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1 1. Héritages néo-classicisme et romantisme (1770-1830) 1.1. Le néo-classicisme : Le néo-classicisme est le premier style du 19 ème siècle bien qu’en réalité il commence en 1770. C’est une réaction au baroque (le baroque est basé sur des jeux d’asymétrie, de surprise avec du drame, de la passion et de l’élan. C’est un style très vigoureux qui recherche la décoration à l’extrême, il y a une exagération décorative et un plaisir de la couleur). La première réaction du néo-classicisme est de prendre de la distance par rapport au baroque pour tendre vers un style plus sobre, moins chargé. Septième Sévère et Caracalla, Jean-Baptiste Greuze (1769) C’est un tout premier exemple du style néo-classique. Il y a une grande sobriété (arrière-plan sombre). Les gestes sont efficaces, nets et précis. Le décor est réduit au minimum et on ne part pas dans des éléments de décoration extérieure. C’est vraiment une réaction par rapport au baroque, il n’y a plus le côté maniériste des formes. Les personnages sont tous habillés avec des vêtements typiques du monde romain. Néo-classicisme : c’est le renouveau du classicisme (style de l’Antiquité gréco-latine durant laquelle l’Empire romain conquiert la Grèce et règne sur l’ensemble de la Méditerranée). Le néo- classicisme va donc s’inspirer de cette antiquité gréco-latine. Au 19 ème siècle, l’idéal est de se conformer à la réalité et de respecter la tradition 1 donc un bon peintre se doit d’agir comme tel. Ce retour de l’ancien est dû au fait que l’Antiquité gréco-latine est considérée comme un sommet culturel et on essaye dès lors d’en imiter le style. Le néo-classicisme naît à Rome pour deux raisons : - Rome étant le centre du monde romain, c’est là que se trouvent le plus d’éléments vestiges du monde romain (de l’Antiquité). - Il y a avait un « Prix de Rome » qui est le sommet de la formation académique. Il s’agit d’un concours ouvert à la plupart des artistes qui ont reçu une formation académique. Le gagnant reçoit une bourse pour aller à Rome et observer la culture du passé. Tous les artistes se retrouvaient là, se fréquentaient. Il y a donc une recherche artistique très forte à Rome. Cependant, il existait une tradition de peinture à Bologne en Italie qui reprenait déjà le style de l’Antiquité (bien avant que les français, les belges,… se mettent à le reprendre). 1 Contrairement au 19 ème siècle, nous sommes actuellement dans une culture de la révolte, nos sociétés sont basées et fonctionnent sur un système de modes, nous avançons tout le temps.

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1. Héritages néo-classicisme et romantisme (1770-1830)

1.1. Le néo-classicisme :

Le néo-classicisme est le premier style du 19ème siècle bien qu’en réalité il commence en 1770. C’est une réaction au baroque (le baroque est basé sur des jeux d’asymétrie, de surprise avec du drame, de la passion et de l’élan. C’est un style très vigoureux qui recherche la décoration à l’extrême, il y a une exagération décorative et un plaisir de la couleur). La première réaction du néo-classicisme est de prendre de la distance par rapport au baroque pour tendre vers un style plus sobre, moins chargé. Septième Sévère et Caracalla, Jean-Baptiste Greuze (1769)

C’est un tout premier exemple du style néo-classique. Il y a une grande sobriété (arrière-plan sombre). Les gestes sont efficaces, nets et précis. Le décor est réduit au minimum et on ne part pas dans des éléments de décoration extérieure. C’est vraiment une réaction par rapport au baroque, il n’y a plus le côté maniériste des formes. Les personnages sont tous habillés avec des vêtements typiques du monde romain.

� Néo-classicisme : c’est le renouveau du classicisme (style de l’Antiquité gréco-latine durant laquelle l’Empire romain conquiert la Grèce et règne sur l’ensemble de la Méditerranée). Le néo-classicisme va donc s’inspirer de cette antiquité gréco-latine. Au 19ème siècle, l’idéal est de se conformer à la réalité et de respecter la tradition1 donc un bon peintre se doit d’agir comme tel. Ce retour de l’ancien est dû au fait que l’Antiquité gréco-latine est considérée comme un sommet culturel et on essaye dès lors d’en imiter le style. Le néo-classicisme naît à Rome pour deux raisons :

- Rome étant le centre du monde romain, c’est là que se trouvent le plus d’éléments vestiges du monde romain (de l’Antiquité).

- Il y a avait un « Prix de Rome » qui est le sommet de la formation académique. Il s’agit d’un concours ouvert à la plupart des artistes qui ont reçu une formation académique. Le gagnant reçoit une bourse pour aller à Rome et observer la culture du passé. Tous les artistes se retrouvaient là, se fréquentaient. Il y a donc une recherche artistique très forte à Rome.

Cependant, il existait une tradition de peinture à Bologne en Italie qui reprenait déjà le style de l’Antiquité (bien avant que les français, les belges,… se mettent à le reprendre).

