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P r o t é g e r , c o n s e r v e r , t r a n s f o r m e r l e p a t r i m o i n e P a t r i m o i n e s e n m u t a t i o n H a b i t e r e n v i l l e X V I I e e t X V I I I e s i è c l e s J e u d i 2 6 a v r i l 2 0 1 2 > 1 9 h - 2 1 h L e s S a l o n s , R u e B a r t h o l o n i 6 > G e n è v e H a b i t e r l e p a t r i m o i n e / G r a n d s d o m a i n e s J e u d i 2 6 a v r i l 2 0 1 2 > 1 9 h 2 1 h L e s S a l o n s > R u e B a r t h o l o n i 6 > G e n è v e P r o g r a m m e Accueil dès 18h45 Introduction Sabine Nemec-Piguet, directrice générale de l’Office du patrimoine et des sites Conférence Genève, 2 rue des Granges Anastazja Winiger, historienne de l’art, Inventaire des monuments d’art et d’histoire du canton de Genève Christian Würth, architecte Berne, 63 Junkerngasse Jean-Daniel Gross, conservateur de la ville de Berne Paris, « L’affaire Lambert » : tout est bien qui finit bien ! Jean-François Cabestan, architecte du patrimoine, Université Paris 1, membre de la Commission du Vieux-Paris Discussion Apéritif

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Protéger, conserver, transformer le patr imoine Patr imoines en mutation Habiter en vi l le XVIIe et XVII Ie siècles Jeudi 26 avri l 2012 > 19h - 21h Les Salons, Rue Bartholoni 6 > Genève

Habiter le patrimoine / Grands domaines Jeudi 26 avri l 2012 > 19h – 21h Les Salons > Rue Bartholoni 6 > Genève Programme –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– Accueil dès 18h45 Introduction

Sabine Nemec-Piguet, directrice générale de l’Office du patrimoine et des sites

Conférence

Genève, 2 rue des Granges Anastazja Winiger, historienne de l’art, Inventaire des monuments d’art et d’histoire du canton de Genève Christian Würth, architecte

Berne, 63 Junkerngasse Jean-Daniel Gross, conservateur de la ville de Berne

Paris, « L’affaire Lambert » : tout est bien qui finit bien ! Jean-François Cabestan, architecte du patrimoine, Université Paris 1, membre de la Commission du Vieux-Paris

Discussion Apéritif ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

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Protéger, conserver, transformer le patr imoine Patr imoines en mutation Habiter en vi l le XVIIe et XVII Ie siècles Jeudi 26 avri l 2012 > 19h - 21h Les Salons, Rue Bartholoni 6 > Genève

Habiter en vil le aux XVIIe et XVIIIe siècles Dans le cadre de son cycle « Habiter le patrimoine » l’Office du patrimoine et des sites propose cette année une soirée de conférences consacrée aux hôtels particuliers et aux maisons patriciennes de l’époque classique.

Lieu de représentation sociale, mais aussi cadre de vie quotidien où s’expérimentaient des innovations en matière de confort domestique, ce type de demeures nous renseigne mieux que tout autre sur l’évolution de l’art d’habiter. Offrant une grande variété de formules, la résidence urbaine de l’élite se distingue par la complexité de son organisation spatiale, le raffinement de ses aménagements intérieurs et la qualité de son décor. L’adapter aux besoins contemporains, tout en préservant sa spécificité historique et architecturale, constitue toujours une opération délicate.

Cette manifestation donnera l’occasion d’examiner trois exemples – une demeure genevoise, une bernoise et un hôtel emblématique parisien – en donnant la parole aux architectes et aux historiens des monuments, qu’ils soient praticiens, conservateurs ou défenseurs du patrimoine.

