57
LE PEYOTL ET LA MESCALINE Le Peyotl est un Cactus (tribu des Echinocactées, genre Echinocactus, sous-genre Lophophora). Il occupe sa place taxinomique sous le nom de Echinocactus Williamsii (Lemaire, 1840). Si, en effet, les botanistes ont d’abord hésité à le classer dans l’espèce Anhalonium, tous depuis les descriptions de Michaelis (1896) et les études de Ch. H. Thompson le tiennent pour un Echi nocactus, c’est-à-dire un cactus tubuliflore à 8 côtes, à fleurs roses ou blanches : c’est le « cactus des déesses ». Celui qu’on avait tenté d’isoler sous le nom de Anhalonium Lewinii n’en est que la forme adulte : c’est le « cactus des dieux » (A. Rouhier)... Les Indiens des tribus des États-Unis employant le Peyotl à l’état sec sous le nom de « mescal-button », c’est de ce mot que l’alcaloïde le plus connu du divin cactus a tiré son nom. Sa saveur est amère, nauséeuse et persistante. C’est, en tout cas, ce Peyotl desséché qui est à la base des préparations pharmaceutiques (poudre, extrait fluide, extrait mou, Pampeyotl et solutions injectables). La légende du Peyotl se perd, dit Rouhier, dans la nuit des temps. Ses propriétés étaient attribuées au Dieu du Feu et de la Lumière, et les chro niques tarahumares ou des tribus Huichols le mêlaient à tous leurs mythes. A leur arrivée au Mexique, les Espagnols (Cardenas, B. de Sahagun) notèrent que les Chichimèques en faisaient une grande consommation et leur don naient le nom de « Nanacatl » ou de « Téonanacatl » qui signifie « chair divine ». Le culte du Peyotl fut l’objet de prohibition de la part du clergé catholique qui le considérait comme « satanique ». Ce sont les tribus Huichols, Coras, Tepehuanes et Tarahumares qui gardaient le plus jalousement l’usage et les cérémonies du culte du Peyotl. Parmi elles, c’est aux Huichols qu’est revenu l’honneur de faire l’objet d’études d’ethnologie de leurs fêtes religieuses (cf. Rouhier, p. 110-146 et A. Benzi, 1969). - Dans ces lieux où croît le Peyotl et peuplés de quelque cinquante dieux qui se détachent de l’ensemble déifié de la nature, c’est le Peyotl totémique qui est source de vie, de force et de richesse. C’est à 300 km de la « Mojo- nera », à l’Est du Nayarit, que la tribu doit aller le chercher, expédition de trente jours à travers l’aridité des steppes qu’entreprennent à l’automne les groupes de pèlerins. Leur théorie est conduite par celui qui représente « l’Aïeul le Feu ». Elle progresse à travers le « lieu des étoiles », le « lieu des jardins », le « lieu des herbes », le « lieu où est la colonne » pour s’arrêter à Houhiou- ripa (lieu des oignons). Tous les participants à cette quête sacrée se livrent à

Henri Ey Peyotl Mescaline 602-658

  • Upload
    nourbb

  • View
    263

  • Download
    2

Embed Size (px)

DESCRIPTION

drogas, psiciatrico, mescaline, peyote

Citation preview

  • LE PEYOTL ET LA MESCALINE

    Le Peyotl est un Cactus (tribu des Echinocactes, genre Echinocactus, sous-genre Lophophora). Il occupe sa place taxinomique sous le nom de Echinocactus Williamsii (Lemaire, 1840). Si, en effet, les botanistes ont dabord hsit le classer dans l espce Anhalonium, tous depuis les descriptions de Michaelis (1896) et les tudes de Ch. H. Thompson le tiennent pour un Echinocactus, cest--dire un cactus tubuliflore 8 ctes, fleurs roses ou blanches : cest le cactus des desses . Celui quon avait tent d isoler sous le nom de Anhalonium Lewinii n en est que la forme adulte : c est le cactus des dieux (A. Rouhier)...

    Les Indiens des tribus des tats-Unis employant le Peyotl l tat sec sous le nom de mescal-button , cest de ce mot que l alcalode le plus connu du divin cactus a tir son nom. Sa saveur est amre, nauseuse et persistante. Cest, en tout cas, ce Peyotl dessch qui est la base des prparations pharmaceutiques (poudre, extrait fluide, extrait mou, Pampeyotl et solutions injectables).

    La lgende du Peyotl se perd, dit Rouhier, dans la nuit des temps. Ses proprits taient attribues au Dieu du Feu et de la Lumire, et les chroniques tarahumares ou des tribus Huichols le mlaient tous leurs mythes. A leur arrive au Mexique, les Espagnols (Cardenas, B. de Sahagun) notrent que les Chichimques en faisaient une grande consommation et leur donnaient le nom de Nanacatl ou de Tonanacatl qui signifie chair divine . Le culte du Peyotl fut l objet de prohibition de la part du clerg catholique qui le considrait comme satanique . Ce sont les tribus Huichols, Coras, Tepehuanes et Tarahumares qui gardaient le plus jalousement l usage et les crmonies du culte du Peyotl. Parmi elles, cest aux Huichols quest revenu lhonneur de faire lobjet dtudes d ethnologie de leurs ftes religieuses (cf. Rouhier, p. 110-146 et A. Benzi, 1969).

    - Dans ces lieux o crot le Peyotl et peupls de quelque cinquante dieux qui se dtachent de l ensemble difi de la nature, c est le Peyotl totmique qui est source de vie, de force et de richesse. Cest 300 km de la Mojo- nera , l Est du Nayarit, que la tribu doit aller le chercher, expdition de trente jours travers laridit des steppes quentreprennent lautomne les groupes de plerins. Leur thorie est conduite par celui qui reprsente l Aeul le Feu . Elle progresse travers le lieu des toiles , le lieu des jardins , le lieu des herbes , le lieu o est la colonne pour sarrter Houhiou- ripa (lieu des oignons). Tous les participants cette qute sacre se livrent

  • PEYTOL ET MESCALINE 603

    une confession gnrale, priant, invoquant le soir venu les cinq vents du monde , en tat de jene et d extase. Car cest ltat de grce et la purification qui font de cet itinraire une ascse. Arrivs au terme de leur prgrination, les hicourieros parvenus aux autels du dieu Peyotl, lancent de leurs arcs des flches qui transpercent les premiers cactus. Et ainsi se fait la rcolte du Peyotl des desses et du Peyotl des Dieux (1)..., la grande fte du Peyotl (ou fte du Mas grill). Nous citerons ici quelques passages de Rouhier :

    . . . Les femmes ont des couronnes de fleurs rouges et jaunes et de leurs paules tombent des guirlandes de plumes dara et dpervier.

    A lintrieur du temple, le feu central est allum en grande pompe. Le prtre arrive portant sur ses mains tendues une bche de bois vert dune coude de long : cest loreiller de lAeul le Feu ; il loffre aux cinq parties du monde et puis la sixime en la dposant sur lemplacement du foyer... Dans la partie nord- ouest, un foyer plus petit brle devant deux animaux sacrs, cureuil gris et putois ray dont les dpouilles empailles, fixes sur des piquets, pares dornements et de ftiches semblent prsider la crmonie; prs deux sont disposs deux vases contenant du Peyotl. Enfin, au sud de cet espace sont disposes de nombreuses marmites destines cuire le tesguno. Deux femmes sont dsignes pour craser sur le metate, laide dune pierre, le Peyotl que lon y mlangera.

    ... Des gteaux (tamales) composs de grains de mas bouillis et cuits dans la pte ont t prpars. Ils sont models en forme dtoile sept branches, imitation grossire dun Peyotl.

    . . . Runis dans le temple et prsids par le prtre, ceux qui ont pris part lexpdition du Peyotl prient longuement voix haute... Jetant dans le feu leurs petits paquets de tabac sacr, ils se librent ce moment de toutes leurs obligations son gard. Cessant ds lors, suivant leur expression, dtre des prisonniers , aucune interdiction ne les opprime plus... Alors la danse sacre commence. Les danseurs, hommes et femmes, voluent derrire le prtre en une chorgraphie rapide, lencerclent ainsi que le brasier dune ronde sautillante dont le sens est contraire celui du mouvement apparent du soleil et qui, sallongeant peu peu en ellipse, tend les rapprocher des animaux sacrs. Ils portent appuys lpaule, comme des sceptres, des btons grossirement sculpts en forme de serpents.

    ... Tous dansent avec de vifs mouvements, dcrivent des voltes rapides, tournent sans arrt ni fatigue, conduits par quatre coryphantes (deux hommes et deux femmes) vtus somptueusement. Dans les nuages de poussire soulevs par les rapides mouvements des jambes, par les sauts et les rebondissements des danseurs sur le sol, les formes se noient, les flammes des foyers sobscurcissent et la

    (1) Ce lyrisme est bien celui de la toute-puissance auquel, dans le roman de Lawrence a succomb Kath en se livrant Quetzalcoatl, le Serpent plumes. Par l pouvons-nous comprendre quelle ivresse mystico-esthtique et potique prcde et engendre livresse du toxique (nous avons dj vu que cest elle encore qui embrase les transes psychdliques des Beatniks et des Hippies dans les hauts lieux de la civilisation occidentale poursuivant la mme qute de merveilleux).

  • 604 LES HALLUCINOGNES

    voix des officiants steint... La danse droulera ainsi linfinie complexit de ses figures symboliques pendant plus de vingt-quatre heures.

    ... La fte ne prend fin que le surlendemain matin. La crmonie de la Grillade du Mas la termine. Elle se prolonge gnralement jusqu midi, retarde par livresse gnrale de toute la tribu. Cette ivresse est due la fois au Peyotl, au tesguno et surtout au Sotol (1) que certains mercantis accourus des districts voisins viennent vendre aux Huichols. Ceux-ci senivrent si magnifiquement que lon voit le patio parsem dhommes et de femmes privs de raison, qui restent pendant quelque temps en ce misrable tat .

    Les expditions et crmonies sont les mmes chez les Coras et les Tarahu- mares. Chez les Indiens des tats-Unis o les rites du Peyotl ont t imports, les rites sont analogues quoique assez diffrents. Chez les Kiowas, la crmonie se droule moins comme une danse que comme une scne de contemplation paisible . Aprs que les hommes aient mang quatre mescal-buttons d abord, dans la suite, aprs minuit, les mescal-buttons sont distribus la ronde, chacun en consommant autant quil le dsire.

    J. Cazeneuve (2) sest intress lextension et la survivance de ce culte peyotlique au Nouveau-Mexique, et il a not que si certaines tribus polythistes plus cultives (les Puellos) y sont rfractaires, dinnombrables Katchinas sy adonnent gnralement, tandis que d autres encore (les Navahos) y sont peu enclins. Ce fait permet lauteur de dfendre la thse que le culte du Peyotl est pour ainsi dire conditionn par linstitution religieuse et notamment par lattitude de contemplation ou de vision intrieure de livresse que procure le mescal-button, prolongement naturel du dsir de surnaturel.

    Car, bien entendu, la plante qui fait les yeux merveills (A. Rouhier) les ouvre sur le monde des images ou, si lon veut, des Imagos, ou, si lon veut aller plus loin encore, du numinosus , qui constitue le noyau mystique de lhumanit son hallucinophilie immanente.

    P H A R M A C O L O G IE DE LA M ESCALIN E

    Le Peyotl contient plusieurs alcalodes (Lewin, 1888) : lanhalamine (Cu Hi5 Os N) isole par Kauder (1899) lanhalonidine (C^ HJ7 Os N) la peyotline (Ci3 Hi0 0 3 N) et la mescaline (Cu Hi, Os N). Ces alcalodes furent d abord isols partir de plantes fraches par L. Lewin en 1888, Kauder en

    (1) Forte eau-de-vie indigne.(2) J. Cazeneuve. Le Peyotl au Nouveau Mexique. Revue Philosophique, 1959,

    p. 161-182. Deux travaux importants ont t consacrs aux rites du Peyotl dans les tribus dAmrique du Nord : celui de W. L. Barre (The peyotl Cuit, Yale Univ. Public, n 19, 1930); et celui de D. F. Aberle et O. Stewart sur les tribus Navahas {Univ. Colorado Anthrop., n 6, 1957).