1 Contrairement au 19ème siècle, nous sommes actuellement dans une culture de la révolte, nos sociétés sont basées et fonctionnent sur un système de modes, nous avançons tout le temps.

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Noces d’Eros et de Psyché, Pompeo Batoni (1756)

Il y a les caractéristiques néo-classiques : l’arrière plan est bouché et concentre le regard sur l’action principale.

Persée et Andromède, Anton Raphaël Mengs (1774-1779)

C’est Anton Raphaël Mengs qui inventa le néo-classicisme et le diffusa. Il a séjourné une grande partie de sa vie en Espagne et va répandre les idées néo-classiques dans l’Europe entière (ce style devient dès lors un style européen). Il formule une idée en relation avec un historien d’art (un des premiers contemporains qui s’intéresse à l’antiquité). Ce dernier conclut que l’on ne peut pas dépasser l’art antique. C’est le sommet absolu de ce que l’on peut faire en matière artistique donc on recopie, on s’inspire, on se conforme à la tradition antique. Tout le monde va vivre avec cette idée (par après, les gens vont se révolter contre ce concept). Mengs se souscrit à cette idée et peint des tableaux purement dans la tradition antique. Le thème est ici tiré de la mythologie. Le physique des personnages est également typique de l’Antiquité (musculature parfaite, idéale qui est inspirée par les canons antiques). On trouve néanmoins quelques traces du baroque : couleurs très raffinées, complexité des drapés.

� Au 19ème siècle, on formate les images afin de les ramener aux costumes, aux proportions, aux traits,… de l’Antiquité. Les adieux d’Hector et d’Andromaque, Joseph-Marie Vien (1786)

Il y a un plaisir des couleurs et un mélange de celles-ci. Il s’agit du style baroque. Il y a énormément de contrastes. On trouve des jeux de forme et de contraste ainsi que des oppositions. Ce peintre ramène le néo-classicisme en France (qui devient le pays où l’on pratique le plus ce genre et le plus longtemps). Il revient à Paris où il est professeur d’Académie, il forme alors les jeunes et leur apprend le modèle de l’Antiquité comme cadre de leur peinture. C’est lui qui formera Jacques-Louis David.

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Le serment des Horaces, JacquesLouis David (1784)

Il y a presque un côté cliché (Rome remise au goût du jour). Au début du 19ème siècle, ce type d’image est une révolution, c’est une modernité incroyable. Malgré cette influence de l’Antiquité, on est dans une image qui se modernise complètement et qui jette les bases de ce que l’on connaît actuellement. Il s’agit d’un moment difficile de la république romaine où Rome doit affronter une cité rivale. Rome choisit d’envoyer trois soldats (les Horaces) qui vont affronter les trois soldats désignés par la ville rivale pour décider du vainqueur. Le père des trois Horaces leur donne les épées avec lesquelles ils vont combattre. Sur la droite, les épouses se lamentent.

On a ici toutes les caractéristiques du néo-classicisme :

• Tradition de l’antiquité • Valeur morale : Les grands hommes étaient des gens exceptionnels, au moral irréprochable, et

les jeunes générations devaient les imiter (la société était basée sur ce concept). Le but de ce tableau est d’imiter les valeurs morales de ces hommes : courage des soldats, le père qui risque de perdre ses fils mais qui les sacrifient au profit de la nation (on a une image nationaliste), ainsi que la douleur des femmes qui savent qu’ils risquent de ne pas revenir, c’est leur cœur qui parle, mais elles se résignent. Tout est fait comme un exemple moral et de vertu. Ce sont des tableaux didactiques qui enseignent la bonne conduite (raison pour laquelle ces tableaux étaient en grande partie).

• Allégorie (personnification, idée abstraite) : Les images sont capables, par certains procédés, de nous faire passer des idées abstraites. Ici, on a une personnification du courage. Tous les tableaux néo-classiques sont allégoriques (ils font passer la noblesse, le courage,…).

Comment ces tableaux ont-ils réussi à faire passer ces idées ? On met en valeur certains éléments :

• On bouche les fonds : on ferme les arrière-plans (souvent avec des éléments d’architecture). Ici, le fond est bouché par la pénombre. David a utilisé le noir de la pénombre pour rendre invisible l’arrière-plan. Cela évite à l’oeil d’aller contempler ailleurs, on est forcé de regarder le premier plan, c’est une manière de focaliser l’attention sur l’élément sur lequel l’artiste veut nous attirer. Les arcades isolent les groupes de personnage (chacun est placé dans une arcade).

• Géométrie de la composition : si on trace des lignes, il y a une géométrie très construite dans cette œuvre ; celle-ci repose sur un système de triangles où les groupes sont enfermés. Ces triangles peuvent être inversés et sont apposés les uns aux autres. La scénographie fait que le sens de l’image est très clair. La manière de structurer les personnages va nous faire progresser dans l’image et nous amène à un point culminant (les mains du père qui est le sommet des triangles rassemblés). C’est un geste complexe (tension psychologique extrême). Le néo-classicisme ne représente jamais l’action au moment où elle se passe, on présente le moment avant l’action car c’est là que l’instant d’extrême limite de la tension psychologique se passe. Ce type d’image est une grande nouveauté pour l’époque, on obtient une efficacité de l’image et on induit des sentiments très précis. Ce tableau fut peint en 1784, quelques années avant la révolution française (1789, l’ancien régime des rois de France est mis à mal). C’est donc un élément d’allégorie car le régime français est en crise absolue. David montre qu’il faut avoir le courage des armes pour défendre la patrie, c’est une sorte de tableau prérévolutionnaire (il faut se rassembler, prendre les armes et agir).

