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Ribal TP, filiale de Colas, vient d’achever la construction d’une section de la route reliant Saint-Laurent-du-Maroni à Apatou, en Guyane. Un chantier réalisé en quatre ans dans des conditions extrêmes. Voyage au cœur de la forêt amazonienne. GUYANE I maginez… Plus de trois heures de 4 x 4 et une heure de pirogue pour aller travailler. Impossible ? C’est pourtant le trajet parcouru toutes les trois semaines pendant près de quatre ans par une grande partie de l’équipe Ribal TP pour se rendre sur le chantier d’Apatou. Leur mission : construire une section de la route destinée à relier Saint-Laurent-du-Maroni à Apatou, deux villes du nord-ouest de la Guyane française. Petite leçon de géographie : «La Guyane française représente 1/5 de la superficie de la métropole, explique Patrick Rivaud, directeur de Ribal TP. 90% de la population sont regroupés sur la côte est autour des villes de Saint-Laurent, Saint-Georges et Cayenne. Lorsqu’on avance à l’intérieur des terres, on plonge dans la forêt amazonienne…» Soucieuse de désenclaver le territoire pour favoriser le développement économique et touristique de petits villages isolés, la Région Guyane a décidé d’engager la construction d’une route. Vaste défi ! Ribal TP a répondu à l’appel d’offres et s’est vu confier 35 km du tracé qui en fait près de 55. D’un montant total d’environ 20 millions d’euros pour Ribal TP, les travaux ont démarré en 2004 et touchent à leur fin. Terrassements, assainissement, ouvrages hydrauliques… Des prestations classiques, en somme. A ceci près qu’elles se sont déroulées dans un environnement très particulier. Contraintes météo et accès difficile Première difficulté : la météo. Impossible d’intervenir durant la saison des pluies, de décembre à juin. Dans ce pays, il tombe en moyenne de 4 à 5 m d’eau par an… GUYANE • Statut : département français d’outre-mer • Superficie : environ 90 000 km 2 • Population : 200 000 habitants • Chef-lieu : Cayenne • Sous-préfecture : Saint-Laurent-du-Maroni GUYANE Cayenne Saint-Laurent- du-Maroni Apatou Une nouvelle route dans la forêt amazonienne 30SFQPSUBHFT 4176'5/°BWSJM

GUYANE - Colas · Région Guyane a décidé d’engager la construction d’une route. Vaste défi ! Ribal TP a répondu à l’appel d’offres et s’est vu confier 35 km du tracé

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Ribal TP, filiale de Colas, vient d’achever la construction d’une section de la route

reliant Saint-Laurent-du-Maroni à Apatou, en Guyane. Un chantier réalisé en quatre ans dans des conditions extrêmes. Voyage au cœur de la forêt amazonienne.

GUYANE

Imaginez… Plus de trois heures de 4 x 4 et une heure de pirogue pour aller travailler. Impossible ? C’est pourtant le trajet parcouru toutes les trois semaines pendant près de quatre ans par une grande partie de l’équipe Ribal TP pour se rendre sur le chantier d’Apatou. Leur mission : construire une section de la route

destinée à relier Saint-Laurent-du-Maroni à Apatou, deux villes du nord-ouest de la Guyane française. Petite leçon de géographie : «La Guyane française représente 1/5 de la superficie de la métropole, explique Patrick Rivaud, directeur de Ribal TP. 90% de la population sont regroupés sur la côte est autour des villes de Saint-Laurent, Saint-Georges et Cayenne. Lorsqu’on avance à l’intérieur des terres, on plonge dans la forêt amazonienne…» Soucieuse de

désenclaver le territoire pour favoriser le développement économique et touristique de petits villages isolés, la Région Guyane a décidé d’engager la construction d’une route. Vaste défi ! Ribal TP a répondu à l’appel d’offres et s’est vu confier 35 km du tracé qui en fait près de 55. D’un montant total d’environ 20 millions d’euros pour Ribal TP, les travaux ont démarré en 2004 et touchent à leur fin. Terrassements, assainissement, ouvrages hydrauliques… Des prestations classiques, en somme. A ceci près qu’elles se sont déroulées dans un environnement très particulier.