  • MESCALINE PSYCHOPHARMACOLOGIE 605

    1891 et A. Heffter en 1894, mais cest seulement en 1910 que E. Spath ralisa la synthse de ces diffrents alcalodes.

    Nous avons dj indiqu (p. 516) la formule dveloppe de la mescaline qui est l alcalode le plus actif. Cest une [33, 4, 5 trimthoxyphnthylamine dont la formule chimique a t prcise depuis les premiers travaux de Heffter (1894) jusqu ceux de Spath et coll. (1919,1937) et de L. Reti (1950). Rappelons que la structure molculaire de la mescaline ne contient pas de noyau indol, mais que certains auteurs ont admis son indolisation au travers de ses mtabolites successifs (J. Harley-Mason et coll., 1958) aprs son passage dans lorganisme. Le fait que le noyau indole ne serait que virtuel et, somme toute, conjectural, a tay, nous lavons dj vu, les critiques de Turner (S. Merlis 1956-1959) contre la thorie indolique des principaux hallucinognes.

    L anhalamine drive de la mescaline par la fermeture de la chane ouverte et par remplacement d un groupe mthoxyle par un oxhydryle phnolique.

    L anhanlonidine drive de lanhalamine par simple mthylation.

    La peyotline drive de lanhalonidine par une autre mthylation sur l azote.

    Lanhalonine qui diffre des prcdentes par la complication de sa chane quinolique d une chane ferme oxygne.

    La Lophophorine est un driv N-mthyl de lanhalonine.D. Peretz et coll. en 1955 ont tudi une substance analogue, le 3, 4, 5 Tri-

    mthoxyamphtamine (T.M.A.) J. R. Smythies et E. H. Sykes (1) se sont plus rcemment appliqus ltude de ces Mescalines analogues , notamment de la Dimthyl-oxyphnyl-thylamine (DMPE) et de la N-N dimthylmescaline (DMM).

    Ce sont les sels de mescaline (chlorhydrate et surtout sulfate) qui sont communment employs par voie parentrale (sous-cutane).

    La pharmacologie de la M escaline (2) est celle des phnylthylamines en gnral (Hoffer et Osmond). Elle est domine par son action sympathico-

    (1) Smythies (J. R.) et Sykes (E. H.). Psychopharmacologica, 1966,8, p. 324-330; et Smythies, in C. R. Symposium de Londres (1961), publis par R. Crocket et R. A. Sandison.

    (2) Nous ne donnerons pas toutes les indications bibliographiques de ces innombrables travaux. On les trouvera dans la Thse de R opert (1957) et dans les C. R. du Symposium de Londres (1961) dits par Crocket et Sandison, particulirement dans le travail de Smythies, et enfin dans louvrage de Hoffer et Osmond (1967), de la p. 1 la p. 46, puis de la p. 63 la p. 81.

  • 606 LES HALLUCINOGNES

    mimtique (1). Pendant longtemps, les expriences ont mis laccent (2) sur les divers tats de ractions neuro-vgtatives (tension artrielle, ractions pupillaires, glycmie, action sur la respiration et le cur isol et perfus de la grenouille ou du lapin, etc.). Cependant, tous ces travaux (W. E. Heffter, 1894- 1898, G. E. Dixon 1899, puis R. Hamel, 1931) semblent assez dcevants, probablement parce que laction du toxique sur le Systme nerveux autonome varie dans les phases successives de l intoxication. Il parat certain qu la priode de stress initial (choc avec hypotension et ralentissement du pouls et de la respiration) succde une phase de type plus nettement adrnergique. Cest ce qui semble ressortir notamment du travail de G. E. Roberts et H. Hey- man (1937) qui ont utilis pour leurs expriences les preuves de Danieloplu. Vers la mme poque, E. Guttman (1936) aprs administration per os de 0,20 0,50 de sulfate de mescaline, a not un syndrome typiquement sympathico- mimtique. Il semble bien que la mescaline se comporte gnralement comme une amine sympathico-mimtique.

    En dehors de ces troubles neuro-vgtatifs, on a not des modifications de rflexes (notamment W. H. Bridger et W. H. Gantt, 1956), des troubles sensoriels proprement dits (hyperacousie douloureuse, augmentation des seuils perceptifs) et des tremblements.

    Laugmentation du taux de glycmie (E. Lindeman, 1934) parat avoir la mme signification. M. Ropert (1957) dans son travail la tient pour une donne physiologique significative ; d aprs ses observations, elle sassocie lhypo- kalimie et l hyperleucocytose avec osinopnie (3) pour caractriser le choc mescalinique .

    Toxicit. La dose mortelle de sulfate de Mescaline est chez le lapin de 1,50 g/kg (D. Colomb, 1939). Elle est de 1 g/kg pour la souris (Smolska), de 0,37 g/kg pour le rat (Speck), de 0,75 g/kg pour la grenouille (Grce). La dose lthale daprs J. Delay, H. P. Grard et J. Thuillier (1960) est chez la souris de 0,117 g/kg par voie intraveineuse. L. B. Speck (1957) a tudi l intoxication chronique du rat; cette intoxication a peu deffets spcifiques et nengendre gure de tolrance.

    Tolrance. tudie chez lanimal (rats) par Freedman et coll., laccoutumance stablit lentement et certainement beaucoup moins que pour le LSD.A. Balestrieri (1957) et A. B. Wolbach et coll. (1962) ont mis en vidence leffet de cross tolrance entre LSD et mescaline.

    (1) La Thse de Martine Ropert (Paris, 1957) contient un expos trs complet du syndrome organique et vgtatif de lintoxication par la mescaline.

    (2) On trouvera le dtail de ces exprimentations anciennes dans la Thse que j ai inspire mon lve Daniel Colomb : Contribution l'tude pharmacologique de la Mescaline (Thse, Paris 1939).

    (3) Ces rsultats concident avec les recherches hmatologiques de E. Linde- mann (1934) et de Gautz (1945) et avec celles de H. C. Denber (1961).

  • MESCALINE PSYCHOPHARMACOLOGIE 607

    Substances antagonistes frna tr ices . Beaucoup de substances action dpressive, tranquillisante, hypotensive, ont un effet d inhibition sur laction de la mescaline : les barbituriques (P. H. Hoch, 1951; V. H. Vogel, 1951), le Frenquel (H. D. Fabing, 1955; H. E. Himwich, 1956) dont R. R. Mon- roe et coll. (1957) ont contest leffet, les succinates (F. W. Schubler, 1948) dont P. H. Hoch (1951) a mis en doute le pouvoir antidote, et surtout la chlorpromazine (H. C. Denber, 1959; R. R. Monroe et coll., 1957). Signalons ce sujet que, d aprs P. H. Hoch (1951), llectrochoc ne modifie pas laction de la mescaline, tandis que la lobotomie lattnuerait.

    Substances po ten tia lisan tes . Il existe peu de substances qui favorisent ou renforcent laction de la mescaline. J. Tripod (1955) a signal un effet de renforcement par latropine sur la motilit de la souris, et A. Bales- trieri (1957) a montr que lamphtamine favorisait leffet de la mescaline. Enfin, H. C. Denber (1959) a not les effets potentialisateurs du Diparcol. Il faut signaler que d aprs A. Saxena et coll. lassociation mescaline-srotonine peut produire chez les poissons des effets toxiques mortels.

    D iffusion. O xydation m tabo lique e t lim ina tion . La diffusion de la mescaline se fait rapidement (1). D aprs J. Cochin, A. Woods et M. H. Seevers (1951), chez le chien, durant les quatre premires heures, elle se fixe surtout au niveau des reins et du foie, mais aussi dans le plasma et le cerveau (deux fois plus dans celui-ci que dans celui-l).

    Mais cest surtout la dsintgration de la mescaline par oxydation au niveau des tissus et des organes, cest--dire ltude de tous les mtabolites intermdiaires : acide trimthophnylactique (K. N. Slottaet J. Muller, 1936), acide 3,4-dihydroxy-5-mthoxyphnylactique (A. G. Moller, 1935; J. Harley- Mason et coll., 1958; K. D. Charalampous, 1966), 3,4,5-trimthoxyphnyl- thanol (M. Goldstein et coll., 1961), etc., qui a fait lobjet des recherches. Tous ces mtabolites sont les produits de loxydation sous linfluence, d aprs F. Bernheim et M. Bernheim (1938) qui ont tudi les processus enzymatiques, d un processus analogue la tyramine oxydase et diffrent du systme de la cytochrome-indophnol oxydase. Outre ce processus doxydation, on a mis en vidence la mthylation et la dimthylation enzymatique de la mescaline chez le lapin (J. Daly, J. Axelrod et coll., 1962).

    Llimination urinaire de la mescaline et des produits de ses mtabolismes intermdiaires a t tudie par A. G. Moller (1933) qui a pu rcuprer 94 % de la quantit intgre dans les urines; par K. H. Slotta et J. Muller (1936) qui,

    (1) Louvrage de A. Hoffer et H. Osmond contient la plus minutieuse documentation sur la dsintgration des molcules amines dans le mtabolisme de la mescaline (p. 20-25).

  • 608 LES HALLUCINOGNES

    par contre, n ont identifi dans les urines, ni mescaline libre, ni acide trimthoxy- phnylactique, mais un produit contenant seulement un groupe mthoxyle; par D. Richter (1938) qui a constat une limination de 58 % aprs absorption orale (18 heures aprs), et 33 % seulement aprs injection intraveineuse; parK. Salomon, B. W. Gabrio et T. Thae (1949) qui, tudiant la courbe d excrtion urinaire, n ont observ que de faibles quantits (de 8 % 39 %) dans les urines de substances radicaux mthoxyles; par K. D. Charalampous et K. E. Walker qui, plus rcemment (1961) ont tudi llimination de la mescaline et de ses mtabolites et ont observ que 50 60 % de la mescaline sliminait assez vite en mme temps que lon trouvait dans les urines de l acide 3,4,5-trimthoxy- phnylactique (TMA) du N-acthyl bta thylique ou du N-acthylmescaline (DMM). D aprs E. Spector et coll. (1961), chez le chien, la mescaline injecte par voie pritonale est excrte dans les urines jusqu 52 62 % de sa radioactivit. Ces travaux montrent que llimination du toxique est assez rapide aprs avoir subi une modification mtabolique qui dcompose sa constitution molculaire.

    A ction de la m escaline su r le fo ie . Certaines constatations faites sur lanimal mort dintoxication ont attir lattention sur la fixation de la mescaline au niveau du foie. C est ainsi que Tarsitano (1945), chez des chiens sacrifis 2 heures aprs ladministration dune dose mortelle, avait not une localisation lective au niveau des reins et du foie, rsultats confirms par J. Cochin, L. Woods et M. H. Seevers (1951). H. Jantz (1941) a not une atteinte de la cellule hpatique (bilirubinmie, taux d azote rsiduel et des amino-acides diminus). A propos des tats catatoniques provoqus par la mescaline (H. de Jong et H. Baruk, 1930-1939), on a pu penser que l intoxication par la mescaline provoquait par les perturbations des fonctions hpatiques une production de substances catatonisantes. Cest galement par rfrence un trouble hpatique de ces mtabolismes amins dans la schizophrnie que certains auteurs ont invoqu le rle du foie dans le dterminisme du processus neuro-psychique mescalinique (R. Fischer et coll., 1951, I. San- guinetti et coll., 1956).

