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Bibliographie : Laure Borie, Hector Hanoteau (1823-1890), mémoire de maîtrise sous la direction de Bruno Foucart, manuscrit, s.d. Dominique Lobstein, Les Salons au XIX e siècle. Paris, capitale des arts, Paris, édition de la Martinière, 2006. H. et C. White, La carrière des peintres au XIX e siècle, Paris, Flammarion, 2009. Catalogue d’exposition : Hector Hanoteau (1823- 1890), Un paysagiste ami de Courbet, Milan, SilvanaEditoriale, 2013. HECTOR HANOTEAU (1823-1890) Un paysagiste ami de Courbet 14 décembre 2013 – 21 avril 2014 Offre pédagogique à destination des publics scolaires 2 La Formation L’atelier de Jean Gigoux La Bohème artistique L’Académie des Beaux-arts et l’École des Beaux-arts Le Salon 10 Le plein air et le paysage français L’École de Barbizon Hector Hanoteau en Algérie : un regard orientaliste 13 Analyse de documents 18 Annexes Scénographier une exposition Moduler la surface d’accrochage par les cimaises, leurs couleurs, l’éclairage 20 Propositions pédagogiques

Hector Hanoteau, un paysagiste ami de Courbet

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Page 1: Hector Hanoteau, un paysagiste ami de Courbet

Bibliographie :

Laure Borie, Hector

Hanoteau (1823-1890), mémoire de maîtrise sous

la direction de Bruno Foucart, manuscrit, s.d.

Dominique Lobstein, Les

Salons au XIXe siècle. Paris,

capitale des arts, Paris, édition de la Martinière,

2006.

H. et C. White, La carrière

des peintres au XIXe siècle,

Paris, Flammarion, 2009.

Catalogue d’exposition :

Hector Hanoteau (1823-

1890), Un paysagiste ami

de Courbet, Milan, SilvanaEditoriale, 2013.

HECTOR HANOTEAU (1823-1890) Un paysagiste ami de Courbet

14 décembre 2013 – 21 avril 2014 Offre pédagogique à destination des publics scolaires

2 La Formation

• L’atelier de Jean Gigoux

• La Bohème artistique

• L’Académie des Beaux-arts et l’École des Beaux-arts

• Le Salon

10 Le plein air et le paysage français

• L’École de Barbizon

• Hector Hanoteau en Algérie : un regard orientaliste

13 Analyse de documents

18 Annexes

• Scénographier une exposition

• Moduler la surface d’accrochage par les cimaises, leurs couleurs, l’éclairage

20 Propositions pédagogiques

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La Formation

De sa Nièvre natale Hector Hanoteau « monte » à Paris en 1841. Il suit durant quatre ans les cours de Charles Caiüs Renoux (mort en 1846) plusieurs fois médaillé au Salon. Il suit l'enseignement classique de ce peintre de scènes historiques, fondé sur la copie de toiles de maîtres anciens.

L'atelier de Jean Gigoux

À la mort de l'artiste Renoux en 1849, Hector Hanoteau rejoint l'atelier de Jean Gigoux. Médaillé première classe en 1835 pour Les derniers moments de Léonard de

Vinci,1 une immense toile de style troubadour, Jean Gigoux est franc-comtois. Il a fréquenté comme Gustave Courbet l'atelier de Charles Flajoulot à Besançon. Il ouvre un atelier au 17 quai Malaquais et reçoit de nombreux élèves. Son atelier devient le lieu de rencontre d'artistes et d'écrivains comme Victor Hugo, Théophile Gautier, Alfred de Vigny, Honoré de Balzac, Gérard de Nerval, Alexandre Dumas, Charles Baudelaire, Alphonse de Lamartine ou encore Eugène Delacroix, Honoré Daumier, Pierre-Jean David d'Angers, Auguste Préault, Jean-Baptiste Corot, Charles-Antoine Daubigny, Théodore Rousseau, Narcisse Diaz de la Pena, Henri Harpignies, François-Louis Français. Jean Gigoux connaît Gustave Courbet depuis Besançon et son amitié est pleine d'admiration, « Courbet est un grand artiste, un vrai maître… il prenait la nature sur le fait, dans tout son charme ou dans toute sa puissance. Il est original entre tous ; ce qu'il a fait n'appartient qu'à lui ; il a vu par ses yeux ; il n'a rien pris des

1 Jean Gigoux , Les derniers moments de Léonard de Vinci, 1835, huile sur toile, 344 cm X 488 cm, Besançon, Musée des Beaux-arts et d'Archéologie.

autres. Et voilà pourquoi j'aime à répéter que c'est un vrai maître 2 ».

Hector Hanoteau est ainsi plongé dans un milieu artistique dynamique et plein d'émulation. Une méthode de travail et un maître pédagogue qui sait « peintre, dessiner et apprendre ce qu'il savait3 ». Hector Hanoteau est élève de Jean Gigoux lorsqu'il se présente par deux fois au concours de Paysage Historique de l'Institut. Le but des jeunes artistes est de devenir membres de l'Académie donc d'être admis à l'École des Beaux-arts. Passer par l'atelier d'un artiste reconnu ou par une école privée de bonne réputation se révèle souvent utile. L'élève paie un écolage mensuel et peut peindre des études de modèles masculin ou féminin. Le maître faisait une apparition une à deux fois par semaine et passait les étudiants en revue, critiquant, corrigeant4. Hector Hanoteau étudie auprès de Jean Gigoux la maîtrise du dessin qui deviendra le principe essentiel de son enseignement lorsqu'à son tour il partagera avec ses élèves connaissances et savoir-faire : « La couleur passe, le dessin seul reste5 ».

L'atelier est aussi le lieu de rencontres et d'échanges de jeunes artistes passionnés. Hanoteau y rencontre Gustave Courbet. Une relation, documentée par des témoignages de l'époque, rapporte qu'une grande amitié lie les deux hommes, attestée par deux peintures6. L'artiste nivernais fréquente assidument la

2 Jean Gigoux, Causeries sur les artistes de mon temps, Paris, Lévy, 1885, p.118. 3 Maurice Hanoteau, Notes sur le paysagiste Hector Hanoteau, 1916, p. 19. Ce manuscrit est rédigé par Maurice, le neveu d'Hector. Conservé dans les archives familiales, il est publié intégralement dans le catalogue de l'exposition Hector Hanoteau (1823-1890) un paysagiste ami de Courbet, Milan, Silvana Editoriales, p. 17-35. 4 Emile Zola, L'œuvre, Paris, Gallimard, 1983, p. 72. E et J. Goncourt, Manette Salomon, Paris, Gallimard, 1996 5 « Louis-Adolphe et Hector Hanoteau : deux frères decizois en quête d'"absolu" », in Annales des Pays Nivernais, Camosine, n°134, Nevers, 2009, p.5. 6 Cf. p. 5

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Bohème artistique qui va participer à son épanouissement artistique et intellectuel.

