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HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES Université Pierre et Marie Curie, Paris. Analyse Topologique de la fonction ELF : de la molécule isolée aux milieux extrêmes Par Julien Pilmé Maître de Conférences Laboratoire de Chimie Théorique Rapporteurs: Jean-François Halet, Professeur, Université de Rennes 1. Sylvain Picaud, Directeur de Recherche CNRS, UTINAM, Besançon Manuel Yañez, Professeur, Universidad Autónoma de Madrid. Examinateurs: Jean-Yves Le Questel, Professeur, Université de Nantes. Philippe Parent, Directeur de Recherche CNRS, UPMC, Paris Françoise Pauzat, Directeur de Recherche CNRS, UPMC, Paris Bernard Silvi, Professeur, UPMC, Paris

HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES · électronique ELF de Becke et Edgecombe publiée en 1990.2 A l’heure actuelle, ces méthodes topologiques constituent une approche efficace

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HABILITATION A DIRIGER DES

RECHERCHES

Université Pierre et Marie Curie, Paris.

Analyse Topologique de la fonction ELF : de la molécule

isolée aux milieux extrêmes

Par

Julien Pilmé

Maître de Conférences Laboratoire de Chimie Théorique

Rapporteurs: Jean-François Halet, Professeur, Université de Rennes 1. Sylvain Picaud, Directeur de Recherche CNRS, UTINAM, Besançon Manuel Yañez, Professeur, Universidad Autónoma de Madrid. Examinateurs: Jean-Yves Le Questel, Professeur, Université de Nantes. Philippe Parent, Directeur de Recherche CNRS, UPMC, Paris Françoise Pauzat, Directeur de Recherche CNRS, UPMC, Paris Bernard Silvi, Professeur, UPMC, Paris

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Ce mémoire décrit mes activités de recherche depuis la fin de ma thèse (2003) et concerne

essentiellement mon travail réalisé au Laboratoire de Chimie Théorique en tant qu’enseignant-

chercheur. Il se divise en quatre parties : une première partie introductive des approches topologiques

de la liaison chimique, une deuxième partie et une troisième partie exposant certains de mes travaux

réalisés depuis 2004 et une dernière partie sur le bilan et les perspectives envisagées. Je m’intéresserai

également à l'avenir de cette thématique.

Première Partie : Présentation des approches topologiques de la liaison chimique

L'objet de cette partie n'est pas de faire une présentation exhaustive des travaux présents dans

la littérature mais de positionner mes travaux accomplis dans le domaine des approches topologiques

de la liaison chimique.

Dès le début des années 1970, Richard Bader a montré que dans le cadre de la théorie des

systèmes dynamiques gradients, les propriétés mathématiques de la fonction de densité de charge (qui

est une observable) permettent de diviser l’espace moléculaire de manière rigoureuse en volumes

atomiques.1 Cette division a introduit la notion d’atome dans une molécule (Quantum Theory of Atoms

in Molecules ou théorie QTAIM) tout en restant dans un contexte purement quantique. L’atome dans

la molécule possède un volume propre et des propriétés physiques comme une charge et une énergie.

Cette théorie a ouvert la voie aux analyses topologiques de la liaison chimique et son formalisme a été

adapté aux fonctions présentant une topologie plus complexe comme la fonction de localisation

électronique ELF de Becke et Edgecombe publiée en 1990.2 A l’heure actuelle, ces méthodes

topologiques constituent une approche efficace et robuste pour l’analyse des propriétés de liaisons qui

est adaptée à l’étude de systèmes chimiques complexes.

Analyse topologique des systèmes dynamiques gradients

L’analyse topologique est en premier lieu une méthode de partition de l’espace moléculaire qui

est basée sur l'évolution déterministe d'un point de l’espace sur une trajectoire. Cette trajectoire est un

chemin de gradients d'une fonction potentielle locale scalaire V continue et dérivable en tout point de

l'espace. Chaque trajectoire ne se coupe en aucun point de l'espace et se trouve bornée entre deux

points extréma, appelés points critiques où le gradient est nul ( V = 0). L’ensemble des trajectoires

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qui finissent sur un maxima de la fonction (attracteur) constituent une variété stable qui est appelée

bassin (volume de l’espace). Les trajectoires qui aboutissent sur un point selle définissent une variété

instable qui est un surface de flux nul appelée séparatrice. Elle constitue une surface frontière entre

les bassins.

Chaque point critique est classifié selon la valeur de ses exposants caractéristiques qui sont

les valeurs propres de la matrice hessienne. Celle-ci peut être caractérisée par un couple (r, s) où r est

le rang de la matrice hessienne et s la signature de celle-ci. Le rang est le nombre de valeurs propres

non nulles et la signature correspond à l'excès de valeurs propres positives par rapport aux négatives.

Dans l'espace euclidien 3D les divers couples (r, s) sont :

couple (r, s) Courbure type d'extrema

(3, +3) 3 positives minimum local

(3, +1) 2 positives, 1 négative point selle

(3, -1) 1 positive, 2 négatives point selle

(3, -3) 3 négatives maximum local - attracteur

Tableau 1. panorama des points critiques d’une fonction de la densité

Le couple (3, +1) correspond à un minimum dans le plan des valeurs propres positives et un

maximum suivant la troisième direction. Au contraire, le couple (3, -1) correspond à un maximum

dans le plan des valeurs propres négatives et un minimum suivant la troisiéme direction. Le nombre de

points critiques obéit à la relation de Hopf-Poincaré pour un système fini tel que [n(3,-3)-n(3,+3)+n(3,+1)-

n(3,-1) = 1]. Les attracteurs caractérisés par un couple (3, -3) définissent les zones de forte densité de la

fonction locale choisie, leurs positions sont donc toujours liées à un maximum de probabilité de

présence électronique pour des fonctions de localisation électronique. Un excellent exposé du

formalisme des systèmes dynamiques gradients et de l'analyse topologique de fonctions locales est

proposé dans deux ouvrages fondamentaux d'Abraham et Marsden et d'Abraham et Shaw. 3 Cette

approche utilisée dans de nombreux domaines d’applications en physique a été adaptée en chimie dans

le cadre des approches topologiques de la liaison.4

L’approche “Quantum Theory of Atoms in Molecules”

Dans cette théorie 1,5 la fonction scalaire est la densité électronique ou densité de charge (notée

(r)). La notion d’atome topologique (noté ) est défini par les bassins de la densité qui sont centrés

aux noyaux atomiques. Il faut noter la densité aux positions nucléaires présente un point de

rebroussement mais en utilisant des fonctions gaussiennes, elle devient une fonction continue et

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dérivable en tout point. Les maxima (attracteurs) étant seulement centrés sur les atomes, les bassins

seront donc uniquement atomiques. L'intégration de l'élément de volume dans son bassin définie le

volume atomique. Les volumes atomiques sont séparés par les surfaces de flux nul, comme illustré en

Figure 1.

Figure 1. Profil tridimensionnel de la densité pour la molécule d’eau. La position des séparatrices pour les liaisons

O-H se devinent proches des hydrogènes.

Une population N() d’un atome s'obtient en intégrant la densité électronique dans le volume du

bassin (noté ) :

dN )()( r

Le moment dipolaire total du système est la somme d’un terme de transfert de charge entre atomes

et des distributions atomiques de la densité (distorsions dipolaires ou moment d’ordre 1). Il est calculé

comme :

)d)(ρ(ZRd)(ρμ rrrrr

Où R sont les coordonnées nucléaires, r sont les coordonnées électroniques et Z la charge

nulcéaire de l'atome.

Le Laplacien de la densité et la liaison chimique

La fonction L(r) = -2 est un outil puissant pour analyser des interactions intra et inter

moléculaires. 1,6,8 En effet, les zones de concentration de charges correspondent aux valeurs positives

de L(r). Les régions de déplétion de charges correspondent aux valeurs négatives de L(r). Les valeurs

du Laplacien aux points critiques de liaisons (points (3,-1) situés entre les noyaux) sont

particulièrement utiles pour caractériser la nature des interactions. En effet, le signe du Laplacien

décrit l'effet dominant. Si L(r) est négatif, c'est l'effet de diminution de la densité suivant la liaison qui

prédomine et si au contraire L(r) est positif, c'est le maximum dans la direction perpendiculaire qui est

dominant. R. Bader a ensuite proposé une interprétation chimique qui identifie une interaction à

couches fermées pour L(r) négatif au point critique de liaison (liaison ionique et dative) et une

interaction à électrons partagés pour un L(r) positif (liaison covalente). La fonction L(r) présente des

maxima atomiques et non atomiques qui correspondent la plupart du temps, aux paires non liantes et

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aux liaisons dont les positions dans l’espace sont cohérentes avec le modèle de Valence Shell Electron

Pair Repulsion (VSEPR) 7,8 , comme illustrée sur la Figure 2.

Figure 2 : Topologie de la fonction L(r) pour NH3. Isosurface L(r) = 1.2

Le Laplacien est très utile pour l’analyse des interactions intramoléculaires mais reste difficile à

utiliser pour rationaliser les interactions intermoléculaires. Récemment, un nouvel indice a été

proposé par W. Yang pour rationaliser ces interactions intermoléculaires qui conditionnent les

propriétés de nombreux systèmes organiques, biologiques ou celle des matériaux. Cet indice basé sur

la densité de gradient réduite (noté s()) a été baptisé Non-covalent Interaction Index (NCI).9 Il

permet de visualiser les regions attractives et répulsives entre les molécules.

Depuis sa publication, la théorie QTAIM est intensivement utilisée pour l’analyse des structures

électroniques dans de nombreux contextes d’applications (les articles de references comme (« A

Quantum-Theory of molecular structures and its applications » (1991) de R. Bader a été cité plus de

1000 fois). Parmi les nombreuses applications de la théorie, on peut citer l’exemple des acides

nucléiques dont le rôle est crucial pour les mécanismes du vivant et pour lesquels la théorie QTAIM a

permis de rationaliser leurs stabilités par une meilleure compréhension des interactions faibles.10

D’autre part, des efforts pour établir un nouveau champ de forces polarisable basé sur la partition

atomique de la densité ont été réalisés.11 Un des atouts de cette approche réside dans l’utilisation d’un

developpement multipolaire des moments topologiques pour calculer les contributions electrostatiques

de l’energie tel que :

....

NNNN

/arg

3

B1

A1

arg/arg

BA,

dipoleeCh

AB

echeCh

BAElec RR

EMMR

Où NA et NB sont les populations des atomes A et B. M1A et M1

B sont les moments d’ordre 1

(distorsions dipolaires) des mêmes atomes. R est la distance entre A et B.

Une caractéristique pour les multipôles topologiques est de montrer une forte transférabilité pour un

fragment moléculaire donné et de ne pas être trop sensibles aux différents effets de bases et de

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méthodes, ce qui permet d’assurer une bonne description des effets électroniques quel que soit le

niveau de calcul. Cet aspect est illustré dans le tableau 2 pour l’atome d’oxygène dans la molécule

d’eau :

Méthode de calcul a PW91 B3LYP12 HF13 MP214 MP4SDQ14 CISD15

Charge de l’oxygène (électrons)

-1.10 -1.13 -1.23 -1.18 -1.16 -1.17

|M1|b pour l’oxygène (u.a.) 0.26 0.25 0.39 0.35 0.32 0.33

Tableau 2. Charge et polarisation de l’oxygène de la molécule d’eau. a) Calculs effectués avec une base de Dunning cc-pVTZ. b) |M1| est la norme du vecteur M1

Dans ce contexte, plusieurs tentatives de rationalisation des approches QTAIM appliquées aux

méthodes de structure-réactivité 3D-QSAR16 ont été également proposées mais a l’heure actuelle ces

approches n’ont pas abouties.

Définitions de la fonction de localisation ELF

Dans la lignée de la théorie QTAIM, des fonctions de localisation plus élaborées que la

densité ont été proposées. C’est le cas de la fonction Electron Localization Function (ELF) de Becke

et Edgecombe (1990)2 qui vient de fêter ses 20 ans.17 Cette fonction a été initialement définie pour les

systèmes Hartree-Fock mais fut étendue rapidement aux systèmes Kohn-Sham (Density Functional

Theory ou DFT).18 Brièvement, la fonction ELF est une mesure de la répulsion de Pauli basée sur la

probabilité conditionnelle Pcond(r1, r2) de trouver un électron de spin en r2 sachant qu'un électron

de référence de même spin se trouve en r1, cette probabilité tendant vers zéro quand r2 r1. Comme

la correlation entre électrons ne dépend que la distance entre eux, il est intéressant d’exprimer cette

probabilité en fonction de la position de référence r du premier électron et de sa distance s avec le

deuxième électron situé en r2 (s = r- r2). En utilisant un développement de Taylor autour de s = 0

(r2r), cette probabilité, notée ici Pcond(r, s), s’exprime pour une fonction d’onde Hartree-

Fock (déterminant de Slater de spin orbitales notées (xi)) comme:

...TTs3

1...

)ρ(

)ρ(

4

1)φ(s

3

1)s,(P w

σs

2σ2

i2

cond

r

rxr

N

i

avec

2

iσs )φ(T

N

i

x la densité d'énergie cinétique positive locale des électrons et σ

w )ρ(

)ρ(

4

1T

r

r

La quantité Ds = T

s - Tw est nulle dans le cas de l’atome d’hydrogène (Ts

= Tw ) et elle est

négligeable pour les régions proches des noyaux. De manière générale, Ds est faible quand la

probabilité de trouver un électron ou une paire électronique est grande mais peut atteindre de grande

valeurs dans les autres régions.

On peut définir Ds pour un système couches fermées :

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wss TTD avec 2

is )φ(21

T N

i

x la densité d'énergie cinétique et )ρ(

)ρ(

8

1T

2

w r

r la

densité d’énergie cinétique pour un système équivalent de bosons (sans répulsion de Pauli).

