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Hémoglobines : structure et fonction Haemoglobins: structure and function H. Wajcman Inserm U468, hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-De-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France MOTS CLÉS Hémoglobine humaine ; Hème ; Structure de protéine ; Transport d’oxygène KEYWORDS Human haemoglobin; Haeme; Protein structure; Oxygen binding Résumé Les hémoglobines humaines appartiennent à une très ancienne famille de molécules dont l’origine remonte à plus de 1,8 milliard d’années. Le caractère commun à toutes ces molécules, affirmant leur appartenance à la superfamille des globines, est une structure tridimensionnelle caractéristique (« globin fold ») qui est détaillée dans cet article. Chez tous les vertébrés, l’hémoglobine contenue dans les globules rouges est un hétérotétramère constitué de deux types de sous-unités, formées chacune par le replie- ment de huit hélices autour d’une molécule d’hème. Au sein de cette molécule plusieurs régions jouent des rôles fonctionnels essentiels : c’est notamment le cas des résidus entourant l’hème, des zones de contact entre sous-unités et des sites où se fixent les ligands régulateurs. Chez l’homme, plusieurs hémoglobines se succèdent au cours de la vie, et, à tout moment, il en existe plusieurs simultanément. La fixation réversible d’oxygène est la fonction essentielle de l’hémoglobine : elle résulte d’un équilibre entre une forme relâchée à forte affinité pour l’oxygène et une forme contrainte à faible affinité. Nous rappelons ici les principaux paramètres de la fonction oxyphorique et exposons quelques modèles proposés pour la décrire. Les plus récents font jouer un rôle prépondérant aux ligands régulateurs et à l’existence de structures intermédiaires. La mutagenèse dirigée permet aujourd’hui de réaliser des molécules parfaitement adaptées à l’exploration des relations entre structure et fonction et peut-être d’ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Human haemoglobin belongs to an ancient family of molecules that appeared some 1.8 milliard years ago. The structural feature, common to all the members of the globin family is a typical fold made by 6-8 helices surrounding the haeme group. In the vertebrates, the haemoglobin contained in the red blood cells is a heterotetramer that consists of two types of chains. Several regions of this molecule play key roles in oxygen binding; this is mainly the case of residues surrounding the haeme, of contact areas between chains, and of binding sites for regulatory ligands. In man several haemoglobins appear successively during ontogenic evolution and a different pattern of haemoglobins is present in the various periods of life. Reversible oxygen binding is the main function of haemoglobin: it results from equilibrium between two quaternary states: the first is a relaxed one, which displays a high oxygen affinity while the second is a tense one with low affinity. In this review we define the main parameters that describe oxygen binding and we report some models that show how they are interconnected. In the more recent models a predominant role is played by the binding of regulatory ligands and by the Adresse e-mail : [email protected] (H. Wajcman). EMC-Hématologie 2 (2005) 145–157 www.elsevier.com/locate/emch 1638-6213/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emch.2005.08.001

Hémoglobines : structure et fonction

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Page 1: Hémoglobines : structure et fonction

Hémoglobines : structure et fonction

Haemoglobins: structure and functionH. WajcmanInserm U468, hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-De-Lattre-de-Tassigny,94010 Créteil, France

MOTS CLÉSHémoglobinehumaine ;Hème ;Structure de protéine ;Transport d’oxygène

KEYWORDSHuman haemoglobin;Haeme;Protein structure;Oxygen binding

Résumé Les hémoglobines humaines appartiennent à une très ancienne famille demolécules dont l’origine remonte à plus de 1,8 milliard d’années. Le caractère commun àtoutes ces molécules, affirmant leur appartenance à la superfamille des globines, est unestructure tridimensionnelle caractéristique (« globin fold ») qui est détaillée dans cetarticle. Chez tous les vertébrés, l’hémoglobine contenue dans les globules rouges est unhétérotétramère constitué de deux types de sous-unités, formées chacune par le replie-ment de huit hélices autour d’une molécule d’hème. Au sein de cette molécule plusieursrégions jouent des rôles fonctionnels essentiels : c’est notamment le cas des résidusentourant l’hème, des zones de contact entre sous-unités et des sites où se fixent lesligands régulateurs. Chez l’homme, plusieurs hémoglobines se succèdent au cours de lavie, et, à tout moment, il en existe plusieurs simultanément. La fixation réversibled’oxygène est la fonction essentielle de l’hémoglobine : elle résulte d’un équilibre entreune forme relâchée à forte affinité pour l’oxygène et une forme contrainte à faibleaffinité. Nous rappelons ici les principaux paramètres de la fonction oxyphorique etexposons quelques modèles proposés pour la décrire. Les plus récents font jouer un rôleprépondérant aux ligands régulateurs et à l’existence de structures intermédiaires. Lamutagenèse dirigée permet aujourd’hui de réaliser des molécules parfaitement adaptéesà l’exploration des relations entre structure et fonction et peut-être d’ouvrir de nouvellesvoies thérapeutiques.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Human haemoglobin belongs to an ancient family of molecules that appearedsome 1.8 milliard years ago. The structural feature, common to all the members of theglobin family is a typical fold made by 6-8 helices surrounding the haeme group. In thevertebrates, the haemoglobin contained in the red blood cells is a heterotetramer thatconsists of two types of chains. Several regions of this molecule play key roles in oxygenbinding; this is mainly the case of residues surrounding the haeme, of contact areasbetween chains, and of binding sites for regulatory ligands. In man several haemoglobinsappear successively during ontogenic evolution and a different pattern of haemoglobins ispresent in the various periods of life. Reversible oxygen binding is the main function ofhaemoglobin: it results from equilibrium between two quaternary states: the first is arelaxed one, which displays a high oxygen affinity while the second is a tense one with lowaffinity. In this review we define the main parameters that describe oxygen binding andwe report some models that show how they are interconnected. In the more recentmodels a predominant role is played by the binding of regulatory ligands and by the

Adresse e-mail : [email protected] (H. Wajcman).

