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Le Trading Haute Fréquence Manipulation de cours ou accroissement de la liquidité ? Anatole Callies Novembre 2012

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Le Trading Haute Fréquence

Manipulation de cours ou accroissement de la liquidité ?

Anatole Callies – Novembre 2012

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Table des matières

I. Introduction .......................................................................................................................... 4

II. L’émergence du trading algorithmique ............................................................................. 5 1. Contexte financier et naissance du NYSE Hybrid Market .......................................................... 5 2. Définition et ampleur du High-Frequency Trading .................................................................... 6

III. HFT, un terme pour de nombreux procédés ................................................................... 8 1. Aperçu des stratégies élémentaires du HFT ............................................................................... 8 2. Manipulation de marchés ............................................................................................................ 12

IV. Les risques inhérents à la pratique du HFT ..................................................................... 14 1. Le flash crash du 6 mai 2010 ....................................................................................................... 14 2. Analyse des risques et pistes d’amélioration ........................................................................... 16

V. Conclusion ........................................................................................................................... 18

VI. Bibliographie ..................................................................................................................... 19

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I. Introduction

En 1998 la SEC (Securities and Exchange Commission), organisme américain de

contrôle des marchés financiers, rendait légale l'exécution automatique et électronique de

transactions sur les marchés. Depuis, le phénomène a engendré de nouvelles stratégies

d'investissements dans lesquelles les ordinateurs fixent seuls les différents aspects des ordres

qu’ils passent. Cette pratique nommée "trading algorithmique" regroupe plusieurs catégories.

L'une d'entre elles est le trading haute fréquence (High Frequency Trading ou HFT en anglais).

Cette méthode consiste en l’assimilation informatique en temps réel d’une large quantité

d'information suivie d’une prise de décision d’investissement automatisée. Cette stratégie tire

son intérêt de la rapidité avec laquelle sont passés les ordres qui permet, par exemple, de tirer

profit des inefficiences du marché.

L'ampleur du phénomène est considérable. En 2009 aux Etats-Unis, le HFT était

responsable de 73% des ordres passés sur le marché des actions (equity market en anglais).

Cependant, moins de 3% de ces ordres étaient effectivement exécutés1. A la lumière de ces

chiffres, il est légitime de s’interroger sur le rôle de ces nouvelles méthodes de trading. Ont-

elles un réel intérêt pour la communauté financière ? Le HFT améliore la liquidité des marchés

et réduit l'écart entre le prix offert et le prix demandé, ou est-ce qu'il crée des écarts de prix

déconnectés de toute réalité ?

Pour répondre à ces questions il faut d’abord s’intéresser au contexte qui a vu apparaître

ces nouvelles méthodes de transaction. Ensuite émergeront les stratégies HFT mises au point

par les opérateurs de marché ainsi que les avantages et inconvénients de chacune. Ce qui

permettra alors d’analyser les risques qu’implique l’utilisation de ce type de procédés,

notamment au travers d’un exemple : le « Flash crash » de mai 2010.

1 Aite Group, LLC Report – Février, 2009

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Fig. 1 – Participation des spécialistes (ou market-makers) et des floor-brokers aux

transactions exécutées sur le NYSE.

Source : NYSE Internal Consolidated Audit Trail file.

II. L’émergence du trading algorithmique

Afin de mieux comprendre le trading haut-fréquence il est nécessaire de connaître le

contexte qui l’a vu apparaître. Il est notamment intéressant d’observer l’émergence et

l’évolution du trading algorithmique.

1. Contexte financier et naissance du NYSE Hybrid Market1

Avant l’apparition du trading algorithmique, un investisseur voulant acheter 50 000

actions IBM aurait fait appel à un « broker-dealer » (ou courtier) chargé de chercher une

contrepartie pour effectuer toute la transaction en une fois. Ou alors, il aurait pu payer pour que

son ordre soit exécuté par un « floor-broker » du New-York Stock Exchange afin que celui-ci

réalise la transaction en usant de son savoir-faire et sa discrétion pour acheter quelques actions

par-ci, par-là auprès de différents « market-makers » spécialisés IBM. Puis, les transactions

devenant électroniques il est devenu plus facile et moins coûteux de remplacer ces « floor-

brokers » par des programmes informatiques. Ainsi, en 1976 le système DOT (Designated

Order Turnaround) apparaît sur le NYSE. Il s’agit d’un programme permettant de passer des

ordres d’au plus 100 actions directement auprès des market-makers (ceux-ci effectuent encore

les transactions manuellement). Avec le temps ce système a évolué pour pouvoir exécuter des

ordres, plus complexes et plus importants. La figure 1 montre la réduction de la proportion

d’ordres exécutés « on the floor » par rapport au nombre total des transactions effectuées. On

observe que ce rapport est passé de plus de la moitié en 1999 à moins de 25% fin 2006.

1 Tous les chiffres et données sont tirés de The Shrinking New York Stock Exchange Floor and the Hybrid Market

by Hendershott, T. and Moulton, P.C. (2007).

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On peut observer qu’à partir de 2002 le volume associé au floor-trading commence réellement

à décroître. Ceci correspond à l’apparition d’OpenBook sur le NYSE. Il s’agit d’un système

permettant de rentrer directement dans le carnet d’ordres sans passer par les market-makers.