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Les Sabines arrêtant le combat entre les Sabins et les Romains, Jacques-Louis David (1789-1799)

Ce tableau fut commencé lors de la révolution française. Il s’agit de deux cités qui luttent. On voit les épouses des Sabins qui s’interposent entre les combattants. On a un appel de David qui dit qu’il faut arrêter de se battre (le geste de la femme arrête le combat entre les rivaux). Ce n’est pas seulement la reprise du passé, cela a aussi un sens dans le contexte historique de l’époque. A l’arrière-plan, David donne une impression de foule, de masse, de confusion due au combat. Et pourtant, on perçoit les personnages à l’avant-plan. C’est extrêmement complexe, il y a un jeu

d’artifice. Le peintre reprend le système des triangles mais le spatialise. Les deux soldats à l’avant sont en positions inverses, ce système crée une profondeur entre eux. Les deux diagonales dans l’espace passent par les bras de la femme puis par le corps des hommes. Ceux-ci ont alors une spatialité et du volume, ils sont distincts de l’arrière-plan, on peut identifier qu’il se passe quelque chose en dehors de cette mêlée. En ce qui concerne la nudité des personnages, elle est représentable dans certaines conditions : au sein de l’antiquité et au 19ème siècle, il est inacceptable de représenter une femme nue ; la seule possibilité c’est les déesses. Pour les hommes, la nudité est tolérée lorsqu’elle est justifiée (les hommes ici ne sont pas vraiment nus, il y a toujours un élément qui permet de cacher le sexe et donc de préserver la morale). Le fond est toujours bouché, on est attiré sur l’action du premier plan. La femme en rouge représente l’effroi, une autre brandit un bébé face aux lances des soldats. Il y a un parcours de la guerre, une progression de l’élément masculin et martial du guerrier. Ce qu’on voit devant est le produit d’une action qui se passe derrière, c’est une manière de lier l’avant plan et l’arrière-plan. Napoléon sur le trône impérial, Jean Auguste Dominique Ingres (1806)

Le néo-classicisme devient très populaire et finit par être utilisé comme peinture officielle. Napoléon est la figure centrale de ce tableau. Il considère que le néo-classicisme peut servir ses intérêts, il détourne l’idéal néo-classique pour en faire une peinture de propagande. Napoléon est le premier à comprendre ce pouvoir de persuasion de l’image. Dans ce portrait, on a un rappel à Charlemagne (premier empereur des Français), avec une froideur de la pose. Le but est d’en imposer, d’asseoir la masse de Napoléon, d’incarner à travers sa figure tout son pouvoir. Le fond est bouché, on ne peut voir autre chose que Napoléon. On a une structure composée de deux triangles (un vers le haut et l’autre vers le bas). On a aussi un système de diagonales avec les deux canes du pouvoir. On adhère à l’image, on est associé au pouvoir de Napoléon, on est impressionné et on s’identifie à ce pouvoir. Le peuple est donc associé au pouvoir despotique. Napoléon n’aime pas trop ce portrait qu’il trouve trop médiéval.

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Le sacre de Napoléon, Jacques-Louis David (1805-1807)

Napoléon a organisé son propre sacre (où il s’est couronné lui-même en réalité) et a demandé à David de réaliser cette image. La peinture est ici un élément d’information, elle est témoin d’un moment auquel la plupart des français n’ont pas assisté. Napoléon et David sont en flagrant délit de propagande. David est favorable à Napoléon, il représente le moment où il met la couronne sur la tête de son épouse Joséphine (en réalité il la détestait). David choisit le moment attendrissant où il couronne sa femme, il donne un côté positif à Napoléon. Dans une partie du tableau, on a la représentation du peintre pour dire qu’il y était. Il représente également la mère de Napoléon souriante qui assiste à la cérémonie (or, Napoléon la détestait, ils se sont fâchés quelques jours avant et elle n’y a pas assisté). Il y a aussi des membres du clergé : Napoléon sait qu’il a besoin de l’église et veut légitimer la cérémonie, il les oblige à venir. La peinture peut donc tromper et être utilisée par le pouvoir à des fins de persuasion. Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, Antoine-Jean Gros (1804)

C’est une autre image de propagande. Elle est jaunâtre car elle était enduite de vernis qui donne de l’éclat mais jaunit avec le temps. Contexte : Jaffa est dans le Moyen Orient - territoire de l’Égypte (actuelle Israël) dominé par les Turcs (empire ottoman - la Turquie régnait sur tout le Moyen-Orient). Napoléon fait la campagne d’Égypte et se rend au Moyen Orient pour se battre contre les Turcs et prendre possession de tous leurs territoires. Il conquiert la ville de Jaffa et repousse les turcs mais ces deniers font une contre-offensive et Napoléon doit abandonner la ville.