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Anastazja Winiger-Labuda ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– Historienne de l’art. Etudes d’histoire de l’art à l’Université de Poznan (PL) et diplôme d’études supérieures européennes au Centre Européen Universitaire de Nancy (F). En activité à l’Inventaire des Monuments d’art et d’histoire du canton de Genève depuis 1992. Auteur de divers travaux sur l’architecture, l’urbanisme et les fortifications de Genève à l’époque classique. Rue des Granges no 2 Implanté sur une terrasse surplombant la place Neuve, l’immeuble de la rue des Granges no 2 constitue la première séquence d’un ensemble architectural luxueux qui marquera le front méridional de la haute ville. Il fut construit en 1719-1723 pour le banquier Jean Sellon et resta propriété de sa descendance jusqu’en 1955. Acquis à cette date par l’Etat, il abrite aujourd’hui le musée de la fondation Zoubov et de vastes appartements. Plusieurs plans récemment découverts apportent un éclairage nouveau sur l’organisation d’une demeure patricienne genevoise sous l’Ancien Régime. Ils témoignent des aspirations et des limites des constructeurs autochtones qui, tout en s’inspirant des grands modèles parisiens, doivent composer avec le savoir-faire local, les contraintes spatiales et le poids de la tradition.

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Christian Würth –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– De nationalité suisse, Christian WURTH est né à Berne en 1948. Il a été diplômé de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne en 1975. Il a suivi les séminaires du troisième cycle, de l’Académie des Sciences sociales et appliquées à Paris (1976 -1977). Il a été collaborateur stagiaire cher G. Berthoud, et P. Joye, à Genève de 1977 à 1979. En 1980, il fonde son atelier d’architecture à Genève, après être intervenu à Dijon pour la transformation et rénovation complète d’un Hôtel particulier situé dans le périmètre historique de la Vieille-Ville de Dijon. (Fr). Dès 1982, il est l’auteur de plusieurs rénovations, transformations architecturales, en Suisse-romande, sur des tissus architecturaux du 19ème et du 20ème siècle. La rénovation-transformation du 1er étage de la rue des Granges 2 Situé au cœur de la Vieille-Ville de Genève, le 2 rue des Granges, appartient à l’ensemble des premiers hôtels particuliers construits au 18ème siècle, lors de la reconstruction de la Ville haute. Les plans de type parisien, semblables, avec leur cour d’honneur et leurs jardins, sont adoptés pour le numéro 2, 4 et 6 rue des Granges. Avec une exception pour le numéro deux, Puisqu’une aile supplémentaire est ajoutée en direction de la rue de la Tertasse. Une analyse historique des étapes de transformation a été rendue nécessaire, par la succession des interventions au cours du temps. L’appartement a subi des transformations dès le 18ème siècle, au 19ème puis au 20ème siècle. Le chantier a suivi deux traitements distincts : D’abord, la remise en valeur des éléments historiques, encore lisibles, après l’analyse des spécialistes de la restauration du patrimoine architectural, encadrés par la responsable du Patrimoine Cantonal et l’historienne en charge des bâtiments anciens de la Vieille-Ville. Parmi ceux-ci : . Un décor végétal de menuiserie formant une alcôve de la fin du 18ème

. Des hauts-reliefs en bois au-dessus, des portes dus au sculpteur Jean Jaquet au18ème

. Un poêle en terre-cuite du19ème

Puis, après la démolition des équipements obsolètes de la deuxième moitié du 20ème siècle, de nouvelles installations sanitaires et une nouvelle cuisine ont été élaborées. Les planchers anciens du 19ème siècle ont été réparés, poncés puis enduits d’une huile d’origine végétale. Les parties en ciment ou revêtues de dallettes en vinyle dans les années 1950, ont été évacuées, et remplacées par un plancher en chêne blond huilé. Les fenêtres et doubles fenêtres ont été conservées, mais entièrement restaurées.