EMC-Hématologie 2 (2005) 145–157

www.elsevier.com/locate/emch

1638-6213/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emch.2005.08.001

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presence of hybrid or intermediary species. To date, site directed mutagenesis allowsdesigning recombinant haemoglobins specially adapted to investigate the function ofspecific regions of the molecule and perhaps to offer new therapeutic approaches.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

En 1862, le physiologiste allemand Hoppe-Seyler acréé le terme « hémoglobine » pour désigner lepigment respiratoire, transportant l’oxygène,contenu dans les globules rouges.Les hémoglobines humaines appartiennent à une

très ancienne famille de molécules, apparue bienavant la vie aérobie dans l’évolution des espèces.Les premières molécules de cette famille remon-tent à plus de 1,8 milliard d’années. Le transport etle stockage d’oxygène qui, a priori, sont considéréscomme les fonctions essentielles des hémoglobinesne sont sans doute que des propriétés apparues plusrécemment dans cette famille de molécules, chezles organismes complexes pluricellulaires. Les hé-moglobines sont en effet présentes dans tout lemonde vivant, végétal et animal, de la bactérie àl’homme.1,2 On parle le plus souvent de myoglobinepour désigner cette molécule lorsqu’elle est conte-nue dans une cellule musculaire et de neuroglobinelorsqu’elle l’est dans une cellule nerveuse. Le ca-ractère commun à toutes ces molécules, affirmantleur appartenance à la superfamille des globines,est une structure tridimensionnelle constituée par6 à 8 hélices enroulées autour de l’hème selon unmême repliement caractéristique (appelé « globinfold » dans la littérature anglo-saxone). Chez lesêtres unicellulaires et les invertébrés les plus pri-mitifs, le transport et la diffusion d’oxygène sontphysiologiquement bien moins importants que nel’est la protection contre l’effet toxique des ions etradicaux libres produits par l’O2, le CO et le NO.Leurs hémoglobines ont, le plus souvent, une telleaffinité pour l’oxygène qu’elles sont plus aptes àjouer un rôle dans la dépollution des radicaux libresactifs que dans un transport réversible d’oxygènemoléculaire. L’histoire de la molécule d’hémoglo-bine est résumée dans la Figure 1.La molécule d’hémoglobine, formée d’un hété-

rotétramère, telle qu’elle est présente chez tousles vertébrés, provient d’une duplication, remon-tant à environ 750 millions d’années. Elle a donnénaissance d’une part à la myoglobine, spécialiséedans le stockage d’oxygène à l’intérieur des orga-nes, à proximité de son lieu de consommation, etd’autre part à l’hémoglobine proprement dite, spé-cialisée dans le transport d’oxygène de la périphé-rie vers les tissus.

Structure des hémoglobines humaines

Autour des années 1960, Kendrew3 et Perutz4 ontélucidé, par diffraction de rayons X, la structurespatiale de la myoglobine et de l’hémoglobine.Kendrew a montré que la structure spatiale de lamyoglobine du muscle de cachalot consistait dansle repliement d’une chaîne polypeptidique, appe-lée globine, autour d’un groupement prosthétique,l’hème, pris en sandwich dans les repliements de laprotéine (Fig. 2 A). L’hémoglobine de cheval, alorsétudiée par Perutz à plus faible résolution que lamyoglobine, s’avérait être un tétramère hétérolo-gue constitué de deux types de chaînes de globine,dont l’aspect était identique à celui de la myoglo-bine (Fig. 2 B). Les coordonnées cristallographiquesde ces molécules sont aujourd’hui disponiblesauprès de la « Protein Data Bank » sur internet etplusieurs logiciels publics permettent d’en obtenirdes représentations tridimensionnelles interacti-ves5 qui viennent compléter les classiques descrip-tions trouvées dans les atlas de structures protéi-ques.6,7

Différentes hémoglobines humaines

Plusieurs hémoglobines se succèdent au cours de lavie, et, à tout moment, il en existe plusieurs simul-tanément. Ces hémoglobines se distinguent par lanature des sous-unités qui les constituent. Chezl’homme, au cours de l’évolution ontogénique, leprofil des hémoglobines change deux fois. La pre-mière de ces commutations (ou « switch ») coïncideavec le passage de la vie embryonnaire à la viefœtale, la seconde avec celui de la vie fœtale à lavie adulte.Durant la vie embryonnaire, deux chaînes de la

famille a coexistent : f, qui apparaît la première,puis a. De même, il existe deux chaînes de type b :e, spécifique à cette période initiale de la vie et leschaînes c (ou fœtales). Ces diverses sous-unitéspermettent de réaliser les trois hémoglobines del’embryon, l’Hb Gower 1 (f2e2), l’Hb Gower 2 (a2e2)et l’Hb Portland (f2c2).

8,9 L’hémoglobine fœtale(Hb F) de structure a2c2 est détectable à partir de la5e semaine de vie intra-utérine. Parallèlement àcette modification de la nature des sous-unités deglobine, il y a un changement du lieu où s’effectuel’érythropoïèse : sac vitellin dans la vie embryon-

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Figure 1 Histoire de l’hémoglobine humaine.Les hémoglobines ancestrales sont apparues il y a 1,8 milliard d’années, soit 0,5 milliard d’années après les algues bleues. Dans lesgènes de ces hémoglobines les limites entre exons et introns occupent déjà les positions qu’elles ont actuellement. La divergenceentre myoglobine et hémoglobine remonte à 750 millions d’années et la séparation entre chaînes a et b à 500 millions d’années. Cheztous les vertébrés, à l’exception des poissons agnathes, témoins des espèces les plus anciennes, l’hémoglobine est donc sous forme detétramère hétérologue. Les duplications qui ont conduit aux diverses chaînes de type a et b sont bien plus récentes, remontant àenviron 50 millions d’années.

Figure 2 A. Représentation tridimensionnelle de la myoglobine de cachalot. La protéine est formée par le repliement de 8 hélices(désignées de A à H de l’extrémité N- vers l’extrémité C-terminale). Les seuls résidus constants dans toutes les familles de globinessont l’histidine proximale F8 et la phénylalanine CD1.B. Représentation tridimensionnelle d’un tétramère d’hémoglobine. Chacune des sous-unités a une structure spatiale très proche decelle de la myoglobine.