Contraintes météo et accès difficilePremière difficulté : la météo. Impossible d’intervenir

durant la saison des pluies, de décembre à juin. Dans ce pays, il tombe en moyenne de 4 à 5 m d’eau par an…

GUYANE• Statut : département français d’outre-mer• Superficie : environ 90 000 km2

• Population : 200 000 habitants• Chef-lieu : Cayenne• Sous-préfecture : Saint-Laurent-du-Maroni

GUYANE

Cayenne

Saint-Laurent- du-Maroni

Apatou

Une nouvelle route dans la forêt amazonienne

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européenne. «Alterra est présente sur le marché hongrois de la construction depuis plus cinquante ans. Nos connaissances techniques et l’expérience de nos collaborateurs, alliées au soutien et à la notoriété du Groupe, nous ont aidés à remporter l’appel d’offres et à participer à cette grande et belle aventure, analyse Szabolcs Sidó. Nous avions déjà travaillé, par le passé, avec les autres membres du consortium, à l’agrandissement de l’une des stations de traitement des eaux de la capitale, au nord de la ville.» Mais avec l’usine de Csepel, un nouveau

pas a été franchi. La ville de Budapest a confié de nouveaux contrats à l’entreprise : il s’agit, cette fois, de la construction de digues contre d’éventuelles inondations de l’usine, de la réhabilitation de trois grandes pompes, et, enfin, du levage des canalisa-tions souterraines d’eaux usées sous le Danube. �

DORA POSZRONYA

LE DEFI QUOTIDIEN D’UNE FEMMEDóra Poszronya a rejoint l’aventure à la fin de l’été 2006 : «A l’époque, les demandes d’autorisation étaient en cours, les appels d’offres pour les sous-traitants avaient été lancés, le terrassement et les fouilles avaient démarré.» La jeune ingénieure s’attelle tout de suite à la tâche. Une opportunité formidable pour quelqu’un qui apprécie particulièrement le changement et l’absence de routine. Gérer les différentes contraintes, anticiper le plus possible, organiser et mener en parallèle plusieurs missions, trouver des solutions, cela ne lui fait pas peur. Et s’il n’est pas toujours facile, en tant que femme, d’imposer son autorité sur un chantier, Dóra ne s’avoue jamais vaincue : «Je prends mon travail très au sérieux, au point de le faire passer avant ma vie privée. Mais je suis très fière de participer à un tel chantier et de prouver que les femmes ont tout à fait leur place dans le BTP.»

LASZLO GORBEDI

UN VRAI TRAVAIL D’EQUIPELászló Görbedi est ingénieur chez Alterra. Il fait partie d’une équipe jeune, dynamique et soudée. Quel bonheur de voir enfin sortir de terre l’usine de Csepel ! Cela fait plus de six ans qu’il travaille sur ce projet ! L’ampleur de l’opération a nécessité un rythme de travail soutenu et une grande cohésion de l’équipe. «Alterra constitue une vraie communauté, au sein de laquelle on s’entraide et on échange un maximum entre collègues. On se voit même souvent en dehors du bureau», confie László. Les premiers contacts avec les partenaires du consortium qui n’étaient pas hongrois ont été relativement difficiles en raison des différences linguistiques et culturelles : «Nous, nous commençons nos journées à 7 heures, tandis que les Français arrivent vers 9 heures et restent parfois jusqu’à 20 heures… Mais maintenant qu’on se connaît mieux, la collaboration devient très enrichissante !»