La Bohème artistique

En marge du romantisme, fille de la Révolution de 1830, la vie de Bohème trouve ses sources à Paris sous l'influence d'artistes qui s'émancipent du pouvoir. L'artiste bohème est une figure de la modernité, témoignant de la transformation du statut de l'artiste dans la société industrielle. Il devient solitaire, dégagé de tout mécène et de toutes les institutions académiques et tente d'entrer dans la carrière par les marges, sans passer par l'École des Beaux-arts et le Prix de Rome. En dehors de la société, il parle un langage particulier où se côtoient tous les styles de l'argot populaire, affiche sa différence par le vêtement et les cheveux portés longs et dénoués.

Hector Hanoteau, Réunion d'artistes, s.d., carnet de croquis, 13X18 cm., Collection Eric Fèvre. ©Nicolas Guerbe

L'artiste bohème, qui revendique son opposition à l'ordre social et aux esthétiques dominantes, s'insurgeant contre la rationalité de la société industrielle, est à la recherche d'un idéal esthétique.

Dès 1659, Tallemant des Réaux (1619-1692) dans ses Historiettes décrit un personnage vivant en marge de la société et cultivant une nouvelle forme de liberté de pensées ainsi qu'un souci vestimentaire

excentrique7. En 1844 Honoré de Balzac dans la nouvelle Un prince de Bohème

décrit « la Bohème qu'il faudrait appeler la doctrine du boulevard des Italiens se compose de jeunes gens tous âgés de plus de vingt ans mais qui n'en n'ont pas trente, tous hommes de génie dans leur genre, peu connus encore, mais qui se feront connaître, et qui seront alors des gens forts distingués8 ». L'artiste bohème est dans une certaine misère mais qui n'est qu'un moment transitoire. Balzac le souligne, ce sont des artistes ambitieux qui, malgré leur rupture avec la société bourgeoise, vont s'y intégrer à la fin de cette vie de bohème qui correspond au déclin de la jeunesse et se termine par la mort ou la réussite : « Ce mot de Bohème vous dit tout. La Bohème n'a rien et vit de ce qu'elle a. L'Espérance est sa religion, la Foi en soi-même est son code, la Charité passe pour être son budget. Tous ces jeunes gens sont plus grands que leur malheur, au-dessous de la fortune, mais au-dessus du destin9. »

C'est Henri Mürger qui, en 1848 dans Les

Scènes de la vie de Bohème, fait entrer ce mot dans le langage courant et définit « la vraie bohème » composée d'artistes et d'intellectuels démunis vivant à Paris, se réunissant dans et autour du quartier Latin au café Momus, rue des Prêtres Saint-Germain-l'Auxerrois, à la brasserie Andler rue Hautefeuille, à quelques pas de l'atelier de Gustave Courbet, au café Fleurus. Maurice Hanoteau raconte qu'« avant le dîner on se réunissait au café Fleurus à l'angle de la rue de ce nom et de la rue du Luxembourg en face du quartier de Bobino et on y rencontrait poètes, chansonniers, critiques, auteurs dramatiques… La soirée se passait au Caboulot petit café au 19 ou 21 rue Jacob, 7 Gédéon Tallemant De Réaux, Historiettes, Paris, Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 1961. 8 Honoré de Balzac, Un prince de Bohème, in Bcq.ebooksgratuits.com/Balzac, p.8 9 ut. Supra. p. 9

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qui a subsisté longtemps et dont les murs étaient tapissés de peintures murales et de toiles œuvres des clients. Courbet était le boute-en-train des réunions du Caboulot et l'ami de cœur d'Hector Hanoteau10 ».

Idéalisée pour sa liberté, critiquée pour son excentricité, la vie de bohème est exprimée par Gustave Courbet «…dans notre société si bien civilisée, il faut que je mène une vie sauvage. Il faut que je m'affranchisse même des gouvernements. Pour cela je viens donc de débuter dans la grande vie vagabonde et indépendante du bohémien11 ». De nombreux autoportraits et portraits témoignent de l'émergence de l'artiste pensant et vivant en démiurge solitaire et incompris12.

Hector Hanoteau, Autoportrait, s.d., huile sur carton, 22 cm X 17 cm, Collection Jean-William Hanoteau ©François Billon

10 Maurice Hanoteau, ut.supra. 11 Petra Ten –Doesschate Chu, correspondance de Courbet, Lettre à Francis et Marie Wey, 31 juillet 1850, 50-5, Paris, Flammarion, 1996, p. 92. 12 Gustave Courbet, Portrait de l'artiste dit Courbet au chien noir, huile sur toile, 46,5 cm X 56,5 cm, 1842, Paris, Musée du Petit Palais. Ou encore Marc Trapadoux examinant un livre d'estampes, huile sur toile, 1849, 80 cm X 65 cm, sd., collection privée. Marc Trapadoux appartient à cette bohème réaliste dont les excentricités attirent Henri Mürger qui lui accorde donc une existence littéraire dans Scènes de la vie de Bohème. C'est Colline, le philosophe qui transporte sa bibliothèque dans les poches déformées de son manteau.

Hector Hanoteau et Gustave Courbet portent tous les deux la barbe « assyrienne »13. Hanoteau la laisse d'ailleurs se développer comme en témoignent les nombreux autoportraits et portraits de l'artiste.

Marcel Hanoteau, Hector Hanoteau, 1887, huile sur toile, 111 cm X 89 cm, Nevers, Musée de la Faïence ©musée de la faïence, Nevers

13 Gustave Courbet, Le Violoncelliste, portrait de l'artiste, 1847, huile sur toile, 117 cm X 89 cm, Stockholm, Nationalmuseum.

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Gustave Courbet et Hector Hanoteau, Baigneuses, 1858, huile sur toile, 115,4 cm X 155,5 cm, Paris, musée d'Orsay ©RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Michel Urtado

Gustave Courbet, qui réalise un portrait d'Hector en 1863, est témoin de son mariage. Ils réalisent en collaboration une toile intitulée Baigneuses, conservée au musée d'Orsay.

Le tableau mesurait à l'origine 200 X 155 cm et a été recadré à une date inconnue (entre 1930 et 1950). La composition initiale s'inscrivait ainsi dans un format proche du portrait et laissait la place en bas à droite aux deux signatures. Courbet semble avoir peint les deux figures nues laissant à Hanoteau le paysage.

