’objet d’une attribution distincte. Le marché alloti s’oppose au
marché unique ou « à lot unique ».
Le calcul du montant du marché, notamment pour déterminer la
procédure applicable doit se faire en cumulant l’ensemble des lots qui
constituent le marché, à l’exception des cas prévus à l’article 27-III du
CMP.
Depuis 2006 le principe est celui de l’allotissement obligatoire. Il ne s’agit
pas d’une obligation européenne. Ce changement a été fait pour faciliter
l’accès des PME à la commande publique. On rappellera sur ce point que
des dispositions du code de 2006 permettant aux PA de réserver un quota
de marchés aux PME dans les procédures restreintes ont été annulées par
le juge administratif69.
Les offres présentées par les candidats sont examinées lot par lot : le
principe d’égalité entre les candidats à un marché public ne s’apprécie
qu’entre les candidats à un même lot70.
69
CE 9 juillet 2007 Société EGF-BTP et autres 70
CE, 10 mai 2006, Société Schiocchet, n° 288435
1. Risques
On identifie quatre risques principaux :
Utilisation irrégulière des marchés à lot unique en s’appuyant à
tort sur les cas d’exception à l’allotissement prévus à l’article 10
du CMP ;
Montage irrégulier d’un marché pour une opération ayant à la
fois pour objet la construction et l’exploitation ou la maintenance
d’un ouvrage ;
Evaluer incorrecte du montant global du marché et donc utiliser
une procédure non conforme ;
Utilisation irrégulière des possibilités de passation de marchés à
procédure adaptée prévues à l’article 27-III.
2. Articles du code pertinents et autres
textes
Article 10.
Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne
permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir
adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues
par le III de l'article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots,
en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des
prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause
et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les
candidatures et les offres sont examinées lot par lot. Les candidats ne
106
peuvent présenter des offres variables selon le nombre de lots
susceptibles d'être obtenus. Si plusieurs lots sont attribués à un même
titulaire, il est toutefois possible de ne signer avec ce titulaire qu'un seul
marché regroupant tous ces lots.
Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou
sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution
en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la
concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou
financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est
pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de
pilotage et de coordination.
Si le pouvoir adjudicateur recourt à des lots séparés pour une opération
ayant à la fois pour objet la construction et l'exploitation ou la
maintenance d'un ouvrage, les prestations de construction et
d'exploitation ou de maintenance ne peuvent être regroupées dans un
même lot. S'il recourt à un marché global, celui-ci fait obligatoirement
apparaître, de manière séparée, les prix respectifs de la construction et de
l'exploitation ou de la maintenance. La rémunération des prestations
d'exploitation ou de maintenance ne peut en aucun cas contribuer au
paiement de la construction.
Article 27-3
III.-Lorsqu'un achat peut être réalisé par lots séparés, est prise en compte
la valeur globale estimée de la totalité de ces lots.
Les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider de mettre en œuvre soit une
procédure commune de mise en concurrence pour l'ensemble des lots,
soit une procédure de mise en concurrence propre à chaque lot. Quelle
que soit l'option retenue, lorsque la valeur cumulée des lots est égale ou
supérieure aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, la ou
les procédures à mettre en œuvre sont les procédures formalisées
mentionnées au I de cet article.
Toutefois, même si la valeur totale des lots est égale ou supérieure aux
seuils des marchés formalisés, il est possible de recourir à une procédure
adaptée :
1° Pour les lots inférieurs à 80 000 Euros HT dans le cas de marchés de
fournitures et de services ;
2° Pour les lots inférieurs à 1 000 000 Euros HT dans le cas des marchés de
travaux,
à la condition que le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la
valeur de la totalité des lots. Dans le cas où un minimum et un maximum
sont fixés, les 20 % s'appliquent au montant minimum du marché.
Cette dérogation peut également s'appliquer à des lots déclarés
infructueux ou sans suite au terme d'une première procédure ainsi qu'à
des lots dont l'exécution est inachevée après résiliation du marché initial
107
lorsque ces lots satisfont aux conditions fixées par les trois alinéas
précédents.
Cette dérogation ne peut, en revanche, s'appliquer aux accords-cadres et
aux marchés qui ne comportent pas de montant minimum.
3. Etapes du contrôle
De manière générale il sera nécessaire d’une part de vérifier le calcul du montant global du marché et d’autre part d’auditer les raisons du non allotissement ou le contenu de celui-ci.
Vérification de la justification de l’absence
d’allotissement prévue par l’article 10 du CMP
Les trois critères alternatifs sont les suivants :
la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas
particulier, à restreindre la concurrence,
elle risque de rendre techniquement difficile ou
financièrement coûteuse l'exécution des prestations,
le PA n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les
missions d'organisation, de pilotage et de coordination.
L’absence d’allotissement doit être justifiée et elle présente donc
toujours un risque juridique.
La jurisprudence a été confrontée à des cas de macro lots (dans le
cas d’espèce la rénovation d’un collège en deux lots, l’un de
bâtiments tous corps d’Etat et l’autre voirie et réseaux divers
(VRD) espaces verts). Le juge a considéré que le pouvoir
adjudicateur ne justifiait pas que les contraintes liées à la
nécessité d’une parfaite coordination des intervenants étaient
telles que la dévolution en lots séparés aurait rendu difficile
l’exécution du marché. Elle a aussi considéré que le PA ne saurait
se prévaloir pour justifier une dérogation à la règle de ses propres
choix d’organisation (ici les missions de coordination dès lors
qu’elles pouvaient être confiées à un prestataire).
Par contre le recours au marché global reste admis s’il est
justifié71.
L’existence systématique de sous traitants et de cotraitants peut
être un indice d’une entreprise « ombrelle » qui en réalité n’offre
que sa capacité à obtenir le marché pour des raisons
éventuellement critiquables. Une revue analytique des
cotraitants et sous traitants pendant une certaine période peut
être un outil pour documenter ce sujet ; si le système
d’information ne prend pas en compte ces données elle sera
consommatrice de temps.
71
CE 27/10/2011 département des Bouches du Rhône : cas où l’allotissement aurait pu
être de nature à rendre plus couteuse la réalisation des prestations prévues au contrat
108
Vérification du montage régulier d’un marché pour
une opération ayant à la fois pour objet la
construction et l’exploitation ou la maintenance
d’un ouvrage Examiner les documents du marché permet de vérifier que les prestations
de construction et d'exploitation ou de maintenance ne sont pas
regroupées dans un même lot lorsqu’il y a allotissement.
De même pour vérifier, en cas de marché global, que les dépenses liées à
l’investissement sont distinctes de celles liées à la maintenance et
l’exploitation, celui-ci fait obligatoirement apparaître, de manière
séparée, les prix respectifs de la construction et de l'exploitation ou de la
maintenance.
Vérifier que la rémunération des prestations d'exploitation ou de
maintenance ne peut en aucun cas contribuer au paiement de la
construction est plus complexe et suppose de rentrer dans le détail du
coût des prestations avec d’éventuels éléments comparatifs.
Vérification du correct recours aux possibilités de
passation de marchés à procédure adaptée
prévues à l’article 27-III. Alors même que le montant total du marché atteint le seuil de procédure
formalisée, il est possible de recourir à la procédure adaptée prévue par
l’article 28 pour les « petits lots », cette possibilité est soumise aux
conditions suivantes :
lots inférieurs à 80.000 € HT pour les marchés de fournitures
courantes et de service,
lots inférieurs à 1 M€ pour les marchés de travaux.
Dans les deux cas, le montant cumulé de ces lots ne doit pas dépasser
20% de la valeur du marché.
Vérification de la correcte évaluation du montant
global du marché et donc de l’utilisation d’une
procédure conforme
Mentionné pour mémoire cf. fiche 2.3.
109
Fiche 3.5 : «L’examen des
candidatures – les
candidatures irrecevables
ou incomplètes»
L’auditeur pourra se reporter à la fiche 2.6.
Il est rappelé que conformément au principe de la liberté d’accès à la
commande publique tout opérateur économique peut se porter candidat
à l’attribution d’un marché public, à l’exception, toutefois, des opérateurs
économiques placés sous l’effet d’une interdiction de soumissionner
résultant d’une condamnation pénale, de la situation personnelle de
l’entreprise ou de la violation de ses obligations fiscales et sociales (cf.
fiche 2.6). Les candidats à un marché public doivent attester sur l’honneur
qu’ils ne sont pas dans une situation leur interdisant de soumissionner à
l’attribution d’un marché public. A cette fin ils peuvent renseigner le
formulaire DC1 « Lettre de candidature – habilitation du mandataire par
ses cotraitants » qui intègre l’ensemble des déclarations sur l’honneur
demandées. En fournissant ce formulaire, qui n’est pas obligatoire, il est
dispensé de fournir l’ensemble des attestations et certificats officiels à ce
stade de la procédure72.
En procédure formalisée comme en procédure adaptée, l’examen de la
recevabilité des candidatures est obligatoire. De même, l’acheteur doit,
72
Cf. Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics du 26 septembre 2014
dans tous les cas, examiner les candidatures avant les offres. La
suppression de la double enveloppe pour les appels d’offre ouverts
(décret n°2008-1355 du 19 décembre 2008) n’a pas mis fin à l’obligation
pour le pouvoir adjudicateur de distinguer la phase de sélection des
candidatures de la phase de sélection des offres. Désormais, les dossiers
comportent une enveloppe comprenant les documents relatifs à la
candidature et à l’offre (article 57-V).
L’examen des dossiers de candidature doit respecter les principes
rappelés à l'article 1er du code : liberté d'accès à la commande publique,
égalité de traitement des candidats et transparence des procédures.
L’auditeur s’attachera dans l’appréciation du niveau du risque à
distinguer les risques de nature juridique pouvant emporter l’annulation
du marché et les risques susceptibles d’être qualifiés pénalement si les
modifications avantagent un candidat particulier.
1. Risques
En procédure ouverte comme en procédure restreinte, les
capacités professionnelles et techniques ainsi que les capacités
financières demandées au candidat ne sont ni pertinentes, ni
proportionnées à l’objet du marché.
L’auditeur doit examiner les critères qui fondent l’analyse des
candidatures et s’assurer de leur caractère non discriminant. Des
critères non proportionnés à l’objet ou non pertinents peuvent
avoir pour objet d’écarter certaines candidatures et cacher un
délit de favoritisme.
110
La possibilité offerte au pouvoir adjudicateur de demander à un
candidat de compléter son dossier est mise en œuvre de telle
sorte qu’elle a pour effet d’avantager un candidat.
En procédure ouverte les critères d’élimination des candidatures
ne sont pas conformes aux critères fixés dans l’avis d’appel
public à candidature.
Ce risque peut revêtir plusieurs formes :
o L’acheteur a fixé des critères minimaux de capacité dans
l’AAPC et ne les respecte pas.
o L’acheteur n’a pas fixé de critères mais il élimine des
candidats qui ont manifestement les capacités suffisantes
pour exécuter le marché.
o L’acheteur n’élimine pas des candidats qui n’ont pas fourni les
pièces exigées dans le règlement de la consultation.
En procédure restreinte, la sélection des candidats s’effectue sur
la base de critères non mentionnés dans l’avis d’appel public à
candidature.
2. Articles du code pertinents
Articles 44 à 47 : présentation des documents fournis par les
candidats ;
Article 52 : sélection des candidatures.
3. Etapes du contrôle
Vérification de la nature pertinente et
proportionnée à l’objet du marché des capacités
techniques et professionnelles ainsi que des
capacités financières demandées aux candidats
Définir des exigences sans rapport avec l’objet du marché ou
disproportionnées avec cet objet a pour conséquence la mise à l’écart de
candidats potentiels et donc un possible délit de favoritisme.
Il ne peut être exigé des candidats que les pièces mentionnées par
l’arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des
documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés
passés par les pouvoirs adjudicateurs. La vérification des capacités
professionnelles, techniques et financières des candidats
s’effectue au vu des documents ou renseignements demandés, à
cet effet, dans les avis d’appel public à la concurrence ou, en
l’absence d’un tel avis, dans le règlement de consultation73. Ainsi
on ne peut demander une note présentant la composition de
l’équipe dédiée au projet ainsi que l’organisation mise en place74.
Par contre le pouvoir adjudicateur peut demander aux candidats
l’utilisation de l’imprimé DC275.
73
CE, 29 avril 2011, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, n° 344617 74
CE 11/4/2014 Ministre de la Défense n°375245 75
CE 21/2/2014 Société AD3 et les lavandières N°373096
111
Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des
renseignements objectivement nécessaires à l’objet du marché et
à la nature des prestations à réaliser, permettant d’évaluer leurs
expériences, leurs capacités professionnelles, techniques et
financières, ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des
personnes habilitées à les engager. Dans une affaire opposant la
commune de Savigny sur Orge et la société Europe Service Voiries,
le Conseil d’Etat a jugé que l’exigence de moyens matériels (une
balayeuse aspiratrice de 5m3 à temps complet, une mini-
balayeuse aspiratrice, une laveuse 5 000 litres, un véhicule léger
utilitaire au prorata temporis et deux souffleurs à dos) et de
moyens humains (six agents techniques, administratifs, et
d’encadrement) est compatible avec l’objet du marché destiné à
assurer le balayage et le lavage de l'ensemble des caniveaux et
trottoirs de la ville76.
L’auditeur doit s’assurer que le pouvoir adjudicateur se donne les
moyens d’évaluer les capacités des candidats sur chacun des trois
volets : le volet professionnel, le volet technique et le volet
financier. La faculté offerte au pouvoir adjudicateur de choisir les
documents ou renseignements permettant d’évaluer les capacités
professionnelles, techniques et financières des candidats ne peut
pas conduire à ne demander aucun document ou renseignement
pour l’une ou l’autre des trois capacités. Dans une affaire opposant
le Garde des Sceaux et l’Institut Génétique Nantes Atlantique, le
Conseil d’Etat a jugé que la possession d’un agrément ayant pour
objet de garantir que les sociétés qui en sont titulaires disposent
des compétences professionnelles requises pour procéder à des
76
CE, 6 mars 2009, commune de Savigny-sur-Orge, n° 315138
identifications par empreintes génétiques dans le cadre d’une
procédure judiciaire ne suffit pas pour s’assurer des capacités
techniques et financières des candidats à un marché public.
L’acheteur public aurait donc dû demander aux candidats de
produire des renseignements ou documents attestant des moyens
humains, matériels et financiers dont ils disposaient et justifiant de
leur expérience dans le domaine des prestations du marché77.
La décision du pouvoir adjudicateur doit reposer sur des faits dont
l'exactitude matérielle ressort uniquement des pièces du dossier. Il
n'est ainsi pas possible de fonder l'éviction d'une société sur la
base de bruits ou de rumeurs laissant présager une restructuration
prochaine d'une société. Un motif d’éviction reposant sur des faits
dont l'exactitude matérielle ne ressort pas des pièces du
dossier ne permet pas d’établir l’insuffisance des capacités du
candidat78.
Enfin si l’article 45 prévoit que faute de pouvoir fournir les
documents demandés, le candidat est libre de la preuve, celle-ci
doit être consistante. Ainsi la simple description de travaux ne
permet pas de compenser l’absence d’une qualification Qualibat
dès lors qu’elle n’est pas assortie de preuves permettant
d’apprécier la qualité des travaux79.
77
CE, 29 avril 2011, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, n° 344617 78
CE, 20 avril 1993, Syndicat départemental d'électricité de la Drôme, req. n° 81843 79
TA Marseille 21/2/2014 société 4D
112
Vérification du respect du principe d’égalité de
traitement des candidats quand la possibilité de
compléter leur dossier leur est donnée
Avant l’examen des candidatures, en procédure formalisée comme en
procédure adaptée, les acheteurs peuvent demander aux candidats de
compléter le contenu de leur dossier, en cas d’oubli ou de production
incomplète d’une pièce afférente à leur candidature (capacités
techniques, professionnelles et financières) et à leur capacité juridique
(article 52 du code). Le pouvoir adjudicateur n’a pas obligation de
demander aux candidats les pièces manquantes. S’il ne demande pas de
régularisation, les candidats dont le dossier n’est pas complet ne sont pas
admis à présenter une offre.
Si l’acheteur propose à un candidat, en cas de pièces absentes ou
incomplètes, de compléter son dossier pour ce qui concerne sa
candidature, il en informe les autres candidats qui se voient ouvrir une
même possibilité de complément dans un même délai qui ne peut
excéder 10 jours. Cette faculté favorise la concurrence en permettant plus
de candidatures.
L’auditeur s’attachera à vérifier que cette possibilité de compléter son
dossier de candidature a été offerte à tous les candidats et que le délai a
bien été respecté.
Cette possibilité de compléter le dossier de candidature ne peut pas être
mise à profit pour compléter l’offre. Le Conseil d’Etat a jugé, dans une
affaire opposant la région de la Réunion et la société FMC Antilles que la
région de la Réunion a rejeté bon escient l’offre présentée par la société
FMC Antilles en raison de son caractère incomplet, et donc irrégulier, du
fait de « l'absence du mémoire technique nécessaire au jugement de la
valeur technique de l'offre ". En conséquence, en éliminant l’offre de FMC
Antilles au stade du jugement des offres, la région de la Réunion a bien
respecté le principe d'égalité de traitement des candidats. En effet c’est à
juste titre que la région de la Réunion ne l’avait pas invitée à compléter
son dossier avant l'examen des candidatures dès lors que ce dernier était
bien complet, ainsi qu'elle l'avait fait à l'égard d'un autre candidat80.
Procédure ouverte : vérification du respect des
critères définis dans l’avis d’appel public à
candidature NB : La procédure est distincte selon le type d’appel d’offre ouvert ou
restreint (AOO ou AOR) :
AOO : il s’agit d’éliminer les candidatures dont les capacités sont
jugées insuffisantes,
AOR : l’acheteur ne retient, après classement, que les meilleurs
candidats parmi ceux qui ont les niveaux de capacités requis, le
nombre de candidats admis à présenter une offre étant limité.
L’acheteur a fixé des critères minimaux de capacité dans l’AAPC.
Les risques sont de deux ordres :
o L’acheteur ne respecte pas ces critères dans son examen
des candidatures.
80
CE, 4 mars 2011, région Réunion, n° 344197
113
o Ces critères minimaux ne sont pas liés à l’objet du marché
ou ne sont pas proportionnés à cet objet.
Il est rappelé que le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de
préciser dans les avis d'appel public à la concurrence des niveaux
minimaux de capacités professionnelles, techniques et financières
exigés des candidats81.
L’acheteur n’a pas fixé de critères mais il élimine des candidats
qui ont manifestement les capacités suffisantes pour exécuter le
marché.
L’acheteur public ne peut éliminer que les candidats ne disposant
manifestement pas des capacités suffisantes pour exécuter le
marché, c’est-à-dire ceux dont les capacités sont, à l’évidence,
insuffisantes pour assurer l’exécution des prestations faisant l’objet
du marché (ex : capacités financières du candidat).
L’acheteur public ne peut pas refuser la candidature d’un ancien
titulaire défaillant en se fondant exclusivement sur l’insatisfaction
rencontrée au cours de l’exécution d’un précédent marché82. En
l’espèce le pouvoir adjudicateur retournait l’enveloppe non ouverte
à une société avec qui il avait résilié des marchés pour faute ; il lui a
été reproché de ne pas avoir recherché d’autres éléments du dossier
avant de rejeter la candidature.
81
CE, 8 août 2008, région Bourgogne, n° 307143 82
CAA Versailles, 10 octobre 2013 Société générale de travaux européens
L’acheteur n’élimine pas des candidats qui n’ont pas fourni les
pièces exigées dans le règlement de la consultation.
Sauf à demander un complément comme l’autorise l’article 52, le
pouvoir adjudicateur doit rejeter les dossiers incomplets.
A noter, le cas particulier des entreprises nouvellement créées qui
ne sont pas en capacité de produire les éléments demandés : le
pouvoir adjudicateur, s’il souhaite faciliter l’accès au marché
d’entreprises de création récente, doit autoriser les entreprises
candidates, qui ne sont pas en mesure de produire les références
demandées, à justifier de leurs capacités financières et
professionnelles par d'autres moyens.
Le Conseil d’Etat a jugé que la communauté urbaine Marseille-
Provence-Métropole, en retenant une entreprise qui ne pouvait pas
produire son chiffre d'affaires global réalisé au cours des trois
derniers exercices, contrairement aux exigences prévues dans le
règlement de consultation, a méconnu les obligations de mise en
concurrence.
En effet, la communauté urbaine n'a pas prévu, ainsi qu'il lui était
loisible de le faire, que les entreprises candidates pouvaient justifier
de leurs capacités financières et professionnelles par d'autres
moyens83).
83
CE, 10 mai 2006, société Bronzo, n° 281976
114
Procédure restreinte : vérification du respect des
critères de sélection définis dans l’avis d’appel
public à candidature L’acheteur a limité le nombre de candidats admis à présenter une offre.
Dans ce cas l’examen des candidatures s’effectue en deux temps :
élimination des candidatures qui ne présentent pas les capacités
professionnelles, techniques et financières suffisantes ou qui
n’atteignent pas les niveaux minimaux de capacité fixés,
puis sélection des candidatures au regard des critères de sélection
publiés dans l’avis d’appel public à la concurrence.
Comme pour les procédures ouvertes, l’auditeur s’attachera à vérifier
que :
Les critères de sélection sont proportionnés à l’objet du marché
et non discriminatoires
l’acheteur respecte les critères définis dans l’AAPC.
115
Fiche 3.6 : «Négociation»
Nb. Cette fiche traite exclusivement des modalités et du contenu de la
négociation, et non des hypothèses de procédures négociées prévues par
le Code des marchés publics (article 35)..
A la différence de la phase de consultation désormais largement
encadrée, la phase de négociation se caractérise par la liberté dont
dispose l’acheteur pour conduire la négociation selon les modalités qu’il
détermine. Le Code de 2006, tout en venant davantage encadrer cette
procédure, préserve une certaine souplesse dans le choix des modalités
de discussion avec les candidats. Ces modalités mais aussi le caractère
dérogatoire de la négociation qui conduit à un plus faible volume de
marchés –expliquent un contentieux limité sur ce sujet.
1. Risques
La négociation de par son objet remet en cause les conditions
initiales de mise en concurrence.
A l’issue de la négociation, on constate que l’accord s’éloigne des
conditions posées par l’avis d’appel public à concurrence initial. De ce
fait, la négociation porte atteinte au principe d’égalité de traitement
entre les candidats, dans la mesure où certains fournisseurs, qui n’ont
pas soumissionné, l’auraient peut-être fait si les conditions finales
avaient été posées initialement.
Les modalités de négociation ne garantissent pas le respect du
principe d’égalité de traitement.
L’égalité de traitement entre les soumissionnaires n’est pas assurée,
les règles de négociation étant susceptibles d’avantager certains
candidats par rapport à d’autres :
o soit que les candidats ne se voient pas tous appliquer les mêmes
règles : Exemple : les délais de remise de nouvelles offres ne sont
pas les mêmes pour tous les soumissionnaires ;
o soit que les règles appliquées soient discriminatoires:
l’organisation des négociations conduit dans les faits à privilégier
un candidat par rapport aux autres ;
o soit que cette application ne soit pas faite de manière identique.
L’exigence de transparence n’est pas satisfaite.
Deux cas de figure peuvent être envisagés :
o l’information des candidats quant à l’organisation de la
négociation (forme, durée, conditions) n’est pas équivalente ;
o les informations diffusées en cours de négociation sont
discriminatoires au sens où elles aboutissent à avantager
certains candidats par rapport aux autres.
116
La négociation n’est pas traçable
Le pouvoir adjudicateur se trouve dans l’incapacité de démontrer aux
autorités de contrôle (qu’elles soient ou non juridictionnelles) qu’il a
effectivement respecté les principes d’égalité et de transparence.
2. Articles du code pertinents
Article 66-V : description de la phase de négociation, limitations posées au
regard des principes d’égalité de traitement et de transparence.
Article 35-V : limites posées à l’objet de la négociation.
Article 65-V : principe de confidentialité des offres.
3. Etapes de l’audit
Vérification du respect des conditions initiales de
concurrence
L’auditeur veillera notamment à vérifier :
que la négociation ne porte pas sur l’objet du marché,
que la négociation ne modifie pas substantiellement les
caractéristiques et les conditions d’exécution du marché telles
qu’elles sont définies dans les documents de consultation. Les
négociations ne doivent pas avoir pour effet d’aboutir à
l’élaboration d’un projet intégralement différent du document
initial. Il s’agit donc de déterminer l’importance des modifications
susceptibles d’être apportées au document initial.
Exemple : les modifications portent sur des éléments du contrat qui
constituent les deux premiers critères d’appréciation des offres tels que
définis par le règlement de consultation du marché84.
Sur ce sujet, l’auditeur se réfèrera à la jurisprudence sur les négociations
de délégations de service public, plus abondantes, qui peuvent - à
quelques exceptions près - éclairer la négociation dans les marchés
publics.
Il s’agit d’une évaluation au cas par cas. Dans certains cas de figure,
l’égalité entre les concurrents est par exemple entendue comme une
égalité entre les candidats (dans le seul cadre de la négociation). La
négociation ne peut conduire à modifier les éléments de la concurrence,
sauf à ce que l’administration invite tous les candidats avec lesquels elle
négocie à adapter leurs propositions à ces modifications85.
En dehors de ces cas de figure, le champ de la négociation apparaît
extrêmement ouvert : conditions financières, conditions techniques,
délais, garanties de correcte exécution du marché, etc. La discussion peut
porter sur tout objet jugé utile par l’administration pour retenir l’offre
économiquement la plus avantageuse.