Sur ce tableau, Napoléon se ballade parmi les blessés de son armée qui sont infectés par la peste et meurent. Il est très courageux car tous les généraux sont horrifiés par les pestiférés. Lui, au contraire, les touche, leur tend un regard attendri. Mais cela ne s’est pas passé comme ça : quand il a dû quitter Jaffa, il a fait achever tous ses blessés (empoisonnés). Cette peinture a beaucoup de succès, c’est une source d’exotisme, qui fait rêver car elle représente l’Orient (personne ne s’y rend à l’époque). Mais elle est complètement décalée de la réalité historique. Napoléon avait un ministre de la culture : Dominique-Vivant Denon (célèbre pour la création du Louvre). Celui-ci l’a accompagné en Egypte et a publié un livre qui décrivait ce pays et réalisé des gravures. Ce livre a eu une influence immense sur les gens à l’époque et Gros s’en inspire pour créer son tableau.

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Bonaparte sur le champ de bataille d’Eylau, Antoine-Jean Gros (1807)

C’est encore une peinture de propagande. C’est un moment stratégique de l’histoire militaire : il s’agit de la première bataille moderne (très sanglante). Napoléon affronte les russes, son ambition étant d’aller jusqu’à Moscou pour prendre la Prusse et la Russie. Il a une grande capacité à surprendre l’ennemi (il invente la guerre de mouvement, ce qui déstabilise l’ennemi). Il remporte énormément de victoire (stratégie basée sur la vitesse adoptée aussi par les nazis). A Eylau, les Russes l’obligent à avoir une bataille frontale, Napoléon perd 20.000 hommes en un jour. Il n’y a pas véritablement de vainqueur car aucun n’a pris de position mais il est déclaré vainqueur car il a fait plus de morts. Napoléon a besoin de montrer qu’il est le vainqueur et fait poursuivre les messagers russes qui devaient annoncer la victoire, il les fait exécuter. Le geste de Napoléon : il accorde son pardon aux vaincus. Gros a pris un peu de distance, il y a une sorte de critique de Napoléon : le cheval est jaunâtre, on retrouve cette teinte dans le visage de Napoléon (extrêmement froid, sans expression, il y a quelque chose d’inquiétant, c’est comme un masque). On a dit que Gros s’est inspiré de masques mortuaires → Napoléon devient la personnification de la mort. Le néo-classicisme en Angleterre En Angleterre, le néo-classicisme ne va pas être aussi important qu’en France car :

- L’Angleterre est une île et veut se démarquer du reste du continent. De plus, les Anglais ne vont pas représenter Napoléon car ils en guerre avec les Français.

- Elle a été moins marquée par le néo-classicisme car elle est elle-même moins influencée par l’Antiquité. Elle est davantage marquée par le médiéval, le gothique.

La mort du Général Wolfe, Benjamin West (1770)

Ce tableau représente un fait qui se situe au Canada au moment où Anglais et Français se combattaient entre eux pour la possession de ce pays. Les Anglais ont gagné. Le Général Wolfe meurt dans la dignité, on lui donne les derniers sacrements, ce qui garantit l’élévation de son âme. On montre la bravoure des généraux, la grandeur du pays.

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Planche de la Divine Comédie de Dante, John Flaxman

Flaxman a réalisé peu de peintures mais beaucoup de dessins (qui sont très importants dans le mouvement néo-classique qui se méfie de la couleur, on construit un tableau pour construire un effet). Les néo-classiques mettent en pratique la « couleur locale » (couleurs basiques : rouge, bleu, jaune ; il y a un côté éteint) : celle-ci n’a pas d’existence propre, il n’y a pas de liberté de la couleur (conquérir cette liberté sera le but de la fin du 19ème siècle). C’est très peu détaillé, très

sobre mais il y a une efficacité terrible. Les traits précis (pluie) mettent en relief l’action centrale. Vase réalisé pour la manufacture Wedgwood, John Flaxman

Ce vase reproduit un vase grec (mis à part les couleurs qui étaient normalement le rouge et le noir). C’est très sobre, les personnages sont tout en blanc. Il y a une sorte de perfection, de pureté extrême qui reproduit la pureté des corps, propre à l’antique. Le Cauchemar, Johann Heinrich Füssli (1790-1791)

Füssli est suisse mais a travaillé une grande partie de sa vie en Angleterre. Il a fait deux versions de ce tableau. Cette œuvre possède quelques caractéristiques néo-classiques mais est différente. Il y a un jeu de mot (cauchemar se traduit par « nightmare » en anglais → « mare » signifie la « jument »). L’œuvre représente un cauchemar. La position de la femme montre le côté perturbant du cauchemar. Sur elle, il y a un petit monstre (succube) qui est probablement le produit de son cauchemar.