TAMAS SEBESTENY

LA CREATIVITE AVANT TOUTIngénieur chez Alterra depuis près de onze ans, Tamás Sebestény avait déjà participé à la construction d’une station d’épuration, celle de Györ, dans l’ouest de la Hongrie. «J’ai pu mettre à profit mon expérience, notamment pendant la phase de conception du chantier. Mais le projet de Csepel est vraiment gigantesque», raconte-t-il. L’organisation de la logistique, la détermination des différentes étapes de construction et le choix des technologies conditionnent la réussite finale du projet, bien avant le lancement des travaux, même si les différents paramètres sont évidemment affinés au fur et à mesure de l’avancement des opérations. «J’apprécie beaucoup la phase de préparation, mais c’est encore plus grisant de voir se concrétiser sous ses yeux ce qu’on a imaginé, confie Tamás. Sans oublier qu’on doit faire preuve de créativité pour résoudre les nombreux problèmes techniques rencontrés !»

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UN GEANT, LE MARONI Frontière naturelle avec le Surinam, le Maroni est le plus grand fleuve de

Guyane. Ses rives accueillent une part importante de la population.

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Les équipes ne pouvaient donc être opérationnelles que six mois de l’année et aucun dérapage de planning ne pouvait être toléré. Seconde difficulté, et non des moindres : l’accès. «Le chantier se trouvait à près de 300 km de notre base principale, située à Cayenne, poursuit Patrick Rivaud. Pour le rejoindre, il fallait emprunter la piste puis le fleuve (le Maroni). Les engins – près d’une quarantaine – étaient transportés par barges tandis que les compagnons se déplaçaient en pirogue.» Au total : 4 heures et demie de trajet. Pas question, dans ces conditions, de rentrer tous les soirs chez soi ! Une base vie a donc été construite sur le parcours, constituée d’une dizaine de carbets (grandes cases collectives) en bois destinés à accueillir les quelque 50 personnes en permanence sur place. Les équipes alternaient trois semaines de travail et une semaine de repos.

La base vie a été déplacée deux fois durant la durée du chantier. «Les chefs de chantier venaient du Brésil, de Guyane, du Surinam, complète Stéphane Morlet, ingénieur travaux. Mais les

compagnons étaient embauchés dans les villages, au fur et à mesure de l’avancée de la route. Une aubaine pour ces populations qui manquent cruellement d’emplois. Il y avait une bonne ambiance dans le camp. Le soir, les hommes partaient chasser ou pêcher et nous mangions ensemble le fruit de leur traque.»

En quasi-autarcieMais il ne faudrait pas s’y tromper. Ces semaines

passées loin de la civilisation urbaine n’ont pas été

DES QUANTITES PHARAONIQUESEntre 2004 et 2007, 1 250 000 m3 de terre ont été déblayés et 830 000 m3 remblayés. Des quantités pharaoniques liées à la complexité du terrain.

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des vacances ! «Le terrain, très accidenté, comportant de nombreux dénivelés, ne nous a pas facilité la tâche, se souvient Stéphane Morlet. Après le déforestage, nous avons commencé la phase de terrassements en charriant près de 5 000 m3 de terre par jour.» Les déblais ont servi à la réalisation des remblais. La pose des ouvrages hydrauliques a également relevé du défi. «Les éléments étaient préfabriqués par une entreprise du groupe Ribal TP, puis transportés sur des porte-chars avant d’être assemblés sur site, précise Stéphane Morlet. Quant au béton, nous le fabriquions avec de l’eau drainée, du sable trouvé sur place, du gravier du Surinam et du ciment de Guyane. En bref, peu

de prestations ont été sous-traitées, ce qui nous a permis de bien maîtriser la qualité.»

La dimension environnementaleOutre l’optimisation des matériaux sur place, le

chantier intégrait une forte dimension environnementale. Pas question de porter atteinte au «poumon de la planète» ! Contrôle de la déforestation, aménagement de passages pour animaux et installation d’arbres en lisière de chaussée pour éviter que singes, pumas ou paks (de la famille des porcins) ne traversent la voie et ne se fassent écraser, récupération des déchets, des huiles usagées – autant d’actions concrètes traduisant cette volonté de préserver l’environnement. Le chantier a également permis de découvrir et d’étudier la biodiversité de la forêt amazonienne. L’Office national des forêts (ONF) a pu assurer un

UNE BASE VIE EN PLEINE FORETLes trajets trop conséquents ont imposé l’installation d’une base vie dans la forêt pour accueillir les 50 collaborateurs permanents.