84
CAA Nancy 8 juin 2009, Commune de Reims. 85
Instruction pour l’application du Code de 2001
117
Vérification du respect du principe d’égalité de
traitement L’auditeur vérifiera successivement que les règles s’appliquent de
manière équivalente, qu’elles ne comportent pas dans leur application de
caractère discriminatoire, et enfin que l’application faite de ces règles est
la même d’un candidat à l’autre. L’auditeur sera attentif aux éventuelles
modifications apportées au cahier des charges : dans ce cas en effet,
l’acheteur doit proposer à l’ensemble des candidats de remettre une
nouvelle offre sur la base des nouvelles dispositions.
Vérification du respect du principe de transparence L’auditeur s’assurera de l’absence d’attitude discriminatoire des
informations transmises et de l’égal accès à l’information de l’ensemble
des candidats. Cette transparence doit être appréciée à la fois au regard
des candidats, mais également des autorités de contrôle.
Il est à noter que le respect du principe de transparence doit être
combiné avec une certaine confidentialité. Le pouvoir adjudicateur ne
peut ainsi révéler aux autres candidats des solutions ou des informations
confidentielles communiquées dans le cadre de la négociation sans avoir
préalablement obtenu l’accord de celui-ci. Ces dispositions concernent
par exemple les secrets techniques et commerciaux, ou les informations
confidentielles au sens où elles pourraient aider les participants à porter
leurs soumissions aux niveaux d’autres participants. Pour cette raison, les
offres faites par les candidats ne peuvent être diffusées aux autres
candidats sans leur accord.
Examen des modalités de négociation
Les modalités de négociation apparaissent très peu encadrées tant par le
Code des marchés publics que par la jurisprudence : possibilité de prévoir
ou non des phases à la négociation (au terme desquelles les candidats
peuvent être éliminés), choix de la personne en charge de la conduite de
la négociation, choix de la durée des négociations,….
En revanche, l’auditeur pourra vérifier que le pouvoir adjudicateur a
effectivement mené la négociation jusqu’à son terme avec l’ensemble des
candidats admis à négocier. S’il n’a pas eu recours à plusieurs phases, il
doit ainsi négocier avec tous les candidats jusqu’à l’issue des négociations.
Examiner le résultat de la négociation
L’auditeur devra enfin conduire une comparaison entre l’ « avant » et
l’ « après » négociation, destinée à s’assurer de l’existence d’une « plus-
value » pour l’acheteur public. On peut par exemple rencontrer des cas où
la négociation conduit à une augmentation du prix par rapport à l’offre
initiale qui, si elle ne suffit pas à poser un diagnostic, devra être
sérieusement justifiée.
118
119
Fiche 3.7 : «Le traitement
des offres irrégulières,
inacceptables,
inappropriées»
Le code des marchés publics prévoit à l’article 35 :
« Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une
réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne
respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à
la concurrence ou dans les documents de la consultation. »
« Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues
pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si
les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du
besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de
la financer ».
« Est inappropriée une offre qui apporte une réponse sans
rapport avec le besoin du pouvoir adjudicateur et qui peut en
conséquence être assimilée à une absence d'offre ».
L’auditeur peut organiser ses travaux selon deux angles d’approche
propres à vérifier que le principe d’égalité de traitement des candidats est
effectivement respecté :
S’assurer que les offres déclarées irrégulières, inacceptables ou
inappropriées l’ont été pour des raisons avérées,
Vérifier que le traitement réservé par l’acheteur à ces offres est
conforme au code des marchés publics.
A noter : la présente fiche ne traite pas de la procédure de déclaration
d’infructuosité qui fait l’objet de la fiche 3.10.
1. Risques
Les risques peuvent porter sur la qualification de l’offre irrégulière,
inacceptable ou inappropriée :
L’offre est qualifiée d’irrégulière, inacceptable ou inappropriée à
mauvais escient en contradiction avec l’obligation d’égalité de
traitement des candidats ou de mise en concurrence.
Les risques peuvent porter sur les conditions du rejet de ces offres :
Le pouvoir adjudicateur rejette une offre irrégulière sur des
points de forme qu’il pourrait choisir de ne pas rejeter.
Les risques peuvent porter sur le non respect du caractère intangible de
l’offre :
Le pouvoir adjudicateur complète lui-même, à tort, une offre
incomplète et donc irrégulière.
120
En réponse à une demande de complément ou de précision du
pouvoir adjudicateur, le candidat modifie la teneur de son offre.
Les risques peuvent porter sur les modalités de mise en œuvre d’une
procédure négociée suite à la remise d’offres irrégulières, inacceptables
ou inappropriées :
La possibilité offerte au pouvoir adjudicateur de négocier avec
un candidat ayant remis une offre irrégulière, inacceptable ou
inappropriée n’est pas correctement mise en œuvre.
2. Articles du code pertinents et autres
textes
Article 35 I 1 et 35 II 3 : rappel des situations dans lesquels le
pouvoir adjudicateur peut passer un marché négocié. Définition
d’une offre irrégulière, inacceptable et inappropriée.
Article 53 : élimination des offres irrégulières, inacceptables ou
inappropriées.
Article 66 : élimination d’une offre inappropriée lors d’une
procédure négociée.
Fiche DAJ : « Déclaration d’infructuosité »
Guide DAJ : Le guide des bonnes pratiques en matière de marchés
publics (septembre 2014)
3. Etapes du contrôle
L’article 53 du code des marchés publics prévoit que « les offres
inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres
offres sont classées par ordre décroissant. » Cette disposition s’applique
de manière obligatoire, sauf cas particuliers examinés ci-après (marchés à
procédure adaptée et de cas prévus par les articles 35-1,1° et 35-II 3°- cf.
infra).
Par ailleurs même si le pouvoir adjudicateur a classé une offre de cette
nature il conserve la possibilité de l’éliminer in fine86.
Vérification du caractère adéquat de la
qualification de l’offre comme irrégulière,
inacceptable ou inappropriée
Est irrégulière une offre incomplète ou qui ne respecte pas les
exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence
ou dans les documents de la consultation.
Répondent à cette définition notamment :
les offres remises hors délai,
les offres qui, tout en respectant l’objet du marché, ne répondent
pas complètement à la définition des besoins quantitativement
ou qualitativement. Dans le cadre d’un marché ayant pour objet
86
Conseil d’Etat, 29 mai 2013, n° 366456, CU Marseille Provence Métropole / Comatis
121
le service hivernal de salage et de déneigement des routes
départementales, le CCTP imposait aux candidats de préciser les
caractéristiques du véhicule de salage et de déneigement dont ils
disposeraient pour l’exécution du marché. Le juge a considéré
que la fourniture d’un simple devis signé obtenu auprès d'un
garage et revêtu de la mention lu et approuvé ne permettait pas
d’assurer que l’entreprise avait entrepris des démarches
suffisantes en vue de disposer effectivement du véhicule adéquat
pour le commencement de l'exécution du marché. A défaut pour
cette entreprise d'avoir fourni une telle justification, l’acheteur a
eu raison de considérer son offre comme incomplète et donc
irrégulière87;
les offres qui ne répondent pas aux exigences posées par le
règlement de la consultation. L’appel d’offre lancé par la
commune de Chatel en vue de l’exploitation de navettes
saisonnières prévoyait dans son règlement de la consultation que
les candidats devaient présenter séparément de la solution de
base une option chiffrée concernant la mise en place d’un
comptage par infrarouge à la montée de voyageurs. Faute d’avoir
prévu une présentation séparée, l’offre du candidat a été jugée
irrégulière88.
les offres anormalement basses, notamment lorsqu’elles
contreviennent à la législation sur le dumping au sens de l’article
L. 420-5 du code du commerce et ne remplissent pas les
87
CE, 12 janvier 2011, département du Doubs, n° 343324 88
Conseil d’État, 23 juin 2010, no 336910, Commune de CHATEL
conditions énoncées par l’article 55 du code des marchés publics
(cf. fiche 3.9) ;
les offres non régulièrement établies (offre non signée si le
dossier de consultation en a fait une obligation, offre (papier ou
électronique) non signée alors qu'il s'agit d'une procédure
formalisée, offre déposée ailleurs qu’au lieu prévu dans le
règlement de la consultation ailleurs qu’à l’endroit précisé dans
le règlement de la consultation, offre contenue dans une
enveloppe portant une mention interdite par le règlement de la
consultation, etc.).
Une offre inacceptable répond aux besoins du pouvoir
adjudicateur mais elle est qualifiée d’inacceptable pour deux
raisons fixées par le code des marchés publics :
o les conditions qui sont prévues pour son exécution
méconnaissent la législation en vigueur. Par exemple, une
offre ne prévoyant pas que des bâtiments d’habitation
collectifs et leurs abords soient construits et aménagés de
façon à être accessibles aux personnes handicapées en
application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour
l’égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées et de son décret
d’application n° 2006-555 du 17 mai 2006 doit être jugée
inacceptable.
o les crédits budgétaires alloués au marché ne permettent pas
au pouvoir adjudicateur de financer l’offre.
122
Toutefois, l’offre ne peut être qualifiée d’inacceptable que si le
pouvoir adjudicateur prouve qu’il n’a pas les moyens de la financer.
Dès lors que son budget lui permet d’accepter l’offre, celle-ci ne
peut pas être rejetée comme inacceptable, même si son prix est
largement supérieur au montant estimé du marché. Ainsi l’offre
d’une entreprise ne peut être rejetée sans classement au motif
qu'elle était supérieure de 25 % à l'estimation de l’acheteur et par
suite, " économiquement inacceptable ", dès lors que l’acheteur n’a
pas prouvé qu’il lui était impossible de la financer. En conséquence,
le juge a estimé que l’acheteur a manqué à ses obligations de mise
en concurrence en s'abstenant de la comparer aux autres en la
classant89.
Est inappropriée une offre qui apporte une réponse sans
rapport avec le besoin du pouvoir adjudicateur et qui peut en
conséquence être assimilée à une absence d'offre.
Répondent à cette définition notamment les offres pour lesquelles
le candidat a pris l’initiative de modifier les documents de la
consultation pour remettre une offre ne correspondant pas à ce qui
est demandé par l’acheteur public. Ainsi l’offre déposée par une
entreprise qui a apporté des modifications au métrage de la surface
à recouvrir de faïence (surface recalculée à hauteur de 31,80 m2 au
lieu de 318 m2) a été déclarée irrecevable par la commission
d'appels d'offres, analyse validée par le juge90.
89
CE, 24 juin 2011, Office public de l’habitat interdépartemental de l’Essonne, du Val
d’Oise et des Yvelines, n° 346665 90
CAA Nancy, 11 mai 2006, Société Ronzat, n° 04NC00519
Vérification de l’utilisation appropriée de ses marges
de manœuvre par l’acheteur Les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées sont en principe
rejetées sans être classées. L’acheteur dispose toutefois de marges de
manœuvre dans certains cas dont il convient de vérifier l’utilisation.
Le pouvoir adjudicateur rejette une offre irrégulière sur des
points de forme qu’il pourrait choisir de ne pas rejeter
Une offre non conforme aux prescriptions du règlement de
consultation ne mérite pas un rejet systématique. En effet, le
pouvoir adjudicateur peut « s’affranchir des exigences de ce
règlement si le document omis par le candidat ne présente pas
d’utilité pour l’appréciation des offres », notamment en raison de
son caractère public91. Le défaut de production de documents qui ne
sont pas exploités dans le cadre du jugement des offres et dont
l’absence ne s’oppose pas à l’analyse du mérite de celles-ci ne peut
conduire à qualifier l’offre d’incomplète. Il s’agit notamment des
documents que les candidats n’ont pas d’autre choix que d’accepter,
tels que les cahiers des clauses techniques particulières (CCTP) et les
cahiers des clauses administratives particulières (CCAP)92.
La possibilité offerte au pouvoir adjudicateur de négocier avec
un candidat ayant remis une offre irrégulière, inacceptable ou
inappropriée n’est pas correctement mise en œuvre
Dans le cadre d’une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur
n’est pas obligé d’appliquer les dispositions de l’article 53 et peut, 91
CE, 22 décembre 2008, « Ville de Marseille », req. n° 314244 92
Le Moniteur (Article Le Moniteur.fr : la fin du rejet systématique des offres irrégulières).
123
dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les
candidats, négocier avec les candidats ayant remis des offres
inappropriées, irrégulières ou inacceptables et ne pas les éliminer
d’emblée93. Toutefois cette possibilité offerte au pouvoir
adjudicateur n’est pas une obligation : il est libre de refuser de
négocier avec un candidat ayant remis une offre irrégulière.
Dans le cadre d’une procédure formalisée, deux cas de figure peuvent se
rencontrer :
conformément à l’article 35, I, 1°, un marché peut être négocié,
après publicité préalable et mise en concurrence, si seules des
offres irrégulière ou inacceptables ont été proposées au pouvoir
adjudicateur. Seules des offres irrégulières ou inacceptables
peuvent devenir régulières ou acceptable après négociation.
Contrairement à la procédure adaptée, les offres inappropriées
ne peuvent faire l’objet d’une négociation (article 66 du CMP).
conformément à l’article 35, II, 3° un marché peut être négocié,
sans publicité préalable et sans mise en concurrence, si
« aucune candidature ou aucune offre n'a été déposée ou pour
lesquels seules des offres inappropriées ont été déposées, pour
autant que les conditions initiales du marché ne soient pas
substantiellement modifiées et qu'un rapport soit communiqué,
à sa demande, à la Commission européenne ».
Vérification de l’inexistence de comportements
irréguliers
93
Conseil d’État, 30 novembre 2011, no 353121, Ministre de la défense et des anciens
combattants c/ EURL Qualitech
Le pouvoir adjudicateur complète lui-même, à tort, une offre
incomplète et donc irrégulière
Le pouvoir adjudicateur ne peut de lui-même rectifier ou modifier une
offre incomplète. A titre d’exemple, le pouvoir adjudicateur ne peut
renseigner de lui-même les prix devant figurer au bordereau de prix
unitaire, transmis incomplet par l’entreprise, sur la base d’un autre
document figurant dans l’offre de l’entreprise et duquel pouvaient se
déduire les prix attendus94.
En réponse à une demande de complément ou de précision du
pouvoir adjudicateur, le candidat modifie la teneur de son offre
Ainsi, dans cette même décision « département de l’Hérault » du
25 mars 2013, le Conseil d’Etat rappelle que le pouvoir adjudicateur,
sans y être tenu, peut toutefois « demander à un candidat des
précisions sur son offre si celle-ci lui paraît ambiguë ou incertaine, ou
l’inviter à rectifier ou à compléter cette offre sans que le candidat
puisse alors en modifier la teneur ». Si l’offre initiale peut être
précisée, complétée voire corrigée, elle ne saurait être remise en
cause et évoluer vers une offre nouvelle. Cette interdiction de
modifier le contenu essentiel de l’offre suppose que le candidat ait au
moins formellement produit le document ou l’un des documents dans
lequel son offre est établie.95
94
CE, 25 mars 2013, département de l’Hérault, req. n°364824 95
Le Moniteur : même référence
124
125
Fiche 3.8 : «Pondération des
critères - Méthode de
notation - Classement des
offres»
Nb. Cette fiche ne traite que de la pondération des critères et des
méthodes de notation des offres. Les points d’audits relatifs aux critères
de choix des offres (appréciation de la régularité des critères et de la
transparence dont ils font l’objet) sont traités à la fiche 3.3.
1. Risques
Plusieurs degrés d’atteinte au principe de libre concurrence peuvent être
décelés :
Les critères ne sont pas pondérés ou à défaut
classés par importance Lorsqu’il est fait appel à plusieurs critères, ils doivent être pondérés sauf
si le pouvoir adjudicateur peut démontrer que cela n’est pas possible
notamment du fait de la complexité du marché. A défaut, les critères
doivent être classés par ordre décroissant d’importance.
La pondération employée n’est pas transparente Une pondération est effectivement utilisée lors de l’examen des offres,
mais elle n’a pas été communiquée aux candidats, ni dans l’avis d’appel
public à la concurrence, ni dans les documents de consultation. La
transparence sur les modalités de choix apparaît dans ces conditions
insuffisante - l’indication des seuls critères, à défaut d’information sur leur
pondération, n’ayant que peu d’intérêt pour le soumissionnaire.
De manière convergente, l’utilisation de sous-critères (par exemple pour
apprécier le critère de « la valeur technique de l’offre») dont la
pondération n’est pas portée à la connaissance des candidats est
sanctionnée par le juge, « dès lors que, eu égard à leur nature et
l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles
d’exercer une influence sur la présentation des offres par le candidat et
doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères »96.
Cas d’espèce97: l’acheteur a fixé pour le critère de la valeur technique,
retenu pour 70 %, les sous-critères pondérés de la façon suivante : 10,5
pour la description des moyens humains affectés au chantier, 10 pour la
description des moyens matériels, 7 pour la liste des principales
fournitures, 28 pour la description de la méthodologie adaptée au
contexte local, 7 pour la description des mesures d'hygiène et de sécurité,
3,5 pour le coût d'exploitation de la station d'épuration et 3,5 pour le
planning de réalisation. Compte tenu de la nature des sous-critères mis en
œuvre et de l'importance de leur pondération, le seul sous-critère du
96
CAA Versailles, 30 juin 2011, STEM Propreté. A noter que le juge français sanctionne
systématiquement l’utilisation de sous-critères qui n’auraient pas été portés à la connaissance du soumissionnaire. TA Marseille 26 juillet 2006, Société et FDM développement. 97
CE, 18 juin 2010, commune de Saint-Pal-de-Mons
126
critère de la méthodologie et adaptation au contexte local étant pondéré
pour 28%, l’acheteur devait porter les sous critères et leur pondération à
la connaissance des candidats et a méconnu les règles de publicité et de
mise en concurrence en ne le faisant pas.
La pondération annoncée n’est pas respectée La pondération telle qu’elle a été annoncée aux candidats au stade de la
consultation n’est pas respectée au stade de la notation des offres.
La pondération utilisée laisse à l’acheteur public une
liberté inconditionnée de choix La méthode de pondération employée donne au pouvoir adjudicateur une
complète latitude dans la possibilité de faire prévaloir une offre sur une
autre :
soit qu’un critère imprécis et subjectif (ex : les qualités
esthétiques) bénéficie d’un coefficient de pondération
particulièrement important (par exemple, 50% avec deux
autres critères à 20 et 30% dès lors que la collectivité ne
fournit aucune indication quant à ses attentes en la matière98.
soit qu’un critère s’avère de facto non discriminant (par
exemple en raison de son imprécision, il sera
systématiquement neutralisé par l’attribution de la même
note à l’ensemble des candidats) ;
98
CE 28 avril 2006, Ville de Toulouse
Ces pratiques apparaissent susceptibles de porter atteinte à la
prévisibilité indispensable au bon fonctionnement des mécanismes du
marché.
La méthode de notation employée a pour effet de
fausser les critères communiqués aux candidats Le classement des offres ne se fait pas conformément aux critères
annoncés, soit que ceux-ci ne soient pas du tout utilisés, soit qu’ils ne
soient pas utilisés correctement, soit qu’ils ne soient pas utilisés de
manière objective (cf. infra).
2. Articles du code pertinents
Article 53-2 du CMP : règle générale de pondération des critères et
obligation de communiquer cette pondération.
Article 53-3 du CMP : principe de classement des offres par ordre
décroissant. Ce classement doit permettre de déboucher sur l’offre
économiquement la plus avantageuse.
127
3. Etapes de l’audit
Vérification de l’impossibilité de pondérer en cas de
simple hiérarchisation des critères Afin de promouvoir le principe d’égalité de traitement entre les
entreprises, les directives communautaires et la jurisprudence ont posé le
principe de la pondération99 des critères de choix pour les marchés passés
selon une procédure formalisée. Le poids de chaque critère peut être
exprimé par une fourchette dont l'écart maximal est approprié.
Ce n’est que lorsque la pondération n’est pas possible pour des raisons
démontrables que peut simplement être indiqué l’ordre décroissant
d’importance des critères.
Le Code des marchés publics précise que le pouvoir adjudicateur qui
estime pouvoir démontrer que la pondération n’est pas possible,
notamment du fait de la complexité du marché indique des critères par
ordre décroissant d’importance. La jurisprudence apparaît relativement
stricte quant à la nécessité de démontrer effectivement l’impossibilité
d’une pondération. A titre d’exemple, la seule complexité du marché ne
suffit pas à présumer la légalité de l’absence de pondération.
Nb : ces règles ne valent que pour les marchés passés selon une procédure
formalisée. Par conséquent, cette obligation ne s’applique pas aux
concours. Une interprétation de l’article 53-II conclurait que c’est aussi le
cas des marchés adaptés voire des procédures de l’article 30, mais il n’est
99
La pondération renvoie à la définition d’un équilibre entre les différents critères et leur valeur respective, au moyen d’un pourcentage ou d’un coefficient. Le classement et la hiérarchisation des critères consistent à définir un ordre de prééminence entre les différents critères.
pas certain que cette interprétation soit conforme au droit
communautaire : l’auditeur recommande pour plus de sécurité la
pondération des critères pour ces marchés.
Vérification de la conformité à l’exigence de
transparence concernant la pondération L’auditeur devra s’assurer de ce que dès l’engagement de la procédure,
l’acheteur public a effectivement porté à la connaissance des candidats
« les critères d’attribution du marché (…) et les conditions de leur mise en
œuvre, et notamment leur pondération ».
Nb : cette obligation d’informer les candidats vaut pour les MAPA dès lors
que l’acheteur public décide de procéder à une telle pondération.
Vérification du respect de la pondération annoncée
par le pouvoir adjudicateur De la même manière que les critères ne peuvent subir aucune
modification au cours de la procédure, le pouvoir adjudicateur doit se
tenir à la pondération annoncée.
Si les obligations des acheteurs publics sont allées en se renforçant sur ce
terrain, il est toutefois à noter que le juge n’exerce qu’un contrôle
restreint sur ce point, en cas d’erreur manifeste d’appréciation sur
l’utilisation de la pondération annoncée.
128
Vérification du caractère discriminant de la
pondération utilisée L’auditeur s’attachera à vérifier que la pondération retenue est
suffisamment discriminante au regard de la nature de l’achat concerné et
met suffisamment en relief les critères principaux par rapport aux critères
secondaires. Il pourra s’assurer de l’existence d’un modèle d’analyse
(formalisé ou non) permettant de tester en amont le caractère
discriminant de la pondération.
Vérification de la régularité de la méthode
d’évaluation des offres Il est à relever qu’aucune obligation d’information n’est prescrite quant à
la méthode de notation retenue par le pouvoir adjudicateur100. Cette
méthode de notation n’apparaît pas pour autant discrétionnaire, et il
arrive que le juge administratif sanctionne la manière dont s’effectue la
notation.
L’auditeur devra à la fois vérifier :
que la notation des offres se fait bien conformément aux critères
annoncés (tous mais eux seuls),
A titre d’exemple, le critère du prix doit nécessairement attribuer
la meilleure note au candidat ayant le prix le plus bas101, ce qui
100
Le pouvoir adjudicateur n’a pas à informer, pour le critère du prix, les candidats de la
méthode de notation qu’il envisage de retenir et d’utiliser pour évaluer les offres (CE
26/9/2012 Communauté d’agglomération Seine Eure)
101 CE 20 octobre 2013, Val d’Oise habitat
interdit notamment d’attribuer la note la plus faible au candidat
ayant présenté l’offre la plus éloignée de l’estimation faite par le
PA102.
que l’évaluation des offres au regard de chacun des critères
retenus s’effectue de façon objective. A titre d’exemple, « tel
n’est pas le cas d’une notation qui attribue 40 points à l’offre la
moins disante et 0 point à la plus disante sans tenir compte de
l’écart réel entre les différents prix »103.
Dans cette optique, il pourra éventuellement être vérifié :
l’existence d’une échelle de notation ou d’un modèle d’analyse
proposé à la validation dès le lancement de la consultation, et
destiné à limiter le risque d’une adaptation a posteriori du
modèle et des paramètres (échelle de notation) et donc de
privilégier l’offre d’une entreprise.
son application homogène à l’ensemble des offres.
Pratiquement, il est très important de vérifier la méthode de pondération
pour s’assurer qu’elle permet bien que les écarts de note soient
proportionnels aux différences objectives (ce qui est plus facile pour les
prix). On pourra, en particulier, vérifier les points suivants :
utiliser le rang de classement comme « élément de
pondération » est à proscrire car cela ne donne aucune
indication sur les écarts entre les offres ;
102 CE 18 décembre 2012, Département de la Guadeloupe
103 TA Melun, ord du 6 mars 2008, Préfet de Seine-et-Marne c/ SMITOM Centre Ouest
Seine-et-Marnais.
129
pour les éléments quantitatifs comme le prix, la pondération
doit rendre compte des écarts :
Exemple de grille possible pour les prix critère noté sur 50 ;
moins cher 50, plus cher 0, offre intermédiaire :
50 * (pmax – p)/ (pmax-pmin).
Vérification de la possibilité de noter de manière
objective les offres L’auditeur devra s’assurer de la possibilité effective d’exercer une
notation au regard des critères prévus au cahier des charges et du fait que
cette notation peut être explicitée par référence à une démarche
objectivable et, si possible formalisée.
Il n’est pas possible d’éliminer toute subjectivité dans les appréciations
surtout pour des critères qui peuvent avoir des aspects qualitatifs. Pour
éviter les dérives l’auditeur vérifiera que la procédure présente un
caractère réellement collectif de sorte que les subjectivités se
confrontent.
Vérification de l’existence d’un classement entre les
offres L’auditeur devra s’assurer de l’existence d’une comparaison entre les
offres débouchant sur un classement. Lorsque le nombre d’offres reçues
est trop important, il est possible de ne classer que les dix ou douze
premières offres et de considérer l’ensemble des offres restantes comme
équivalentes.