Comme l’a remarqué A. Savin18, Ds peut alors être simplement interprétée comme un excès

d’énergie cinétique local du a la répulsion de Pauli. Récemment, plusieurs expressions de Ds établies à

partir d’approximations directes de la densité de paires (par exemple Buijse et Baerend19) ont été

proposées. Ces récents développements sont cruciaux puisqu’ils étendent la possibilité des analyses

topologiques ELF aux fonctions corrélées (Mollet-Plesset, Interaction de Configurations) 20 dont

l’utilisation peut se réveler nécessaire pour décrire correctement les interactions faibles (dispersives)

typiquement mal décrites en DFT.12

Pour que Ds soit un révélateur simple de la localisation électronique, l’article original de Becke

et Edgecombe propose de comparer Ds à une valeur référence. Cette référence (notée Do(r)) est celle

du gaz homogène d’électrons (densité constante) qui s’écrit :

u.a.)(3π10

3Caveccte)ρ(CT)(D 2/32

f5/3

fs0 rr

Finalement, la formulation standard de la fonction ELF (traditionnellement notée ) bornée

entre 0 et 1 s’exprime comme :

12

o

s

)(D

)(D1η

r

r

Cette fonction prend donc des valeurs proches de 1 pour les régions de répulsion de Pauli

minimale (électrons appariés ou célibataires). L’expression de ELF peut être également écrite pour des

systèmes à couches ouvertes (densités de spin et traitées séparément)21 selon l’expression :

12

5/35/33/2

222

)(ρ)(ρ2

)(ρ

)(ρ

)(ρ

)(ρ

8

1

2

1

rr

r

r

r

r

f

Nv

ii

C

L’analyse topologique de cette fonction a été proposée par B. Silvi et A. Savin dès 1994. 4

Cependant, c’est la parution du code TopMod (1999) 22 qui a permis de populariser les analyses ELF

en utilisant les fonctions d’ondes générées par le programme Gaussian23. Ainsi, depuis 1999, plus de

800 articles se référant à la publication du journal Nature4 ont été publiés.

La topologie de la fonction ELF

les bassins de ELF correspondent aux domaines de répulsion de Pauli minimale autour d’un

maximum local (attracteur). Contrairement aux maxima de la densité, les attracteurs ELF peuvent etre

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non atomiques. Ces attracteurs sont généralement ponctuels mais peuvent être circulaires (la symétrie

moléculaire appartenant à un groupe continu peut engendrer un tel cas). Par exemple, les molécules

linéaires comme C2H2 ont un attracteur en dehors de l'axe moléculaire qui sera déformé suivant un

tore centré sur l'axe. Pour les atomes, les attracteurs sont des sphères concentriques centrées autour du

noyau. Ils correspondent aux diverses couches atomiques (L, M, N, ..) excepté pour la couche K où

l'attracteur centré sur le noyau est ponctuel.

Les bassins des attracteurs se répartissent en bassins de cœur (contiennent les noyaux) et les

bassins de valence. Un bassin est protoné s'il englobe un atome d'hydrogène. Un bassin de valence est

connecté à un cœur si, d'une part les deux attracteurs sont limités par une séparatrice commune et,

d'autre part, si le domaine qui entoure l'attracteur de cœur entoure aussi celui de valence. Les bassins

de valence sont répartis selon leur connectivité à un attracteur de cœur, défini par un ordre

synaptique. Le tableau suivant donne la nomenclature des bassins suivant l'ordre synaptique.24

Ordre Synaptique Nomenclature Symbole du bassin Signification chimique

0 Asynaptique C(A) coeur

1 Monosynaptique V(A) paire non liante

2 Disynaptique V(A, B) Liaison covalente ou dative

3 Polysynaptique V(A, B, C, ..) Liaison multicentrique

Tableau 3. les différents types des bassins ELF

La présence ou l'absence d'un bassin di- ou polysynaptique dans une molécule est un élément

fondamental puisqu'un tel bassin est indicateur d’une liaison covalente ou dative. L'absence d'un tel

bassin est donc, à contrario, indicateur de liaison sans partage d'électrons (ionique, liaison hydrogene

ou interactions plus faibles de Van der Waals).

A titre d’exemple, la topologie ELF pour le méthanol est présentée en Figure 3.

Figure 3. Topologie ELF de la molécule CH3OH. Code couleur. magenta: bassins de cœurs C(O) et C(C), rouge:

paires non liantes de l’oxygene, vert: bassins de liaison C-O et bleu: bassins de liaisons protonées O-H et C-H.

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Domaines de localisation

Un domaine de localisation est un volume limité par une isosurface de la fonction. Chaque

domaine contient au moins un attracteur. S'il n'en contient qu’un, le domaine est qualifé d’irréductible.

Population moyenne du bassin et structure résonnantes

Comme pour l'analyse de la densité, la population moyenne d'un bassin s'obtient en intégrant la

densité électronique dans le volume du bassin (noté ) :

dN )()( r .

La densité de spin intégrée pour les systèmes à couches ouvertes est calculée comme :

dSz ))()((2

1)( rr .

La variance 2 d'un bassin 25 peut être aussi calculée. Elle représente l'incertitude sur la population de

celui-ci, c'est à dire la fluctuation de population avec les autres bassins du système.

Les populations de liaisons et de paires non liantes calculées avec l’approche ELF sont souvent

différentes de la répartition électronique formelle des paires de Lewis correspondantes aux molécules

étudiées. En effet, l'interprétation de la population du bassin peut être comprise comme la

superposition pondérée de plusieurs structures résonnantes.25 Si on admet que les structures

topologiques basées sur les propriétés de la densité sont plus proches des structures réelles que celles

de Lewis, la distribution des populations dans chaque bassin est donc une moyenne des diverses

structures formelles résonnantes. Sans donner plus details, il est possible, en admettant quelques

approximations, de déterminer le poids de chacune de ces structures formelles.26

Deuxième Partie : Développements méthodologiques A- Au delà de l’analyse de charge : Moments Electrostatiques distribués ELF

Ces travaux concernent les articles [7], [9], [10], [12], [21] et [23] de ma liste de publications.

Dans le contexte de la théorie QTAIM, il a été montré 11a que les moments électrostatiques

sont utiles pour décrire les schémas de liaisons.27 Dans un article récent28, nous avons proposé

d’étendre ce formalisme à la partition topologique de la fonction ELF. Brièvement, la polarisation

dipolaire (moment d’ordre 1 noté M1) est un vecteur dont les composantes sont définies

par intégration de la densité (r) dans le volume du bassin tel que :

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dXxM cx )()()(1 r

dYyM cy )()()(1 r

dZzM cz )()()(1 r

Où Xc, Yc, Zc sont les coordonnées cartésiennes de l’attracteur et x, y, z sont les coordonnées

électroniques. Dans cette approche, le moment dipolaire total du système moléculaire est définie par

la somme des composantes:

XZXNM .)()(1

Où M1() est le moment d’ordre 1 et N() est la population (monopôle) du bassin . X sont les

coordonnées de l’attracteur situé au centre du bassin . Z est le numéro atomique si le bassin contient

un noyau, sinon Z=0 si le bassin est non atomique. Le signe des composantes du vecteur M1 indique le

sens de la distorsion en fonction de l’orientation des axes du repère. Dans le même esprit, les

composantes de la polarisation quadrupolaire (moment d’ordre 2) sont définis par:

dZzM czz )())(3(2

1)( 22

,2 rr

dYyXxM ccyx

)()]()[(2

3)( 22

,2 22 r

dYyXxM ccxy )())((3)(,2 r

dZzXxM ccxz )())((3)(,2 r

dZzYyM ccyz )())((3)(,2 r

La norme des moments est alors définie par: i

iM 2)()(M

Grâce a l’invariance des normes, les moments permettent de décrire finement les interactions

intra et intermoléculaires en examinant les diverses polarisations de la densité (distorsions) dans les

bassins de valence ELF (liaisons et paires non liantes) impliquées dans divers environnements

chimiques. Une valeur nulle indique une absence de polarisation (déformation de la densité) dans le

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bassin. On retrouve typiquement ce cas pour les bassins de cœurs. Nous avons écrit un code pour le

calcul analytique des moments ELF qui a été implémenté dans un module existant du package

TopMod (programme grid09). Ce programme modifié pour le calculs des moments a été nommé

TopChem90, il permet un calcul des moments de l’ordre 0 (population) jusqu'à l’ordre 6 pour la

partition ELF et pour la partition atomique QTAIM. Beaucoup de résultats de ce manuscrit présentant

des calculs de moments ont été réalisés avec le programme TopChem90.

Applications des moments ELF à la caractérisation des liaisons intramoléculaires

Au-delà de l’analyse des populations, nous avons montré que les liaisons covalentes peuvent

être finement caractérisées par les polarisations quadrupolaires (moment M2). En effet, la norme de

cette quantité (noté |M2|) est indépendante du repère choisi et indique comment le volume du bassin

s’étend dans l’espace moléculaire, ce qui pour les bassins de liaisons (covalentes) révèle l’importance

du caractère /. Par exemple, |M2|=0.30 u.a. pour le bassin de liaison V(C, C) de C2H6 alors que

|M2|=0.40 u.a. pour un même bassin V(C, C) dans C6H6, ce qui traduit l’apparition d’un fort caractère

dans la liaison C-C. D’autre part, une disposition appropriée de l’axe z pour ces systèmes

(perpendiculaire au plan moléculaire et centré au milieu de l’axe de liaison) permet de caractériser

plus précisément le caractère par la valeur de la composante M2,zz. Pour le bassin de liaison V(C, C)

de C2H6, M2,zz = -0.14 u.a. alors que M2,zz = -0.40 u.a. pour un bassin V(C, C) dans C6H6, ce qui révéle

une forte distorsion de densité suivant un axe perpendiculaire à la liaison, cohérente avec

l’augmentation du caractère . Dans le cadre QTAIM, les moments restent strictement atomiques et

les contributions liantes et non liantes sont imbriquées au sein des bassins atomiques. Aussi, nous

avons adapté cette approche à la partition ELF. L’avantage de cette dernière est de permettre une

séparation claire des liaisons et des paires non liantes et donc de donner une interprétation plus

intuitive des moments.

Nous avons réalisé une étude de la liaison C-O, liaison qui est impliquée dans de nombreux

systèmes organiques et inorganiques. Dans ces systèmes, l’aspect covalent de la liaison C-O se

manifeste pour la présence d’un bassin V(C, O) situé entre les deux atomes C et O (Figure 3).

Les systèmes ont été choisis en fonction de leur ordre de liaison formel (OL) depuis le

méthanol CH3OH (OL = 1) jusqu’au formaldéhyde H2CO (OL = 2). Entre ces deux extrêmes, tout un

panel de molécules a été étudié. Nous nous somme intéressés à la norme de la quantité |M2| pour le

bassin de liaison V(C,O) en fonction de la distance de liaison rC-O qui est habituellement corrélée aux

poids relatifs des contributions /.27 Le résultat de cette étude est présenté sur la Figure 4.

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Figure 4. Valeurs de |M2| pour le bassin V(C, O) en fonction de la distance de liaison rCO. Cette étude donne des résultats qui confirment parfaitement la corrélation existante entre la distance

de liaison, la valeur de |M2| et le caractère de la liaison. Parmi les molécules étudiées, trois groupes

distincts ont été identifiés :

Les systèmes : CH3-OH, O-(CH3)2, Ph-OH, NH2CH2CO-OH, HOC-OH (en bas de la Figure 4)

Les systèmes : H2C=O, NH2-CH=O, FHC=O, HO=COH, NH3+CH=O, PhCH=O (en haut de la

Figure 4)

Un groupe intermédiaire où les contributions / sont proches : HCO2-, CO3

2- et CO. (au milieu de la

Figure 4). Dans ce dernier groupe, le cas de la molécule CO est particulièrement intéressant car la

nature de la liaison C-O dans ce système fait encore l’objet d’un débat. Récemment, un article sur ce

sujet a été publié. 29 Les auteurs ont montré par des méthodes d’analyse orbitalaires et topologiques

ainsi que par une méthode de décompositions énergétiques, que les contributions et sont en fait

très proches dans cette molécule. Ce résultat est parfaitement cohérent avec la valeur du |M2| trouvé

pour le bassin de liaison V(C, O) (voir Figure 4).

Applications des moments ELF aux interactions intermoléculaires

L’analyse des moments est également intéressante pour la rationalisation des interactions

intermoléculaires. En effet, l’étude de la polarisation des paires non liantes dans une molécule est

fondamentale pour la compréhension de la réactivité. Cette méthode d’analyse des moments est

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analogue à une approche de type Fukui30 qui prédit les sites d’attaques atomiques nucléophiles et

électrophiles en fonction des orbitales frontières HOMO (plus haute orbitale occupée) et LUMO (plus

basse orbitale vacante) tel que :

enucléophilattaqueuned'visàvisréactivitéφ2

HOMOf

leélectrophiattaqueuned'visàvisréactivitéφ2

LUMOf

Le problème est que cette approche est strictement atomique et que la réactivité ne l’est pas

forcément. Par exemple pour l’éthylène, l’orbitale HOMO est de symétrie . La topologie de cette

orbitale est fortement délocalisée entre les carbones et par conséquent, le site d’attaque nucléophile est

plutôt situé entre les atomes. L’approche ELF étant non atomique, il est donc intéressant du point de

vue de l’étude de la réactivité d’être capable d’identifier les sites de liaisons, situés pour l’éthylène

entre les carbones au dessus et au dessous du plan moléculaire (Figure 5 ci-dessous).

Figure 5. Topologie ELF de l’éthylène. Code couleur. magenta: bassins de cœurs C(C), vert: bassins de liaison C-O

et bleu: bassins de liaisons protonée C-H.

L’étude des liaisons intermoléculaires (comme la liaison hydrogène) peut être alors rationalisée par

l’examen des polarisations des paires non liantes qui sont séparées des sites de liaisons. Prenons

l’exemple d’une telle étude avec le système HF—N2 qui montre une interaction par liaison hydrogène

faible sans transfert de charge entre les molécules HF et N2. 31 L’analyse des populations et des

moments ELF du 1er ordre est reproduite dans le tableau 4 et la topologie ELF correspondante est

montrée en Figure 6.

