2
Hépatite aiguë à l’amoxicilline D e très nombreux cas d’hépatites liés à l’association amoxicilline — acide clavulanique ont été rapportés [1]. En revanche, l’hépatotoxicité de l’amoxicilline a été exceptionnellement décrite [2, 3]. Nous rapportons ici un cas d’hépatite aiguë due à la prise isolée d’amoxicilline. Observation Un homme de 27 ans, pesant 62 kg pour 174 cm, sans antécédent particulier, en dehors d’une vaccination contre le virus de l’hépatite B réalisée quelques années plus tôt, était vu en consultation d’hépatologie le 26 octobre 2001, pour hépatite aiguë d’allure ictérigène. Sa consommation d’alcool était infé- rieure à 20 g par semaine. Il avait reçu du 20 au 27 avril et du 15 au 22 juin 2001, 1 g/j d’amoxicilline pour des manifestations fébriles oropharyngées. Le 14 octobre 2001, il présentait un épisode fébrile à 40 °C associé à des manifestations oropharyn- gées. Il consommait alors du paracétamol, à la posologie quotidienne de 2 g/j et présentait un certain degré d’anorexie. Le 16 octobre, un traitement par amoxicilline à la posologie d’un g/j était institué. Le 18 octobre, le malade était subictérique. Le traitement par amoxicilline était interrompu le 19 octobre. Le 23 octobre, le malade consultait son médecin traitant qui arrêtait le paracétamol. L’examen clinique, lors de la consultation d’hépa- tologie, montrait un ictère généralisé, il n’existait pas d’hépato- mégalie, de splénomégalie, ni de signe d’encéphalopathie hépatique. L’examen cardio-vasculaire était sans particularité. L’échographie abdominale du 25 octobre était normale. Le bilan biologique en date du 23 octobre 2001 montrait une augmenta- tion de l’activité sérique de l’ALAT à 84 fois la normale (N), de l’ASAT à 40 N, de la GGT à 2 N et de la bilirubinémie totale à 135 μmol/L dont 128 μmol/L de bilirubine conjuguée. Le taux de prothrombine était à 100 %. L’activité des phosphatases alcalines et l’électrophorèse des protides étaient normales. La recherche dans le sérum d’antigène HBs, d’anticorps anti-HBc, d’IgM anti-VHA, d’anticorps anti-VHC et d’ARN du virus de l’hépatite C par PCR était négative. Les anticorps anti-HBs étaient présents à titre supérieur à 400 UI/l. Les sérologies du cytomégalovirus et d’Epstein-Barr virus étaient en faveur d’une immunisation anté- rieure et la sérologie herpès simplex de type 1 et 2 était négative. Les sérologies VIH 1 et 2 étaient négatives. Les recherches d’anticorps antinucléaires, d’anticorps anti-muscles lisses et d’anticorps anti-LKM1 étaient négatives. Le bilan cuprique était normal. L’évolution était marquée par une diminution progressive de l’activité de l’ASAT et de l’ALAT avec une normalisation complète des tests hépatiques le 27 novembre 2001. Le bilan martial réalisé à distance était normal. En avril 2002, le bilan hépatique était strictement normal et la sérologie de l’hépatite C négative. En mars 2003, le bilan hépatique était normal. Discussion Dans cette observation le diagnostic d’hépatite aiguë d’ori- gine possiblement immunoallergique, repose sur les éléments suivants : 1) survenue rapide d’une atteinte hépatique aiguë cytolytique après mise en route d’un traitement par amoxicilline isolée chez un malade ayant pris auparavant de l’amoxicilline à 2 reprises dans les 6 mois précédents, normalisation en un mois des tests hépatiques ; 2) absence d’argument pour une migration lithiasique ; 3) élimination d’une hépatite aiguë A, B, C ou liée à un autre virus hépatotrope ; 4) absence d’argument pour une hépatite auto