Initialement, OpenBook permet de passer des ordres limités à 1099 actions et chaque

bénéficiaire doit attendre 30 secondes entre chaque passage d’ordre. De plus, c’est un système

uniquement réservé aux « limit orders » (ceux spécifiant un prix limite, par exemple « Vendre 1

action IBM à $100 ou plus »). Ainsi, il est toujours nécessaire de passer par un floor-broker

pour passer un « market order » (par exemple « Vendre 1 action IBM au prix actuel du

marché »).

En octobre 2006, le NYSE arrête OpenBook et lance le « Hybrid Market » (qui est celui

toujours en vigueur). Ce nouveau paradigme apporte les changements suivants :

Les ordres ne sont plus limités à 1099 mais à un million d’actions

La fréquence maximale d’exécution est retirée

Les market orders sont admis au même titre que les limit orders

Les institutions ou personnes passant les ordres le font de façon anonyme

Ainsi, ces algorithmes aident les investisseurs à passer des ordres importants en les fractionnant

en plusieurs transactions plus petites et en déterminant le « timing », le prix et la taille de

chacun de ces « sous-ordres ». Dans cet exemple les algorithmes sont utilisés en tant que

demandeurs ou fournisseurs de liquidité et ils ne sont qu’un outil pour les investisseurs réels.

Mais ce n’est pas leur seule fonction, ils peuvent aussi être utilisés en tant qu’investisseur

virtuel à part entière pour déterminer quels ordres permettront d’engendrer un profit. C’est

notamment le cas du High-Frequency Trading (HFT).

2. Définition et ampleur du High-Frequency Trading

Le HFT est fréquemment confondu avec le phénomène qui l’a vu naître : le trading

algorithmique que nous venons de voir. Cependant, toutes les formes de trading algorithmique

ne sont pas « haute fréquence », comme par exemple la demande de liquidité que nous avons

décrite plus haut.

Donner une définition du HFT est difficile car il n’en existe pas d’unique. De plus, le définir

précisément ne serait pas satisfaisant d’un point de vue réglementaire car étant donné

l’évolution constante du phénomène la définition deviendrait vite obsolète et pourrait engendrer

des vides juridiques. Une autre difficulté vient du fait que le HFT englobe de nombreux

acteurs, organisations, arrangements juridiques et surtout de stratégies différentes. Cependant,

un certain nombre de traits communs et de caractéristiques relatifs au HFT peuvent être

identifiés :

Il utilise des outils technologiques avancés permettant de mettre en œuvre différentes

stratégies, allant de l’arbitrage au market-making.

Il emploie des algorithmes tout au long de la chaîne d’investissement : analyse des

données de marché, identification d’une stratégie appropriée, minimisation des coûts de

transaction, passage d’ordre et exécution des transactions.

Il est caractérisé par une rotation rapide du portefeuille (pluri-journalière) et un « order

to trade ratio » élevé (i.e. un large nombre d’ordres sont annulés en comparaison au

nombre de transactions effectivement exécutés).

Il implique généralement une position « plate » à la fin de la journée. Autrement dit,

presque aucune position (et donc aucun risque) n’est conservée du jour au lendemain.

Il est surtout utilisé par les firmes pour leur compte propre.

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Enfin, la mise en œuvre d’une stratégie efficace de HFT dépend essentiellement de la

capacité à être plus rapide que ses concurrents.

De la même manière qu’il est difficile de le définir, il est également laborieux d’évaluer

l’ampleur du HFT dans les marchés financiers actuels. La structure des échanges complique la

tâche. En effet, les acteurs emploient souvent des stratégies utilisant simultanément le HFT et

les pratiques classiques de « proprietary trading » (transactions pour compte propre). Ainsi, il

n’est pas aisé d’isoler les pratiques hautes-fréquences du reste des activités de trading. C’est

pourquoi il n’existe pas de chiffres publics et officiels sur l’étendu du HFT, les estimations de

l’ampleur du phénomène proviennent donc d’enquêtes privées et d’une poignée d’études

académiques.

Selon le TABB group, organisme privé d’études financières, le HFT était responsable en 2010

de 56% des transactions effectuées sur le marché américain des actions (ou equity trading),

contre seulement 21% en 20051. En Europe la courbe de croissance est similaire : 9% des

equity trades en 2007 contre plus de 38% en 20102. La pénétration du HFT est moins forte sur

les principaux marchés Asie-Pacifique (Shangaï, Séoul, Tokyo) où il représente moins de 30%

des transactions d’actions1.

Il est aussi notable que le HFT a été plus ou moins adopté selon les différentes classes d’actifs,

notamment en fonction de la liquidité des titres. C’est pourquoi le marché des actions à forte

liquidité (principalement celles d’entreprises à capitalisations élevées) reste celui où le HFT est

responsable du plus grand nombre de transactions. La figure 2 montre bien la prépondérance

des marchés actions dans le HFT. Certains instruments ne se prêtent même pas du tout au HFT,

c’est par exemple le cas de la plupart des produits du marché de gré à gré (CDS, CDO etc.).

Ceci est notamment dû à la complexité de ces contrats qui empêche leur standardisation et donc

leur échange électronique.

1 D’après les rapports TABB Group : “European Equity Trading 2010: Maneuvering in the Market” (Octobre

2010) et “Next-Generation Algorithms: High Frequency for Long Only” (Décembre 2010).

2 D’après une étude AITE Group, 2009 commandée par le CESR, Committee of European Securities Regulators.

Fig. 2 – Part des transactions dues au

HFT par classes d’actifs sur le NYSE.