Le portrait d'Hanoteau appartient à la série de portraits de personnalités célèbres que réalise Gustave Courbet à partir des années 185014.

14 Gustave Courbet, Portrait d'Hector Berlioz, 1848-1850, huile sur toile, 60,5 cm X 48 cm, Paris, musée d'Orsay. Portrait de Jules Vallès, vers 1861, huile sur toile, 27,2 cm X 22,1 cm, Paris, musée Carnavalet. Portrait de Champfleury, 1855, huile sur papier marouflé sur toile, 46 cm X 58 cm, Paris, musée d'Orsay.

Gustave Courbet, Portrait du peintre Hector Hanoteau, vers 1863, huile sur toile, 61 cm X 50 cm, collection particulière. ©Foto Saporetti

La toile appartient à la tradition picturale du portrait privilégiant le fond sombre sur lequel se détachent le visage et le haut du buste du modèle. L'angle du visage tourné de trois-quarts est éclairé, souligné par le blanc du col, le regard plongeant dans celui du spectateur.

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L'Académie des Beaux-arts et l'École des Beaux-arts

Hector Hanoteau est inscrit au registre de l'École des Beaux-arts de Paris le 5 mai 1849 ; il en devient aspirant à la suite de sa réussite au concours d'entrée. La même année il est candidat au concours de Paysage Historique, concours créé en 1816. Il s'agit d'associer la représentation de la nature et l'évocation d'un sujet d'inspiration mythologique, religieuse ou littéraire. Organisé par la section des Beaux-arts de l'Institut de France, le sujet proposé est L'enlèvement de Déjamire par

le centaure Nessus. Hector Hanoteau est admis 7e sur 16 au premier concours d'essai (mentionné comme élève de Jean Gigoux). Il est admis à se présenter au second concours d'essai qui a pour thème Narcisse sous un orme : « Narcisse amoureux de lui-même se mirant dans les eaux d'un ruisseau, au pied d'un orme ». Hector Hanoteau est reçu 8e sur 8 et peut donc participer au sujet définitif La mort

de Milon de Crotone c'est-à-dire le Prix de Rome du Paysage Historique. Le peintre de la Nièvre n'est pas admis15.

En 1853, il présente à nouveau le concours des Grands Prix du Paysage dans la catégorie Paysage Historique qui a lieu tous les quatre ans. Il réussit le premier essai (12e/16) sur le sujet Hippomène et

Atalante. L'artiste est toujours élève de Jean Gigoux. Il peut ainsi se présenter au second essai dont le sujet est : Un

châtaigner. Des bucherons abattent un

vieux châtaigner déraciné par l'eau d'un

torrent, maintenant desséché. (Matinée

d'automne et ciel couvert). Aucun candidat n'est admis pour la dernière étape16. Hector Hanoteau est donc admis au concours des Grands Prix de Paysage mais

15 Philippe Grunchec, La peinture à l'École des Beaux-arts. Les concours des prix de Rome 1797-1863, t. 2, Paris, École nationale des Beaux Arts, 1989, p. 180. 16 Ut. Supra., p. 200-201.

il n'atteint pas la catégorie définitive du Prix de Rome du Paysage Historique qui lui aurait ouvert les portes de l'Académie des Beaux-arts et permis de séjourner quatre ans à Rome à la villa Médicis.

À la différence de Gustave Courbet, Hector Hanoteau suit le cursus académique. Admis à l'École des Beaux-arts en 1849, il participe aux différents concours qui ponctuent la vie d'un étudiant à l'École. Une vie qui n'est qu'une longue suite de compétitions récompensées par des médailles annuelles. Cette formation longue reste fondée sur le dessin. En première année l'élève réalise des copies de dessins puis en deuxième année il peut étudier des plâtres de statues antiques pour enfin, en troisième année, accéder aux modèles vivants.

Hector Hanoteau, Le Bon Samaritain, 1850, huile sur toile, 129 cm X 162,5 cm, Nevers, Musée de la Faïence ©musée de la faïence, Nevers

Ce tableau est présenté au Salon de 1851 et reflète les préoccupations d'un élève des Beaux-arts préparant le concours pour le Paysage Historique. Le Bon Samaritain descendu de cheval se penche sur le corps du blessé dont la pose laisse deviner l'habitude des académies étudiées à l'École. Hector Hanoteau montre ici sa capacité à réaliser un corps vu en plongée, présentant une forte diagonale et saisi d'un raccourci. L'importance donnée au paysage et plus particulièrement au premier plan, avec les racines et les rochers comme au puissant arbre du second plan, dénotent le paysagiste de la Nièvre.

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Le Salon

C'est aussi au Salon que se décide la carrière d'un artiste. Principal événement annuel du monde de la peinture française, le Salon se tient jusqu’en 1849 au Louvre. Chaque œuvre proposée passe devant un jury d'admission composé de membres de l'Académie des Beaux-arts. En 1848 on renonce au jury d'admission, geste généreux vite oublié. Louis-Napoléon, président de la République, fait installer le Salon dans le palais des Tuileries et à l'Orangerie.

Puis en 1850 et 1851 le Salon est installé au Palais National dans une partie de l'actuel Conseil d'Etat. Un nouvel article prévoit une élection du jury par les exposants : « le jury sera composé, moitié de membres nommés à l'élection, moitié de membres choisis par l'administration17 ». En 1849 il y a vingt et un médaillés dont une seconde médaille de deuxième classe attribuée à Gustave Courbet pour Une après-dinée à Ornans

18. Un article du règlement stipule que les médaillés de première et deuxième classe seront reçus sans examen. L’année suivante, Gustave Courbet expose sa fameuse trilogie de 185019.

Des sommes d'argent accompagnent les médailles. En 1852 est créée une médaille d'honneur d'un montant de 4000 francs accordée à la majorité absolue des voix, les premières, deuxièmes et troisièmes

17 Dominique Lobstein, Les Salons au XIXe siècle. Paris, capitale des arts, Paris, édition de la Martinière, 2006, p. 143. 18 1848-1849, 195 cm X 255 cm, Lille, musée des Beaux arts. 19 Les Casseurs de pierre, 1849, 165 cm X 257 cm, Dresde, Gemäldegalerie (tableau détruit en 1945). Les Paysans de Flagey revenant de la foire, 1850, 205 cm X 212 cm, Besançon, Musée des Beaux Arts (actuellement déposé au musée Courbet d'Ornans), Un enterrement à Ornans, 315 cm X 668 cm (sans cadre) exposé au musée d'Orsay.

médailles ont une valeur respective de 1500, 500 et 250 francs20.

