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Jean-François Blondel Guide des GRANDS SITES SACRÉS en France

Guide des GRANDS SITES SACRÉS - Editions …editions-trajectoire.fr/bibliotheque/documents/9782841975129.pdf · capitale française serait bâtie selon une « géographie sacrée

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Jean-François Blondel

Guide des

GRANDS SITES SACRÉSen France

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Q u’est-ce que le sacré ? Le mot qui le définit nerévèle-t-il pas l’idée d’une « séparation » entre

les différents éléments constituant le monde qui nousentoure ? Le sacré caractérise alors ce qui est séparédu monde dans lequel nous vivons, et représente cequi est inaccessible. C’est quelque chose qui est endehors…

Mais qu’est-ce qui est séparé du créé, du manifesté,si ce n’est le monde de l’Esprit, en un mot : le Divin ?Un lieu sacré devient alors un lieu où souffle l’Esprit,un lieu de la manifestation de la Parole. C’est ainsique dans les temps bibliques, l’Éternel se manifesta àMoïse dans le buisson ardent, en lui disant : « Retiretes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens estune terre sainte » (Exode, 3, 2).

Mais comment atteindre le sacré ? Depuis l’originedes temps, les sociétés initiatiques traditionnelles ontdonné différents moyens d’y accéder : par l’initiationaux mystères, mais aussi par la compréhension dumythe, et du monde des symboles. La mythologiedans l’Antiquité, mais aussi les religions, de religareen latin, nous « relient » avec les entités célestes, an-géliques, divines.

Depuis quand le sacré ? Peut-être depuis le jour oùl’homme prit conscience de l’existence d’une dimen-sion qui dépasse son entendement. Une dimensionavec laquelle il lui est néanmoins possible de com-muniquer. Ce jour-là est né ce que l’on nomme le sacré.

Qu’ils soient d’origine païenne ou christianisés parl’Église, il existe un peu partout dans notre pays, deslieux où cette rencontre fut possible, lieux prédestinés,peut-être, ou lieux choisis par des « puissances invisi-bles ». Nous découvrons alors, en ces endroits, unesource d’eau vive, une forêt profonde, une caverneou grotte obscure, où il se passe « quelque chose »…Mais il peut s’agir aussi d’une construction humaine,qui deviendra un site sacré, un temple bâti quelquepart où, un jour, il s’est déroulé un phénomène inex-

pliqué : une apparition, une manifestation du divin.En ces lieux de « mystère », baignés très certainementde courants énergétiques inconnus, se sont vus asso-ciés des cultes traditionnels et des croyances ances-trales.

Mais dès qu’un lieu sera reconnu comme sacré,c’est-à-dire comme manifestation du divin, leshommes voudront lui rendre un culte particulier – leculte étant un moyen d’adoration et de communica-tion avec le sacré. L’homme y élèvera une pierre, quideviendra un autel où l’on offrira peut-être un sacri-fice (= « créer du sacré ») à une entité transcendantalequi sera interprétée alors comme une divinité.

Quels sont, en France, les lieux de ces différentesmanifestations du sacré ? Les dolmens et enclos pa-roissiaux de Bretagne ; les arbres sacrés de la forêt deBrocéliande ; les grottes et cavernes préhistoriquesde la Dordogne ou de l’Ardèche, et leurs peinturesrupestres ; les églises où l’on découvre ces mystérieusesVierges noires ; la pierre noire « des fièvres » de la ca-thédrale du Puy ; la cathédrale de Chartres et son la-byrinthe ou le « puits des Saints-Forts » ; les curieuseslanternes des morts de la Haute-Vienne ou de laCreuse ; l’église de La Chaise-Dieu avec sa Danse ma-cabre et son étrange sarabande ; les étapes de Saint-Jacques sur les chemins de Compostelle, où l’on dé-couvre une géographie sacrée parsemée de lieux sacrésconservant des reliques de saints ; la figure de prouedu Mont-Saint-Michel, surgissant de la mer ; etc. Telssont les lieux sacrés, innombrables lieux de mystèresque recèle notre pays…

Un monde, que l’on croyait disparu, semble resurgirsous nos yeux d’un univers parallèle au pays de Des-cartes et d’Auguste Comte… Un monde qui auraitdonc subsisté à l’ombre du rationalisme ?

Au début de notre ère, l’Église, ne pouvant triom-pher complètement du paganisme, essaya bien decontrôler les pratiques superstitieuses des populations,

Avant Propos

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Guide des grands sites sacrés en France

en assimilant et christianisant, petit à petit, les cultespaïens du feu, de l’eau ou des pierres. Une chapellesera bâtie et l’on mettra une croix près d’un lieu deculte druidique, près d’une source miraculeuse, oud’une divinité du panthéon celte ou romain. Les feuxde la Saint-Jean remplaceront l’adoration de l’astredu jour et le vieux culte solaire du dieu Janus des Ro-mains, au jour des solstices. Mais cela n’empêcherapas ces anciens rites païens de continuer d’exister,d’une manière souterraine, en marge du christianisme.

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Nous avons voulu présenter notre Guide des sites sacrés de la France région parrégion, c’est-à-dire selon les vingt-deux régionsadministratives qui découpent notre pays :Alsace – Aquitaine – Auvergne – Bourgogne –Bretagne – Région Centre – Champagne-Ardenne – Corse – Franche-Comté– Île-de-France – Languedoc-Roussillon –Limousin – Lorraine – Midi-Pyrénées – Basse-Normandie – Haute-Normandie – Nord-Pas-de-Calais – Pays de la Loire –Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) – Picardie – Poitou-Charentes – Rhône-Alpes.

C omme en France tout commence à Paris, ettout y aboutit, ce guide s’ouvre sur la région

Paris-Île-de-France. Les autres régions sont rassemblées par secteurs géographiques. Le Centreregroupe : Région Centre, Auvergne, Limousin. –L’Ouest : Bretagne, Basse et Haute-Normandie, Paysde la Loire. – L’Est : Champagne-Ardenne, Lorraine,Alsace, Bourgogne, Franche-Comté. – Le Nord : Picardie et Nord-Pas-de-Calais. – Le Sud-Ouest :Poitou-Charentes, Aquitaine, Midi-Pyrénées. – Le Sud-Est : Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes,Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse. C’est danscet ordre que vous les trouverez présentées.

Pour chacune de ces régions, nous avons décritun certain nombre de sites sacrés particuliers, quel’on peut ranger sous les catégories suivantes :

Cathédrales, abbayes, monastères et églises re-marquables. – Lieux de culte des saints et de pèle-rinage. – Cloîtres. – Calvaires. – Labyrinthes. –Pierres levées (menhirs et dolmens), grottes pré-historiques. – Sources, fontaines et forêts sacrées.– Vierges noires. – Lanternes des morts. – Dansemacabre.