Le Cauchemar, Johann Heinrich Füssli (1781)

C’est un élément fantastique, imaginaire qui est le contraire des valeurs morales proposées par le classicisme. Portraits de jeune femme peint au revers du Cauchemar, Johann Heinrich Füssli

C’était la femme de sa vie. Il a peint sa frustration, ce qu’il n’a pas pu conquérir. Ce tableau fut peint derrière « Le Cauchemar » → dans « Le Cauchemar », il s’est donc représenté lui-même en train de posséder la femme qu’il n’a pas pu posséder dans la réalité. Il représente la réalité la plus personnelle de l’homme.

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Autoportrait, Johann Heinrich Füssli (vers 1777-1779)

Le néo-classicisme préfère l’exactitude du dessin. On a ici des lignes très précises, il y a quelques coups d’estompes mais ce sont des traits fins. Il y a une recherche dans le dessin et la structure. Le regard de Füssli est ténébreux, tourmenté, profond (caractéristique que l’on ne trouve pas dans le néo-classicisme français). Il est en train de lire un livre mais s’en détourne et nous regarde dans un geste d’abandon. Le peintre néo-classique est celui qui respecte un thème ; Füssli, quant à lui, s’en détourne. Il y a une recherche de l’originalité, de l’individualité, il ne se conforme pas à la tradition. Ce qui compte c’est l’inspiration et le regard personnel de l’artiste qui se laisse imprégner par ses pensées (inconscient, pulsions,…). Le réveil de Titania, Johann Heinrich Füssli (1793-1794)

La référence n’est pas très claire, il y a une certaine liberté dans celle-ci (thème tiré de Shakespeare mais…). Les corps sont proportionnés, il y a donc un canon antique mais la thématique est étrangère à ces valeurs. Le personnage central est un monstre, il y a quelque chose de fantastique, de fantasmagorique dans ce tableau. Le personnage central est Füssli (représenté comme une sorte de titan). On a ici une sorte d’allégorie de la manière dont il vivait sa relation avec les femmes. C’est un rappel de ce qu’il a vécu, on voit que la femme en est éperdument amoureuse. Derrière, il y a deux personnages qui ont un regard très critique, celui de l’aristocratie britannique qui méprise cet amour dénaturé et responsable du fait qu’il n’ait pas pu épouser cette femme.

Newton, William Blake (1795)

Blake vivait comme un ermite. Il a développé un art très original. Il a pratiqué l’illustration et a illustré de nombreux livres. C’est une inspiration du Moyen Age (il n’y avait pas l’imprimerie, les moines recopiaient et enluminaient les manuscrits) → présence du passé médiéval très forte que l’on ne trouve pas en France C’est un monotype : le monotype est classé dans la gravure mais est aussi une peinture. On peint des couleurs sur une plaque de verre qui les retient, elles s’étendent mais ne se mélangent pas vraiment. On imprime ensuite une feuille en la compressant sur la plaque. Par absorption, la feuille attire les couleurs et le dessin s’y imprime ; on peut ainsi faire plusieurs exemplaires. On parle de gravure car on fait plusieurs impressions à partir de la plaque mais on parle aussi de peinture car chaque dessin est différent (les premiers ont plus de couleur et puis celle-ci s’éclaircit). De par cette technique, les formes ne sont pas bien délimitées, on a un velouté. C’est un portrait de Newton (physicien du 17ème siècle) mais celui-ci est peu flatteur. Newton a un côté athlète grec, il est accroupi, presque nu, occupé à tracer des formes géométriques. En fait, Blake déteste la science car elle signifie la perte du sentiment religieux, donc la rupture entre l’individu et le cosmos. Cette époque (le 19ème siècle) est celle où les découvertes sont de plus en plus incroyables et la science se dote d’une méthode scientifique (basée sur le laboratoire, les conditions d’une expérience → c’est la méthode expérimentale). Pour Blake, la science nous ramène à un état de bête ; il représente Newton dans une position animale, on est dans un monde très primaire. Il s’agit donc d’une nette critique de la science.

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Divine Comédie. Enfer. Le tourbillon des amants, William Blake (1824-1827)

On a un retour à un thème religieux. Ce sont des combinaisons de technique et il y a un effet très graphique. « Le tourbillon des amants » → l’amour physique mène au vice qui mène lui-même à la perte. C’est une condamnation du corps que l’on retrouve dans la religion catholique. L’homme et la femme qui s’enlacent représentent l’amour physique et sont emmenés vers l’Enfer. Il y a une inspiration très ténébreuse du Moyen Age que Blake préfère à l’inspiration antique.

Le néo-classicisme en Espagne L’Espagne a un statut particulier car elle est dans un déclin politique qui va donner un regain culturel sous le règne de Charles III (homme éclairé qui essaye de redynamiser politiquement et cultuellement son pays). Il attire le peintre Mengs qui quitte l’Italie pour deux séjours en Espagne. Celui-ci enseigne les valeurs néo-classiques et convertit une série de peintre à ce genre (dont Goya). Le pantin, Francisco de Goya y Lucientes (1792)

Les peintres espagnols plongent d’abord dans le genre néo-classique. Napoléon envahit ensuite l’Espagne en prétextant se rendre au Portugal, les Espagnols se révoltent alors contre le pouvoir français. Les peintres vont donc être en réaction contre le néo-classicisme. Il y a donc premièrement une influence et puis ensuite un rejet de ce genre car c’est celui de l’ennemi. Goya finira par partir en exil mourra. Cette déchirure de l’Espagne se trouve inscrite dans son œuvre.