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UN TERRAIN TRES ACCIDENTELa tâche des équipes n’a pas été aisée car le terrain comporte de nombreux dénivelés. Il a fallu déforester avant de procéder aux terrassements.

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STEPHANE MORLET

SA VOCATION : ETRE EXPATRIE !Né au Tchad, Stéphane Morlet passe dix-sept ans en Afrique avant de rejoindre la France pour terminer ses études d’informatique et d’électronique. Désireux, à l’image de son père – chef de chantier qui a «roulé sa bosse» un peu partout –, de travailler à l’international, il change de cap et décide de devenir ingénieur TP. Diplômé de l’ESITC de Caen, il fait son stage de fin d’études chez Colas Bénin dans le domaine des ouvrages hydrauliques, avant de partir pour le Mali et le Burkina Faso faire du terrassement, puis en Martinique où il se perfectionne sur des chantiers d’enrobés et expérimente la nouvelle technique Novacol. En juin 2007, il pose ses valises en Guyane chez Ribal TP. Heureux ? «Que du bonheur ! Jusqu’à présent, je n’avais jamais travaillé sur un chantier de grands travaux comme celui de la route d’Apatou. Là, on voit les choses en grand, avec un projet global, du matériel lourd… C’est passionnant. Et le pays et ses habitants sont très attachants.» Stéphane ne compte pas en rester là. Il est jeune, la terre est vaste…

meilleur contrôle du territoire. Enfin, les fouilles préalables au chantier ont mis au jour des vestiges qui enrichissent l’histoire de la Guyane. «Nous avons profité aussi de notre présence dans ces coins reculés pour sensibiliser les habitants des villages au problème des déchets, insiste Patrick Rivaud. Les carbets construits pour la base vie seront maintenus et serviront à des petits commerces ou à l’accueil des touristes dans le village de Sparouine.» Le début du désenclavement est en route.

A ce jour, la route d’Apatou est terminée. Reste la touche finale à apporter, courant 2008 : la chaussée. «Si nous sommes retenus pour ce marché, il s’agira de réaliser 35 km de chaussée en traitement d’arase à la chaux-ciment, recouverte d’un revêtement bicouche», explique Patrick Rivaud. La construction de deux ponts est également programmée pour les mois qui viennent. La route sera officiellement ouverte fin 2008-début 2009. Les voyages sur pistes et en pirogue ne seront alors qu’un lointain souvenir…�

RICHARD PALTON

UN BEAU PARCOURS D’AUTODIDACTE«Tout ce que je sais, je l’ai appris sur le tas», lance Richard Palton, 40 ans, Guyanais. C’est sur le terrain, avec son père, chef de chantier, qu’il se familiarise avec le métier des TP. Après son service militaire en métropole, il rentre au pays et intègre une entreprise de terrassement comme apprenti. Il deviendra ensuite conducteur de bulldozer puis de niveleuse. Et peu à peu, il gravit les échelons. Cinq ans plus tard, on lui propose un poste de chef d’équipe. En 1990, il intègre l’entreprise BEC comme chef de chantier. «A l’époque, la Guyane se développait à vitesse grand V. Il y avait beaucoup de gros chantiers comme le barrage de Petit-Saut, la base spatiale de Kourou… auxquels j’ai participé», se souvient Richard. En 2003, il entre dans le groupe Ribal TP. «La route d’Apatou a été une belle aventure, conclut Richard. Elle me laisse un sentiment de fierté car tout s’est parfaitement bien passé ; les délais ont été tenus malgré les fortes contraintes !»

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