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Jean-Daniel Gross –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– Conservateur des monuments de la ville de Berne. Après avoir terminé ses études d’architecture à l’école polytechnique de Zurich en 1996, Jean-Daniel Gross exerce son métier d’architecte pendant quelques années. De 2000 à 2006 il travaille pour le service des monuments de la ville de Zurich, et termine parallèlement sa thèse traitant de la conservation des monuments, sous la direction du professeur Georg Mörsch à l’école polytechnique de Zurich. En 2007, il est nommé conservateur en chef de sa ville natale de Berne. Une rénovation exemplaire en vieille ville de Berne Fondée à la fin du XIIe siècle sur une presqu’île formée par l’Aar, la ville de Berne se développa selon un plan régulier. Au XVIIIe siècle, le territoire de la Respublica Bernensis atteignit son étendue maximale et Berne devint la plus grande cité-Etat au nord des Alpes. La floraison culturelle que connut alors la ville en marqua durablement l’aspect architectural. Depuis 1983, la vieille ville figure sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Situés juste à l’est du chœur de la collégiale, le Junkerngasse 63 correspond avec ses corps de bâtiment avant et arrière indépendants, parfaitement à la typologie caractéristique de la vieille ville de Berne. La cour intérieure accueille la tour d’escalier, issue du milieu du XVIe siècle, tandis que les intérieurs des chambres es salons datent principalement de la première moitié du XVIIIe siècle. Or, malgré l’apparente clarté de cette organisation, la genèse de l’immeuble se révèle fort complexe. Lors des travaux de rénovation, qui durèrent deux ans, ce sont au total quatre logements qui furent aménagés dans le complexe. Il s’agissait non seulement de résoudre les questions de distribution et de privacité, mais aussi de tenir compte des exigences de la police du feu, de remédier à des déficiences statiques parfois sérieuses et de faire passer les nouvelles conduites sanitaires, électriques et de chauffage en ménageant le plus possible la substance historique. Aux premier et deuxième étages du corps de bâtiment avant, les pièces donnant sur la rue furent ramenées à leur état de 1710 environ, date des derniers aménagements intérieurs dignes d’intérêt. Le corps de bâtiment arrière, plus bas d’un étage, servait à des fins de représentation. Les salons du rez-de-chaussée et du premier étage présentaient un intérêt tout particulier. En effet, leur décoration remontait, comme dans le corps de bâtiment avant, au début du XVIIIe siècle, mais elle se révélait incomparablement plus riche et élaborée. Outre l’enjeu de clarifier une situation spatiale peu satisfaisante, les besoins des usagers donnèrent lieu à deux interventions dans la cour. La première concernait les latrines, qui furent remplacées par une cage d’ascenseur extérieure. La deuxième intervention évoquée consistait à reconcevoir la galerie sur cour orientale qui représente un petit chef-d’œuvre de sensibilité. Au maître d’ouvrage revient le mérite d’avoir pris la mesure des qualités de son immeuble – et de celles de son architecte. D’une grande qualité plastique et conceptuelle, les éléments nouveaux s’intègrent avec doigté dans la substance historique. C’est à l’aune de cette opération de qualité et d’exigence tout à fait exceptionnelle que devront désormais se mesurer les rénovations dans la vieille ville de Berne.

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Le salon méridional du premier étage, avec sa cheminée du début du XIXe et ses lambris du début du XVIIIe siècle.

Le salon méridional du rez-de-chaussée, avec ses lambris à pilastres de 1700 environ et le poêle à carreaux de faïence issu du dépôt des Monuments historiques.

La cour intérieure La cour intérieure et la nouvelle galerie en bois et le nouvel ascenseur. qui s’y insère avec doigté.

(Archives SPD, Berne ; photo Dominique Uldry, 2008)