B3LYP/6-311+G(2d,2p) N [V(N1)] M1z of V(N1) M1z of V(N2)

N2 3.21 e 2.61 u.a. 2.61

N2---HF 3.21 e -2.42 u.a. 2.61

Tableau 4. Analyse ELF pour la molécule HF—N2 (populations N en électrons)

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F H N1 N2 Figure 6. Domaines de localisation ELF pour le système FH—N2 (axe z suivant l’axe moléculaire). Code couleur. rouge: paires libres F et N, vert: liaison covalente N-N, bleu: liaison protonée F-H et magenta: cœur N et F La population du bassin correspondant à la paire non liante impliquée dans la liaison hydrogène V(N1)

est identique à celle du même bassin dans la molécule N2 isolée. Le transfert de charge net (CT) entre

les deux fragments N2 et FH peut être calculés par différence de populations tel que :

isolé)Ndun(populatio14)(NCT 2N 2

Dans ce cas, le transfert de charge a été trouvé quasi-nul. Ceci est parfaitement cohérent avec

le schéma d’une liaison hydrogène faible. Si l’analyse des populations de bassins ne permet pas

d’apporter des informations sur cette interaction faible, l’analyse de la composante M1,z du vecteur

M1 (axe z orienté suivant l’axe moléculaire dans le sens N2--HF) révèle une distorsion non négligeable

du bassin V(N1) impliqué dans la liaison hydrogène (M1z = -2.42 u.a.) par rapport au N2 isolé (M1z

=2.61 u.a.). Cette distorsion est orientée dans le sens de déshydrogénation FH. Ce résultat n’est pas

surprenant pour une interaction de ce type et, il illustre la capacité de ce formalisme à rationaliser

finement les interactions intermoléculaires telles que la liaison hydrogène.

Parmi les études très récentes que nous engagées sur l’analyse de la liaison hydrogène par les

moments ELF, celle concernant les sulfoxides et leurs homologues séléniés (sélénoxides) complexé a

un donneur de liaison H mérite d’être signalée. Ce travail s’effectue en collaboration avec le

Laboratoire CEISAM de l’université de Nantes32 qui a constitué pour ces composés une échelle

thermodynamique de force de liaison H appelée pKBHX. Cette échelle unique de part la grande

diversité structurale des composés étudiés (aujourd’hui, plus 1200 accepteurs de liaison H ont été

mesurés) et de part l’étendue du domaine énergétique couvert (environ 42 kJ mol-1 pour les bases

neutres) constituera une référence solide pour nos résultats théoriques.

Applications des moments ELF à un modèle de la protéase aspartique HIV

L’objectif était de décrire une interaction N| –CO peu usuelle mais présente dans certaines

molécules d’intérêt biologique comme les alcaloïdes.33 L’équipe bio-organique du laboratoire de

chimie de l’Ecole Normale Supérieur Lyon a proposé d’utiliser cette interaction pour la mise au point

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de nouveaux inhibiteurs mimant un état de transition de la protéase aspartique HIV.34 Pour étudier les

propriétés de cette interaction, nous avons choisie une structure cyclique NMe3(CH2)4O (Figure 7),

motif que l’on retrouve dans de nombreux alcaloïdes.

Figure 7. Modèle de la liaison N-CO.

Nos calculs de chimie quantique (DFT, MP2) ont démontré l’extrême variabilité de la distance

N-C où deux régimes de distances ont été identifiés. 35A longue distance (dCN > 2.5 Å) l’interaction N-

CO est purement électrostatique mais à courte distance (dCN < 2.5 Å) une interaction covalente N-C

se forme. Ce régime courte distance est stabilisée par un environnement protique et polaire mais reste

particulièrement sensible aux paramètres de solvatation (variation de la constante diélectrique ou

nombre de molécules d’eau présentes dans la première couche de solvatation de la molécule). Une

approche d’Interaction de Configuration montrent que le schéma classique de nBNB(-donneur)

P

*PBCOB(accepteur) n’est pas vérifié lors de la formation de la liaison covalente. En effet, cette interaction

est le résultat d’une stabilisation électrostatique entre le doublet de l’azote et le formaldéhyde du type

N|--CO avec un transfert de charge NMe3 H2CO très faible. La formation de cette liaison entraîne

une modification de l’état d’hybridation du carbone (initialement sp2) vers un état sp3, ce qui induit

une distorsion du fragment H2CO plan vers un arrangement tétraédrique et une séparation de charge

importante CP

+P-OP

-P. La Figure 8 montre la topologie de la fonction ELF pour chaque régime de distance

N-C.

Figure 8. Domaine de localisation ELF de la molécule N(Me)3-H2CO pour deux distance N-C. dCN = 3 Å (droite) et

dCN = 2 Å (gauche). Code couleur. Vert: liaisons C-C, N-C et C-O, rouge: paires libres N et O, magenta: cœur N, C

et O. Les liaisons O-H ont été omises pour la clarté de la représentation.

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La liaison covalente N-CO se forme (apparition du bassin de liaison V(N, C)) quand on passe d’un

régime longue distance (Figure de droite) à un régime courte distance (Figure de gauche)) sous

l’influence d’un milieu solvaté (ici modélisé par un modèle de continuum diélectrique PCM 36). Pour

affiner la description de cette interaction, la polarisation quadripolaire |M2| a été calculé au niveau

B3LYP/6-311+G(2d) pour les bassins V(C ,O) et V(O) pour chaque régime de distance. A longue

distance, on observe une forte valeur de |M2|=1.43 u.a. pour le bassin V(C, O) et une faible valeur

|M2|=0.94 u.a. pour une paire non liante V(O). En revanche, le court régime montre une faible valeur

|M2|=0.42 u.a. pour le bassin V(C, O) et une forte valeur de |M2|=1.12 u.a pour le bassin V(O). Ces

résultats montrent donc que la formation de la liaison N-C (court régime) est en accord avec un

schéma de liaison simple polarisée du type H2C+-O-. Cette polarisation apparaît d’autant plus forte que

l’environnement est polaire.

En conclusion, on remarque que le système lié (régime courte distance dCN) est analogue du

point de vue de la géométrie et de la structure électronique à un système zwitterionique du type

Me3N|+--CH2O- ou plus subtilement, à un schéma du type Me3N|+--C+H2O

-. Ceci nous a permis de

comprendre la sensibilité de la liaison N|-CO à environnement polaire car les formes zwitterioniques

(comme par exemple celle des acides aminés NH3+CHRCOO- ) sont très stabilisées en milieu solvaté

ou en présence de glace.

Applications des moments pour la caractérisation de la dureté des cations par les moments ELF

Les cations métalliques monoatomiques jouent un rôle clé dans de nombreux systèmes

biologiques. Par exemple, l’activité des protéines est directement liée à leurs capacités d’interactions

avec ses cations. A titre d’exemple, la présence de calcium Ca2+ intervient dans le processus de

coagulation sanguine, comme dans la bonne transmission des signaux nerveux ou encore dans les

processus de divisions cellulaires. Il est connu (obtention de structures X) que les principales

interactions responsables de l’activité biologique sont dues aux interactions entres les groupes

carboxylates RCOO- (malonates plus généralement) des protéines avec le cation métallique.37

Cependant, la capacité des cations à se lier par des interactions fortes dépend de la structure

électronique du cation, en l’occurrence de son caractère dur/mou. Ce caractère électronique des

cations est lié à la capacité du cation à résister aux déformations (théorie de la dureté chimique de Parr

and Pearson38 généralisant l’approche HArd and Soft Acids and Bases ou HSAB). Cette déformation

peut être révélée par l’analyse des interactions entre les cations avec un groupe carboxylate. Une

analyse ELF des interactions bidentate entre les cations M+ et M2+ avec des groupement formate

HCOO- (modèles simples de malonate) fait apparaître les différences de structures électroniques entre

les cations. Nous avons proposé39 une nouvelle caractérisation de la notion de dureté/molesse des

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cations par l’étude de la polarisation de la couche de valence. Comme illustrée en Figure 9 et sur le

tableau 5, en présence de formate HCOO-, les cations Li+, Na+ et Mg2+ ont une couche électronique

externe qui reste sphérique et possèdent des moments |M1| soit nuls, soit très faibles. Ceci révèle leurs

faibles capacités à se polariser, ce sont des cations durs. En revanche, les cations K+, Ca2+, Cu+ et Zn2+

dont la couche électronique externe se scinde en plusieurs bassins de subvalence entourant le cœur

métallique (Figure 9), possèdent des moments plus élevés. Ceci révèle leur forte capacité à se

polariser, ce sont des cations mous. Ce caractère de polarisation a été aussi confirmé par une approche

plus traditionnelle des fonctions de Fukui condensés dans les bassins atomiques QTAIM (noté ). Ces

fonctions sont définies de la manière suivante :

e.nucléophilattaqueuned'visàvisréactivitédφ)(2

HOMO

f

le.électrophiattaqueuned'visàvisréactivitédφ)(2

LUMO

f

La tableau 5 montre que le comportement dur pour un cation est associé logiquement à une faible

valeur de f+() alors qu’une forte valeur f+() révèle un comportement mou pour le cation. Ces

résultats sont parfaitement en accord avec l’analyse des moments.

Figure 9. Domaines de localisation ELF pour différents cations biologiques en interactions avec le groupement HCOO-

Cations |M1| (u.a) pour le bassin de cœur

f+()

Li+ 0.00 0.23 Na+ 0.08 0.44

Mg2+ 0.06 0.46 K+ 0.31 0.59

Ca2+ 0.35 0.98 Zn2+ 0.39 0.99

Tableau 5. Polarisation ELF des cations métalliques.

La norme du vecteur |M1| est donc une signature du caractère dur/mou des cations monatomiques. Ce

comportement des cations apparaît donc comme crucial car il révèle la capacité à se lier aux

carboxylates. L’exemple de la coagulation sanguine (cité plus haut) est illustratif de l’importance du

caractère dur/mou des cations biologiques. Brièvement, les facteurs de la coagulation sont des Sérine

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Protéases qui s’introduisent, par leur domaine GLA (gamma-carboxyglutamic domain), dans la

membrane cellulaire à proximité d’une blessure. Ce faisant, elles initient une cascade d’interactions

protéine-protéine qui aboutira à la formation du caillot sanguin. Ces domaines sont structurés par un

réseau de 7 cations (Ca2+ et/ou Mg2+) et il a montré que l’activité biologique des protéines est lié à la

présence de cations Ca2+ (cation mou) et que la seule présence des cations Mg2+ (cation dur) n’est pas

suffisante. 40 Ceci est parfaitement cohérent avec nos calculs39 car la présence de cations mous comme

Ca2+ (se liant fortement aux carboxylates) permet de structurer le domaine dans une géométrie

fonctionnelle et à influer sur l’activité biologique.

Etude de la transférabilité des moments.

Les champ de forces (potentiels d’interaction) utilisés en biologie sont généralement médiocres

au niveau des processus de polarisation qui interviennent dans les structures secondaires de protéines.

Pour permettre une bonne paramétrisation de ces processus, il est nécessaire de posséder des résultats

expérimentaux fiables. Dans le cadre du projet LASIHMODO (ANR 2008-2011)41, nous avons

engagé une collaboration étroite avec les physiciens de la phase gazeuse (CEA Saclay, CNRS Orsay)

dans le but de collecter des données de références sur l'énergétique et la structure du réseau de liaisons

hydrogènes de molécules flexibles isolées et de leurs complexes. Cependant, l’apport de données

expérimentales fiables doit être couplé avec un modèle théorique des potentiels polarisables adapté à

la description des processus de polarisation et des effets coopératifs dus aux liaisons hydrogène se

formant dans les structures secondaires des protéines comme les hélices. Nous avons initié, le

développement d’un nouveau champ de forces où les contributions électrostatiques sont décrites par

un développement multipolaire de moments topologique ELF distribués. Une approche similaire

basée sur la théorie QTAIM existe depuis plusieurs années.11,42 Cependant, l’originalité de notre

approche est de permettre la distribution des moments directement sur les liaisons covalentes et les

paires non liantes, contrairement à l’approche QTAIM qui ne permet qu’une distribution strictement

atomique. Nous avons dans un premier temps focalisé notre travail28,43 sur l’étude de la transférabilité

des moments ELF dans un fragment moléculaire donné, comme par exemple, dans la chaîne

principale des acides aminés -CH(NH2)COOH qui est commune à toutes ces molécules. Cet aspect est

important pour le futur développement d’un champ de forces. Des études similaires sur ce fragment

avaient été menées pour les moments atomiques et leur transférabilité a été démontrée.44 La Figure 10

présente les domaines de localisation ELF pour la glycine. Le tableau 6 présente les polarisations

dipolaires et quadripolaires des bassins de liaisons V(C, O) et V(C, N) ainsi que pour les paires non

liantes V(N) et V(O) de la chaîne principale des trois acides aminés.

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Figure 10. Domaines de localisation ELF pour la glycine. Code couleur. rouge: paires non liantes O et N, vert: bassins de liaison N-C et C-C, bleu: bassins protonés C-H, O-H et N-H et magenta : bassins de cœurs O,C,N.

Tableau 6. Norme des moments ELF pour les bassins de liaisons et paires non liantes de la chaîne principale C2H(NH2)C1O1O2H de trois acides aminés. Optimisée au niveau B3LYP/6-31+G(d,p). Les valeurs entre parenthèses correspondent à un niveau de calcul B3LYP/Aug-cc-pVTZ. a) Valeur de moment dipolaire total, les valeurs entre parenthèses correspondent à la référence calculée avec Gaussian03.

Les polarisations |M1| et |M2| des bassins de la chaîne principale apparaissent très stables quel que soit

l’acide aminé considéré. Par exemple, la polarisation |M1| d’une des paire non liante de l’oxygène O2

de la chaîne principale est stable autour de la valeur 3.30 a.u. pour les trois acides aminés glycine,

valine et tyrosine. La transférabilité des moments pour la chaîne principale des acides aminés est donc

un premier pas encourageant vers le développement d’un champ de forces. Par ailleurs, des tests (voir

Tableau 6) ont également montré que l’influence de la base sur les polarisations des bassins ELF est

minime. Par exemple, |M2|=0.166 u.a. pour le bassin de liaison V(C, N) de la chaîne principale

calculé au niveau B3LYP/6-31+G(d,p). Au niveau B3LYP/Aug-cc-pVTZ, la valeur de |M2| pour le

même bassin reste stable autour de 0.177 u.a.. Au-delà de la paramétrisation d’un champ de forces, cet

dernier aspect est crucial car il implique qu’une analyse fiable de la structure électronique par les

moments ELF est assez indépendante du système de bases choisis. Ceci était connu pour les

populations mais il semble que cet aspect soit généralisable aux multipôles topologiques.

B- Travaux sur le développement d’un nouveau code informatique : présentation

du programme TopChem

Ces travaux sont regroupés dans l’article [28] de ma liste de publication.