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naire, puis foie et rate dans la vie fœtale et enfinmoelle osseuse chez l’adulte.10

L’Hb F est donc le constituant principal de lapériode fœtale. Sa synthèse débute dès les stadesprécoces de la gestation et s’élève, entre les 8e et10e semaines, à un taux de 90 %. Peu avant lanaissance, entre les 32e et 36e semaines de gesta-tion, les chaînes c sont progressivement rempla-cées par les chaînes b de l’adulte. La sous-unité cest elle-même un mélange de deux espèces molé-culaires très voisines, produits de deux gènes dis-tincts. Ces deux chaînes, Ac et Gc, ne diffèrent quepar la nature du résidu en position 136, Ala dans lepremier cas, Gly dans le second. Leur proportionrelative évolue avec l’âge : le type Gc, qui repré-sente environ 75 % de l’ensemble des chaînes c à lanaissance, n’en constitue plus que 30 % dans lestraces d’Hb F qui subsistent chez l’adulte.11 L’HbF-Sardinia (AcT), où une Thr remplace l’Ile en posi-tion 75, est un polymorphisme fréquent de lachaîne Ac observé dans toutes les populations.

Anatomie d’une sous-unité d’hémoglobine

Une même géométrie d’ensemble est retrouvéedans toutes les hémoglobines : 75 % de la moléculeest sous forme d’hélices a, arrangement classiquede la structure secondaire d’une protéine où cha-que tour de spire comporte un peu plus de troisrésidus d’acides aminés. Chez les vertébrés, danschaque sous-unité d’Hb, on distingue, en allant del’extrémité N-terminale vers l’extrémitéC-terminale, huit segments hélicoïdaux, désignéspar une lettre de A à H, et des zones interhélicoï-dales portant le nom des deux hélices qui leur sontadjacentes. À l’intérieur de chacun de ces seg-ments, les résidus sont numérotés d’après leur po-sition (Fig. 2 A).Cette nomenclature est commune à toutes les

hémoglobines, quelle que soit l’espèce dont ellessont issues. Elle permet de comparer point parpoint la structure des hémoglobines de différentesorigines. Ainsi, le 8e résidu de l’hélice F (F8) esttoujours une His liée au fer de l’hème. Les huithélices, repliées sur elles-mêmes, réalisent unestructure globulaire compacte avec, près de la sur-face, une poche hydrophobe où est enfouie la molé-cule d’hème. La surface externe de la sous-unitéest tapissée par les chaînes latérales de résidushydrophiles facilitant les interactions avec le milieuaqueux ambiant. Les régions internes sont aucontraire essentiellement occupées par des résidushydrophobes, qui, en échangeant entre eux un trèsgrand nombre de liaisons de faible énergie, stabili-sent l’édifice moléculaire. La cavité où est enfouiela molécule d’hème a la forme d’un V dont l’ouver-

ture est partiellement occupée par l’hélice C et lesegment CD, le plancher est formé par les hélices BG et H, et les parois par les hélices E et F. L’hèmeéchange une soixantaine de liaisons de faible éner-gie avec les groupements latéraux des résidus quil’entourent.3–6

Molécule d’hème

Par la nature et la disposition de ses groupementslatéraux, la molécule d’hème est définie commeune ferro-protoporphyrine de type IX. L’atome defer situé en son centre est sous forme réduite (Fe+ +)

aussi bien dans l’hémoglobine oxygénée (HbO2) etla carboxyhémoglobine (HbCO) que dans l’hémoglo-bine désoxygénée (désoxyHb). La forme oxydée(Fe+++ ) est impropre au transport de l’oxygène ;elle est caractéristique de la méthémoglobine(metHb).12 Dans cette forme, l’atome de fer est liésur sa face distale à un groupe hydroxyl. Les hémi-chromes sont une autre forme d’oxydation où le ferferrique est directement lié à un résidu de la facedistale : cette structure est génératrice de radicauxlibres dangereux pour la membrane érythrocytaire,partiellement responsables des complications hé-molytiques observées chez les patients porteursd’hémoglobines instables ou thalassémiques. Dansl’HbO2, l’atome de fer présente six liaisons decoordinence : quatre interviennent dans la struc-ture de l’hème, la cinquième amarre l’hème à laglobine au niveau de l’His F8 (dite « histidine proxi-male ») et la sixième fixe la molécule d’oxygèneentre l’His E7 (dite « histidine distale ») et la ValE11. Dans la désoxyHb, l’atome de fer, plus volumi-neux que dans l’HbO2, est pentacoordonné. Cesdifférentes formes de ligation sont représentéesdans la Figure 3. Le modèle stéréochimique dePerutz13–15 place ces modifications de taille del’atome de fer à l’origine des différences de lastructure protéique qui accompagnent la fixationd’oxygène sur la molécule d’hémoglobine.

Tétramère hémoglobinique

Chez tous les vertébrés, à l’exception de la classeprimitive des poissons cyclostomes, l’hémoglobineest un hétérotétramère constitué de deux types desous-unités. Ainsi, chez l’homme, on distingue dessous-unités de type a, longues de 141 résidus d’aci-des aminés, qui ont une Arg en position C-terminaleet dont la synthèse est sous le contrôle de gèneslocalisés sur le chromosome 16, et des sous-unitésde type b qui possèdent 146 résidus, se terminentpar une His et sont sous la dépendance de gènesportés par le chromosome 11. Deux sous-unités as’associent donc à deux sous-unités de type b selon

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une symétrie tétraédrique pour former la moléculed’hémoglobine, structure globulaire de 65 × 50× 55 Å (Fig. 2 B).La présence des deux types de chaînes est essen-

tielle pour assurer une oxygénation correcte destissus. En effet, un homotétramère (comme l’hé-moglobine H qui est constituée de 4 sous-unités b)fixe l’oxygène avec une très forte affinité mais estincapable de le libérer efficacement.À la concentration intraérythrocytaire (5 mM)

l’hémoglobine est essentiellement sous forme detétramères. En solutions diluées, ces tétramères sedissocient d’abord en dimères désignés a1b1 eta2b2, puis en monomères.Selon la théorie allostérique, formulée par Mo-

nod, Wyman et Changeux en 1965,13 l’hémoglobineserait en équilibre, à chaque pression partielle enoxygène, entre une forme de forte affinité, dite R,et une forme de faible affinité, dite T. Le modèlede Perutz a apporté un support expérimental àcette théorie en prouvant la réalité de ces deuxétats.14,15

Dans la structure tétramérique, les dimères sontdisposés de façon à ce que la sous-unité a1 soit aucontact de la sous-unité b2 et a2 de b1. La disposi-tion des chaînes est telle que des rapports trèsintriqués existent entre chaînes latérales de résidusappartenant aux sous-unités non homologues. Àl’inverse, il n’existe qu’un très petit nombre decontacts entre sous-unités identiques.