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Jean-François Cabestan –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– Historien de l'architecture, enseigne à l'Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne. À l'Institut National d’Histoire de l’Art, (INHA), son séminaire «Habitat et patrimoine» et les séances qu'il organise hors les murs sont des moments de rencontre et de confrontation des savoirs, entre les étudiants et l'ensemble des protagonistes qui, de manière théorique ou pratique, interviennent sur la ville. Architecte du patrimoine, il est co-fondateur de la société Attrapa, agence d'études historiques et patrimoniales (ATelier de TRAnsformation des Patrimoines). Depuis une dizaine d'années il tient pour la revue AMC Moniteur une chronique sur les opérations de reconversion qui marquent l'actualité architecturale contemporaine. Membre-expert à la Commission du Vieux-Paris et à la Commission du secteur sauvegardé du VIIe arrt, il est un habitué des débats patrimoniaux. http://www.jeanfrancoiscabestan.com/ Paris : a-t-on sauvé l’hôtel Lambert ? Morceau de bravoure de l’habitat parisien dû à Le Vau et décoré par Le Brun, l’hôtel Lambert édifié au XVIIe siècle à la proue de l’île Saint-Louis a été cédé en 2008 à un prince qatari, grand amateur d’art français. La préservation de l’édifice doit beaucoup au séjour qu’y a effectué la famille Czartoryski de 1831 à 1975, l’épargnant des reconversions brutales qui ont affecté maintes demeures dans ce quartier. S’il prévoyait le retour de l’ancienne construction aujourd’hui redivisée à sa vocation originelle de résidence privée, le projet de restauration conçu par l’architecte en chef des Monuments historiques Alain-Charles Perrot n’en a pas moins suscité une émotion patrimoniale sans précédent. Au terme d’une polémique qui a fait rage tout au long de l’année 2009, un processus de conciliation initié conjointement par le Ministère de la Culture et la Ville de Paris a abouti à la signature d’une convention, ratifiée le 22 janvier 2010 par l’ensemble des parties. Celle-ci devait permettre à la campagne de travaux de se dérouler dans des conditions acceptables : qu’en est-il ? À l’heure où la rentabilité économique et le profit touristique contaminent tous les échelons décisionnels, les édifices du passé reçoivent de plein fouet les effets d’une forme de vandalisme sans précédent. L’énormité des budgets alloués et l’importance des campagnes de travaux s’inscrivent avec chaque fois davantage de brutalité dans la continuité des cycles de transformation traditionnels. Il s’agit d’opérations choc qui, de fond en comble et jusque dans les épaisseurs des monuments, orchestrent une éradication massive de la substance historique, l’asservissement des systèmes distributifs originaux à un programme arbitraire ou à la fluidification de la masse touristique escomptée. La surimposition d’une image flatteuse, destinée à s’attirer les suffrages supposés d’un public courtisé à grand renfort de médiatisation ruine ce qu’il reste d’authenticité. C’est l’effet d’un façadisme plus dévastateur que jamais. L’« affaire Lambert » vient de montrer que cette tragédie patrimoniale appliquée aux grands monuments peut s’en prendre et gangrène désormais l’intégralité du patrimoine bâti. Substance historique Au moment où la tapageuse recomposition d’un Versailles toujours plus artificiel – et peut-être bientôt du château de Berlin reconstruit de toutes pièces – défraye la chronique, l’examen de ce cas d’espèces arrive à point nommé car l’hôtel Lambert se prête à une démonstration éclairante. Dans son état actuel, la demeure du XVIIe siècle cristallise en un concentré tangible l’ensemble des données de ce qu’on regroupe sous le vocable de substance historique. L’explicitation de cette dernière est d’autant plus nécessaire que l’observateur peu au fait de ce qu’implique une intervention du type de celle à laquelle il s’agissait de soustraire l’hôtel Lambert se demande parfois en toute bonne foi ce que les spécialistes trouvent à y redire. En résumé, l’appréciation de la substance historique repose sur une expertise attentive et savante des différentes échelles d’appréciation des ensembles architecturaux du passé : intégration urbaine, stratifications, construction, distribution, décor et style. Celle-ci permet une évaluation dynamique du patrimoine, considéré sous l’angle de ses qualités intrinsèques, de son potentiel de réutilisation et des conditions de sa transmission aux générations futures. La prospérité actuelle d’un secteur de Paris particulièrement convoité incline cependant à penser que dans sa configuration présente, l’île Saint-Louis s’apprête à traverser XXIe

