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mise au point | formation E n France, la prévalence de l’Ag HBs chez les femmes enceintes est de 0,5 à 1 %, mais la situation est hétéro- gène. Une étude menée à la maternité de l’hôpital Lari- boisière de janvier 2004 à décembre 2011 sur 11 417 femmes enceintes a montré une prévalence de 4 % de l’AgHBs et 0,5 % de la population initiale avaient un ADN VHB > 5 log UI/ml. Parmi ces femmes, celles originaires d’Afrique subsaharienne avaient le plus souvent une charge virale < 5 log UI/ml, tan- dis que 38 % de celles originaires d’Asie avaient un ADN VHB supérieur à ce seuil. Prise en charge d’une femme enceinte Ag HBs+ Influence de la grossesse sur l’hépatite B Elle est minime voire nulle. Souvent, en fin de grossesse (situation d’immunodépression), les transaminases dimi- nuent et la charge virale remonte (aux 2 e et 3 e trimestres). Des poussées de cytolyse peuvent survenir, suivies d’une séroconversion HBe, observée classiquement après l’accou- chement. Habituellement, il n’y a pas de gravité particulière. Le risque de diabète gestationnel semble augmenté chez les femmes enceintes Ag HBs +, sans que l’on en comprenne le mécanisme. En cas d’hépatite B aiguë ou de forme très active, le risque de fausse couche précoce, surtout au pre- mier trimestre, est augmenté. Enfin, dans les cas d’hépatite B cirrhotique, la voie d’accouchement est discutée, selon la fonction hépatique maternelle et la présence ou non d’une hypertension portale. Analogues nucléosidiques/nucléotidiques et grossesse Les données disponibles s’appuient sur l’utilisation de ces molécules (lamivudine, adéfovir, entécavir, ténofovir…) chez les patients VIH+. Pour nombre d’entre elles, nous ne dispo- sons pas d’études spécifiques de tératogénicité. Toutefois, les données sur la population VIH+ montrent une absence de risque malformatif. En ce qui concerne l’allaitement, il n’est possible que sous ténofovir. Les données disponibles à plus long terme (5 ans) sur la croissance (périmètre crânien) des enfants nés de mère traitée par antiviral lors de leur grossesse, sont rassurantes. Hépatite B : actualités Hépatite B et grossesse La transmission mère-enfant du virus de l’hépatite B (VHB) reste une cause majeure du maintien de l’épidémie d’hépatite B dans le monde. En effet, le risque de transmission à l’enfant est élevé lorsque la mère est Ag HBs+ et le risque de passage à la chronicité du nouveau-né contaminé est également élevé. Des recommandations existent en France pour prévenir cette transmission. 13 OptionBio | mercredi 19 mars 2014 | n° 504 L’hépatite B est une maladie à l’origine d’une forte morbi- mortalité : en France, près de 300 000 personnes sont porteuses chroniques de l’Ag HBs et 1 500 décèdent chaque année à la suite d’une cirrhose et/ou d’un carcinome hépatocellulaire lié au VHB. Sa prévention repose sur la vaccination et la mise en œuvre de programmes intégrant le dépistage de toutes les femmes enceintes et la sérovaccination des nouveau-nés de mère Ag HBs+. Des traitements efficaces sont disponibles pour les patients atteints d’hépatite B chronique, mais le VHB reste très difficile à éradiquer. De nouveaux schémas thérapeutiques associés à un meilleur suivi biologique pourraient permettre d’envisager l’arrêt des traitements chez certains patients. © PHANIE

Hépatite B : actualités

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Page 1: Hépatite B : actualités

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En France, la prévalence de l’Ag HBs chez les femmes enceintes est de 0,5 à 1 %, mais la situation est hétéro-gène. Une étude menée à la maternité de l’hôpital Lari-

boisière de janvier 2004 à décembre 2011 sur 11 417 femmes enceintes a montré une prévalence de 4 % de l’AgHBs et 0,5 % de la population initiale avaient un ADN VHB > 5 log UI/ml. Parmi ces femmes, celles originaires d’Afrique subsaharienne avaient le plus souvent une charge virale < 5 log UI/ml, tan-dis que 38 % de celles originaires d’Asie avaient un ADN VHB supérieur à ce seuil.

Prise en charge d’une femme enceinte Ag HBs+

Influence de la grossesse sur l’hépatite BElle est minime voire nulle. Souvent, en fin de grossesse (situation d’immunodépression), les transaminases dimi-nuent et la charge virale remonte (aux 2e et 3e trimestres). Des poussées de cytolyse peuvent survenir, suivies d’une séroconversion HBe, observée classiquement après l’accou-chement. Habituellement, il n’y a pas de gravité particulière. Le risque de diabète gestationnel semble augmenté chez les

femmes enceintes Ag HBs +, sans que l’on en comprenne le mécanisme. En cas d’hépatite B aiguë ou de forme très active, le risque de fausse couche précoce, surtout au pre-mier trimestre, est augmenté. Enfin, dans les cas d’hépatite B cirrhotique, la voie d’accouchement est discutée, selon la fonction hépatique maternelle et la présence ou non d’une hypertension portale.