Dans le tétramère d’hémoglobine humaineadulte (Hb A), trois zones de contact sont à distin-guer.

Contacts entre sous-unités d’un même dimère�1b1 ou �2b2Cette zone relativement rigide implique essentiel-lement les hélices G, C et H où 34 résidus et plusd’une centaine d’atomes interagissent. Lors de latransition entre les configurations T et R, la struc-ture spatiale de cette région n’est que peu modi-fiée mais, selon certains travaux récents, elle joue-rait cependant un rôle non négligeable.16 On admeten effet que lors de l’oxygénation d’un tétramèredésoxygéné, la première molécule d’oxygène sefixe sur une sous-unité a, cette information seraitensuite transmise à la sous-unité b du même dimèrepour donner une espèce intermédiaire où les sous-unités a1b1 (ou a2b2) sont oxygénées avant que nes’effectue la transition T→R du tétramère.17

Contacts entre chaînes non homologues de deuxdimères différents (�1b2 ou �2b1)Cette zone de contact implique essentiellementdes résidus des hélices C, G et du segment FG etcomporte deux régions distinctes : la premièreappelée « région charnière » concerne l’angle aFGet l’hélice bC, elle est centrée autour de la liaisonentre l’Asp a94(G1) et le Trpb37(C3), pivot dumouvement de rotation et de glissement de cessous-unités lors de la transition T→R. La deuxième

Figure 3 Structure de l’hème. L’atome de fer est sous forme (Fe++) dans la désoxyHb, l’HbO2 et l’HbCO. En revanche il est sous forme(Fe+++ ) dans la metHb et les hémichromes. Des ligands différents sont complexés au fer dans les quelques structures représentées.

149Hémoglobines : structure et fonction

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région, dite de « commutation » (switch region), sesitue autour de l’Asp b99(G1) qui, dans la structureT, est liée par une liaison hydrogène à la Tyra42(C7). Les résidus en contact ne sont pas lesmêmes dans l’une ou dans l’autre des configura-tions. Les principaux contacts qui stabilisent lastructure T sont visibles sur la Figure 4.

Contacts entre chaînes homologuesLes deux chaînes b sont séparées par une interfaceappelée « cavité centrale » qui est tapissée derésidus positivement chargés. Dans la forme T, unemolécule de 2,3 diphosphoglycérate (2,3 DPG) s’yinsère pour former un clamp électrostatique entreles deux chaînes b. Il a été montré par diffractionsde rayons X que sept liaisons ioniques s’établissententre les groupements négativement chargés du2,3 DPG et les groupements positivement chargésde la protéine. Ces liaisons impliquent les groupe-ments NH2 terminaux des deux chaînes b (NA1), lesdeux His b2 (NA2), les deux His b143 (H21) et unedes Lys b 82 (EF6) (Fig. 5). Dans les chaînes c, uneSer, au lieu d’une His, occupe la position 143 (H21),ce qui expliquerait une plus faible affinité du2,3 DPG pour l’Hb F.Dans la désoxyHb, des interactions électrostati-

ques faisant intervenir l’ion Cl- s’établissent égale-ment entre l’extrémité C-terminale d’une chaîne aet l’extrémité N-terminale de l’autre.

Fonction oxyphorique de l’hémoglobine

Les globules rouges, constitués pour 33 % de leurpoids par l’hémoglobine, sont à l’origine du pouvoiroxyphorique du sang. Ainsi chez l’homme, avec untaux normal de 14 à 15 g/dl d’hémoglobine, lacapacité de transport d’un décilitre de sang estd’environ 20 ml d’oxygène. Ce même volume deplasma ne peut transporter sous forme dissoute que0,5 ml d’oxygène. Il est impératif de pouvoir libérerfacilement une fraction importante de cet oxygèneau niveau des tissus pour créer un gradient de pO2suffisant entre le sang artériel et la mitochondrie,lieu où il sera finalement utilisé par le métabolismecellulaire.

En pratique, la quantité d’oxygène libérée(l/min) par le sang (VO2) est donnée par la loi deFick où interviennent le volume d’oxygène fixé parchaque gramme d’hémoglobine (1,36 ml), le débitcardiaque (Q), le taux d’hémoglobine et la diffé-rence de saturation artérioveineuse en oxygène :

VO2= 0,136 × Q × Hb × � SAO2-SVO2 �

Figure 4 Liaisons stabilisant la structure contrainte (T) de l’HbA.

Points importants

Toutes les chaînes d’hémoglobine sont cons-truites selon une même architecture : elles sonttoujours constituées par sept à huit régions enhélice a repliées autour d’une molécule d’hème.

Figure 5 Résidus impliqués dans la fixation du 2,3 DPG sur lastructure désoxygénée de l’Hb A.

Les hémoglobines normales sont des hétéro-tétramères formés de deux chaînes de type a etde deux chaînes de type b.Lorsque les chaînes b ou c sont en excès par

rapport aux chaînes a disponibles elles s’asso-cient en homotétramères (respectivement Hb Het Hb Bart’s).Le transport d’oxygène nécessite que le fer

de l’hème soit sous forme réduite (Fe++).

