6

Click here to load reader

Hefei: Un musée provincial

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Hefei: Un musée provincial

205

67

68

Hefei: Un musée provincial

Liu Hehui et Wu Xinghan

67 Le Musée de la province d'Anhui, inauguré en 1953 à Hefei, capitale de cette province.

68 La sozisce &harmonies sonoses, à Huangshan, peinture de Mei Qing (dynastie des Ming)

6 9 La terrasse des phìltres dìmnostalité, à Huangshan, tableau du même Mei Qing, le maître de récole du Huangshan.

Page 2: Hefei: Un musée provincial

206 Liu Hehui et Wu Xinghan

70 71

70 Vase de bronze Loag ha zutz, fondu sous la dynastie des Shang (1600-1100 av. J.-C.). C'est la grande époque des bronzes archaïques. Ce vase servait aux libations que seuls les nobles, alors investis des fonctions sacerdotales, pouvaient offrir aux dieux. Le réalisme et la vigueur du modelé des têtes de tigre ne surprennent pas lorsqu'on se souvient que sous le règne des Shang, l'agriculture n'était qu'à son début et que la chasse fournissait l'essentiel de la subsistance.

71 Vase de bronze gzi; dynastie des Zhou de I'Ouest (1100-771 av. J.-C.). O n sait que les formes et l'usage traditionnels des vases archaiques sont dfinis par un nom précis. Ainsi, gui est un bassin rond, sur un socle et muni d'anses, qui servait principalement aux offrandes de viande et de céréales.

Hefei, capitale de la province d'Anhui, ne se trouve qu'a quarante minutes d'avion de Shanghai. Aujourd'hui centre d'une industrie légère en plein essor, la ville, de tous temps important nœud de communications, était déjà réputée il y a deux mille ans pour sa grande activité commerciale. C'est dire la richesse de son patrimoine culturel, au cœur d'une province dont d'abondants vestiges historiques et archéologiques attestent la longue histoire.

C'est donc à Hefei quaa été érigé, en 195 3 , le Musée de la province d'Anhui (fig. 67). Sur une aire d'exposition de sept mille mètres carrés, il regroupe un département d'histoire, un département consacré aux souvenirs de la Révolu- tion et des salles de paléontologie. On y organise aussi, régulièrement, des expositions temporaires d'objets archéologiques mis au jour au cours de fouil- les, des poteries, porcelaines, bronzes, peintures, calligraphies, œuvres artisana- les et nombre d'autres traitant de thèmes relatifs aux sciences naturelles, à l'histoire et à la construction du socialisme. Aussi, ce musée reçoit-il chaque année des milliers de visiteurs, parmi lesquels de nombreux touristes, surtout attirés par les trésors archéologiques que, depuis sa création, il a su se consti- tuer aussi bien par des fouilles sur le terrain, que par des donations et par sa politique d'achats. I1 a ainsi acquis plus de cent mille objets, d'origine régio- nale pour la plupart, dont certains inestimables, tant par leur valeur artistique qu'historique. Au premier rang viennent les bronzes.

Les bronzes

Au département d'histoire, les bronzes archaïques - ils ont deux ou trois mille ans - offrent un spectacle d'une rare beauté et, devant la stupéfiante diversité des formes, des décors, on ne peut se défendre d'un sentiment de respect pour l'immense sagesse et l'extraordinaire talent des travailleurs qui les ont créés.

La plus admirable pièce datant de la dynastie des Shang (environ 1600- 1100 av. J.-C.) est sans doute le Long hu zun exhumé à Funan Xian, dans la province d'Anhui, vase rituel qui contenait le vin destiné aux sacrifices et aux banquets des nobles (fig. 70). Haut de vingt centimètres, pesant vingt kilos, entièrement patiné par son très long séjour dans une terre gorgée d'humidité, il s'orne, à la base du col, de trois dragons serpentants et peints d'un vert éclatant ainsi que, sur ses flancs, de trois têtes de tigre, gueule ouverte, crocs apparents. La vigueur de ces figures pleines de vie, sur un décor de fond empreint d'une simplicité primitive, tout comme sa forme majestueuse et ses admirables proportions, font de ce vase un chef-d'œuvre de l'art des bronziers de l'époque Shang.