Il est par ailleurs utile de vérifier qu’à chacun des critères correspondent
un ou plusieurs livrables correctement identifiés qui permettront de
vérifier au stade de l’exécution du marché que celle-ci ne remet pas en
cause les conditions du choix initial (cf. fiche n° 3.3 sur les critères).
130
131
Fiche 3.9 : «Le traitement
des offres anormalement
basses»
Une offre dont le montant est particulièrement bas peut provenir, soit
d’une entreprise qui aura particulièrement bien étudié sa proposition, soit
d’une erreur du candidat, soit encore, ce qui est dangereux pour
l’acheteur public, d’une entreprise fragile ou d’une pratique assimilable à
du dumping.
Pour protéger le pouvoir adjudicateur d’offres financièrement séduisantes
mais dont la robustesse pourrait ne pas être assurée, l’article 55 du CMP,
sans donner de définition de l’offre anormalement basse, prévoit une
procédure de traitement de celle-ci qui permet de ne pas sanctionner
l’offre basse mais de rejeter l’offre anormale, celle qui nuit à la
compétition loyale entre les candidats et qui pourrait, si elle était retenue,
mettre en péril la bonne exécution du marché.
En pratique, caractériser une offre anormalement basse est une tâche
délicate car :
il s’agit de se prémunir contre un risque réel pour l’achat public
alors que ni les directives européennes, ni le droit interne ne
fournissent de critères d’appréciation précis et objectifs ;
il faut apprécier l’intérêt économique global de l’offre sans se
focaliser sur le seul critère du prix ;
il faut raisonner à partir d’une estimation du montant normal de
l’offre sans rejeter des offres qui auraient pour seul défaut d’être
particulièrement compétitives.
1. Risques
Les risques ayant des conséquences sur la régularité des achats :
Mise en cause de l'égalité de traitement entre les candidats :
o le juge s’en tient à un contrôle de l’erreur manifeste
d’appréciation quant à l’appréciation du pouvoir
adjudicateur sur le caractère anormalement bas de l’offre
mais exerce une contrôle complet sur le respect de la
procédure ;
o le juge considère que le pouvoir adjudicateur qui omet de
mettre en œuvre la procédure prévue par l’article 55 du
CMP méconnaît ses obligations en matière de mise en
concurrence et d’égalité d’accès aux marchés publics ;
o si le pouvoir adjudicateur omet de demander des
précisions à l’auteur de l’offre et la rejette, la décision
d’attribution du marché est irrégulière.
Risque pénal de travail dissimulé (article L.8222-6 du code du
travail).
132
Les risques ayant trait à l’efficacité fonctionnelle et économique et au bon usage des achats :
o Mauvaise exécution du marché (qualitativement,
quantitativement).
o Défaillance de l’entreprise et résiliation du marché.
o Dérive des coûts du marché par la passation d'avenants ou de
bons de commandes supplémentaires le cas échéant.
2. Réglementation et textes généraux de
référence
Le seul texte faisant référence à la notion d’offre anormalement basse est
l’article 55 du code des marchés publics (CMP) : « Si une offre paraît
anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision
motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu’il juge utiles et
vérifié les justifications fournies ».
L’article 142 du CMP prévoit que les dispositions de l’article 55
s’appliquent aux entités adjudicatrices et l’article 236 du CMP qu’elles
sont applicables aux marchés de défense et de sécurité.
Les principaux textes généraux de référence :
guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics du 26
septembre 2014 (point 15.2) : « une offre peut être qualifiée
d’anormalement basse si son prix ne correspond pas à une réalité
économique ».
fiche DAJ Bercy « L’offre anormalement basse », disponible sur
http://www.economie.gouv.fr/daj/conseils-aux-acheteurs
guide de la DAJ Bercy « Le prix dans les marchés publics »,
disponible sur http://www.economie.gouv.fr/daj/conseils-aux-
acheteurs
3. Le contrôle
L’auditeur s’attachera à vérifier, dans un premier temps l’existence ou
non d’offres particulièrement basses au début de la consultation puis, si
tel a été le cas et dans un deuxième temps, la procédure mise en œuvre
par le pouvoir adjudicateur.
Les principaux documents à solliciter en la matière sont :
le rapport de présentation du marché ;
le rapport d’analyse des offres s’il constitue un document distinct
du RP ;
si nécessaire, les échanges écrits avec le candidat en cours de
procédure pour justifier le niveau de prix de l’offre.
Vérifier la cohérence du niveau des offres
Estimation préalable du montant du marché : il est intéressant de vérifier si l’acheteur a procédé à une telle estimation et si celle-ci a été documentée et fondée sur des bases solides (prestations d’un achat antérieur, estimation des écarts possibles avec un marché antérieur suite à des variations de périmètres ou à des
133
différences dans l’architecture contractuelle). Lorsque l’estimation est faite raisonnablement, l’offre qui lui est significativement inférieure est suspecte, mais il convient de faire intervenir d’autres critères pour la qualifier valablement d’offre anormalement basse.
Le pouvoir adjudicateur peut valablement utiliser une formule
mathématique afin de déterminer un seuil d’anomalie en-deçà
duquel les offres sont qualifiées d’anormalement basses, ce qui
ouvre la voie à la procédure décrite à l’article 55 du CMP.
L’exclusion immédiate d’une offre sur un critère purement
mathématique, sans engagement de la procédure contradictoire
de l’article 55 du CMP est toutefois interdite104.
Comparaison avec les autres offres déposées : vérifier si, en complément ou à défaut d’une estimation préalable du montant du marché, le pouvoir adjudicateur a procédé à une comparaison du niveau des offres entre elles, en utilisant, le cas échéant, une formule mathématique pour déterminer un seuil d’anormalité.
Analyse des caractéristiques intrinsèques de l’offre : il s’agit de vérifier si, dans l’analyse des offres, l’acheteur s’est attaché à considérer, au-delà du prix, la réalité des prestations et le caractère réaliste des solutions techniques proposées par les différents candidats afin de détecter une offre ne semblant pas permettre une bonne exécution technique des prestations ou ne permettant pas une rémunération normale de l’entreprise. Contrôler en particulier le fait que l’acheteur ait vérifié que tous les candidats aient intégré l’ensemble de leurs coûts dans leur offre.
104
CJCE, 7 novembre 2001, Lombardini et Mantovani, C-285/99 et C-286/99 et CJCE, 22
juin 1989, Sté Fratelli Costanzo SPA c/Commune de Milan C-103/88
L’appréciation par l’auditeur de la qualité de l’analyse effectuée
par l’acheteur peut toutefois s’avérer difficile du fait,
notamment, de la technicité des justifications présentées par le
ou les candidats.
Vérifier le respect de la procédure de qualification
et de rejet éventuellement mise en œuvre Il s’agit de vérifier, lorsque l’analyse des offres a révélé l’existence d’une
ou de plusieurs offres suspectes, que l’acheteur a effectivement mis en
œuvre la procédure contradictoire de l’article 55 du CMP.
Demande écrite préalable obligatoire : vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas procédé au rejet d’une offre estimée anormalement basse sans avoir préalablement demandé par écrit au soumissionnaire de se justifier105. Il s’agit de s’assurer que les prix proposés sont économiquement viables et que le candidat a pris en compte l’ensemble des exigences formulées dans le dossier de consultation. Lorsque l’acheteur a pris connaissance de l’ensemble des offres, un courrier doit avoir été adressé au candidat concerné, l’informant clairement que son offre est suspectée d’être anormalement basse et lui demandant de fournir toutes justifications utiles, dans un délai raisonnable. Cette obligation s’impose à l’acheteur, même si l’offre concernée
lui semble manifestement anormalement basse et qu’il n’a aucun
doute sur son caractère anormalement bas106.
Le non-respect de cette procédure est, par ailleurs, susceptible
de donner lieu à des poursuites et, dans certains cas, à la
105
CAA Douai, 9 avril 2002, OPAC de l’Aisne 106
TA Rennes, 19 janvier 1994, SARL Pierre Renou et fils
134
constitution du délit d’avantages injustifiés (article 432-14 du
code pénal).
Enfin, lorsque les vérifications de l’article 55 du CMP ne sont pas
effectuées, une éventuelle décision déclarant un appel d’offres
infructueux est irrégulière et entraine, de facto, l’illégalité de la
décision d’utiliser la procédure du marché négocié.
Appréciation de la pertinence des justifications fournies : vérifier que l’acheteur a considéré les justifications fournies en prenant en compte les cinq justifications décrites par l’article 55 du CMP :
o Modes de fabrication des produits, modalités de la prestation de services, procédés de construction ;
o Conditions exceptionnellement favorables dont dispose le candidat pour exécuter les travaux, fournir les produits ou réaliser les prestations ;
o Originalité de l’offre ;
o Dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée ;
o Obtention éventuelle d’une aide d’Etat.
Décision de rejet : vérifier l’existence et la motivation de la décision. Une jurisprudence récente107 rappelle qu’il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter une offre s’il apparaît, à l’issue de la procédure contradictoire, que les justifications apportées par le candidat ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et, de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché.
107
CE, 29 mai 2013, Ministre de l’intérieur c/ Société Arteis
L’absence de réponse d’un soumissionnaire à une demande
d’explication du pouvoir adjudicateur permet à ce dernier
d’exclure l’offre de ce candidat108.
4. Signaux d’alerte
Les principaux signaux d’alerte que l’auditeur doit garder à l’esprit sont :
écart important entre les offres financières des candidats,
gratuité d'une prestation constitutive de l'offre…
contentieux à l'issue de la procédure (candidats évincés).
mauvaise exécution du marché (sous qualité) donnant lieu à des
tensions, voire à un contentieux en cours d’exécution.
résiliation d'un marché.
108
CAA de Bordeaux, 17 novembre 2009, SICTOM Nord
135
Fiche 3.10 : «La déclaration
d’infructuosité – la
déclaration sans suite»
Le code des marchés publics prévoit deux possibilités de mettre fin à une
procédure d’appel d’offres : la déclaration d’infructuosité et la déclaration
sans suite.
Ces deux décisions, du ressort du représentant du pouvoir adjudicateur,
sont proches mais ne doivent pas être confondues car leurs motivations
et, surtout, leurs conséquences ne sont pas identiques. Par ailleurs, si la
déclaration d’infructuosité est prévue pour les cas d’appel d’offres ou de
dialogue compétitif, la déclaration sans suite peut être décidée vis-à-vis
de tout type de procédure.
Une consultation peut être déclarée infructueuse si aucune offre n’a été
remise ou si les offres remises se révèlent soit irrégulières, soit
inappropriées, soit inacceptables.
Une consultation peut être déclarée sans suite pour des motifs d’intérêt
général qui peuvent être de nature économique, juridique ou technique,
et ce, même si une ou plusieurs offres ont été jugées acceptables.
1. Risques
Les risques ayant des conséquences sur la régularité des achats :
o risque de contentieux en cas d’absence de respect, par le
pouvoir adjudicateur, des formalités élémentaires liées à une
décision du pouvoir adjudicateur de déclarer une procédure
infructueuse ou sans suite (déclaration d’infructuosité trop
rapide, mauvaise information des candidats suite à une
déclaration d’infructuosité ou de procédure sans suite) ;
o risque de contentieux en cas de déclaration sans suite pour un
motif non lié à un intérêt général (exemple : déclaration sans
suite dans le but d’évincer un candidat) ;
o risque de contentieux sur la procédure suivante si l’avis de
marché de cette consultation ne fait pas mention du caractère
infructueux de la consultation précédente ou de la décision du
pouvoir adjudicateur de déclarer celle-ci sans suite ;
o risques d’irrégularités susceptibles d’affecter d’éventuels
achats effectués postérieurement à une déclaration
d’infructuosité ou une déclaration sans suite et avant la
passation du marché suivant.
Les risques ayant trait à l’efficacité fonctionnelle et économique et au bon usage des achats :
o à l’inverse, une déclaration d’infructuosité ou une déclaration
sans suite peuvent être des indices d’une mauvaise
appréciation de ses besoins ou du marché fournisseur par la
personne publique.
136
2. Réglementation et textes généraux de
référence
Dans le code des marchés publics :
Déclaration d’infructuosité : code des marchés publics, article 59-III (appel d’offres ouvert), articles 64-III (appel d’offres restreint) et 67-IX (dialogue compétitif).
Déclaration sans suite : code des marchés publics, articles 59-III et 59-IV (appel d’offres ouvert), articles 64-III et 64-IV (appel d’offres restreint), article 66-VI (procédure négociée) et articles 67-IX et 67-XI (dialogue compétitif).
Consulter également :
fiche de la DAJ Bercy « La déclaration d’infructuosité », disponible
sur http://www.economie.gouv.fr/daj/conseils-aux-acheteurs
guide de la DAJ Bercy « La déclaration sans suite », disponible sur
http://www.economie.gouv.fr/daj/conseils-aux-acheteurs
3. Le contrôle
L’auditeur s’attachera à vérifier, dans un premier temps, les conditions de
forme et de fond de la décision du représentant du pouvoir adjudicateur
(infructuosité ou déclaration sans suite) et, dans un second temps, les
conditions de forme et de fond du lancement éventuel d’une nouvelle
procédure.
Les principaux documents à solliciter en la matière sont :
le rapport de présentation du marché ;
le règlement de la consultation et le DCE ;
les décisions du pouvoir adjudicateur ;
les documents portant information des candidats ;
les documents liés à la consultation suivante (si une nouvelle
procédure a été engagée).
Vérifier le respect des conditions de forme et de
fond d’une déclaration d’infructuosité
Conditions formelles : la décision a-t-elle été effectivement prise à l’issue du jugement définitif des offres ou (ce qui est suspect) au moment de la mise au point du marché ? Les candidats ont-ils été informés dans des délais brefs de la décision du représentant du pouvoir adjudicateur et des motifs qui justifient celle-ci ? La décision du pouvoir adjudicateur adressée aux candidats fait-elle mention des délais et voies de recours ?
Conditions de fond : La décision de déclarer la procédure infructueuse est-elle motivée par un des éléments suivants : absence de remise d’offre, offres remises irrégulières, inappropriées ou inacceptables ? L’une des offres remises était-elle acceptable (sauf, pour le pouvoir adjudicateur, à reconnaître une erreur dans le jugement des offres, une décision d’infructuosité prise au moment de la mise au point du marché est alors vraisemblablement infondée) ?
137
A l’inverse, la consultation a-t-elle été déclarée infructueuse alors qu’une simple mise au point du marché aurait permis à une offre inappropriée d’être conforme au cahier des charges ?
La déclaration d’infructuosité est-elle liée à une carence du pouvoir adjudicateur :
o méconnaissance du secteur économique concerné entrainant une mauvaise estimation du prix ?
o sous-estimation volontaire du prix du marché, notamment en appel d’offres, en vue de déclarer la consultation infructueuse et éliminer ainsi des candidats indésirables ?
La procédure a-t-elle été déclarée infructueuse pour offres
inacceptables alors que le budget du pouvoir adjudicateur
lui permettait de financer les offres, même si le prix de
celles-ci était largement supérieur au montant estimé du
marché ?
Vérifier le respect des conditions de forme et de
fond d’une déclaration sans suite
Conditions formelles : aucune condition relative au moment de la décision (peut intervenir à tout moment avant la signature du marché) et à sa publication. En revanche, les candidats ont-ils été informés, dans les délais les plus brefs, de la décision de ne pas donner suite à la consultation et des motifs de cette décision ? Les motifs indiqués sont-ils exposés de manière précise et non équivoque (sauf cas de l’article 59-III du CMP) ? La décision fait-elle mention des délais et voies de recours ?
Conditions de fond : Si le motif d’intérêt général est d’ordre budgétaire, le pouvoir adjudicateur a-t-il démontré que le budget disponible ne lui permettait pas de financer l’achat ? La décision de ne pas donner suite à la consultation est-elle liée à une insuffisance de concurrence ? Cette dernière est-elle liée à une entente ? La décision de ne pas donner suite est-elle due à une mauvaise appréhension de ses besoins par le pouvoir adjudicateur ? La décision de ne pas donner suite est-elle liée à la volonté de mettre fin à une procédure irrégulière (exemple : contradiction entre le RC et le CCAP) ? La décision de ne pas donner suite est-elle en réalité un détournement de procédure pour éliminer un candidat ?
Vérifier les conditions de forme et de fond du
lancement éventuel d’une nouvelle procédure La déclaration d’infructuosité peut être suivie soit d’un nouvel appel
d’offres si les conditions initiales du marché doivent être
substantiellement modifiées, soit, dans le cas contraire, d’un marché
négocié avec ou sans mise en concurrence (articles 35-I et 35-II du CMP),
ou d’une procédure adaptée pour les lots répondant à la définition de
l’article 27-III du CMP.
Dans tous les cas, l’auditeur doit s’attacher à contrôler tout marché
faisant suite à une procédure infructueuse, même si celui-ci ne figure pas
dans l’échantillon initial.
Condition formelle générale : l’avis de marché de la nouvelle consultation indique-t-il expressément que celle-ci a été lancée suite à une déclaration d’infructuosité ou à une décision de déclarer sans suite la consultation précédente ?
138
Nouvel appel d’offres suite à déclaration d’infructuosité : Le dossier de la consultation a-t-il été modifié substantiellement ?
Marché négocié suite à une déclaration d’infructuosité : La déclaration d’infructuosité était-elle fondée ? Si le pouvoir adjudicateur a décidé de ne pas recourir à la publicité et de négocier avec les candidats de la première consultation, accepte-t-il de négocier les offres inappropriées fournies lors de la première consultation (ce qui n’est pas permis) ? Si le pouvoir adjudicateur décide d’élargir la consultation à d’autres candidats, les candidats qui ont répondu à la première consultation ont-ils à nouveau fait acte de candidature (c’est obligatoire) ? Le pouvoir adjudicateur ouvre-t-il une nouvelle procédure de négociation alors que l’infructuosité de la première procédure était la conséquence de carences ou d’anomalies du dossier de consultation ?
Le recours à la procédure adaptée pour des lots infructueux : Les lots répondent-ils bien aux conditions fixées par l’article 27-III du CMP ?
4. Signaux d’alerte
Les principaux signaux d’alerte que l’auditeur doit garder à l’esprit sont :
absence totale d’offres laissant supposer une mauvaise définition
du besoin ou une connaissance insuffisante du marché
fournisseur (indice de sous-qualité de la fonction achat).
écart important entre les offres financières des candidats et le
montant estimé ou budgété du marché.
contentieux (candidats évincés).
139
Fiche 3.11 : «L’information
des candidats évincés»
L’information des candidats évincés lors d’une procédure de marchés
publics est une formalité substantielle d’achèvement de la procédure à
deux titres :
elle dérive directement du principe de transparence de l’article 1
du CMP ;
elle a des effets sur les voies de recours ouvertes à ses
destinataires (contre la procédure ou contre le contrat lui-même).
Le code des marchés publics prévoit deux types d’information :
l’information immédiate des candidats dès que l’acheteur public a
fait son choix sur une candidature ou une offre (articles 80 et 253
du code) ;
l’information à la demande des entreprises ayant participé à la
consultation (articles 83 et 255 du code).
Les obligations d’information qui s’imposent aux acheteurs publics ont été
renforcées par la transposition (ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009)
de la directive « Recours » de 2007.
L’obligation d’information des candidats évincés dans le cadre de l’article
80 du CMP concerne les procédures formalisées à l’exception de la
procédure de marché négocié sans publicité et sans mise en concurrence.
S’agissant des marchés passés en procédure adaptée, non soumis aux
obligations de l’article 80 du CMP, plusieurs jurisprudences109 ont
considéré qu’ils doivent néanmoins respecter les principes qui découlent
de l’exigence d’égal accès à la commande publique et, qu’à ce titre, le
représentant du pouvoir adjudicateur devait informer les candidats
évincés du rejet de leur candidature ou de leur offre. Par un arrêt du
29 juin 2012, Société PRO2C, le Conseil d’Etat a rejeté cette interprétation
et rappelé que les obligations de l’article 80 du CMP ne s’appliquaient pas
aux MAPA.
Depuis 2009, le pouvoir adjudicateur ne doit communiquer les motifs de
son rejet à un candidat évincé qui en fait la demande (dans le cadre de
l’article 83 ou 255 du CMP) que lorsqu’il n’a pas rempli ses obligations au
titre de l’article 80 (ou 253). Dès lors que l’offre du candidat ayant été
écarté n’était ni irrégulière, ni inacceptable, ni inappropriée, le pouvoir
adjudicateur doit, en outre, lui communiquer les caractéristiques et les
avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.
1. Risques
Les risques ayant des conséquences sur la régularité des achats :
o Risque d’irrégularité de la procédure en cas de non-respect, délibéré ou non, de l’obligation d’information.
o Risque contentieux en cas de fourniture à un candidat d’éléments supplémentaires par rapport à ceux
109
CAA Bordeaux 7 juin 2011, Association Collectif des citoyens du Breuil-Coiffault – CAA
Marseille 19 décembre 2011, Société Hexagone 2000.
140
déterminés par le CMP (risque pour l’acheteur public de fournir des éléments dont la divulgation serait contraire à la loi ou à l’intérêt public ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques) ;
o Risque d’annulation du marché ou de pénalités financières infligées par le juge des référés contractuels en cas de signature du marché avant l’expiration, soit du délai de « stand still » (16 jours, ou 11 jours en cas de notification par voie électronique, à compter de la date d’attribution ou de rejet) pour les marchés soumis aux dispositions de l’article 80 du code, soit d’un délai raisonnable pour les marchés conclus selon une procédure adaptée.
2. Réglementation et textes généraux de
référence
Dans le code des marchés publics :
Information spontanée et immédiate des candidats évincés : articles 80 et 253 (marchés de défense et de sécurité) du CMP.
Information à la demande des candidats évincés : articles 83 et 255 (marchés de défense et de sécurité) du CMP.
Consulter également :
guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics du
26 septembre 2014 (point 17.2).
fiche DAJ Bercy « L’information des candidats évincés »,
disponible sur http://www.economie.gouv.fr/daj/conseils-aux-
acheteurs
3. Le contrôle
L’auditeur s’attachera à vérifier, dans tous les cas, les conditions de forme
et de fond de la décision du représentant du pouvoir adjudicateur adressé
aux candidats non retenus. Il en sera de même lorsque les candidats
auront sollicité des informations complémentaires.
Les principaux documents à solliciter en la matière sont :
le rapport de présentation du marché ;
le règlement de la consultation ;
les décisions initiales de rejet émises par le pouvoir adjudicateur ;
les échanges éventuels avec les candidats ;
éventuellement, les réponses du pouvoir adjudicateur aux
demandes d’information complémentaires.
Vérifier le respect des conditions de forme et de
fond d’une décision de rejet émise dans le cadre de
l’article 80 (ou 253) du CMP
Conditions formelles : la décision a-t-elle été effectivement prise à l’issue de l’examen des candidatures ou du jugement définitif des offres ou après la mise au point du marché ? Les candidats ont-ils été informés dans des délais brefs de la décision du représentant du pouvoir adjudicateur et des motifs qui justifient celle-ci ? Dans le cas d’une décision de rejet intervenant au stade du choix des offres, le pouvoir adjudicateur a-t-il attendu que le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché ait produit les attestations fiscales et sociales ? La décision du pouvoir adjudicateur adressée aux candidats fait-elle mention des délais et voies de recours ? Un accusé de réception a-t-il été demandé ? Si elle a été effectuée par voie électronique, la notification a-t-elle utilisé le profil de l’acheteur ?
141
Conditions de fond : la décision de rejet mentionne-t-elle les motifs du rejet ? Indique-t-elle le ou les attributaires choisis ? Les appréciations de l’offre retenue ont-elles été portées à la connaissance des candidats évincés ? Les motifs de rejet figurant dans la décision du pouvoir adjudicateur sont-ils cohérents avec les résultats de l’analyse des candidatures ou des offres figurant dans le rapport de présentation du marché ? Les informations figurant dans la décision de rejet portent-elles atteinte aux secrets protégés par la loi ou peuvent-elles nuire à la concurrence loyale entre opérateurs économiques ?
Vérifier le respect des conditions de forme et de
fond d’une information donnée aux candidats
évincés suite à une demande de leur part
Conditions formelles : le pouvoir adjudicateur a-t-il déjà communiqué spontanément aux candidats évincés les motifs de leur rejet dans le cadre de l’article 80 (ou 255) du CMP ? Le candidat qui sollicite la communication des motifs de son rejet dans le cadre de l’article 83 a-t-il formulé une demande écrite ? La réponse du pouvoir adjudicateur a-t-elle été faite dans les quinze jours à compter de la réception de la demande ?
Conditions de fond : dans le cas d’une offre irrégulière, inappropriée ou inacceptable, cf. paragraphe 3.1 ci-dessus. Dans le cas contraire, le pouvoir adjudicateur a-t-il communiqué les indications prévues par l’alinéa 2 de l’article 83 du CMP ? A-t-il respecté les secrets protégés par la loi ou a-t-il fourni des informations pouvant nuire à la concurrence loyale entre les opérateurs économiques ?
Vérifier le respect du délai minimal avant signature
du marché
Le marché a-t-il été signé avant l’expiration du délai de « stand still » ? Si oui, pour quelles raisons110 ? Y a-t-il eu référé ? Quelles sanctions (pénalité financière, réduction de la durée du contrat) ?
4. Signaux d’alerte
Les principaux signaux d’alerte que l’auditeur doit garder à l’esprit sont :
Signature du marché dans un délai très court après la notification
faite au titulaire retenu ;
Réclamations de candidats évincés ;
Contentieux éventuel.
5. Recommandations possibles
Mettre en place une procédure traçable et connue d’information des candidats non retenus ;
En faire un point du contrôle interne.