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Sang et transport d’oxygène : les équationsde base

Le transport d’oxygène par le sang intéresse lesphysiologistes depuis la fin du XIXe siècle. En 1904,Bohr a publié les premières courbes de dissociationde l’oxygène.18 Leur forme sigmoïde indique quel’oxygène se fixe mieux sur un globule rouge déjàbien oxygéné que sur un globule largement désoxy-géné. Inversement, il s’en libère d’autant plus faci-lement que le globule est peu oxygéné. Ce phéno-mène témoigne d’une fixation coopérative :l’oxygénation d’une sous-unité du tétramère a pourconséquence d’augmenter l’affinité pour l’oxygènedes autres sous-unités encore désoxygénées, indi-quant une interaction entre les quatre moléculesd’hème. Une fixation indépendante d’oxygène surchacune des sous-unités se manifesterait à l’in-verse par une courbe hyperbolique, comme dans lecas de la myoglobine.L’affinité pour l’oxygène, un des paramètres es-

sentiels à la description de la fonction oxyphorique,peut être mesurée à partir de ces courbes (Fig. 6A).Elle correspond à la pression de demi-saturation (oup50) : pression partielle en oxygène d’un mélangecontenant 50 % de formes oxygénées et 50 % de

formes désoxygénées. Cette grandeur dépend à lafois de propriétés inhérentes à la structure de l’hé-moglobine et des conditions environnementales.Ainsi, à travers la série animale, pour répondre auxbesoins de niches écologiques variées, les diversesespèces ont des affinités ou des mécanismes derégulation différents.19 Les espèces vivant en alti-tude, comme les lamas, ou dans des galeries sou-terraines en atmosphère confinée, comme les tau-pes, ont une hémoglobine à plus forte affinité pourl’oxygène que les espèces vivant en surface auniveau de la mer.En 1910, pour expliquer le phénomène de coopé-

rativité, Hill a émis l’hypothèse d’une associationréversible des sous-unités d’hémoglobine et a pro-posé une équation pour décrire la courbe de disso-ciation de l’oxygène. Bien que non valide dans lesparties extrêmes de la courbe, cette équation resteencore aujourd’hui pratique pour mesurer la co-opérativité. On admet que la liaison de l’oxygène àl’hémoglobine s’effectue selon la réaction :

Hb + nO2 → Hb� O2 �n

Ka =� HbO2 �

�Hb � �O2 �n

Figure 6 Fonction oxyphorique de l’Hb.A. Variation de la saturation en O2 en fonction de la pO2.B. Représentation de Hill.C. Profil de coopérativité.D. Représentation de l’effet Bohr alcalin.

151Hémoglobines : structure et fonction

Page 8: Hémoglobines : structure et fonction

La constante d’association de cette réaction (Ka)est définie comme étant :

et la fraction saturée en oxygène :

À partir de ces deux équations, il résulte que :

logY

1−Y= nlog pO2 + Cte ce qui permet d’écrire

sous forme logarithmique (équation de Hill) :

Cette représentation, en doubles coordonnéeslogarithmiques, donne une sigmoïde située entredeux asymptotes de pente égale à 1,0. En effet, àtrès basse pO2 et à pO2 élevée, toutes les moléculestendent vers une seule même forme moléculaire,soit totalement désoxygénée, soit totalement oxy-génée (Fig. 6B). Dans sa partie médiane, entre 10 et90 % de saturation en oxygène, la courbe est assi-milable à une droite de pente égale à « n ». Lagrandeur « n », appelée coefficient d’interaction,ou coefficient de Hill, fournit une mesure pratiquede la coopérativité. Dans le cas de l’Hb A, « n50 »,mesuré au niveau de la p50, a une valeur compriseentre 2,6 et 3,0. Une courbe en cloche, appeléeprofil de coopérativité, montre la variation de « n »en fonction de la saturation en oxygène (Fig. 6C).Les points où les asymptotes de la représentationde Hill croisent l’axe de log pO2 permettent, parailleurs, de déterminer les constantes d’associationde l’état non ligandé (forme contrainte, KT) etligandé (forme relâchée, KR).En 1925, Adair,20 après avoir montré par des

expériences de mesure de pression osmotique quel’Hb A est un tétramère, a proposé un modèledescriptif mathématique encore largement utiliséaujourd’hui. Ce modèle s’applique à une moléculequi aurait quatre sites indépendants de fixationpour l’oxygène. Il fait appel à des coefficientsmacroscopiques globaux (Ai) ou à des coefficientsmicroscopiques spécifiques à chaque étape d’oxy-génation (Ki). Selon que l’on utilise l’un ou l’autrede ces systèmes de coefficients, la saturation enoxygène (Y), pour une pO2 de valeur x peuts’écrire :

ou encore :

L’intérêt de ces équations est de permettre demodéliser une courbe de dissociation pour l’oxy-gène à partir de valeurs (KT, KR, P50 et n50) obtenuesgraphiquement dans la représentation de Hill.

Notion de coopérativitéet modèle de Monod, Wyman,Changeux/Perutz

L’étude, par Monod, Wyman et Changeux, de larégulation de l’activité de certaines enzymes, aconduit à la formulation d’un modèle théorique quiporte leurs initiales (modèle MWC).13 Toutes cesenzymes sont des protéines oligomériques où laréactivité du site actif de l’une des sous-unités estmodifiée par l’état des autres, en l’absence de toutcontact direct entre sites. Le fonctionnement« coopératif » des sites catalytiques serait lié à unetransition concertée entre deux états qui se distin-guent par leur arrangement spatial, et/ou parl’existence de liaisons électrostatiques différentesen nombre ou énergie. Les auteurs ont proposé lequalificatif « allostérique » pour caractériser cemécanisme d’où le nom de « modèle allostérique àtransition concertée à deux états ». Bien que l’hé-moglobine ne soit pas à proprement parler uneenzyme, les biochimistes lui ont attribué le titred’« enzyme d’honneur » et ont assimilé les molécu-les d’hèmes à des sites catalytiques et les zones oùse fixent les effecteurs à des sites régulateurs.Selon la théorie allostérique, l’hémoglobine est

en permanence en équilibre entre les formes R et T.Le rapport de leurs concentrations détermine l’affi-nité résultante globale. Dans chacune des deuxconformations, R et T, l’affinité pour l’oxygène dechacune des sous-unités (a ou b) est supposée iden-tique (principe de symétrie). Ce postulat permet dedécrire la courbe sigmoïde de liaison de l’oxygèneavec seulement trois paramètres : KR et KT, qui sontles constantes d’association du ligand pour les for-mes R et T ; et L, constante d’allostérie, qui ex-prime le rapport des concentrations des deux étatsconformationnels.Comme nous l’avons vu, les constantes KT et KR

sont faciles à mesurer sur la courbe de Hill. Laconstante allostérique L est calculée selon la rela-tion L = (p50 x KR).