En 1847 Hector Hanoteau envoie plusieurs œuvres au Salon et plus particulièrement des paysages : Vue prise de la forêt de

Compiègne et Sur l'herbe. La peinture de paysage conquiert progressivement sa place au Salon. La création en 1816 d'un Prix de Rome du paysage historique témoigne de l'importance de la peinture de paysage. Elle est exemplaire de la transformation de l'appréciation esthétique des jurés qui favorisent l'acquisition de coins de campagnes françaises.

Les achats au Salon

Le Salon de 1824 révèle la peinture de John Constable qui fait sensation par son naturalisme dégagé de tout prétexte historique ou mythologique. Sa modernité tient à son travail d'après nature loin de l'idéalisation néo-classique qui dominait le genre paysager. Hector Hanoteau s'installe à Compiègne en 1847 et fréquente les artistes de Barbizon qui jouissent d'une certaine considération au Salon et auprès des commissions d'achats de l'État. Ainsi entre 1849 et 1852 le paysage vient en première position distançant le portrait, la scène de genre et la peinture d'histoire. La peinture de paysage devient la gloire de l'École française et occupe une bonne place dans les achats de l'État : 12 paysages sur 60 sont achetés en 1875 dont Hector Hanoteau, François–Louis Français et Henri Harpignies, 36 sur 120 tableaux en 1872, mais à partir de 1877 ce sont cinq paysages sur 33. La peinture d'histoire, à sujets antiques avec quelques incursions

20 H. et C. White, La carrière des peintres au XIXe siècle, Paris, Flammarion, 2009 (1963), p. 91.

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dans un Orient idéal, triomphe dans les achats de la fin du XIXe siècle21.

Hector Hanoteau reçoit une première médaille en 1864 pour le Paradis des oies et Hutte abandonnée puis en 1868 pour Le garde-manger des renardeaux. En 1869, La passe du grand gibier

et Les roseaux sont récompensés par une troisième médaille.

La critique se penche sur l'œuvre du peintre nivernais.

La critique d'art au Salon

Albert de la Fizelière déclare que Le Paradis des oies et La Hutte sont « sans contexte deux des meilleurs paysages du Salon. Il semble voir ces deux œuvres magistrales si vraies, si vivantes, si sincères que la nature aux yeux de ce grand peintre soit un immense spectacle dont les scènes diverses parlent au cœur le langage de la poésie imagée22 ». Jules–Antoine Castagnary souligne « la vigueur du modelé et l'intensité des verts. Là, point de vague, point de brouillard, point de sentimentalité qui faussent la nature saine et robuste du Morvan. Le Paradis

des oies et La Hutte abandonnée ont séduit le public par leur action de franchise et leur simplicité mâle23 ». La seconde médaille au Salon de 1868 pour Le garde-manger des renardeaux trouve auprès de la critique la même appréciation sur la vérité de la vision d'Hanoteau, son regard de paysan, vivant en pleine campagne, familier des animaux. Théophile Gautier écrit dans Le Moniteur que « Monsieur Hanoteau est dans une

21 Pierre Vaisse, La IIIe République et les peintres du XIXe siècle, Paris, Flammarion, 1995, p. 151. 22 A. de la Fizelière, "Salon de 1864", Union des Arts, 21 mai 1864, cité dans L. Borie, Hector Hanoteau (1823-1890), mémoire de maitrise inédit, sous la direction de Bruno Foucart, p.17. 23 Jules–Antoine Castagnary, "Salon du 12 juin 1864", Courrier du Dimanche, cité dans L. Bories, ut. Supra.

excellente voie, sa peinture est vraie, saine et vigoureuse.24 ».

D'autres critiques sont moins favorables à Hanoteau. Théophile-Thoré Bürger, dans L'Indépendance belge du 7 juin 1864, lui reproche « une pâte grasse à la façon de Gigoux, procédé un peu exagéré qui alourdit les détails et nuit à l'aréage de l'ensemble ». G. Chisseret en 1868 n'apprécie pas Le Garde-manger des

Renardeaux : « le ton général est…un peu cru, les feuillages de droite manquent un peu d'air ». Le critique souligne également la maladresse des proportions en particulier entre les dimensions du tronc d'arbre du premier plan qui occupe une place trop importante par rapport aux personnages25.

C'est à partir du moment où le salon a été organisé à un rythme régulier, c'est-à-dire vers 1750, que naît la critique d'art sous la forme des comptes rendus des salons dans la presse.

À partir du milieu du XIXe siècle, le critique joue un rôle de médiateur entre l'artiste et le public. L'abondance de la production artistique, l'augmentation des œuvres proposées au salon et l'accroissement de l'affluence des visiteurs expliquent l'intérêt pour les comptes rendus de salon. Le public éprouve de la difficulté à se forger un jugement et lit les nombreux périodiques spécialisés qui se multiplient dans le domaine artistique (12 titres en 1850, 20 en 1860). Les quotidiens ouvrent leurs colonnes aux comptes rendus des salons puis des expositions. La plupart des rédacteurs sont des journalistes qui s'adonnent à la critique à titre occasionnel, quelques-uns se spécialisent dans ce domaine. Des écrivains s'attachent à donner leur avis sur les

24 T. Gautier, "Salon de 1868", Le Moniteur du 27 juin 1868, cité dans L. Bories, ut. Supra. p. 18. 25 G. Chisseret, "le salon officiel", 1868, L'art.

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salons comme Théophile Gautier, Charles Baudelaire, Emile Zola, J-K Huysmans.

Si la description iconographique occupe la plupart des commentaires, la critique prend progressivement parti dans le souci de former les goûts du public. Couleur politique du journal, convictions personnelles des critiques, affinités avec certains artistes donnent une tournure polémique à de nombreux comptes rendus. Dans le Journal de Rouen, Alfred Darcel écrit le 1er juin 1886 que « M. Hanoteau, malgré les succès qu'il obtient depuis longtemps avec les coins de paysage si soigneusement étudiés dans leurs détails infinis, en aurait obtenu de plus grands encore s'il eut donné plus d'accent à sa couleur d'un vert gris souvent trop clair et trop égal…Tout cela est un peu égal d'effets et manque d'accent incisif ». Le critique, collaborateur du quotidien régional, est conservateur du musée de Cluny et inspecteur des Monuments Historiques. À ce titre, il est probablement peu enclin à apprécier la traduction de la réalité moderne.