Ici, il s’agit d’un dessin aquarelle. C’est du baroque. Il y a un côté très pastoral, très frais. Les femmes agitent un drap en faisant sauter un pantin. La famille de Charles IV, Francisco de Goya y Lucientes (1800-1801)

Goya devient le peintre de la Cours. Toute la famille royale se trouve dans cette œuvre ; Goya s’y trouve aussi (coin supérieur gauche) et peint son tableau. On a une image dans l’image qui montre la scène en train d’être peinte → la peinture est un témoignage, elle est informative. Goya a beaucoup de respect pour cette famille mais finit par se brouiller avec un peu tout le monde : les physionomies des personnages en sont le témoin car elles ne sont pas à leur avantage (regard dur de la reine, c’était une femme méchante et on le voit). Il y a une sorte de crise interne. La reine dirigeait le territoire, cela apparaît nettement dans le tableau. Il n’y a vraiment pas de centre dans

le tableau (c’est un vide, un creux), cela crée une tension car le regard est perdu. On voit davantage la reine que le roi, elle est mise devant un arrière-plan noir qui fait ressortir, au moyen d’un clair-obscur, la lumière qui tombe sur elle. Il y a donc, chez Goya, un respect de la royauté mais aussi une subtilité qui fait qu’il introduit une critique psychologique dure dans la manière de la présenter.

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Le 2 mai 1808, Francisco de Goya y Lucientes (1814)

Les Français trouvent un prétexte pour envahir l’Espagne. Goya a peint ce tableau six ans plus tard, on a toujours le statut de la peinture qui informe. C’est une scène de rue, de rébellion. Le peintre est ici au service de la cause espagnole. Les soldats sur les chevaux sont des Turcs (Napoléon les avait combattu, l’empereur de Turquie a mis à sa disposition ses soldats). Napoléon a mis au point des cuirassés (soldats à cheval très bien équipés, avec des armes très meurtrières, et qui allient la solidité et la vitesse). On a une caractéristique néo-classique : un homme s’apprête à planter un couteau dans

le cœur du personnage en pleine lumière (soldat turc) → c’est le moment avant l’action, il y a une tension extrême qui joue sur le suspens. Il y a du dynamisme dans la scène. Le 3 mai 1808, Francisco de Goya y Lucientes (1814)

A la suite de la révolte, l’armée napoléonienne tue les insurgés. Les soldats s’apprêtent à fusiller l’homme. Le fond est bouché par la nuit. La lumière très vive tombe sur le personnage de manière très théâtrale. Les personnages autour sont, par contre, dans la pénombre. Goya met en lumière l’élément du tableau qui est un moment extrême où l’homme crie sa liberté. Les grognards napoléoniens sont extrêmement vêtus et font masse, il n’y a plus d’individualité, c’est une force brutale. Face à cette masse, il y a un homme tout seul qui n’a que sa liberté à opposer aux fusils. Il a une expression de désespoir mais qui se trouve être aussi très pure. On a une différence de discours entre la représentation de la figure napoléonienne chez les peintres français et les peintres espagnols. Caprices (Songes) Le sommeil de la raison enfante les monstres, Francisco de Goya y Lucientes

Goya va devenir sourd à cause d’une maladie, il le vit très mal et s’enferme progressivement dans sa maison et dans son art. Il devient de plus en plus sombre. C’est aussi le reflet de l’Espagne à cette époque qui est en pleine guerre civile. On parle parfois de ténébrisme (expressivité, côté très violent dans l’expression artistique) dans l’art. C’est une sorte de gravure2, plus précisément une lithographie3. On a donc un côté dessin, une légèreté, une spontanéité dans la gravure. Goya a fait toute une série de planches qu’il rassemble dans des albums. Ses œuvres sont très obscures. Le renoncement de la raison mène à des pensées irrationnelles qui engendrent des monstres. L’homme qui s’endort produit des cauchemars. Il y a une allégorie relative à la situation en Espagne → si on ne réfléchit plus, si on n’a plus d’esprit critique, c’est le chaos.

2 La gravure est une technique mise au point à la fin du 18ème siècle et beaucoup utilisée dans le 19ème siècle, surtout ans la presse. On grave, dans un support en bois, un dessin en négatif. On dépose ensuite de l’encre dans la plaque et on appuie une feuille. Cela permet de faire plusieurs exemplaires. Le désavantage est que ce n’est pas une manière très souple de travailler, il n’y a pas de légèreté du dessin. 3 La lithographie est basée sur le dessin. On dessine sur une pierre très poreuse avec un crayon gras. Le gras et l’eau se repoussant, on mouille la pierre qui s’humidifie sauf à l’endroit du dessin. On verse alors de l’encre qui se met uniquement sur le dessin. On presse des feuilles de papier pour l’impression.