Tous les types de sites ne sont pas obligatoirementprésents dans une région donnée. Nous pouvons,dans une région, en rencontrer quelques-uns, maisrarement la totalité.

Un index par type de sites (ex. : les lanternes desmorts, les Vierges noires, la Danse macabre, etc.)est placé en fin d’ouvrage. Cet index étant classépar thème, le lecteur pourra facilement orienter sarecherche en fonction d’une thématique qui l’in-téresse en particulier. Par exemple, s’il veut ensavoir plus sur les « Vierges noires », il trouveradans l’index toutes les églises et tous les lieux oùl’on a rencontré ces vénérées madones. Mais, unproblème se posait : ces Vierges noires se rencon-trent en des lieux forts divers, en Auvergne, essen-tiellement, mais aussi à Chartres (Eure-et-Loir), àRocamadour (Lot), à Guingamp (Côtes-d’Armor), etc. Il eût été peu pratique de répéterchaque fois ce que nous savons sur elles, sur leurorigine possible, leur sens symbolique, ce qu’ellesreprésentent, leur histoire… Aussi avons-nous réunices généralités avant chaque index thématique(pierres levées, Danse macabre, labyrinthes, etc.) ;le lecteur pourra facilement s’y reporter et trouveradans le cours de l’ouvrage les descriptions particu-lières de chaque site.

Ce « tour de France » des lieux du sacré, régionpar région1, auquel nous invitons le lecteur, nousfera découvrir des constructions dédiées au sacré :temples chrétiens (églises, abbayes, cathédrales,basiliques), mais aussi appartenant à d’autres reli-gions ; mosquées, synagogues, temples bouddhistes.Au fil des pages, nous découvrirons aussi d’ancienscultes populaires toujours bien vivants, en des lieuxenvironnés de mystère, véritables réceptacles dusacré, tels que les sources, les pierres levées (oumégalithes), que le christianisme n’a pas réussi àéclipser. Et l’on pourra finalement se demander sil’homme, depuis la nuit des temps, ne cultiveraitpas un jardin secret lui permettant de communiqueravec les puissances célestes, en des lieux mystérieuxreliant le Ciel et la Terre.

Introduction

1 Il y a vingt-deux régions métropolitaines.

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La région Île-de-France regroupe huitdépartements : l’Essonne, les Hauts-de-Seine,Paris, la Seine-Saint-Denis, la Seine-et-Marne,le Val-de-Marne, le Val-d’Oise, les Yvelines.

C ette région est surtout dominée par la présencede Paris, la Ville lumière, capitale historique de la

France, et trésor de sites religieux de toutes confes-sions, dont certains étaient déjà présents au débutde notre ère. C’est en Île-de-France que virent le jourles premières voûtes d’ogives, qui sortirent des chan-tiers « gothiques » dans les premières décennies duXIIe siècle. N’oublions pas que c’est à Saint-Denis, labasilique du premier évêque (martyr) de Lutèce, queSuger avait fait bâtir en 1144 le tout premier édificeconçu selon « l’art nouveau » de l’époque, c’est-à-dire « l’art gothique », qui fera école par la suite. Labasilique de Saint-Denis deviendra plus tard la « né-cropole des rois de France ». Mais Paris recèle biendes sites sacrés apparus à différentes époques de sonhistoire.

On ne peut manquer d’évoquer le Sacré-Cœur deMontmartre, le monument le plus visité par les tou-ristes, après le Louvre et la tour Eiffel ; la cathédraled’Évry, construite selon des conceptions futuristes,abandonnant la croix latine pour le cercle, imagesymbolique des premiers chrétiens ; la grande syna-gogue de Paris ; la grande mosquée de Paris, et celled’Évry-Courcouronnes, une des plus grandes d’Europe,mais aussi la grande pagode de Vincennes, etc. Unetelle concentration de lieux de culte si différents faitde Paris et de la région Île-de-France, un regroupe-ment exceptionnel de sites sacrés.

La « géographie sacrée » de Paris

« La prédestination géographique d’un lieu – avaitécrit Jean Phaure2 – semble souvent n’être que le vi-sage visible d’une intention plus secrète et plus divine,

que les hommes sont par la suite, et presque toujoursinconsciemment, amenés à accomplir. »

En effet, d’après les spécialistes de l’ésotérisme, lacapitale française serait bâtie selon une « géographiesacrée », un ordre architectural parfait3. Reproduitsiècle après siècle, cet ordonnancement semble au-jourd’hui être brisé !

Au-delà de la simple orientation géographique, lesaxes de la ville recouvrent chacun une fonction par-ticulière. L’axe est-ouest aurait, dès l’Antiquité, tracéune séparation géographique entre les institutionssacrées et profanes de la ville, tandis que l’axe nord-sud aurait pour fonction de différencier le pôle éco-nomique et social (au nord) et le pôle du savoir (ausud). Ces axes ne seraient donc pas le fruit du hasard,mais seraient le résultat de la « conjugaison de la vo-lonté humaine avec l’inspiration spirituelle de ses bâ-tisseurs tout au long des siècles »…

La cathédrale Notre-Dame de Paris (classée au patrimoine mondial par l’Unesco)

Notre-Dame de Paris4 est l’un des sites qui symbo-lisent le mieux cette notion de « géographie sacrée »,que nous venons de rappeler. Elle n’a pas été bâtien’importe où, mais sur l’île de la Cité, en sa pointeorientale, c’est-à-dire sur le lieu prédestiné à porterdes monuments religieux, qui se sont succédé depuisl’occupation romaine et le paganisme. Sa nef a étéconstruite selon l’orientation de l’axe est-ouest, dusoleil levant au soleil couchant. Tout cela n’est pas lefait du hasard ! Prise a contrario, cette orientationouest-est, comme celle de toutes les églises chré-tiennes, peut être considérée comme le parcoursobligé du croyant, s’acheminant des Ténèbres (ported’occident) vers la Lumière (l’orient représenté par lechœur).

Paul Claudel avait écrit : « Paris est une grande ruequi descend vers Notre-Dame. » C’est résumer en une

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2 Jean Phaure, Introduction à la géographie sacrée de Paris – Barque d’Isis, Éd. duBorrego, 1993.

3 Voir à ce sujet notre Guide des monuments mystérieux de Paris, paru auxéditions Trajectoire en avril 2009.4 Consulter notre ouvrage Le Moyen Âge des cathédrales (Trajectoire, 2007) pourplus de renseignements sur Notre-Dame de Paris.

I – PARIS-ÎLE-DE-FRANCE

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simple phrase toute l’importance qu’a pu revêtir lacathédrale parisienne. Elle est le centre névralgiquede la France : toutes les routes nationales en partent,toutes nous y reconduisent.

Quelle est donc son histoire ?