(Les données 2012 sont des estimations)

Source: Aite Group, also featured in

Financial Stability Oversight Council,

2012 Annual Report

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III. HFT, un terme pour de nombreux procédés

Avant d’énoncer les différentes stratégies utilisées il faut bien noté que le HFT n’est pas

une stratégie de négociation en soi. Pascal Quiry et Yann Le Fur, auteurs de l’ouvrage de

référence Finance d’entreprise initié par Pierre Vernimmen, donnent la description suivante

des stratégies HFT1 :

A la lumière de cette description nous pouvons maintenant analyser les stratégies qui se prêtent

le mieux au HFT et qui sont donc le plus mises en œuvre.

1. Aperçu des stratégies élémentaires du HFT

Parmi les stratégies utilisées par les firmes pratiquant le HFT on peut en isoler trois qui

représentent à elles seules plus de trois quarts des transactions1 : le market-making, l’arbitrage

et le tape trading.

a. Le market-making

La stratégie la plus utilisée dans le cadre du HFT est le market-making : environ 50%

des transactions haute-fréquence sont le fait d’activités de market-making1.

Cette technique consiste à proposer à tout moment un prix à la vente et à l’achat présentant un

écart de prix, qui s’appelle le « spread ». Par exemple une firme pratiquant le market-making

peut proposer la fourchette 15€-15,01€ pour une action X. Autrement dit elle est prête à acheter

cette action à 15€ et à la vendre à 15,01€. Ainsi, le market-maker espère effectuer beaucoup de

transactions dans les deux sens pour gagner autant de fois le spread de 0,01€. Certaines

institutions et banques ont le statut de market-makers, elles sont dans l’obligation d’afficher

constamment un prix à l’achat à la vente. Ces acteurs sont fondamentaux de la bonne santé des

marchés. Sans eux, les prix seraient plus volatiles et les titres moins liquides. D’autres firmes

font du market-making sans en avoir le statut et espère encaisser un profit grâce à ce système.

Certains marchés offrent même un rabais sur les transactions aux acteurs pratiquant market-

making dans le but d’augmenter la liquidité générale du marché et donc d’attirer de nouveaux

investisseurs.

A priori, pas besoin de disposer d’un système de trading haute fréquence pour pouvoir

appliquer cette stratégie. Cependant cette fourchette de prix suit le cours du marché. Ainsi, si le

cours d’un actif à l’instant est noté , une firme pratiquant le market-making avec un

spread proposera la fourchette suivante :

- achat à

- vente à

Ainsi le profit réalisé par la firme dépend de l’instant d’achat et du délai de revente :

1 La lettre vernimmen.net n°107, avril 2012. Par P. Quiry et Y. Le Fur.

Le trading haute fréquence est un ensemble de moyens techniques utilisant les dernières

avancées technologiques en matière d’accès aux marchés, de routage et d'exécution des

ordres, mises en œuvre pour réaliser des stratégies de négociation classiques.

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On obtient donc :

Autrement dit cette stratégie introduit un risque de marché caractérisé par la variation de

entre et . Si cette variation est négative et supérieure à en valeur absolue alors la firme

réalisera une perte.

Cependant, dans la pratique est un processus continu donc à une variation infinitésimale de

correspond une variation infinitésimale de . Ainsi, en rendant suffisamment petit on peut

s’assurer que la variation de ne dépassera pas entre et .

Or l’intérêt des systèmes de HFT est de pouvoir exécuter des ordres rapidement, fin 2012 le

délai de transaction peut être réduit à quelques microsecondes1. Ainsi, en choisissant un spread

suffisamment grand et un marché où il y a suffisamment d’acteurs (par exemple un marché

d’actions comme NYSE Euronext) le market-making permet d’assurer un profit qui ne dépend

pas de l’évolution générale du marché. De plus, grâce aux avancées technologiques le délai de

transaction est réduit, ce qui permet aux market-makers de réduire leurs spreads tout en gardant

le même profit moyen par cycle d’achat-vente. L’ensemble du marché est donc gagnant : la

liquidité est améliorée car les market-makers font systématiquement office de contrepartie et la

fourchette des prix à l’achat et à la vente se resserrent autour du prix de marché. Par ailleurs,

ces firmes n’exercent de pression ni à la hausse ni à la baisse puisqu’elles proposent

simultanément des ordres à l’achat et à la vente.

b. L’arbitrage pur et statistique

Une autre stratégie très pratiquée dans le HFT est l’arbitrage. Les différentes stratégies

d’arbitrages représentent environ 25% des transactions relevant du trading haute-fréquence2.

Avant de décrire le principe de cette technique il faut distinguer deux types de stratégies, à

savoir l’arbitrage réel (ou pur) et l’arbitrage statistique.

Commençons par l’arbitrage pur. Les opportunités d’arbitrages sont un concept fondamental

des mathématiques financières et leur étude permet de valoriser une grande partie des produits

dérivés. Une opportunité d’arbitrage est une stratégie financière permettant, pour un coût initial

nul, d'acquérir une richesse certaine à une date future.

Pour mieux comprendre, prenons un exemple. Supposons qu’un même actif soit coté sur

deux marchés A et B. Le cours de à l’instant sur le marché A (respectivement B) est noté

(respectivement

). Admettons maintenant qu’il existe une période durant

laquelle vaut plus cher sur le marché A que sur le marché B (i.e.

). Nous

supposerons également qu’il est possible d’emprunter à la banque à taux zéro. Nous pouvons

donc emprunter les fonds nécessaires pour acheter l’actif sur le marché B et le revendre sur le

marché A. Le portefeuille suivant permet de répliquer cette stratégie.