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Le plein air et le paysage français

L'œuvre d'Hector Hanoteau s'inscrit dans l'histoire du paysage français entre l'apogée de l'École de Barbizon et le mouvement impressionniste. Un contexte de bouleversements sociaux qui accompagne le paysage, réaction à la révolution Industrielle, à l'exode des campagnes vers la ville. La France du Second Empire connaît un essor économique sans précédent. De nouvelles lignes de chemins de fer permettent aux Parisiens d'aller en forêt et plus particulièrement en forêt de Fontainebleau.

L'École de Barbizon

Une petite communauté de peintres est installée au village de Barbizon alors simple hameau de bûcherons. Il accueille à partir des années 1820 les peintres fuyant la ville à l’industrialisation effrénée et venant chercher l’inspiration dans la nature. Fontainebleau devient leur atelier et une nouvelle étape pour l’apprentissage et la carrière des artistes : Camille Corot, Narcisse Diaz de La Pena, Théodore Rousseau, Constant Troyon, Constant Dutilleux, Gustave Courbet, Achille-Etna Michallon, Jean-François Millet, Claude Monet, Frédéric Bazille, Alfred Sisley, Félix Ziem, Odilon Redon, Georges Seurat, Paul Cézanne.

Restitution d'un fragment d'atmosphère et non sa transcription fidèle, les artistes de l'Ecole de Fontainebleau composent à partir d'études spontanées faites in situ. Ce souci de vérité a pour moyens la lumière et ses variations et l'étude de détails. « Saisir la nature sur le fait » : le motif. C’est ce qu’exprime Pierre-Henri de

Valenciennes en 179926, apprendre à voir, dessiner, peindre « sur le site » des détails de paysage qui seront ensuite utilisés dans de futures compositions. « Aller sur le motif », « peindre sur le vif », autant d’expressions qui soulignent l’importance du motif (motivus, mobile) et du plein air dans la peinture. Forme d’incitation, le motif engage le dialogue entre le peintre et la nature et devient création dans la nouvelle peinture qui émerge en ce début du XIXe siècle. Corot, à partir de 1822, Théodore Rousseau, Constant Troyon se plient aux recommandations de Pierre-Henri de Valenciennes : « Ne manquez pas

de faire quelques études peintes de beaux

arbres isolés et surtout attachez vous à

tous les détails de l’écorce, la mousse, des

racines à l’embranchement ». Ils se retrouvent alors en forêt de Fontainebleau.

Après un séjour en forêt de Fontainebleau, Hanoteau décide de peindre des paysages. Il partage son temps entre Paris et l'atelier qu'il loue rue de Seine et à partir de 1860 dans la ferme de Briet qu'il vient d'hériter de sa mère. Briet est un petit hameau à côté de Cercy-la-Tour dans la Nièvre. Le peintre devient l'interprète de sa région qu'il expose à travers de nombreuses œuvres jusqu'en 1882. Ce besoin d'immersion dans la nature et le fait de peindre des paysages connus sont des points communs avec Gustave Courbet.

26 Pierre-Henri de Valenciennes, Éléments de perspective pratique à l’usage des artistes suivis de Réflexions et conseils à un élève sur la peinture et particulièrement sur le genre du paysage, Paris, 1799-1800. Source : Galllica, BnF.

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Hector Hanoteau en Algérie : un regard « orientaliste »

En 1854, Hector rejoint son frère le général Adolphe Hanoteau (1814-1897) chef du bureau arabe de Médéah et adjoint au bureau politique d'Alger. L'officier participe à la longue campagne militaire lancée par la France à partir de la prise d'Alger pour pacifier l'Algérie. L'établissement progressif des Français renforce l'intérêt et la curiosité pour les paysages et les coutumes d'Algérie. La manière orientaliste émerge, devenant le prétexte à des œuvres imaginant un Orient rêvé, pure songerie européenne. Ingres propose à travers ses Odalisques ou le Bain turc un Orient encombré d'accessoires et de détails mi-orientaux et mi-classiques. Parallèlement à cet orientalisme de salon, des artistes font le voyage en Afrique et rapportent des milliers de notes et de croquis : Eugène Delacroix part en 1832 comme membre de l'ambassade extraordinaire envoyé par Louis-Philippe. L'artiste accumule de nombreuses impressions notées dans ses albums. Réalité fugitive, découverte du pittoresque, rencontre de l'Autre.

Hector Hanoteau pose un regard personnel sur l'Algérie à travers des dessins. Ce rapport direct lui fait découvrir la lumière, des thèmes nouveaux, un Orient différent de celui qui marque la culture française depuis le XVIIIe siècle. Antoine Galland, auteur de la première traduction des Contes des Mille et Une

nuits, rédige une grande partie des contes intégrant des récits qui n'y figurent pas à l'origine comme les Aventures de Sinbad, d'Aladin et d'Ali Baba. L'Egyptomanie, qui se développe à partir des campagnes d'Egypte menées par Bonaparte en 1798, s'inscrit dans une dimension

propagandiste. Ainsi Antoine-Jean Gros, Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa

27.

Hector Hanoteau propose un Orient observé, témoignant de choses vues et en rend compte avec une certaine émotion. Son regard est proche de l'Orient naturaliste de Gustave Guillaumet et ses nouvelles représentations de désert28.

Hector Hanoteau, Laghouat, 1854, crayon sur papier, 29 cm X 21,5 cm, collection Eric Fèvre. ©Nicolas Guerbe

Hector Hanoteau, Café à Blidah, 1854, crayon sur papier, 21,5 cm X 29 cm, Collection Eric Fèvre. ©Nicolas Guerbe

27 Antoine-Jean Gros, Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, 1804, 532 cm X 720 cm, Paris, musée du Louvre. 28 Gustave Guillaumet, Prière du soir dans le Sahara, 1874, 137 cm X 285 cm, Paris, musée d'Orsay.

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Hector Hanoteau, Tente Berbère, 1854, fusain et crayon sur papier bleu, 26 cm X 42 cm, Collection Jean-William Hanoteau. ©François Billon

Cet ensemble d'annotations graphiques évoque le séjour de l'artiste en Afrique du Nord. Des notes dessinées sur différents supports témoignent du regard personnel porté par l'artiste.