Une première église fut bâtie à l’emplacement d’untemple païen dès le début du christianisme en Gaule(IVe siècle). Ceci est attesté par des autels de pierre,retrouvés lors de fouilles, sur lesquels étaient repré-sentées des effigies de Jupiter, Vulcain et diverses di-vinités païennes. D’autres églises furent bâties là aucours des temps, avant d’arriver à celle que l’on voitaujourd’hui, dont la première pierre fut posée en 1163par le pape Alexandre III, Maurice de Sully étant alorsévêque de Paris. Ce dernier eut une responsabilitéimportante dans cette construction. Toutefois, morten 1196, il ne verra pas l’achèvement de sa cathédrale,qui se fera dans les années 1200 pour arriver jusqu’àla façade, et en 1250 pour l’édification des tours etl’achèvement des sculptures de la façade et des por-tails. Il faudra encore un bon siècle pour édifier leschapelles, qui forment une sorte de cordon autourde la cathédrale, et voir ériger les grandioses arcs-boutants du chevet.

Notre-Dame connut bien des vicissitudes au coursdes siècles. Les XVIIe et XVIIIe siècles la maltraitèrent envoulant la mettre au (mauvais) goût du jour : on sup-prima le jubé, les stalles médiévales, les vitraux duXIIIe siècle, sous prétexte d’y faire entrer la lumière, onl’affubla d’une Pietà entre les statues agenouillées de

Louis XIII et de Louis XIV, etc. La Révolution la dédiaau culte de la Raison, et Robespierre au culte de l’Êtresuprême. Il fallut attendre le XIXe siècle et Viollet-le-Duc pour que soit restauré l’édifice alors en ruines, etqui faillit en outre disparaître complètement sous laCommune.

Description de Notre-Dame

Le visiteur qui contemple la façade de Notre-Damede Paris est d’abord frappé par l’harmonie qui s’endégage. Cette façade est sensiblement carrée, tandisque deux hautes tours l’encadrent sur les côtés. Entreles deux tours s’élève dans le ciel de la capitale lamagnifique flèche de la croisée de la nef et du tran-sept. Cette dernière, de construction récente, en char-pente métallique, est l’œuvre de Viollet-le-Duc etdate du XIXe siècle.

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Les Arènes de Lutèce.

Notre-Dame de Paris.

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Au rez-de-chaussée s’ouvrent trois magnifiquesportails. Au-dessus de ces derniers se déroule la galeriedes rois. Ces rois sont ceux de Judée, mentionnés parsaint Mathieu comme descendant de Jessé et ancêtresde Jésus-Christ. Ils sont au nombre de vingt-huit etse détachent d’une arcature ou galerie horizontale.Puis, on voit la magnifique rose occidentale, devantlaquelle nous pouvons apercevoir la Vierge, entouréede deux anges. Une seconde galerie se détache au-dessus de la rose, très haute et entièrement ajourée.Enfin, on aperçoit le sommet des tours qui culminentà soixante-trois mètres. Le visiteur courageux quivoudrait y accéder peut gravir les trois cent soixante-seize marches d’un escalier à vis, logé dans une destours !

Quel visiteur de Notre-Dame n’a pas été surpris devoir, perchées sur les rampes de la balustrade de lacathédrale, d’étranges chimères qui semblent être lesreprésentantes de mondes infernaux, et qui seraient

arrivées en cet endroit pour ne point en repartir. Enfait, elles ne sont pas toutes, comme on le pense àtort, sorties de l’imagination de Viollet-le-Duc. Le gé-nial architecte dit s’être inspiré des statues originales,rongées par le temps, et dont les restes sont encorevisibles au musée de Cluny.

Les trois portails sont tous différents. Le portail degauche, ou « portail de la Vierge », est le plus ancien ;puis fut édifié le portail central, ou « portail du Juge-ment dernier » ; enfin, ce fut le tour du « portail deSainte-Anne » ou « de Saint-Marcel ». Dans chacund’eux s’ouvrent deux entrées équipées de magnifiquesportes, couvertes de splendides pentures ou ferrures,fixées sur les portes pour renforcer leur rigidité. Enfin,chacune des deux entrées est séparée par une ma-çonnerie appelée trumeau, supportant une statue.

Le portail de Sainte-Anne présente au tympan Marieassise avec l’Enfant sur ses genoux. En dessous figurentdeux linteaux présentant différentes scènes de la viede Marie et de Jésus. Au trumeau, on peut voirl’évêque saint Marcel enfonçant sa crosse dans lagueule d’un monstre sortant d’un tombeau ouvert,allégorie qui a fait l’objet d’interprétations diverses.

Le portail de la Vierge est entièrement consacré àMarie. Il met en scène les derniers moments de sa vieterrestre : sa mort, sa résurrection et son couronne-ment au ciel.

Le portail du Jugement nous montre la scène duJugement dernier où le Christ, au sommet du tympan,apparaît en juge, le regard sévère, présidant à la peséedes âmes séparant les élus des damnés. Le trumeaunous montre le Christ tenant de la main gauche unlivre fermé, et bénissant de la droite. Le socle qui sup-porte Jésus au trumeau est orné des Arts libéraux(trivium et quadrivium). En bas du socle, on peut voirun petit médaillon universellement connu, où figureune femme assise : c’est Cybèle ou la Philosophie.

Cet immense livre de pierre qu’est Notre-Dame deParis est susceptible de différents niveaux d’interpré-tation. Des mystères hermétiques se cachent-ils dansles diverses sculptures et médaillons du portail central

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Région Île-de-France

Chimères de Notre-Dame de Paris.

Cybèle de Notre-Dame de Paris.

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ou du portail du Jugement ? Oui, répondent les al-chimistes, qui montrent en particulier que les mé-daillons des vices et des vertus, situés de part etd’autre du Christ au trumeau, dévoilent, à ceux quisavent les lire, les différentes étapes du Grand Œuvrealchimique. Oui, répondent-ils encore lorsque l’onconsidère le portail de Sainte-Anne, où l’évêque (saintMarcel) terrassant le dragon représente une étapeimportante de l’œuvre alchimique, celle où la matièrese trouve séparée en ses divers éléments, celle où lemercure philosophique se forme dans les flammessous les traits du grand dragon babylonien de NicolasFlamel.

L’abside de Notre-Dame fut bâtie avant l’inventiondes arcs-boutants. La cathédrale n’était alors épauléeque par ses tribunes internes, qui servaient à équilibrerles poussées des voûtes.

On décida de reconstruire la nef en 1230 et d’y éri-ger des arcs-boutants (technique inventée à la fin duXIIe siècle). Puis, on décidera d’entourer la cathédraled’une ceinture de chapelles, qui seront terminées en1330. En 1344, l’architecte Jean Ravy construira lesarcs-boutants du chevet (absolument uniques : 15 mde volée !) qui donnent à Notre-Dame l’allure d’unecoque de navire renversée.