1 Chicago Fed Letter n°303 – How to keep markets safe in the era of high-speed trading. Octobre 2012.

2 La lettre vernimmen.net n°107, avril 2012. Par P. Quiry et Y. Le Fur.

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Fig. 3 – Comparaison du cours des actions Pepsico Inc. (en bleu)

et The Coca-Cola Company (en rouge)

Source : Yahoo Finance

Date

Emprunt 0

Remboursement 0

Achat de sur le marché B 0

Vente de sur le marché A 0

Valeur du portefeuille 0

D’après notre hypothèse la valeur du portefeuille en est bien strictement positive. Cette

stratégie aura donc permis à l’investisseur d’acquérir une richesse à coup sûr et à partir de rien.

De plus, sur les marchés actuels il est possible de vendre un actif à découvert (sans le détenir

réellement) il est donc possible d’appliquer cette stratégie en une seule et même date, sans

passer par l’emprunt à la banque (en achetant sur B tout en vendant à découvert sur A).

Quand une telle situation se présente dans la réalité, les « arbitragistes » achètent tout de suite

l’actif en masse sur le marché B (faisant ainsi monter ) pour le revendre avec une plus-

value sur le marché A (faisant ainsi baisser ), et ce jusqu’à retrouver l’équilibre des prix

entre A et B. Ce genre de situation ne dure donc pas longtemps car immédiatement corrigée par

les investisseurs. Ainsi, pour appliquer cette stratégie avec succès il est indispensable d’être

plus rapide que les autres participants, d’où l’intérêt de l’utiliser dans le cadre du HFT.

Une autre catégorie est l’arbitrage statistique. Il ne s’agit pas là de tirer profit à coup sûr d’une

inefficience du marché comme nous venons de le voir mais plutôt d’observer des corrélations

de cours sur les marchés et d’en tirer profit. Par exemple, les variations de cours des actions

Coca-Cola Company et Pepsico sont historiquement très corrélées comme le montre la figure 3.

Ainsi, après avoir observé une hausse de l’action Coca-Cola un investisseur peut faire un

arbitrage statistique en estimant que le cours de l’action Pepsico va probablement bientôt

monter. Mais il s’agit bien là d’une spéculation et non d’une réelle opportunité d’arbitrage.

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Au delà des actions d’entreprises historiquement corrélées, l’arbitrage statistiques peut

s’appliquer à un grand nombre de titres. Voici une liste d’exemple de titres souvent corrélés :

- Le prix d’une action et les options d’achat et de vente qui en sont dérivées.

- Le cours d’une action faisant parti d’un indice et un fonds indiciel censé répliquer cet

indice.

- Le cours d’une ressource (matière première, produit manufacturé etc.) et le cours des

actions d’entreprises consommatrices ou productrices de cette ressource.

Ces stratégies d’arbitrages statistiques sont très utilisées, elles représentent à elles seules plus

de 80% des transactions relevant de l’arbitrage1

. Comme le market-making, l’arbitrage

(statistique ou pur) est bénéfique pour les marchés, il permet d’en effacer les inefficiences et

d’assurer que les prix en vigueur reflètent la valeur réelle des actifs.

c. Le tape trading

Le tape trading est la première réelle stratégie de trading apparut à Wall Street (autre que la

spéculation pure), et elle est souvent considérée comme la plus noble. Au delà de l’observation

des cours, elle nécessite la connaissance de la structure interne du carnet d’ordre et de

l’ensemble des données du marché dont l’analyse permet de déceler l’attitude des investisseurs.

Cette stratégie part d’une hypothèse fondamentale de la théorie des marchés qui est l’efficience

de ceux-ci. Ce postulat, émis par Eugène Fama en 1965, suppose qu’à tout instant les cours des

marchés contiennent l’ensemble de l’information publique et privée disponible et qu’ils

réagissent instantanément à toute nouvelle information. Ainsi, le tape trading entend analyser

systématiquement l’ensemble des cotations disponibles et des ordres passés pour en extraire

une information qui n’aurait pas encore été diffusée par les media traditionnels. Ces données

étant publiques, de telles stratégies sont conformes à toutes les règlementations applicables.

Pour mieux comprendre prenons l’exemple d’une entreprise A souhaitant entrer dans le capital

d’une entreprise B à hauteur de 10%. Supposons que ceci représente dix millions d’actions.

L’entreprise A ne souhaite rendre publique cette information qu’après avoir acquis la totalité

des 10%, car si elle le faisait avant, cette annonce ferait monter le cours de l’action B et elle

payerait plus cher sa montée au capital. Cependant, elle ne peut pas acheter d’un coup dix

millions d’actions, car d’une part les ordres sont limités à un million d’actions sur la plupart des

marchés et d’autre part une telle transaction ferait monter le cours à tel point que l’action serait

tout de suite suspendu à la hausse par le marché en question. L’entreprise A doit donc effectuer

son opération en plusieurs ordres, au moins une dizaine de milliers à en croire la moyenne de

200 actions par transaction sur le NYSE en avril 20121. Ainsi elle va placer des ordres limites

d’achat à 10$ (prix limite auquel elle souhaite acheter les actions B). A chaque fois qu’une

contrepartie placera un ordre de vente dont le prix est inférieur seront donc tout de suite conclus

par A. Au bout d’un certain temps A aura acquis la quantité d’actions B qu’elle souhaite et

pourra rendre son opération publique. Maintenant mettons nous du côté d’un investisseur qui

ignore les intentions de A et qui pratique le tape trading. Il observe le carnet d’ordre et

remarque que tous les ordres de vente d’actions B inférieurs à $10 sont aussitôt conclus. Il peut

donc en déduire qu’un investisseur essaye d’acheter un grand nombre d’actions de l’entreprise

B. Ces contrats d’achat conclus très rapidement vont faire grimper le cours. Ainsi la stratégie

consiste à tirer profit de cette hausse en plaçant des ordres d’achat à $10,01 (par exemple) pour

1 La lettre vernimmen.net n°107, avril 2012. Par P. Quiry et Y. Le Fur.

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pouvoir acquérir des actions B (ces contrats seront honorés avant ceux de A car plus attractifs).