immune ou une maladie de Wilson ; 5) absence d’argument en faveur d’un foie hypoxique [4]. Bien que la présentation clinique, biologique avec une élévation importante de la bilirubine et la lenteur de la normalisation des tests hépatiques ne soient pas du tout en faveur d’une atteinte hépatique liée au paracétamol, il est possible que la prise concomitante de paracétamol associée à un certain degré d’anorexie ait favorisé la toxicité hépatique de l’amoxicilline par le biais d’une déplétion en glutathion hépatique. Par ailleurs, des observations d’hépatotoxicité du paracétamol à dose thérapeuti- que ont été presque exclusivement décrites chez les sujets alcooliques chroniques [5, 6]. La toxicité hépatique du paracétamol a été rapportée même en cas de consommation de boissons alcoolisées inférieure à 60 g/j. Cependant, chez notre malade la consommation d’alcool hebdomadaire était inférieure à 30 g et le malade n’a pas modifié dans les jours précédant la prise d’amoxicilline, cette consommation d’alcool. Le rapport ALAT/ASAT supérieur à 1, le fait que l’activité de l’ASAT soit inférieure à 3 000 UI/L (1 400UI/L), et la faible quantité de paracétamol consommée (2 g/j) rendent peu probable la possibilité chez ce malade d’une hépatite liée au paracétamol à dose thérapeutique. L’évolution rapidement favorable, ne nous a pas conduit à proposer à ce malade une ponction biopsie hépatique. Dans cette observation, le score d’imputabilité est coté à 4 pour le paracétamol (possible) et à 6 pour l’amoxicilline (probable) [7]. Dans une étude rétrospective de cohorte menée au Royaume- Uni, 21 cas de toxicité hépatique liés à l’association amoxicilline - acide clavulanique ont été rapportés chez 93 433 malades recevant cette association [8]. Il s’agissait d’une atteinte de type cholestasique dans trois quarts des cas. A l’inverse, 14 cas d’hépatites aiguës liées à l’amoxicilline, comme dans notre observation, ont été notés chez 360 333 malades recevant de l’amoxicilline isolément. Le risque relatif de développer une atteinte hépatique chez les malades recevant l’association amoxi- cilline - acide clavulanique était donc de 6,3 [IC 95 % (3.2-12.7)] par rapport aux malades recevant de l’amoxicilline de façon isolée. Dans cette grande étude de cohorte, une majorité des malades avait reçu du paracétamol ou un anti-inflammatoire non stéroïdien. En conclusion, nous rapportons une observation documentée d’atteinte hépatique liée à l’amoxicilline de mécanisme probable- ment immuno-allergique et suggérons l’hypothèse d’une potenti- alisation par la prise concomitante de paracétamol. Rémy ROMNEY (1), Michel BIOUR (2), Djamel BELLOULA (1), Danièle ELBAZ (3), Jacques CARRIERE (4), Jean-François CADRANEL (1) (1) Service d’Hépatogastroentérologie et de Diabétologie, Centre Hospitalier Läennec, BP 72, 60109 Creil ; (2) Centre Régional de Pharmacovigilance, Hôpital Saint Antoine, 75571 Paris Cedex 12 ; (3) Cabinet Médical, 8, rue E Vaillant, 60100 Creil ; (4) Cabinet Médical, 76, Square Aristide Maillol, 60100 Creil. RE ´ FE ´ RENCES 1. Biour M, Poupon M, Grangé JD, Chazouillières O. Hépatotoxicité des médicaments. 13 e mise à jour du fichier bibliographique des atteintes hépatiques et des médicaments responsables. Gastroenterol Clin Biol 2000;24:1052-91. 2. Trevisani F, Pancione L, Bernardi M, Mazzeti M, Gasbarrini G. Beta-lactam antibiotic-inclued cholestatic synergistic efflect of pheno- barbitone plus corticosteroid treatment. Ital J Gastroenterol 1988;20: 134-6. Lettres à la rédaction 505