Notre-Dame de Paris est construite sur un plan trèssimple, celui d’une croix latine. Elle a été en son tempsla plus vaste cathédrale de France, surtout grâce àses tribunes qui pouvaient accueillir beaucoup demonde. Ses dimensions et surtout la hauteur de sesvoûtes faisaient l’admiration de ses contemporains.Seules les cathédrales qui furent édifiées à partir duXIIIe siècle la dépassèrent.

Le chœur est la partie la plus ancienne. On peutpartir de cet endroit et cheminer ainsi jusqu’à la partiela plus récente, c’est-à-dire le bout de la nef vers l’in-térieur de la façade ouest, et voir ainsi l’évolution del’art religieux au cours des ans. Le chœur est entourépar une clôture ornée sur sa face extérieure par destableaux sculptés qui représentent, au nord, des scènesrappelant l’enfance de Jésus, tandis qu’au sud sontreprésentées les apparitions de Jésus à ses disciples.Toutes ces scènes sont polychromes. Les deux bras du

transept sont admirables. Ils sont l’un et l’autre mag-nifié par une rosace. Nous avons ici les plus grandesqui ont été faites à cette époque (13 m de diamètre).La rose nord est aujourd’hui telle qu’elle fut taillée etmise en place au XIIIe siècle. La rose sud a beaucoupplus souffert du temps, et doit sa survie à la restau-ration de Viollet-le-Duc au XIXe siècle.

Avant de quitter la cathédrale, le visiteur devrajeter un œil sur une sculpture de la Vierge, dite « Viergede Notre-Dame » : elle provient d’une chapelle qui setrouvait dans l’île de la Cité, la chapelle Saint-Aignan.

Un édifice aussi sublime que Notre-Dame a faitl’objet de nombreuses légendes. Le peuple du MoyenÂge faisait souvent appel au merveilleux pour justifierles prouesses techniques des bâtisseurs des cathédralesgothiques. Ainsi les Anges de Notre-Dame qui seraientvenus en aide au bon Maurice de Sully, alors que lesouvriers du chantier se seraient arrêtés de travailler ;

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Notre-Dame de Paris (La Vierge et les Anges).

Notre-Dame de Paris (Chevet de nuit).

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ainsi le serrurier Biscornet qui aurait fait appel audémon pour l’aider à ferrer les fameuses pentures desportails ; ainsi la légende de saint Marcel qui auraitterrassé un dragon qui troublait le calme de la paisibleLutèce, et l’aurait obligé à retourner dans la Seine.Ainsi, enfin, la légende de Guillaume de Paris, qui au-rait enfermé la pierre philosophale dans un des piliersde la nef de la cathédrale, et dont un corbeau duportail de la Vierge, aujourd’hui disparu, indiquait duregard l’endroit de la nef où était caché ce fabuleuxtrésor…

La cathédrale est un « miroir du monde ». Miroirde l’histoire. L’histoire biblique d’abord, l’histoire pro-fane ensuite. Miroir de la nature avec une représen-tation du zodiaque et des travaux des champs, de lafaune et de la flore, ainsi que des animaux fantas-tiques nés de l’imaginaire médiéval. Miroir dessciences, enfin, que le Moyen Âge avait scindées endisciplines de l’esprit (trivium), représentées par larhétorique, la dialectique et la grammaire, et disci-plines de la matière (quadrivium), avec l’arithmétique,la géométrie, l’astronomie et la musique. Toutes cessciences étant couronnées par la philosophie. Cettedernière apparaissant sous la forme d’un petit mé-daillon sculpté au pied du trumeau du portail du Ju-gement. On lui a donné différents noms : Cybèle,l’Alchimie, la Philosophie. C’est une femme assise surun trône, tenant un sceptre de la main gauche etdeux livres dans la main droite, l’un ouvert et l’autrefermé. Sa tête est dans les nuées tandis que ses piedssont solidement campés sur le sol. Devant elle, figureune échelle à neuf barreaux – l’échelle philosophique– symbolisant, peut-être, les neuf degrés de l’initia-tion d’une société hermétique aujourd’hui disparue.

La tour Saint-Jacques de ParisLa tour Saint-Jacques est ce qui reste d’une église

démolie à la Révolution : l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie. Ce nom vient de la corporation desbouchers, qui ont constitué pendant tout le MoyenÂge la majeure partie des paroissiens de cette église.Mais, à partir du XIVe siècle, cette église eut un pa-roissien dont le nom est devenu célèbre : NicolasFlamel, le plus connu des alchimistes parisiens, donton peut voir l’étrange pierre tombale au musée de

Cluny à Paris. Saint-Jacques-de-la-Boucherie, et,plus précisément sa tour, était aussi au Moyen Âgele lieu de rassemblement des pèlerins venus desprovinces du Nord, de la Bretagne et de la Nor-mandie, qui convergeaient vers Paris pour se rendreau-delà des Pyrénées à Saint-Jacques-de-Compos-telle. Le départ avait lieu le dimanche des Rameaux,après la messe matinale, tandis que dehors, du hautde l’immense tour, la statue de saint Jacques le Ma-jeur semblait donner la bénédiction aux milliers de« jacquaires ».

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Région Île-de-France

La Tour Saint-Jacques.

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Le Sacré-Cœur de Montmartre Depuis la nuit des temps, Montmartre, qui est une

des sept collines de Paris, est un lieu de célébrationde cultes : les druides gaulois y venaient déjà, lesRomains y consacrèrent des temples à Mars et Mer-cure, saint Denis y sera décapité, puis les chrétiens yédifièrent la première église de Paris (dédiée à saintPierre). Enfin, bien plus tard, le Sacré-Cœur y futconstruit, en 1871, après la défaite de Sedan. L’As-semblée nationale, le 23 juillet 1873, votera pour ceprojet afin, d’abord, « d’expier les crimes des com-munards » et, ensuite, de « rendre hommage à lamémoire des Français morts pour la France » durantla guerre contre les Prussiens. C’est l’architecte PaulAbadie qui, à l’issue d’un concours, en sera désignémaître d’œuvre.

Une participation directe du gouvernement de laTroisième République sera décidée, tandis qu’unesouscription nationale permettra le financement. Lapremière pierre de la nouvelle basilique sera posée le16 juin 1875. Les travaux ne seront achevés qu’en1914, mais il faudra attendre la fin de la PremièreGuerre mondiale pour que l’église soit consacrée, en1919.

