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Heidegger et l’expérience du néant du monde Robert Tirvaudey

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Heidegger et l’expérience du néant du monde

Robert Tirvaudey

8.44 650122

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 92 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 8.44 ----------------------------------------------------------------------------

Heidegger et l’expérience du néant du monde

Robert Tirvaudey

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« Poétiquement toujours, sur terre habite l’homme. »

F. Hölderlin, En bleu adorable, 1823.

« L’homme habite la terre et, en habitant, laisse la terre être comme terre. » M. Heidegger, « … L’homme habite en poète… », 1952, in Essais et Conférences, trad. A. Préau, Paris, Gallimard, 1958, p. 243.

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Comment le monde comme monde peut-il se

dévoiler ? N’avons-nous jamais une expérience du monde non comme l’ensemble des choses ni comme la chose en soi, une idée du monde, mais en tant que monde en son être ? Et pourtant nous avons une expérience du monde dans notamment dans la détresse, l’étonnement, la nostalgie, dans l’ennui profond, dans l’inquiétante étrangeté dans laquelle nous nous tenons. L’angoisse plus que le désespoir, la peur, le malaise, la mélancolie ou d’autres tonalités affectives, est l’expérience privilégiée du monde comme « néant ». Nous monterons que la question de l’être en son mystère ne se lève que sur fond de l’angoisse du monde. Plutôt que de nous confronter frontalement à la question du monde, nous choisirons de suivre le chemin heideggerien de l’angoisse. Nous aborderons les textes les moins connus, ceux qui précèdent l’opus magnum de Heidegger et les thèses les moins familières telles que celles du « néant du monde ». Sur la base de la Grundstimmung d’angoisse comme expérience du Dasein en tant que

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« configurateur de monde », comme révélation du monde comme monde, manifestation de l’ipséité, de la liberté, du « néant du monde » en tant que néant dans son néantir.

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1 L’angoisse comme expérience

du monde comme monde

Toute tonalité, quelle que soit sa modalité, place le Dasein face à la mondanéité du monde. S’il en est ainsi, si toute Stimmung révèle le Dasein comme être-au-monde, si toute tonalité manifeste la structure de l’ek-sistence comme « hors-de-lui-même-auprès-de » l’autre qu’est le monde, qu’en est-il du caractère privilégié de l’angoisse ? L’affection situe le Dasein dans la concrétion de son Da, entendons par là que le Dasein ek-siste toujours ouvert au monde comme tel. Le Dasein est ouvert originairement à l’étant comme étant et ainsi à l’étant en totalité. Cependant, ce n’est que dans l’angoisse que cette vérité du Dasein comme être-au-monde se découvre avec force. Les autres Stimmungen dévoilent le monde sur le mode de la fermeture, alors que l’angoisse le révèle sur le mode ouvert de l’ouverture. L’angoisse ne perd donc pas sa

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primauté du point de vue de l’analyse phénoménologique du monde. Son privilège ne vient pas de l’ébranlement de la certitude du Dasein d’être un être-au-monde. Dans le glissement de l’ensemble des étants, le Dasein se rend présent l’étant en totalité. L’angoisse, par son pouvoir de révélation, fait barrage à la dispersion dans les étants particuliers dans laquelle les tonalités tendent à engager le Dasein.

En effet, la Grundstimmung d’angoisse fait passer le Dasein d’une compréhension obscure à une compréhension plus explicite du monde en tant que tel. Mais cette compréhension à l’œuvre n’est pas une connaissance intellectuelle. Heidegger précise : « Le Dasein ne commence pas par exemple par faire réflexivement abstraction de l’étant intramondain afin de ne plus penser qu’au monde devant lequel ensuite l’angoisse va prendre naissance, mais c’est l’angoisse comme mode de l’affection qui, la première, ouvre le monde comme monde. Ce qui ne signifie pourtant pas que dans l’angoisse la mondanéité du monde soit conçue. »1 L’angoisse ne nous fait rien connaître. Elle n’appréhende pas le monde comme on le saisit par le jeu des concepts. L’angoisse ne sait pas ce qui l’angoisse. La mondanéité est bien la source de l’angoisse. Mais cette révélation n’est pas à confondre avec une compréhension rationnelle du monde même si elle est la condition de possibilité de l’intelligibilité

1 Sein und Zeit, § 40, p. [187], 145. (Heidegger souligne.)

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du monde. L’angoisse ne ratifie donc pas une Weltanschauung, une conception du monde.

L’angoisse ne saurait être subordonnée à une théorie de la connaissance puisque la révélation du monde ne dégage aucune connaissance ontique. Non seulement la manifestation ne va pas de pair avec l’augmentation de nos connaissances du « monde »2 mais, qui plus est, l’ensemble de notre savoir positif occulte le pouvoir de révélation. L’accumulation des connaissances particulières procède d’une source et tend vers une fin contraires à celles qui inspirent une telle révélation. Les savoirs régionaux se fondent et ne visent que l’étant en se déployant dans l’oubli de l’être de l’étant.

Avec l’angoisse, il s’agit de dévoiler le monde 2 Conformément à la tradition, on prendra l’habitude de mettre le concept de « monde » entre guillemets lorsqu’il sera compris au sens courant de « totalité des choses », « globalité de l’étant » (Gesamtheit des Seienden) pour le dissocier de son acception heideggérienne. Le pouvoir de révélation du monde propre à l’angoisse est souvent présenté comme la caractéristique la plus originale de l’angoisse heideggérienne puisqu’on le retrouve sans précédent. Certains commentateurs parlent en analysant l’angoisse dans la pensée de Heidegger d’« angoisse cosmologique ». Ainsi, le docteur M. Eck, en recensant les différentes « théories » de l’angoisse, parle d’« angoisse cosmologique » à propos de Heidegger pour la distinguer de l’« angoisse psychologique » de Kierkegaard. Cf. M. Eck, L’homme et l’angoisse, Le Signe, Paris, 1971, p. 52. M. Corvez, dans son livre sur Heidegger, caractérise le sentiment d’angoisse comme sentiment « cosmique » : « La présence du monde, écrit-il, sa présence englobante, s’impose particulièrement à nous à la faveur de certains sentiments, qu’on peut qualifier, pour cette raison, de “cosmiques”. » M. Corvez, La Philosophie de Heidegger, PUF, Paris, 1961, p. 35.