Ensuite le tape-trader pourra revendre ses actions avec une plus-value quand leur cours aura

effectivement dépassé les $10,01.

Cet exemple montre qu’il est possible de discerner le comportement d’un autre investisseur au

travers des carnets d’ordres. Cependant l’analyse de ceux-ci est laborieuse car ils sont très

nombreux (un par action cotée et par marché) et les transactions sont conclues très rapidement.

C’est pourquoi, dans cette situation il est judicieux d’utiliser la rapidité d’analyse des systèmes

de HFT.

Les trois stratégies que nous venons de voir, le market-making, l’arbitrage et le tape trading,

existaient avant l’apparition du HFT et ce dernier a permis de les exploiter plus efficacement.

Cependant, il a aussi donné naissance à de nouvelles stratégies relevant de la manipulation de

marchés. C’est ce que nous allons voir maintenant.

2. Manipulation de marchés

Grâce à la performance des nouveaux systèmes introduits par le HFT de nouvelles stratégies

sont apparues. Celles-ci ne sont rendues possibles que par la rapidité à laquelle les algorithmes

actuels sont capables de passer des ordres. Les firmes n’ayant comme limite que leur

imagination pour inventer de nouvelles stratégies, il en existe plusieurs dizaines. L’objet de ce

paragraphe n’est pas d’en établir une liste exhaustive mais de donner quelques exemples de

pratiques observées sur les marchés depuis le développement du HFT au cours de la dernière

décennie.

a. Le quote stuffing

Le quote stuffing, qui peut se traduire par « bourrage de cotation » est une technique que

l’Autorité des Marchés Financiers estime « à la limite de l’abus de marché »1. L’AMF définit

cette méthode de la manière suivante1 :

Cette technique de sabotage de la concurrence est selon beaucoup de sources en grande partie

responsable du crash du 6 mai 20102,3

. Nous en parlerons donc plus en détails en traitant cet

événement, dans la partie III.

b. Le layering

Dans le même esprit que le quote stuffing, le layering consiste à placer des ordres sans réelle

intention de les exécuter. Sauf qu’à la différence du quote stuffing le but ici est de faire monter

artificiellement le cours d’un titre pour pouvoir ensuite le vendre à un prix plus élevé ou

inversement faire baisser le cours pour acheter moins cher.

1 Le trading haute fréquence vu de l’AMF. AMF, 16 mars 2011.

2 SEC Probes Canceled Trades by Tom Lauricella and Jenny Strasburg. The Wall Street Journal, 10 sept. 2010

3 Quote Stuffing. The New York Times, 14 sept. 2010

Envoi d’ordres en grand nombre, souvent répétitifs, sans logique économique, pour

perturber ou freiner la lecture du carnet par les autres participants.

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Par exemple, si un investisseur place des ordres d’achat à un prix plus élevé que celui du

marché les autres participants vont penser qu’une nouvelle information qui ne leur est pas

encore parvenue incite les détenteurs de l’information à acheter le titre en question. Ces

investisseurs observateurs vont donc faire de même et passer des ordres d’achat. L’initiateur de

la stratégie continue à faire monter le prix jusqu’à ce qu’il atteigne un seuil qu’il s’était fixé

puis annule tous ces ordres d’achat et vend les titres en question. Le résultat de l’opération est

qu’il a pu vendre à un prix surestimé ses titres en créant artificiellement une bulle spéculative

avant de faire la éclater en vendant massivement.

L’exemple suivant (traduit de l’anglais) est tiré d’une plainte déposée par Financial Industry

Regulatory Authority (FINRA) contre Hold Brothers Online Investment Services dont un des

portefeuilles dénommé « Demostrate » aurait pratiqué le layering au cours de la séance du 4

juin 2010 sur l’action W.W. Grainger, Inc. (GWW) coté au Nasdaq.

Le NBBO, National Best Bid Offer, reflète d’une part le prix le plus haut auquel les

investisseurs sont prêts à acheter un titre (Best Bid) et d’autre part le prix le plus bas auquel ils

sont prêts à le vendre (Best Offer).

« Bona fide » signifie « de bonne foi » en latin.

Heure Action

11:08:32.596 Le NBBO est $101.24 - $101.35

11:08:33.063 Demostrate envoie un ordre de vente (bona fide) de 1000 actions W.W. Grainger, Inc. (GWW) sur NASDAQ au prix de $101.32

11:08:33.065 Le NBBO devient donc $101.24 - $101.32

11:08:33.071 - 11:08:33.172

Demostrate envoie sur NASDAQ 5 ordres d'achat (non bona fide) totalisant 2000 actions GWW dont les prix s'échelonnent de $101.27 à $101.31. Chaque ordre fait monter le Best Bid jusqu'à atteindre $101.31 - $101.32

11:08:33.173 - 11:08:33.176

Les algorithmes d'achat des autres participants estiment alors que GWW est soudainement attractif puisqu'il fait l'objet de 5 ordres d'achats. Ils saisissent donc l'offre initiale de Demostrate et achètent ses 1000 actions à un prix unitaire de $101.32.