    A ctio n su r le systm e nerveux. De toute vidence la mescaline est une substance neurotrope. Cependant, W. et K. Block et Patzig (1952), employant la mescaline radio-active 1-C14, ont trouv quune partie seulement parvenait au cerveau alors que la plus grande partie tait incorpore aux amines dans le foie.

    Nous allons successivement exposer les divers problmes de neuro-chimie et de neuro-physiologie qui ont fait lobjet de ltude de la pharmacologie nerveuse et sensorielle de la mescaline.

    a) Mcanisme de laction de la mescaline sur le mtabolisme crbral. La mescaline agit comme une amine sympathicomimtique, de telle sorte quon a rapproch son action de celle de l adrnaline et de la noradrnaline, c est--dire

  • MESCALINE PSYCHOPHARMACOLOGIE 609

    des agents chimiques du stress (W. B. Cannon). A la prsence du groupe 3 hydroxil seraient rattachables ses effets vasculo-hypertensifs et peut-tre aussi ses effets psychotomimtiques (A. Hoffer et H. Osmond, p. 70). Le pouvoir hallucinogne serait inversement proportionnel leur action hypertensive.

    Si lon part en effet de la molcule d adrnaline l addition des groupes mthoxyl en position B donne les drivs mthyles de la phnthylamine (mescaline et asarone qui est un alcalode de Yacorus calamus). Le dplacement d un groupe hydroxyl de la srie du benzne produit les amphtamines et lphdrine. Le couplage des hydroxyls et du groupe mthylique donne les mthylnedioxy- amphtamines. Le groupement des C et D donne les isoquinolines qui sont

    (A)H C K ^ H

    (B)

    (B) H O ^ X / ( C ) NH (B) CH3

    (D)

    psychologiquement actives. Un nouveau groupement peut tre effectu en A pour former lther mthylique de l adrnaline (A. M. F.). Enfin, l adjonction d un groupe indol en C produit ladrnochrome et ladrnaline. D aprs Hoffer et Osmond (p. 71), ces divers drivs seraient responsables, soit de laction de la mescaline sur la tension artrielle et de ses effets sympathicomimtiques, soit des ractions impulsives et agressives, soit des effets hallucinognes. Comme nous lavons rappel plus haut, cest sur les processus enzymatiques de l oxydation que la mescaline exerce son action sur le tissu nerveux et les transmissions synaptiques. J. H. Quastel et A. H. Wheatley, ds 1933, avaient signal que la mescaline inhibe loxydation des tissus crbraux. Depuis, bien des travaux (souvent contradictoires) ont t consacrs ces problmes de neurochimie (J. L. Lewis et Macllwain, 1954; G. H. Deltour et coll., 1959; H. J. Den- gler et coll., 1961 ; C. A. Bradley et coll., 1961 ; H. C. Denber et coll., 1962, etc.). Nous devons noter spcialement les exprimentations sur le cerveau isol ; J. H. Quastel et A. M. Wheatley avaient, en 1933, montr que dans cette prparation du cerveau du cobaye, on observe sous linfluence de la mescaline une diminution de loxydation (de 76 % en prsence du glucose, de 62 % en prsence de lactate et de 72 % en prsence de pyruvate). F. W. Schweler (1948) a retrouv cette diminution de la consommation doxygne et not le fait quelle ne se produit pas en prsence des succinates (point qui avait t vrifi par J. Delay, H. P. Grard et J. Thuillier, 1950).

    Mais ces processus d oxydation perturbs ont tout naturellement renvoy la fameuse action antagoniste de la srotonine considre comme un caractre spcifique des hallucinognes (J. H. Gaddum, 1954). La srotonine et plus gnralement les 5 Hydroxytryptamines dans cette hypothse taient considrs, nous lavons vu, comme la table tournante du mtabolisme crbral

  • 610 LES HALLUCINOGNES

    rgl par les enzymes (amino-oxydases) et il y aurait un antagonisme (un blocage mutuel) entre les substances hallucinognes et la srotonine. Cependant, la mescaline fait exception cette rgle, elle na pas d effet antisrotonine comme nous lavons dj soulign.

    J. R. Smythies (1961) a fait remarquer quil faut pour apprcier l action de la mescaline ne pas perdre de vue quelle varie selon son activit structurale (structure activity), cest--dire selon les modalits de sa structure molculaire qui varie d un analogue lautre. Comme le disait, en 1959, G. Ansell (ajoute-t-il) les drogues peuvent affecter la personnalit cellulaire, les processus enzymatiques ou selon les configurations sattaquer telle ou telle structure en causant des interfrences avec des processus mtaboliques varis; la mescaline peut interfrer avec un enzyme en comptition avec une substance naturelle, ou encore interfrer avec l action co-enzyme ou de quelque autre substance mdiatrice .

    Limportance de ces processus et des produits des mtabolismes intermdiaires de ladrnaline qui constituent toute la gamme des combinaisons molculaires que nous avons rappeles plus haut, cette importance a mis au premier plan de lactualit depuis quelques annes les proprits bio-chimiques non seulement des phnylthylamines (parmi lesquelles la mescaline a sa place) mais aussi de ladnochrome et ladrnolutine et de leur drivs, capables de dclencher divers processus d oxydation (et de toxicit oxygnique OHP) qui sont rattachs (J. Daly et coll., 1962; J. D. Wood et W. J. Watson, 1964; N. Haugaard, 1965, etc.) aux mcanismes daction des hallucinognes et aux effets des substances hallucinolytiques (chlorpromazine). Cest donc vers une sorte de neuro-chimie ou neuro-physiologie des interactions catalytiques et enzymatiques qui rglent le mtabolisme neuronal que la plupart des travaux actuels sont orients. La plupart de ces travaux sont dailleurs conduits dans lhypothse d une assimilation de ces troubles du mtabolisme crbral et du processus schizophrnique (J. R. Smythies, A. Hoffer et H. Osmond, S. Aker- feldt, S. S. Kety) (1).

    ^ b) Laction physiopathologique sur le Systme nerveux central. Dj, A. Heffteren 1894, puis Grce en 1934, avaient not des phnomnes paralytiques chez la grenouille et le lapin et un tat de somnolence entrecoup de ractions de frayeur et d agitation chez le chien. Des comportements catatoniques ont t

    (1) Sur ce point, cf. spcialement le tableau p. 340 du livre de A. Hoffer et H. Osmond. Un des plus grands intrts de ce livre est prcisment de donner une documentation trs complte, quoique un peu confuse, sur les travaux des troubles du mtabolisme mescalinique (adrnalino-oxydase). Il faut se rapporter plusieurs chapitres de louvrage pour en coordonner les informations, cf. notamment en ce qui concerne la neurophysiologie de la mescaline, p. 63 75 (amines sympathomi- mtiques) et 271 322, puis 366 442 (mtabolisme de ladnochrome et de ladrnolutine).

  • MESCALINE PSYCHOPHARMACOLOGIE 611

    nots depuis longtemps aussi par H. de Jong et H. Baruk (1934), puis par M. H. Seevers, J. Cochin et L. A. Woods (1951), W. H. Bridger et W. H. Gantt (1956). Il semble que depuis quelques annes et en recourant aux injections intracrbrales (intraventriculaires) de mescaline chez le chien de nombreux auteurs aient confirm ce pouvoir catatonique (H. de Jong, 1945 ; M. J. Hosko et R. Tis- low, 1956; T. J. Haley etcoll., 1956et 1958). R. T. Schopp et coll. (1961) ont galement not un blocage du tonus neuro-musculaire sous l influence de la mescaline chez le chien anesthsi. Des troubles du comportement ont t nots chez les poissons (A. Saxena et coll., 1962) dans leurs mouvements vibratoires et natatoires. Chez les mammifres, Speck (1957) a observ chez les rats en prparation aigu une hyperactivit, une hyperractivit et un syndrome sympathique (exophtalmie, tremblements, sueurs) tandis quen prparation chronique les effets du toxique taient surtout lapathie et la passivit. R. W. Brimble- combe (1963) tudiant toute une srie de drivs des thyltryptamines, la mescaline et d autres amines encore, a not que toutes ces drogues dclenchent des dfcations motionnelles. D aprs J. L. Fuller (1962), ces substances et notamment la mescaline produisant chez le chat un tat de dpression stuporeuse, de dsorientation, de lapathie et des postures bizarres. Linjection intracrbrale (ou intraventriculaire) de mescaline a produit chez le chat, daprs B. E. Schwarz et coll. (1956) des symptmes catatoniques avec diminution de raction droite. F. M. Sturtevant et V. A. Drill (1956) ont observ dans ces conditions un vritable stress avec salivation, mydriase, sueurs, dfcation, urination; mais ensuite le chat devient au contraire indiffrent, sans agressivit lgard de la souris (ce qui ne se produit pas avec le LSD). D aprs les observations faites chez le chat par F. M. Sturtevant (1956) et W. B. Rice et J. D. McColl (I960), la mescaline provoque une certaine phase de son action des ractions dagressivit, voire de sham-rage . A cet gard, les effets de la mescaline seraient analogues plutt ceux de ladrnochrome que du LSD (cf. ce sujet le chapitre Animal studies of hallucinogenic drugs , in A. Hoffer et H. Osmond, p. 555-596).

    c) Neurolectrophysiologie. De nombreuses recherches ont t consacres la neuro-lectrophysiologie de la mescaline. Dj, en 1937, Kornmuller, tudiant lapplication locale du sulfate de mescaline sur le cortex du lapin, avait observ une augmentation de la dure et de lamplitude des ondes et lapparition de pointes. F. Rinaldi et H. E. Himwich (1955) ont constat que la mescaline par voie intraveineuse dclenche chez le lapin un trac dalerte. Par contre, P. Rovetta (1956) a not chez des chats chloraloss une amplitude exceptionnelle (30 fois la valeur initiale) dans la rponse voque au niveau du cortex visuel par les stimulations visuelles, tandis que lapplication locale de la solution mescalinique produit une augmentation du seuil d excitabilit corticale, et que linjection intraveineuse augmente au contraire les potentiels rtiniens ; S. Ochs et coll. (1962) ont, quant eux, observ que lapplication directe de mescaline au niveau du cortex chez des lapins anesthsis produit une synchronisation. E. R. Hart et A. S. Marrazzi (1952) utilisant la mthode des

  • 612 LES HALLUCINOGNES

    potentiels voqus au niveau occipital (par stimulation du point symtrique, cest--dire faisant intervenir la transmission synaptique intercalleuse), ont mis en vidence une dpression marque de la composante post-synaptique ; en 1953, ils ont not que le mme fait se produit avec ladrnaline et lamphtamine (1). J. R. Smythies (1961) a fait remarquer que toutes ces expriences ne pouvaient tre dmonstratives que si lon avait soin de tenir compte de la diversit des analogues de la mescaline. Pour sa part, la Worcester Foundation (1960), il a tudi les potentiels voqus chez un lapin non anesthsi. Les rponses optiques taient initialement biphasiques (dabord positives, puis ngatives), on constatait ensuite un effet dpresseur (ou inhibiteur) mais diffrent pour chaque train d ondes. En 1961, injectant de 5 10 mg de mescaline au lapin, il recueillait faible dose au niveau du cortex optique une potentialisation des ondes lectriques, mais forte dose un effet d inhibition. Depuis lors, Y. F. Takayo et H. E. Himwich (1965) ont not galement une dsynchronisation pendant ltat dangoisse avec Hallucinations, puis une tendance la synchronisation quand sinstalle la phase deuphorie. Mais depuis quelque temps, lintrt des chercheurs stant dplac vers laction du LSD, il parat moins de travaux tudiant les effets de la mescaline sur llectrogense crbrale. Cependant, comme la soulign F. A. Buscaino (Colloque de Rome, 1969), il est intressant de savoir si lexprience hallucinatoire mesca- linique est en rapport avec la phase P. M. O. du sommeil rapide , encore dit paradoxal (M. Jouvet), point dj soulign (supra, p. 554).