4 Un troisième paramètre « c »exprime le rapport entre les affinités de la protéine

152 H. Wajcman

Page 9: Hémoglobines : structure et fonction

pour le ligand entre les formes R et T. Ainsi, dansl’Hb A, l’affinité pour l’oxygène de la forme R est100 fois supérieure à celle de la forme T. Dans cemodèle, les variations de p50 sont dues aux seulesvariations de L, c’est-à-dire de l’équilibre deconcentration entre R et T, avec une valeur de KTtoujours inférieure à celle de KR. Les ligands hété-rotropes sont supposés déplacer l’équilibre R-Tsans modifier la valeur des constantes d’associa-tion.En réalité, le fonctionnement de l’hémoglobine

ne se réduit pas à un modèle aussi simple et plu-sieurs modifications et compléments ont dû y êtreajoutés. Des mesures plus fines de la fonction oxy-phorique ont montré que si les deux structuresquaternaires sont bien celles qui sont prévues dansle modèle de MWC, elles correspondent en fait àune multiplicité d’états R et T d’affinité diffé-rente.21 Des travaux ont très tôt indiqué que desligands hétérotropes comme le 2,3-DPG modi-fiaient la valeur de KT

22 et même de KR dans certai-nes conditions.23

Le modèle de MWC reste encore aujourd’hui uncadre suffisant pour décrire la fonction oxyphori-que de l’hémoglobine dans des conditions prochesde la physiologie, il montre cependant ses limiteslorsqu’il s’agit de comprendre une mécanique mo-léculaire plus générale. Il est alors nécessaire defaire appel à des modèles plus complexes, commele modèle allostérique global proposé par Yonetaniet al.24 et Imai et al.25 Ces auteurs partent de laconstatation suivante : lorsqu’elle est en solutiondans l’eau, en l’absence de tout ligand régulateur,l’hémoglobine est pratiquement dénuée de toutesouplesse fonctionnelle. Dans ces conditions expé-rimentales, à pH 8,0, l’affinité pour l’oxygène se-rait l’affinité intrinsèque de la protéine. En étu-diant l’effet de divers ligands régulateurs,physiologiques ou artificiels, opérant dans des zo-nes de contrainte extrêmement larges, ces auteursobservent que la représentation de log KT et log KRen fonction de log L0 et log L4 décrit un cerclefermé. Ceci indique que L0 a une valeur maximaleet L4 une valeur minimale et que les valeurs de KT etKR s’étendent sur trois ordres de magnitude. Cemodèle montre que l’action des effecteurs allosté-riques hétérotropes est bien plus importante quecelle de la transition R→T. Les effecteurs, utiliséspar ces auteurs, se classent dans l’ordre suivantd’efficacité croissante :H+ < Cl– <2,3-DPG< bézafibrate (BZF) < inositol

hexaphosphate (IHP) < BZF+2,3-DPG< BZF+ IHP.La p50 est multipliée par un facteur de 1000 en-

tre une mesure effectuée en l’absence de touteffecteur et une autre réalisée en présence de BZF+ IHP. On a pu vérifier que la structure ligandée

(HbCO ou HbO2) obtenue en présence du couple BZF+ IHP est dans la conformation R, malgré son affi-nité particulièrement basse.26 La valeur de KR obte-nue dans ces conditions expérimentales est bieninférieure à celle de KT observée en présence d’ef-fecteurs hétérotropes de moindre efficacité.

Rôle régulateur des facteursenvironnementaux

Ainsi, dans les conditions physiologiques de pH etde température, la p50 d’une suspension de globu-les rouges humains frais est de 26 ± 1mm de Hg.Cette affinité est bien inférieure à celle d’unesolution d’hémoglobine dans l’eau. Dans le globulerouge, de nombreux facteurs interviennent physio-logiquement pour diminuer l’affinité de l’Hb etassurer ainsi un maximum d’efficacité à la fonctionoxyphorique. Un globule rouge doté d’une tropforte affinité pour l’oxygène serait en effet incapa-ble de libérer efficacement ce gaz dans les tissus.Ceci serait particulièrement ressenti au niveau durein où se trouvent des récepteurs sensibles à l’hy-poxie contrôlant la sécrétion d’érythropoïétine.Chez l’homme, ces ligands régulateurs sont

les phosphates organiques (essentiellement le2,3 DPG), les anions inorganiques (chlorures), etles ions H+ qui déterminent le pH.

Interaction avec les phosphates organiques

On connaissait depuis longtemps la présence dans lesglobules rouges de la plupart des mammifères d’uneconcentration élevée de 2,3 DPG. Ce composé estsynthétisé dans le shunt de Rapoport-Luebering situéen dérivation de la voie glycolytique d’Embden-Meyerhof. Sa concentration intra intraérythrocytaireest d’environ 5 mmol/l, équivalente à celle de l’Hb,alors qu’elle est faible dans les autres tissus.En 1967, Chanutin et Curnish27 d’une part, et

Benesch et Benesch28 d’autre part, ont démontré lerôle régulateur physiologique fondamental joué parcet organophosphate. La fixation de 2,3 DPG aug-mente la p50, ainsi lorsque l’on passe d’une concen-tration nulle à celle de l’érythrocyte, la valeur de lap50 est multipliée par un facteur de 2,5. L’augmen-tation du taux de 2,3 DPG est un mécanisme semi-rapide d’adaptation à des situations anoxiques.Ainsi, lorsqu’un sujet vivant au niveau de la mer serend en altitude où la pO2 est plus faible, on ob-serve en quelques jours une augmentation de laconcentration intraérythrocytaire de 2,3 DPG pré-cédant une stimulation de l’érythropoïèse et unepolyglobulie compensatrice. Dans tout syndromeanémique, le taux de 2,3 DPG augmente pour cor-riger l’anoxie. Des concentrations pouvant aller