11:08:33.838 - 11:08:33.882

Demostrate annule alors ses 5 ordres d'achat du marché

11:08:33.883 Le NBBO redevient $101.24 - $101.35

Ainsi, cette stratégie aura permis à Hold Brothers de vendre 1000 actions au prix unitaire de

$101.32 alors que la meilleure demande aurait été de $101.24 sans layering. Autrement dit, la

firme a gagné $80 sur cette opération qui a duré à peine plus d’une seconde (1,287 s).

Hold Brothers a été condamnée le 25 septembre 2012 à payer 5,9 millions de dollars d’amende

auprès de la Securities and Exchange Commission1 pour avoir pratiqué à plusieurs reprises le

layering. Bien qu’utilisée, cette pratique est donc illégale et sévèrement réprimée aux Etats-

Unis et en Europe.

1 SEC Charges N.Y.-Based Brokerage Firm with Layering. SEC, 25 sept. 2012

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IV. Les risques inhérents à la pratique du HFT

Maintenant que nous connaissons le contexte d’apparition du Trading Haute Fréquence et les

stratégies employées par ceux qui le pratiquent il est nécessaire d’étudier les risques que ces

nouvelles méthodes engendrent. Il est notamment intéressant d’analyser un événement qui s’est

déroulé sur le marché américain en début d’après-midi le 6 mai 2010.

1. Le flash crash du 6 mai 2010

Ce jour là le Dow Jones Industrial Average (communément appelé DJI) ouvrit en baisse à 10

862 points et continua à baisser pendant toute la matinée sur fond d’inquiétude concernant la

crise de la dette grecque. A 14h42 l’indice avait perdu 300 points depuis l’ouverture. Puis, en

moins de 5 minutes, le DJI chuta de 600 points supplémentaires pour finalement en récupérer

plus de 1000 avant 15h071.

Avant de tirer les conclusions de cet incident, étudions précisément les causes de cet incident.

Revenons d’abord sur le concept du NBBO dont nous avons parlé dans la partie précédente.

Chaque participant souhaitant effectuer un échange soumet au marché un prix d’offre (s’il

souhaite acheter) et/ou un prix de demande (s’il souhaite vendre). Le prix d’offre le plus haut

devient le National Best Bid et le prix de demande le plus bas devient le National Best Ask, ils

forment à eux deux le NBBO. Les participants sont en compétition pour détenir le National

Best Bid et/ou le National Best Ask car c’est à ces prix que les ordres seront exécutés en

premier (car ce sont les propositions les plus attractives pour les contreparties). Il ne suffit pas

de proposer des prix compétitifs, les participants doivent aussi s’assurer que leurs prix ne

croisent pas ceux des autres (acheter une action pour un prix supérieur à la plus basse demande

ou vendre à un prix inférieur à la plus haute offre), car exécuter un ordre en dehors des limites

du NBBO signifie réaliser un manque à gagner.

C’est ce cas de figure qui se produisit lors du Flash Crash. A 14h42m46s, le National Best Ask

passa en dessous des prix offerts pour approximativement 100 actions du NYSE2. En moins de

deux minutes ce phénomène s’étendit à plus de 250 actions comme on peut le voir sur la figure

4. D’après l’inspection de la SEC3, ceci était dû au fait que plusieurs marchés échangent des

actions cotées au NYSE : le NYSE lui même, le Nasdaq, le BATS, le CBOE, l’ARCA, l’ISE et

les bourses de Boston, Cincinnati et Chicago. Ainsi, lorsque les prix commencèrent à baisser

sur les autres marchés4, les prix offerts au NYSE ne chutèrent pas assez vite et se retrouvèrent

au dessus des prix demandés sur les autres marchés. Les systèmes de HFT remarquèrent

immédiatement l’opportunité d’arbitrage (voir partie II, 1, b) et mirent en œuvre leur stratégie

pour en tirer profit, ils achetèrent alors massivement sur les autres marchés pour revendre sur le

NYSE faisant ainsi chuter les prix sur ce marché.

1 « Market Plunge Baffles Wall Street » par Tom Lauricella, The Wall Street Journal, 7 Mai 2010.

2 Données fournies par Nanex, entreprise spécialisée dans la capture de market data qui conserve les carnets

d’ordres du NYSE depuis 2004, consultables sur nanex.net. 3 « Preliminary Findings Regarding the Market Events of May 6, 2010 », SEC, 18 mai 2010.

4 Baisse due à la vente massive ce jour ci de 75 000 contrats E-mini S&P500. Voir « 'Flash Crash' Report:

Waddell & Reed's $4.1 Billion Trade Blamed For Market Plunge », M. Gordon et D. Wagner, Huffington Post, 1er

Oct. 2010.

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Fig. 4 – Nombre total d’actions cotées au NYSE (en rose) dont le prix offert moyen est au

dessus du National Best Ask le 6 mai 2010 entre 14h20 et 15h00 (GMT – 5:00).

Source : Nanex, LLC

La question est maintenant de savoir ce qui a causé ce délai sur le NYSE et la raison pour

laquelle les prix offerts n’ont pas baissé en même temps que sur les autres marchés.