Acide aminé V(C1, O1) V(C1, O2) V(C2, N) V(N) V(O2) || a

|M1| |M2| |M1| |M2| |M1| |M2| |M1| |M2| |M1| |M2|

Glycine 0.255

(0.247)

1.249

(1.221)

0.052

(0.050)

0.257

(0.270)

0.183

(0.207)

0.166

(0.177)

0.952

(1.055)

0.125

(0.100)

3.308

(2.955)

2.446

(2.136)

0.50 (0.48)

0.48 (0.46)

Valine 0.281 1.241 0.059 0.256 0.177 0.173 0.931 0.167 3.296 2.417 0.55 (0.55)

Tyrosine 0.270 1.210 0.059 0.268 0.177 0.172 0.929 0.161 3.286 2.454 0.95 (0.92)

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Ces deux dernières années, nous avons travaillé un nouveau programme d’analyse topologique

dont une première version arrive a présent a maturité (article joint). L’organisation du programme est

présentée en Figure 11. La spécificité de ce code est d’être entièrement numérique et d’utiliser un

algorithme récent et robuste pour l’attribution des points de grilles dans les volumes des bassins. 45 Un

point fort de ce programme est d’être indépendant des fonctions d’ondes utilisées pour générer les

grilles et de n’utiliser uniquement que la grille de points définie au format d’un fichier cube. Des tests

ont été réalisés pour des grilles de densité électronique, de la fonction ELF, du Laplacien de la densité

et pour le potentiel électrostatique moléculaire (MEP).

Figure 11. Organisation des modules chem_bas (attribution des points) et chem_pop (calculs des populations et

moments) du programme TopChem.

Un autre point fort du code est de montrer une complexité linéaire avec le nombre de points de grilles.

La Figure 12 montrent l’évolution linéaire du temps d’attribution des points dans les volumes des

bassins pour des tailles de grilles de plus en plus fine.

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Figure 12. Evolution du temps d’attribution des points ELF dans les bassins pour le programme TopChem en

fonction du nombre de points de grilles pour la molécule CH3OH (6 atomes)

Ces grilles peuvent être générées par divers programmes de chimie quantique utilisant des gaussiennes

ou des ondes planes pour lesquels la fonction ELF est nativement implémenté, comme dans le

programme VASP (Vienna Ab initio Simulation Package).46 Généralement, les analyses topologiques

ELF dans les systèmes solides sont assez rares47 car la périodicité du système donne des profils de

fonctions assez plats (spécialement dans les régions de cœurs), ce qui constitue un difficulté pour

attribuer correctement les points aux bassins. Notre programme TopChem (PDF donné en fin du

manuscrit) a été capable d’analyser des grilles ELF générées par le programme VASP comme illustré

pour la molécule de benzène ainsi que pour un système périodique covalent (le diamant) où la liaison

C-C est une liaison simple (Figure 13). Les analyses de populations sont données dans le tableau 7.

D’une part, on identifie clairement les bassins de liaisons de V(C, C) en vert pour chaque système et

d’autre part, les populations sont cohérentes avec l’ordre de liaison prévue pour la liaison C-C.

Figure 13. Domaines de localisation ELF du benzène et du diamand obtenus avec le programme VASP (ondes

planes). Code couleur. Vert: bassins de liaisons V(C, C) et bleu: bassins de liaisons V(C, H).

Système Volume* N (electrons) |M1| C2H4 C V(C, C) V(C, H)

335.0

47.0(43.9)a 75.0

4.04

1.84(1.64)a 1.98

0.67

0.60(0.62)a 0.22

C6H6 C V(C, C)

81.2

55.0(53.5)a

4.01

2.85(2.77)a

0.35

0.15(0.14)a Diamant V(C, C)

18.6(20.4)b

1.92(1.98)b

0.15

Tableau 7. Analyse de population ELF de l’éthylène, du benzène et du diamand obtenues par l’analyse des grilles générées par le programme VASP (ondes planes). a) Calcul de populations analytique réalisé pour la molécule seule optimisée au niveau PW91avec TopMod. b) calculs de références réalisés avec le programme CRYSTAL (gaussienne) publiés dans J. Chem. Theory Comput., 2009, 5 (1), 164-173

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Notre programme peut également traiter des topologies plus complexes comme celle du Laplacien de

la densité48 ou celle du potentiel électrostatique moléculaire (MEP).49 En effet, ces fonctions peuvent

être négatives ou positives et montrer des attracteurs non atomiques. Le traitement comparé de la

topologie de la fonction ELF, du potentiel électrostatique et de la fonction L(r) (partie négative du

Laplacien de la densité) est montré sur la Figure 14 pour le cas de la molécule d’eau. Le tableau 8

présente l’analyse des populations des bassins pour ces trois fonctions. Les populations des bassins de

L(r) sont assez proches des populations ELF excepté que la topologie de L(r) montre deux bassins

pour les liaisons C-H avec une population de 1.65 électrons ainsi que deux bassins spécifiques pour

les hydrogènes. En fait, il apparaît que le topologie de L(r) sépare la population du bassin de la liaison

C-H en deux bassins possédant pour chacun d’eux la moitié de la population ELF du bassin V(C, H),

c'est-à-dire environ 0.6-0.8 électrons.

Figure 14. Topologie comparée des trois fonctions ELF, L(r) et MEP pour le cas de la molécule d’eau. (géométrie optimisée au niveau B3LYP/cc-pVTZ)

ELF L(r) MEP Attracteura Volume Pop. Attracteura Volume Pop. Attracteur1 Volume Pop. Cœur Oxygène 0.0 0.25 2.13 0.00 0.02(0.01)b 1.14(0.76)b 0.0 26.6 7.58 Cœur hydrogène - - - 0.96 3.22(3.20)b 0.57(0.57)b - - - Liaison O-H 0.96 44.8 1.65 0.38 0.99(0.80)b 0.56(0.52)b 0.96 43.5 0.88 Paire non liante O 0.59 49.0 2.29 0.33 2.61(2.60)b 1.70(1.83)b 1.23 37.1 0.33

Tableau 8. Analyse de population comparée pour les fonctions ELF, L(r) et MEP pour le cas de la molécule d’eau. (géométrie optimisée au niveau B3LYP/cc-pVTZ). a) Distance (Å) entre l’attracteur du bassin et l’atome d’oxygène. b) Valeurs extraites de la référence: Nathaniel O. J. Malcolm and Paul L. A. Popelier. Faraday Discuss., 2003, 124, 353-363

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L’analyse topologique du potentiel électrostatique moléculaire pour la molécule d’eau a été

réalisée séparément pour la partie négative (attracteurs non atomiques) et pour la partie positive

(attracteurs atomiques). L’analyse de population du MEP est reproduite dans le tableau 8. La

topologie du MEP (illustré en Figure 14) est assez proche de celle de ELF car pour la molécule d’eau ,

on retrouve un bassin de cœur pour l’oxygène, deux bassins protonés pour la liaison C-H et deux

bassins pour les paires non liantes de l’oxygène. Cependant, les populations du MEP sont très

différentes de celles de ELF car le cœur de l’oxygène possède une population proche de 8e tandis la

population des paires non liantes est nettement inférieure à 0.5 électrons, ce qui est très faible comparé

aux populations formelles prévues par le modèle de Lewis (2 électrons).50 Ces valeurs pour ces

populations des paires non liantes étaient prévisibles car l’attracteur est très éloigné de l’atome

d’oxygène (1.23 Å) comparé à la position de l’attracteur analogue pour la fonction ELF (0.59 Å).

Dans cette région, la densité électronique est faible et la population du bassin est donc logiquement

faible.

Ces deux exemples d’analyse topologique de fonctions complexes sont destinés à illustrer la

capacité du programme TopChem à traiter divers types de fonctions basées sur la densité. Une

orientation probable des futurs développements sera d’étendre ces analyses à d’autres fonctions

électroniques ayant un intérêt fondamental pour l’analyse de liaison tel que l’ Electron Pair

Localisation Function (EPLF)51 ou pour la description des processus réactifs tel que le Dual-

Descriptor (différence entre les fonctions de Fukui f+ et f-). 52

Troisième Partie : Travaux d’applications de l’analyse ELF

A- Applications de l’analyse ELF à la théorie VSEPR

Ces travaux résultent d’une collaboration engagée pendant ma thèse avec R. J. Gillespie (Mc

Master University, Canada) et E. A. Robinson (University of Toronto, Canada) qui se poursuit

toujours à l’heure actuelle. Ils sont publiés dans les articles [3] (2004), [6](2006) et [19] (2010) de

ma liste de publications.

Le modèle de Valence Shell Electron Pair Repulsion (VSEPR) introduit par Nylhom et

Gillespie dès les années 19607 a permis de prédire efficacement la géométrie de nombreuses

molécules de manière simple en ne considérant que les paires liantes et non liantes. Ces molécules

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possèdent généralement une structure de ligands (noté X) distribués autour d’un atome central (noté

A). Plus récemment, le modèle VSEPR a été raffiné par la prise en compte des répulsions entre les

ligands par le modèle de Ligand Close Packing (LCP)8,53 pour expliquer certaines distorsions dues

aux ligands (exemple avec Cl2O ou PCl3). Malgré son immense succès pédagogique, la justification

prédictive du modèle VSEPR basée sur la répulsion des paires d’électrons entre elles n’est apparue

que très recemment avec la topologie des fonctions de localisation tel que le Laplacien de la densité

ou la fonction ELF. En effet, la topologie de ces deux fonctions basées sur la densité est cohérente

avec la position des paires prédites par la VSEPR. Il a été montré que ces fonctions peuvent être

considéré comme une base physique de la VSEPR.54 Le cas de la fonction ELF est particulièrement

évident. En effet, la fonction ELF étant une mesure directe de la répulsion de Pauli, sa topologie est en

accord avec l’organisation spatiale des domaines VSEPR. Le tableau 9 illustre cet accord entre la

topologie de la fonction ELF pour les molécules BeH2, BH3, CH4, NH3, H2O, PF5, SF4 , ClF3, SF6 et la

distribution spatiale des domaines prédits par la VSEPR pour les paires liantes et non liantes.

Cependant, la géomérie de nombreux complexes (notamment de métaux de Transition) est

souvent difficilement explicable avec le simple modèle VSEPR. L’analyse ELF nous a permis de

comprendre quelques unes de ces exceptions comme pour les complexes d0 ou pour les structures de

type AF6. Ces travaux sont présentés dans cette section.

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Classe

AXnEm

n m n+m Arrangement

des paires

Géométrie Groupe

de

symétrie

Exemple Topologie ELF

AX2 2 0 2 Linéaire Linéaire Dh BeH2

CO2

AX3 3 0 3 Triangle plan Triangle

plan

D3h BH3

SO3

AX4 4 0 4 Tétraèdre Tétraèdre Td CH4

AX3E 3 1 4 Tétraèdre Pyramide à

base

triangulaire

C3v NH3

AX2E2 2 2 4 Tétraèdre Coudée C2v H2O

AX5 5 0 5 Pyramide à

base triangulaire

Bi-pyramide

à

base

triangulaire

D3h PF5

AX4E 4 1 5 Pyramide à

base triangulaire

Disphénoïde C2v SF4

AX3E2 3 2 5 Pyramide à

base triangulaire

Forme-T C2v ClF3

AX6 6 0 6 Octaèdre Octaèdre Oh SF6, CrF6

Tableau 9 : Topologie de la fonction ELF comparée aux distributions des paires prédites par le modèle VSEPR.

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26

1- Etude des distorsions VSEPR par l’analyse topologique ELF

Au-delà des limitations prédictives du modèle VSEPR dues aux interactions entre les ligands

(prises en compte dans le modèle LCP), celui-ci apparaît généralement inopérant pour les complexes

de métaux de transition où les couches de cœur incomplètes (électrons dn) engendrent une perte de

sphéricité pour le cœur métallique. Cependant, ces distorsions ont pu être expliqué par des modèles de

champ cristallins ou champs de ligands comme résultant de l’interaction entre les ligands et les

électrons d du cœur métallique. Néanmoins, certains complexes qui ne possèdent pas, au moins

formellement, d’électrons d dans le cœur (complexe d0) présentent des distorsions mal comprises par

les modèles orbitalaires traditionnels.

a) Cas des complexes d0 du type MXBn B (M =Ti, Cr ; X=F, H, CH B3B)

Ces travaux sont publiés dans l’article [3] (2004) de ma liste de publications.

Pour comprendre l’origine des distorsions des complexes d0, nous avons étudié la structure

électronique de certains de ces systèmes du type MXn (M =Sc, Ti, V, Cr ; X = F, H, CH3).55 Nous

prendrons l’exemple du complexe Cr(CH3)6 qui présente une géométrie C3v distordue comparée au

complexe CrF6 qui adopte une géométrie VSEPR octaédrique (AX6). Le tableau suivant regroupe

l’analyse de population pour ces deux systèmes.

Domaines Coeur Valence

Population

des bassins C(Cr) Subvalence V(Cr) q(Cr) V(Cr, X) Nature de la liaison Cr-X

CrF6 19.29 e Total = 1.77 e +2.94 - ionique

Cr(CH3)6 19.25 e Total = 1.86 e +2.89 1.26 e covalente

Tableau 10. Analyse de population ELF de deux complexes d0.

Nos analyses ELF pour ces deux complexes ont montré un excès de population des bassins de

cœur (>18 electrons) sous l’influence des ligands. Cet excès provoque une perte de symétrie

(sphéricité) du cœur métallique ce qui induit une séparation du bassin de cœur en plusieurs bassins

V(Cr), appelés subvalence. Si l’interaction métal-ligand est forte, les bassins de subvalence se

positionnent entre les liaisons Cr-L de façon à minimiser la répulsion de Pauli, comme observer pour

le complexe Cr(CH3)6 (Figure 15) qui présente une interaction covalente Cr-CH3 (présence de 6

bassins de liaisons V(Cr, C)). En revanche, une faible interaction métal-ligand induira un placement

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27

des bassins de subvalence selon les axes de liaisons, comme pour le complexe CrF6. Dans cette

structure, la forte répulsion entre les fluors renforce un placement octaédrique des ligands comme

prédit par le modèle LCP. Nous avons proposé des règles simples et prédictives de la géométrie de

quelques complexes d0, en considérant d’une part, la nature de l’interaction entre le cœur du métal et

les ligands, et d’autre part, les interactions ligands-ligands décritent par le modèle de LCP. De plus,

nous avons proposé un classement des ligands capables d’induire une distorsion géométrique suivant

un ordre F < H, CH3 < O. Ainsi, les complexes ScF3, TiF4, VF5, CrF6 respectent tous la géométrie

VSEPR tandis que les complexes Sc(CH3)3 , Ti(CH3)4 , V(CH3)5, et Cr(CH3)6 adoptent tous une

géométrie distordue.