Hépatite aiguë à l’amoxicilline

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Hépatite aiguë à l’amoxicilline

De très nombreux cas d’hépatites liés à l’association amoxicilline — acide clavulaniqueont été rapportés [1]. En revanche, l’hépatotoxicité de l’amoxicilline a étéexceptionnellement décrite [2, 3]. Nous rapportons ici un cas d’hépatite aiguë due à la

prise isolée d’amoxicilline.

ObservationUn homme de 27 ans, pesant 62 kg pour 174 cm, sans

antécédent particulier, en dehors d’une vaccination contre levirus de l’hépatite B réalisée quelques années plus tôt, était vu enconsultation d’hépatologie le 26 octobre 2001, pour hépatiteaiguë d’allure ictérigène. Sa consommation d’alcool était infé-rieure à 20 g par semaine. Il avait reçu du 20 au 27 avril et du 15au 22 juin 2001, 1 g/j d’amoxicilline pour des manifestationsfébriles oropharyngées. Le 14 octobre 2001, il présentait unépisode fébrile à 40 °C associé à des manifestations oropharyn-gées. Il consommait alors du paracétamol, à la posologiequotidienne de 2 g/j et présentait un certain degré d’anorexie. Le16 octobre, un traitement par amoxicilline à la posologie d’ung/j était institué. Le 18 octobre, le malade était subictérique. Letraitement par amoxicilline était interrompu le 19 octobre. Le 23octobre, le malade consultait son médecin traitant qui arrêtait leparacétamol. L’examen clinique, lors de la consultation d’hépa-tologie, montrait un ictère généralisé, il n’existait pas d’hépato-mégalie, de splénomégalie, ni de signe d’encéphalopathiehépatique. L’examen cardio-vasculaire était sans particularité.L’échographie abdominale du 25 octobre était normale. Le bilanbiologique en date du 23 octobre 2001 montrait une augmenta-tion de l’activité sérique de l’ALAT à 84 fois la normale (N), del’ASAT à 40 N, de la GGT à 2 N et de la bilirubinémie totale à135 μmol/L dont 128 μmol/L de bilirubine conjuguée. Le taux deprothrombine était à 100 %. L’activité des phosphatases alcalineset l’électrophorèse des protides étaient normales. La recherchedans le sérum d’antigène HBs, d’anticorps anti-HBc, d’IgManti-VHA, d’anticorps anti-VHC et d’ARN du virus de l’hépatite Cpar PCR était négative. Les anticorps anti-HBs étaient présents àtitre supérieur à 400 UI/l. Les sérologies du cytomégalovirus etd’Epstein-Barr virus étaient en faveur d’une immunisation anté-rieure et la sérologie herpès simplex de type 1 et 2 était négative.Les sérologies VIH 1 et 2 étaient négatives. Les recherchesd’anticorps antinucléaires, d’anticorps anti-muscles lisses etd’anticorps anti-LKM1 étaient négatives. Le bilan cuprique étaitnormal. L’évolution était marquée par une diminution progressivede l’activité de l’ASAT et de l’ALAT avec une normalisationcomplète des tests hépatiques le 27 novembre 2001. Le bilanmartial réalisé à distance était normal. En avril 2002, le bilanhépatique était strictement normal et la sérologie de l’hépatite Cnégative. En mars 2003, le bilan hépatique était normal.

DiscussionDans cette observation le diagnostic d’hépatite aiguë d’ori-

gine possiblement immunoallergique, repose sur les élémentssuivants : 1) survenue rapide d’une atteinte hépatique aiguëcytolytique après mise en route d’un traitement par amoxicillineisolée chez un malade ayant pris auparavant de l’amoxicilline à2 reprises dans les 6 mois précédents, normalisation en un moisdes tests hépatiques ; 2) absence d’argument pour une migrationlithiasique ; 3) élimination d’une hépatite aiguë A, B, C ou liée àun autre virus hépatotrope ; 4) absence d’argument pour unehépatite auto immune ou une maladie de Wilson ; 5) absenced’argument en faveur d’un foie hypoxique [4]. Bien que laprésentation clinique, biologique avec une élévation importantede la bilirubine et la lenteur de la normalisation des tests

hépatiques ne soient pas du tout en faveur d’une atteintehépatique liée au paracétamol, il est possible que la priseconcomitante de paracétamol associée à un certain degréd’anorexie ait favorisé la toxicité hépatique de l’amoxicilline parle biais d’une déplétion en glutathion hépatique. Par ailleurs, desobservations d’hépatotoxicité du paracétamol à dose thérapeuti-que ont été presque exclusivement décrites chez les sujetsalcooliques chroniques [5, 6].