Son architecture sera très controversée, commel’atteste le qualificatif un peu péjoratif de « GrosseMeringue » ! D’inspiration byzantine, comme celaétait un peu la mode au XIXe siècle, elle ressembleétrangement à la cathédrale Saint-Front de Péri-gueux. Son architecture influencera celle de la basi-lique Sainte-Thérèse de Lisieux, autre représentantede ce style néo-byzantin prisé au XIXe siècle. L’édificeparisien a servi de modèle pour l’église de Balata àFort-de-France en Martinique, qui a toutefois desdimensions plus modestes !

Le Sacré-Cœur de Montmartre a la forme d’unecroix grecque (comme le Panthéon), chacun des qua-tre bras est orné d’une coupole, tandis qu’un dôme,haut de 83 m, couronne le centre de cette croix.

Lorsqu’on pénètre à l’intérieur de la basilique, onest saisi par l’immensité de la mosaïque qui orne lavoûte de son abside. C’est la plus grande mosaïquedu monde ; sa réalisation demanda près de vingt-

deux ans (1900-1922). Elle représente « le Sacré Cœurde Jésus, glorifié par l’Église catholique et la France ».C’est à peu près ce que l’on peut lire à la base de lacoupole : « Au Cœur très saint de Jésus, la Francefervente et reconnaissante. »

Un immense campanile renferme la plus grossecloche de France, baptisée la Savoyarde, fondue en1895. Elle mesure 3 m de diamètre et pèse près de19 t, dont plus d’une tonne pour le seul marteau.Son nom vient des quatre diocèses de Savoie qui enfirent donation le 16 octobre 1895.

La crypte a la même dimension que l’église et enest une des curiosités.

Le Sacré-Cœur de Montmartre est l’un des monu-ments les plus visités de la capitale, avec le Louvre etla tour Eiffel. Depuis plus d’un siècle, les fidèles y as-surent jour et nuit le relais ininterrompu de l’« ado-ration perpétuelle »…

La Sainte-Chapelle de ParisLa Sainte-Chapelle de Paris fut bâtie sous le règne

de Saint Louis pour abriter la plus précieuse des re-liques : la Couronne d’Épines que porta Jésus sur laCroix. Cette sainte relique, à laquelle s’ajoutera unmorceau de la « vraie » croix, fut achetée à prix d’or(135 000 livres) par Saint Louis à Baudoin, alors em-pereur de Constantinople.

Construite dans l’enceinte du palais royal de laCité, alors demeure des rois de France à Paris, cettechapelle fut considérée comme une merveille archi-tecturale. La tradition voudrait que ce soit Pierre deMontreuil (ou de Montereau), surnommé doctor la-thomorum (« maître de pierre »), qui en soit l’auteur.À l’exception de la rose refaite en 1485, et de laflèche élevée au XVe siècle, et reconstruite par Viol-let-le-Duc au XIXe, la Sainte-Chapelle sera achevéeen six années (1242-1248). Servant également dechapelle royale, elle est constituée de deux chapellessuperposées : la chapelle inférieure pour le peuple,et la chapelle supérieure pour le roi et sa cour.

Les vitraux de la Sainte-Chapelle sont célèbres.

5 Encyclopédie par l’image : Les Cathédrales, librairie Hachette, 1925.

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Lorsqu’on pénètre dans l’édifice, on est saisi par uneféerie de couleurs. On a le sentiment que les verrièresoccupent tout l’espace des murs, dont l’architecturede pierre semble invisible. C’est « une cage de verre,où la lumière est filtrée par les tons ardents des vi-traux aux couleurs infinies »5.

Les sites sacrés à Paris, des autres rites chrétiens…

La cathédrale américaine de la Sainte-Trinitéde Paris (Paris 8e) date de la fin du xixe siècle. Elleest de culte anglican. Construite en 1881 dans lestyle néogothique, elle fut inaugurée en 1886. Ellefut complétée plus tard par une flèche, imaginée en1904-1906, puis par un presbytère, et, enfin, en1923, par un mémorial aux soldats américains mortspendant la Première Guerre mondiale. L’édifice etson clocher, ainsi que sa galerie couverte bordant lafaçade sud, ont été inscrits au titre des Monumentshistoriques en 1997.

La cathédrale Saint-Jean-Baptiste de l’Églisearménienne (Paris 8e)

L’Église apostolique arménienne vient de fêter ses1 700 ans en 2001, ce qui en fait la première églisechrétienne de l’histoire.

La cathédrale orthodoxe grecque Saint-Étienne ou cathédrale grecque Saint-Stéphane (7, rue Georges-Bizet, Paris 16e)

Elle est la cathédrale de l’Église orthodoxe grecquede Paris, et la première église grecque de Paris. Édifiéedans le style byzantin, elle a été inaugurée en dé-cembre 1895, et sera classée par les Monuments his-toriques en 1995.

Cathédrale orthodoxe russe Saint-Alexandre-Nevski (rue Daru, Paris 8e)

Consacrée en 1861, elle est le premier lieu de cultepermanent pour la communauté russe orthodoxe deFrance. Elle est le siège de l’archevêché des églisesrusses en Europe occidentale. Cette église cathédraleest donc dédiée à saint Alexandre Nevski (1219-1263), l’un des saints les plus populaires de Russie.Étrange destinée que celle de ce monarque qui sutallier humanisme, succès militaires contre les enva-

hisseurs (Suédois et chevaliers teutoniques), sagesseet diplomatie, à sa piété et sa profonde foi chrétienne.À l’approche de sa mort, il devint moine, et quand ilmourut, les Russes dirent « que le soleil de la terrerusse s’était couché ».

L’église Saint-Julien-le-Pauvre (Paris 5e)Construite au douzième siècle par des moines clu-

nisiens sur les fondations d’une église du VIe siècle,l’église Saint-Julien-le-Pauvre est considérée commel’un des plus anciens édifices religieux de la capitale.Elle est dédiée au culte catholique grec-melkite, ouculte catholique de rite byzantin, depuis 1886. Sonarchitecture intérieure est caractéristique de la tra-dition byzantine. Celle-ci sépare la nef de l’absidepar une iconostase destinée à supporter des icônes.L’iconostase symbolise la limite entre le « monde sen-sible », figuré par la nef où sont assemblés les fidèles,et le « monde intelligible », représenté par le sanc-tuaire dans lequel se déroule la cérémonie de laconsécration.

L’église est classée monument historique.

Les sites sacrés à Paris, des autres religions…

La grande mosquée de Paris (Paris 5e) est la plusancienne mosquée de France. Elle fut construite pourrendre hommage aux 50 000 musulmans morts pourla France durant la Première Guerre mondiale. Elle enest le souvenir perpétuel. La première pierre fut poséeen 1922, elle fut inaugurée le 16 juillet 1926 par leprésident Gaston Doumergue, en présence du sultan

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Région Île-de-France

Cathédrale Saint-Alexandre Nevski.