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Les désastres de la guerre, Francisco de Goya y Lucientes (1809-1815)

Les séries de Goya sont simples mais très dure. Ici, on a un côté très cliché, instantané. C’est une image de guerre qui dénonce la situation. L’homme en haillon est désespéré, il a probablement tout perdu. Il regarde le ciel mais son regard est vide. Avec les moyens de la gravure, Goya montre cet homme enveloppé par les ténèbres qui ont une forme très inquiétante. On croit apercevoir un visage (féminin) au-dessus de lui. On a dit que c’est la femme qu’il a perdue pendant la guerre. Tout est en suggestion, en interprétation. Le colosse, Francisco de Goya y Lucientes (1810-1812)

C’est le monstre le plus célèbre de Goya. Dans le bas du tableau, des gens sont en train de fuir (ils ont des charrettes, des chevaux). Le colosse est insolite, on a un paysage classique avec un personnage qui n’est pas dans les mêmes dimensions. L’ordre naturel des proportions est mis à mal, le colosse est écrasant. Il y a un rapport avec la mythologie, une référence à Ulysse qui a dû se battre contre un cyclope. On a plusieurs pistes d’interprétations pour cette oeuvre : • Le colosse est le nom donné à Napoléon, donc on aurait une représentation de ce dernier. Le colosse est près à se battre, il a une musculature très développée, il est entouré par des nuages qui peuvent être de la fumée de canons. Les gens fuient devant lui. C’est une vision de la guerre tragique.

• Le colosse serait une représentation de Goya lui-même (on trouve des similitudes entre les deux visages). On a alors quelque chose de touchant mais qui est aussi dérisoire. Goya s’interpose entre les Français et le peuple espagnol. Par la peinture, il se pose en rempart dans la guerre, il prend position. On a des éléments néo-classiques mais il y quelque chose de personnel (Goya est le peintre le plus moderne du 19ème siècle). Saturne dévorant ses enfants, (Quinta del Sordo) Francisco de Goya y Lucientes (1819-1823)

C’est une peinture murale que Goya a faite pour sa maison (Quinta del Sordo signifie « maison du sourd »). C’est une peinture qui date de la fin de sa vie. Il est alors sourd et traumatisé par la guerre qui a eu lieu en Espagne. C’est une peinture très tragique qui témoigne de la folie de Goya. Elle est très noire, il y a des formes inquiétantes qui émergent des ténèbres. On a un thème mythologique mais c’est aussi la patrie (Espagne) qui dévore ses enfants. Il représente l’instant tragique, c’est la folie meurtrière (il ne s’agit donc plus du moment avant l’action). Saturne est souvent associé à la folie. Ce registre échappe au néo-classicisme. Pèlerinage à la fontaine de San Isidro, Francisco de Goya y Lucientes (1819-1823)

On trouve la folie dans ce tableau. Le prêtre a une expression totalement diabolique. Le personnage à gauche crée la forme d’une montagne. Goya critique les valeurs de son pays et l’église. Il représente le caractère superstitieux du culte catholique et de la fontaine sacrée. Il y a un côté dépossession de l’homme. Les personnages forment une montagne → ils sont réduits à une masse collective incapable de raison, il n’y a plus d’. On classe Goya dans le néo-classicisme mais il échappe à ce style par ses caractéristiques propres.

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1.2. Le romantisme (1770-1830) : Le romantisme commence au même moment et se termine presque au même moment que le néo-classicisme. On utilise ce terme à la fin du 18ème siècle, il est plus ou moins signe de modernité. On oppose l’ancien à une peinture moderne qui présente des événements contemporains. Le terme s’enrichit et on lui trouve d’autres connotations. Le romantisme vient de « roman » - romans médiévaux (chansons de geste,…) ; tout est féerique, il n’y a pas de frontière nette entre fantastique et réalité. On utilise donc ce terme pour caractériser ce qui repose sur le caractère de l’imagination. Le romantisme ne repose pas sur une école mais davantage sur une sensibilité. Une caractéristique du romantisme est la tendance à représenter le drame, les passions dans leur côté irrationnel. Le romantisme valorise cette expression que le néo-classicisme ne représente pas (préférence pour le moment avant l’action), il montre le moment où l’action se déchaîne et où elle culmine. C’est le sublime (expression ultime de la beauté dans le déchaînement de l’action). C’est un rapport complexe entre l’homme et ce qu’il contemple : on intègre l’insoutenable dans ce qu’on représente. La porte dans le rocher, Karl Friedrich Schinkel (1818)

Schinkel est allemand, il représente un paysage incroyable. L’intérieur de la grotte donne sur un gouffre et un paysage de lever de soleil. Il y a des personnages à dos d’ânes en train de gravir une route à flanc de rocher. C’est une reproduction de la nature immense, démesurée qui nous entoure et en même temps nous menace. On met l’homme dans une position d’insécurité dans la nature pour constamment jouer sur les notions de danger, de menace. Les romantiques vont être influencés par des pensées mystiques. Illuminisme : tendance de l’ésotérisme du 18ème siècle. Il n’y a pas un dieu unique mais la divinité se reflète dans toutes les choses du visible, c’est le reflet de dieu. En entrant en contact avec la nature, on peut accéder à Dieu. C’est une idée très forte du 19ème siècle. Le paysage étant un genre minoritaire au 19ème siècle, cette importance de la nature le revalorise. Toute une série d’artistes le pratiquent et tentent de le rendre un genre à part entière. Le romantisme est donc aussi une modernisation de la peinture au 19ème siècle, il représente des thèmes contemporains.