À Laghouat, Hector Hanoteau retient le fort contraste entre des zones éclairées par le soleil et l'ombre qui accentue le découpage des formes architecturales ou rend palpable les palmiers écrasés par la lumière jusqu'à l'effacement. Le café semble flotter dans le vide d'un paysage où l'on devine la silhouette d'un mont (peut-être le mont Atlas). Les arbres et arbustes occupent la partie gauche évoquant l'importance de l'eau à Blidah installé dans l'Oued El Kebir. Hanoteau fait le choix d'un lieu très pittoresque, loin de l'activité et de la civilisation européenne qui se sont emparées de Blidah à partir de 1830. La forte lumière dessine des silhouettes à peine perceptibles tandis que l'ombre modèle les formes de la construction réalisées en matériaux locaux. La lumière est aussi présente dans Tente berbère par la craie blanche qui anime la composition en accentuant le contraste et isolant les deux personnages dans la vacuité du désert.

Hector Hanoteau, Sans titre, Algérie, huile sur toile, 50 cm X 41 cm, Collection particulière. ©François Billon

Cette huile sur toile de format moyen montre la transposition que fait Hector Hanoteau de ses notations graphiques qui servent à créer un Orient plus classique tout en explorant une scène quotidienne. Dans une composition cadrée par une architecture de pierre et un toit fait de quelques planches de bois sont assis deux personnages qui se font face à face. Des fruits les entourent tandis que l'ombre envahit le fond de la boutique.

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Analyse de documents

Documents 1

Hector Hanoteau, Les Grenouilles, 1874, huile sur toile, 200 cm X 150 cm, Paris, musée d'Orsay. ©RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Hector Hanoteau pose la question du réalisme et sa réponse n'est pas celle de Gustave Courbet. Le réalisme est un langage visuel, un moyen d'expression nécessaire mais nullement suffisant. La nature ne peut pas être re-créée. Il s'agit avant tout de créativité qui implique une approche poétique ou très engagée comme celle de Gustave Courbet.

Hector Hanoteau n'hésite pas à concrétiser ce réalisme par une facture nette, précise, sincère et par la présence d'anecdotes ou d'allusions narratives (personnages, animaux, vie rurale). Il observe la campagne mettant la nature au centre de l'œuvre ; l'arbre, le ciel ou le ruisseau remplacent les nymphes et les héros des paysages historiques. Gustave

Courbet investit un réel plus personnel par une facture tactile, allusive, des cadrages et des perspectives qui invitent le spectateur à déambuler dans le paysage.

Aussi le choix de documents analysés met en évidence ce rapport au réel en s'appuyant sur des œuvres prises dans l'exposition temporaire mises en relation avec des tableaux appartenant à la collection permanente.

Acheté en 1875 par l'État pour le musée du Luxembourg, Les grenouilles évoque la vie secrète d'un sous bois dans l'ombre duquel sont groupées des grenouilles autour d'un plan d'eau. Le second plan est occupé par les arbres qui équilibrent la composition de part et d'autre d'une trouée de lumière. Cette ouverture projette le regard vers l'horizon et découvre, placés en pleine lumière, des bœufs attelés à une charrette remplie de foin. L'artiste dessine d'un trait ferme, précisant le moindre brin d'herbe, les feuilles et les sillons du tronc. Des touches légères accompagnent la palette d'une grande richesse chromatique : teintes de vert enrichies par des teintes jaunes pour baigner l'espace de lumière. Le regard est attiré par ce fort contraste entre ombre et lumière puis cherche les grenouilles pourtant placées à l'avant qui donnent son titre au tableau.

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Hector Hanoteau, Les Pies du bocage, 1884, huile sur toile, 146 cm X 200 cm. Ville de Decize. ©Ville de Decize/François Billon

Les grenouilles comme Les pies du bocage sont deux tableaux inscrits dans des formats importants pour des paysages. La nature est mise au centre de l'œuvre : arbre, ciel, ruisseau remplacent les nymphes et les héros des paysages historiques. Cette nouvelle manière est néanmoins très proche de la tradition académique. Hanoteau est régulièrement exposé au Salon jusqu'à la fin du XIXe siècle. La peinture réaliste traitant de sujets simples issus de la vie à la campagne remporte un vif succès commercial. Autre élément apprécié par le public du Salon : l’arbre. C'est la grande figure de la forêt, le motif est au programme du deuxième concours d’essai pour le Prix de Rome du paysage historique. Les élèves devaient exécuter en peinture « sur une toile d’environ trois pieds un arbre détaché sur le ciel dont l’espèce sera déterminée le matin du premier jour »29. Dans le tableau des

Grenouilles un puissant tronc doté de multiples ramifications placé à droite encadre l'ouverture vers la lumière tout en faisant le relai entre le premier plan et le troisième plan. Les pies du bocage

29 Le pied, unité de mesure d’environ 30 cm. Prix du règlement du concours du paysage historique, 7 septembre 1816.

occupent un sous bois bordant une étendue d'eau. Les arbres sont l'entre-deux, entre bois et eau, ombre et lumière.

Gustave Courbet, Le Ruisseau du Puits Noir, vers 1864, 60 cm X 81 cm, Besançon, musée des Beaux-arts et d’Archéologie, déposé au musée Gustave Courbet. ©musée des Beaux-arts et d’Archéologie, Besançon/Pierre GUENAT

Gustave Courbet dans Le ruisseau du Puits

noir fait le choix d'un cadrage serré au niveau de la source. Une peinture qui va à l'essentiel, saisissant la structure des éléments avec une pâte épaisse appliquée au couteau. La lumière perce les frondaisons des arbres par une ouverture située au centre du tableau et par des plaques lumineuses qui viennent découper des masses. La gamme des verts est restreinte à quelques teintes enrichies de jaune pour amener la lumière, conduisant le regard de rocher en rocher, d'arbre en arbre. Courbet met en évidence les particularités topographiques de la région, les structures rocheuses envahies par la végétation.

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Gustave Courbet, Le Halage, bords de Loue, 1863, huile sur toile, 63 cm X 80 cm, Ornans, musée Gustave Courbet ©musée Gustave Courbet, Ornans/Pierre GUENAT

Aux environs de Scey-Maisières, un homme hale une barque à fond plat qui s'est échouée sur le lit de la rivière. À gauche, des rochers surmontés par un massif de feuillage, à droite des peupliers s'élèvent en longues silhouettes verticales sur le fond de la vallée. Des bords de Loue sont traduits de façon lumineuse avec des couleurs claires. Mais la Loue comme les rochers sont omniprésents devant les hommes minuscules. À peine visible pour l'un, l'autre est une simple tache blanche sortant de l'ombre. Loin de l'anecdote d'Hector Hanoteau, Gustave Courbet propose ici une confrontation de l'homme avec la Loue capricieuse : lente ou rapide, profonde ou à sec aux anfractuosités pleines d'ombres. Les figures humaines servent ici d'échelle et de prétexte pour

transfigurer les bords de la Loue et de la nature.