    Nous devons naturellement dire un mot ici (car il est bien difficile de sparer les effets proprement EEG au niveau du cortex des effets sur les

    (1) Daprs P. Pinelli et F. Savoldi (Il Lavoro neuropsich., 1968, p. 177), le LSD agirait surtout sur les transmissions axo-dendritiques cholinergiques (selon la distinction que Lai et Muller ont propose pour opposer au niveau de la formation rticule laction cholinergique et adrnergique des modulateurs de la synapse). Le travail de A. S. Marrazzi (in West, 1962, p. 36-49) doit tre spcialement signal. Pour lui, comme la srotonine la mescaline est un inhibiteur synaptique. Et si lon range toute la srie des inhibiteurs synaptiques chez le chat dans un ordre croissant, cest cet ordre que correspond, dit Marrazzi, le pouvoir hallucinogne chez lhomme. Ltude de cet auteur est principalement base sur ces expriences sur la transmission intercorticale (transcalleuse) des potentiels voqus par stimulation des radiations optiques et il conclut que linhibition porte sur les synapses axodendritiques. Si le rappel de ces exprimentations et de cette interprtation et trouv mieux sa place propos du LSD (car cest en effet cette substance qui a t tudie par Marrazzi dans ses expriences chez le chat), nous pouvons ici mentionner propos de la mescaline que Marrazzi se rapproche, dit-il, de la conception de West qui met prcisment laccent sur les release concepts de Jackson. Somme toute, l o les thories mcanistes de laction de la mescaline sattendent trouver dans la neurophysiologie une confirmation de leur concept fondamental dexcitation, cest le contraire qui se produit. Quelle que soit la valeur des expriences de Marrazzi, il nous a paru trs important de souligner le sens de lhypothse qui les anime.

  • MESCALINE PSYCHOPHARMACOLOGIE 613

    fonctions psychiques suprieures ) des effets de la mescaline, sur le highest level , sur le learning, le conditionnement, etc. Laction de la mescaline sur les liaisons temporelles acquises (rflexes conditionns) a t tudie il y a plus de trente ans par A. B. Alexandavosky, B. E. Babsky et V. J. Kryashev qui avaient montr laffaiblissement de lexcitant visuel sur le point renforc, puis par W. H. Bridger et W. J. Gantt (1956) qui, chez des chiens conditionns par stimulations auditives (conditionnement du rflexe la faradisation), ont constat quils perdent les rponses conditionnes, fait galement not par Chozak en U. R. S. S. (cf. M. Ropert, 1957). Des recherches plus rcentes sur leffet de la drogue sur les comportements acquis (rflexe conditionn dvitement) ont t, par exemple, mthodiquement conduites par J. R. Smythies et E. A. Sykes (1966) chez des rats ayant appris par conditionnement au son et aux chocs viter ceux-ci. La mescaline exerce un effet biphasique sur cette acquisition (dabord action dpressive sur lhabitude prise, puis au contraire activation). Par contre, insiste J. R. Smythies, la trimthoxyphnylamine se serait montre sans effet. tudiant ensuite leffet combin de la tolrance (cross tolrance) sous linfluence de la mescaline et de ses analogues (DMPE et DMM), les mmes auteurs ont observ que la tolrance (levant le seuil de ractivit) a diminu sous leffet du DMPE tandis que le DMM lactive. Notons enfin lintrt du travail de Rougeul, Verdeaux et Buser (1965) (1) chez le rat soumis laction de divers hallucinognes, dont la mescaline. Ils ont observ au cours de lintoxication mescalinique (comme dans leffet des autres hallucinognes) un trac dassouplissement avec trains rythmiques rguliers dondes lentes dont la frquence variait de 4 12 c/s, fait qui nous parat capital.

    Quant aux recherches EEG chez Vhomme, elles ont d abord donn lieu des recherches comme celles de A. Chweitzer, E. Geblewitz et W. Liberson (1936), de P. Golla, S. Graham, E. Guttman et W. Grey Walter (1938), et la plupart des auteurs ont mis en vidence laplatissement du trac, la diminution ou la disparition du rythme alpha. On trouvera encore beaucoup dobservations du mme genre dans les travaux plus rcents de Verdeaux et Marty (1954), de Merlis et Hunter (1955), de Sanguinetti et coll. (1955), etc. Mais celles qui sont les plus intressantes ont t faites dans le but dtablir les corrlations des tracs de veille avec la phase hallucinatoire.

    Dans leur travail dj ancien, A. Chweitzer, E. Geblewitz et W. Liber- son (1936) avaient not qu lapparition des Hallucinations visuelles correspond une priode de silence lectrique. Ce fait a t retrouv par W. Golla, S. Graham, E. Guttman et W. Grey Walter (1938) qui ont constat la disparition du rythme alpha pendant les Hallucinations, et que mme avec les yeux ferms, un sujet ayant des Hallucinations mescaliniques n a quun taux trs

    (1) A. Rougeul, J. Verdeaux et P. Buser. Signification des tracs corticaux du sommeil induit chez le chat vigile par 3 hallucinognes, Revue Neurologique, 1966, 115, p. 181-184.

  • 614 LES HALLUCINOGNES

    rduit d alpha rapide. R. R. Monroe et coll. (1957) ont observ pendant que le Sujet rpondait cliniquement ( une dose de 0,50 de mescaline) un dveloppement paroxystique de 10 c/s dans la rgion antrieure de lhippocampe gauche.

    Si nous essayons de suivre les vnements lectriques qui accompagnent les vnements cliniques dans leur volution, nous pouvons peut-tre nous faire une petite ide de lordre dans lequel ils se droulent (A. Wilker, 1954;L. S. Merlis et Hunter, 1955; Sanguinetti et coll., 1955, etc.). Le travail dj ancien de A. Chweitzer, E. Geblewitz et W. Lieberson nous parat cet gard particulirement important. Ces auteurs ont montr que pendant la premire phase de lintoxication ltat dindiffrence, dapathie et dhypertonie (sans Hallucinations), le trac reste inchang. Ensuite, pendant les trois heures qui suivent (apparition des Hallucinations visuelles avec sentiment de dpersonnalisation et dirralit) des phases de silence lectrique surviennent qui concident avec des Hallucinations visuelles ou des dreamy States (tat de rve). Enfin, pendant la troisime priode (apathie, fatigue), il y a des phases plus brves de silence lectrique avec rapparition de lalpha. Us notent cependant que durant les silences lectriques de la fin de lpreuve il n y a pas d Halluci- nations, et concluent que la corrlation entre les deux phnomnes n est, ni immdiate, ni directe, ce que parat confirmer lhtrognit des effets enregistrs depuis par les nombreux auteurs qui se sont intresss laction de la mescaline sur llectrogense centrale.

    Signalons aussi que certains auteurs (Weatley et Schnaler, 1950) ont pu dclencher l apparition d'Hallucinations visuelles par la stimulation lumineuse intermittente (S. L. I.) sous mescaline alors que la frquence du rythme alpha restait normale.

    d) Action de la mescaline sur les diverses rgions crbrales. Comme on peut le dduire de ce que nous venons dexposer notamment sur ses effets sur lapprentissage, le conditionnement, les capacits dadaptation et les modifications des potentiels lectriques, la mescaline agit incontestablement sur le cortex crbral sans quil soit bien assur quelle y exerce toujours soit un effet de synchronisation, soit de dsynchronisation, une influence d activation ou dinhibition sur les connexions synaptiques. Ses effets sur les centres spcifiques ou non spcifiques corticaux parat, en effet, varier selon les phases, la dure et les doses de lintoxication (cf. p. 612, note propos du travail de A. S. Marrazzi). D aprs H. E. Himwich (1959), la mescaline aurait une action dynamogne par son action sur la formation rticule et son systme activateur ascendant. Pour R. R. Monroe et coll. (1957), son action serait particulirement marque sur les formations du centrencphale (amygdala, hippocampe) et sur lhypothalamus, lactivit de ces formations contrastant avec un lectrocorticogramme peu altr. De plus en plus, en effet nous le verrons notamment dans la sixime Partie de cet ouvrage, chapitres I et III limportance des formations sous-corticales, du vieux cerveau , parat considrable en ce qui concerne la pathognie hallucinatoire.

  • MESCALINE-PS YCHOPHA RM A COL OGIE 615

    L in toxica tion m esca lin ique e t les au tres processus pa tho log iques ou exp r im en ta u x hallucinognes. Nous avons en 1934, avec H. Claude, puis en 1938 dans YEncphale avec M. Rancoule et dans la thse que nous lui avons inspire la mme poque, insist sur les analogies des expriences hallucinatoires que lon rencontre dans lencphalite pidmique avec les expriences hallucinatoires mescaliniques (cf. supra, p. 463).

    Il est vident plus gnralement que le Syndrome psycho-toxique aigu commun que provoquent les hallucinognes constitue le foyer mme de cette analogie et de leur convergence daction. Les analogies entre psychoses confuso- oniriques, alcooliques et mescaliniques (H. Rotondo, 1943) ont t bien souvent envisages et notamment loccasion de travaux qui ont recherch les effets thrapeutiques de la mescaline dans lalcoolisme (N. Chwelos et coll., 1958). Les analogies entre livresse mescalinique et lexprience lysergique sont gnralement reconnues assez importantes pour que, comme nous lavons dj vu ( propos du LSD), la plupart des auteurs estiment quil y a entre elles peu de diffrences spcifiques. Il suffit dailleurs de se rapporter au tableau (1) deB. E. Schwarz et coll. (1955) pour constater que dans ltude comparative de 11 Sujets soumis au LSD et de 13 Sujets soumis la mescaline, on ne peut gure voir de diffrence, lexception des synesthsies (9 pour 1) beaucoup plus frquentes avec le LSD et lexcitation psychique qui serait beaucoup plus frquente sous mescaline (?). Matefi (1952) ayant compar laction de lune et lautre drogue chez le mme Sujet avait not une tendance plus nettement catatonique quhbphrnique pendant la mescalinisation. Frederking (1955), galement chez le mme Sujet, dit que les troubles de lhumeur sont plus nets avec la mescaline, et que les effets de cette drogue sont plus profonds ... sans plus.

    Le rapprochement de l exprience mescalinique et des effets de la sensory deprivation (J. C. Lilly, 1956; P. Solomon et coll., 1957; J. A. Vernon et coll., 1958; J. M. Davis, McCourt et Solomon, 1958; J. T. Shurley (1958, etc.) a t fait bien sr, mais il semble bien que (A. Hoffer et H. Osmond, p. 40) la privation sensorielle entrane plutt un amoindrissement de leffet hallucinogne de la mescaline, comme si les messages sensoriels taient ncessaires a minima pour obtenir cet effet, fait que nous avons dj soulign (supra, p. 563) propos du L.S.D. et dont nous verrons limportance pathognique plus loin (p. 683).

    Cela nous suffit pour le moment pour montrer quels faits ont t dgags par les expriences neurophysiologiques sur l action de la mescaline et dans quelle direction ne peuvent manquer de sorienter les partisans de la thorie de la libration des images par la dsintgration des fonctions perceptives. Car, bien sr, tous les faits que nous venons de rapporter militent en faveur de lhypothse dune dsorganisation des fonctions suprieures du S. N. C. par la mescaline plutt que de celle de la production mcanique dimages par

    (1) Ce tableau publi dans les Proceedings Staff Meetings Mayo Clin. (1955) est reproduit, in A. Hoffer et H. Osmond (p. 41).

  • 616 LES HALLUCINOGNES

    excitation des nerfs ou des centres sensoriels... Ceci apparatra avec plus dvidence quand nous parlerons de laction spcifique de la mescaline sur lexprience sensorielle tant au niveau des rcepteurs que des analyseurs corticaux perceptifs.