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siècle sans que s’impose l’urgence d’une recomposition spectaculaire des pièces de son échiquier. Or, avant de renvoyer à un parti de restauration discutable, les hypothèses de transformation de l’hôtel Lambert compromettent l’intégrité physique et l’authenticité de l’île en un point stratégique. Authenticité des sols L’histoire de l’île Saint-Louis ne remonte guère qu’au début du XVIIe siècle, mais l’examen des parcellaires anciens témoigne du rapide succès de l’opération. Reliée dès l’origine à la rive droite, à la rive gauche et à l’île de la Cité par trois ponts, l’île Saint-Louis presque oubliée par l’haussmannisation est demeurée remarquablement étrangère aux processus de transformation qui ont affecté ailleurs la capitale. Aucune ligne de métro, aucun souterrain automobile, aucune émergence de voitures, de piétons ou d’air vicié n’y vient se superposer à la dialectique du rapport par essence fluctuant qui prévaut entre le niveau des eaux de la Seine et le profil des voies défini par l’ingénieur Marie. Par un phénomène de transgression lié au retournement alors à ses débuts de la ville sur le fleuve, les demeures les plus luxueuses ont été édifiées non pas comme le voulait la tradition en cœur d’îlot, mais bien en vue sur les quais, tel l’hôtel de Lauzun. Deux constructions – les hôtels de Bretonvilliers et Lambert – se distinguaient du bâti ambiant par une adaptation du type de la demeure « entre cour et jardin » à la topographie effilée de la proue de l’île. Grâce à la mise en œuvre de levées de terre protectrices, l’une et l’autre disposaient de jardins suspendus desquels s’offrait un coup d’œil magistral sur l’amont du fleuve et le levant. Un modèle Le projet conçu par Le Vau pour son client présente un degré d’inventivité qui hantera durablement l’imaginaire des architectes. La répartition tant plein que vide des corps de logis sur la parcelle et l’articulation des volumes dans l’espace traduisent un travail en coupe d’une virtuosité rare à cette époque. Le jeune maître d’œuvre y matérialise avec brio le rapport inédit que certains particuliers fortunés souhaitent établir entre leur univers domestique, l’espace public et les lointains. L’application maîtrisée du langage de l’architecture classique aux façades d’un édifice de cette complexité est une première dans l’habitat parisien. Sur rue, des bossages expriment la minéralité de l’édifice et le fronton de la porte cochère annonce avec discrétion le type de langage qui s’imposera plus loin. À l’intérieur de la parcelle, selon une dialectique d’origine palladienne, l’utilisation simultanée des ordres superposés et de l’ordre colossal est une idée féconde. Cette adaptation d’une écriture contrastée en fonction de la distance de l’observateur et le correctif qu’on peut y apporter en jouant sur la dimension des colonnes offrent une démonstration éclatante de l’efficacité d’un système que Perrault portera au Louvre à une échelle grandiose. Promenade architecturale La distribution de l’hôtel Lambert intègre la matérialisation d’un circuit qui fédère l’ensemble de la parcelle. La multiplication des effets produits vise tout autant à articuler la juxtaposition et la superposition des éléments du programme qu’à retarder et magnifier l’accès à un point de vue majeur. Circonstanciée par le cadrage du passage cocher, la découverte de la cour d’honneur fait converger les regards vers le fond de cet espace oblong et resserré. Les portiques superposés de la cage d’escalier et le comble en pavillon y forment un motif spectaculaire qui signale l’entrée du bâtiment. Un premier emmarchement pratiqué entre les colonnes assure la transition entre les dehors et le dedans. Un repos se présente, d’où divergent deux volées symétriques : celle de droite conduit à l’étage destiné à Jean-Baptiste Lambert. L’appartement de ce dernier consiste en deux séquences de pièces distinctes contenues dans deux ailes disposées en équerre. Le dièdre des façades détermine la géométrie d’un jardin de plain-pied d’autant plus saisissant qu’on croyait avoir abandonné tout sol susceptible d’être planté. La poursuite de la découverte de l’hôtel exige qu’on regagne la cage d’escalier. Une longue volée droite aboutit à l’étage destiné à madame Lambert – le second étage carré – dont la distribution et la décoration lui confèrent son statut exceptionnel de piano nobile. Une enfilade spectaculaire – environ 50 mètres – y met en valeur la plus grande longueur bâtie de l’hôtel. Celle-ci inclut la célèbre galerie décorée par Le Brun, dont la rotonde pratiquée à l’extrémité constitue l’apothéose et le point d’orgue.