Pour répondre à cette question intéressons nous au « quote stuffing ». Comme nous l’avons vu

dans la partie II, 2, a, il s’agit d’une technique qui consiste à envoyer des ordres qui n’ont en

réalité pas de logique économique et sans réelle intention de les exécuter. Les autres

participants sont alors ralentis car forcés d’analyser ces ordres.

Cependant, une des conséquences collatérales de cette pratique fut que le marché qui recevait

tous les ordres « non bona fide », le NYSE, mis un temps non négligeable à traiter cette

importante arrivée d’ordres. Un temps de latence fut donc créé entre l’heure d’arrivée des

ordres, leur traitement et la prise en compte de leur impact sur les prix Best Bid et Best Ask du

marché. Ainsi, ce temps de latence créa une incohérence entre les prix pratiqués sur le NYSE et

sur les autres marchés (BATS, Nasdaq, CBOE etc.). Puis, cet écart de prix engendra des

opportunités d’arbitrage qui furent immédiatement « consommées » par les systèmes HFT

précipitant ainsi le NYSE dans sa chute.

D’après les carnets d’ordres fournies par Nanex pour le 6 mai 2010, certains titres (par ex.

actions P&G, RNN, MOO) furent l’objet de quote stuffing avec plus de 5000 ordres par

seconde provenant du même participant1. On peut voir sur la figure 5, la représentation

graphique d’ordres issus du quote stuffing. Le système de HFT a ici émis des ordres de vente

(ASK) en échelonnant les prix entre $105 et $117 puis en annulant tous les ordres

massivement.

1 Analysis of the "Flash Crash", Nanex, LLC, 25 juin 2010

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Fig. 5 – Ordres passés sur le titre AGG entre 14h38 et 14h43 (GMT – 5:00) le 6 mai 2010

Source : Nanex, LLC

2. Analyse des risques et pistes d’amélioration

Ce qui est arrivé le 6 mai 2010 n’est pas un événement isolé. Au contraire, il existe une

multitude d’autres évènements qui ont montré les risques qu’engendrent l’automatisation des

prises de décisions d’investissement et de passage d’ordres.

Le 23 mars 2012, l’IPO1 de BATS (Better Alternative Trading System), la troisième bourse

mondiale en volume d’actions échangé, dut être annulée à cause d’un bug de l’application de

passage d’ordres. Cette même erreur causa une baisse de 9% de l’action Apple2.

En mai 2012, lors de l’introduction au Nasdaq de l’action Facebook, les logiciels de passage

d’ordre eurent des problèmes de latence, ce qui résulta en l’impossibilité pour les investisseurs

de connaître leurs positions exactes vis à vis de ce titre, ainsi plusieurs d’entre eux passèrent

plusieurs fois le même ordre. UBS a ensuite annoncé avoir perdu $350M dans cette affaire3.

Les risques engendrés par l’automatisation sont en réalité bien plus divers.

Le volume de ces pertes et la fréquence de leurs apparitions au sein de sociétés pourtant

réputées bien gérées témoignent de l’importance de la mise en place de contrôles à toutes les

étapes de la chaîne d’investissement. C’est pourquoi les entités régulatrices (AMF, SEC etc.)

1 Initial Public Offering = introduction en bourse

2 Bats CEO Scuttled IPO on Potential for Erratic Trading, Nina Mehta, Bloomberg, 25 mars 2012

3 Citadel urges SEC to approve Nasdaq's Facebook compensation plan, Reuters, 21 août 2012.

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ont établies des règles de bonnes pratiques et de contrôle du risque1. Cependant, beaucoup de

firmes ne mettent pas ces mesures en application et compte sur les autres société du « trade

cycle » (courtiers, chambres de compensation etc.) pour détecter et stopper un trade erroné ou

ayant un volume anormalement élevé.

Le rapport de la Chicago Federal Reserve Letter d’octobre 20122, issue des témoignages d’une

cinquantaine de broker-dealer, de bourses et de firmes pratiquant le proprietary trading,

constate les trois éléments suivants :

- Les contrôles sont moins présents dans le HFT qu’ailleurs et ce à cause des contraintes

temporelles très exigeante dans ce domaine.

- Les firmes ne respectent pas le cycle classique de développement informatique au cours

de l’élaboration des algorithmes de stratégies HFT. Notamment la phase de test.

- Et par conséquent les algorithmes hors-de-contrôles sont plus répandus que les

enquêteurs ne s’y attendaient : la moitié des broker-dealers, deux-tiers des firmes et la

totalité des entreprises de bourses interrogés ont déjà perdu le contrôle d’au moins un de

leurs algorithmes.

Ainsi, le manque de vérification est dû au fait que mettre en place un contrôle du risque avant

l’initiation d’un échange peut ralentir le passage d’un ordre et donc être responsable d’un

manque à gagner ou d’une perte. La majorité des contrôles actuellement en place sont donc des

vérifications a posteriori, c’est à dire des contrôles « post-trade ». L’ordre est donc d’abord

envoyé pour pouvoir profiter de l’opportunité puis le contrôle a lieu ensuite.

Afin de pouvoir utiliser en toute sécurité les systèmes HFT la lettre fédérale recommande

notamment les quatre pratiques suivantes :

- Limiter le nombre d’ordres par seconde pouvant être envoyé par un même participant

sur un même titre et sur un même marché.

- Mettre en place un « kill switch » (bouton stop) pouvant arrêter tous les échanges à un

ou plusieurs niveaux (au niveau de la firme, d’un produit, d’un marché etc.)