110
Le respect de ce délai ne s’impose pas pour les marchés attribués au seul candidat ayant participé à la consultation ou pour les marchés subséquents d’accords-cadres ou un système d’acquisition dynamique.
142
Le non-respect de l’obligation d’information des candidats évincés et du
délai de « stand stil » est sanctionné par le juge. Même en l’absence de
contentieux, l’auditeur qui constate une transgression du CMP sur ces
points devra vérifier qu’elle n’est pas le symptôme de vices cachés dans
l’analyse des offres (cf. fiche n° 2.6)
143
Fiche 3.12 : «La régularité
des avenants»
Bien qu’aucun code des marchés publics n’ait jamais défini l’avenant, on
admet qu’il s’agit d’un acte qui modifie les dispositions contractuelles
sans pouvoir changer leur objet. Un avenant doit donc être distingué
d’autres actes qui, soit constituent des modifications non consenties, soit
substituent des obligations nouvelles aux anciennes qu’ils éteignent, soit
enfin ne font que transférer les obligations.
La formation d’un avenant nécessite un contrat valide et le consentement
des parties. Son régime est, pour l’essentiel, celui du contrat qu’il modifie.
Les avenants qui modifient le volume du marché (par exemple par ajout
de nouvelles prestations ou par modification sensible des délais
d’exécution) sont a priori susceptibles de fausser les règles de mise en
concurrence. Ils sont donc soumis à des règles de procédure et de fond
spécifiques.
Sauf sujétions techniques imprévues et imprévisibles ne résultant pas du
fait des parties, les avenants qui modifient le volume du marché ne sont
légaux que s’ils ne modifient pas son objet et ne bouleversent pas son
économie.
1. Risques
Risques ayant des conséquences sur la régularité des achats : introduction par avenant de dispositions ayant pour effet de dénaturer le marché initial ou de bouleverser son économie, plus-value financière trop importante par rapport au montant du marché entrainant un risque de requalification de l’avenant. A l’inverse, poursuite sans avenant de l’exécution d’un marché au-delà de son montant prévu entrainant l’irrégularité des actes passés dans ce cadre (bons de commande par exemple).
Risques ayant trait à l’efficacité fonctionnelle et économique et au bon usage des achats : multiplication d’avenants du fait d’une mauvaise définition du besoin ou d’une mauvaise analyse des offres, dérapage budgétaire, incohérence de la solution technique, passation d’avenants en lieu et place d’autres actes (surcharge administrative et perte de temps).
Risque pénal : délit de favoritisme (article 432-14 du code pénal).
2. Réglementation et textes généraux de
référence
L’article de référence du code des marchés publics (CMP) est l’article 20 :
« En cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des
parties, un avenant ou une décision de poursuivre peut intervenir quelque
soit le montant de la modification en résultant.
Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne
peut bouleverser l’économie du marché ou en changer l’objet ».
144
L’article 118 du CMP prévoit que : « Dans le cas particulier où le montant
des prestations exécutées atteint le montant prévu par le marché, la
poursuite de l’exécution des prestations est subordonnée, que les prix
indiqués au marché soient forfaitaires ou unitaires, à la conclusion d’un
avenant ou, si le marché le prévoit, à une décision de poursuivre par le
pouvoir adjudicateur ». Les dispositions générales de l’article 20
s’appliquent bien sûr aux avenants pris dans le cadre de l’article 118 du
code.
L’article 19 du CMP rend la passation d’un avenant obligatoire pour fixer
le prix définitif d’un marché à prix provisoire.
Les articles 141 et 200 du CMP prévoient que les dispositions de l’article
20 s’appliquent respectivement aux marchés passés par les entités
adjudicatrices et aux marchés de défense et de sécurité. De même, pour
ces derniers, l’article 284 du CMP revoie aux dispositions précitées de
l’article 118.
Les principaux textes généraux de référence :
guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics du
26 septembre 2014 (point 21.8), qui reprend notamment les
principaux points de la jurisprudence CJCE111 précisant les cas
dans lesquels la modification d’un marché en cours d’exécution
ne peut être effectuée par avenant (sauf circonstances techniques
imprévues et imprévisibles) :
o lorsqu’elle introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient permis
111
CJCE - 19 juin 2008, Presstext Nachrichtenagentur, aff. C-454/06
l’admission de soumissionnaires autres que ceux initialement admis ou auraient permis de retenir une offre autre que celle initialement retenue ;
o lorsqu’elle étend le marché, dans une mesure importante, à des services non initialement prévus ;
o lorsqu’elle change l’équilibre économique du contrat en faveur du titulaire du marché d’une manière qui n’était pas prévue dans le marché initial.
Lettre collective n°144 M du 31 octobre 1972, diffusée par
instruction n°07-019-B0-M0-M9 du 27 février 2007.
Fiche technique « questions-réponses » de la DAJ Bercy
« Sujétions techniques permettant la modification d’un marché
par avenant », disponible sur
http://www.economie.gouv.fr/daj/conseils-aux-acheteurs
3. Le contrôle
L’auditeur s’attachera à vérifier, dans un premier temps l’objet de
l’avenant, dans un deuxième temps, les modalités de sa formation et de
sa signature et, dans un troisième temps, les dispositions propres aux
avenants augmentant le volume du marché.
Les principaux documents à solliciter en la matière sont :
le rapport de présentation de l’avenant ;
145
les échanges écrits avec le candidat en cours de procédure.
Vérifier l’objet de l’avenant
Il convient de vérifier tout d’abord que le recours à un avenant était bien justifié ou que, a contrario, d’autres actes n’auraient pas dû être qualifiés d’avenants.
L’avenant doit être, en effet, distingué d’autres actes, comme :
l’ordre de service : acte unilatéral permettant à l’administration
d’exercer son pouvoir de direction ou même de modification. En
théorie, le titulaire n’a pas à y consentir mais un consentement de
ce dernier à une modification présentée comme unilatérale peut
permettre de contourner la réglementation sur la formation des
avenants ;
la décision de poursuivre : elle se distingue de l’avenant par le fait
qu’il s’agit d’une décision unilatérale du pouvoir adjudicateur
(l’accord du titulaire étant consenti par avance) et qu’elle ne vise
pas à modifier les obligations mais à en poursuivre l’exécution
malgré le franchissement du volume prévisionnel du marché. Elle
n’entre pas dans la détermination de la masse initiale des
prestations ;
le marché complémentaire (cf. fiche 3.13) : les marchés
complémentaires des articles 35-II-4° et 35-II-5° du CMP sont,
comme les avenants, passés sans publicité et sans mise en
concurrence. Qualifiés de « marchés », ils sont juridiquement
autonomes par rapport au marché initial mais un même acte
passé dans ce cadre peut être considéré comme un marché
complémentaire au sens du droit de la passation et comme un
avenant pour l’exécution ;
l’acte spécial : utilisé en général pour l’agrément et l’acceptation
des sous-traitants. Rien n’interdit a priori de le faire par avenant
dès lors que le sous-traitant signe l’avenant.
Toute modification des prestations, du calendrier d’exécution ou du règlement financier du marché relève de l’avenant, mais : o les avenants prolongeant les délais d’exécution ou remettant
des pénalités de retard sont valides dès lors que les retards ne
sont pas imputables au prestataire ou que, les délais étant un
critère de choix des offres, il ne s’agit pas en réalité d’une
faveur accordée au titulaire ;
o les avenants modifiant le prix ou les caractères du prix sont
illégaux ;
o les avenants corrigeant erreurs ou omissions sont valides, dès
lors que celles-ci ne sont pas substantielles.
Un avenant ayant pour objet un changement de statut de l’une des parties n’est pas toujours nécessaire :
En règle générale, le changement de statut d’une partie (privée ou
publique) au contrat n’exige pas d’avenant si la personnalité
morale est conservée. Toutefois, en cas de cession de contrat (soit
par la partie privée soit par la partie publique si la nouvelle
personne publique n’est pas substituée à l’ancienne), un avenant
peut être passé.
146
Un avenant modifiant les conditions de versement de l’avance est illégal (art. 87-III du CMP).
Vérifier les conditions de formation de l’avenant
La passation d’un avenant exige tout d’abord un contrat valide et en vigueur : il est nécessaire d’être attentif aux avenants passés après réception, mais : o un avenant passé après réception de travaux et qui a un autre
objet que la réalisation de l’ouvrage est possible ;
o la passation d’un avenant, avant décompte définitif, pour
régulariser des opérations antérieures est possible.
La formation d’un avenant nécessite la formalisation du consentement des parties : o l’avenant doit comporter la signature des parties (sauf
exception de l’article 11 du CMP) ;
o un échange de lettres signées entre puissance publique et
prestataire peut valoir avenant.
Vérifier que l’avenant n’est pas rétroactif (art. 81 du CMP), sauf cas d’échange de lettres et marchés d’un montant inférieur à 15 000€ HT).
Le contrôle des avenants augmentant le volume du
marché Deux cas sont à considérer, selon que l’augmentation du volume du
marché est liée ou non à des sujétions techniques imprévues ne résultant
pas du fait des parties. A ce titre, l’examen des justifications apportées
par le rapport de présentation est primordial.
Dans le premier cas, le CMP ne fixe aucun plafond pour le montant de l’avenant. Il conviendra de vérifier la nature des circonstances alléguées : o elles doivent avoir été imprévisibles au moment de la
formation du contrat112 ;
o cette condition est à considérer strictement (des
modifications réclamées par un organisme tiers ne sont pas
des circonstances imprévues dès lors que le maître de
l’ouvrage n’est juridiquement pas tenu de les satisfaire113) ;
o pour les marchés à prix globaux forfaitaires, le prix du marché
inclut normalement une marge de risque : pour de tels
marchés, les circonstances imprévues doivent être, en plus,
exceptionnelles.
En-dehors de ces situations particulières, l’avenant ne peut bouleverser l’économie du contrat ou en changer l’objet. L’appréciation est subjective, mais doit prendre en compte, non seulement le prix, mais aussi l’objet et la nature des prestations supplémentaires demandées au titulaire :
o le CMP ne fixe aucun seuil au-delà duquel l’économie du
contrat doit être considérée comme bouleversée ;
o la jurisprudence s’accorde pour considérer qu’en-deçà d’une
augmentation de la masse initiale des prestations de 15%
par rapport au montant du montant initial, l’économie du
marché n’est pas bouleversée114 ;
112
CE, 8 mars 1996, commune de Petit Bourg 113
CE, 30 juillet 2003, commune de Lens 114
CE, 30 janvier 1995, Sté Viafrance
147
o au-delà du prix, il importe de prendre aussi en considération
des clauses essentielles du contrat portant sur la durée, le
prix ou les conditions d’exécution des prestations115;
o enfin, en cas d’avenants multiples, il convient d’apprécier le
bouleversement de l’économie du contrat au regard de la
somme des augmentations entrainées par chacun d’eux.
4. Signaux d’alerte
Multiplication d’avenants pour un marché donné.
Montant de l’avenant rapporté au montant total du marché.
Passation d’avenants pour des marchés pour lesquels l’offre
retenue était nettement moins-disante.
Objet des avenants : modifications du prix, des conditions de
versement de l’avance, modification importante des délais.
115
CAA Paris, 17 avril 2007, Société Keolis ; TA Strasbourg, 26 septembre 2000, Préfet de
la Moselle c/ District rural de Cattenom, Sté Edmond Schnitzler
148
149
Fiche 3.13 «Les marchés
complémentaires»
Les marchés complémentaires sont des marchés nouveaux (et non des
avenants) passés sans mise en concurrence ni publicité en application de
l’article 35-II-4° et 5° du CMP.
A ce titre ils sont des procédures à risques et devront être retenus dans
un échantillon constitué dans un objectif de vérification de la couverture
des risques (cf. fiche n° 1.4). Au minimum leur nombre et les
caractéristiques de leur utilisation (service utilisateur, produits, …)
devront faire l’objet d’un recensement et d’une revue analytique.
La possibilité de recourir à un marché complémentaire est prévue par les
articles 35-II-4 (marchés de fournitures), 35-II-5 (marchés de services ou
de travaux) du CMP.
Ces marchés, distincts du marché initial qu’ils complètent, peuvent être
passés sans publicité ni mise en concurrence avec le titulaire du marché
initial lorsque :
pour les marchés de fournitures, le changement de fournisseur
obligerait le pouvoir adjudicateur à acquérir un matériel de
technique différente entrainant une incompatibilité avec le
matériel déjà acquis ou des difficultés techniques d’utilisation et
d’entretien disproportionnées. Il s’agit alors de renouveler
partiellement des fournitures ou des installations d’usage courant
ou encore de procéder à l’extension d’installations existantes. La
durée des marchés complémentaires ne peut excéder trois ans et
le montant total du marché, fournitures complémentaires
comprises, les seuils de procédure formalisée (article 26 du CMP)
sauf si le marché initial a été passé par appel d’offres et a fait
l’objet d’un AAPC publié au JOUE ;
pour les marchés de services et de travaux, il s’agit de recourir à
des prestations qui ne figuraient pas dans le marché initialement
conclu mais qui sont devenues nécessaires à l’exécution du
service ou à la réalisation de l’ouvrage décrit dans le marché
initial à la suite d’une circonstance imprévue. Il faut toutefois que
ces services ou travaux complémentaires ne puissent être séparés
techniquement ou économiquement du marché principal sans
inconvénient majeur pour le pouvoir adjudicateur et que, même
s’ils sont séparables de l’exécution du marché initial, ils soient
strictement nécessaires à son parfait achèvement. Le montant
cumulé des marchés complémentaires ne doit toutefois pas
dépasser 50% du montant du marché initial.
1. Risques
Comme tous les cas de procédure sans concurrence ni publicité cette
procédure est en elle-même à risque : elle peut être utilisée à mauvais
escient et donc être en contradiction avec l’obligation générale de
publicité et de concurrence qui régit l’achat public.
Un risque spécifique est de passer sous la forme de « marchés
complémentaires » des marchés qui sont en réalité « similaires » au titre
de l’article 35-II-6°.
150
Le risque principal est qu’il s’agisse non de compléments au marché initial
imposés par des circonstances imprévues mais de demandes des
prestataires d’avenant financier pour des montants jugés comme
susceptibles de remettre en cause l’équilibre de la procédure, donc ne
répondant pas à la définition par le code des marchés publics des
« marchés complémentaires ». Ces marchés irréguliers pourraient être
annulés en contentieux mais aussi justifier une saisine de la Cour de
discipline budgétaire et financière ou être passibles d’une incrimination
pénale, s’ils s’avéraient ne pas relever que de la mauvaise gestion.
S’y ajoutent les risques de non respect des obligations propres aux
marchés complémentaires notamment de montant et de durée.
2. Articles du code pertinents et autres
textes
Article 35-II- 4°et 5°
4° Les marchés complémentaires de fournitures, qui sont exécutés
par le fournisseur initial et qui sont destinés soit au renouvellement
partiel de fournitures ou d'installations d'usage courant, soit à
l'extension d'installations existantes, lorsque le changement de
fournisseur obligerait le pouvoir adjudicateur à acquérir un matériel
de technique différente entraînant une incompatibilité avec le
matériel déjà acquis ou des difficultés techniques d'utilisation et
d'entretien disproportionnées. La durée de ces marchés
complémentaires, périodes de reconduction comprises, ne peut
dépasser trois ans. Le montant total du marché, livraisons
complémentaires comprises, ne peut être égal ou supérieur aux
seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, sauf si le
marché a été passé initialement par appel d'offres et a fait l'objet
d'un avis d'appel public à la concurrence publié au Journal officiel
de l'Union européenne ;
5° Les marchés complémentaires de services ou de travaux qui
consistent en des prestations qui ne figurent pas dans le marché
initialement conclu mais qui sont devenues nécessaires, à la suite
d'une circonstance imprévue, à l'exécution du service ou à la
réalisation de l'ouvrage tel qu'il est décrit dans le marché initial, à
condition que l'attribution soit faite à l'opérateur économique qui a
exécuté ce service ou réalisé cet ouvrage :
a) Lorsque ces services ou travaux complémentaires ne peuvent
être techniquement ou économiquement séparés du marché
principal sans inconvénient majeur pour le pouvoir adjudicateur ;
b) Lorsque ces services ou travaux, quoiqu'ils soient séparables de
l'exécution du marché initial, sont strictement nécessaires à son
parfait achèvement.
Le montant cumulé de ces marchés complémentaires ne doit pas
dépasser 50 % du montant du marché principal ;
151
Article 35-II-6°
6° Les marchés de services ou de travaux ayant pour objet la
réalisation de prestations similaires à celles qui ont été confiées au
titulaire d'un marché précédent passé après mise en concurrence.
Le premier marché doit avoir indiqué la possibilité de recourir à
cette procédure pour la réalisation de prestations similaires. Sa
mise en concurrence doit également avoir pris en compte le
montant total envisagé, y compris celui des nouveaux services ou
travaux. La durée pendant laquelle les nouveaux marchés peuvent
être conclus ne peut dépasser trois ans à compter de la notification
du marché initial ;
La notion de marché complémentaire issue des directives diffère des
possibilités ouvertes par d’anciennes dispositions du CMP (article 104-II-
2°) on ne peut donc s’appuyer sur la jurisprudence relative à cet article.
L’obligation de faire un marché complémentaire n’est pas liée au fait qu’il
n’y aurait pas d’autre prestataire potentiel, situation qui est traitée par les
marchés passés dans le cadre de l’article 35-II-8°.
3. Etapes du contrôle
Ces procédures sans publicité ni mise en concurrence sont des procédures
à risques et devront être retenues dans un échantillon constitué dans un
objectif de vérification de la couverture des risques (cf. fiche n° 1.4). Au
minimum leur nombre et les caractéristiques de leur utilisation (service
utilisateur, produits, …) devront faire l’objet d’un recensement et d’une
revue analytique.
Vérification de la distinction avec un marché
similaire Il s’agit de vérifier que les pièces du marché initial ne prévoient pas la
possibilité d’un marché similaire.
Vérification des conditions communes aux marchés
complémentaires
Le titulaire doit être le titulaire initial.
Le montant cumulé des marchés complémentaires ne doit pas dépasser
50% du montant du marché principal. Le montant du marché principal est
celui du marché initial augmenté de ses avenants.
Le montant des marchés complémentaires est celui de tous les achats
complémentaires effectués ou envisagés, avec des exceptions.
152
Vérification des conditions propres aux marchés
complémentaires de fournitures S’agissant de l’objet du marché les conditions peuvent être de deux
natures :
soit renouvellement partiel de fournitures ou d'installations
d'usage courant,
soit l'extension d'installations existantes.
S’y ajoute une condition liée aux difficultés entrainées pour le pouvoir
adjudicateur de ne pas y recourir : « acquérir un matériel de technique
différente entraînant une incompatibilité avec le matériel déjà acquis ou
des difficultés techniques d'utilisation et d'entretien disproportionnées ».
De plus sauf si le marché initial a été passé par AO et avec une publication
européenne, le montant total du marché initial (avenants compris) et des
marchés complémentaires ne peut dépasser le seuil des appels d’offres.
Vérification des conditions propres aux marchés
complémentaires de services et de travaux Des circonstances imprévues (ce qui est différent de l’urgence impérieuse
résultant de circonstances imprévisibles), ce qui veut dire qu’elles ne
pouvaient pas rentrer raisonnablement dans les prévisions des parties
lors de la conclusion du contrat. C’est le cas d’une nouvelle
réglementation postérieure, ce n’est pas le cas de prestations
programmées.
Une des deux circonstances suivantes :
inséparabilité technique ou économique des prestations,
services ou travaux strictement nécessaires au parfait
achèvement du marché initial.
(pas de jurisprudence récente connue de l’auteur).
Sur ces points l’auditeur demandera les justifications du recours à la
procédure et donnera son opinion au regard du contenu précis de celles-
ci. Le risque principal à couvrir étant l’utilisation de marchés
complémentaires pour dissimuler des avenants bouleversant l’économie
du marché, il ne faut pas s’exagérer la difficulté technique à étayer les
investigations.
153
Fiche 4.1 : «Marchés de
travaux»
Définitions :
Au sens de l’article 1er du code des marchés publics
Les marchés publics de travaux sont les marchés conclus avec des
entrepreneurs, qui ont pour objet soit l’exécution, soit
conjointement la conception et l’exécution d’un ouvrage ou de
travaux de bâtiment ou de génie civil répondant à des besoins
précisés par le pouvoir adjudicateur qui en exerce la maîtrise
d’ouvrage. Un ouvrage est le résultat d’un ensemble de travaux
de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une
fonction économique ou technique.
Lorsqu’un marché public porte à la fois sur des services et des
travaux, il est un marché de travaux si son objet principal est de
réaliser des travaux.
Un marché public ayant pour objet l’acquisition de fournitures et,
à titre accessoire, des travaux de pose et d’installation de celles-ci,
est considéré comme un marché de fournitures.
Au sens de la directive 2014/24/UE et du livre I du CMP qui sont
couverts dans ce guide
Les marchés publics de travaux sont des marchés publics ayant
pour objet soit l'exécution, soit conjointement la conception et
l'exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à
l'annexe I ou d'un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen
que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le
pouvoir adjudicateur. Un ouvrage est le résultat d'un ensemble de
travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-
même une fonction économique ou technique.
Lorsqu'un marché porte à la fois sur des services et des travaux, il
est un marché de travaux si son objet principal est de réaliser des
travaux.
Un marché ayant pour objet la fourniture de produits et, à titre
accessoire, des travaux de pose et d'installation est considéré
comme un marché de fournitures.
1. Points de vigilance
Les marchés de travaux sont spécifiques sur de nombreux points :
La sous-traitance
Il s’agit du domaine privilégié de l’emploi de sous-traitance116. Le code
est particulièrement contraignant concernant le formalisme de
l’agrément des sous-traitants et de leurs conditions de paiement. Le
paiement direct des sous-traitants est une spécificité des marchés
116
Loi de 1975 modifiée
154
publics. La sous-traitance intégrale d’un marché est interdite,
contrairement au secteur privé. La loi et le code ne s’appliquent
qu’aux sous-traitants de premier niveau.
La cotraitance
Les cotraitances (entrepreneurs groupés) sont particulièrement
courantes et doivent respecter le formalisme des textes
réglementaires117 (convention de groupement, conjoints ou solidaires,
mandataire, etc…).
La notion d’opération. Cette notion fait l’objet de la fiche 3.1.
Le cahier des clauses administratives applicable aux marchés de
travaux
De nombreuses particularités très spécifiques aux travaux:
La possibilité de prescrire par acte unilatéral (ordre service ou
décision de poursuivre) des modifications, y compris concernant
l’augmentation ou la diminution de la masse des travaux, sans
acte synallagmatique, c'est-à-dire sans avenant, contrairement au
droit commun ou pour les autres natures de marchés publics.
Des obligations relatives à la protection de la main d’œuvre et
conditions de travail, à la confidentialité et à la sécurité. Des
obligations relatives aux prix, à leur contenu ainsi qu’à la
rémunération du titulaire et des sous-traitants, ou encore les
modalités de règlement des comptes.
117
Le code des marchés et le CCAG travaux.
Des stipulations particulières concernant les pertes et avaries
éventuelles, les prolongations de délais, pénalités primes ou
retenues ou encore la réalisation des ouvrages et les garanties. Il
en va de même pour ce qui concerne la qualité des matériaux et
produits, l’application des normes, les vérifications qualitatives
des matériaux, la gestion des déchets, l’enlèvement des matériels
et matériaux.
Les cahiers de clauses techniques générales spécifiques applicables
aux marchés de travaux de génie civil.
Ces fascicules118 qui au nombre de 35119 sont en tant que de
besoin rendus contractuels par les marchés selon la nature des
lots et définissent techniquement les clauses techniques
générales qui sont le cas échéant complétées dans le cadre du
cahier des clauses techniques particulières, ou annexe technique
du marché.
2. Risques
Les risques sont plus nombreux que pour les autres types de marchés
publics, car aux risques communs liés au respect des règles de
publicité et au respect des procédures au regard des règles de
transparence et d'égalité de traitement, s'ajoutent de nombreux
risques découlant des spécificités sus évoquées. Les enjeux et impacts
118 Arrêté du 30 mai 2012 119 Par exemple, la construction des trottoirs, les chaussées en béton, les travaux de
maçonnerie.
155
financiers, économiques et juridiques sont en outre généralement
très importants compte tenu du montant des opérations et des
ouvrages concernés.
La sous-traitance
Les titulaires de marchés de travaux et de génie civil font « par
construction » du fait d'un recours à de nombreux corps de métiers
différents, un usage important de la sous-traitance. Les dispositions
de la loi n° 75-1334 modifiée, des articles 112 et suivants du CMP, et
de l'article 3.6 du CCAG travaux doivent être strictement respectées ;
la responsabilité de la personne publique peut être engagée et est
souvent retenue par le juge. Les manquements et risques associés les
plus courants concernent :
o l'acceptation tacite par défaut alors que la personne
publique doit agréer non seulement les sous-traitants
mais également leurs conditions de paiement. Deux
points importants sont récurrents :
Le premier concerne le paiement direct des sous-
traitants par la personne publique, au-delà du
seuil de 600 €120 ;
Le second les conditions de paiement elles-
mêmes.
En l'absence de paiement direct le titulaire doit
répercuter à ses sous-traitants dans le contrat
120
Article 115.1 du CMP
d'entreprise qui les lie au titulaire les conditions que la
personne publique lui consent (avances, acomptes et
éventuellement paiements partiels définitifs),
o l'acceptation du sous-traitant et l'agrément des
conditions de paiement en cours d'exécution de marché
doivent faire l'objet d'un acte spécial121 signé des deux
parties, introduisant le paiement direct s'il y a lieu.