Figure 15. Domaines de localisation ELF pour le système Cr(CH3)6. La perte de sphéricité du cœur Cr (bassins de subvalence) est visible en magenta au centre de l’image. Code couleur. magenta : cœur du Cr, bleu : liaisons C-H, rouge : paire non liantes du fluor. vert : liaisons Cr-C.

b) Cas des molécules AXB6 B (A = Se, Br, Kr, Te, I, Xe ;X = F, Cl)

Ces travaux sont publiés dans l’article [6] (2006) de ma liste de publications

Un autre cas de distorsion VSEPR que nous avons pu expliquer56 avec l’approche ELF est

celui des molécules du XeF6, IF6- ou SeF6

2- (type AX6E) qui adoptent une distorsion C3v. En effet, la

structure VSEPR devrait être une bipyramide à base pentagonale (C5v) mais aucune d’entre elles

n’adoptent une telle géométrie.

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28

Figure 16. Structure VSEPR (gauche) et C3v (droite) pour un système AF6E

R. J. Gillespie57 avait postulé l’existence d’une paire non liante sur l’atome central dont la

population serait cependant inférieure à deux électrons (paires non liantes qualifiées de partielles) et

qui induirait une distorsion de la géométrie C5v. Nous avons montré que la présence d’un bassin de

subvalence V(A) proche de l’atome central (paire non liante) permet effectivement d’expliquer les

distorsions C3v par l’interaction de la population de ce bassin V(A) avec la densité du cœur central

C(A). De manière surprenante, la population de ce bassin a été trouvée assez grande (> 2.5 électrons).

L’analyse des populations ELF pour les bassins C(A) et V(A) dans les systèmes AF6E est donnée dans

le tableau 11.

N [C(A)] a N [V(A)] q(A)b E PF6

3- Oct. 13.65 3.65a1 - 1.35 AsF6

3- Oct. 31.21 3.21a2 - 1.79 SbF6

3- Oct 48.50 2.50a3 - 2.50 SF6

2- Oct. 14.09 4.09a1 - 1.91 SeF6

2- C3v

Oct. 27.57 31.80

-0.43a2 3.80a2

3.26 -

3.17 2.20

0.0 7.1

TeF62- C3v

Oct. 46.68 49.34

0.68a3 3.34a3

2.53 -

2.79 2.66

0.0 5.6

ClF6- Oct. 14.50 4.50a1 - 2.50

BrF6- Oct. 32.26 4.26a2 - 2.74

IF6- C3v

Oct. 46.15 49.71

0.15a3 3.71a3

3.06 -

3.79 3.29

0.0 32.8

ArF6 Oct. 15.79 5.79a1 - 2.21 KrF6 Oct. 33.76 5.76a2 - 2.24 XeF6 RECP Oct.

21.82

3.82a4

-

4.18

Tableau 11. Analyse des population ELF pour les systèmes AF6E au niveau B3LYP/6-311+G(2df) (a) L’excès

de population de Coeur est note Δ qui est calculé par rapport aux configurations formelles: (a1) [Ne] (10 e) , (a2) [Ar]d10

(28 e), (a3) [Kr]d10 (46 e). (a4) RECP core population (18 e) (b) charge du métal central A : q(A )= Z(A)- N [C(A)] -

N [V(A)]. ΔE est l’energie relative (kcal/mol) entre les deux formes Oh et C3v

Cet analyse des populations montre que le passage de la symétrie Oh vers la distorsion C3v

s’accompagne systématiquement d’un dépeuplement du cœur C(A) vers le bassin de subvalence V(A).

Ce processus est accompagné d’une stabilisation énergétique de la géométrie distordue. Comme

illustré sur la Figure 17 pour le complexe SeF62-, la population du cœur passe de 31.80e en situation

octaédrique pour s’affaiblir à 27.6e au profit du bassin de subvalence V(Se) qui apparaît dans la

géométrie C3v.

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29

Figure 17. Domaines de localisation de la molécule SeF6

2- en symétrie Oh (gauche) et C3v (droite). Dans le cas de l’arrangement C3v, la paire libre V(Se) se positionne nettement au dessus de la région du bassin de cœur C(Se).

Les distorsions des systèmes AF6E peuvent donc être expliqués par la présence d’un bassin V(A)

fortement peuplé qui résulte d’une expansion du cœur vers la valence.

De manière générale, ces études des distorsions VSEPR basées sur l’interprétation de la

topologie de la fonction ELF ont très souvent permis de rationaliser les prédictions qualitatives du

modèle VSEPR et du modèle LCP et permis d’établir une justification plus mathématique a posteriori,

des prédictions formelles de ces modèles sur la géométrie moléculaire.

c) Cas des molécules A(OR)4 (A = C, B ; R = H, Me)

Ces travaux sont publiés dans l’article [19] (2010) de ma liste de publications

Je voudrais évoquer une étude récente que nous avons récemment publiée avec R. J.

Gillespie58 destiner à établir un critère simple de rationalisation des stabilités relatives des différents

conformères d’un série moléculaire. Cette étude préliminaire est une tentative d’interpréter ces

stabilités par un critère de volume moléculaire minimal (nommé Compactness) occupée par la

molécule en phase gazeuse.

Des calculs de chimie quantique effectués au niveau DFT et MP2 montrent que la stabilité

relative des conformères pour une séries donnée de molécules (C(OH)4, C(OMe)4, B(OH)4-, B(OMe)4

-

, CH2F(OH), CH2(OH)2 , ..) peut être directement liée au volume moléculaire occupé par la molécule

en phase gazeuse. Ces calculs sont regroupés dans le tableau 12 et montrent les volumes moléculaires

(somme des volumes atomiques QTAIM) pour différents conformères en fonction de leurs énergies

relatives.

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30

Molecule Forme ΔE Volume Moléculaire (Bohr3)

CH2(OH)2

gg tg tt

0.0 14.4 32.1

411.9 412.1 414.0

CH2(OCH3)2

gg tg tt

0.0 10.0 22.3

740.8 744.0 747.3

HO-CF2H g t

0.0 10.5

557.6 561.7

H3C-O-CFH2 g t

0.0 18.0

535.1 538.8

H3C-O-CF2H g t

0.0 7.8

557.6 561.7

Tableau 12 : Volume moléculaire QTAIM (bohr3) et énergie relative ΔE (kJ/mol) pour 5 séries de molécules possédant plusieurs conformères. g pour gauche et t pour trans.

Ces résultats préliminaires montrent qu’un critère de volume minimal semble être corrélé à la

stabilité thermodynamique des conformères mais ce critère nécessite d’être testé de manière plus large

sur un grand nombre de systèmes. Au final, ce travail est une tentative d’interprétation simple (dans

l’esprit de la VSEPR) pour rationaliser et prédire les stabilités des différentes conformations d’une

molécule donnée.

B- Applications de l’analyse ELF aux processus astrochimiques

En collaboration avec des astrophysiciens, des chimistes expérimentateurs, et des

spectroscopistes, mes travaux sur l’étude des processus astrochimiques sont soutenus par trois

programmes nationaux de L’INSU : Physique Chimie du Milieu Interstellaire (PCMI), Programme

National de Planétologie (PNP) et Environnement Planétaire et Origine de la Vie (EPOV). Dans ce

contexte, l’approche topologique de la fonction ELF nous a apporté une description précise des

interactions moléculaires pour des systèmes en phase gazeuse mais également à l’interface solide-gaz

actuellement considérée comme la clé d’une compréhension fine de la chimie interstellaire. Je

présente ici quelques travaux choisis.

Panorama de la chimie interstellaire.

Dans le milieu interstellaire (MIS), les données observationnelles ont montré l’existence de

nombreuses molécules (plus de 150 molécules détectées à ce jour)59, depuis la plus élémentaire et la

plus abondante (H2) jusqu’à des molécules organiques complexes (COM)60 de plus de 10 atomes (H,

C, N et O). Ces molécules existent dans des environnements très variés (milieu interstellaire diffus ou

dense, régions de formation d’étoiles, enveloppes circumstellaires, disques planétaires) ainsi que dans

le système solaire (comètes, météorites). Ces environnements sont très différents des conditions

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31

physico-chimiques que l’on peut trouver sur Terre (T ~ 300 K, 1020 molécules.cm-3), les températures

étant comprises en 10 K (nuages interstellaires diffus) et 100 K (nuages interstellaires denses) pour

une densité de particules typiquement comprises entre 102 molécules.cm-3 (nuages diffus) et 106

molécules.cm-3 (nuages denses).

Figure 18. Image dans le visible d’un nuage interstellaire (région d’Orion)

Le milieu interstellaire est également constitué de poussières (ou grains) composées de carbone et

d’oxydes et, dans les régions froides et denses du MIS, ces particules sont recouvertes d’un manteau

de glaces, composé principalement d’eau, de gaz carbonique et de molécules organiques en plus

faibles proportions. 61 On retrouve aussi certaines de ces petites molécules dans les queues de

comètes. La découverte des COM a suscité un intérêt considérable, en lien avec les questions sur

l’origine de la vie. Il ne fait aucun doute que les observations des télescopes spatiaux ou au sol

(SPITZER, HERSCHELL, ALMA) devraient permettre l’observation d’un grand nombre de

nouvelles molécules, moins abondantes, mais essentielles quant à notre compréhension des milieux

ainsi sondés. Ces dernières années, l’étude du milieu interstellaire a montré que les grains glacés

pourraient jouer un rôle clé dans les processus de formation de molécules détectées dans la phase

gazeuse du MIS.62 On peut citer ici le cas de l’hydrogène moléculaire, dont l’abondance dans la phase

de gazeuse, n’a pu s’expliquer que par sa formation à la surface des grains de poussière (chimie des

surfaces). Cependant, d’une manière générale, les processus de formation de ces molécules sont assez

largement méconnus et de nombreux scénarios sont actuellement étudiés. Il est important de

remarquer que les molécules du milieu spatial peuvent adopter des structures assez exotiques et très

peu stables mais néanmoins observables dans le MIS ou dans le système solaire en raison des

conditions extrêmes du milieu dans lequel elles évoluent. Par exemple, l’ion H3+ (géométrie

triangulaire peu stable) est relativement abondant dans certaines régions du système solaire, par

exemple aux pôles de Jupiter, alors qu’il n’existe seulement qu’en laboratoire sur Terre. Dans le MIS,

très peu d’énergie est disponible pour la réactivité, et la probabilité qu’une molécule rencontre une

autre molécule ou un photon est très faible. En conséquence, la plupart des processus réactifs sont

gouvernés par des aspects cinétiques et l’existence de barrières d’activations (même faibles) est

souvent problématique et peut contraindre une espèce peu stable à « stationner » dans le MIS en

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l’absence de collisions réactives. Néanmoins, un Principe d’Energie Minimal (PEM) reliant la stabilité

thermodynamique d’un isomère appartenant à une série (formule brute donnée) à son abondance dans

le MIS a été proposé par notre groupe.63 C’est donc, d’après ce principe, l’isomère le plus stable qui

devrait être observé (si le moment dipolaire n’est pas trop faible pour permettre une détection

infrarouge). Ce principe a été expérimentalement validé par les observations télescopiques à quelques

exceptions près. Le tableau 13 illustre, l’applicabilité du PEM pour la série du formamide NH2CHO

qui est la molécule plus simple du MIS contenant une liaison peptidique. Elle a été identifiée dans

SgrB2 (Orion) mais aucun isomère de cette espèce n’a encore été détecté dans le milieu interstellaire.

L’étude systématique de la stabilité relative des isomères du formamide (formule brute [CH3ON]) est

présentée dans le Tableau 13 (extrait de la thèse de Marie Lattelais 2008)

Molécule E (kJ/mol)

B3LYP/6-311G(d,p)

(Debye)

NH2CHO 0.0 3.9

HN=CH-OH (énol) 3.2 1.0

CH2=N-OH (oxime) 12.1 0.2

CH2=NH-O (nitrone) 14.7 3.4

CH3-N=O (nitroso) 16.4 2.4

17.6 2.6

Tableau 13. Stabilités relatives (kcal/mol) et moments dipolaires (Debye) des isomères du formamide NH2CHO. Les différences d’énergie tiennent compte de la correction de Zero Point Energy (ZPE).

Ainsi, d’après le PEM, l’énol HN=CH-OH devrait être la prochaine molécule détectée de cette

famille. On pourrait prédire un rapport d’abondance [NH2CHO]/[ HN=CH-OH] de l’ordre de 10, ce

qui serait du même ordre de grandeur que le rapport entre l’acétaldéhyde CH3CHO et sa forme

énolique CH2CHOH, dont l’écart d’énergie est d’environ 2.4 kJ/mol et qui ont toutes deux été

détectées dans la région d’Orion. Il faut noter que l’existence d’un PEM tient probablement à la

possibilité qu’il y ait eu un équilibre thermodynamique local au cours de la vie de la molécule, ce qui

reste envisageable si l’on considère les échelles de temps considérables (milliers d’années) associées

aux processus réactifs de la chimie interstellaire.

L’apport de la chimie théorique dans ce domaine est au moins double. D’une part, les calculs

ab initio à haut niveau permettent de prédire les propriétés spectroscopiques (constantes rotationnelles,

spectre IR) pour aider la reconnaissance spectroscopique de nouvelles espèces non encore détectées

ou non identifiées. C’est l’objet du travail que nous avons mené avec les molécules phosphorées.

Dans ce cas, l’analyse ELF nous a permis de rationaliser les stabilités calculées pour ces structures et

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ainsi de renforcer la connaissance de la structure électronique de ces composés. D’autre part, les

calculs de chimie quantique peuvent se révéler particulièrement utiles pour la compréhension de la

réactivité interstellaire (neutre-ion et neutre-neutre). C’est l’objet d’un travail que nous avons mené

sur l’étude de la séquestration de gaz rares par HB3 PB

+P dans le système solaire. Enfin, je présenterai les

travaux théoriques que nous avons menés pour l’étude d’un scénario d’origine de la vie par voie

exogène (panspermie). Ce scénario s’intéresse notamment, lors du transport vers la terre, à la

résistance au rayonnement des acides aminés emprisonnés sur les glaces interstellaires.