- Instaurer une prise de position maximale par firme sur chaque titre au cours d’une

journée.

- Etablir pour chaque participant un « Profit & Loss » maximum pour limiter le volume

total pouvant être perdu dans le pire des cas.

Pour qu’un contrôle du risque soit effectif il est également important qu’il ait lieu à toutes les

étapes de l’échange : firme émettrice, broker-dealer, chambre de compensation et marché sur

lequel la transaction est effectuée (NYSE, Nasdaq etc.).

1 Voir par exemple : Risk Management Controls for Brokers or Dealers with Market Access, SEC, 3 nov. 2010.

2 Chicago Fed Letter n°303 – How to keep markets safe in the era of high-speed trading. Octobre 2012.

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V. Conclusion

La baisse des coûts des nouvelles technologies et leur expansion ont permis à une grande partie

des acteurs des marchés financiers d’utiliser les progrès de l’informatique. Ce changement

technologique résulte en l’apparition de nouvelles méthodes d’échange des actifs financiers et

l’émergence de stratégies d’investissements inédites. De nombreuses institutions et entreprises

utilisent dorénavant des algorithmes de Trading Haute Fréquence (HFT) pour assister ou

remplacer leurs traders. Le succès de ces nouvelles méthodes auprès des investisseurs privés

(banques, fonds etc.) est indéniable, cependant les autorités régulatrices rappellent

régulièrement les risques qu’engendrent certains de ces procédés.

Les partisans du HFT estiment qu’il est le nouveau garant d’une liquidité accrue des marchés

d’actions, notamment grâce à l’amélioration des techniques de market-making que nous avons

vues. D’après eux, le trading haute fréquence permet également d’améliorer et d’accélérer le «

price discovery1 ». En effet, en multipliant les transactions et les interactions entre acheteurs et

vendeurs il permet de déterminer un prix de marché plus légitime (car résultant de plus de

transactions) et ce, plus rapidement. Par ailleurs, les arbitragistes HFT rappellent que leur

action permet d’améliorer l’efficience des marchés.

De leur côté, les détracteurs du HFT affirment que le trading haute fréquence accroît la

volatilité des cours du marché et amplifie le risque systémique, notamment en facilitant la

manipulation de marchés et la multiplication d’événements critiques comme celui du 6 mai

2010. Cette dernière accusation, relayée par le Financial Times, semble plausible et il est bien

sûr évident que l’utilisation de programmes informatiques ne peut qu’accroître le risque de

bugs informatiques. La question est de savoir si l’ampleur et la fréquence de ces bugs

algorithmiques ont un impact plus important que les erreurs humaines que l’utilisation de

l’informatique est justement censée éviter. L’accroissement de la volatilité n’est, quant à elle,

confirmée par aucune étude académique, journalistique ou institutionnelle à l’heure actuelle

(fin 2012).

1 Le price discovery est le processus qui permet de déterminer le prix d’un actif présent sur un marché grâce aux

échanges réalisés entre les différents participants de ce marché.

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VI. Bibliographie New World Order : The High Frequency Trading Community and Its Impact on Market Structure.

Aite Group, février 2009.

aitegroup.com/Reports/ReportDetail.aspx?recordItemID=531

The Shrinking New York Stock Exchange Floor and the Hybrid Market.

Terrence Hendershott et Pamela Moulton, 2007. wlu.ca/documents/29974/HybridPaper_20080328.pdf

Next-Generation Algorithms: High Frequency for Long Only. TABB Group, décembre 2010. tabbgroup.com/PublicationDetail.aspx?PublicationID=795

How to keep markets safe in the era of high-speed trading.

Carol Clark, Chicago Fed Letter n°203, octobre 2012. chicagofed.org/digital_assets/publications/chicago_fed_letter/2012/cfloctober2012_303.pdf

Les transactions à hautes fréquences.

Pascal Quiry et Yann Le Fur, lettre Vernimmen n°107, avril 2012. vernimmen.net/lettre/html/lettre_107.php

Le trading haute fréquence vu de l’AMF. Arnaud Oseredczuck, AMF, mars 2011.

amf-france.org/documents/general/9905_1.pdf

SEC Probes Canceled Trades.

Tom Lauricella et Jenny Strasburg, Wall Street Journal, septembre 2010. online.wsj.com/article/SB10001424052748703882304575465990082237642.html

Quote Stuffing. The New York Times, septembre 2010.

schott.blogs.nytimes.com/2010/09/14/quote-stuffing/

SEC Charges N.Y.-Based Brokerage Firm with Layering. SEC, septembre 2012. sec.gov/news/press/2012/2012-197.htm

Market Plunge Baffles Wall Street. Tom Lauricella, The Wall Street Journal, mai 2010.

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Preliminary Findings Regarding the Market Events of May 6, 2010. SEC, mai 2010.

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‘Flash Crash’ Report: Waddell & Reed's $4.1 Billion Trade Blamed For Market Plunge.

Marcy Gordon et Daniel Wagner, Huffington Post, octobre 2010.

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Analysis of the « Flash Crash ». Nanex LLC, juin 2010. nanex.net/20100506/flashcrashanalysis_intro.html

Bats CEO Scuttled IPO on Potential for Erratic Trading. Nina Mehta, Bloomberg, mars 2012.

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Citadel urges SEC to approve Nasdaq's Facebook compensation plan. Reuters, août 2012.

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Risk Management Controls for Brokers or Dealers with Market Access. SEC, novembre 2010.

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