Un risque associé fréquent concerne la non-modification
de l'exemplaire unique remis à la notification du marché
et qui doit être restitué et modifié pour tenir compte de
la minoration du montant financé au titulaire et
corrélativement un exemplaire délivré au sous-traitant
admis au bénéfice du paiement direct. A défaut, une
même créance pourrait être délivrée deux fois à titre de
garantie auprès d'un établissement bancaire ou financier,
Le seul moyen d'obtenir la preuve de la valeur absolue de
la sous-traitance et du respect de la loi relative au
paiement direct est pour la personne publique d'exiger
une copie du contrat de sous-traitance122.
121 Acte portant les mêmes effets juridiques qu'un avenant (art.3.6.1.2 du CCAG Travaux) 122
Article 3.6.1.5 du CCAG Travaux précisant les pénalités appliquées en cas de non
production dudit contrat ainsi que des mesures de résiliation contractuelles éventuelles
en découlant.
156
La cotraitance
Les risques d'irrégularités susceptibles d'entacher la procédure et
le choix des titulaires ou de générer des difficultés lors de
l'exécution des marchés de travaux découlent d'obligations ou
d'interdictions non respectées, y compris par la personne
publique.
Il s'agit pour l'essentiel du non-respect des dispositions des
articles 51, 102 et 106 du CMP ainsi que celles de l'article 3.5 du
CCAG travaux.
Les principales obligations et interdictions concernent :
o le choix entre des entrepreneurs groupés ou solidaires
avec les conséquences qui en découlent,
o la désignation d'un mandataire, ce dernier pouvant être
solidaire pour ses obligations contractuelles,
o la constitution d'un acte d'engagement unique dans les
deux cas,
o l'interdiction faite à un même fournisseur d'être
mandataire de plusieurs groupements,
o l'interdiction de modifier la composition du groupement
en cours de procédure, sauf exception,
o la possibilité, sous réserve de l'avoir spécifié, d'interdire à
un même fournisseur de pouvoir établir plusieurs offres
en qualité de candidat individuel et de membre d'un ou
plusieurs groupements,
o l'obligation de se conformer in fine à une demande de la
personne publique visant à constituer une forme de
groupement plutôt que l'autre.
3. Les risques liés à certaines spécificités
des marchés de travaux
Outre ceux qui découlent du non-respect de la notion d'opération pour la
détermination de certains seuils123, ou par un non allotissement qui ne
serait pas justifié, il existe de nombreux risques susceptibles de mettre en
cause la personne publique voire la responsabilité des agents publics eux-
mêmes, ainsi que la qualité des ouvrages.
Au sen du respect global du CCAG une attention particulière doit être
apportée aux articles 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 17 124.
Ces stipulations concernent :
la protection de la main d'œuvre et les conditions de travail,
la garantie relative à la propriété industrielle ou commerciale,
l'assurance,
123
Voir fiche n° 3.1 124
Toutes les stipulations sont contractuelles mais certaines obligations résultent de
dispositions législatives voire de conventions internationales.
157
les prix, le règlement des comptes, la rémunération du titulaire et
des sous-traitants,
les constatations contradictoires,
le règlement du prix des prestations supplémentaires,
l'augmentation ou la diminution du montant des travaux,
les changements dans l'importance des natures d'ouvrage.
Les modalités de vérification qualitative, de réception, de détermination
des pénalités primes et retenues, ainsi que de garantie sont également
spécifiques.
L'application de toutes ces clauses contractuelles comportent des risques
y compris pour la personne publique, d'autant que c'est elle qui les
impose.
Deux domaines particuliers trouvent matière courante à irrégularité de la
part du pouvoir adjudicateur dans les marchés de travaux, il s'agit d'une
part des remises de pénalités et de la qualité des signataires des
nombreux actes pris durant l'exécution des marchés, d'autre part.
Concernant les remises de pénalité elles doivent être appréciées non
seulement après instruction formelle systématique d'un dossier de
pénalité, mais surtout toute remise partielle ou totale doit être étayée et
justifiée par la démonstration de l'absence de préjudice pour la personne
publique du fait du retard125. A défaut la responsabilité pécuniaire du
125
A l'exception du cas où c'est la personne publique qui est responsable du retard.
représentant du pouvoir adjudicateur sera recherchée, le cas échéant par
la Cour des comptes dans le cadre de ses contrôles a posteriori.
Concernant tous les actes pris en exécution du marché la seule personne
habilitée est le représentant du pouvoir adjudicateur126, qu'il s'agisse des
décisions de poursuivre, de l'augmentation ou de la diminution des
montants, des actes spéciaux, des décisions relatives aux retards,
réceptions, ajournements, réfactions, résiliations, etc., a fortiori pour les
avenants. Néanmoins dans le cadre d'un marché particulier, le signataire
du contrat peut prévoir une délégation à certains agents que le marché
mentionne, en vue de les autoriser à signer certains actes subséquents, le
cas échéant avec une limite, délégation limitée aux seuls actes cités127. La
signature d'actes d'exécution par des agents non habilités car ne
disposant pas de délégation n'est pas rare dans le cadre de l'exécution
des marchés de travaux.
4. Documentation – références
Les références réglementaires principales ont été mentionnées aux
paragraphes précédents au fur et à mesure de leur évocation.
126
Délégation du ministre pour les services de l'Etat ou subdélégations générales desdits
délégataires. 127 Par exemple les décisions de réception ou d'augmentation/diminution du montant.
158
5. Points de contrôle
La démarche de contrôle d’un marché de travaux n’est pas différente de
celle d’autres marchés, elle trouve à s’appliquer toutefois dans le
contexte de marchés souvent importants et complexes portant sur des
prestations très techniques.
Les points de contrôle habituels relatifs à la passation pourront être
précisés ou complétés sur les éléments suivants :
Analyse des étapes préalables à la consultation
La vérification du contenu et du périmètre du marché au regard de la
notion d’opération est un point important notamment du fait des
conséquences que cela peut avoir sur le choix de la procédure de
passation.
Analyse du dossier de consultation
En cohérence avec les risques spécifiques identifiés supra, le contrôle
doit mettre l'accent sur les pièces particulières (CCAP et CCTP) qui
peuvent préciser les modalités d'application de certaines dispositions
des CCAG et CCTG mais aussi y déroger, avec d'éventuelles
conséquences en cas de contentieux dans l'exécution.
Le contrôle des règles relatives à la sous-traitance et
à la co-traitance a une importance particulière
Absence de sous traitance intégrale ;
Respect des textes réglementaires relatifs à la co-traitance ;
Vérification de l’acceptation expresse des sous-traitants ;
Vérification du paiement direct des sous-traitants ;
Existence d’un acte spécial en cas de sous-traitance intervenant
en cours de marché ;
Le contrôle de l’exécution est spécifique
Un audit de l’exécution opérationnelle est nécessaire au moins
pour comprendre les évolutions de la vie du marché.
La qualité du suivi de l'évolution du montant du marché durant son
exécution conditionne la régularité des décisions qui s'imposaient
(avenant ou décision de poursuivre), un contrôle de leur régularité
doit être réalisé
Il est nécessaire de vérifier qu'il n'y a pas eu de dérive dans les travaux
du fait d'aléas de chantier supposés.
De nombreuses difficultés résultent de la déficience du
coordonnateur de chantier. Il est utile de vérifier, même a posteriori,
que le choix fait après l'appel à candidature était pertinent (les
références sur des expériences d'opérations déjà menées et leur taille
159
financière et surtout sur la couverture financière en matière
d'assurance. Des surprises sont courantes sur ce dernier aspect.
Cela amène à auditer non seulement les avenants comme dans un
marché ordinaire mais aussi le respect des règles du CCAG encadrant
les actes unilatéraux constitués par les décisions de poursuivre
(pouvoir adjudicateur) ou plus souvent des ordres de service (son
maître d'oeuvre). Ces possibilités sont encadrées notamment en
montant et peuvent ouvrir droit à indemnité pour les entreprises
contractantes.
On vérifiera en particulier la qualité des signataires des actes pris en
exécution du marché, la signature par des agents non habilités n’étant
pas rare :
La vérification du service fait peut être approchée par le contrôle
des opérations de certification contradictoire des services faits
pour les marchés non forfaitaires et rémunérés par l'application
de bordereaux des prix unitaires et prestations effectivement
réalisées ;
On vérifiera particulièrement l’application des clauses de pénalité
et si des remises de pénalités ont été effectuées leur justification
et la démonstration d’une absence de préjudice pour le pouvoir
adjudicateur.
160
161
Fiche 4.2 : «Marché de
prestations intellectuelles
(audit, conseil, AMOA)»
Un marché de prestations intellectuelles est un marché de services faisant
appel exclusivement à des activités de l’esprit. Il peut s’agir notamment
de prestations d’études, de réflexion, de conception, de conseil,
d’expertise ou de maîtrise d’œuvre. Les domaines d’application sont très
divers (infrastructure, systèmes d’information, RH, finances, organisation,
formation…).
Ces marchés publics de prestations intellectuelles sont aussi appelés
marchés d'études.
La qualité et la performance des prestations réalisées sont par nature
difficiles à évaluer.
Ils peuvent comporter à titre accessoire une part de services dits courants
ou de fournitures.
1. Risques
Les principaux risques identifiables sont :
les risques ayant des conséquences sur la régularité des achats :
mise en cause de la liberté d’accès au marché, absence d’égalité
de traitement des candidats, marchés complémentaires non
justifiés.
les risques ayant trait à l’efficacité fonctionnelle et au bon usage
des achats : mauvaise maîtrise de la prestation (commandes
imprécises, livrables inadéquats, absence de validation du service
fait), résiliation du marché, contentieux.
les risques de nature à impacter l’efficacité économique et la
maîtrise des coûts : dérive budgétaire au travers d’avenants, de
bons de commande et de marchés complémentaires.
Il convient de rajouter un risque d’ordre pénal (prêt illicite de main
d’œuvre, article L8241-1 du code pénal) puisque ces marchés consistent
en la mise à disposition de l’administration de ressources et de
compétences, non disponibles en son sein. Les contrats doivent donc
respecter les critères de licéité dégagés par la jurisprudence.
2. Articles du code pertinents
Le Code des marchés publics (CMP) ne définit pas spécifiquement ces
marchés de prestations intellectuelles. Ces marchés sont soumis à un
cadre juridique complexe relevant à la fois du CMP, du Code de la
propriété intellectuelle et du cahier des clauses administratives générales
applicable aux marchés publics intellectuels (CCAG-PI), dont la dernière
version date du 16 septembre 2009.
Toutefois, il peut arriver que le marché étudié relève du CCAG applicable
aux fournitures courantes et de services (FCS).
162
Pour déterminer si le marché doit se référer à l'un ou l'autre des CCAG, il
est important de vérifier la nature de la prestation :
Dans le cas du CCAG-PI, les prestations doivent correspondre à des prestations d'études, de réflexion, de conception, de conseil ou encore d'expertises. Le CCAG-PI approuvé par l'arrêté du 16 septembre 2009 précise que " les marchés relevant du CCAG-PI donnent généralement naissance à des droits de propriété intellectuelle tels que droit de propriété industrielle, littéraire ou artistique ". L'existence de ces droits peut servir de critère pour l'application du CCAG-PI.
Dans le cas du CCAG-FCS les prestations seront plus banales et plus répétitives.
3. Documents
Pour la phase de passation les principaux documents à solliciter sont les
comptes-rendus des « commissions internes marchés », le règlement de
consultation (RC), le cahier des clauses administratives particulières
(CCAP), le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), les offres
des candidats, le rapport de présentation, l’acte d’engagement (AE), le
contrat, les avenants éventuels.
Pour l’exécution outre les bons de commande, on s’intéressera
particulièrement aux livrables pour en apprécier la consistance et la
réalité mais aussi pour examiner la procédure de réception et de contrôle
qualité. Dans ce domaine l’auditeur peut parfois être en mesure d’avoir
une opinion sur la qualité des produits rendus.
4. Etapes du contrôle
En pratique, on procédera souvent en trois temps en analysant, en
premier lieu, les conditions dans lesquelles le besoin a été défini, en
deuxième lieu, les conditions de la mise en concurrence, et, en troisième
lieu, les modalités d’exécution du marché.
La définition du contenu des prestations
De façon générale, l’auditeur posera au préalable les questions suivantes :
Pour quelles raisons l’organisme a-t-il recours à une société de
conseil ?
Un bilan des marchés précédents a-t-il été réalisé ?
Existe-t-il une base de données, un archivage des marchés
antérieurs ?
Comment le besoin a-t-il été déterminé ?
L’expression du besoin est-elle suffisamment précise ?
S’il s’agit d’un marché à unités d’œuvre, l’auditeur tiendra compte des
risques spécifiques à ce type de marché :
standardisation excessive des unités d’œuvre pouvant entrainer
une rigidité des solutions techniques et des coûts trop élevés ;
163
décalage entre le catalogue d’unités d’œuvre (UO) , très large, et
les UO effectivement utilisées dans l’exécution du marché ;
difficulté de la maîtrise d’ouvrage à apprécier l’adéquation des
solutions techniques avancées par le prestataire pour répondre
aux bons de commande.
Il pourra notamment être intéressant, de ce point de vue, de comparer le
« panier » d’UO proposé par le candidat dans les scénarios de référence
qui ont servi à sélectionner les offres avec celles effectivement utilisées
dans le cadre de l’exécution du marché.
La procédure de passation du marché
Les points de vigilance sont :
Quelle procédure a été privilégiée ? Les marchés de prestations intellectuelles peuvent faire l'objet
d'une procédure adaptée lorsque leur montant provisionnel est
inférieur à 207 000€ HT pour les collectivités territoriales, et à
134 000€ HT pour l'Etat.
Si le montant prévisionnel du marché dépasse ces seuils,
l'acheteur peut recourir à l'appel d'offres, ce qui, pour les marchés
de prestations intellectuelles, impose une grande rigueur dans
l’analyse des offres (modalités d’évaluation d’un savoir-faire,
d’une méthodologie, d’une équipe sur simple dossier transmis à
l'appui de l'offre).
D’autres procédures peuvent être plus appropriées :
o la procédure du dialogue compétitif (procédure
intéressante surtout dans les cas de projets de grande
importance dans des domaines innovants) ;
o la procédure négociée.
Le CCAG a-t-il été complété ou modifié ? Quel est le régime des droits de propriété intellectuelle ? Le CCAP comporte-t-il, sur ce point, la mention de l’option (A, concession des droits d’utilisation sur les résultats, ou B, cession des droits d’utilisation sur les résultats) du CCAG-PI retenue pour le marché ? Cette option est-elle cohérente avec l’utilisation des livrables envisagée par le pouvoir adjudicateur ? Quelle est la part des postes à bons de commande ? Un transfert de compétences vers l’administration est-il prévu en fin de marché ?
Quels sont les différents critères de sélection ? Les compétences professionnelles des moyens humains affectés à la réalisation de la prestation relative à l'objet du marché font-elles l’objet d’un critère d'attribution particulier ? Les critères sont-ils de nature à favoriser certains candidats ? Comment s’établit le critère financier ?
Il faut rappeler que l'analyse des offres dans le cadre de marchés
publics de prestations intellectuelles peut être assez subjective
(traduction par une note de l’évaluation des informations fournies par
les candidats). Théoriquement, l'acheteur public doit choisir des
critères de pondération permettant de juger le plus objectivement
possible les différents candidats et ainsi de comparer les offres entre
elles.
164
L’acheteur dispose-t-il d’une grille de lecture des offres ? Un canevas de réponse est-il fourni par l’acheteur ? Un cas pratique a-t-il été soumis aux candidats ? Les candidats ont-ils été auditionnés pour leur permettre de préciser leur offre ? Dans quelles conditions a été réalisée l’analyse, notamment technique, des offres ? En particulier celle-ci a-t-elle été collective ou faisant appel à plusieurs personnes de manière à limiter le risque de subjectivité ?
L’exécution du marché
L’auditeur vérifiera en particulier les points suivants :
Comment est organisé le pilotage du prestataire ? Les supports de pilotage sont-ils fournis par l’acheteur ou le prestataire ? Existe-t-il des outils d’évaluation des consultants ? Des livrables et prestations ? De la conformité des livrables par rapport aux bons de commande ? Existe-t-il une procédure de réception et de vérification ?
Quel usage est-il fait des postes à bons de commande ? Y a-t-il adéquation entre les intitulés des bons de commande et les prestations effectuées ?
Les avenants et les bons de commande sont-ils justifiés ?
Les bons de commande doivent faire l’objet d’une attention toute
particulière. Il convient notamment de vérifier qu’ils se rapportent
bien à l’objet du marché concerné, qu’ils comportent un objet précis
et qu’ils font appel avant tout à des compétences.
Le traitement du risque de prêt illicite de main
d’œuvre Il conviendra surtout de vérifier que :
le contrat n’a pas pour objet exclusif la mise à disposition de
personnel et porte sur une tâche à accomplir avec précision ;
le prestataire apporte un savoir qui n’est pas disponible au
sein de l’organisme ;
la prestation de services n’aboutit pas au transfert du lien de
subordination au profit de l’organisme vis-à-vis du personnel
détaché. Le prestataire doit donc conserver l’autorité sur son
personnel et exercer un contrôle sur la réalisation du travail ;
la facturation est fixée forfaitairement en rémunération d’une
prestation globale, sans aucune référence même indirecte ou
implicite au nombre d’heures travaillées.
5. Signaux d’alerte
Les principaux signaux d’alerte que l’auditeur doit garder à l’esprit sont :
Une dérive budgétaire, la multiplication des bons de commande, un nombre important d’avenants.
Une mauvaise exécution du marché, des livrables d’une qualité inférieure aux attentes, des retards de livraison.
Une obligation de moyens non réalisée : absences de certains consultants, modification des équipes de consultants en cours d’exécution, taux de « séniorité » décroissant au fur et à mesure de l’exécution des prestations.
165
6. Recommandations possibles
En fonction des situations, l’auditeur pourra formuler différentes
recommandations parmi lesquelles :
Limiter le recours aux marchés de conseil et AMOA, privilégier l’utilisation des ressources internes.
Ne recourir aux cabinets que pour des missions très spécifiques et techniques ou encore à haute valeur ajoutée.
Allotir le marché quand cela est possible et limiter le nombre de lots attribués à un candidat.
Limiter l’usage des marchés à unités d’œuvre, des postes à bon de commande sans plafond maximum.
Eviter les critères de sélection discriminants du type « compréhension des problématiques du ministère ».
Vérifier la conformité des offres avec les besoins exprimés.
166
167
Fiche 4.3 : «Les marchés de
prestations informatiques
(études et
développements) »
Il convient de distinguer, les marchés d’études, des marchés de
développements :
Les marchés d’études informatiques consistent le plus souvent à déléguer à un prestataire, une étude de faisabilité ou de rédaction de cahier des charges en vue de la passation d’un marché pour réaliser un logiciel spécifique.
Les marchés de développement consistent à réaliser un logiciel spécifique à partir d’un cahier des charges. Il s’agit le plus souvent d’un marché global dont certains lots sont relatifs à des prestations connexes comme la formation ou la maintenance. Le droit français tout comme le droit communautaire considère que ce type de marchés relève des marchés de services.
En revanche, ce type de marchés ne couvre pas l’achat de logiciels
standards (ou progiciels) dits « sur étagères ». En effet, il s’agira
alors d’un marché de fournitures et non de services. La
nomenclature européenne CPV (Common Procurement
Vocabulary) classe les logiciels qui ne sont pas développés selon
les spécifications d’un donneur d'ordre, dans la catégorie des
« matériel et fournitures informatiques ». Cette différence est
claire pour des progiciels de type bureautique, elle l’est beaucoup
moins quand l’achat d’un progiciel de gestion intégrée (PGI
exemple SAP) conduit non seulement à des prestations visant à
paramétrer le logiciel mais aussi à « l’adapter » à des besoins
spécifiques ce qui conduit en réalité à des développements
nouveaux faits en utilisant des outils de développement
propriétaires.
Un prestataire peut se voir également confier en lien avec ce type de
marchés, une mission d’assistance à maitrise d’ouvrage (AMOA) qui
consistera à suivre, en lien avec le pouvoir adjudicateur, la réalisation
(assistance au pilotage/qualité) et la mise en service d’un logiciel. Dans
certains cas, le marché passé visera à ce que le prestataire assure la
totalité de la maîtrise d’ouvrage.
Une caractéristique spécifique à ce type de marché est une organisation
qui nécessite l’intervention d’un service maître d’ouvrage qui va utiliser le
produit ou représente les utilisateurs, d’une direction des systèmes
d’information qui maîtrise la relation contractuelle et d’un prestataire. Par
rapport aux autres d’achats le rôle du maître d’ouvrage est plus important
car son intervention dans la réception du produit est souvent plus lourde
que dans d’autres domaines.
168
1. Risques
Les principaux risques identifiables sont :
Les risques ayant des conséquences sur la régularité des achats :
mise en cause de la liberté d’accès au marché, absence d’égalité
de traitement des candidats, marchés complémentaires non
justifiés. De ce point de vue il faut rappeler un trait culturel
spécifique au domaine, longtemps accepté y compris par
certaines instances de contrôle, qui y rendrait l’application du
CMP plus difficile, conforté par une culture technique du « one
best way ».
Il faut également mentionner dans cette catégorie de risques, les
problématiques liées aux droits (concession d’utilisation vs
cession (art. L131-3 du CPI). Ces mentions devront
obligatoirement être précisées (généralement le CCAG-TIC ou le
CCAP). Dans le cadre du développement d’un logiciel spécifique, il
s’agira le plus souvent de la cession des droits de la part du
prestataire au pouvoir adjudicateur.
Les risques ayant trait à l’efficacité de la commande publique et
au bon usage des achats : mauvaise maîtrise de la prestation
(cahier des charges imprécis, livrables non-conformes), résiliation
du marché, contentieux.
Les risques de nature à impacter l’efficacité économique et la
maîtrise des coûts : dérive budgétaire au travers d’avenants, de
bons de commande et de marchés complémentaires souvent de
type correctifs pour résorber les malfaçons.
Des risques d’ordre pénal :
o Le prêt de main d’œuvre à but lucratif (art. L. 8241-1 du code pénal). Ces marchés consistent en la mise à disposition de l’administration, de ressources et de compétences. Il est nécessaire et obligatoire que les collaborateurs du titulaire ne soient pas directement placés sous les ordres du pouvoir adjudicateur. Il ne peut pas y avoir un quelconque lien hiérarchique sous peine de voir la responsabilité du pouvoir adjudicateur engagée. Il faut donc veiller à ce que ne s'établisse aucun lien de subordination entre les collaborateurs du titulaire et la personne publique.
o La loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (n° 78-17 du 6 janvier 1978) édicte un régime strict de protection pour les données personnelles les plus sensibles dont le traitement, à l’exception de quelques cas particuliers, est interdit sous peine de lourdes sanctions pénales (art. L. 226-16 à 226-24, R. 625-10 à R. 625-13 du code pénal). La CNIL est vigilante et stricte dans l’application de la loi. Les traitements mis en œuvre par des organismes publics
doivent recueillir l'avis de la CNIL (art. L 26 et 27) quand des
données concernant les points suivants sont mis en œuvre :
la sûreté, la défense ou la sécurité publique ;
la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite d’infractions pénales ou l’exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté ;
l’utilisation du NIR (n° de sécurité sociale) ou la consultation du RNIPP (lorsque les organismes ne sont pas déjà habilités) ;
169
l’utilisation de données biométriques (empreintes digitales, contour de la main, iris de l’œil, etc.) ;
le recensement de la population ;
les téléservices de l’administration électronique.
2. Articles du code pertinents
Le Code des marchés publics (CMP) ne définit pas de dispositions
particulières pour les marchés de prestations informatiques. Il précise en
revanche, certaines règles applicables aux marchés informatiques :
Article 29 : les « marchés de services informatiques et services connexes » sont soumis aux règles prévues au titre III selon lesquelles la passation des marchés est soumise aux procédures formalisées dès lors que le montant estimé des besoins est égal ou supérieur aux seuils fixés par l’article 26128.
Article 56 : Pour les « achats de fournitures de matériels informatiques et de services informatiques » d'un montant supérieur à 90 000 euros HT, les candidatures et les offres sont transmises par voie électronique.
Pour autant, ce type de marchés est soumis à un cadre juridique
complexe relevant à la fois du CMP et du cahier des clauses
administratives générales applicable aux techniques de l’information et
128
Ce point est repris également à l’article 204 qui est spécifique aux dispositions
applicables pour les marchés de défense ou de sécurité.
de la communication (CCAG-TIC), dont la dernière version date du
16 octobre 2009. Les aspects relatifs à la propriété intellectuelle sont
intégrés dans ce CCAG évitant ainsi de devoir recourir au CCAG-PI pour les
logiciels même complexes.
Dans le cadre d’un audit portant sur un marché antérieur à octobre 2009,
il est important de signaler que les marchés informatiques relevaient
jusqu’alors, d’un chapitre particulier (chapitre VII) du CCAG - Fournitures
courantes et services (CCAG-FCS).
3. Documents
Les principaux documents spécifiques aux marchés de prestations
informatiques à solliciter sont :
le cahier des clauses administratives générales techniques de l'information et de la communication (CCAG TIC) ;
le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ;
le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) qui décrit les fonctionnalités attendues (il est fréquent que le degré de précision soit insuffisant et que les contestations naissent quant à l’inclusion dans les obligations contractuelles de telle ou telle fonctionnalité) ;
Le plan assurance qualité (PAQ) : il s’agit du document qui décrit les dispositions particulières mises en œuvre pour la réalisation d'un produit ou d'un service afin de répondre aux exigences contractuelles en matière de qualité ;
Les plannings (prévisionnels et réalisés) ;
la documentation technique et/ou utilisateur du logiciel.