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du Maroc Moulay Youssef. Elle se trouve dans le5e arrondissement de Paris, non loin du Jardin desPlantes, et fut classée monument historique en 1983.Elle est dotée d’un minaret quadrangulaire de 33 mde haut, construit sur le modèle de celui de lamosquée de Kairouan (Tunisie). Elle comprend unesalle de prière, une école coranique (madrasa), unebibliothèque, une salle de conférence, un restaurant,un salon de thé et des boutiques. La grande mosquéede Paris s’associe à différents mouvementshumanitaires contre l’exclusion.

La grande synagogue de Paris (rue de la Victoire,Paris 9e), ou grande synagogue de la Victoire, est derite ashkénaze. Synagogue veut dire « assemblée » ;le mot est un calque grec de l’hébreu beth knesset,« maison de l’assemblée ». La grande synagogue estl’œuvre de l’architecte Alfred-Philibert Aldrophe(1834-1895), qui a construit également la synagoguede Versailles (rite séfarade), et celle d’Enghien-les-Bains.

L’inscription en hébreu sur le grand pignon semi-circulaire est le verset suivant de la Torah : « Ce n’estautre que la maison de Dieu, c’est la porte du Ciel »(Genèse, 28,27).

À l’intérieur, des inscriptions religieuses figurentau-dessus des portes, de même que sur la voûte duchœur se lit en français le nom des prophètes, etcelui de David sur le cul-de-four. Au-dessus de l’archesainte est gravée la phrase : « L’Éternel est ma ban-nière. » Sur les vitraux de la synagogue sont repré-

sentées les douze tribus d’Israël. Le chœur est séparédu reste de l’assemblée par une balustrade.

Depuis son ouverture au public en 1875, la grandesynagogue de Paris accueille traditionnellement, lorsdes grandes fêtes et des cérémonies officielles, lespersonnalités de haut rang de la République française.Elle fut commencée en 1867 et inaugurée en 1874,ouverte au culte en 1875. Elle a fait l’objet d’uneclassification au titre des Monuments historiques le11 décembre 1987.

La synagogue de la rue du Pavé à Paris est situéeau cœur du quartier juif du Marais dans le 4e arron-dissement. Elle fut construite en 1913 dans le style« Art nouveau », et témoigne de l’arrivée massive

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Guide des grands sites sacrés en France

Grande Mosquée de Paris (vue extérieure).

Cathédrale d’Evry (vue intérieure).

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d’immigrants russes au début du XXe siècle. Financéepar des fonds privés, elle fut inaugurée officiellementle 7 juin 1914. Elle fut dynamitée en 1941, en mêmetemps que six autres synagogues parisiennes.

De belles cathédrales jalonnent la Région Île-de-France

La cathédrale d’Évry (Essonne)La cathédrale de la Résurrection Saint-Corbinien

d’Évry est la seule à avoir été construite en Franceau XXe siècle (1992-1995). Sa forme surprend, et,contrairement aux autres églises, qui ont la formed’une croix latine, elle est ronde, peut-être pour don-ner au cercle tout son sens sacré : l’infini, ce qui n’ani début ni fin, et pour rappeler ces paroles de saintAugustin : « Dieu est semblable à un cercle, dont lacirconférence est partout et le centre nulle part. »Peut-être aussi pour rappeler la forme des premièreséglises, qui étaient rondes (l’église du Saint-Sépulcreà Jérusalem).

Un autre aspect symbolique intéressant apparaîtdans son matériau de construction : la brique. Elleest la réunion des quatre éléments : mélange de terreet d’eau, elle est séchée par l’air et cuite par le feu.

La basilique cathédrale de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)

Qui était saint Denis ?Diverses théories sont avancées quant à son identité

réelle. La plus fiable nous le présente comme un dessept missionnaires envoyés par Rome au IIIe sièclepour évangéliser la Gaule. Saint Denis sera le premierévêque de Lutèce, et premier évêque martyr. Il mourravers 250 ou 270 et sera enseveli là où s’élève au-jourd’hui la basilique. Il eut un rôle important, carc’est lui qui amena le christianisme dans la capitale.

Faute de témoignages écrits, la légende va se subs-tituer à l’histoire. Voici ce que nous en dit la Légendedorée : une fois arrivés à Lutèce, saint Denis et sesdeux compagnons, Éleuthère, le prêtre, et Rustique,le diacre, seront arrêtés, puis condamnés à être dé-capités devant le temple de Mercure (au sommet dela butte Montmartre). Mais les soldats renoncèrent àmonter jusqu’au sommet de la butte et exécutèrent

leur victime à mi-chemin de la pente. Une fois déca-pité, saint Denis se releva, ramassa sa tête et continuaà grimper la butte, guidé par un ange. Il fit unepause pour laver sa tête à une source, puis poursuivitsa route jusqu’à l’actuelle ville de Saint-Denis (à 6 kmde là) où il tomba finalement. On le fit enterrer etdu blé poussa sur sa tombe. Sainte Geneviève feraélever une basilique, au Ve siècle, sur l’emplacementdu tombeau du saint.

C’est dans la Vie de sainte Geneviève, vers 520,qu’apparaît le nom de saint Denis.

La basilique Saint-Denis Elle est associée au nom de l’abbé Suger, qui conçut

vers 1137, en matière d’architecture sacrée, un modèleentièrement nouveau que l’on désignera plus tardsous le nom d’architecture « gothique ». En fait, l’ex-pression de « gothique » est relativement récente,

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Région Île-de-France

Cathédrale de Saint-Denis (le chœur).

Cathédrale de Saint-Denis (statuaire).

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Guide des grands sites sacrés en France

elle date de la Renaissance, et avait une connotationnettement péjorative dans la bouche de ceux quil’employaient. Il faudrait plutôt dire art « ogival », enréférence à son innovation la plus caractéristique :la croisée « d’ogives ». C’est donc l’abbaye de Saint-Denis qui verra naître cet art nouveau. Les travauxsont menés par Pierre de Montreuil (ou de Monte-reau), doctor lathomorum (« maître de pierre »), futurmaître d’œuvre à Notre-Dame de Paris. Si Saint-Denis fut achevée au XIIIe siècle, l’édifice a subi, depuis,de nombreuses rénovations ; il reste cependant lafaçade, dont la flèche nord, ainsi que les premièrestravées de la nef.

Suger voulut accorder une place centrale à la lu-mière, symbole du divin, dans sa conception de l’ar-chitecture sacrée. Ce modèle architectural entière-ment nouveau verra la réalisation des premièresvoûtes sur croisée d’ogives, autorisant de hautes ver-rières, et l’apparition des premières grandes roses au-dessus des portails, manifestation, s’il en est, de cetteimportance nouvelle accordée à la lumière dans l’ar-chitecture religieuse. Le chevet de Saint-Denis, conçupar Suger, sans mur entre les chapelles, conviendra àla présentation des reliques des saints, vénérés pardes pèlerins de plus en plus nombreux.