Analogues nucléosidiques/nucléotidiques et grossesseLes données disponibles s’appuient sur l’utilisation de ces molécules (lamivudine, adéfovir, entécavir, ténofovir…) chez les patients VIH+. Pour nombre d’entre elles, nous ne dispo-sons pas d’études spécifiques de tératogénicité. Toutefois, les données sur la population VIH+ montrent une absence de risque malformatif.En ce qui concerne l’allaitement, il n’est possible que sous ténofovir. Les données disponibles à plus long terme (5 ans) sur la croissance (périmètre crânien) des enfants nés de mère traitée par antiviral lors de leur grossesse, sont rassurantes.

Hépatite B : actualitésHépatite B et grossesse

La transmission mère-enfant du virus de l’hépatite B (VHB) reste une cause majeure du maintien de l’épidémie d’hépatite B dans le monde. En effet, le risque de transmission à l’enfant est élevé lorsque la mère est Ag HBs+ et le risque de passage à la chronicité du nouveau-né contaminé est également élevé. Des recommandations existent en France pour prévenir cette transmission.

13OptionBio | mercredi 19 mars 2014 | n° 504

L’hépatite B est une maladie à l’origine d’une forte morbi-mortalité : en France, près de 300 000 personnes sont porteuses chroniques de l’Ag HBs et 1 500 décèdent chaque année à la suite d’une cirrhose et/ou d’un carcinome hépatocellulaire lié au VHB.Sa prévention repose sur la vaccination et la mise en œuvre de programmes intégrant le dépistage de toutes les femmes enceintes et la sérovaccination des nouveau-nés de mère Ag HBs+. Des traitements efficaces sont disponibles pour les patients atteints d’hépatite B chronique, mais le VHB reste très difficile à éradiquer. De nouveaux schémas thérapeutiques associés à un meilleur suivi biologique pourraient permettre d’envisager l’arrêt des traitements chez certains patients.

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OptionBio | mercredi 19 mars 2014 | n° 504

Attitude pratique1. Prendre en compte le désir de grossesse avant la mise en route d’un traitement antiviral.2. Les traitements relativement sûrs pendant la grossesse sont le ténofovir, la lamivudine, la telbivudine.3. Les risques à 5 ans semblent faibles voire nuls, mais restent mal définis. Une étude française est en cours.4. Modifier le traitement si possible avant la grossesse ou au tout début, si la femme était sous entécavir ou adéfovir.5. L’allaitement est contre-indiqué si la mère a été/est traitée par un analogue, sauf le ténofovir.

Prévention de la transmission mère-enfant du VHBEn France, elle repose sur trois recommandations :– le dépistage de l’AgHBs, obligatoire chez toute femme

enceinte au 6e mois de grossesse ; – une sérovaccination chez tous les nouveau-nés de mère

Ag HBs+, dans les 12 h suivant la naissance : 100 UI (30 UI/kg) d’Ig anti-HBs à J0 puis vaccination anti-hépatite B selon un schéma à 3 injections du vaccin enfant à 10 μg : J0, M1 et M6 ;

– une vérification de la sérologie hépatite B de l’enfant à partir du 7e mois.

La sérovaccination est plus efficace que les Ig seules ou le vac-cin seul, mais ne l’est toutefois pas à 100 % : il subsiste environ 4 % de contamination. Trois hypothèses sont envisagées pour l’expliquer : contamination par un virus mutant sur l’Ag HBs (risque exceptionnel), absence de dépistage et/ou de sérovac-cination (important : ne jamais baisser la garde !), transmis-sion du VHB in utero (évoqué habituellement sur la positivité de l’Ag HBs ou de l’ADN du VHB chez le nouveau-né, au moment de la naissance, mais restant difficile à affirmer).Selon des études chinoises, le seul facteur indépendant associé à l’échec de la sérovaccination est une charge virale mater-nelle élevée au moment de l’accouchement (ADN VHB > 7 à 8 log UI / ml). Des données similaires ont récemment été rappor-tées en France (Sellier P et al., J Hepatol 2013), avec un taux d’échec de sérovaccination de 11 % en cas d’ADN du VHB > 5 log UI / ml chez la mère.

Comment améliorer la prévention de la transmission de la mère à l’enfant du VHB ?

Optimiser la chaîne de dépistage / sérovaccination du nouveau-né / sérologie chez l’enfant.Mieux évaluer les femmes enceintes Ag HBs + : mesurer la charge virale des femmes Ag HBS+ au 6e mois et envisager un traitement par analogue si l’ADN VHB est élevé (seuil à définir : ≥ 7 log UI/ml ?).

Les analogues pouvant être administrés chez la femme enceinte sont la lamivudine, la telbivudine et le ténofovir ; ils seront prescrits pendant les 3 derniers mois de la grossesse voire poursuivis quelque temps après l’accouchement (d’où les données de sécurité émises concernant l’allaitement), selon la gravité de l’atteinte hépatique de la mère. |

Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

sourceD’après les communications du Dr Philippe Sogni (Hôpital Cochin, Paris)Journées du Centre hépatobiliaire – Paris – Juin 2013.