170
4. Points de contrôle
Des étapes habituelles du contrôle (conditions dans lesquelles le besoin a
été défini, conditions de la mise en concurrence, modalités d’exécution du
marché) donnent lieu à des questions spécifiques. L’audit de l’exécution,
afin de mieux prendre en compte les spécificités de ce type de marché,
est organisé en reprenant les grandes phases qui jalonnent les projets de
développement logiciel (cf. annexe).
La définition du contenu des prestations
Des questions spécifiques peuvent être posées
L’expression du besoin est-elle suffisamment précise pour permettre le développement du logiciel ? Toutes les grandes fonctionnalités souhaitées sont-elles énumérées ? Ainsi, que les types d’utilisateurs et leurs droits associés ? Qui a réalisé le cahier des charges ? Qui l’a contrôlé ? A-t-il été réalisé par un prestataire ?
Le cahier des charges privilégie-t-il des normes ouvertes et non propriétaires ? Le logiciel peut-il fonctionner sur du matériel (postes de travail/serveurs) standard et non spécifique ?
Les aspects de sécurité sont-ils pris en compte ? Les référentiels et guides des bonnes pratiques de l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) ont-ils été utilisés ?
Des données sensibles seront-elles collectées et stockées ? Si oui, le fichier de données a-t-il fait l’objet d’une déclaration à la CNIL ? Un avis a-t-il été rendu ? Un correspondant informatique et libertés existe-t-il dans la structure ?
L’acquisition de licences tierces est-elle nécessaire pour faire fonctionner le logiciel ? Leur prix est-il inclus dans le coût global ?
Le CCAG TIC est-il utilisé ? Un CCAP existe-t-il ? Les droits d’utilisation et de propriété du logiciel sont-ils précisés ?
La réversibilité est-elle prévue ainsi que les différents types de maintenance (correctives, applicatives) garantissant le bon fonctionnement du logiciel tout au long de sa durée de vie ?
La procédure de passation du marché
La question du choix de la procédure aura une importance
particulière :
Un accord-cadre couvre-t-il ce type de marchés ? Si oui, le marché est-il mis en œuvre via l’accord-cadre (marché subséquent) ?
Quelle procédure a été privilégiée ? Si un appel d’offre restreint a été sélectionné, quelles en sont les raisons (savoir-faire très spécifique) ? L’appel d’offres restreint peut être un moyen pertinent pour retenir des candidats qui maîtrisent des outils techniques particuliers, encore faut-il que le recours à ces outils ne soit pas discriminatoire ce qui conduit à porter un intérêt particulier à la phase de sélection des candidatures.
D’autres procédures peuvent être plus appropriées :
o la procédure du dialogue compétitif : Lorsque le pouvoir adjudicateur ne peut définir seul et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins (logiciel innovant) ;
o Marché à procédure adaptée (Mapa).
171
On portera une attention particulière à certaines questions
standards :
L’ensemble des prestations prévues dans le cadre du marché sont-elles exprimées sous la forme d’unités d’œuvre (UO) ? Un panier type d’UO a-t-il été constitué afin de pouvoir comparer les offres des prestataires ? Le panier est-il représentatif de l’ensemble des prestations pouvant intervenir pendant la durée du marché ?
Une réunion d’information a-t-elle été organisée ? Les candidats ont-ils été auditionnés pour leur permettre de préciser leur offre ?
Le marché fait-il apparaître une ou plusieurs tranches fermes ainsi que des tranches conditionnelles ? La mise en place de tranches fermes et conditionnelles permet de valider la compétence du prestataire et de limiter les risques en conditionnant la suite du projet à la réussite des premières réalisations.
Une définition non ambiguë des différents acteurs et de leur rôle existe-t-elle entre le pouvoir adjudicateur et le prestataire ? Il est indispensable qu’apparaisse très clairement à qui revient la maitrise d’ouvrage et le maitrise d’œuvre.
Le non respect du principe d’allotissement est-il justifié ?
Quels sont les différents critères de sélection ? La pondération des critères correspond-elle aux usages habituels ? Des sous-critères sont-ils utilisés ? Les critères sont-ils de nature à favoriser certains candidats ? Une grille de dépouillement des offres faisant apparaître les différents critères existe-elle ? Dans quelles conditions a été réalisée l’analyse, notamment technique, des offres ? Qui a été désigné pour la réaliser ? Est-ce un prestataire ?
Comment est déterminée la formation du prix des offres ? Des offres basées sur des journées/homme sont-elles retenues ? Si oui, pour quelles raisons alors que ce mode de calcul est proscrit ?
En effet, l’offre du prestataire se traduira par une obligation de
moyens (exprimés en journées/hommes) avec une relation
hiérarchique plus ou moins directe entre son personnel et le
pouvoir adjudicateur. Le risque de se retrouver en situation de
prêt illégal de main d’œuvre à but lucratif est alors bien réel. En
outre, la rémunération au temps passé caractérisant l’un des
éléments du contrat de travail, un salarié mis à disposition
pourrait revendiquer d’être embauché par le pouvoir
adjudicateur.
La CSMI (Commission spécialisée des marchés d'informatique -
depuis supprimée) avait rappelé que "des coûts horaires ou des
coûts de journées ne sauraient constituer un prix de marché et
qu'il convenait donc de définir des unités d'œuvre représentatives
de la prestation à réaliser".
Le versement d’avances est-il prévu ? Sont-elles conditionnées à des phases de livraison intermédiaire ? Les montants correspondent-ils aux usages habituels ?
La réversibilité est-elle prévue et si oui quelle forme (prestations expressément identifiée) ?
L’article L.122-6-1, III, du CPI autorise le droit d’étudier et de
tester le logiciel pour déterminer les idées et principes qui sont à
sa base, ce que l’on nomme « ingénierie inverse ». La portée de
172
cet article résulte surtout de l’interdiction d’y déroger
contractuellement.
L’article L 122-6-1, IV du CPI, afin de garantir l’interopérabilité
entre SI, autorise la possibilité de décompiler le code. Les
informations obtenues ne peuvent être utilisées que pour assurer
l’interopérabilité.
Afin de toujours garantir l’interopérabilité, certaines personnes
(éditeurs de logiciels, exploitants, …) ont droit (art. L 331-32 du
CPI) à la communication des informations essentielles (définies à
l’art. L331-32) l’interopérabilité et peuvent saisir en cas de refus
du détenteur la Haute Autorité (décision sous deux mois).
Des pénalités sont-elles prévues ? Si oui, de quelles natures sont-elles (retards livraison, performances insuffisantes, ...) ? Comment sont définis les montants ? Quelles sont les modalités d’application de ces pénalités ?
Le TCO est-il évalué ? Tient-il compte d’éléments comme l’éventuelle nécessité d’acquérir des licences tierces ou bien encore, des coûts liés à la maintenance ?
L’exécution du marché
Cette partie sur l’exécution du marché est structurée en reprenant les
différentes phases d’un projet d’étude et de développement, telles
que détaillées dans l’annexe à cette fiche.
Néanmoins, les points de vigilance ci-dessous sont communs à
l’ensemble des phases du projet :
Comment est organisé le pilotage du prestataire ? La comitologie habituelle est-elle en place (instances de pilotage, fréquence de réunion, attributions, acteurs) ?
Un plan assurance qualité (PAQ) existe-t-il ? Est-il signé par le pouvoir adjudicateur (généralement au moment de la réunion de lancement).
Le suivi du projet est-il régulier ? Les outils de pilotage sont-ils mis à jour et transmis régulièrement au pouvoir adjudicateur (planning, pourcentage de réalisation, …) ?
Des recettes intermédiaires sont-elles prévues ? En cas de problème majeur, un comité de crise est-il prévu ?
Des outils de suivi de projet sont-ils utilisés (planning : diagramme de gantt, affection des différents profils sur des taches du projet, …)
173
1 – Phase d’élaboration et validation des spécifications
fonctionnelles détaillées (SFD)
Les SFD sont-ils conformes au cahier des charges initial ? Couvrent-elles la totalité des fonctionnalités prévues ? Permettent-elles d’élaborer un planning de développement détaillé ?
Qui valide pour le pouvoir adjudicateur le document des spécifications ?
2 - Phase de développement
Les revues intermédiaires donnent-elles lieu à des comptes-rendus ? Comment sont-ils validés ?
Les suivis de planning sont-ils tenus à jour et par qui ?
Des bons de commande sont-ils déclenchés pendant cette phase ? Ils peuvent mettre en évidence une mauvaise évaluation des délais initiaux ou de difficultés techniques qui n’ont pas été suffisamment appréhendées lors de la phase de spécifications.
Le procès-verbal de réception a-t-il été signé ? Si oui, par qui ? Si, un délai a été nécessaire, quelles en sont les raisons ? Des réserves sont-elles consignées ? Quelles en sont la gravité ? Si le pouvoir adjudicateur n’est pas en mesure de prendre une
décision positive de validation de la conformité du logiciel aux
spécifications (VABF) du fait du constat d’anomalies ou de
malfaçons, il prend une décision d’ajournement ou de rejet, selon
les modalités fixées à l’article 28 du CCAG TIC.
En cas d’ajournement, décision prise par le pouvoir adjudicateur
quand il estime que le logiciel pourrait être reçu moyennant des
corrections à opérer, une nouvelle mise en ordre de marche peut
être alors exécutée à sa demande.
C’est à bon droit que peut être résilié un marché informatique dès
lors que les logiciels ne fonctionnent pas bien, ne sont pas
conformes aux spécifications du marché et que les délais ne sont
pas respectés129.
Dans le cas de défauts affectant le logiciel, la personne publique
peut pratiquer la réfaction du prix mais non refuser tout
paiement130.
3 – Phase de recette
L’auditeur vérifiera en particulier les points suivants :
La procédure de contrôle des résultats (protocole de recette) existe-t-elle ? Est-elle documentée ?
Les acteurs appartenant à la MOA sont-ils bien identifiés et compétents pour réaliser la recette ? Des futurs utilisateurs sont-ils associés à la recette ?
Des jeux de tests sont-ils préparés afin de valider la conformité du logiciel aux fonctionnalités prévues ?
129
TA Rouen 7/11/2006, société Objin Ingénierie objet, req n°0402908 130
CAA Paris 20/05//2005 Inserm, req. N° 02PA02792
174
Le prestataire a-t-il effectué des tests avant la livraison et les a-t-il consignés dans un cahier de recette ?
Les avenants et les bons de commande éventuellement passés sont-ils justifiés ?
La vérification d’aptitude du bon fonctionnement (VABF) est-elle prévue ? Si oui, est-elle bien définie ainsi que les conditions nécessaires à l’établissement du procès-verbal ?
Le délai imparti au pouvoir adjudicateur pour procéder à la VABF
et notifier sa décision est d’un mois (cf. CCAG TIC – art. 27.2.1) à
partir de la date de notification de l’écrit par lequel le titulaire
avise le pouvoir adjudicateur que les prestations sont prêtes à
être vérifiées ou, à défaut, de la date de notification par le
titulaire du procès-verbal réception au pouvoir adjudicateur.
Des pénalités sont-elles prévues ? Si oui, ont-elles été
déclenchées ?
4 - Phase d’installation en production et de validation de service
régulier (VSR)
Si le résultat de la vérification de service régulier est négatif, le pouvoir adjudicateur prend une décision écrite qu’il notifie au titulaire, soit :
d’ajournement avec vérification de la régularité de
service pendant une période supplémentaire
maximale d’un mois ;
de réception avec réfaction qui consiste à réduire le
montant des prestations à verser au titulaire, lorsque
les prestations ne satisfont pas entièrement aux
prescriptions du marché, mais qu’elles peuvent être
reçues en l’état.
de rejet qui est la décision prise par le pouvoir
adjudicateur qui estime que les prestations ne
peuvent être reçues, même après ajournement ou
avec réfaction.
La preuve du dysfonctionnement de logiciels est à la charge de la
personne publique et ne saurait résulter de simples constatations
unilatérales131. Le recours à un expert indépendant est
recommandé pour faire émerger la preuve.
La réception peut être limitée aux seuls éléments dont la
régularité de service a été vérifiée, pourvu qu’ils permettent
l’utilisation dans des conditions jugées acceptables par le pouvoir
adjudicateur.
Si le pouvoir adjudicateur ne notifie pas sa décision dans le délai
de sept jours mentionné au premier alinéa de l’article 27.2.2 du
CCAC TIC, le résultat de la vérification de service régulier est
considéré comme positif et les prestations sont réputées reçues.
5 – Phase de période de garantie
Quelle est la durée de la garantie ? Est-elle prolongée par la suite par un contrat de maintenance ? Si oui, les anomalies de
131
CAA Paris 4/05/2008, communauté de communes des Coteaux du Morin et l’Aubetin,
req. 06PA01027
175
différentes natures (logicielles, matérielles) sont-elles prises en compte par les contrats de maintenance ?
Le délai de garantie est-il prolongé du délai de privation de jouissance en cas d’interruption de service ?
Les délais de remise en état de fonctionnement en fonction de la gravité de l’anomalie sont-ils précisés pendant les période de garantie et de maintenance ?
5. Signaux d’alerte
Les principaux signaux d’alerte que l’auditeur doit garder à l’esprit
sont :
Un dérapage du planning (retards de livraison) qui met souvent en évidence une mauvaise exécution du marché. Cela peut être l’indice de dysfonctionnements de la maîtrise d’ouvrage comme du prestataire ;
Difficultés de communication avec le prestataire, des consultants remplacés au pied levé pour aller sur d’autres missions (cela met peut mettre en évidence des difficultés de trésorerie du prestataire) ; …
Une dérive budgétaire liée à la multiplication des bons de commande, un nombre important d’avenants pour tenter de corriger des livrables ne répondant pas aux spécifications.
6. Recommandations possibles
En fonction des situations, l’auditeur pourra formuler différentes
recommandations parmi lesquelles :
Favoriser la mise en place des tranches conditionnelles et allotir autant que possible le marché ;
Rencontrer les soumissionnaires et favoriser une analyse des offres collégiale. Ne pas hésiter à rencontrer des clients signalés comme références par le prestataire ;
Mettre en place un suivi important en phase de lancement ;
Valider les SFD avec la direction métier.
S’assurer de l’information et de l’implication de la hiérarchie du côté du pouvoir adjudicateur ainsi que du prestataire ;
S’assurer que la réversibilité est présente dans le marché afin de pouvoir favoriser et permettre la reprise de l’existant par un autre prestataire ;
S’assurer que la documentation technique existe et qu’elle est de nature à assurer la reprise du logiciel par un autre prestataire.
176
FICHE 4.3.1 : ANNEXE : LES DIFFÉRENTES PHASES
D’UN PROJET INFORMATIQUE
1 – Phase d’élaboration et validation des spécifications
fonctionnelles détaillées
La première phase d’un projet informatique est constituée par
l’élaboration des spécifications fonctionnelles détaillées (SFD)
et techniques (SFT) du logiciel à réaliser, à partir du CCTP.
Les SFD permettent de détailler le fonctionnement de chacune
des fonctionnalités prévues, les modèles de données ainsi les
écrans associés (cinématique et ergonomie).
Cette phase est la plus importante de tout le projet car elle
conditionne le bon développement du logiciel. Elles
permettent, par ailleurs, de suivre la phase de développement
de manière très précise puisque chaque fonctionnalité est
répertoriée et décrite.
Des méthodes standards existent pour analyser et formaliser
les SFD : la France utilisait historiquement (depuis le milieu des
années 70), la méthode MERISE qui est une méthode complète
de gestion de projet informatique mais progressivement, les
acteurs de l’informatique se sont emparés d’UML qui se
focalise sur la modélisation d’un logiciel. La méthode MERISE
reste cependant très présente dans l’administration.
La validation des SFD par les deux parties (pouvoir adjudicateur
et prestataire) est contractualisée au travers d’un document de
spécifications.
2 - Phase de développement
Une fois les SFD validées, la phase de développement du
logiciel peut commencer (avec les méthodes agiles, le
développement peut commencer une fois certaines parties des
SFD validées).
Cette phase est ponctuée de revues intermédiaires afin de
s’assurer du bon déroulement des développements. Ces revues
peuvent également permettre de déclencher le versement
d’une partie du montant du marché (si prévu) après la
signature d’un procès-verbal de service fait (PVSF) qui établit la
réalité de l’effectivité de la réalisation intermédiaire.
Cette phase s’achève par la signature du procès-verbal de
réception (ou livraison).
La DISIC tend à encourager au sein de l’administration, des
méthodes de développement dites « agiles » qui tendent à
limiter la phase d’élaboration des spécifications en
privilégiant la phase de développement (approche
incrémentale). Ces méthodes qui peuvent avoir leur
pertinence pour des petits projets sont difficilement
utilisables pour des projets importants. Elles exigent, par
ailleurs, une présence permanente du chef de projet
MOA. auprès de l’équipe des développeurs.
177
3 – Phase de recette
Les développements sont achevés et la phase de tests et de
recette va pouvoir commencer : il s’agit de s’assurer que le
logiciel développé est conforme aux SFD ainsi qu’à un certain
nombre d’autres métriques comme les temps de réponses,
l’ergonomie, …
Le livrable (logiciel) est installé dans un environnement de pré-
production et la vérification d’aptitude du bon fonctionnement
(VABF) peut commencer.
Un cahier de recette répertorie l’ensemble des tests à effectuer
afin de s’assurer de la conformité du logiciel. Si des anomalies
(bugs) sont constatées, le pouvoir adjudicateur les consigne
dans un recueil d’anomalies.
Les corrections sont apportées, au fur et à mesure, jusqu’à ce
que plus aucunes anomalies bloquantes ou majeures ne soient
décelées. Les anomalies sont réparties en plusieurs catégories
(bloquantes, majeures, mineures). Les anomalies mineures ne
sont, en général, pas de nature à empêcher la finalisation de la
phase de recette.
Au terme de cette phase, si tout est conforme, le procès-verbal
de recette est signé.
4 - Phase d’installation en production et de VSR
Le logiciel est installé dans l’environnement de production. Le
déploiement est souvent progressif et seuls quelques sites
pilotes sont retenus pendant cette phase. En outre, elle ne
commence souvent qu’après la phase de reprise des données
qui permet de limiter les ressaisies d’informations entre le
passage entre un ancien SI et le nouveau. La formation des
utilisateurs est concomitante à cette phase voire réalisée
pendant la phase de recette.
La vérification du service régulier (VSR) peut commencer :
d’une durée variable et pouvant aller jusqu’à plusieurs mois,
elle a pour objet de constater que les prestations fournies sont
capables d’assurer un service régulier dans les conditions
normales d’exploitation prévues dans les documents
particuliers du marché (CCAP et CCTP).
A titre d’exemple, un service pourrait être réputé régulier si la
durée cumulée, sur le mois, des indisponibilités imputables à
chaque élément de matériel ne dépasse pas 2 % de la durée
d’utilisation effective qui s’étend de 8 heures à 18 heures, du
lundi au vendredi, jours fériés exclus. Des tests de montée en
charge peuvent être exécutés.
Au terme de la VSR, si le résultat est positif, le pouvoir
adjudicateur prend une décision de réception.
178
5 – Phase de période de garantie
La période de garantie commence à la date de notification de la
décision de réception et fait l’objet d’une durée minimale d’un
an.
Au titre de cette garantie (cf. CCAG TIC), le titulaire s’oblige à
remettre en état ou à remplacer à ses frais la partie de la
prestation qui serait reconnue défectueuse, exception faite du
cas où la défectuosité serait imputable au pouvoir adjudicateur.
Cette garantie couvre également les frais de déplacement de
personnel, de conditionnement, d’emballage et de transport de
matériel nécessités par la remise en état ou le remplacement,
qu’il soit procédé à ces opérations au lieu d’utilisation de la
prestation ou que le titulaire ait obtenu que la fourniture soit
renvoyée à cette fin dans ses locaux.
Lorsque, pendant la remise en état, la privation de jouissance
entraîne pour le pouvoir adjudicateur un préjudice, celui-ci
peut exiger un matériel de remplacement équivalent.
Le délai de garantie est prolongé du délai de privation de
jouissance.
Le délai dont dispose le titulaire pour effectuer une mise au
point ou une réparation qui lui est demandée est fixé par les
documents particuliers du marché ou, à défaut, par décision du
pouvoir adjudicateur après consultation du titulaire.
Pendant le délai de garantie, le titulaire doit exécuter les
réparations qui lui sont prescrites par le pouvoir adjudicateur. Il
peut en demander le règlement, s’il justifie que la mise en jeu
de la garantie n’est pas fondée.
La fin de cette période de garantie met un point final au projet.
Il peut être continué par un contrat de tierce maintenance
applicative (TMA).
179
Fiche 4.4 : «Les marchés de
prestations informatiques :
Tierce maintenance
applicative»
Une définition : La « tierce maintenance applicative » (TMA) est définie à l’article 31.1 du
CCAG TIC comme les prestations qui consistent à conserver un
programme informatique dans un état lui permettant de remplir sa
fonction. Ces prestations de maintien en condition opérationnelle
s'exécutent à titre préventif ou correctif. Elles peuvent également
concerner des prestations d'évolution des logiciels. Ces services peuvent
être rendus sur le site du pouvoir adjudicateur ou à distance dans les
locaux du titulaire du marché.
On en distingue trois types :
1. « préventive » : mesures d'entretien exécutées pour éviter la survenance d'anomalies.
2. « corrective » : mesures consistant à corriger les anomalies.
3. et « évolutive » : mesures visant à faire évoluer ou à adapter une ou plusieurs applications, afin d'intégrer de nouvelles fonctions, d'en améliorer le fonctionnement ou
de prendre en compte de nouvelles dispositions législatives ou règlementaires.
Pour autant, la maintenance ne doit pas être confondue avec la garantie
légale des vices cachés. Le concepteur (ou éditeur) de la solution logicielle
est tenu à une obligation de garantie des vices cachés.
1. Risques
Les principaux risques identifiables sont :
Les risques ayant des conséquences sur la régularité des achats :
Un titulaire récurrent :
Il existe un risque d’absence de traitement d’égalité des candidats
quand vient le moment de renouveler un marché de
maintenance. En effet, le titulaire en place (souvent l’éditeur ou la
société tierce qui a développé la solution logicielle) est souvent en
position de force. Changer de prestataire, notamment dans le cas
d’un développement spécifique, n’est pas sans risque : la montée
en compétences d’un nouveau titulaire nécessite un
investissement en temps et en personnel important.
Afin de limiter ce risque, il est recommandé que le marché initial
ait mentionné des unités d’œuvre détaillées relatives à la
réversibilité afin de permettre à un nouveau titulaire de pouvoir
disposer de toutes les informations utiles et nécessaires. Il sera
180
alors en capacité de pouvoir assurer la reprise puis la
maintenance du SI dans les meilleures conditions.
Une durée du marché inappropriée:
La durée du contrat de maintenance n’est pas anodine. Trop
courte, elle risque de décourager des réponses lors de l’appel
d’offre (principalement dans le cadre d’une solution développée
pour le PA). En effet, reprendre la maintenance d’une solution
logicielle demande un effort important et seule une durée
suffisante pourra justifier l’investissement.
A l’inverse, une durée trop longue peut installer une trop grande
dépendance du PA vis-à-vis du titulaire.
L’utilisation d’un marché de maintenance pour réaliser des
développements nouveaux qui auraient dû faire l’objet d’une
nouvelle mise en concurrence.
Les risques ayant des conséquences sur l’exécution du marché :
De ces risques nombreux, nous ne mentionnerons que les plus
significatifs :
Un objet du marché imprécis ou incomplet : L’objet du contrat doit être nécessairement précisé ainsi que
l’ensemble des prestations132, faute de quoi, le contrat de
132 CA Paris, 6 mars 1993, Prud’homme Transmissions c/Technologie
Télécommunications Informatique Services, Expertises, n° 165, p. 359. En
l’espèce, la description de la maintenance était trop vague et imprécise.
maintenance pourrait être entaché d’un risque de nullité
absolue133.
Au-delà des seules prestations, il est recommandé que des
délais d’interventions (ainsi qu’éventuellement des pénalités)
soient précisés,à A charge pour le PA de définir la durée
d’indisponibilité tolérée, ainsi que les critères objectifs et
quantitatifs qui la caractérisent (nature de l’incident technique,
durée des interruptions, gravité des conséquences sur le
système, …).
Une confidentialité des données non assurée :
Le prestataire peut être amené à avoir accès à des données
sensibles lors du déroulement de sa mission. Il s’agit le plus
souvent de données personnelles, nominatives et privées.
Une clause de confidentialité sera alors nécessaire. Celle-ci
précisera notamment que le titulaire prendra toutes les
mesures et précautions nécessaires pour assurer la
confidentialité, et s’engagera si nécessaire à faire signer à son
personnel un engagement de confidentialité. Le prestataire
s’engagera à ne pas divulguer des informations, ni à les utiliser
à d’autres fins que l’exécution du contrat. A défaut, il serait
susceptible d’engager sa responsabilité et de voir le contrat
résilié pour manquement à ses obligations.
133
CA Pau, 18 mars 1999, Secura c/ Flore Deco, JAMP 1999/2, p. 287
181
Une cession du marché inappropriée:
Un marché de tierce maintenance applicative est cessible
comme tout marché, cela malgré le caractère intuitu
personae du contrat. Cette cessibilité admise par la
jurisprudence134.
Si le PA souhaite limiter cette possibilité notamment au
regard d’aspects liés à la confidentialité, il pourra refuser la
cession au motif que les garanties présentées dans ce
domaine par le cessionnaire sont insuffisantes.
De même, si la cession paraît de nature à remettre en cause
les éléments essentiels relatifs au choix du titulaire initial
du contrat (durée, prix, nature des prestations, …), ou à
modifier substantiellement l'économie du contrat, le PA a
l’obligation de refuser cette cession. Le changement de
cocontractant ne pourra alors être réalisé qu’après
réalisation des procédures de publicité et de mise en
concurrence préalables prévues par le CMP.