Église d’une puissante abbaye bénédictine, Saint-Denis fut une abbaye royale et un lieu de pèlerinageimportant au Moyen Âge. Elle devint très tôt unenécropole royale, puisqu’elle accueillera les sépulturesdes rois et reines de France, dès le VIe siècle.

La basilique cathédrale de Saint-Denis est à la foisle premier chef-d’œuvre monumental de l’art go-thique et une nécropole royale, avec sa collectionunique en Europe de plus de 70 gisants et tombeauxsculptés baignant dans la lumière colorée de vitrauxdes XIIe et XIXe siècles. Le visiteur a un panorama de lasculpture funéraire de Dagobert à Louis XVI. On yvoit en particulier les gisants du XIIe siècle aux yeuxouverts, ou les grandes compositions de la Renais-sance, tels les tombeaux de Louis XII et d’Anne deBretagne, ou d’Henri III et Catherine de Médicis.

La basilique deviendra cathédrale en 1966.

La collégiale de Mantes-la-Jolie (Yvelines)Le département des Yvelines possède cette magni-

fique collégiale, église gothique des XIIe et XIIIe siècles,située à Mantes-la-Jolie sur les bords de la Seine.Commencée en 1150, elle sera terminée en 1350.Elle est entièrement gothique et fut classée monu-ment historique en 1840. La façade est percée detrois grands portails sculptés dédiés à la Vierge etsurmontés d’une rosace, qui n’est pas sans rappelerles portails de la cathédrale de Laon. Mais elle estaussi inspirée de la cathédrale de Senlis (Oise), dontelle a les dimensions (longueur : 68 m ; hauteur sousles voûtes : 23 m ; largeur de la nef : 30 m ; hauteurdes tours : 54 m).

La toiture fut refaite en 2001-2002 et l’on y posapas moins de 44 650 tuiles vernissées.

Le portail des Échevins est remarquable. Situé àdroite de la façade, ce portail est très richement dé-coré. Il a été construit en 1300 à la demande deséchevins de la ville, et ressemble un peu au portailde la Calende de la cathédrale de Rouen.

À la Révolution, comme beaucoup d’édifices sacrés,la collégiale fut transformée en « temple de la Rai-son », puis elle est devenue successivement une fa-brique de salpêtre et un arsenal…

La collégiale de Poissy (Yvelines)L’ancienne cité royale de Poissy abrite l’un des plus

prestigieux monuments d’Île-de-France : la collégialeNotre-Dame de Poissy. Elle sera desservie par un col-lège de chanoines jusqu’à la Révolution, d’où sonnom de collégiale, et était sous la juridiction du dio-cèse de Chartres. Saint Louis y fut baptisé le25 avril 1214.

L’église fut construite sous le règne de Robert lePieux (fils d’Hugues Capet). Durant la seconde moitiédu XIIe siècle, le bâtiment fut entièrement reconstruit,hormis la tour. De nombreuses modifications furentapportées au début des XIVe, XVe et XVIe siècles surtout.La collégiale est donc en partie romane et en partiegothique. Elle sera restaurée au XIXe siècle par Viol-let-le-Duc.

L’extérieur est surprenant par le contraste desépoques : elle a gardé du roman ses deux clochersde forme octogonale. Sur le portail sud, des gar-

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gouilles nombreuses forment un bestiaire fantas-tique.

L’intérieur nous montre le chœur qui n’est pas dansl’axe de la nef. Nous y découvrons de nombreusesstatues et, en particulier, celle d’Isabelle de France,fille de Saint Louis.

La cathédrale Saint-Étienne de Meaux(Seine-et-Marne)

La cathédrale Saint-Étienne de Meaux est située àseulement 50 km de Paris. La construction de cettecathédrale a commencé au XIIe siècle mais ne seraachevée que quatre siècles plus tard, au milieu duXVIe, à cause des guerres religieuses et du manque deressources.

Le grand portail du milieu de la façade occidentaleest surmonté d’un élégant gâble flamboyant. Plushaut se trouve la superbe rosace, flamboyante elleaussi. Celui de gauche sert de base à une tour hautede 70 m, terminée en terrasse ayant des clochetonsd’angle. On peut accéder à son sommet par un esca-lier de 310 marches.

Ses cinq portails sont richement décorés. À l’inté-rieur, le chœur rayonnant est un splendide chef-d’œuvre par sa luminosité, par la finesse de son ar-chitecture et par la hauteur de ses voûtes (31 m).

Sont à remarquer également le vitrail de la Cruci-fixion (XIVe siècle), la grande rosace (XVe siècle) et unmagnifique orgue, œuvre de Valéran de Héman(XVIIe siècle). Dans une chapelle du bas-côté sud de lanef se situe la dalle funéraire (classée monumenthistorique) de Jean Rose et de son épouse. La pierretombale de Jacques-Bénigne Bossuet est visible dansle chœur côté sud.

La cathédrale Saint-Maclou de Pontoise (Val-d’Oise)Cette église fut élevée au rang de cathédrale en

1966, au moment de la création du département etdu diocèse. Elle est de style composite et contientdes parties de toutes les époques. Elle ne possèdequ’un seul clocher. Le chevet et le transept (XIIe) sontdu gothique primitif ; la façade est gothique flam-boyant (XVe) ; les bas-côtés sont de style Renaissance

(XVIe). Elle est dans la partie ancienne de Pontoise. Onpeut admirer à l’intérieur des chapiteaux romans da-tant de 1130 ; deux statues du XIVe siècle représentantla Vierge à l’enfant ; un beau vitrail de 1545 repré-sente la montée au Calvaire. La chapelle de la Passioncontient un saint-sépulcre à huit personnages enmarbre blanc d’un sculpteur anonyme du XVIe siècle.

Ainsi que d’autres lieux de cultes…

La mosquée d’Évry-Courcouronnes (Essonne)Une seconde mosquée, plus grande encore que

celle de Paris, fut construite à Évry-Courcouronnes(Essonne) en 1984, elle sera terminée neuf annéesplus tard, quelques mois avant la cathédrale d’Évry.C’est une des plus grandes mosquées d’Europe, elleest dépassée seulement par la mosquée de Rome etcelle de Londres.

La grande pagode de Vincennes (Val-de-Marne)Siège de l’Institut international bouddhique, fondé

par Jean Sainteny, la grande pagode se trouve dansles vestiges de l’Exposition coloniale de 1931. Elleaccueille diverses obédiences des écoles bouddhiquesde la région parisienne. Dans son enceinte futconstruit, entre 1983 et 1985, le temple bouddhistetibétain de Kagyu-Dzong. Elle abrite aussi une statuede Bouddha recouverte de feuilles d’or et mesurant,avec son socle, plus de 9 m de haut. Des reliques duBouddha historique ont été déposées à la grandepagode de Vincennes, qui devint ainsi le haut lieuspirituel du bouddhisme en Europe.