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Tribulations À l’intérieur de son enceinte, l’édifice traverse les âges sans atteinte majeure à l’intégrité de son architecture. Mieux, au XVIIIe siècle, l’extension de l’hôtel par l’annexion la parcelle voisine – l’actuel 3, quai d’Anjou – permet d’éviter un morcellement des appartements et de la galerie qui s’impose dans toutes les demeures analogues. L’aménagement intérieur de l’hôtel se caractérise aujourd’hui par la juxtaposition de décors appartenant à des époques diverses. Si le souvenir de l’œuvre de Le Vau est très présent dans les appartements des époux Lambert, les noms de Pineau, Viollet-le-Duc, Lassus, Dupont et Mongiardini se rattachent à des interventions des XVIII, XIX et XXe siècle, toutes également respectueuses de l’intégrité structurelle de l’édifice. À l’étage-attique du corps de logis entre cour et jardin, une remarquable galerie troubadour insérée vers 1850 subsiste dans ses dispositions principales, quoique ultérieurement redistribuée pour former un appartement sup-plémentaire. Des épisodes tels que l’installation éphémère d’une matelasserie et d’un pensionnat de jeunes filles au début du XIXe siècle n’ont engendré que des adaptations superficielles. Caves voûtées, jardin suspendu, façades, murs de refend, planchers à la française, cloisons, escaliers, et charpente offrent le témoignage rarissime et presque intact de l’art de bâtir à Paris sous le règne de Louis XIII. En pérennisant le principe d’un franchissement de la Seine inauguré sous Louis-Philippe à la hauteur de la pointe de l’île grâce à de simples passerelles, le pont Sully entérine quant à lui la redéfinition du contexte urbain local. Plus récemment, la voie Georges Pompidou n’a pas peu contribué à altérer davantage encore l’environnement de l’hôtel. Le projet Selon un usage courant dans la restauration des édifices classés, la maîtrise d’œuvre a fait l’objet d’un partage entre deux praticiens. À l’« en chef » Alain-Charles Perrot incombait la responsabilité de la restauration des extérieurs et ceux des intérieurs dont les décors sont réputés présenter un intérêt historique. Le décorateur Alberto Pinto prenait pour sa part en charge la transformation de tout ce qui n’est pas orné. Destiné à un usage privé, on pouvait a priori miser sur la continuité d’une adéquation heureuse entre l’ancien programme de l’hôtel et celui de la résidence de l’actuel propriétaire. C’est compter sans l’évolution des mœurs et des normes de confort actuelles, qui entraîne l’augmentation et une hypertrophie des locaux aujourd’hui nécessaires à un train de vie aisé. L’aménagement de suites hôtelières de goût international induit le saucissonnage d’une partie des beaux étages et l’assujettissement de leur cohérence aux effets d’une répétitivité nouvelle. La fluidification des circulations verticales, la climatisation de certains appartements et l’importance des réseaux en-traînent parallèlement l’installation de gaines techniques d’un volume considérable. À rez-de-chaussée, on prévoyait de saturer les locaux naguère dévolus au garage et à la circulation des voitures de chambres de domestiques, d’équipements sanitaires et sportifs. Dans un état abandonné du projet, le terre-plein du jardin suspendu faisait les frais du bourrage de la parcelle et accueillait les voitures chassées de la place qu’elles occupaient à rez-de-chaussée du temps des derniers propriétaires. On avait même imaginé que cette opération se manifeste sur le quai par une porte de garage à double battant pratiqué dans le mur de soutènement côté Seine et par la surélévation du parapet qui le couronne. Déplacement de points porteurs, reprises en sous-œuvre, recomposition des cloisonnements et suppressions de multiples cheminées portaient atteinte à la cohérence structurelle initiale de l’édifice. À l’extérieur, l’ambition du retour à un état idéalisé obtenu notamment grâce à la mise en place d’un fleurissement d’éléments postiches et le remplacement de près de la moitié des parements de pierre de taille entraînaient une perte de substance historique tout aussi manifeste. Procédure et conciliation C’est au mois de décembre 2008 que remonte la découverte du projet de restauration de l’hôtel Lambert par les membres de la Commission du Vieux Paris et ceux-ci ont immédiatement déclenché l’alerte. Relayé par l’association de sauvegarde « Paris Historique », le mouvement de contestation a rapidement pris de l’ampleur. Académiciens, historiens, personnages politiques, acteurs, profes-sionnels de la restauration et de l’architecture se sont mobilisés. Le 7 mars 2009, consultée sur ce cas, la Commission supérieure des Monuments historiques émettait contre toute attente un avis favorable au projet et, le 11 juin suivant, au moment d’abandonner son portefeuille, le ministre de la Culture Christine Albanel donnait son feu vert pour le démarrage des travaux. Forte d’une pétition ayant recueilli plus de 8000 signatures, « Paris Historique » engageait alors une procédure en référé. Les audiences au Tribunal Administratif des 21 août et 8 septembre 2009 sont les temps forts d'un processus qui a abouti à la suspension de la décision ministérielle, ordonnée quelques jours plus tard. Les représentants du propriétaire s’étant pourvus en cassation auprès du Conseil d’État, on attendait non sans quelque inquiétude la décision à laquelle se rangerait cette instance suprême. Sur le fil du