L’obligation du titulaire d’être qualifié :
Le pouvoir adjudicateur doit être assuré des compétences
du prestataire : il pourra légitimement lui demander de
prouver sa qualification ainsi que celle de son personnel.
Par ailleurs, le prestataire ne saurait envoyer auprès du PA
134
CE, Avis, 8 juin 2000, n° 364803 : L’approbation de la cession par le pouvoir
adjudicateur est obligatoire, mais de droit, sauf si la personne publique explique en quoi l’économie du contrat est bouleversée ou que les garanties professionnelles et financières du candidat ne sont pas à la hauteur du marché.
un personnel insuffisamment qualifié dans le but de
respecter les délais d’intervention prévus au contrat135.
Le règlement :
Le PA ne paiera au prestataire que ce qui est initialement prévu au contrat, même s’il a effectué des travaux supplémentaires utiles, voire indispensables, dès lors qu’aucun bon de commande ne peut être produit, document justifiant une demande particulière de la part du PA et dépassant le champ de la maintenance contractuelle, et de ce fait, justifiant un paiement supplémentaire136.
L’accès aux codes sources : C’est particulièrement important quand le titulaire n’est
pas celui qui a développé originellement le système
d’information (développement spécifique ou cas de l’achat
d’un « logiciel sur étagère »). La jurisprudence permet au
client d’obtenir les codes sources auprès du propriétaire137.
2. Articles du code pertinents
Le Code des marchés publics (CMP) ne définit pas de spécifications
particulières pour les marchés de tierce maintenance informatique.
135
Paris 14 décembre 1995 société Asi tom c/ Thomainfor spectral. 136
CA Versailles, 16 juin 2000, Aero Entreprise c/Avion Bravo Oscar, D. 2000, IR 249. 137
Bordeaux 24 septembre 1984 société i2s c / S.A meunier. La cour d’appel a condamné
le fournisseur qui a cessé ses activités à remettre les codes sources d’un logiciel à son
client afin que celui-ci puisse procéder à l’entretien normal de ses logiciels.
182
En revanche, le CCAG-TIC, évoque la TMA (outre la définition et les 3
types de maintenance (art.31.1) déjà mentionnée en introduction à cette
fiche) à plusieurs endroits138. L’utilisation du CCAG TIC dans le marché
requiert de s’assurer au préalable que l’ensemble des clauses relatives
aux marchés de TMA sont compatibles avec les besoins et les exigences
du pouvoir adjudicateur.
3. Documents
En plus de l’ensemble des documents évoqués dans la fiche 4.3, les
principaux documents spécifiques aux marchés de tierce maintenance
informatique sont :
Les licences des logiciels et progiciels ;
Le plan de réversibilité ;
La documentation technique qui peut aller jusqu’aux codes sources. Si la réversibilité a déjà été mise en œuvre, l’ensemble des documents relatifs à celle-ci ;
L’ensemble ou à tout le moins un échantillon représentatif de l’ensemble des procès-verbaux des interventions de maintenance précédentes ;
En cas de données confidentielles nominatives, la déclaration CNIL et les procédures d’accès à ces données. Un auditeur généraliste ne demandera pas la documentation la plus
technique (codes sources) mais pourra demander la documentation
permettant de vérifier l’existence de certains éléments (ex : plan de
138
Se reporter à l’annexe de cette fiche
réversibilité ou documents de type de suivi de projet) même s’il ne
pourra en apprécier la qualité. Une des difficultés du contrôle est
d’extraire d’une documentation technique éventuellement très
détaillée ce qui sert à justifier la prestation rendue.
4. Etapes du contrôle
La définition du contenu des prestations
L’auditeur veillera à :
S’assurer du niveau suffisamment détaillé des prestations souhaitées. Le PA doit définir très précisément l’ensemble des opérations couvertes par la TMA dans le cadre du marché : détail de la prestation, durée et délais, pénalités éventuelles, procédures à respecter, plages horaires, …). Il faudra notamment déterminer avec le plus de précision
possible les anomalies donnant lieu à correction dans le cadre
de la maintenance.
Si la correction d’un dysfonctionnement est impossible ou
difficile, une solution palliative pourra être envisagée pour
permettre au PA de continuer son activité (il s’agit d’une
solution de contournement également appelé « by pass »).
L’indisponibilité générant une situation précaire pour le PA,
celle-ci ne doit pas se pérenniser139. Si une stipulation
contractuelle prévoit une remise en état rapide et que le
139
CA Toulouse, 5 décembre 1979, JCP G, 1980, IV, 392. CA Dijon, 21 mai 1986, Expertises
1987, p. 144.
183
titulaire ne s’y tient pas, sa responsabilité sera engagée de
plein droit140.
L’obligation de célérité implique également une obligation de
disponibilité assortie d’une obligation de résultat141, et cela,
quelles que soient les circonstances142. Selon les besoins du
PA, les trois types de maintenances devront faire l’objet d’un
traitement spécifique et distinct dans le cadre de la
description des UO.
S’assurer que la définition des prestations n’est pas « orientée » afin de favoriser un fournisseur.
S’assurer que la durée du marché est cohérente. En outre : le marché est-il renouvelable ? Si oui, combien de fois ?
S’assurer que la durée de la consultation est suffisante : elle
doit être assez longue pour que les nouveaux entrants aient le
temps nécessaire pour rattraper l’avantage du développeur
initial ou du titulaire antérieur.
S’assurer en cas de données confidentielles ou d’utilisation de protocoles sécurisés qu’une clause de confidentialité existe. Les procédures d’accès à ces informations seront décrites ainsi que les autorisations nécessaires pour y accéder
140
CA Versailles, 7 novembre 2002, RJDA 2003, n° 378. 141
CA Versailles, 7 novembre 2002, Société KPMG c/Société Sécurinfor. 142
CA Paris, 12 novembre 1998, Microénergie, RJDA 1999, n° 513.
(conditions de mise à disposition du prestataire d’un jeu de données (anonymisation préalable ?), duplication de données de l’environnement de production vers l’environnement de test, la possibilité ou non de consulter les données hors du site du PA, …).
S’assurer qu’une clause de résiliation est prévue. Si rien de tel n’est prévu, quelle en est la raison ?
Cette clause relative à la résiliation du contrat doit être
rédigée de façon à prévoir le sort des relations contractuelles
au terme du contrat. Dans le cadre d’un marché de TMA, il est
tout particulièrement important de se prémunir contre le fait
qu’un SI ne serait plus couvert par un contrat de
maintenance. Ainsi, pour éviter que le PA ne se retrouve dans
une position inconfortable, il sera recommandé d’exiger un
préavis réciproque de durée suffisante pour la résiliation, par
exemple de trois à six mois143, pour permettre à chaque partie
de « se retourner ».
La cause de résiliation la plus fréquente est l’inexécution des
obligations contractuelles.
S’assurer de la présence d’une clause « loyauté et bonne foi » prévoyant les obligations d’information, de conseil, de mise en garde et de collaboration avant tout acte envisagé sur le SI du PA : tous les travaux à effectuer doivent faire l’objet
143
CA Paris, 11 mars 1993, Hyper CBM c/Spectral Maintenance Informatique.
184
d’une information préalable, même si lesdits travaux ou actes sont nécessaires. L’aval du client est obligatoire144 et toutes les interventions devront être consignées.
La procédure de passation du marché
De manière générale, l’auditeur devra s’assurer préalablement s’il
existe des consignes internes ou interministérielles (DSI de l’entité ou
de la DISIC) en matière d’achat de prestations de tierce maintenance
applicative, notamment via un accord-cadre. Si oui, l’auditeur vérifiera
que le pouvoir adjudicateur en a tenu compte.
Le principal point d’attention consistera à s’assurer que le
choix de la procédure ne vise pas à favoriser un prestataire,
en particulier, dans le cadre de la TMA d’un SI développé pour
le PA. Le choix d’une procédure autre que l’appel d’offres
devra être justifié. En effet, confier la maintenance d’un SI à
un autre prestataire que celui qui l’a développé nécessite de
s’assurer de sa maitrise réelle des technologies utilisées mais
également de vérifier qu’il pourra mobiliser ses collaborateurs
pendant une période suffisante pour être en capacité de
réaliser les prestations prévues dans le marché. Il conviendra
pour cela d’examiner également les critères techniques et les
pondérations ainsi que leur cohérence avec les prestations
attendues. Des points de contrôle standard sont
particulièrement significatifs dans ce cadre.
144
Cass. com., 3 mars 1998, n° 95-20.692, Le Cunf, JCP E 1998, pan. p. 728 ; RJDA 1998, n°
856.
Les questions posées pendant la phase de consultation car
elles peuvent permettre de détecter des difficultés liées au
contenu du cahier des charges et en particulier à la capacité
des autres offreurs à répondre ? Si tel est le cas, de quelle
nature sont-elles (techniques, juridiques, …) ? Les réponses
ont-elles été diffusées à tous les soumissionnaires ?
Une même question est-elle revenue plusieurs fois ? Si oui,
quelle en est la raison (CCTP ou CCAP pas assez précis ?) ?
L’exécution du marché
Le contrôle de l’exécution du marché conduit à examiner la mise en
œuvre de la relation contractuelle avec une dimension de suivi de
projet. Pour la maintenance évolutive il faut en plus vérifier qu’elle ne
va pas au-delà de ce qui est prévu au marché pour constituer des
développements nouveaux qui auraient du faire l’objet d’une nouvelle
msie en concurrence.
Maintenance préventive et corrective :
A / Recensement des dysfonctionnements :
L’ensemble des dysfonctionnements font-ils l’objet d’un
recensement ? Si oui, est-il systématique ? Existe-t-il un outil
spécifique pour recenser ces dysfonctionnements ? Si oui, quelles
sont les données renseignées ? Qui l’alimente du côté du PA ?
185
B / Intervention du prestataire après le signalement de
dysfonctionnements :
Comment le prestataire est-il informé des
dysfonctionnements ? Accuse-t-il formellement réception
de ces dysfonctionnements ? Si oui, sous quels délais ?
Une cotation de la gravité de ces dysfonctionnements est-
elle effectuée ? Si oui, par qui ? En cas de désaccord sur la
gravité, un arbitrage est-il prévu ?
La procédure d’intervention du prestataire est-elle
toujours respectée ? Les délais prévus sont-ils toujours
respectés ? Si non, pour quelles raisons ? La procédure
d’intervention est-elle formalisée ? Un PV est-il émis
systématiquement ? Est-il signé ? Si oui par qui ?
En cas de non-respect des délais d’intervention, des pénalités
sont-elles appliquées ? Si non, pour quelles raisons ?
Quel est le taux de résolution des dysfonctionnements
après la première intervention du prestataire ? Si le taux
est faible (< 80 %) quelles en sont les raisons ?
Une évaluation et un point de situation à intervalles
réguliers sont--ils prévus avec le prestataire pendant
toute la durée du marché ?
Maintenance évolutive :
Il est conseillé, au préalable, à l’auditeur, de prendre connaissance de la
partie exécution du marché de la fiche 4.3. En effet, une prestation de
type maintenance évolutive est très proche dans sa mise en œuvre d’une
prestation d’études de développement pour un marché de prestation
informatique.
Les questions ci-dessous se concentrent sur la phase préalable à la
réalisation de la prestation :
Une procédure spécifique et formalisée est-elle prévue pour les
demandes de maintenance évolutive (réunions d’expression de
besoins (nombre variable selon la complexité de la demande),
rédactions de SFD (spécifications fonctionnelles détaillées), …) ?
Un chiffrage précis de la demande est-il proposé systématiquement
par le prestataire (devis, documents techniques…) ? L’accord (ou le
refus) de réaliser la demande est-il formalisé dans un document ? Qui
le signe ? Cette personne possède-t-elle une délégation de signature ?
Son niveau hiérarchique est-il cohérent ?
5. Signaux d’alerte
Les principaux signaux d’alerte que l’auditeur doit garder à l’esprit sont :
Renouvellement systématique des titulaires et concentration sur
des prestations sur un nombre limité de prestataires ;
Délais d’intervention trop longs ;
186
Taux de résolution des dysfonctionnements insuffisant.
6. Recommandations possibles
En fonction des situations, l’auditeur pourra formuler différentes
recommandations parmi lesquelles :
Dans le cadre de la TMA d’un développement spécifiquement
réalisé pour le compte du pouvoir adjudicateur, il s’agira de
s’assurer autant que possible de la capacité du prestataire à
réaliser des opérations de maintenance applicative et évolutive.
Pour cela, le PA lors de l’examen des candidatures, en fonction du
ou des langages de programmation utilisé(s) et des méthodes de
développements mises en œuvre, l’auditeur préconisera de
vérifier que les prestataires possèdent des références précises et
traçables, qu’ils ont mis en place une politique de certification de
leurs développeurs. D’autres éléments pourront venir corroborer
les affirmations des prestataires comme leur appartenance à un
club d’entreprises utilisatrices de telle ou telle technologie (JUG
(java user groups), club des entreprises utilisatrices de tel type
ERP, …).
Il s’agira de ne pas négliger les aspects liés à la localisation du
futur titulaire lors de l’examen des candidatures, si des
interventions sur le site du PA sont souhaitées (ou prévisibles),
dans le respect toutefois des règles qui font de ces dispositions
une condition d’exécution du marché et non un critère de choix.
Insérer une clause de pénalités qui détaille les différentes
situations et les délais associés ainsi que les impacts financiers. Il
conviendra au préalable de prendre connaissance des modes de
calculs proposés par le CCAG TIC (art. 14.1.1, 14.1.2, 14.13).
187
FICHE 4.4.1 : ANNEXE : EXTRAITS DU CCAG TIC
MENTIONNANT LA TMA
A/ Chapitre 1er sur les « généralités » :
Art. 10.1.4. Marchés comportant des prestations de maintenance :
« La rémunération du titulaire au titre de la maintenance couvre
notamment la valeur des pièces ou éléments, des outillages ou
ingrédients nécessaires, ainsi que les frais de la main-d’œuvre qui leur est
affectée, y compris les indemnités de déplacement et les frais nécessités
par les modifications mentionnées à l’article 32.
La rémunération de la maintenance ne couvre pas les prestations
suivantes, qui restent à la charge du pouvoir adjudicateur :
- la livraison ou l’échange des fournitures consommables ou d’accessoires,
la peinture et le nettoyage extérieur du matériel ;
- les modifications demandées par le pouvoir adjudicateur aux
spécifications du matériel prévues par le marché ;
- la réparation des défauts de fonctionnement dus à une faute du pouvoir
adjudicateur ou causés par un emploi du matériel non conforme aux
règles figurant dans les documents fournis par le titulaire ;
- la réparation des défauts de fonctionnement causés par les
défectuosités de l’installation incombant au pouvoir adjudicateur ;
- la réparation des défauts de fonctionnement causés par une adjonction
de matériel d’autre origine, par une personne autre que le titulaire ou une
personne désignée par lui, pour effectuer cette adjonction. »
B / Chapitre 3 sur les « délais », dans l’article traitant des pénalités :
Art. 14.1.1 :Les pénalités pour retard commencent à courir, sans qu’il soit
nécessaire de procéder à une mise en demeure, le lendemain du jour où
le délai contractuel d’exécution des prestations est expiré, sous réserve
des stipulations des articles 13.3 et 20.4.
Cette pénalité est calculée par application de la formule suivante :
P = V * R/1 000.
dans laquelle :
P = le montant de la pénalité ;
V = la valeur des prestations sur laquelle est calculée la pénalité, cette valeur étant égale au montant en prix de base, hors variations de prix et hors du champ d’application de la TVA, de la partie des prestations en retard ou de l’ensemble des prestations, si le retard d’exécution d’une partie rend l’ensemble inutilisable ;R = le nombre de jours de retard.
Art. 14.1.2. : Une fois le montant des pénalités déterminé, la formule de variation prévue au marché leur est appliquée. Art. 14.1.3. : Le titulaire est exonéré des pénalités dont le montant total ne dépasse pas 300 euros (HT) pour l’ensemble du marché.
188
Art. 14.2.2. :
L’indisponibilité débute :
- dans le cas d’une maintenance sur le site, au moment de l’arrivée de la
demande d’intervention au titulaire. Lorsque l’accès des préposés du
titulaire au matériel défaillant est retardé du fait du pouvoir adjudicateur,
l’indisponibilité est suspendue jusqu’au moment où cet accès devient
effectif ;
- dans le cas d’une maintenance chez le titulaire, au moment de la remise
de l’élément défaillant au titulaire ou à son représentant qualifié, dans un
lieu prévu par le marché.
Art. 14.2.6 : Cet article précise que le titulaire est soumis à des pénalités dans le cadre d’une opération de maintenance lorsque la période d’indisponibilité est supérieure à 8 heures sur site.
C / Chapitre 6 qui traite des "dispositions spécifiques à la maintenance,
la tierce maintenance applicative et à l'infogérance" dont notamment :
Art. 32.1. :
Conditions de la maintenance :« Si les documents particuliers du marché
prévoient la maintenance des prestations livrées, celle-ci comprend les
interventions demandées par le pouvoir adjudicateur, en cas de
fonctionnement défectueux de l’un quelconque des éléments faisant
l’objet du marché, ainsi que l’entretien préventif.
La maintenance porte également sur les modifications apportées aux
prestations livrées sur l’initiative du titulaire. Le pouvoir adjudicateur est
préalablement avisé de ces modifications ; il peut s’y opposer. Le pouvoir
adjudicateur ne peut faire effectuer les opérations de maintenance non
prévues au marché qu’après accord du titulaire. »145
Art. 32.2 :Cet article précise les modalités des personnels du prestataire autorisés à intervenir ainsi que les plages horaires d’accès quand la maintenance s’effectue dans les locaux du PA. Ce point n’est pas anodin car aucune astreinte n’est prévue pour le soir et weekend par défaut dans le CCAG TIC.
D / Chapitre 8 sur la « résiliation » :Art. 42 :Cet article précise que dans le
cas de prestations de maintenance lorsque l’indisponibilité est constatée
pendant trente jours consécutifs, le PA peut obtenir une résiliation du
marché pour événements liés au marché.
145
Cela s’entend dans les limites que pose le CMP à cette possibilité et notamment du fait qu’un avenant ne peut modifier l’équililbre du marché
189
Fiche 4.5 : «Les marchés de
prestations informatiques :
Les logiciels libres»
Une définition :
D’un point de vue technique, un logiciel libre est un logiciel dont le code
source est librement disponible, duplicable, modifiable et
redistribuable146.
D’un point de vue juridique, un logiciel libre demeure, néanmoins, un
logiciel protégé par le droit d’auteur et reste soumis à une licence qui le
réglemente et en délimite les droits et les obligations afférents. En effet,
dans le cadre d’une licence de logiciels libres, l’auteur ne se contente pas
de divulguer son œuvre, il organise également les usages qui vont pouvoir
en être faits.
Une licence de logiciel libre constitue donc bien un contrat qui organise
les conditions de copie, transmission et modification du logiciel. De fait,
elle pose un cadre juridique. Une décision du Tribunal de grande instance
de Paris du 28 mars 2007147 a confirmé le caractère opposable des
licences des logiciels libres.
146
Ces propriétés fondamentales du logiciel libre sont connues sous le nom des « quatre
libertés fondamentales » du logiciel libre 147
Affaire « Educaffix / CNRS, Université Joseph Fourier et autres » - TGI de Paris, 3ème
chambre, 1ère section
1. Risques
L’acquisition de logiciels libres demande une très bonne connaissance de
ce marché spécifique. De facto, les principaux risques inhérents à un
projet informatique avec des logiciels propriétaires (cf. fiche 4.3) sont
également valables dans le cadre de la mise en œuvre et/ou l’adaptation
de logiciels libres.
Cependant, des risques d’ordre pénal spécifiques aux logiciels libres
existent, parmi lesquels :
Des risques relatifs à l’utilisation de licences rédigées dans une langue étrangère
Comme la majorité des licences open source sont d’origine anglo-
saxonne, elles sont majoritairement rédigées en anglais. Pour
celles qui sont traduites, ce qui n'est pas le cas de toutes, loin s'en
faut, il est toujours spécifié en préambule qu'il s'agit "d'une
adaptation non officielle de la licence" et que "son contenu n'a
aucune portée légale car seule la version anglaise de ce document
détaille le mode de distribution..."
Dès lors que le licencié est de nationalité française, cette
spécificité du logiciel libre peut aller à l'encontre de la législation
française. En effet, pour les personnes de droit public à
l'exception cependant, de celles qui gèrent un service public à
caractère industriel et commercial, l'article 5 de la loi dite
« Toubon » du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue
française dispose que : "Quels qu'en soient l'objet et les formes,
les contrats auxquels une personne morale de droit public ou une
personne privée exécutant une mission de service public sont
190
parties sont rédigés en langue française. Ils ne peuvent contenir ni
expression ni terme étrangers lorsqu'il existe une expression ou un
terme français de même sens approuvés dans les conditions
prévues par les dispositions réglementaires relatives à
l'enrichissement de la langue française. ".
En cas de non-respect de ces dispositions, outre la nullité du
contrat ainsi conclu, la sanction encourue est une contravention
de quatrième classe (3.750 euros pour les personnes morales -
article 1er du décret du 3 mars 1995).
Face à ces problématiques, le CEA, le CNRS et Inria ont
conjointement décidé d’élaborer les licences dites « CeCILL » qui
présentent l’avantage d’être compatibles avec le droit français
mais également avec les principales licences libres anglo-saxonnes
dont elles reprennent les principes.
Celles-ci sont conformes au droit français sous deux aspects :
responsabilité civile d'une part et propriété intellectuelle, d'autre
part.
Pour ce qui concerne, la responsabilité civile, l'accessibilité au
code source ainsi qu’aux droits de copie, de modification et de
redistribution qui découlent d'une telle licence ont pour
contrepartie de n'offrir aux utilisateurs qu'une garantie limitée et
de ne faire peser sur l'auteur du logiciel, le titulaire des droits
patrimoniaux et les concédants successifs, qu'une responsabilité
restreinte.
Concernant la propriété intellectuelle, les licences « CeCILL »
offrent une meilleure protection tant aux auteurs qu’aux titulaires
des droits sur un logiciel, de par la prise en compte des spécificités du
droit français en la matière.
Des risques relatifs à la garantie apportée par la mise en œuvre de logiciels libres Le principal inconvénient lié à l'utilisation des logiciels dits-libres
réside dans leur absence de garantie. En cela, ces types de
logiciels se distinguent nettement des logiciels propriétaires qui
prévoient souvent des limitations de garantie mais contiennent
dans la majorité des cas des garanties minimales.
Ainsi, les logiciels libres sont majoritairement publiés avec des
garanties très réduites. Ce point est toujours souligné dans une
licence de logiciel libre. Pour exemple, ci-dessous, un extrait148 de
la licence CeCILL :
Art. 8.2 : « La responsabilité du Concédant est limitée aux
engagements pris en application du Contrat et ne saurait être
engagée en raison notamment: (i) des dommages dus à
l'inexécution, totale ou partielle, de ses obligations par le Licencié,
(ii) des dommages directs ou indirects découlant de l'utilisation ou
des performances du Logiciel subis par le Licencié et (iii) plus
généralement d'un quelconque dommage indirect. En particulier,
les Parties conviennent expressément que tout préjudice financier
ou commercial (par exemple perte de données, perte de bénéfices,
perte d'exploitation, perte de clientèle ou de commandes, manque
à gagner, trouble commercial quelconque) ou toute action dirigée
contre le Licencié par un tiers, constitue un dommage indirect et
n'ouvre pas droit à réparation par le Concédant. »
148
Article 8 (responsabilité) et article 9 (garantie)
191
Art. 9.3 : « Le Licencié reconnaît que le Logiciel est fourni "en
l'état" par le Concédant sans autre garantie, expresse ou tacite,
que celle prévue à l'article 9.2 et notamment sans aucune garantie
sur sa valeur commerciale, son caractère sécurisé, innovant ou
pertinent.
En particulier, le Concédant ne garantit pas que le Logiciel est
exempt d'erreur, qu'il fonctionnera sans interruption, qu'il sera
compatible avec l'équipement du Licencié et sa configuration
logicielle ni qu'il remplira les besoins du Licencié. »
Ces limitations des licences de logiciels libres, notamment le
défaut de garantie, et cela malgré les ambitions des licences
CeCILL, interpellent dans le cadre de l’achat public, tant vis-à-vis
du droit de la consommation que du droit commun des vices
cachés.
Cependant, il faut constater qu’à ce jour, aucun cas de
jurisprudence portant sur la validité des clauses précitées des
licences libres n’est apparu. Le contexte juridique n’est, par
conséquent, pas fixé pour l’instant. Aussi, à moins de disposer
d’une très forte compétence en interne, il est conseillé pour le
pouvoir adjudicateur, d’avoir recours à un intégrateur de la
solution libre (SSLL), notamment, pour limiter les risques liés à la
quasi-absence de garantie. En effet, il sera toujours plus aisé de
démontrer la responsabilité du prestataire en cas d’échec du
projet que de poursuivre l’un des auteurs (ou coauteurs) d’un
logiciel libre.
Des risques de violation de propriété intellectuelle et de contrefaçon Outre l'absence de garantie sur le logiciel lui-même, la majorité
des licences de logiciels libres sont également exemptes de
garantie de jouissance paisible du logiciel, contrairement aux
conditions d'utilisation de logiciels propriétaires comme l’illustre
l’article 9.4 de la licence CeCILL :
« 9.4 Le Concédant ne garantit pas, de manière expresse ou tacite,
que le logiciel ne porte pas atteinte à un quelconque droit de
propriété intellectuelle d'un tiers portant sur un brevet, un logiciel
ou sur tout autre droit de propriété. Ainsi, le Concédant exclut
toute garantie au profit du Licencié contre les actions en
contrefaçon qui pourraient être diligentées au titre de l'utilisation,
de la modification, et de la redistribution du Logiciel. Néanmoins,
si de telles actions sont exercées contre le Licencié, le Concédant
lui apportera son aide technique et juridique pour sa défense.