    LIVRESSE M E S C A LIN IQ U E (1)

    Lexprience mescalinique a fait depuis les premires observations de Louis Lewin (1888), de Weir Mitchell (1890) et de Havelock Ellis (1897), depuis surtout les travaux de A. Rouhier (1927), de K. Beringer (1927) et de H. Klver (1928), lobjet d un nombre considrable d tudes cliniques et exprimentales (auto-observations et observations). Tous les grands ouvrages auxquels lindex bibliographique de ce chapitre renvoie sont pleins de ces descriptions et notamment d auto-observations de mdecins, de psychologues, d artistes (2). Nous allons extraire de cette masse de faits quelques exemples choisis pour montrer lexprience mescalinique dans son droulement typique lectivement visuel, avec phnomnes de dpersonnalisation, puis exprience dlirante onirique, plus nettement confusionnelle ou subconfusionnelle mesure que l ivresse gagne le sujet.

    Les descrip tions e t auto-observations typiques.

    Le premier type est parfaitement illustr par lauto-observation de Rouhier ( tout Seigneur tout honneur) (3). Voici comment la mescaline a ouvert ses

    (1) Meskalinrausch , cest le titre mme de louvrage que K. Beringer a publi en 1927 en mme temps que paraissait celui de A. Rouhier en France.

    (2) Les auto-observations les plus commentes dans la littrature (en dehors bien sr de celles de A. Rouhier, de Beringer et de K. K lver) sont celles de H. Serko (1913) jusqu celles de Henri M ichaux ( Connaissance par les gouffres) (1961), en passant par les centaines dauto-expriences qui daprs Soghani et Sagripente (1957) ont t publies. Parmi celles-ci, celle de P. Quercy (1930), de E. Morselli (1936), de H. C. D enber et M. Raclot (1955), celle de Aldous Huxley (1954) mritent dtre spcialement signales. Pour notre propre compte, 0,50 de sulfate de mescaline (1934) nont produit chez nous que des effets vagues et nous navons prouv que quelques illusions sensorielles (dysmgalopsie, mouvements apparents des objets dans une atmosphre de lgre obtusion et avec un sentiment de malaise assez dsagrable). Si nous navons pas pu obtenir dexprience directe de la mescaline, par contre nous avons beaucoup expriment cette drogue (une cinquantaine de cas entre 1934 et 1937). Ces observations nont jamais t publies. Cest tout de mme elles que nous songeons en crivant ce chapitre sur livresse mescalinique.

    (3) Il est assez piquant de remarquer que dans limmense bibliographie de A. Hof- fer et H. Osmond (six pages entires, p. 75-81) le livre de A. Rouhier nest pas mentionn...

  • L'IVRESSE MESCALINIQUE 617

    yeux merveills la ferie des images. Cest du point de vue phnomnologique surtout une exprience d'idolies hallucinosiques quil a dcrite.

    Le 8 fvrier 1914, il prit de 16 h. 15 19 h. 30, sept cuilleres caf dextrait fluide de peyotl.

    A 20 h. 30, des visions commencrent se produire. Elles apparurent insensiblement (dessins gomtriques ressemblant une tapisserie dessins en forme de sablier, etc.). Elles lui apparurent dabord comme leffet de sa tension crbrale, puis elles se prsentrent inopinment dans une succession dintensit progressivement croissante jusqu 21 heures (moment o apparat le stade nauseux).

    Il a not que les formes perues taient dune faible luminosit, les objets quelles reprsentaient taient vagues et imprcis, aperus comme une pnombre. Il insiste sur le fait que lintelligence et le sens critique taient absolument nets . Voici comme il les dcrit :

    Deux masses sombres bordent de chaque ct le champ visuel et se rejoignent par le bas; en haut, une zone claire. J ai limpression du ciel lumineux dune nuit de lune, aperue entre deux masses sombres des maisons bordant une rue obscure, vue en perspective. Du znith tombe une multitude de points blan- chtres, anims dun mouvement incessant; on dirait une chute dtoiles, parfois une chute de neige. Par deux fois, dans le mme dcor... de petites sphres mi- partie blanche et rouge ou mi-partie vert et rouge, excessivement lumineuses.

    ... J ouvre un instant les paupires, puis les referme. Une figure humaine apparat, du ct externe de mon il gauche, blanchtre, un peu floue, mais dune si grande nettet de caractre et dune personnalit si saisissante que j en sursaute littralement de surprise.

    Un palier dtage se dessine. Une porte latrale y donne, ouverte face la descente descalier. Un balai de crin mani par quelque invisible personnage sort et rentre rythmiquement par cette porte. A chaque sortie, le balai se spare de son manche et tous sen vont sur le palier comme une procession de grosses chenilles brunes. En mme temps, il semble pousser hors de la chambre un tapis lumineux et sans fin, dune belle couleur jauntre qui coule en ondulant le long des marches comme une nappe de clart. Un arrt. Le balai a disparu, la procession des grosses chenilles sombres a cess, et voici le lumineux tapis qui remonte lescalier, indfiniment, dun lent mouvement rgulier et qui sen- gouffre dans la chambre.

    . . . Puis dans tout mon champ visuel, passent des masques, une quantit de masques de toutes formes et de toutes couleurs; cest une vritable obses- sion. Il y a des masques de carton, de cire, de toile blanche encolle, des masques japonais, des loups roses, rouges, jaune paille, verts, noirs. Les couleurs en sont sans vivacit ni clat, mais leur contour sont nets et prcis; leurs formes exactement dlinamentes, et cependant je les perois comme travers une brume. La face douloureuse dune Niob de bronze noir passe lentement, une fois en entier, une autre fois fragmente et rduite sa moiti infrieure, puis un masque en carton de couleur rouge brique, reprsentant un Indien. Je le reverrai, lui aussi, rduit sa moiti infrieure, un peu plus tard aprs avoir vu dfiler dautres visions.

    Un candlabre de forme trs archaque, plusieurs branches garnies de bougies, surgit. II est de couleur fonce et de dessin peu prcis, mais les bougies

  • 618 LES HALLUCINOGNES

    allumes sont des flammes trs longues, finement effiles, couches horizon- talement de gauche droite et dune couleur pourpre dlicieusement lumineuse et pure.

    La figure humaine vue au dbut reparat ma gauche, trs prs de moi et me regarde.

    ... Un hall public, vague rminiscence de la Salle des dpches du Progrs de Lyon. Un mur, vu en perspective trs fuyante va de droite gauche; il est garni de masques de couleur, rouges, bruns et noirs, ces derniers dun dessin trs net et dun noir velout trs pur. Une forme indcise de couleur marron (petit chasseur coiff dune casquette bandeau rouge vif) passe, rapide, vue de dos. Elle semble slever contre le mur, en diagonale, suivie inlassablement dun dfil de formes semblables, animes dun mouvement rgulier.

    21 heures : nauses violentes suivies de vomissements. Ceci fait, mon malaise stomacal disparat entirement; je me trouve tout

    fait mon aise en position horizontale. Un petit chat familial vient se coucher auprs de moi; je le caresse machi-

    nalement sans le voir (ayant les yeux ferms); la sensation tactile se transforme immdiatement en une image reprsentant un chat allong suivant une oblique de 45 par rapport au diamtre horizontal du champ visuel, dont la tte de lanimal occupe le centre. La couleur du chat imaginaire est celle du chat rel : gris fauve ray de brun.

    Vision de fragments irrguliers et mal dfinis, de couleur noire, dun beau noir velout et franc, dun noir profond et superbe qui excite mon admira- tion. Ces fragments se trouvent dans le secteur infrieur du champ visuel.

    ... Parfois des clairs violents comme des soleils qui clateraient dans du noir se produisent, toujours au mme point du cercle visuel : quart suprieur droit. Ils me produisent, tant ils sont lumineux, limpression dun vritable choc sur la rtine.

    Vision de gravures vagues, marges blanches, vues moiti ou se recouvrant les unes les autres.

    Des masques encore, de moins en moins nets. Un masque de grande barbe en tarlatane amidonne parat en haut gauche.

    Vision dun tunnel de couleur brun cuivr. Les lignes qui le composent semblent converger vers linfini dans la direction duquel se meut le sol, comme un trottoir roulant, de couleur plus claire que les parois et mouchet dune infinit de points blanchtres.

    Lune aprs lautre, deux figures humaines surgissent toujours gauche du champ visuel. Elles sont en noir et blanc comme des photographies.

    ... Puis apparat trs net, bien que vu dans une obscurit sans cesse crois- sant, un lion brun jauntre accroupi et vu de face. Ses deux pattes antrieures sont croises lune sur lautre. Quelque chose cependant me gne pour bien le voir : une paisse ligne verticale confuse assez semblable un poteau de bois sombre qui le partage en deux. Cela rend limage trs pnible regarder. Le lion se remue lentement; je nai aucun sentiment de crainte, je sais bien que cest une vision et je regrette quelle soit mal claire.

    Brusquement le lion se transforme en un monstre de mme couleur, dun aspect extraordinaire : son corps est bien celui dun quadrupde, mais la tte est remplace par un gros coquillage vivalve qui baille.

    Ce sont l les dernires visions bien nettes...

  • L'IVRESSE MESCALINIQUE 619

    Familier avec les visions type d idolies hallucinosiques que nous avons dcrites prcdemment, cest bien ce phnomne portant l image hypna- gogique son comble de constance et d incoercibilit que nous renvoie cette auto-observation princeps .

    Lobservation n 2 rapporte par Rouhier, celle d un tudiant en pharmacie (1er mars 1919) et celle de Mme de S. (14 avril 1919) sont en tout point semblables Par contre, celle de Mlle Alia de K. (10 avril 1919) correspond au premier niveau de dstructuration du champ de la Conscience, celui o se dveloppe une atmosphre d excitation psychique avec sentiments de dpersonnalisation qui enveloppe les visions idoliques.

    15 h. 45. Pouls 80. Absorption de 0 gr. 50 de Panpeyotl.16 h. 05. Pouls 78. Absorption de 0 gr. 50 de Panpeyotl.16 h. 30. Griserie lgre. Surexcitation nerveuse marque. Sensation de

    grande lucidit intellectuelle. Le visage et les yeux sont trs anims.17 heures. Absorption de 0 gr. 50 de Panpeyotl. tat de rverie vague.

    Concentre avec facilit son esprit sur divers sujets.17 h. 15. Les yeux clos, voit des boules vertes passant sur un fond bleu.

    Puis des points rouges; un animal imprcis; des ondes toujours changeantes, de couleur vague. Ces visions sont trs indistinctes.

    17 h. 22. Une petite mdaille en porcelaine bleue qui appartient sa sur... Elle devient indistincte, puis disparat.

    17 h. 45. A ce moment, Mlle de K. est envahie par un sentiment trs net et persistant de ddoublement de sa personnalit : la sensation de deux Moi sinstalle en elle, un Ego (sic) trs lucide et normal semblant commander un autre Moi quelle mprise. Elle est trs gaie et rit sans cesse.

    17 h. 50. Sa voix lui donne, lorsquelle parle, une impression de raucit; il nen est rien en ralit; il lui semble quelle entend parler une autre personne dont elle rit beaucoup.

    Elle se lve, ouvre les yeux, cause avec nous trs raisonnablement. Puis elle referme les yeux, voit des choses rouges. Elle se moque de son autre Ego . Elle le mprise normment et se flicite que dans sa vie ce nest pas cet autre Moi qui gouverne; cest une espce dandouille! Elle rit beaucoup de nous entendre rire, nous dclare que son tat prsent lui est trs agrable, constate sa lucidit desprit : Heureusement que lesprit domine le corps, cette bte!

    18 heures. Accroupie sur le divan les yeux ferms, elle converse avec nous trs normalement mais avec loquacit : Vous mavez donn des sensations exquises! Elle annonce une lueur mauve pointille de taches vertes, puis des couleurs qui nappartiennent certainement pas moi, mon corps intellectuel mais mon corps motionnel... Ces sensations ne peuvent agir sur le Moi ... Quand je vous parle, ce nest pas Alia qui parle, ni son corps, mais quelque chose dintermdiaire... Cest la petite bte... Elle nest pas mauvaise la petite bte, mais elle est trs enfant .