1. A la recherche des molécules phosphorées [C,xH,O,P] dans milieu interstellaire

U Ces travaux sont publiés dans l’article [11] (2008) de ma liste de publications. Ils sont représentatifs

de mes thèmes de recherche soutenus par le programme national de Physique Chimie du Milieu

Interstellaire (PCMI).

Si le monde du vivant est avant tout celui du carbone, le phosphore est très largement répandu

dans la chimie du vivant puisqu’il est un élément constitutif des molécules cruciales pour la vie

comme l’ADN, l’ARN ou encore l’ATP (Figure 19) qui possède notamment un rôle clé dans les

mécanismes énergétiques du vivant.

Figure 19. Structure de l’adénosine triphosphate (ATP)

Cependant, très peu de molécules phosphorées ont été détectées dans le milieu interstellaire (MIS) ou

dans les météorites, ce qui est apparemment contradictoire avec l’abondance de cet élément sur terre

et avec le rôle clé qu’il joue pour la vie. Les molécules détectées dans le MIS (ou identifiées dans les

météorites64) ont une structure très simple car ce sont essentiellement des systèmes diatomiques ou

triatomiques comme PN, CP ou encore HCP.65 Par conséquent, la recherche et la détection de

molécules phosphorées impliquant des éléments comme le carbone ou l’oxygène (par exemple HPCO

ou PCOH) constituent un enjeu important car ce sont des précurseurs de systèmes complexes

intervenant dans la chimie du vivant. L’objectif raisonnable était donc de déterminer les propriétés

énergétiques, spectroscopiques (structure, spectre IR et constantes rotationnelles) et électroniques de

systèmes phosphorés de formule [C,xH,O,P] (x = 1, 3, 5).66 Cette étude visait à encourager les

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expériences et la recherche dans le milieu interstellaire de ces nouvelles molécules simples et non

détectées. Ce choix a été essentiellement guidé par les systèmes azotés analogues [C,xH,O,N]

(x=1,3,5) dont un des plus simples représentants est HNCO (le plus stable de la série à quatre atomes

[C,H,O,N]). Il a été détecté dans le MIS aussi bien que dans des comètes comme Hyakutake et Hale-

Bopp.67 Ce choix avait été aussi renforcé par la détection dans le MIS du premier représentant d’une

liaison peptidique NH2CHO. Des calculs de haut niveau CCSD(T)68, MP2 et B3LYP avaient été

entrepris pour déterminer les paramètres spectroscopiques (géométries, spectre IR, moment dipolaire,

constante rotationnelles,..) de chaque série [C,xH,O,P] avec x = 1,3,5. Ces résultats sont regroupés

sur le tableau 14.

Isomères B3LYP/6-311G** MP2/6-311G** CCSD(T)/cc-pVQZ

[C, 5H, O, P]

CH3-PH2=O 0.03 1.0 0.0

CH3-PH-OH 0.0 1.0 3.4

CH3-O-PH2 13.9 16.0 23.1

PH2-CH2-OH 19.8 19.1 28.4

HO-PH2=CH2 34.3 38.0 37.3

cycPH3OCH2 65.4 75.1 68.4

PH3=CH-OH 71.7 77.7 82.3

[C, 3H, O, P]

CH3-P=O 0.0 0.0 0.0

CH2=P-OH 4.7 4.5 4.5

PH2-CH=O 9.8 12.5 17.7

HP=CH-OH 16.9 19.4 23.3

[C, H, O, P]

HPCO 0.0 0.0 0.0

HOCP 23.6 24.4 18.8

Tableau 14. Stabilités relatives (kcal/mol) des systèmes [C,xH,O,P] (x=1,3,5) pour différents niveaux de calculs

B3LYP, MP2 et CCSD(T).

Les molécules HPCO (x=1), CHB3BPO (x=3) et CHB3 BPHB2 BO (x=5) ont été trouvées comme les espèces les

plus stables de leur série et, d’après le principe d’énergie minimal, elles devraient être majoritairement

observées dans le MIS. L’analyse topologique de la fonction ELF a été utilisée pour rationaliser la

structure électronique de chaque système et comprendre l’origine des stabilités relatives des isomères

comme par exemple pour HPCO et PCOH (séparés par 18.8 kcal/mol au niveau CCSD(T)/cc-pVQZ).

Pour atteindre cet objectif, nous avons étudié le mécanisme d’isomérisation directe HPCO PCOH

qui est le mécanisme privilégié dans la phase gaz de formation de PCOH à partir de HPCO.69 Une

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barrière d’isomérisation a été trouvée (état de transition) correspondant au transfert de l’hydrogène

terminal entre l’atome de phosphore (HPCO) vers l’atome d’oxygène (PCOH). L’analyse ELF est

présentée pour les molécules HPCO et PCOH en Figure 20. Il apparaît que la topologie ELF pour ces

deux molécules est très semblable car elle montre un bassin V(P, C) pour la liaison P-C, un bassin

V(C, O) pour la liaison C-O ainsi que des bassins pour les paires non liantes de l’oxygène V(O) et du

phosphore V(P).

Figure 20. Domaines de localisation de la fonction ELF pour les molécules HPCO (haut), PCOH (milieu) et pour

l’état de transition (bas) correspondant à l’isomérisation HPCO PCOH

L’analyse de population et des variances (Tableau 15) montrent des schémas de liaisons très proches

pour HPCO et HOPC. En effet, cette analyse révèle que la molécule HPCO peut être décrite par un

système résonnant du type [HP=C+-O H-P+C=O] alors que PCOH est plutôt décrit par un

système [H-O-C+=P- H-O-CP], la liaison C-P montrant un caractère plus marqué dans HOCP.

V(C ou P, O) V(C, P) V(O) V(P)

Pop. 2 Pop. 2 Pop. 2 Pop. 2

HPCO 2.82 1.39 3.06 0.95 4.62 1.15 3.37 0.91

PCOH 1.61 0.96 4.42 1.28 4.30 1.10 3.72 1.42

TSa 1.56 0.96 3.52 1.59 5.48 1.12 3.07 1.09

Tableau 15. Analyse de population des bassins ELF (électrons) pour les molécules HPCO et PCOH. a) état de transition impliqué dans le mécanisme d’isomérisation PCOH HPCO

Ici, l’analyse ELF de ces systèmes ne permet pas d’expliquer clairement les raisons de la stabilité de

HPCO par rapport à PCOH. Cependant, l’étude topologique de l’état de transition (TS) impliqué dans

l’isomérisation HPCO – PCOH s’est avérée utile pour comprendre l’origine de la stabilité de HPCO.

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36

L’analyse des populations du TS est présentée dans le Tableau 15 et sa topologie est montrée sur la

Figure 20. L’état de transition montre la présence de deux paires non liantes V(P) et V(O). Il en

résulte que si on considère la structure du TS, la formation de H-PCO implique le bassin V(P)

(interaction de H avec V(P)) alors que la formation de H-OCP implique V(O) (interaction de H avec

V(O)). De part la meilleure stabilité de HPCO, il est donc raisonnable de penser que la formation de la

liaison P-H est privilégiée par rapport à la formation de la liaison O-H dans ces systèmes. En

conséquence, la paire non liante V(P) apparaît comme un site privilégié d’interaction avec H par

rapport au site correspondant à la paire non liante V(O). Nous avons vu que le caractère nucléophile

d’une paire non liante peut être estimé par la polarisation dipolaire calculée par la norme du vecteur

M1. En effet, il a été calculé au niveau B3LYP que dans le TS, |M1|=1.71u.a. pour V(P) alors que

|M1|=1.20 u.a. pour V(O). L’analyse ELF montre donc que la stabilité de HPCO par rapport à PCOH

est très probablement liée au plus fort caractère nucléophile de la paire non liante du phosphore dans

l’état de transition qui correspond à l’isomérisation HPCO HOCP.

Actuellement, une étude des systèmes de l’arsenic est en cours dans le même esprit que ce travail sur

le phosphore (stage M1 2011, Matthias Toulouse)

2. Formation et piégeage des gaz rares Ne, Ar, Kr, Xe par H B3PB

+P dans la nébuleuse primitive

Ces travaux résultent d’une collaboration engagée avec Olivier Mousis (Observatoire de Beçanson)

et sont publiés dans l’ article [16] (2009) de ma liste de publication. Ce thème a été soutenu depuis

plusieurs années par le programme national de planétologie (PNP).

L’abondance des gaz rares est très variable en fonction de la distance au Soleil. Ils semblent

être répandus dans les corps du système solaire situés jusqu’à une distance d’environ 5 unités

astronomiques (UA) du Soleil (Terre, Mars et Vénus). Cependant, les abondances de l’argon, du

krypton et du xénon ont été mesurées enrichies par rapport à leur valeur solaire dans l’atmosphère de

Jupiter par la sonde Galileo et en abondance sous solaire pour Titan (sonde Huygens 2005). Par

ailleurs, il n’existe aucune détection fiable de gaz nobles dans les comètes. Nous avons proposé la

possibilité que cette déficience observée en gaz rares soit due à la présence de HB3 B

+(molécule de

géométrie triangulaire D3h).70 En effet, à l’époque de la formation des planétésimaux de glaces par

coagulation des grains de poussière dans la nébuleuse primitive externe, l’association des gaz rares

avec HB3 PB

+P en phase gazeuse aurait empêché leur incorporation dans les glaces. Ce scénario primordial

pour le piégeage des gaz rares par HB3 PB

+P n’avait jamais été considéré.

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37

Figure 21. Abondance de H3

+ dans l’atmosphère aux pôles de la planète Jupiter (en rouge sur la Figure)

En nous appuyant sur des travaux précédents,71 nous avons étudiés par des méthodes DFT et ab initio,

le piégeage multiple des gaz rares par HB3 PB

+P sous la forme de complexes XnHB3 PB

+P avec X= Ne, Ar, Kr et

pour n=1-372 comme illustré sur la Figure 22.

Figure 22. Structure des systèmes XnH3

+ (de gauche à droite : n=1, 2, 3)

Le tableau 16 donne les énergies de dissociation des complexes XnH3+ Xn-1H3

+ + X pour différents

niveaux de calculs DFT, MP2, CCSD et CCSD(T) incluant les corrections de superposition de base

(BSSE) et de corrections d’énergie de point zéro (ZPE).

Tableau 16. Energies de dissociation des complexes XnH3

+ pour différents niveaux de calculs.

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38

Ces résultats confirment que HB3 PB

+P peut piéger jusqu’à 3 atomes de gaz rares. Cependant, nos

calculs montrent que cette stabilisation est fortement dépendante de la nature du gaz impliqué. Par

exemple, au niveau MP2/cc-pVQZ, l’énergie de liaison de X2H3+ par rapport [XH3

+ + X] (deuxième

colonne du tableau 15) est de -1 kcal/mol pour le Néon , -4.15 kcal/mol pour l’Argon et de -2.62

kcal/mol pour le Krypton. Par ailleurs, cette stabilisation est également fortement dépendante du

nombre de gaz impliqué. Par exemple, au niveau MP2/cc-pVQZ, l’énergie de liaison de XH3+ par

rapport [H3+ + X] est de -7.20 kcal/mol, de -4.15 kcal/mol pour X2H3

+ par rapport [XH3+ + X] et

seulement de -3.93 kcal/mol pour X3H3+ par rapport [X2H3

+ + X]. Nous avons étudié, par l’approche

topologique ELF, l’origine de cette stabilisation qui dépend à la fois de la nature du gaz rare mais

également du nombre d’atomes de gaz rares liés à HB3 PB

+P. Par exemple, la topologie ELF des complexes

d’Argon est montrée en Figure 23.

Figure 23. Topologie ELF des systèmes ArH3

+, Ar2H3+ et Ar3H3

+

Comme illustré sur la Figure 23, aucun bassin de liaison V(X, H) n’a été trouvé entre le gaz et

la molécule HB3 PB

+P, ce qui est cohérent pour un schéma d’interaction de Van der Waals pour lequel les

fragments Xn et HB3 PB

+sont faiblement liés. Cependant, un transfert de charge X→HB3 PB

+ (noté CT) a été

observé comme variant entre -0.03 électrons (NeH3+) et -0.26 électrons (Kr3H3

+), ce qui a été une

surprise pour un tel schéma de liaison. Tout comme l’énergie de liaison, ce transfert dépend de la

nature du gaz mais aussi du nombre d’atomes de gaz comme montré dans le tableau 17.

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39

Tableau 17. Analyse de population ELF pour les complexes XnH3+ a) Contributions atomiques de H à la population

du bassin tricentrique V(H1, H2, H3) . Transfert de charge CT= 2.0 (population H3+) – Pop[V(H1,H2,H3)]

Il apparaît donc très clairement que le transfert de charge est directement corrélé à la stabilité

énergétique des systèmes XBn B-HB3PB

+P comme illustré sur la Figure 24 qui présente la comparaison entre

l’évolution du transfert de charge en fonction de la nature et du nombre d’atomes de gaz et l’énergie

de dissociation en fonction de la nature et du nombre d’atomes de gaz.

Figure 24. Transfert de charge (CT) X H3+ X = Ne, Ar, Kr calculé selon : CT(Xn H3

+) - CT(X(n-1) H3+) (Figure à

gauche) et énergies de dissociation des complexes en fonction du nombre de gaz impliqués (Figure à droite).

Cette étude a donc permis de valider la cohérence d’un scénario de séquestration de gaz rares

par H3+ en phase gazeuse à condition, bien entendu, que H3

+ soit suffisamment abondant, c'est-à-dire

pour des objets formés à plus de 5 Unités Astronomique (UA) du soleil. L’étude de la multi-

complexation du xénon est prévue séparément car il constitue un cas à part dans la famille des gaz

rares du fait de son interaction plus forte avec HB3PB

+P.

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3. Etude d’un scénario de panspermie pour l’origine de la vie.