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rasoir, à l’instigation du nouveau ministre Frédéric Mitterrand, une tentative de conciliation des intérêts divergents a été mise sur pied fin novembre. La Ville de Paris et le Ministère sont parvenus à rédiger un protocole d’accord. Celui-ci a été contresigné par les parties rue de Valois le 23 janvier 2010 en présence du propriétaire, du Ministre de la Culture et d’un représentant du Maire de Paris. D’une dizaine de pages, ce document décrit le parti et choix de restauration en quatre rubriques : généralités, sous-sols, intérieurs et extérieurs. Parmi les points utilement négociés, l’abandon du parking souterrain et de l’ascenseur à voiture, la réduction drastique du remplacement des parements de pierre de taille et, d’une manière générale, la restauration en l’état d’ouvrages qu’il était question de dénaturer au bénéfice hypothétique du retour à un état antérieur constituent des avancées remarquables. En contrepartie, la nécessité d’adapter l’hôtel à un usage contemporain et le principe de la réversibilité ont fait admettre des options étrangères à la stricte préservation du bâtiment. À la demande de « Paris Historique », le Comité scientifique chargé du suivi des opérations s’est enrichi de nouvelles compétences. Les parties se sont notamment réunies autour de la personnalité d’Andrea Bruno, architecte restaurateur de réputation internationale. Au terme de ce long processus de réorientation d’un projet d’abord étranger à l’immense valeur patrimoniale de l’objet considéré, on espérait pouvoir se réjouir du démarrage des travaux. Ceux-ci se déroulent actuellement à l’intérieur d’un double système de palissades qui font de l’hôtel Lambert une sorte de camp retranché. On suppose que la dépose d’un certain nombre d’ouvrages a donné lieu à d’intéressantes découvertes archéologiques. Depuis 18 mois que dure le chantier, aucune information ne filtre. En dépit des représentations qui leur ont été faites, ni la Ville ni l’État ne semblent disposés à engager une action susceptible de calmer les rumeurs qui se font jour quant aux possibles dérives que connaîtrait une campagne de travaux à l’opacité de plus en plus suspecte.

28 mars 2012 Jean-François Cabestan

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