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Documents 2

Hector Hanoteau, La Vieille forge, 1872, 93 cm X 130 cm, Niève, Conseil général ©Emmanuel Darnault / Conseil général de la Nièvre

Hector Hanoteau, La mare du village, 1869, huile sur toile, 85 cm X 130,5 cm, Paris, musée d'Orsay ©RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

La Vieille forge est organisée à partir d'une ligne d'horizon située dans le premier quart inférieur du tableau tandis que le reste de la surface est occupé par le ciel. L'eau paisible de la rivière reflète maisons et arbres tandis qu'une femme et son chien animent par leurs petites silhouettes le bord à droite. Des oiseaux s'avancent dans l'eau. Les arbres équilibrent la composition par leur disposition de part et d'autre de la rivière. Les feuillages opulents des arbres à droite cadrent les constructions disposées le long de la ligne d'horizon. La composition est proche de celle des peintures hollandaises et anglaises. Jean Gigoux, un des maîtres d'Hector Hanoteau, porte un grand intérêt

aux peintures nordiques et plus particulièrement aux paysages animés et aux thèmes naturalistes qui sont réhabilités en ce XIXe siècle. Jean Gigoux est un ami de Théophile Thoré qui réhabilite Vermeer et consacre des études à Rembrandt, Rubens et Frans Hall. Les peintres anglais sont à l'honneur au Salon en 1824 et plus particulièrement John Constable. Les arbres comme la cheminée de l'usine ponctuent de leur verticalité la composition fondée sur l'horizontal. La maison du maître de forges et l'usine constituent le troisième plan le long de l'horizon.

Gustave Courbet, La Papeterie D'Ornans, vers 1865, 60 cm X 73 cm, Ornans, musée Courbet, prêt de l’Institut Gustave Courbet. ©musée Gustave Courbet

Gustave Courbet cadre au plus près La Papeterie d'Ornans. Le mécanisme comme la maison d'habitation occupent une bonne partie du tableau entre premier et deuxième plan. Arbres et falaises arrêtent le regard, le repoussant vers l'usine. L'eau, la roche, le bois des mécanismes, la pierre de construction forment un ensemble où se jouent les textures et les matières matérialisées par une pâte posée au couteau. Le peintre est fasciné par ces machines propulsées par les eaux courantes de la Loue et remuant une eau tumultueuse. Un petit personnage, lié au paysage et à l'usine, est à peine visible sur la plateforme dominant la roue du moulin.

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Courbet, témoin attentif, met en scène les ouvriers « en sabot » de la Franche-Comté qui travaillent dans des fermes-ateliers qui sont ancrées dans le monde rural30. La Mare du village d'Hector Hanoteau est acheté pour le musée du Luxembourg. Le tableau propose une simple mare de village, abreuvoir des troupeaux transfigurés par le soleil couchant qui teinte de rose le ciel. Scène sereine animée par une variété d'animaux et de personnages : le premier plan est occupé par un chien noir observant vaches et oiseaux placés à droite. De l'autre côté, un berger pêche, des chèvres paissent, des femmes lavent du linge et puisent de l'eau. Jeu de regards du chien qui scrute les vaches qui observent les oiseaux et sont tournées vers les lavandières. Tout ce petit monde apporte une présence anecdotique et est profondément lié au paysage par la lumière et la couleur. La robe des vaches nivernaises fait écho au ciel et au miroir de la mare, aux teintes du sol tourbeux, résidu de la mare. Les taches blanches des grues cendrées répondent aux chèvres blanches et à la teinte claire du ciel. Hector Hanoteau rend compte d'une campagne nivernaise à travers une image pleine de poésie. Gustave Courbet évoque dans Le miroir

d'Ornans le bourg se reflétant dans les eaux de la Loue. Maisons et arbres composent un cadre pour la rivière, souligné par le reflet des maisons à droite. Ces dernières se dressent dans le paysage, s'y insérant par la gamme chromatique claire des façades de maisons qui rappelle les falaises calcaires, les bleus du ciel se miroitant dans l'eau.

30 Cf. Dossier d'accompagnement pédagogique : La nature comme tableau.

Gustave Courbet, Vue d’Ornans ou Le miroir d’Ornans, vers 1872, huile sur toile, 50 x 61 cm, Ornans, musée Gustave Courbet ©musée Gustave Courbet, Ornans/Pierre GUENAT

L'ensemble est enveloppé dans des teintes vertes. Une nature et un lieu que Courbet connaît bien et qu'il parcourt lors de ses promenades et de ses chasses. Son approche est celle du regard, le sien tout d'abord, qu'il transpose à travers des ponctualités lumineuses et des inversions de perspective, puis celui du spectateur qu'il invite par le cadrage, la touche – présente et tactile.

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Annexes

L'œuvre et le spectateur : Les choix scénographiques pour la mise en espace de l'exposition Hector Hanoteau au musée Gustave Courbet, Ornans.

En préambule, quelques définitions :

Muséographie : ensemble de techniques et d’aménagements destinés à la mise en valeur pérenne des collections. Scénographie : art de représenter en perspective / étude de l'organisation d'un espace (théâtre, exposition, musée…).

À chaque exposition, la scénographie renouvelle l'espace en lien avec ce qui est exposé. Il faut créer l'événement donnant ainsi au visiteur l'impression de pénétrer à chaque fois dans un lieu nouveau malgré les volumes préexistants.

Scénographier une exposition

Une scénographie se décompose en deux parties :

- l'enveloppe (le mur) et les surfaces d'accrochage, complétées par la diversité des ouvertures et de la lumière (artificielle et naturelle).

- Le cloisonnement ou le décloisonnement par le mobilier créant des parcours variés.