Ces travaux résultent de collaborations expérimentales engagées avec Philippe Parent et

Carine Laffon (LCPMR Paris) et relève du programme interdisciplinaire EPOV (environnement

planétaire et origine de la vie) auquel participent également Jean-Claude Guillemin (Ecole de chimie

de Rennes), Brigitte Zanda (MNHM, Paris) et Olivier Mousis (Obs beçanson). Les résultats les plus

récents (non publiés) feront partie intégrante des thèses que je co-encadre avec F. Pauzat. D’abord

celle d’Amélie Pernet sur l’étude des glaces interstellaires qui a débutée en 2010 mais également une

partie de la thèse de Gael Marloie (soutenance septembre 2011). Ces travaux concernent les articles

[13] (2009), [17] (2010), [25] (2011) et [27] (2011) de ma liste de publications.

Deux hypothèses majeures sont actuellement considérées pour comprendre l’origine de la vie

sur Terre73 :

- une hypothèse "endogène" dans laquelle la matière organique complexe se serait formée in

situ par l’action du rayonnement solaire sur les constituants de l’atmosphère terrestre primitive.74

Cette voie est celle de la chimie de la phase gazeuse qui aurait donné naissance à des espèces dont la

complexité est mal connue (pas de systèmes ramifiés, peu de molécules cycliques, …)

- une hypothèse "exogène" (panspermie) dans laquelle l’apport de matière organique plus ou

moins élaborée sur la Terre primitive aurait été effectuée par un bombardement météoritique

provenant, par exemple, des comètes ou de corps plus petits comme les astéroïdes. Cette seconde voie

est celle de la chimie d’interface solide-gaz où des systèmes complexes seraient le fruit de processus

qui se seraient déroulés à la surface des poussières glacées présentes dans les nuages interstellaires ou

dans les météorites. Il reste qu’une fois ces espèces prébiotiques créées (la glycine par exemple) et

accrétées aux poussières, leur survie et leur transfert vers la Terre sont des conditions indispensables à

leur contribution à l’apparition de la vie.75 En particulier, leur résistance/évolution sous l’effet du

rayonnement spatial est une des clés du processus. 76C’est cette résistance aux radiations des

composés organiques piégés dans la glace, que nous avons étudiée théoriquement en parallèle des

expériences de spectroscopie d’absorption NEXAFS et spectroscopie infrarouge menées par P. Parent

et C. Laffon au laboratoire LCPMR (Paris) et à SOLEIL.

Dans le cadre du scénario exogène qui a intéressé ces équipes, l’étude des conditions de

stabilité des précurseurs organiques prébiotiques telle que la glycine a été réalisé. Les premiers

résultats expérimentaux (techniques FTIR de surface) ont montré clairement que la glycine est sous

forme zwitterionique NH3+CH2COO- en présence de glaces interstellaires.77 Ceci a été confirmé par

nos calculs DFT et ab initio qui montrent que le zwitterion n’est pas stable dans la phase gazeuse (pas

de minimum d’énergie) quel que soit le niveau de calcul utilisé. Pour stabiliser une forme

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zwitterionique, un modèle de continuum diélectrique (Polarizable Continuum Model ou PCM36)

simulant un environnement polaire (eau ou glace) est un minimum nécessaire et suffisant. Pour

comprendre ce résultat, nous avons réalisé un analyse comparée de populations et moments ELF pour

la glycine neutre (gaz), pour la glycine zwitterionique « baignée » dans un environnement PCM

(constante diélectrique = 80 (eau liquide) et extrapolé à =600 (simulation une glace interstellaire à

20 K78)) et pour la glycine zwitterionique entourés de 50 molécules d’eau dans le même

environnement PCM. Les résultats pour = 80 sont regroupés dans le tableau 18.

Bassins de la glycine Vol ume (u.a.) Populations(e) |M1| (u.a.) (Debye)c Neutre (gaz) (a)

V(C, O) V(O) V(N) Zwitterion + PCM (a) V(C,O) V(O) Zwitterion avec 50 H2O + PCM (b)

V(C,O) V(O)

10.0/29.5

27.7 51.9

18.0 65.0

19.8/20.6 59.8/56.0

1.62/2.34

2.36 2.08

1.99 2.78

2.02/1.96 2.80/2.70

0.07/0.26

0.26 0.69

0.17 1.01

0.18/0.16 1.02/1.01

5.52

14.36

Tableau 18. Analyse de population ELF pour la glycine neutre et zwitterionique. a) Structure optimisée au niveau

B3LYP/cc-pVTZ avec utilisation d’un PCM pour le zwitterion. b) Structure optimisée au niveau hybride B3LYP

(pour la glycine et les 7 molécules d’eau les plus proches) et PM6 (pour les molécules d’eau restantes). Un simple

point B3LYP/6-31+G(d) a ensuite été généré pour l’analyse ELF. c) moment dipolaire de la molécule en Debye.

Sur la Figure 25, la topologie ELF de la glycine zwitterionique entourée de 50 molécules d’eau. Cette

structure a été optimisée en utilisant une méthode hybride QM-QM (B3LYP pour la glycine et pour 7

molécules d’eau les plus proches et un niveau semi-empirique (PM6) pour les molécules d’eau

restante). Les bassins correspondant aux deux liaisons C-O sont représentés en vert et les bassins

correspondants aux paires non liantes de l’oxygène sont représentés en rouge sur la Figure 25.

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Figure 25. Domaines de localisation ELF de la glycine zwiterrionique N+H3CH2COO- en présence de 50 molécules d’eau. Vert: liaisons C-C, N-C, C-O, bleu : liaison protonée, rouge: paires non liantes V(O). Les bassins ELF correspondant aux molécules d’eau ont été omis pour la clarté de la représentation.

Les calculs DFT montrent que la forme zwitterionique est logiquement plus polarisée que la forme

neutre (=5.52 Debye pour la forme neutre et =14.4 Debye pour le zwitterion). Ceci peut être

observé sur les paires non liantes de l’oxygène, qui sont fortement polarisées pour le zwitterion (|M1|

1 u.a.), comparées aux paires non liantes de l’oxygène dans la glycine neutre où |M1| < 0.3 u.a.

Cependant, le point clé de ces résultats est d’avoir montré que la glycine zwitterionique possède une

structure électronique quasi-invariante (populations des liaisons C-O proches de 2 électrons et

polarisations des paires non liantes stables |M1| 1 u.a.) quel que soit le modèle de solvatation utilisé.

Un simple modèle PCM ou une simulation plus complexe utilisant un environnement avec 50

molécules d’eau explicites polarisent de manières très similaires le zwitterion. De plus, nous avons

montré qu’une variation de la constante diélectrique entre = 80 (eau liquide) et = 600 (glace à 20

K) n’entraîne que très peu de modifications de la structure électronique du zwitterion (tant au niveau

du moment dipolaire, qui reste quasi inchangé, qu’au niveau des populations et moments ELF). Par

conséquent, l’étude de la séquestration de glycine zwitterionique dans les glaces interstellaires peut

être raisonnablement modélisée en utilisant un environnement PCM seul ( = 600).

Les études expérimentales (spectres NEXAFS) de la glycine irradiée et piégée dans les glaces

montrent que celle-ci se décompose principalement en COB2 B et CHB3 BNHB2 B (produits primaires de

décomposition). Ces résultats suggèrent que la présence de glace engendre une augmentation de la

production de CO2 dans les réactions secondaires de photo-décomposition. De plus, ces résultats

mettent en évidence (Figure 26, droite) que 30% de la glycine initiale piégée dans la glace reste sous

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cette forme après une irradiation prolongée. Cette résistance de la glycine au rayonnement solaire

implique qu’une une fraction importante d’acides aminés potentiellement piégés dans les glaces du

MIS résisteraient aux radiations lors de leurs transfert vers la terre; il s’agit donc d’un point clé à

mettre au crédit de l’hypothèse « panspermique ».

Figure 26. Fragmentation de la glycine zwitterionique. A gauche, énergies relatives DFT (kcal/mol) pour

différentes voies de fragmentations de la glycine. A droite, fraction mesurée de glycine restante en fonction du temps d’irradiation équivalent pour une distance de 1 Unité Astronomique (expériences réalisées à SOLEIL).

Du point de vue théorique, pour estimer la résistance aux radiations de la glycine piégée dans

la glace, nous avons étudié la fragmentation de cette molécule par des méthodes ab initio (Coupled

Cluster CCSD(T) et Interactions de Configurations CISD) et DFT en utilisant un modèle PCM ( =

600). Cette fragmentation a été aussi considérée pour plusieurs formes de la glycine77: neutre, ionisée,

doublement ionisée, protonée, zwitterionique et zwitterionique ionisée. Ces résultats (Figure 26, à

gauche) confirment que dans sa forme zwitterionique, la voie de fragmentation majoritaire de la

glycine est celle qui conduit essentiellement aux produits CO B2 B et CHB3 BNHB2 B (3 kcal/mol seulement pour

fragmenter la glycine zwitterionique selon cette voie), en parfait accord avec les résultats

expérimentaux.

Pour comprendre le fait que 30% de la glycine irradiée sruvie, nous avons exploré plusieurs

chemins de fragmentation radicalaire menant à la formation de CO2 et CH3NH2 à partir du zwitterion.

En présence de glace, un mécanisme de fragmentation possible peut être initié si on arrache un

hydrogène de la molécule. Ce processus nécessite environ 100 kcal/mol (B3LYP/cc-pVTZ) mais il

faut noter que, quelque soit l’hydrogène arraché (arracher un hydrogène en C est légèrement

favorisé), la recombinaison radicalaire immédiate de la glycine avec un hydrogène issu de la glace

irradié est toujours envisageable, ce qui tend d’emblée à limiter l’effet de la fragmentation. Selon

l’hydrogène arraché, deux voies peuvent être alors envisagées:

- Un hydrogène arraché du carbone -CH2- mène au radical NH3+CHCOO- (voie 1)

- Un hydrogène arraché du groupement –NH3+ mène au radical NH2

+CH2COO- (voie 2)

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Les deux voies mènent effectivement à deux complexes radicalaires stables. L’écart énergétique

calculé entre ces deux espèces étant de 6 kcal/mol (niveau B3LYP/cc-pVTZ) en faveur du radical

NH3+CHCOO- (voie 1), la présence de ces deux radicaux sur/dans la glace est donc raisonnablement

envisageable. L’étude théorique du premier profil (voie 1) montre que ce processus de fragmentation

mène vraisemblablement aux fragment NH3CH2 qui se trouve fortement déstabilisé de 46 kcal/mol au

dessus du fragment NH2CH3 (Figure 26, à gauche). Cette voie s’avère probablement une impasse et le

zwiterrion devrait se reformer par recombinaison radicalaire. En revanche, l’étude du deuxième profil

(voie 2) fait apparaître un schéma réactionnel menant simplement à CH3NH2. Ce schéma est

représenté ci-dessous :

Figure 27: chemin réactionnel possible de fragmentation de la glycine.

Le complexe radicalaire stable NH2CH2--CO2 obtenu (noté (2a) en Figure 27 et schématisé en Figure

28) peut évoluer simplement vers la dissociation NH2CH3 + CO2 après passage probable par un état de

transition (notée 2b sur la Figure 27) (faible barrière inférieure à 1 kcal/mol).

Figure 28. Structure du complexe NH2CH2 ---CO2

Cependant, il est tout à fait envisageable que le complexe (2a) puisse être piégé dans une cavité à

l’intérieur de la glace et soit capable de bloquer très partiellement le processus de décomposition du

zwitterion et finalement reformer le zwiterrion initial par un processus en retour. L’origine de la

stabilité singulière de ce complexe peut être comprise par l’analyse topologique de sa structure

électronique. La comparaison de la topologie ELF du complexe par rapport à celle du zwitterion est

présentée en Figure 29 et l’analyse des populations est succinctement reproduite dans le Tableau 19.

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Figure 29. Domaines de localisation ELF pour la glycine zwittérionique (à gauche) et pour le complexe NH2CH2--

CO2 (à droite). Code couleur. rouge: paires non liantes de l’oxygène et du carbone, vert: bassins de liaisons C-C, C-

O et C-N et bleu: bassins de liaisons protonées C-H et N-H.

V(C1, C2) V(C1) V(C2) CO2 NH2CH2a

Zwitterion 2.15e - - -

NH2CH2--CO2 - 0.80e 0.46e 0.43e

Tableau 19. Analyse de population ELF (électrons) pour le zwitterion de la glycine et le complexe NH2CH2--CO2. a)

transfert de charge net CO2 NH2CH2

Dans le complexe, on observe deux bassins V(C1) et V(C2) correspondant à deux paires non liantes

faiblement peuplées (0.80e et 0.46e) plutôt que d’un seul bassin de liaison V(C1, C2) plus fortement

peuplé (2.15e pour le zwitterrion) pour décrire la liaison C-C. Ce schéma assez rare correspond à une

interaction particulière protocovalente qui correspond de manière imagée à une liaison covalente

« affaiblie » et dont l’archétype est la liaison F—F présente dans la molécule F2.79 De plus, dans le

complexe, un transfert de charge CO2 NH2CH2 assez fort est calculé (0.43 électrons se relocalisant

dans le doublet de l’azote du fragment NH2CH2). Le schéma protocovalent de liaison ainsi que ce

transfert de charge sont deux facteurs très stabilisants qui permettent d’expliquer l’origine de la

stabilité énergétique du complexe. En conclusion, l’existence d’une telle structure piégée dans la glace

pourrait partiellement bloquer le processus de décomposition du zwitterrion et reformer la glycine

dans une réaction en retour.

Tous ces résultats (théoriques et expérimentaux) mettent en évidence cette étonnante survie de

la glycine sous irradiation piégée dans la glace irradiée pendant plus de 70 jours en équivalent solaire,

ce qui finalement implique que du point de vue du transport d’acides aminés dans les grains glacés

vers la terre, l’hypothèse de la panspermie reste envisageable.