  • 620 LES HALLUCINOGNES

    18 h. 05. Elle annonce une vision bleue, trs bleue qui subsiste un certain temps. Elle est trs excite et regrette de ne pas se souvenir dune sensation de supriorit vraiment tonnante quelle vient davoir : Je peux me gouverner trs bien!... Comme cest complexe un tre humain!

    18 h. 08. Vision dherbes vertes, de ciel bleu : Ce ne sont pas des visions tonnantes!

    Je lui parle de Papa Hankass, son petit singe favori; elle stonne : Mais j y pensais!... Est-ce spontan ce que vous venez de dire?... Je laime bien .

    18 h. 15. Pouls 64. Mlle de K. semble plus tranquille, sans visions et parle delle la troisime personne : Elle est redevenue elle-mme. Lautre est dompte maintenant . De nouveau elle trouve que sa voix est rauque et constate que les paroles nexpriment pas ce quelle ressent : elles rendent faux ce que je pense .

    Ltat de nervosit reparat. Elle se lve, va et vient dans lappartement avec assurance.

    18 h. 25. Son ivresse continue dtre agrable et hilare.Elle parle delle avec beaucoup dintelligence et de prcision, mais toujours

    comme si elle tait double. Elle ne cesse dapprcier un de ses Moi : Elle nest pas mauvaise la petite bte, vous savez ! Elle est trs jeune, elle est tout enfant ! Elle dclare que son autre Moi , le plus intime, est trs vieux, lui, trs intelligent .

    19 h. 10. Elle ouvre les yeux. Son ivresse alors est diffrente. Mlle de K. semble avoir ce moment une prescience assez impressionnante des tres et des choses qui lentourent. Elle chante trs dlicatement.

    ... Les yeux ouverts, elle reparle de ses diffrents Ego : Est-ce quil ny aurait pas plusieurs personnes en soi-mme? . Elle a envie de parler russe et, ce qui ne lui arrive jamais, chante en russe avec vocalises.

    19 h. 20. A genoux sur le divan, elle continue chanter avec beaucoup dexpression. Voil des colliers de corail. Oh! comme j ai vcu antrieurement! Suit un petit discours vanglique prononc toujours accroupie et les yeux ferms : Il faut tre simple, sans orgueil et faire tout son devoir sans chercher le pourquoi des choses. On na pas assez dtoffe pour cela. Il faut avoir une grande indulgence pour tous les hommes et ne pas les traiter comme des fourmis. Il faut tre sage et ne pas prendre de cette plante dans le seul but davoir des sensations!... (un silence)... Ah! je les vois! ils sont noirs, tout nus, avec un petit pagne seulement... Je vois un squelette, mais je n en ai pas peur!

    20 h. 45. Mlle de K. rouvre les yeux. A partir de ce moment, jusqu minuit et demi, elle naura plus que de rares visions lorsque ses paupires seront closes et elle monologuera presque constamment, lgrement divagante, trs loquace. Il y a une loi de gravitation et de pesanteur pour les astres et les toiles. La mme loi rgit intellectuellement les hommes : cest la loi des attirances et des rpulsions constituant la loi de grande unit qui relie tous les humains les uns aux autres... Les saints, les asctes, les intellectuels suivent des chemins diffrents pour arriver au mme but...

    Sa tte lui semble en feu (elle est trs chaude). Elle rit doucement ses penses intrieures... Elle voit des gens vilains .

    Sadressant moi, dit Rouhier, elle me dit que cest ma prsence qui lui pro-

  • L'IVRESSE MESCALINIQUE 621tcure cette grosse suractivit crbrale et que cest probablement parce quelle sent que la chose mintresse quelle est assaillie par cet norme flux de penses.

    Il sagit bien d une exprience mescalinique dlirante un niveau global de dstructuration du champ de la Conscience o tout est vcu et vu dans une tonalit hypomaniaque. Le facteur dauto-suggestion (la partie positive introduite par le Sujet dans cette exprience) y apparat nettement dans le sens d une disposition hystrique de la personnalit et probablement aussi d un transfert positif l gard de lobservateur.

    Voici maintenant un petit extrait de lauto-observation de Serko que nous reproduisons ici car elle est trs souvent cite pour la description des idolies lilliputiennes et cristallines dans le sens de Hoffer et Osmond quil a vcues :

    Elles apparaissent toujours dans leur propre champ de vision en forme de disque microscopique et elles sont trs diminues, elles ne se rangent pas dans le cadre rel, forment plutt un monde elles, monde de thtre en minia- ture; elles nont aucun rapport avec le contenu momentan de la Conscience et semblent toujours subjectives...

    Elles sont trs finement ciseles et se couvrent de couleurs vives; elles se pr- sentent de prfrence dans une perspective profonde et changent constamment... Quand les yeux se meuvent, elles ne changent pas de position dans lespace. Leurs contenus se prsentent suivant un mouvement ininterrompu; ce sont des modles de papiers peints alternant avec des bouquets de fleurs, des ara- besques, des dmes, des portails gothiques, des jardins merveilleux, des pay- sages, des alles, des visages grimaants...; une cration et un anantissement ternel, un changement sans rpit, voil le caractre de ces illusions des sens .

    Nous rapporterons encore lobservation dune tudiante en Mdecine qui accepta, lors de nos recherches en 1934, de se soumettre une deuxime mesca- linisation (0,30 puis 0,10 de sulfate de mescaline) :

    A 14 h. 35. Subanxit. Impression de mouvements du lit. Nauses.A 14 h. 40. Torpeur. Envie de dormir et hyperesthsie sensorielle (plus

    illusionnelle que relle).A 14 h. 45. Phnomnes colors. Cest le cas de dire que je vois 36 chan

    delles . Lgre exaltation.A 15 heures. Les yeux ferms, a limpression de voir se succder des images

    trs vite... Une fort de sapins et sur le mme rythme un dfil fasciste avec le bras tendu... Mouvements de foule. Ttes de monstres dans le carnaval. Il y en a 4 ou 5... Ouvre les yeux et dit : Je voyais ces images... oui, cest plus vif que la reprsentation... Nouvelle fuse de phosphnes. Vague d 'angoisse, sueurs froides.

    A 15 h. 10. Nouvelle injection de 0,10 de sulfate de mescaline.A 15 h. 35. Angoisse. Pouls : 100. Larmoiement. Lgre dysarthrie. tat

    subconfusionnel. Les plis du rideau remuent darrire en avant et dans le sensEy. Trait des Hallucinations. 21

  • 622 LES HALLUCINOGNES

    latral. Un pli pris dans la porte lui donne limpression dun grand mouvement. Tout est barr de raies lumineuses de tous les cts.

    A 15 h. 45. Angoisse. Sentiment de peur. Impression de mort imminente. Crainte que son cur ne sarrte. J ai vu mes mains macules de sang, de grosses pattes sales qui ne sont pas moi . Effectivement, regarde longtemps ses mains avec attention, trs anxieuse. Ds que je fixe un objet il se dforme trs vite .

    Interroge sur des questions danatomie du systme nerveux, ses rponses sont mauvaises, fragmentaires. Elle drive perptuellement et son attention est continuellement capte par des images . Sa reprsentation du systme nerveux est trs concrte, faite de schmas en couleurs. Elle rit et a conscience de ses troubles.

    A 16 h. 10. Elle peroit des mouvements de danse trs lents. Si elle passe sa main sur les yeux ses doigts restent imprims sur sa rtine (images conscutives trs vives). Elle peroit des mouvements de corps bien mouls comme sur des vases grecs . Elle voit un corps de femme trs beau, qui grandit quand elle regarde. ( Quest-ce que je tiens dclare-t-elle . On ne peut pas dire linfime partie de tout ce que je vois dfiler... (Au dbut je me disais : oh! je naurai pas grand-chose mais je me sens plus atteinte que la premire fois) . En fermant les yeux elle voit des couleurs trs vives. Elle essaie de se lever. Na plus la notion des distances... Le parquet lui parat trs beau... Ah! dit-elle, je suis partie ... Cest dgotant!... Elle sent des picotements dans les mains. Ah! cest formidable, dit-elle. Cest un jeu de lumire baroque, une desse avec mille bras. a se transforme... Un bcheron qui coupe du bois. Ce sont des jeux de lumire des Mille et une Nuits. Au fond, encore cette sorte de desse... Ah! mais tout a nexiste pas!...

    Vers 17 heures. Cauchemars. Angoisse. Crainte de la mort imminente. Variation dhumeur. Rit, puis garde longtemps le silence. Assoupie.

    A 17 h. 40. Sensation de la dure correcte. Raconte quelle vient davoir des Hallucinations formidables, comme des verres sculpts... Quand on ma mis le brassard pour la tension artrielle, j ai eu l 'impression quon me mangeait le bras. Mon pouls mapparaissait tout lheure comme un corps tranger sonore...

    Peu peu tout sapaisa et la lucidit redevint complte.

    Si nous avons choisi cette observation parmi les dizaines d autres pour exposer les aspects subjectifs de l exprience vcue pendant l ivresse mesca- linique, cest pour deux raisons. La premire, cest quelle reprsente dans notre propre matriel clinique une sorte d observation typique, notamment par l importance des sentiments d anxit, la tonalit gnrale d angoisse et de malaise, atmosphre en quelque sorte symtrique mais de mme niveau que l euphorie que lon observe aussi souvent la seconde, cest que nous y saisissons la dstructuration de la Conscience au niveau pour ainsi dire moyen, celui d un tat onirode subconfusionnel.

    Bien entendu, les potes quand ils se soumettent l action de la mescaline trouvent des accents plus riches pour exposer ce quils ont vcu (1). Rappor-

    (1) Cf. le petit livre que J. de Ajuriaguerra et F. Jaegg (1964) ont consacr aux dessins dHenri Michaux faits sous linfluence de la Mescaline.

  • L IVRESSE MESCALINIQUE 623

    tons-nous la transcription musicale, pouvons-nous dire, que fait H. Michaux {Connaissance par les gouffres, p. 73-88) de sa propre exprience mescali- nique :

    Aprs cette ouverture , voici comment il dveloppe le thme musical de lexprience mescalinique :

    Pour introduire son rcit de lexprience vcue, Michaux accorde sa lyre : Fatigant... Mystrieux... Tressaillements... Bourgeonnements sans achve- ments... Mescaline qui de tout sait faire de la Majest... qui sengage dans les profondeurs introduisent saveur, dveloppant saveur, enfilant saveur, au- del... au-del... au-del... Cercle magique au-del des projets... Belvdre contrlant toute la situation... Significativement aussi, avertissement vient, se lve, parat, disparat, reparat, avertissement qui narrive pas mavertir... Musique qui me laisse suspendu ses lacets... Amolli le monde, amolli tout entier devenu flots et qui coule...

    Aprs cette ouverture , voici comment il dveloppe le thme musical de lexprience mescalinique :

    ... J avais quelque peine redresser la barre. Me croyant malin je mis la radio, mais trs en sourdine. Cest alors que je glissai, que a glisse, que tout glisse... Je coupai presque aussitt, mais la musique coupe continue.

    Dsolidifi, devenu flou, le monde davant mtait soustrait. La musique annule, son enchantement navait pas t annul. La musique je la com- prenais prsent est une opration pour se soustraire aux lois de ce monde, ses durets, son inflexibilit, ses asprits, sa solide inhumaine matrialit. Opration russie! Ah! oui, au-del de toute russite, au-del de ce quaucun compositeur avait jamais russi. Il ny avait plus de monde, il ny avait plus quun liquide de lenchantement. Cette rponse que fait au monde le musicien, je n entendais plus que cette rponse, rponse par le fluide, par larien, par le sensible. J tais dedans, englouti!

    ... Dans des courants, n esprant plus lintervention de qui me dchanterait, je dus souvent perdre le contact. A chaque reprise de Conscience, le miel tait l, toujours menrober.