La toxicité hépatique du paracétamol a été rapportée mêmeen cas de consommation de boissons alcoolisées inférieure à60 g/j. Cependant, chez notre malade la consommation d’alcoolhebdomadaire était inférieure à 30 g et le malade n’a pasmodifié dans les jours précédant la prise d’amoxicilline, cetteconsommation d’alcool. Le rapport ALAT/ASAT supérieur à 1, lefait que l’activité de l’ASAT soit inférieure à 3 000 UI/L(1 400UI/L), et la faible quantité de paracétamol consommée(2 g/j) rendent peu probable la possibilité chez ce malade d’unehépatite liée au paracétamol à dose thérapeutique. L’évolutionrapidement favorable, ne nous a pas conduit à proposer à cemalade une ponction biopsie hépatique. Dans cette observation,le score d’imputabilité est coté à 4 pour le paracétamol (possible)et à 6 pour l’amoxicilline (probable) [7].

Dans une étude rétrospective de cohorte menée au Royaume-Uni, 21 cas de toxicité hépatique liés à l’association amoxicilline- acide clavulanique ont été rapportés chez 93 433 maladesrecevant cette association [8]. Il s’agissait d’une atteinte de typecholestasique dans trois quarts des cas. A l’inverse, 14 casd’hépatites aiguës liées à l’amoxicilline, comme dans notreobservation, ont été notés chez 360 333 malades recevant del’amoxicilline isolément. Le risque relatif de développer uneatteinte hépatique chez les malades recevant l’association amoxi-cilline - acide clavulanique était donc de 6,3 [IC 95 % (3.2-12.7)]par rapport aux malades recevant de l’amoxicilline de façonisolée. Dans cette grande étude de cohorte, une majorité desmalades avait reçu du paracétamol ou un anti-inflammatoire nonstéroïdien.

En conclusion, nous rapportons une observation documentéed’atteinte hépatique liée à l’amoxicilline de mécanisme probable-ment immuno-allergique et suggérons l’hypothèse d’une potenti-alisation par la prise concomitante de paracétamol.

Rémy ROMNEY (1), Michel BIOUR (2),Djamel BELLOULA (1), Danièle ELBAZ (3),

Jacques CARRIERE (4), Jean-François CADRANEL (1)

(1) Service d’Hépatogastroentérologie et de Diabétologie,Centre Hospitalier Läennec, BP 72, 60109 Creil ; (2) Centre Régional de

Pharmacovigilance, Hôpital Saint Antoine, 75571 Paris Cedex 12 ;(3) Cabinet Médical, 8, rue E Vaillant, 60100 Creil ; (4) Cabinet Médical,

76, Square Aristide Maillol, 60100 Creil.

REFERENCES

1. Biour M, Poupon M, Grangé JD, Chazouillières O. Hépatotoxicité desmédicaments. 13e mise à jour du fichier bibliographique des atteinteshépatiques et des médicaments responsables. Gastroenterol Clin Biol2000;24:1052-91.

2. Trevisani F, Pancione L, Bernardi M, Mazzeti M, Gasbarrini G.Beta-lactam antibiotic-inclued cholestatic synergistic efflect of pheno-barbitone plus corticosteroid treatment. Ital J Gastroenterol 1988;20:134-6.

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7. Danan G. Atteintes hépatiques aiguës médicamenteuses. Qu’apportentles échelles diagnostiques ? Gastroenterol Clin Biol 2003;27:B21-5.

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Cytolyse hépatique après administration d’AranespT(darbepoetine alfa)

Les prescriptions d’érythropoïétine humaine recombinante et de protéines stimulantl’érythropoïèse ont considérablement augmenté ces dernières années, en particulier chezles malades en hémodialyse et les malades traités par chimiothérapie anticancéreuse.

Trois spécialités sont disponibles actuellement : EprexT (époetine alfa) ou érythropoïétinerecombinante humaine, disponible depuis de nombreuses années, et deux protéines stimulantl’érythropoïèse, NéorecormonT (epoetine beta) et AranespT (darbepoetine alfa), mises sur lemarché plus récemment. Nous rapportons un cas de cytolyse hépatique liée à la prise d’AranespTchez une malade en hémodialyse chronique.