Le musée possède également des séries de vases cultuels de formes diverses

Page 3: Hefei: Un musée provincial

Hefei: Un musée provincial 207

- ding, gui, zun, you, pan, ho ... - mais toujours harmonieuses et aux décors délicats qui sont des plus belles ceuvres réalisées sous les Zhou de l'Ouest (1 100-771 av. J.-C.). Ces objets ont été découverts au cours de fouilles entre- prises en 1956-1959 près de Tungi, dans le sud de la province (fig. 71 et 73) .

Cependant, l'ensemble le plus remarquable date de la période des Printemps et des Automnes (770-476 av. J.-C.). Dans une tombe, à Shouxian, dans le nord de l'Anhui, en 1955, on a mis au jour plus de cinq cent quatre-vingts objets, parmi lesquels la plus importante collection de bronzes de cette époque jamais recueillie jusqu'ici sur un seul site : quatre cent quatre-vingt-six pièces comprenant des vases rituels, de toutes formes et de tous modèles connus, des armes, des pièces métalliques entrant dans la construction des chars et la fabri- cation des harnais, etc. Leur valeur est d'autant plus grande pour l'archéologie et l'histoire que la plupart d'entre eux sont couverts d'inscriptions - l'un des vases ne porte pas moins de quatre-vingt-dix caractères. Ils permettent de déterminer avec assez de certitude l'âge des ustensiles ainsi que leur usage à l'époque.

Les archéologues ont pu établir que la tombe mise au jour était celle d'un certain marquis de Cai, souverain de l'État de Gai entre 518 et 491 av. J.C., soit vers la fin de la période des Printemps et des Automnes. En 493, il transféra sa capitale de Xincai à Zhoulai qu'il rebaptisa Xiacai et dont sa tombe est, d'ailleurs, proche. Parmi les bronzes retirés de sa sépulture, tous d'excel- lente facture, on distingue notamment un pot finement ouvragé en forme de fleur de lotus et quelques vases fdng-jim, zun, tan, fa et dou, couverts d'incrus- tations.

A Shouxian, toujours, on a également découvert la tombe d'un des princes de Chu, de la période des Royaumes combattants (475-221 av. J.-C.).

La principauté de Chu s'étendait, à l'origine, sur les plaines centrales du Yangzi, entre les fleuves Jiang et Han et avait pour capitale Ying, oÙ se trouve actuellement la ville de Jiangling Xian (province de Hubei). Mais sur sa frontière nord, à l'époque des Royaumes combattants, le royaume de Qin devenait de plus en plus puissant et progressivement les princes de Chu devaient déplacer leur capitale vers l'est. En ~ 2 4 1 , l'un d'eux, Xiungyuan, qu'après sa mort on appela Kao Lie, l'installa définitivement à Shouchun, sur l'emplacement de l'actuelle Shouxian, dans l'Anhui. On pense que la tombe princière mise au jour est celle de ce Kao Lie, mais ce n'est qu'une hypothèse discutée.

Quoi qu'il en soit, les fouilles ont permis la découverte de richesses archéo- logiques (fig. 72) comparables à celles que livra la sépulture du marquis de Cai et plus de six cents objets funéraires en bronze ont été intégrés aux collections

72 Pièces d'or de la principautt de Chu.

73 Liati bat2 bu, vase de bronze en forme de bouteille (bu) utilisé pour les libations. I1 faisait partie du trksor funtraire du marquis de Cai (période des Printemps et Automnes).

Page 4: Hefei: Un musée provincial

208 Liu Hehui et Wu Xinghan

74 Le Ytie Jun Qi Juiz Jie, découvert dans une sépulture de Shouxian. Cylindres de bronze gravés de caractères incrustés d'or, ce ((document)) princier accordait un privikge commercial à un féal (période des Royaumes combattants).