    ... Le soir, la pluie se mit tomber. Vienne le dluge! aspirai-je. Vienne le dluge qui inonde tout! J ai une me; maintenant, pour ce dluge, merveil- leusement accorde et plus que No, une me tout autrement accorde au dluge.

    Ah! ce quon est dupe, dupe perte de vue. Mescaline utile au moins faire voir cela.

    ... A celui qui a pris de la mescaline, en dose suffisante, toute vocation musi- cale est gnralement impossible.

    ... Les rythmes, de toute vidence (comme il appert par la parlante descrip- tion du Dr. Binswanger) taient lessentiel, le rythme cosmique. Dans la mes- cline, les rythmes, en effet, sont trs frquemment prouvs. Il est mme ton- nant quils se tiennent si indpendants de la musique, quils ne laccrochent jamais, ou presque jamais, ou mal. Il mtait moi-mme arriv quelque chose de fort hybride et j attendais pour en parler une aventure plus probante, qui ne sest jamais trouve. J en dirai donc quelques mots ici. Ctait en 1956, au

  • 624 LES HALLUCINOGNES

    cours dune sorte de transe rotique . Le principal de ce qui mtait arriv en ce jour, ctait des visions orgiaques et fantastiques et des rythmes de mme. Subitement, des chants sortirent, oui, sortirent. Car autant que je les entendais, je les sentais sortir, devant sortir, presss de sortir, mouvements phonateurs incoercibles, qui sans doute venaient des choristes, dont j entendais les voix, mais avaient aussi leur origine dans ma gorge, possde dune sorte denvie vocale qui me rendait co-participant et actif.

    Ce que ctait? Des passages des Trois Petites Liturgies de la prsence divine , dOlivier Messiaen. Mais dans quel tat! Passages coups plutt, et des coupes qui eussent t faites par un homme au comble de lnervement qui ne peut pas supporter des sons de quinze secondes de suite mais qui en reviendra souvent toujours aussi exaspr, toujours avec le mme lan insens. Les frag- ments en taient si prcipits quon sattendait les entendre hoquets, mais non, le bourgeonnement bouffon saccrochait, sans une faute, malgr linvrai- semblable vitesse, malgr les dclenchements de notes semblables des vacua- tions prcipites, semblables des rafales. Dbordante et linstant daprs arrte, la musique de plus en plus allait, contrefaite, dni de musique, dni de mystique. Jamais je n aurais cru une musique capable de devenir aussi dver- gonde, entremetteuse, libertine, folle, impie, ignoble, subversive.

    . . . Mme trononne, mme vilipende, mme parcourue de dbcles, elle navait rien deffondr. Une jouissance ignoble tait son centre, sa nature, son secret, jouissance omniprsente, spasmodique, insoutenable. A lentendre, la suivre, on tait soumis des tiraillements, des arrachements.

    ... Les cataractes immenses dun trs grand fleuve, qui se serait trouv tre aussi lnorme corps jouisseur dune gante tendue aux mille fissures amou- reuses, appelant et donnant amour, cet t quelque chose de pareil.

    Mais ctait la musique, plus insatiable que nimporte quel monstre, la musique possde du dmon mescalinien, livre ses dvastations, ses retour- nements et sy livrant...

    Caractristiques psychopathologiques de lexprience m escalinique.

    La classification des phnomnes prouvs ou observs au cours de lintoxication mescalinique est trs difficile, et chaque auteur ou acteur de cette exprience la pense ou la raconte selon ses propres conceptions et parfois ses prjugs. Bien sr, doit tre limine de cette phnomnologie toute exprience faite chez des sujets dj malades, car on ne sait plus ce qui revient l action de la drogue ou celle de la maladie, rgle de mthode qui a t trop souvent enfreinte. Mais le tmoignage du Sujet sain appel tmoigner devant le tribunal psychiatrique est aussi sujet caution. Il est aussi le dfenseur de sa propre cause qui est, bien sr, le plus souvent celle du narcissisme. D un narcissisme du Sujet qui, dans la description des faits, ou bien leur te tout ce qui peut ressembler un trouble, une folie ft-elle brve ou bien leur ajoute profusion l hyperbole de ses dons, sinon la prtention de son propre gnie. Mais il y a encore une autre difficult qui tient la nature

  • CARACTRISTIQUES DE L'EXPRIENCE MESCALINIQUE 625

    mme des choses celle-l : cest que l exprience vcue mle tous les plans, confond souvent tous les symptmes de la smiologie classique qui y perd son latin . De sorte que les uns, en dcrivant ce ple-mle d illusions, d Hallu- cinations, de sentiments d tranget, de dpersonnalisation, ces troubles de l espace vcu et du temps vcu, leuphorie, lindiffrence, lanxit, la lucidit ou lobnubilation de la Conscience, etc., minimisent gnralement le vcu en le prsentant comme sil ne reprsentait quune somme de petits accidents perceptifs, amusants, pittoresques, tranges ou secondaires quils dcrivent avec une infinie prcision et que les autres les dcrivent dans le mouvement lyrique qui les emporte comme de merveilleuses et fantastiques aventures non seulement esthsiques mais esthtiques.

    Mais ces rserves, et fort importantes, tant faites, voyons comment en gnral sont dcrits les phnomnes qui composent lexprience mescali- nique (1). Suivons l ordre et lnumration des phnomnes, selon J. Delay et H. P. Girard (1950), tout en compltant la description de ces auteurs par le supplment que notre propre exprience clinique ou celle des autres nous permettent d y ajouter.

    Les troubles thymiques . Ils revtent la forme de lexcitation ou de la dpression. Tantt, en effet, le sujet se sent transport , merveilleusement bien , tout lui parat beau et facile. Il se sent d un enthousiasme dbordant. Les choses sont comiques. Tout est amusant et fait rire. Jeux de mots, calembours, fuite des ides (rappelant, disent Delay et Grard, celle du haschich). Il sagit, soulignent encore ces auteurs, d une excitation psychique strile, avec sensation d nervement et instabilit motrice. Ltat que les auteurs franais (G. de Clrambault) ont toujours dsign par le terme de mentisme en parat constituer le mouvement incoercible. Tantt, au contraire (et ceci nous parat beaucoup plus frquent que ne le disent J. Delay et H. P. Grard pour qui l humeur dpressive serait au contraire moins frquente), il sagit d un vcu tonalit dpressive avec prdominance de tristesse et de pessimisme; et ce sont des pleurs, des reviviscences, des remords, des deuils, des scrupules, des auto-accusations. Et plus souvent encore de forts courants d angoisse, de vagues de panique qui ne va pas toujours sans une certaine agressivit (M. Ropert). Bien souvent aussi, l tat psychique est comme emport dans le vertige d un tat mixte o se mlent l excitation et la dpression dans une proportion voisine de celle que Kraepelin dcrivit dans le mlange maniaco-dpressif des troubles de lhumeur . Tel est, nous semble-t-il,

    (1) Lordre mme dans lequel ils sont dcrits par les divers auteurs est lui- mme indicatif de linterprtation qui en est faite. Cest ainsi que pour R ouhier ce sont les illusions et Hallucinations visuelles qui sont primaires (initiales, constantes et presque les seules manifestations) comme pour P. Quercy qui dcrit naturellement son auto-observation avec la foi d Opsiphile que pour D elay et Grard ce sont les troubles de lhumeur, tandis que pour E. Morselli ce sont les phnomnes de dpersonnalisation qui sont primordiaux, etc.

  • 626 LES HALLUCINOGNES

    ce premier halo d exaltation et dangoisse qui enveloppe et annonce lclosion des phnomnes hallucinatoires (A. Wikler, 1954). Cependant, certains auteurs croient que ces troubles de l humeur seraient secondaires l apparition des Hallucinations. Notamment, l anxit rsulterait du caractre pathologique mme des Hallucinations (G. T. Stokings, 1940).

    Troubles psycho-sensoriels. Et cest videmment ici que les descriptions sont le plus souvent le reflet des prjugs thoriques. Mais on peut les purifier de leur contexte doctrinal en se rapportant lexprience objective moyenne que Ton peut avoir comme nous lavons vu de nombreuses expriences subjectives, soit en se rapportant aux innombrables descriptions des auteurs pour en dresser un catalogue en quelque sorte typique des phnomnes, lesquels se prsentent sous la forme didolies hallucinosiques que nous avons prcdemment dcrites, et surtout dans les phases initiales ou dans les degrs lgers de l intoxication mescalinique.

    ) Hallucinations visuelles. Cest le phnomne le plus frquent, le plus constant et le plus saisissant (A. Rouhier, 1927 ; K. Beringer, 1927 ; H. Klu- ver, 1928); celui aussi qui, tout en tant le plus souvent envelopp du halo dysthymique , peut aussi le prcder et, en tout cas, fait avec lui un effet de contraste spcifique. On dcrit ainsi de typiques rrotidolies apparaissant principalement dans la sphre visuelle (phosphnes, photopsies, jaillissement de formes gomtriques, figures hexagonales, arabesques, images srielles parfois lilliputiennes, de flammes, de lumires, de couleurs). Ces phnomnes visuels saccompagnent ou, plutt, sont insparables dillusions et de distorsions perceptives (dysmgalopsie, mouvements apparents, mtamorpho- psies, etc.). Ils apparaissent plus facilement la pression des globes oculaires ou les yeux tant ferms. Sur ce fond de perturbation, d obscurit de subocclusion du champ perceptif, surgissent alors des images tranges et parfois colores, soit dobjets inanims, soit danimaux ou encore de figures humaines. Nous retrouvons ici dans les auto-observations toutes les images du bazar idolique, avec ses carreaux, ses roues, ses cercles, ses spirales, ses treillis, ses somptuosits aussi, celle des cristaux, des gemmes, des pierreries, des couleurs fluorescentes, ses enseignes lumineuses ou ses lumires d aquarium, ses gerbes colores et ses feux d artifice. Le plus souvent, cest dans le mouvement et la transformation kalidoscopique (morphopsies) que toutes ces images se succdent et se dveloppent. Parfois cependant, elles sont immobilises, ptrifies dans une sorte de sulfur ou fixes comme dans une photographie ou une plaque de lanterne magique. Voici, par exemple, comment un des meilleurs spcialistes des Hallucinations (P. Quercy) dcrit ses propres idolies mescaliniques :

    1 Une range dune trentaine dlphants, identiques. Chacun porte, brillant comme une aigrette lectrique, un miraculeux cornac. Lensemble, trs vivant est un petit bibelot dtagre.

    2 Sur un mur, un revtement de plaques en biscuit de Svres; ou plutt, pas

  • CARACTRISTIQUES DE L'EXPRIENCE MESCALINIQUE 627

    de mur, pas de revtement, mais une seule plaque, peuple, sur fond bleu, dune grappe damours en haut-relief. Un instant aprs, cest un burg ruin, au soleil couchant.

    3 Un didre droit ouvert gauche. Le plan vertical est le blanc, vertigineux, dun gros cargo dont mon regard frle le profil; lautre, le plan horizontal, est la surface dune mer verte.

    4 Verticale et droite, une fort sous-marine et, sa lisire, schappant des troncs vers la gauche, un dpart de mduses.

    5 Un cheval, mais dabord un cheval de zinc, obse et dun art rsolument cubiste. Il se transforme soudain en une rossinante de bois portant sur son dos un grand toit de chaume.

    6 Les rideaux de la Vierge de Raphal Dresde. Ils scartent, on peut voir ce quils dvoilent : un berceau dargent; et le malade murmure : Dans la lumire, un grand berceau dargent, une adorable balancelle, pour un roi de Rome heureux .

    7 Un magasin de ficelles. A ma gauche, lextrme limite visuelle, un plancher, un mur, des rayons, et partout des pelotons, des chevaux, en rangs, en paquets en chapelets, en tas.