Dans les volumes des expositions temporaires du musée Courbet, des contraintes préexistent comme les grandes ouvertures du XVIIe et XVIIIe siècle et l'éclairage artificiel posé lors de l'aménagement d'origine, éclairage incorporé dans le plafond peu déplaçable et qui ne permet pas de jouer sur la diversité des éclairements. Des ajouts lumineux ont été disposés dans la plupart des salles. Ce sont des rampes de tubes fluorescents de lumière

indirecte venant « lécher les murs ». Chacun d'entre eux est indépendant et peut par ponctuation (un sur deux, un sur trois ou un seul) permettre de jouer sur les effets de lumière. Toute démarche scénographique commence par « voir les œuvres » pour percevoir leur emprise spatiale, leur besoin de lumière. L'exposition Hector Hanoteau est composée de multiples supports de natures différentes : huile sur toile, dessin, encre, lavis, photographie, sculpture qui imposent des éclairements différents avec des quotients de flux lumineux variant de 50 lux pour les dessins à 150 lux pour les huiles sur toile et jusqu'à 300 lux pour les sculptures. Une mise en espace, à partir du système d'accrochage des cimaises, de la lumière, de cloisonnements, de meubles pour les sculptures se révèle indispensable. Moduler la surface d’accrochage par les cimaises, leurs couleurs, l’éclairage Les surfaces d'accrochage, ou cimaises, se distinguent de l'enveloppe et donc sont dégagées de la surface murale par une épaisseur de matériau : le médium. Ce dernier est un panneau dérivé du bois, esthétiquement plus fin de texture que le bois massif, meilleur marché, plus léger et donc plus facile à déplacer. Ces cimaises définissent un espace différent de la surface murale. Les limites des cimaises créent un espace dans l'espace et se répondent de salle en salle. Cette mise en abyme est graphiquement présente par les joints creux qui dessinent des lignes horizontales et verticales. Les horizontales sont dans la plupart des salles dans l'alignement des bords de fenêtres, les verticales rythment la surface d'accrochage et participent à l'insertion du tableau sur la cimaise. Les joints creux sont imposés par la liaison des panneaux

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de bois : l’exigence qui devient un enjeu créatif. Le choix de couleur des cimaises est commandé par les éclairages de quotients lumineux variables mais en moyenne de faible luminosité : - Le blanc réverbère la lumière et donne

présence aux formats de petites dimensions.

- Le jaune clair crée un effet lumineux pour des tableaux placés sous un éclairage faible et ponctuel

Salle 1 : C'est une salle consacrée à la présentation d'Hector Hanoteau à travers des panneaux chronologiques et biographiques et une série de portraits et autoportraits du peintre nivernais et du peintre d'Ornans. Des supports de natures différentes : photographies, dessins, médaillons en plâtre, huile sur toile, ronde bosse en terre cuite et en plâtre sont unifiés par la scénographie. Les cimaises sont toutes de couleur blanche, organisant l'espace de la salle de façon très géométrique. Ainsi l'ensemble situé à gauche de l'entrée, composé de la cimaise flottante à 10 cm du sol, est traversé d'un joint creux placé à 75 cm du sol dans l'alignement du rebord de la fenêtre. Le panneau chronologique sur fond noir occupe la partie gauche de la cimaise, tandis que la partie droite est occupée par une photographie mise dans un encadrement de dimensions identiques au dessin de l'autoportrait qui lui est juxtaposé. Un médaillon en plâtre achève la frise. Deux autres cimaises occupent les espaces placés entre les fenêtres occultées ouvrant sur le balcon en mezzanine du hall. De dimensions identiques (270 cm x 170 cm), elles sont organisées d'une toute autre façon : la partie basse située sous l'objet exposé est une vitrine d'environ trente centimètres de largeur, recouverte

d'un parement fineline (fines lamelles en mélèze). Une couleur chaude adoucit la luminosité de la petite salle. Les cimaises présentent chacune une reproduction agrandie : un tableau de Jean Gigoux, l'Atelier du peintre de 1806, accompagnée dans la vitrine de photographies de compagnons d'atelier d'Hector. L'autre est le visuel d'un petit dessin extrait d'un carnet d'Hector Hanoteau, Réunion

d'artistes. Le dessin original est présenté en dessous. Au centre, une série de meubles avec cloches organise la circulation.

Salle 2 : Le vaste espace de la salle 2 montre des tableaux de dimensions importantes. La pièce est laissée largement ouverte. L'accrochage est fait sur le même type de cimaise que la salle précédente. À droite de l'entrée, un espace plus intime a été aménagé présentant les dessins réalisés en Algérie et démontrant que ce séjour en Afrique du Nord ne semble avoir été qu'une étape secondaire dans un œuvre placé sous le signe du paysage nivernais.

Salle 3 : Une pièce au plafond plus bas qui est agrandie par les cimaises de couleur blanche. Certaines sont habillées de parement fineline.

Salle 4 : La salle située au premier étage accueille des toiles de dimensions importantes. L'espace est organisé par une longue vitrine qui partage la pièce à l'une de ses extrémités. Deux cimaises, de couleur jaune pâle, présentent des paysages de sous-bois éclairés par des trouées de lumière. Le contraste est accentué par l'éclairage des toiles.

Salle 5 : De même dimension que la salle 3, la salle 5 est aménagée avec des cimaises qui alternent le blanc et le parement fineline.

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Propositions pédagogiques

• COLLEGE : Arts plastiques

Classe de sixième

L'objet et son environnement. Exploration des modalités et des lieux de présentation de l'objet.

Mots clefs : vitrine, cimaise, socle, cadre, piédestal, éclairage, couleurs, lumière.

Classe de quatrième

Les images et leurs relations au réel. Dialogue entre l'image, la représentation et son référent au réel. Comment deux peintres expriment-ils la nature qui les entoure?

Mots clefs : matérialité, composition, contraste, perspective, allusions anecdotiques, couleurs…

Classe de troisième

L'espace de présentation de l'œuvre. L'espace, l'œuvre et le spectateur.

Mots clefs : échelle du lieu, mise en scène de l'espace, accrochage, éclairage, circuit, vitrine, cimaise, socle, cadre, piédestal, couleurs.

• COLLEGE : Histoire des arts

Arts, techniques, expression

L'œuvre d'art et l'influence des techniques: Innovations techniques et leur influence sur les arts. Mots clefs : chemin de fer, peinture conditionnée en tubes, toile standardisée, architecture, scénographie.

Arts, ruptures, continuités

L'œuvre d'art et la tradition. Mots clefs : paysage, peinture académique, enseignement académique, ruptures, continuités.

La transformation du statut de l'artiste. Mots clefs : Académisme, Bohème, salon, galerie.

Arts, État, pouvoir

Le rôle de l'Académie des Beaux Arts.

• LYCEE : Arts plastiques

Classe de seconde

Le dessin et l'idée.

À travers l'étude et l'analyse de supports de différentes natures : carnet de croquis, fusain, dessin au crayon, lavis présents dans l'exposition, on peut explorer le rôle du dessin au service de l'idée.

• LYCEE : Histoire des arts

Classe de première (Enseignement de spécialité) Les arts et leur public. Éducation des artistes, éducation des publics. Mots clefs : École des Beaux-arts, musée et muséographie.

Classe de première (Enseignement facultatif) Des lieux pour l'art. Production, diffusion et circulation artistique.

Mots clefs : commande, création, réception, statut des artistes.