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Quatrième Partie : Perspectives et Bilan

Je présente dans cette section les perspectives de mes travaux en rapport avec les approches

topologiques de la liaison notamment au travers d’une extension de l’applicabilité de TopChem au

programme CPMD et d’un ambitieux projet d’étude des clathrates interstellaires qui vient de faire

l’objet d’une demande ANR 2011 (projet SOLSTYS)

A. Développements de l’applicabilité de TopChem au programme de calculs de

dynamiques moléculaires ab initio Car-Parrinello (CPMD)

Nous avions démontré que la liaison N-CO entre une amine tertiaire et un groupement

carbonyle (Me)B3 BN| –CHB2 B=O présente une extrême variabilité de la distance N-C sous l’influence d’un

environnement polaire et protique. D’une manière générale, cette interaction particulière a été peu

étudiée en solution et une modélisation de type Car-Parrinello (logiciel CPMD80 périodique utilisant

des ondes planes) de cette molécule en présence de 80 molécules d’eau a été engagée par des

collègues de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon (P. Fleurat-Lessard). La nécessité d’interpréter les

résultats CPMD nous a conduits à envisager d’étendre l’applicabilité du programme TopChem aux

grilles générées par le programme CPMD. Ce travail devra s’effectuer en plusieurs étapes :

1. Validation de l’applicabilité de TopChem pour l’analyse des grilles ELF générées par CPMD

par comparaison avec les grilles obtenues en utilisant les fonctions d’ondes gaussian (fichier

wfn). Quelques tests préliminaires ont déjà été réalisés avecTopChem. Par exemple, l’analyse

comparée de la topologie ELF de la molécule d’eau pour une grilles générée en utilisant un

fichier wfn Gaussian (BP86/pseudopotentiels) et pour une grille ELF obtenue avec CPMD est

donnée dans le tableau 20 :

Grille CPMD (pas 0.06 u.a) Grille Gaussian (pas 0.06 u.a)

Bassin H2O Population(e) |M1| (u.a.) Population(e) |M1| (u.a.)

C(O) 0.08 (pseudo) 0.04 2.13 0.08

V(H, O) 1.60 0.82 1.65 0.71

V(O) 2.35 0.80 2.29 0.79

Tableau 20 : Analyse des population ELF de la molécule d’eau réalisée par TopChem avec une grille générée par

CPMD

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Ces premiers tests montrent une distribution de populations de bassins tout a fait pertinente, ce

qui implique qu’une telle approche devrait être envisageable pour analyser des grilles issues

d’une dynamique CPMD.

2. Après cette étape de validation, l’analyse des grilles CPMD sera réalisée pour différents points

représentatifs de la dynamique moléculaire. Ces points seront choisis en fonction de

l’évolution des schémas de liaison au cours de la dynamique. Cette approche est illustrée sur la

Figure 20. Elle montre la topologie de la fonction ELF d’un point représentatif d’une

dynamique CPMD, réalisée lors d’un travail préliminaire sur le système (Me)3N| –CH2=O

entourée de plusieurs molécules d’eau.

Figure 30. Premiers tests d’analyse d’une grille ELF extraite d’une dynamique CPMD pour la molécule (Me)3N| –

CH2=O entourée de 80 molécules d’eau. Code couleur. rouge: paires non liantes V(O), vert: liaisons C-C, C-O ou N-

C, bleu: liaisons C-H, N-H et O-H.

3. L’analyse des points issues de la dynamique permettra d’évaluer l’impact des divers

paramètres de la dynamique sur la structure électronique, comme l’influence des

pseudopotentiels sur les schémas de liaison ou comme les effets du choix des coupures

QM(quantique)/MM (mécanique moléculaire) sur la structure électronique.

En conclusion, au-delà de l’étude de l’interaction NCO, ce nouvel outil d’analyse permettra de

comprendre l’évolution des schémas de liaison qui peuvent varier fortement au cours d’une

dynamique moléculaire. Couplées aux données énergétiques et structurales, ces approches

apparaissent comme un outil puissant permettant de rationaliser l’évolution des structures

électroniques au cours d’une dynamique, ce qui apportera une meilleure compréhension des processus

chimiques.

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B- Étude des propriétés électroniques des composés de l’astate.

Ce projet a été soutenu par le projet ANR (2010-2013) : Exploration de la Chimie de At(III) en

solution Excat3 et constitue une collaboration avec le laboratoire CEISAM de l’Université de Nante.

L’astate 211 (halogène) est particulièrement intéressant en médecine nucléaire (ciblage d’un

organe par injection d’isotope radioactif dans le but de diagnostiquer ou de traiter des maladies) pour

la faible énergie des particules α qu’il émet et pour son assez longue durée de vie (7,2 h).

Actuellement, le marquage est réalisé par des réactions de substitution qui forment une liaison

covalente C-At (analogie avec l’iode). Cependant, la chimie de l’astate reste largement inconnue bien

que de récents calculs de chimie quantique aient pu établir son comportement en solution aqueuse

(diagramme de Pourbaix).81 Ces calculs montrent que AtP

0P ne peut pas exister en solution aqueuse,

mais également, que sur de petites molécules comme AtB2 B, AtO+, AtBr, etc.. le couplage spin-orbite

joue un rôle important et peut modifier les paramètres structuraux et énergétiques de façon notable.

Dans le but de mieux connaître la chimie de cet élément, l’étude des structures électroniques

de l’astate décrit par des pseudopotentiels, sera réalisée par l’analyse topologique de la fonction ELF.

Dans un deuxième temps, des développements méthodologiques seront réalisés afin de permettre

d’appliquer le formalisme de l’analyse topologique avec la fonction ELF calculée à partir des

fonctions d’onde à deux ou quatre composantes (programme NWCHEM). L’objectif fondamental de

ce travail sera de comprendre le rôle des composantes relativistes sur la structure électronique de ces

molécules afin de rationaliser les propriétés de coordination de ces systèmes. Au-delà de la chimie de

l’astate, la possibilité d’utiliser les analyses ELF pour des fonctions relativistes à 2 ou 4 composantes

est fondamentale car elle permettra d’analyser finement la structure électronique de nombreux

systèmes métalliques (lanthanides, actinides) où les aspects relativistes jouent un rôle primordial.

C- Clathrates interstellaires - Séquestration des molécules gazeuses.

Dans le but d’acquérir des données permettant une meilleure connaissance de la formation des

clathrates, une collaboration étroite avec des chercheurs issus de différentes disciplines (LCT Paris,

planétologues et thermodynamiciens (UTINAM. Besançon), chimiste expérimentateurs (Ecole des

mines, Paris Tech)) a été engagée en 2010 et un projet ANR déposé en 2011.

Parmi les formes de glace ordonnée présentes dans le système solaire, les clathrates (cages de

molécules d’eau) existent probablement dans de nombreux corps (permafrost martien, intérieur de

Titan ou comètes). En effet, les conditions thermodynamiques suggèrent leurs présences dans certains

environnements et pourraient même expliquer la forte activité de certaines comètes (déstabilisation de

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ces glaces). L'objectif du projet est d’apporter un éclairage original sur l'origine et l'évolution des

corps du système solaire externe et d’aborder deux aspects importants qui restent mal connus en

sciences planétaires: l'évaluation de l'importance de la clathration lors de la formation des

planétésimaux dans la nébuleuse primitive et l’étude de la présence de clathrates dans les comètes. Le

coeur de cette étude sera basé sur un modèle statistique thermodynamique qui a été développé ces

dernières années par les planétologues de Besançon et qui décrit la formation des clathrates à partir

d'une phase gazeuse dans des conditions de basse température et de basse pression. Bien que ce

modèle, décrive correctement les conditions d'équilibre des clathrates dans les domaines de pression

optimisés pour une utilisation industrielle, il n'est plus pertinent dans les gammes de basse pression

rencontrées dans nombre d’environnements extra -terrestres. Son amélioration nécessite, d’une part

d’acquérir de nouvelles données de laboratoire à basse pression (en dessous de 10 mbar) car les

courbes d'équilibre pour les clathrates d'intérêt astrophysique (CO ou CH3OH) sont la plupart du

temps inconnues, d’autre part, d’améliorer les modèles thermodynamiques existants qui sont basés sur

l'utilisation de potentiels intermoléculaires dépendant eux-mêmes fortement de paramètres décrivant

l'interaction entre la molécule et la cage. Ces modèles sont extrêmement sensibles au choix des

potentiels. En particulier, la plupart des valeurs des paramètres disponibles dans la littérature sont

issues de déterminations empiriques qui sont souvent incertaines. Dans ce projet, nous déterminerons

les paramètres adéquats pour construire nos potentiels d’interaction permettant de décrire les

interactions molécule/cage et nous réaliserons des simulations numériques impliquant des cages de

grande taille ou sur un ensemble de plusieurs cages.

Le piégeage de molécules par les clathrates sera dans un premier temps étudié par des méthodes

de chimie quantique DFT et/ou ab initio (MP2) avec différents types et tailles de cages. La priorité

d’étude sera donnée aux molécules d’intérêts astrophysiques telles que CO, CH4, CO2, N2, H2S, PH3,

O2, les gaz rares ou Na. Pour déterminer des paramètres adéquats des potentiels d’interaction par des

calculs ab initio précis, nous utiliserons une procédure visant à déterminer les propriétés structurales

des clathrates et à identifier finement les interactions électroniques privilégiées molécule/cage pour

par les approches topologiques de la liaison (moments ELF, Laplacien de la densité, Non-covalent

Interaction Index, ..). Cette procédure est illustrée en Figure 31.

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Figure 31. Illustration du niveau de calcul requis pour modéliser le piégeage de la molécule CO par une ou

plusierus cages de type (HB2BO)B20B

Les approches topologiques seront utilisées pour permettre une caractérisation fine des interactions.

Par exemple, des calculs préliminaires pour un clathrate CO-(H2O)20 montrent qu’une analyse fine de

la polarisation des paires non liantes du CO dans la cage (utilisation des moments électrostatiques

pour l’analyse des bassins ELF V(C) et V(O) ) est principalement due à deux réseaux de 5 molécules

d’eau vers lesquelles les paires non liantes sont orientées (profil ELF en Figure 32). Cela implique que

les calculs ab initio nécessaires à l’obtention de paramètres fiables pour les potentiels dans le cas du

clathrate de CO devront probablement prendre en compte ces deux réseaux de molécules d’eau. En

effet, les modèles statistiques actuels sont extrêmement sensibles au choix de ces paramètres.

Figure 32. Domaines de localisation ELF de la molécule CO piégée dans un clathrate (H2O)20. Structure optimisée

au niveau B3LYP/6-31+G(d,p). Code couleur. magenta : cœurs C(O) et C(C), rouge : paires non liantes V(O) et

V(C), vert : bassin de liaison V(C, O).

L’étude des molécules pouvant être piégées dans les clathrates va au-delà de l’intérêt pour la

planétologie puisque ce type de travaux dans l’industrie du gaz et du pétrole, ainsi qu’en géoscience

sont affectés par les mêmes difficultés. Un autre cas intéressant que nous proposons de traiter est celui

du piégeage du sodium dans les glaces cométaires. En effet, le sodium neutre est observé dans le gaz

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émis par les comètes les plus brillantes et la manière dont cet élément est piégé dans les noyaux

demeure une énigme. Sachant que la modélisation de noyaux cométaires montre que le processus de

clathration de la glace cristalline du manteau est possible, nous considérerons l’hypothèse suivant

laquelle le sodium neutre pourrait être piégé par des clathrates. Une piste intéressante sera d’envisager

le piégeage de Na sous la forme d’un dimère, ce qui influerait notablement sur le chiffrage du flux

quantitatif libéré lors de la sublimation de la partie superficielle du manteau cométaire à l’approche de

l’étoile.

Finalement, l’obtention de modèles thermodynamiques sur les clathrates, couplés à l’utilisation

de données observationnelles existantes permettra probablement de décrire de nouveaux scénarios de

formation et d’évolution des différents corps présents dans le système solaire. Une fois développés,

ces scénarios apporteront des tests observationnels qui seront susceptibles d'être validés ou infirmés à

partir d'observations réalisées soit par des missions spatiales en cours ou futures, soit depuis le sol.

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Bilan.

Ce manuscrit présente une partie significative de mon travail de recherche sur les analyses

topologiques de la liaison chimique depuis la fin de ma thèse. J’espère que ces études auront pu

contribuer même modestement, à la connaissance de ce domaine pour lequel la communauté

scientifique est très active. Ces dernières années, les champs d’applications de l’analyse topologique

se sont fortement diversifiés, depuis la chimie organique jusqu’au milieux extrêmes en passant par la

biochimie. Il est d’ailleurs intéressant de constater que le nombre de groupes de recherche dont les

thématiques sont orientées vers le développement ou les applications des approches topologiques a

fortement augmenté ces dernières années que se soit en France, en Europe (Espagne, Portugal,

Pologne, Angleterre, Allemagne..) ou sur le continent américain (Chili, Etats-Unis, Canada)

J’ai essayé de montrer tout au long de ce mémoire que nos développement récents sur les

approches topologiques, comme l’adaptabilité des moments électrostatiques à la partition ELF ou

l’écriture d’un nouveau code, ont pour but d’apporter une compréhension plus fine des schémas de

liaisons afin de mieux comprendre les mécanismes qui assurent la cohésion de la matière à l’échelle

microscopique. A court terme, un objectif de mes recherches sera d’étendre les analyses topologiques

à de nombreuses fonctions électroniques comme la fonction Electron Pair Localisation Function

(EPLF)51 ou encore le Dual-Descriptor52 qui est un indice très intéressant pour rationaliser la réactivité

chimique basée sur les fonctions de Fukui condensées. D’autre part, des efforts techniques devront

être initiés pour permettre l’utilisation de ces approches topologiques aux grands systèmes dont entre

autres, la parallélisation des codes qui ne sont généralement que monoprocesseurs.

Les collaborations mises en place dans le cadre de mes travaux m'ont personnellement

énormément apporté, tant d'un point de vue scientifique que humain et je tiens à remercier

chaleureusement mes collègues avec lesquels j'ai eu le plaisir de collaborer ces dernières années, dans

le désordre, Yves Ellinger (LCT), Bernard Silvi (LCT), Françoise Pauzat (LCT), Jean-Philip Piquemal

(LCT), Anthony Scemama (Université Toulouse III) Olivier Mousis (UTINAM Besançon), Esmail

Alikhani (LADIR), Paul Fleurat-Lessard (ENS Lyon), David Kozlowski (CEA) et R. J. Gillespie

(McMaster University). Je tiens également à remercier les étudiants avec lesquels j'ai travaillé au

cours de ces années et sans lesquels ce manuscrit n'aurait pas pu exister.

Enfin, je remercie ma famille et mes proches en commençant bien entendu par Agnès et Clara

qui est notre rayon de soleil quotidien.

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