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Région Île-de-France

Grande Pagode de Vincennes.

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La région Centre s’étend depuis la bordure norddu Massif Central, jusqu’au bassin de l’Eure.Elle n’a pas vraiment d’unité géographique et regroupe, de plus, des pays qui ont connu, au cours de l’histoire, des destinées trèsdifférentes. Très tôt cependant, la Loire a été le trait d’union entre le nord et le sud de ces pays, et a canalisé l’activité économique. La Loire et ses abords ont fait l’objet d’un classement au patrimoine mondial par l’Unesco.

C e regroupement géographique est aujourd’huiune des plus grandes régions administratives de

France et regroupe pas moins de six départements :l’Eure-et-Loir ; le Loiret ; le Loir-et-Cher ; l’Indre-et-Loire ; l’Indre et le Cher.

Parmi les chefs-d’œuvre qu’abrite cet endroit auxmultiples visages, nous pourrions citer quatre cathé-drales (Chartres, Bourges, Orléans et Tours) parmi lesplus grandes et les plus prestigieuses de France, dontdeux (Notre-Dame de Chartres et Saint-Étienne deBourges) qui sont classées au patrimoine mondialpar l’Unesco.

Mais ce pays a le privilège d’avoir aussi des abbayeset églises romanes remarquables, certaines encoredebout et d’autres en ruines. Deux d’entre elles ren-ferment les restes de saints très populaires : Saint-Benoît-sur-Loire, qui conserve les restes de saint Be-noît ; et Saint-Martin-de-Tours, ceux de saint Martin.La voie de Tours (Via Turonensis), appelée aussi « grandchemin de Saint-Jacques », était en effet l’une desquatre voies qui rassemblaient jadis les pèlerins enmarche vers Compostelle, au-delà des Pyrénées. Nonloin de Saint-Benoît-sur-Loire, on peut voir Germi-gny-des-Prés, petite église carolingienne, célèbre parses mosaïques d’influence byzantine, uniques enFrance, et ses peintures murales. L’abbatiale de laTrinité de Vendôme possède une façade flamboyante,chef-d’œuvre de la fin du gothique, dont on ditqu’elle est l’œuvre de Jehan de Beauce, l’architecte

du clocher gothique de Chartres. Une autre merveilleà découvrir, c’est la fresque de la petite église deMeslay-le-Grenet, non loin de Chartres, représentantune Danse macabre, datant du début du XVIe siècle,une des plus complètes en France.

De belles cathédrales jalonnent la région Centre(dont deux classées au patrimoine mondial par l’Unesco)

La cathédrale de Chartres (classée au patrimoine

mondial par l’Unesco)Notre-Dame de Chartres6 (Eure-et-Loir) n’est plusà présenter au lecteur, tant elle est connue de toutun chacun. Il s’est créé au cours des années une auraparticulière autour de ce sanctuaire, comme on va levoir maintenant. Église de pèlerinage, elle est recon-naissable à ses deux flèches qui pointent vers le ciel,et semblent sortir tout droit des champs de blé del’immense plaine chartraine.

Elle est située sur un tertre, jadis le « tertre sacré »du pays des Carnutes, qu’entourait un bois sacrédans lequel les druides s’assemblaient pour faire leursdévotions et sacrifices. Ainsi, l’unique butte du paysdes Carnutes était destinée à être un lieu sacré dèsle départ…

Chartres est la cathédrale de la Vierge, et cela, dès

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II – LE CENTRE DE LA FRANCE1 - La région Centre

6 Pour plus de détails sur la cathédrale de Chartres, voir notre ouvrage Le MoyenÂge des Cathédrales, paru aux éditions Trajectoire en janvier 2007.

Cathédrale de Chartres (façade ouest).

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Avant Propos .............................................................................................................................................................................7

Introduction ...............................................................................................................................................................................9

I. Paris-Île-de-France ........................................................................................................................................................11

II. Le centre de la France ...................................................................................................................................................2 31. La région Centre ..............................................................................................................................................2 32. L’Auvergne.........................................................................................................................................................3 73. Le Limousin .......................................................................................................................................................4 7

III. L’ouest de la France ......................................................................................................................................................5 31. La Bretagne .......................................................................................................................................................5 32. La Basse-Normandie.......................................................................................................................................613. La Haute-Normandie......................................................................................................................................714. Les Pays de la Loire .........................................................................................................................................7 9

IV. L’est de la France............................................................................................................................................................8 31. Champagne-Ardenne.....................................................................................................................................8 32. La Lorraine .........................................................................................................................................................913. L’Alsace ...............................................................................................................................................................9 74. La Bourgogne .................................................................................................................................................1035. La Franche-Comté .........................................................................................................................................111

V. Le nord de la France .....................................................................................................................................................1131. La Picardie .......................................................................................................................................................1132. Le Nord-Pas-de-Calais.................................................................................................................................125

VI. Le sud-ouest de la France........................................................................................................................................1271. Le Poitou-Charentes ....................................................................................................................................1272. L’Aquitaine......................................................................................................................................................1333. Le Midi-Pyrénées ..........................................................................................................................................139

VII. Le sud-est de la France...................................................................................................................................................1511. Le Languedoc-Roussillon............................................................................................................................1512. Rhône-Alpes ...................................................................................................................................................1573. Provence-Alpes-Côte-d’Azur ....................................................................................................................1614. La Corse............................................................................................................................................................169

TABLE DES MATIÈRES

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Index .................................................................................................................................................................................................1731. Liste des 93 cathédrales de France..........................................................................................................1752. Mystérieuses Vierges noires ? ...................................................................................................................1793. Pourquoi les lanternes des morts ? .........................................................................................................1814. Les labyrinthes d’église et leurs mystères .............................................................................................1855. Pourquoi des sites de mégalithes et de pierres levées ?...................................................................1896. Que nous révèle la Danse macabre ?......................................................................................................1917. Les « Jacques » et les chemins de Compostelle ...................................................................................1938. Les grottes et peintures rupestres : scènes magiques au néolithique ? ......................................1979. La route historique des abbayes normandes .......................................................................................19910. Quel est le sens des horloges astronomiques dans nos églises ?.................................................201

Bibliographie ........................................................................................................................................................................203

Guide des grands sites sacrés en France

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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Cathédrale Saint-Caprais d’Agen (Région Aquitaine)

Cathédrale Sainte-Cécile d’Albi (Région Midi-Pyrénées)

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Cathédrale Notre-Dame

d’Amiens (Région Picardie)

Cathédrale Saint-Étienne de Bourges

(Région Centre)

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