7s Rochea et bambozrs, tableau de fer de Tian Chi, second nom sous lequel est connu Tang Peng, originaire de Lishui, venu à Wuhu oÙ il créa cet art nouveau. Forgeron de son état, il admirait les ceuvres de son voisin, le peintre Xiao Yuncong et se mit à réaliser des ((peintures)) avec les outils dont il avait la maîtrise. Ces tableaux de fer forgé tiennent de la peinture, de l'orfevrerie, du découpage de papier et de la sculpture.

du Musée de la province d'Anhui. Ils ont une immense valeur ethnologique, car, outre les vases rituels, on trouve parmi eux des outils de charpentier - scies, râpes, ciseaux, haches, règles - de l'outillage agricole - faux, faucilles, jarres à mesurer le riz, etc. Deux ceuvres méritent une mention particulière. L'une est un extraordinaire lu ding, ou vase tripode, qui mesure 1,50 mètre de haut et pèse près de quatre cents kilogrammes. On ne connaît qu'un seul bronze chinois qui lui soit supérieur par la taille : le célèbre Si mu ,wu ding qui date de la dynastie des Shang. L'autre est un aigle qui, ailes déployées, cou tendu, tient dans ses serres un monstre à forme de serpent qui se tortille sous la griffe de l'oiseau. Le groupe, d'un réalisme saisissant, témoigne d'une admi- rable maîtrise de l'art animalier.

On ne peut en terminer avec les bronzes sans signaler le Yue Jun Qi Jun Jie mis au jour au cours des fouilles de Shouxian. Précieux document qui éclaire l'histoire politique et économique de la période des Royaumes combattants, il se présente sous la forme de deux cylindres portant, gravés et incrustés d'or, sept cent cinquante caractères par lesquels Huai, prince de Chu, accordait à son parent Qi, privilège pour le transport des marchandises par terre et par eau (fig. 74) .

Peintures du Huangshan

Du mont Huangshan qui, dans le sud de la province d'Anhui, domine les régions de Xixian, Taiping et Yixian, le grand voyageur Xu Xiaqe, écrivait, sous la dynastie des Ming, il y a quelque quatre siècles: (( Qui a vu les Cinq Montagnes sacrées n'a nulle envie de connaître d'autres cimes ; mais qui a vu le Huangshan n'éprouve plus aucun plaisir à regarder les Montagnes sacrées. ))

Cette montagne, par sa calme beauté, ses à-pics et le caractère fantastique que lui donne son ciel aux nuages aux formes insolites, ses rochers fantasmago- riques, ses pins fabuleux, exerce une véritable fascination sur ceux qui la contemplent. D'innombrables artistes, ensorcelés par l'étrangeté de ses paysa- ges, nous ont légué des chefs-d'ceuvre poétiques et picturaux.

Sous les Ming (1368-1644) et les Qing (1644-1911) les maîtres paysagis- tes Mei Qing, Shi Tao et Jiang Jiang sont restés célèbres sous le nom de G peintres de l'école du Huangshan O. Toute l'œuvre du premier est consacrée à cette montagne qui a inspiré des tableaux de belle facture aux membres de l'école de Xinan qui existait alors en Anhui, en particulier à l'un de ses plus éminents représentants, Jiang Jiang.

L'éCole du Huangshan est richement représentée au Musée de la province d'Anhui qui compte entre autres L 'embarca&re des hommes de Yun, Le pic de la peur de lotus. La source d'hamzonies sonores, La terrasse des philtres dimmortalité (fig. 68, 6 9 ) .

Tableaux de fer

Dans les tableaux de fer (( le marteau tient lieu de pinceau et le fer remplace l'encre 1). Cette forme d'art, dont la tradition est particulière à la ville de Wuhu, toujours dans la province d'Anhui, donne lieu à des créations qui se caractérisent par la noblesse, l'audace et la vigueur.

I1 semble que ce soit vers le XVIC siècle que naquit cette technique qui ne cessa de se populariser au long des deux siècles suivants. Selon les ouvrages spécialisés, elle donne du (( plein 1) aux représentations des montagnes, des rivières, des pins, des bambous aussi bien qu'à celles du corps humain, des fleurs, des hirondelles, des moineaux, poissons, crabes et même de sujets plus menus, plus délicats, tels que les libellules, papillons, sauterelles et cigales. Précise et d'un réalisme saisissant, l'image a une force qui ne peut s'atteindre par les procédés classiques, au pinceau.