ObservationUne malade atteinte d’un syndrome d’Alport a eu une

transplantation rénale en novembre 1997 à l’âge de 19 ans.L’évolution vers un rejet chronique conduisait à la perte dugreffon et le retour en hémodialyse en août 2000. La maladerecevait EprexT (5 000 Unités, trois fois par semaine). La maladeconduisait une grossesse à terme le 16/02/2002. La sérologiede l’hépatite C était négative, avant et en début de grossesse. Lamalade était immunisée contre le virus de l’hépatite B parvaccination. La recherche de l’ARN du virus de l’hépatite C parPCR était positive en fin de grossesse. Une recherche, aposteriori, faite sur des prélèvements sanguins de 2001 trouvaitégalement de l’ARN du VHC. Le bilan biologique hépatique étaitnormal. Il n’existait pas d’anticorps anti-nucléaires, anti-musclelisse, anti-mitochondries ni anti-microsomes. Il n’existait pasd’hypergammaglobulinémie. Une ponction-biopsie hépatiquepercutanée était réalisée le 27/06/2002 et montrait des lésionshistologiques d’hépatite chronique virale C, classée selon Méta-vir, A1F2. Un traitement par interféron alpha et ribavirine étaitdébuté fin juillet 2002 à posologie croissante (ViraféronT, 1million d’Unités trois fois par semaine, pendant 1 mois, puis 2millions pendant 1 mois, puis 3 millions, associé à RebetolT, 200mg par jour pendant 1 mois, puis 400 mg). Un bilan biologiquehépatique et hématologique de surveillance était réalisé chaquesemaine dans le cadre des séances d’hémodialyse. Le traitementpar érythropoïétine recombinante était modifié début octobre2002 et EprexT était remplacé par AranespT (70 microgrammespar semaine en IV). Un bilan biologique réalisé 4 semaines plustard mettait en évidence une augmentation de l’activité sérique del’ASAT à 5 fois la normale (N) et de l’ALAT à 7 N et de la GGT à1,5 N, sans élévation de la bilirubinémie totale ni baisse du tauxde prothrombine. La malade n’avait pas présenté de rash, ni defièvre, ni d’hyperéosinophilie. La recherche de l’ARN du VHC parPCR était négative. L’hypothèse d’une toxicité médicamenteuse

était évoquée, et AranespT était substitué par EprexT. Le bilanbiologique hépatique se normalisait en 2 semaines sans rechuteultérieure. La PCR du VHC était négative en janvier et juin 2003et le traitement anti-viral était poursuivi. Un nouveau bilanpré-greffe de rein a été débuté en juillet 2003.

DiscussionChez cette malade en hémodialyse chronique, la responsa-

bilité de l’AranespT (darbepoetine alfa) dans la survenue d’unecytolyse hépatique aiguë repose sur la conjonction de plusieursarguments : l’absence d’autre étiologie, le délai de survenueinférieur à 30 jours après l’introduction de la molécule, etl’amélioration biologique après l’arrêt du traitement. La darbe-poetine alfa (AranespT) est une protéine synthétique stimulantl’érythropoïèse, injectable par voie veineuse ou sous-cutanée.Son indication principale est le traitement de l’anémie induite parles chimiothérapies anti-cancéreuses ou l’insuffisance rénalechronique [1-4]. Elle présente deux avantages par rapport àl’érythropoïétine humaine recombinante (EprexT) : sa demi-vieest plus longue, ce qui permet une administration hebdomadaire,et elle n’induirait pas d’anticorps neutralisants, qui peuventinduire une érythroblastopénie, potentiellement grave. Sa tolé-rance est excellente ; ses principaux effets secondaires sontreprésentés par des douleurs au point d’injection (sous-cutanée),une hypertension artérielle, des céphalées, des arthralgies, desœdèmes périphériques, une thrombose vasculaire au pointd’injection intra-veineuse. Ce médicament n’est pas considérécomme hépatotoxique. Il n’existe pas, à notre connaissance,d’autre cas rapporté dans la littérature de cytolyse hépatiqueaprès prise de darbepoetine alfa ou après administrationd’érythropoïétine. Le mécanisme de cette toxicité est inconnu.

En conclusion, les atteintes hépatiques dues à l’érythropoïé-tine humaine recombinante et aux protéines stimulant l’érythro-poïèse (EprexT, NéorecormonT et AranespT) sont très probable-ment exceptionnelles. Pour en connaître l’incidence précise, leurprescription au long cours pourrait être associée à une sur-

Ce cas a été notifié au centre de Pharmacovigilance de Lyon le 11 janvier2003.

Gastroenterol Clin Biol, 2004, 28

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