    Toutes ces images-objets sont souvent comme relies aux objets rels avec lesquels ils sintriquent (paridolies) ou sur lesquels ils glissent (Hallucinations stalant la surface des objets). On note aussi l importance des images conscutives (mthestsie) , des troubles de la perception des couleurs et des formes (cf. par exemple le travail de A.-M. Hartman et L. E. Hollister, 1963). Car la perception des couleurs dans l exprience mescalinique est celle qui, naturellement, a t la plus tudie. La couleur figure, en effet, dans cette exprience soit sous forme d idolies, fulgurantes lmentaires mono- ou polychromes, soit d un enchanement scnique qui dj constitue un film en couleur. Parfois, il sagit de couleurs clatantes qui dbordent comme dans les images d pinal mal imprimes les contours d objets, les bariolant, les enrichissant de leur profusion et de leur mtamorphose chromo-cinmatographiques; elles alternent souvent par couples de couleur complmentaire (bleu-jaune, rouge-vert, noir-blanc) comme lont soulign W. Mayer-Gross et J. Stein, ou saccompagnent de troubles de la perception des couleurs (hyper- chromatopsie ou mlange dans la perception des couleurs, comme le signale Beringer). Les objets multicolores perdent leur unit (crivent J. Delay et H. P. Grard, 1950), les plages de coloration diffrentes sisolent, des formes nouvelles apparaissent . Parfois et peut-tre le plus souvent (H. Klver, Aldous Huxley, etc.), il sagit plutt d une sorte de luminosit fantastique du champ visuel, soit quil soit satur de couleurs, soit quil soit surtout vcu comme une illumination prodigieuse. Libration de plages colores lumineuses ou ombres et moindre exigence des facteurs intellectuels de liaison (de Gestaltisation) crent dans tout le champ visuel une floraison d idolies multiples, soit dans leur juxtaposition anarchique dans lespace, soit dans leur succession cinmatographique dans le temps. Lexprience mescalinique manifeste cet gard, la prdominance des facteurs kinsie et couleur sur les formes comme dans lpreuve de Rorschach des pileptiques (Fr. Min-

  • 628 LES HALLUCINOGNES

    kowska). A cette dsintgration des fonctions de la distribution des couleurs dans le champ perceptif, sajoute ou se mle la dformation des objets. La perception des reliefs, les dimensions et proportions rciproques des grandeurs, des lignes et de la perspective, sont altres. (Tout est pench, les verticales sallongent). Parfois le mme objet occupe plusieurs points de l espace, ou bien les choses sont animes de mouvements apparents, rythms, oscillants, parfois vertigineusement rapides ou, au contraire, dsesprment lents (alors que notent Mayer-Gross et Stein, dans un premier temps ce sont les mouvements rels qui sont le plus intensment perus et sollicitent le regard).

    Parfois cependant la perception des formes leur imprime un mouvement imaginaire et dj scnique (un Sujet, par exemple, qui voit un pdicule de figue dans une corbeille papier voit la queue de la figue sallonger, sincurver, se perdre dans l espace. Un lien d toffe autour du pied se dploie, senroule en volutes merveilleuses, etc.). Nous verrons plus loin limportance quil faut accorder ces phantidolies qui, effectivement, se superposent compltement ou prolongent les idolies lmentaires mais qui portent dans leur imagerie kalidoscopo-onirique les marques d une germination de rve. Ce sont alors des enchanements scnariques de souvenirs reviviscents ou d vnements protiformes qui n occupent la scne du champ perceptif que pour disparatre, changer ou se transformer dans un mouvement qui chappe au Sujet et tient son attention en suspens . Cette production fantasmagorique parat exiger l occlusion des yeux, mais il arrive aussi que les yeux ouverts et le spectacle du monde n tant pas aboli mais seulement recul, ces phantidolies prennent la place des objets rels ou superposent aux objets vaguement perus une incroyable broderie paraidolique.

    b) Synesthsies et mthesthsies. Les synesthsies (J. Delay, H. P. Grard et P. C. Racamier, 1951; H. Osmond et J. R. Smythies, 1952) (1) abondent dans lexprience mescalinique (auditions colores, synopsies musicales). Quercy proposait de les classer en lmentaires et complexes , soit que ces dernires soient figures ou non. Dans ce dernier cas, elles ont parfois un caractre idiotrope (cration de formes originales), mais le plus souvent elles sont simplement reproductrices, mimtiques ou initiatrices. Quant aux post-images (mthesthsies) et aux images idtiques, elles multiplient dans la dure les perceptions, maintenant entre elles les persistances hallucinatoires d images qui intercalent dans le flux du peru une constante rtrospection ralisant ainsi une sorte de bradyscopie o chaque mouvement du temps reste accroch au vcu antrieur.

    (1) Comme limagerie visuelle correspondant la danse hongroise de Brahms (G. Anschtz, Arch. f. Psych., 1928) dont on trouvera la reproduction en couleur dans le livre de Quercy (1930), t. 2, p. 102.

  • CARACTRISTIQUES DE L'EXPRIENCE MESCALINIQUE 629

    c) Hallucinations auditives. Les synesthsies font, pour ainsi dire, le pont avec les phnomnes illusionnels ou hallucinatoires acoustiques, en tablissant une sorte de communication entre les deux principales sphres sensorielles : les perceptions visuelles normales ou anormales (les visions me montent aux oreilles) retentissent sur le registre musical (comme dans linterprtation musicale du vcu mescalinique par H. Michaux que nous avons rapporte) plus souvent que sur le registre acoustico-verbal. En effet, les Hallucinations auditives sont gnralement rares, pour ne pas dire exceptionnelles. Il sagit le plus souvent d hyperacousie, de protidolies type d acouphnes, parfois de bruits rythms comme des coups de lime ou des bruits de chaises tranes (1). Les Hallucinations verbales sont assez exceptionnelles. J. Delay et H. P. Grard en donnent quelques exemples : un sujet porte ses mains au visage en criant les visions me montent aux oreilles ; un autre entendait quelques paroles en anglais, comme des bribes de conversation.

    d) Hallucinations corporelles. Les troubles cnesthsiques , les sentiments d tranget, de transformation corporelle constituent par contre une sorte de fond permanent l exprience mescalinique pour tre prcisment lexpression dun bouleversement en quelque sorte organique de lexprience du temps et de l espace. Ds avant l apparition des premires visions colores, notent J. Delay et H. P. Grard, le sujet prouve des sensations bizar- res (fatigue localise, crispation, lourdeur segmentaire); puis, par vagues suc- cessives, comme un arrire-fond du champ perceptif, elles accompagnent toutes les pripties de lexprience mescalinique. Je grandis, je m aplatis, ma main est norme, mon front est petit, ma tte est au bout d un bton. Je sens des gouttelettes au bord des nerfs . Les mtaphores comme nous l avons vu en tudiant dans leur gnralit les troubles des perceptions corporelles (cf. p. 293) sont intimement mles ces mtamorphoses de la somatognosie. Elles sont aussi intimement mles la reprsentation visuelle (2). Le corps se dissout, en effet, dans l imaginaire. Sa densit, son volume, ses limites changent. Parfois mme, comme dans lobservation de Rouhier (le cas de Mlle Alia de K.) ou dans la propre observation de E. Morselli (1936), les impressions de ddoublement et d tranget atteignent la perception de 1 espace psychique de la reprsentation et font surgir limage de lAutre dans la perception de la ralit. Mais ceci ne se produit que lorsque lintoxication a fait un pas de plus dans la marche de son processus en troisime per-

    (1) Les troubles psycho-sensoriels olfactifs et gustatifs sont plus rarement nots encore (Havelock Ellis) et leur description rappelle souvent celle de la crise de luncus et des idolies que nous avons dcrites plus haut (p. 490 et sq.).

    (2) Les planches (surtout la sixime) qui illustrent dans larticle de Mayer-Gross {Trait de Bumke, tome 1, p. 46-47), lexprience du delirium tremens, peuvent illustrer aussi cette liaison optico-somatognosique des phantidolies mescaliniques (cf. celle que, par exception et en disant pourquoi, nous avons reproduite dans le chapitre sur les idolies (cf. supra, p. 348)).

  • 630 LES HALLUCINOGNES

    sonne, ou lorsque le Sujet en premire personne est, pour ainsi dire, dj prpar ce ddoublement par le fait mme de sa structure nvrotique (1).

    ) Hallucinations complexes. Tous les auteurs ou presque notent une diffrence quils estiment essentielle entre les Hallucinations lmentaires et les Hallucinations complexes : au fond, entre ce que nous appelons proti- dolies et phantidolies (cf. supra, p. 626-628).

    Cest ainsi que A. Rouhier, aprs avoir dcrit la premire catgorie d Hal- lucinations visuelles (phosphnes, images gomtriques), puis la deuxime catgorie (visions d objets, de figures et de scnes qui appartiennent son fond de mmoire ) dcrit, en se rapportant la merveilleuse description de Weir Mitchel (p. 281-282) les visions qui vont des figures et des scnes celles de la vie relle, telles que nous les construisons dans nos rves , puis en se rapportant lexprience fantastique d un peintre observ par Havelock Ellis, il dcrit les feries hallucinatoires qui peuvent atteindre un degr inou de splendeur. Cest ainsi aussi que J. Delay et H. P. Grard opposent llmentarit des troubles psycho-sensoriels les Hallucinations complexes (apparition de tableaux d une richesse vivante reprsentant des objets, des paysages, des tres), tantt avec exactitude, tantt avec une fantaisie dconcertante. Cest ce travail de la fantaisie, ce travail de rve qui se confond avec la mtamorphose des structures de la pense . Cest encore la mme distinction quont tablie les auteurs allemands (K. Zucker, J. Zador) et sur laquelle ils fondent leur conception thorique de la pathognie hallucinogne de la mescaline que nous examinerons plus loin.

    Le fait que vise cette distinction cest, en effet, la mutation (2) que subit le vcu en devenant celui d un rve, d un rve plus ou moins organis et dirig, mais qui mtamorphose ce que les idolies hallucinosiques ont, en quelque sorte, de fragmentaire, de passif, en se prsentant non plus comme des irruptions d images photographies, mais comme le droulement d un film cinmatographique.

    Nous devons nous arrter ici pour considrer cette mutation qui ne consiste pas, bien sr, seulement en un accroissement quantitatif des lments qui forment l image, mais plutt en un changement de plan et de structure. Si les auteurs ont attach tant d importance sparer les Hallucinations lmentaires des Hallucinations scniques , les raisons mmes de cette importance semblent leur avoir chapp. Une distinction seulement quantitative cache celle qui spare, en effet, les idolies qui mergent de la dislocation du secteur sensorimoteur dun analyseur perceptif (pour ne pas dire seulement

    (1) Peut-tre faut-il rappeler ici les travaux anciens de E. Guttman et W. S. Mac- lay (1936) sur la psychodynamique des tats nvrotiques de dpersonnalisation et laction quexerce sur eux la mescaline.

    (2) Nous verrons quand nous proposerons une interprtation pathognique des protidolies et des phantidolies quil ne sagit justement pas dune simple diffrence de degr entre ces deux sries de phnomnes.

  • CARACTRISTIQUES DE L'EXPRIENCE MESCALINIQUE 631

    d un organe des sens) des expriences dlirantes et hallucinatoires qui se droulent au niveau de l organisation mme du Champ de la conscience. De telle sorte que ces fameuses hallucinations complexes ne sont pas seulement et toujours des phantidolies , mais peuvent aussi tre des expriences dlirantes qui annoncent dj que le rve envahit le Champ de la conscience jusqu le dstructurer, comme nous allons maintenant le voir.

    M odifications du temps et de l espace vcu. En ce qui concerne le temps, la plupart des auteurs et Sujets de lexprimentation mescalinique signalent les troubles de lestimation de la dure du temps, des difficults d orientation, des tlescopages de tranches chronologiques (ecmnsie, vivi- dit des souvenirs,