Malheureusement l'ancienne société se désintéressa de cette forme d'art qui périclita si bien qu'en 193 0-1940, elle avait pratiquement disparu. Elle connut un renouveau après la Libération et l'on peut actuellement admirer, à la cimaise de la salle d'Anhui, au Grand Palais du peuple, à Beijing, un grand et

Page 5: Hefei: Un musée provincial

Hefei: Un musée provincial -

76 Crabes et roseaux, tableau de fer de Liang Zaibang, autre pionnier des techniques de peinture de fer.

Page 6: Hefei: Un musée provincial

210 Liu Hehui et W u Xinghan

beau tableau de fer Lepin de la bienvenue, œuvre récemment exécutée par un vieil artisan de la province. Les seuls tableaux de fer ayant une certaine valeur se trouvent actuellement au musée de Hefei; paysages et thèmes divers dus aux maîtres Tian Chi et Liang Zaibang, des périodes Kang-xi et Yung-zheng (fig. 75 et 76).

Les souvenirs de la Révolution

Toute la province d'Anhui a joué un rôle actif dans la lutte pour l'avènement du socialisme. Dans l'ouest, la région de Dia-bie-Shan servit de base aux révolutionnaires commandés par le Parti communiste chinois, durant deux décennies, jusqu'aux années quarante ; dans le sud, à Yunling, dans le district de Jing Xian, la IVe Armée nouvelle avait son quartier général pendant la guerre de résistance antijaponaise; l'est et le centre furent également des bases défensives. Les combats menés par les révolutionnaires prolétariens de la géné- ration précédente ont donc laissé des souvenirs vivaces et dès sa création le musée de la province d'Anhui s'est donné pour tâche de les rassembler. Parmi plus de quatorze mille témoignages ainsi recueillis, il s'en trouve d'un grand intérêt historique. Ainsi, le brouillon d'un discours prononcé en 1919 par Hui Daiying, à l'école secondaire provinciale no 5 de Wuhu ; quelques objets ayant appartenu à Fang Zhimin, lorsqu'il combattait dans le sud de la province ; un appel à la résistance contre l'envahisseur, publié par la Garde contre l'avance japonaise vers le nord, en 1934 ; des notes de Mao Zedong et de Chen Yi, parues dans Fu Xiao, le journal de la quatrième division de la IVe Armée nouvelle; une photographie de Zhou Enlai prononçant un discours en 1939, lors d'une réunion au quartier général de la IVe Armée nouvelle, à Yunling. Tous ces souvenirs constituent un excellent matériel pour l'enseignement des traditions révolutionnaires aux jeunes générations.

L'antique éléphant du fleuve Huai

Quelques pas et, soudain, de l'histoire contemporaine on passe à la naissance du monde, en pénétrant dans le département de paléontologie du musée.

Parmi des centaines de fossiles d'animaux on peut admirer un stegodon, un cerf à queue de bison ,( Elaphzlrus dazlidianus) , un rhinocéros, un buffle, un ours brun et une hyène. Mais la 6 vedette )) de l'exposition permanente est à coup sûr un éléphant à défenses droites (Elephanus antiquzlspalaeoloxondol.2 nomadicus) fossilisé, découvert en 1972 à Huaiyuan Xian, au cours des travaux d'aména- gement du fleuve Huai, dans le nord de la province. L'animal, retrouvé dans un parfait état de conservation, ce qui est rare, mesure 8 mètres de long et 4 de haut. A en juger par son épiphyse fracturée et ressoudée, par les cercles de croissance des dents de devant et l'usure des molaires, ce géant de la préhistoire a dû vivre environ soixante ans à la fin du Pléistocène, il y a donc quelque trois cent mille ans. I1 semble bien qu'a cette époque la vallée du Huai était une zone chaude et humide, couverte de forêts et de marécages convenant parfaite- ment à la vie de ces animaux. Ceux-ci disparurent par la suite, incapables de s'adapter à l'environnement créé par des changements climatiques et autres. Ainsi, la découverte de l'antique éléphant du Huai a constitué un apport précieux pour l'étude géographique de ce qui devait &re la Chine orientale et centrale au début de l'ère quaternaire.

Avec ses divers départements, le Musée de la province d'Anhui est le modèle de ces musées régionaux dont se dote la Chine aujourd'hui et qui sont tout entiers voués à une mission pédagogique. Leur rôle a été défini par Mao Zedong lors d'une visite qu'il fit à ce musée de Hefei : (( Les principales villes de province devraient toutes comporter des musées de ce type car il est indis- pensable que les populations connaissent leur propre histoire et leur propre pouvoir créateur. ))

[ Traduit du cbimis]