Cette aide technique et juridique est déterminée au cas par cas
entre le Concédant concerné et le Licencié dans le cadre d'un
protocole d'accord. Le Concédant dégage toute responsabilité
quant à l'utilisation de la dénomination du Logiciel par le Licencié.
Aucune garantie n'est apportée quant à l'existence de droits
antérieurs sur le nom du Logiciel et sur l'existence d'une marque.».
Depuis plusieurs années, une jurisprudence commence à
apparaître, à commencer par l’affaire « Educaffix / CNRS,
Université Joseph Fourier et autres149 »
149 TGI de Paris, 3ème chambre, 1ère section - jugement du 28 mars 2007
192
Il s’agit de la première décision marquante de la justice française
qui a eu pour effet, de reconnaître le caractère opposable des
licences des logiciels libres (ici une licence de type GNU GPL) mais
également de montrer les problèmes potentiels de violation de la
propriété intellectuelle et/ou de contrefaçon liés à l’utilisation
d’un logiciel libre.
Dans cette affaire, l’utilisation d’un module issu d’un autre logiciel
libre nécessitait une autorisation préalable afin de pouvoir
l’utiliser en toute légalité. Cette démarche n’ayant pas été
effectuée, la société Educaffix considéra que le logiciel vendu par
le CNRS tombait sous le coup de la contrefaçon.
Autre illustration de ces problèmes avec l’affaire « AFPA / Société
EDU4150 ». Dans le cadre d’un marché public à bons de
commande, alors que le projet était quasiment en production
(phase de VSR – cf. annexe 1- fiche 4.3), l’AFPA a interrompu la
dernière phase de qualification, en découvrant qu'un module
installé (le logiciel « Référence »), n'était pas la propriété de la
société EDU4. Cette société avait intégré dans sa solution une
version modifiée d’un logiciel libre (VNC). Devant la cour d’appel,
l’AFPA a reproché à la société EDU4 de ne pas l’avoir clairement
informée de l’intégration d’un logiciel libre dans la solution
fournie mais également d’avoir modifié les mentions de propriété
intellectuelle liées au logiciel VNC et d’avoir supprimé le texte de
la licence.
Dans le cas, d’un développement spécifique, il est recommandé
de demander contractuellement au prestataire de fournir la liste
150 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 septembre 2009
de l’ensemble des modules (librairies) logiciels mis en œuvre par
le logiciel développé ainsi que leur licence respective. Il s’agira de
s’assurer du respect de la propriété intellectuelle.
Des risques relatifs à la compatibilité entre différentes licences de logiciels libres Il y a « compatibilité » entre deux ou plusieurs licences
lorsqu’elles précisent qu’elles peuvent « fonctionner » entre elles.
Il faut ici comprendre que toutes les licences libres ne
fonctionnent pas de la même manière ou comportent des
éléments incompatibles avec une ou plusieurs autres licences
libres.
Pour ne citer qu’un seul exemple : la version 2 et 3 de la licence
GNU GPL151. En effet, d’un point de vue juridique, il n’est pas
possible de combiner des logiciels libres lorsque l’un est sous
licence GNU GPL version 2 et que l’autre est sous la version 3 de
cette même licence, à moins d’obtenir l’accord préalable des
auteurs des logiciels.
Pour se prémunir de toute mise en cause de la responsabilité du
pouvoir adjudicateur, il est indispensable de s’assurer, au
préalable, des compatibilités entre licences libres.
Certaines licences (par exemple, la CeCILL, art. 5.3.4 :
« compatibilité avec la licence GNU GPL ») indiquent avec quelles
autres licences, elles sont compatibles.
151 Un tiers effectuant des apports à un logiciel sous GNU GPL v2 n’est pas autorisé à
imposer plus de restrictions que celles indiquées dans cette licence. De son côté, la licence
GNU GPL v3 énonce des restrictions supplémentaires par rapport à la version 2 qui les
rendent incompatibles
193
S’il n’y a aucune indication, une analyse au cas par cas s’impose.
Des risques liés aux licences dites à « copyleft » fort En cas de souhait par le pouvoir adjudicateur de diffuser un
logiciel qui s’appuierait à la fois sur des modules propriétaires
mais également sur des modules issus d’un logiciel libre, un soin
tout particulier devra être porté à l’examen des licences
rattachées aux modules du logiciel libre.
En effet, avec les licences libres dites à copyleft (ou « gauche
d’auteur » en français) fort, l’ensemble du code, y compris la
partie propriétaire, doit être obligatoirement rediffusé sous la
même licence et donc devenir un logiciel libre.
La jurisprudence montre que les licences libres sont solides du
point de vue légal, et le pouvoir adjudicateur pourrait être forcé
par un tribunal à se conformer à la licence ou à renoncer à
diffuser son logiciel.
En conclusion, les risques juridiques ne sont pas à mésestimer pour le
pouvoir adjudicateur, dès lors qu’il s’agira de mettre en œuvre des
logiciels libres. En effet, certaines clauses contenues dans les licences des
logiciels libres peuvent apparaître comme des obstacles majeurs à leur
utilisation dans le cadre du secteur public puisque le droit moral de
l'auteur est protégé de façon inégale selon les licences et que l'absence de
garanties peut aller à l’encontre des objectifs d’efficience en matière
d’achat public.
2. Articles du code pertinents
Le Code des marchés publics (CMP) ne définit pas de spécifications
particulières pour les marchés de prestations informatiques relatives aux
logiciels libres. Il précise en revanche, certaines règles applicables aux
marchés informatiques qui sont citées dans la fiche 4.3.
Concernant le CCAG-TIC, seul l’article 30.7 évoque les logiciels libres mais
d’une manière très limitée. En effet, il stipule d’une part que « les logiciels
libres sont utilisés en l’état » et d’autre part que « Le titulaire n'est pas
responsable des dommages qui pourraient être causés par l'utilisation, par
le pouvoir adjudicateur, de logiciels libres dont il n'est pas l'éditeur ». La
première de ces dispositions exclut la modification du logiciel libre par le
titulaire du marché, alors qu’un avantage majeur du logiciel libre est
justement d’en permettre la modification. La seconde va à l’encontre de
la notion de garantie sur laquelle le pouvoir adjudicateur doit pouvoir
s’appuyer.
En définitive, il est recommandé de ne pas utiliser le CCAG-TIC quand il
s’agit d’un marché relatif aux logiciels libres.
3. Documents
En plus, de l’ensemble des documents évoqués dans la fiche 4.3, les
principaux documents spécifiques aux marchés de prestations
informatiques relatives aux logiciels libres sont :
La licence ou les licences liée(s) au logiciel libre ;
194
La liste des modules issus de logiciels libres mais également, si tel est le cas, de logiciels propriétaires et, qui sont utilisés par assurer le bon fonctionnement du logiciel. Les licences associées à ces modules doivent être également mentionnées dans le document.
Une grille de synthèse rappelant les compatibilités entre les différentes licences.
4. Etapes du contrôle
La définition du contenu des prestations
Dans le cadre d’un audit minimal des systèmes d’information, l’auditeur
devra s’assurer que le pouvoir adjudicateur a pleinement mesuré les
risques liés à la mise en œuvre d’une solution basée sur un logiciel libre et
mis en place les dispositifs nécessaires pour couvrir le ou les risques
identifiés.
Dans le cadre d’un audit plus approfondi, les travaux d’audit supposeront
l’intervention d’un auditeur spécialisé.
Il est recommandé de ne pas utiliser le CCAG TIC dès lors qu’il s’agit
d’adapter ou de développer un logiciel libre. En effet, celui-ci est jugé
insuffisant, tant en termes de définition des prestations que de
responsabilités du prestataire ou bien encore des garanties.
Le pouvoir adjudicateur qui envisage l’adaptation ou le développement
d’un logiciel libre se voit donc dans l’obligation de préciser l’ensemble des
éléments spécifiques dans les documents du marché (RC, CGAG, CCTP, …).
Selon le type souhaité de prestations par le pouvoir adjudicateur, il sera
nécessaire de prendre en compte les éléments suivants :
A/ La seule acquisition de logiciels libres
On comprend ici que la personne publique veut disposer de logiciels
libres, sans y associer de prestations de services.
Dans ce cas, l’acquisition de logiciels libres correspond :
Soit à une situation classique d’achat relevant du CMP ;
Soit à une acquisition à titre gratuit : la personne publique peut tout simplement obtenir des licences en téléchargeant les logiciels. Comme aux termes de l’article 1er du code des marchés publics, « les
marchés publics sont des contrats conclus à titre onéreux … », ce type
de prestations ne rentre donc pas dans le cadre d’un marché public.
Cependant, si le pouvoir adjudicateur souhaite disposer de ces
logiciels sur des supports physiques, il y aura lieu de passer un
marché. Si le coût est inférieur à 15 000 € HT, il sera préconisé de
mettre en œuvre l’alinéa 3 de l’article 28 du CMP qui précise que « Le
pouvoir adjudicateur peut également décider que le marché sera
passé sans publicité ni mise en concurrence préalables si son montant
estimé est inférieur à 15 000 euros HT. … »
B/ L’obtention de services liés à la mise en œuvre de logiciels libres
Dans le cas de la passation d’un marché public de services mis en œuvre
autour de logiciels libres (installation et configuration, adaptation et
développement, formation, etc…), l’obtention des logiciels libres, soit de
manière préalable par le pouvoir adjudicateur, soit de manière gratuite ou
195
quasi-gratuite via le prestataire, ne sera pas de nature à modifier, ni la
nature, ni l’économie du marché.
Concernant, les licences, il sera obligatoire de préciser dans les
documents de consultation le type de licence souhaitée.
Par précaution, il sera toujours ajouté une mention précisant qu’en cas de
résiliation du marché, celle-ci sera sans incidence sur la licence. En effet,
bien qu’il soit souvent précisé que les licences sont consenties pour la
durée des droits, elles excluent pratiquement toute notion de résiliation.
Selon les besoins et les souhaits du pouvoir adjudicateur, plusieurs cas de
figure pourront être rencontrés :
L’usage exclusif d’un logiciel libre Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaiterait imposer
exclusivement l’usage d’un logiciel libre, celui-ci en aura la
possibilité. En effet, le Conseil d’Etat a confirmé ce point dans un
arrêt152. Il a même été plus loin dans son arrêt puisqu’il a considéré
que le fait d’imposer un logiciel libre déterminé ne comportait
aucun avantage anticoncurrentiel en faveur de la société qui
éditait le logiciel libre qui faisait l’objet du marché, au motif que ce
logiciel libre « était librement et gratuitement accessible et
modifiable par l’ensemble des entreprises spécialisées dans le
domaine».
152
Arrêt CE 30/09/2011- région Picardie, req. n°350431
La mise en concurrence de logiciels libres et propriétaires Dans le cas d’une mise en concurrence de logiciels libres et de
logiciels propriétaires, l’objet du marché ne pourrait être contesté
par un éditeur de solutions propriétaires au motif qu’il peut
accéder comme tous les autres prestataires aux logiciels libres et,
par conséquent, proposer une solution à base de logiciels libres. Il
n’y aura donc pas de rupture d’égalité.
Cependant, dans une consultation de cette nature, il faudra veiller
lors de l’analyse des offres à comparer les coûts globaux (TCO) et
non pas le seul coût de l’acquisition des licences qui ne seront pas
représentatives dans la majorité des cas pour des offres basées sur
des logiciels libres.
C/ La réalisation d’un logiciel libre pour le compte du pouvoir
adjudicateur
Dans le cas d’un logiciel libre qui serait réalisé pour le compte du pouvoir
adjudicateur par le titulaire, il est conseillé de mentionner dans le CCAP
que la licence fait partie des pièces contractuelles. Le choix d’une licence
de logiciels libres de droit français comme une des licences CeCILL est
recommandé.
Pour la formulation des clauses de garantie, de contrefaçon et de
responsabilité, l’administration devra pouvoir autoriser la désignation par
le titulaire des composants ou modules pour lesquels celui-ci ne peut
fournir aucune garantie.
196
D/ La diffusion par le pouvoir adjudicateur des logiciels libres après
modification
Même s’il n’y a aucune obligation, la logique du logiciel libre veut qu’il
puisse être redistribué avec ses modifications. Si tel est le souhait du
pouvoir adjudicateur, celui-ci devra alors livrer la version modifiée du
code source puisqu’une majorité des licences rendent obligatoires de
mettre à disposition les modifications apportées en cas de redistribution.
Si l’objet du marché porte sur la réalisation d’une solution matérielle qui
repose pour une partie logicielle sur des logiciels libres, il conviendra
d’examiner avec soin les licences utilisées pour savoir s’il est nécessaire
ou non de publier le code source modifié. En effet, la seule mise à
disposition de cette solution matérielle à destination d’autrui sera
considérée, comme une forme de distribution d’un logiciel libre153.
Pour ce qui concerne, le cloud computing ou « informatique en nuage »,
les licences libres ne sont pas toutes adaptées à ce contexte relativement
nouveau. La licence GNU GPL, par exemple, permet la mise en œuvre d’un
service sur une base de logiciels libres, sans pour autant obliger les
auteurs à publier le code source modifié tant que le logiciel n’est pas
distribué. Or, les logiciels utilisés par les services de type « cloud
computing » sont rarement redistribués : ils ne sont que proposés en
utilisation aux clients.
Pour prendre en compte ces spécificités, certaines licences libres ont été
adaptées à ces nouvelles exigences comme la licence Affero General
153
Accord conclu en juillet 2011 entre les parties du procès initié au TGI de Paris en 2008 par trois auteurs de logiciel libre à l'encontre de la société Free qui avait modifié des logiciels libres pour sa freebox sans les rediffuser
Public License (AGPL). Ainsi, si un service dans le nuage utilise un logiciel
libre publié sous licence AGPL et que le service est accessible sans
restrictions particulières, alors les modifications apportées au logiciel en
question devront être accessibles et redistribuées sous une même licence
AGPL compatible.
La procédure de passation du marché
De manière générale, l’auditeur doit s’assurer préalablement s’il existe
des consignes internes ou interministérielles en matière d’achat de
logiciels libres (DSI de l’entité ou de la DISIC). Si oui, l’auditeur vérifiera
que le pouvoir adjudicateur en a tenu compte.
La seule acquisition de logiciels libres
Les points de vigilance sont :
L’acquisition des licences étant majoritairement à titre gratuit, sur quoi portait le caractère onéreux du marché ?
Quelle procédure a été privilégiée ? Une mise en concurrence a-t-elle effectuée ? Si non, pour quelles raisons ?
L’interface des logiciels est-elle entièrement en français ainsi que l’aide en ligne et le cas échéant la documentation du logiciel ?
La licence est-elle rédigée en français ? Est-ce une traduction ?
Un type de licence était-il précisé dans les documents de la
consultation ? Si non, pour quelles raisons ? Un document
recensant les types de licences mise en œuvre par le pouvoir
adjudicateur existe-t-il ?
197
Si d’autres logiciels libres sont utilisés, la licence
retenue est-elle compatible avec les autres licences
utilisées ?
L’obtention de services liés à la mise en œuvre de logiciels libres
Les points de vigilance sont :
Quels types de prestations sont couvertes par le marché ? (paramétrage, mise en production, …) ;
L’objet du marché portait-il exclusivement sur l’acquisition de logiciels de type libre? Si les deux types de solutions étaient autorisés (libres et propriétaires), comment a été réalisée la grille de notation des offres ? Les critères retenus sont-ils de nature à refléter le coût global de possession (TCO) ? Cette grille est-elle de nature à favoriser un type de solution plutôt qu’un autre ?
L’interface des logiciels est-elle entièrement en français ainsi que l’aide en ligne et le cas échéant la documentation du logiciel ?
La licence est-elle rédigée en français ? Si oui, est-ce une traduction ?
Un type de licence était-il précisé dans les documents de la
consultation ? Si non, pour quelles raisons ? Un document
recensant les types de licences mises en œuvre par le pouvoir
adjudicateur existe-t-il ?
Si d’autres logiciels libres sont utilisés, la licence retenue est-elle
compatible avec les autres licences utilisées ?
Le CCAG TIC a-t-il été utilisé ? Si oui, pour quelles raisons ?
Des garanties sont-elles prévues dans le cadre du marché ? Si oui, que couvrent-elles précisément ?
La remise des codes sources est-elle prévue dans les documents du marché ? Le pouvoir adjudicateur s’est-il assuré que le code source pouvait être compilé sur la base des codes sources remis ?
Les mises à jour sont-elles prévues dans le cadre du marché ? Si oui, à quelle fréquence et sur quelle durée ?
Est-il précisé qu’en cas de résiliation du marché, il n’y aura aucune incidence sur la licence ?
La réalisation d’un logiciel libre pour le compte du pouvoir adjudicateur
Les points de vigilance sont :
Quelle licence a été choisie dans le cadre de la réalisation du logiciel ? Est-ce une licence de type CeCILL ? Etait-il précisé dans les documents de consultation ?
L’interface des logiciels est-elle entièrement en français ainsi que l’aide en ligne et le cas échéant la documentation du logiciel ?
Le développement du logiciel s’appuie-t-il sur des « briques » déjà existantes ? Si oui, et que ces briques sont issues des logiciels libres, leurs licences sont-elles compatibles entre-elles mais également avec le nouveau logiciel ?
Si des briques propriétaires sont utilisées, le copyleft prévu dans
la licence est-il de nature à leur conserver un caractère
propriétaire ?
La remise des codes sources est-elle prévue dans les documents du marché ? Le pouvoir adjudicateur s’est-il assuré que le code
198
source pouvait être compilé sur la base des codes sources remis ?
Des clauses précisent-elles les usages que peut faire le prestataire du logiciel développé ? Si oui, ces clauses sont-elles compatibles avec la licence ?
Une maintenance est-elle prévue dans les documents de consultation ? Si oui, couvre-t-elle les seuls développements spécifiquement effectués pour le compte du pouvoir adjudicateur ? Cette maintenance est-elle compatible avec les termes de la licence choisie ?
Est-il précisé qu’en cas de résiliation du marché, il n’y aura aucune incidence sur la licence ?
La diffusion des logiciels libres après modification
Rappel : En distribuant un logiciel, l'administration accepte que celui-ci
soit utilisé, adapté et redistribué, et cela peu importe le contexte. Selon
la nature de la licence retenue, les licenciés sont autorisés, entre autres,
à utiliser le logiciel à n'importe quelle fin, à l'insérer à l'intérieur d'une
compilation et même à développer et commercialiser des produits basés
sur celui-ci.
Les points de vigilance sont :
Les modifications apportées au logiciel sont-elles disponibles et accessibles sous forme de code source (cf. affaire Free vs Free Software fondation)154 ?
154
Décision du Tribunal de grande instance de Paris du 28 mars 2007
Quelle est la nature de la licence retenue pour la diffusion ? Est-elle compatible avec celle d’origine ? Est-ce la même ? La diffusion s’effectue-t-elle sous plusieurs licences ? Si oui, pourquoi ?
Quelle est nature du copyleft de la licence (faible/fort) ?
5. Signaux d’alerte
Les principaux signaux d’alerte que l’auditeur doit garder à l’esprit sont :
Une mauvaise compréhension manifeste des licences de logiciels libres et des enjeux associés lors des entretiens avec le service audité mais également lors de l’examen des documents de consultation.
Un titulaire d’un marché disposant de références limitées dans le domaine du logiciel libre.
Des solutions complexes s’appuyant sur de nombreux modules différents. Risques d’incompatibilités entre licences et risques de « contamination » si des modules propriétaires sont présents.
6. Recommandations possibles
En fonction des situations, l’auditeur pourra formuler différentes
recommandations parmi lesquelles :
Accompagner la phase de l’expression de besoins voire de rédaction des documents de consultation avec une mission de conseil confiée à un prestataire spécialisé dans le logiciel libre
199
comme les sociétés de services en logiciels libres (SSLL), si peu de compétences en matière de logiciels libres sont disponibles au sein de la structure auditée ;
Lire de manière approfondie les licences et les archiver au moment de leur téléchargement ; il peut être opportun de solliciter le département juridique sur le contenu de la licence.
Apporter un soin tout particulier aux clauses relatives à la garantie contre les malfaçons et les responsabilités qui en découlent. Il relève de la responsabilité du pouvoir adjudicateur de contrôler, par tous moyens, l'adéquation du produit à ses besoins, de s’assurer de son bon fonctionnement et de garantir qu'il ne causera pas de dommages aux personnes et aux biens.
Mettre en place une veille juridique. Il est probable que le contentieux relatif aux licences des logiciels libres va augmenter ces prochaines années, ne serait-ce que par le recours de plus en plus fréquent par le secteur public aux logiciels libres.
200
FICHE 4.5.1 - ANNEXE : COMPARATIFS DES
PRINCIPALES LICENCES UTILISÉES PAR LES
LOGICIELS LIBRES Licences Notion
de
copylef
t
Compatibl
e GNU GPL
V2
Compatibl
e GNU GPL
V3
Persistanc
e des 4
libertés
Cohabitatio
n avec une
brique
propriétaire
GNU
GPL V2
Oui
(fort)
Sans objet Non (mais
la plupart
des
logiciels
GPLv2
autorisent
à utiliser
les
versions
ultérieures
)
Persistanc
e des 4
libertés
pour les
additions
de code
Non
GNU
GPL V3
Oui
(fort)
Non Sans objet Persistanc
e des 4
libertés
pour les
additions
de code
Non
CeCILL Oui Oui Oui Persistanc
e des 4
Non
V2 (fort) libertés
pour les
additions
de code
BSD
License
Non Oui Oui Non Autorisée
Apache
License
2.0
Non Non Oui Non Autorisée
GNU
AFFERO
GENERA
L PUBLIC
LICENSE
V3
Oui
(fort)
Non Oui Persistanc
e des 4
libertés
pour les
additions
de code
Non
Pour rappel :
La notion des « quatre libertés » sont :
1. La liberté d'utiliser le logiciel ;
2. La liberté de copier le logiciel ;
3. La liberté d'étudier le logiciel ;
4. La liberté de modifier le logiciel et de redistribuer les versions modifiée.
201
La notion de copyleft ou « gauche d’auteur » :
Parmi les différents types de licences de logiciel libre, certaines
permettent la modification et la redistribution du logiciel sans
contrainte et autorisent notamment des dérivés propriétaires, par
exemple sans mise à disposition du code source. D'autres ont comme
caractéristique d'exiger qu'un logiciel dérivé conserve le statut de
logiciel libre de l'original. Cette caractéristique est connue sous le
terme de copyleft.
Les licences avec copyleft exigent qu'un logiciel dérivé conserve son
statut de logiciel libre, notamment par la fourniture du code source de
la version modifiée. Cela signifie en principe, qu'il n'est pas possible de
diffuser un logiciel propriétaire incorporant du code utilisant une telle
licence2.
On parle de copyleft fort lorsque la redistribution du logiciel modifié ou pas ainsi que tous les composants associés ne peuvent se faire que sous la licence initiale.
On parle de copyleft standard lorsque la redistribution du logiciel modifié ou pas se fait sous la licence initiale mais que les ajouts de fonctionnalités et de code peuvent se faire sous d'autres licences voire sous une licence propriétaire.
202
203
SECRETARIAT GENERAL
Guide d’audit « Marché Public » -
Fiche d’évaluation - v1.0
Nous vous remercions d’avoir utilisé cette première version de ce
guide.
Afin de pouvoir l’améliorer et élaborer d’autres documents à
l’intention des auditeurs internes de l’Etat, nous vous demandons
de prendre quelques minutes pour remplir la présente fiche
d’évaluation.
1. A quelle occasion avez-vous utilisé ce guide ? ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………………
2. Possédiez-vous au préalable à l’utilisation de ce guide une expérience d’audit d’un marché public ?
Oui :…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………. Non :…………………………………………………………………………………….…………………………………………………………………………………………….
3. Aviez-vous préalablement suivi une formation consacrée à l’audit des marchés publics?
Oui :……………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………….………………….
Non :……………………………………………………………………………………..
………………………………………………………………………….………………….
4. Globalement, ce guide vous a-t-il apporté l’aide dont vous aviez
besoin ?
Oui :……………………………………………………………………………………
………………………………………………….…………………………………………
Non :………………………………………………………………………………….…
…………………………………………………………………………………………….
204
5. L’avez-vous trouvé facile d’utilisation ? Oui :……………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………….
Non :…………………………………………………………………………………….
……………………………………………………………………………………………..
6. Le niveau de détail abordé vous a-t-il semblé adéquat ? Oui :……………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………….
Non :…………………………………………………………………………………….
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7. Le cas échéant, quels aspects auriez-vous souhaité voir plus développés ? Quels aspects vous ont-ils parus trop développés ?
Pas assez développés : ……………………………………………………………………………………………. ……………………………………………………………………………………………. ……………………………………………………………………………………………. Trop développés :………………………………………………………………. ……………………………………………………………………………………………. ……………………………………………………………………………………………. …………………………………………………………………………………………….
8. Pouvez-vous évaluer l’utilité de ce guide sur une échelle de 1
(peu utile) à 5 (extrêmement utile) ? 1. Peu utile 2. Assez utile 3. Utile 4. Très utile 5. Extrêmement utile
9. Souhaitez-vous formuler d’autres commentaires ou
suggestions ? ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………
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Vous pouvez également télécharger ce formulaire au format électronique à l’adresse suivante :
http://www.action-publique.gouv.fr/files/questionnaire_guide_audit-marche_v01.doc
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