153Hémoglobines : structure et fonction

Page 10: Hémoglobines : structure et fonction

jusqu’à des valeurs doubles de la normale etconduisant à des p50 de l’ordre de 40 mm de Hgpeuvent être observées. Un déficit génétique enpyruvate kinase érythrocytaire, en bloquant la voiemétabolique à la sortie du cycle de Krebs, conduit àune augmentation marquée de la concentrationérythrocytaire en 2,3 DPG, permettant parfois demieux supporter l’anémie hémolytique provoquéepar ce déficit. Inversement chez les sujets porteursd’un déficit en DPG-mutase, la concentration intra-érythrocytaire en 2,3 DPG est basse et cause d’uneaugmentation d’affinité pour l’oxygène à l’origined’une polyglobulie compensatrice.Dans le modèle classique il est admis que le

2,3 DPG se fixe dans la cavité centrale stabilisantainsi la structure quaternaire T.29 Ce mécanismen’explique toutefois pas de façon satisfaisantecomment un facteur déjà en excès peut par unelégère augmentation de sa concentration avoir uneffet aussi important sur l’affinité pour l’oxygène.Son action ne s’interprète que par un effet impli-quant à la fois une stabilisation de la structurequaternaire et des remaniements de structure ter-tiaire modifiant la valeur des constantes d’associa-tion. Signalons que cette régulation de la fonctionoxyphorique par le 2,3 DPG n’existe pas dans cer-taines espèces animales comme les bovidés et lesfélidés.19

Les autres phosphates organiques (ATP, etc.)sont présents à plus faible concentration dans leglobule rouge humain et, de ce fait, participentmoins à la régulation physiologique de la fonctionoxyphorique.L’inositol hexaphosphate (IHP) dont l’effet est

plus fort que celui du 2,3 DPG sur l’affinité pourl’oxygène de l’hémoglobine, n’est qu’un réactifexpérimental. Signalons toutefois que l’inositolpentaphosphate (IPP), dérivé de structure très pro-che de celle de l’IHP, est le régulateur physiologi-que de la fonction oxyphorique des oiseaux. Lebézafibrate, médicament antilipidémiant, est uneffecteur artificiel très puissant qui, en se fixantsur les chaînes a,30 potentialise l’action des orga-nophosphates liés aux chaînes b.

Interaction avec les anions inorganiques

Les anions inorganiques (chlorures, phosphates,etc.) diminuent l’affinité de l’hémoglobine pourl’oxygène en stabilisant la structure désoxygénéeet en majorant l’effet Bohr.31 Ils sont en partieresponsables de la faible affinité du globule rougepour l’oxygène. Toutefois, comme leur concentra-tion est à peu près constante, ils ne jouent qu’unminime rôle régulateur dans les processus d’adap-tation physiologiques du transport d’oxygène. En

revanche, des modifications structurales affectantles sites de fixation des anions ont été trouvéesdans quelques hémoglobines anormales hyperaffi-nes pour l’oxygène.

Effet Bohr

En 1904, Bohr, Hasselbalch et Krogh ont montré quele CO2 diminuait l’affinité pour l’oxygène, actionessentiellement due à l’abaissement du pH.18 Dansles tissus, le CO2 libéré diffuse dans le plasma puisdans les globules rouges. Sous l’action de l’anhy-drase carbonique, l’acide carbonique se forme se-lon la réaction :

CO2 + H2O → CO3H- + H+

et entraîne une baisse du pH intraérythrocytaire.L’énorme quantité de bicarbonates formée re-tourne au plasma sous l’action d’une protéine de lamembrane érythrocytaire, l’échangeur d’anionérythrocytaire (ou bande 3). Dans les poumons,c’est la réaction inverse qui s’effectue. L’effetBohr se résume donc à un effet régulateur de lafonction oxyphorique par le pH.Dans l’hématie, l’hémoglobine fonctionne

comme un tampon et fixe les protons H+ , enparticulier au niveau des ponts salins stabilisant lastructure désoxygénée. L’élévation de la pCO2 dansles tissus a ainsi pour effet d’augmenter la p50 del’érythrocyte et de faciliter la libération d’oxy-gène. Dans les poumons, où le CO2 est libéré, laréaction inverse se produit. La structure R, à forteaffinité pour l’oxygène, est favorisée, ce qui dimi-nue la p50 et facilite la capture d’oxygène.La Figure 6D montre les modifications de l’affi-

nité pour l’oxygène en fonction du pH. L’effet Bohrs’exprime par sous-unité d’hémoglobine. Sa valeurcorrespond au nombre de protons libérés lorsquel’hémoglobine subit la transconformation de lastructure désoxygénée vers la structure oxygénée.Pour l’Hb A, la valeur de l’effet Bohr est de -0,5 auxenvirons de pH 7, en présence de Cl- 0,1 M. Unefaçon pratique de chiffrer l’effet Bohr consiste àmesurer la dérivée de la courbe des variations dulogarithme de la p50 en fonction du pH.Les études de diffraction de rayons X ont permis

de préciser les principaux sites impliqués dans l’ef-fet Bohr. Il est aujourd’hui établi que l’effet Bohralcalin est dû à l’augmentation du pKa d’un certainnombre de groupements impliqués dans la stabili-sation de la structure désoxygénée. Sont stabiliséespar un pH acide :

• la liaison située entre le groupe imidazole del’His b146 (HC3) et le carboxyl de l’Asp b94(FG1) responsable d’environ 50 % de l’effet ;

154 H. Wajcman

Page 11: Hémoglobines : structure et fonction

• la liaison impliquant les groupes NH2 terminauxdes chaînes a, qui s’effectue par l’intermédiaired’ions Cl- ;

• enfin, les liaisons qui interviennent dans la fixa-tion du 2,3 DPG.32

Le transport du CO2 par l’hémoglobine est assuréde façon plus accessoire par un autre mécanisme,la carbamylation. Les groupements NH2 terminauxdes chaînes réagissent de façon réversible avec leCO2 selon une réaction non enzymatique. Il estdifficile de mesurer précisément la part dévolue àce mécanisme dans le transport physiologique duCO2 ; elle pourrait intéresser environ 10 % du CO2libéré par la respiration tissulaire.

Carboxyhémoglobine

Il est classique de dire que l’affinité de l’Hb pour leCO est 250 fois plus forte que pour l’O2. En réalité,ce gaz se fixe moins rapidement sur l’hémoglobineque ne le fait l’oxygène, et lorsqu’il est en trèsfaible quantité la compétition est largement enfaveur de l’O2. C’est le cas pour le CO produitphysiologiquement par le métabolisme. En revan-che, une fois fixé, le CO se libère très difficilementde l’hémoglobine, sa constante de dissociation est1500 fois plus faible que celle de l’O2.

Hémoglobine et transport du monoxyded’azote (NO)

Il a récemment été proposé qu’en plus de sesfonctions physiologiques de transporteur d’O2 et deCO2, l’hémoglobine pourrait avoir un rôle dans lestockage et le transport du NO. Cette théorie esttrès controversée et s’oppose au fait que l’hémo-globine sert de piège à NO dans le sang. Dansl’hypothèse d’une fonction de transport, le NO selierait à la Cysb93 de l’HbO2 et s’en détacherait lorsde la désoxygénation, permettant alors unemeilleure oxygénation des tissus périphériques parson effet vasodilatateur.33

Mutagenèse dirigée : un nouvel outild’exploration de l’hémoglobine

Pour comprendre le rôle et l’importance des diversrésidus de la molécule d’hémoglobine, il était né-cessaire, il y a encore quelques années, de faireappel à des modèles animaux ou d’utiliser ceuxofferts par les mutations naturelles. Les techniquesde mutagenèse dirigée, apparues il y a un peu plusd’une dizaine d’années, permettent aujourd’huid’exprimer à volonté des molécules portant une ouplusieurs mutations.34 Il devient ainsi possibled’étudier de façon systématique l’effet de diverses

mutations sur des régions clés ou de faire apparaî-tre de nouvelles fonctions. La mutagenèse dirigéene se limite pas à des remplacements ponctuels :elle permet également de créer des chaînes hybri-des et un nombre sans cesse croissant d’hémoglo-bines recombinantes est décrit. Ce nouvel abordexpérimental apporte des outils de réflexion inté-ressants pour la compréhension de certaines patho-logies et permettra sans doute d’ouvrir de nouvel-les voies thérapeutiques.35

Points importants

En première approximation, la fonction oxy-phorique de l’hémoglobine peut être expliquéepar la théorie allostérique énoncée dans le mo-dèle de Monod-Wyman-Changeux où on postuleune transition entre deux états. Le premier, ditétat T, correspond à une forme contrainte àfaible affinité pour l’oxygène. Le second, ditétat R, correspond à une forme relâchée, àforte affinité pour l’oxygène. Perutz a démon-tré la réalité de ces deux structures extrêmespar diffraction de rayons X.La structure T est stabilisée par un certain

nombre de ligands hétérotropes (anions, pro-tons et surtout 2,3 DPG). Le 2,3 DPG joue unrôle physiologique essentiel en se fixant tel unclamp électrostatique dans la cavité centraleentre les deux chaînes b de la structure désoxy-génée.Le transport d’oxygène par l’hémoglobine

est en réalité un phénomène bien plus com-plexe. Des approches biophysiques de plus enplus sophistiquées conduisent à de nouveauxmodèles donnant un rôle prépondérant à l’inte-raction des ligands allostériques.

Conduite à tenir

L’étude de la fonction oxyphorique érythro-cytaire doit toujours être réalisée sur un sangdu jour, recueilli sur ACD, et conservé à +4°Cjusqu’à l’étude. Elle doit impérativement com-porter un dosage du 2,3 DPG effectué sur lemême prélèvement.Les paramètres essentiels sont la p50 qui

mesure l’affinité pour l’oxygène de l’érythro-cyte et le n de Hill qui reflète l’interactionentre sous-unités d’hémoglobine. Ces mesuresne sont valables qu’effectuées dans des condi-tions strictes de pH et de température.

155Hémoglobines : structure et fonction

Page 12: Hémoglobines : structure et fonction

Perspectives

L’hémoglobine est certainement l’une des protéi-nes actuellement les mieux connues. Si, autrefois,on pouvait se contenter d’une image figée obtenuepar diffraction de rayons X à partir d’un cristal,l’introduction de la dynamique moléculaire, alliéeaux progrès de l’informatique et des techniquesbiophysiques, permet aujourd’hui de suivre d’unefaçon continue le mouvement de chaque atome dela molécule lors de la transition RT. Un nombreconsidérable de structures intermédiaires sont ainsiindividualisées.36 Le modèle de MWC permet certesune description simplifiée de la fonction oxyphori-que, mais il n’apporte pas toutes les réponses.Chez l’homme, les hémoglobines assurent-elles

d’autres fonctions que le transport d’oxygène ?Récemment, deux familles supplémentaires d’hé-moglobines ont été décrites chez les vertébrés : laneuroglobine et la cytoglobine.37–39 Il s’agit de mo-lécules hexacoordonnées, à très forte affinité pourl’oxygène. La neuroglobine, déjà présente dans letube neural de multiples espèces primitives, pour-rait servir de réserve d’oxygène protégeant l’acti-vité nerveuse. Dans le cerveau humain, la neuroglo-bine est essentiellement localisée dans le noyausubthalamique, le thalamus et le lobe frontal. On laretrouve également, à plus faible concentration,dans d’autres tissus comme l’hypophyse, l’appen-dice, le côlon ou le poumon. Quelle est sa fonction ?S’agit-il d’un transporteur d’oxygène au niveau destructures particulièrement sensibles à l’anoxie ouplutôt d’une molécule assurant un rôle protecteurcontre les agents oxydants ? La cytoglobine estd’apparition plus récente, puisqu’elle semble avoirdivergé de la myoglobine. Elle est distribuée dansune grande variété de tissus, à l’exception du cer-veau, où elle exerce une fonction encore malconnue.Le chapitre des hémoglobines n’est certaine-

ment pas encore clos et les progrès apportés par lamutagenèse dirigée dans la compréhension des re-lations entre structure et fonction permettrontpeut-être un jour de voir le développement detransporteurs artificiels d’oxygène d’origine hémo-globinique à visée transfusionnelle.

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