Chasseur à cheval chargeant, Théodore Géricault (salon de 1812)

Géricault représente d’abord des scènes de bataille. On a ici un chasseur, un des corps de la cavalerie napoléonienne. C’est un cuirassement plus léger mais le sabre est lourd. Les chasseurs sont le corps d’élite de l’armée napoléonienne issus généralement de la très haute bourgeoisie. Le moment choisi est celui de la charge. Le chargeur lance son cheval et se retourne, près à retourner au combat. Le moment de l’action déforme les physionomies, tord les corps. On a des diagonales ascendantes qui montrent le dynamisme, la fuite vers l’avant du cheval. On a un mouvement de torsion (cheval en avant et le cavalier qui se retourne). La position est en déséquilibre : le cheval est sur deux pattes, il y a une pente → cette instabilité montre le danger. La représentation de l’armée napoléonienne est ici classique.

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Cuirassier blessé quittant le feu, Théodore Géricault (1814)

C’est l’époque de Waterloo (défaite de Napoléon). Le cuirassier blessé tourne le dos au champ de bataille et part. On insiste sur la débâcle française, il y a une opposition à la peinture officielle. On a encore une position de déséquilibre : le cuirassier est sur une pente, appuyé sur une cane et essaye en même temps de retenir son cheval. On voit l’horreur à travers l’expression du cheval (très tendu, yeux exorbités).

Le radeau de la Méduse, Théodore Géricault (1816)

C’est une œuvre immense. Géricault a voulu se dégager de l’aspect « commande » pour montrer une certaine liberté sans garantie d’avoir un acheteur. Le radeau de la Méduse est un événement contemporain. C’est le contexte de l’esclavagisme : un bateau français va chercher des esclaves, il transporte des colons et du personnel français vers le Sénégal. Il ferra naufrage au large des côtes. Un radeau de fortune est improvisé : 139 personnes s’y entassent, après 15 jours, il n’en reste que quinze. Pour survivre, ils ont dû manger les morts. L’affaire a fait un énorme scandale politique en France car les survivants publient des récits de ce qui s’est passé. Le capitaine du bateau est un ancien royaliste. Le gouvernement français essaye donc d’étouffer l’affaire en voulant camoufler le naufrage et l’incompétence du capitaine. Ce tableau prend parti dans un débat d’actualité contemporain, c’est une œuvre engagée. Ce fait d’actualité a suscité un grand débat dans la presse. Géricault prend position en toute liberté et de manière très franche. Les personnages appellent au secours, ils agitent leur chemise pour que le petit bateau les voie. Ce tableau a une structure flottante. Il y a une pyramide de personnages qui apparaissent comme abattus car le radeau est soulevé par une vague. Cela crée un sentiment de participation à l’image et crée un effet de déséquilibre, de flottement et de menace (le bateau peut sombrer à tout moment). Géricault a travaillé avec un système de triangles concentrique (système également utilisé par les néo-classiques et les romantiques). Le triangle est ouvert, il a coupé le triangle, ce qui nous inclut dans l’image. C’est une construction très classique et en même temps très romantique (chez David, cela permet de structurer la composition ; ici, c’est une manière de lui donner un sentiment et une vie c’est le passage du désespoir à l’espoir). Cette structure dynamique représente très fort le sentiment humain et prime sur le contenu de l’image. C’est du sublime4, on entre dans la mort dans son état le plus banal (cadavres en décomposition5 ). Cette œuvre est tragique, lugubre ; les romantiques impliquent cela dans la représentation esthétique. Il y a également un engagement

4 Sublime : on contemple des choses non contemplables (la mort, etc.) et qui sont intégrées dans l’expérience esthétique. 5 Géricault a étudié des cadavres.

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politique. Le personnage en haut est un Africain. Au 19ème, on est en pleine période coloniale, Géricault place un symbole d’espoir dans les mains d’un Africain. Il était franc-maçon, cet élément est une manière de critiquer tout le système de l’esclavagisme. Ce tableau est un phénomène très complexe pour l’époque (à la fois une recherche de l’esthétique, un fait d’actualité, une prise de position,…). Cette peinture a fait un énorme scandale. Fragments anatomiques, Théodore Géricault (1817-1819)

Géricault a étudié les corps, plus précisément la texture et la couleur du cadavre en décomposition. Il a eu l’autorisation d’emporter des morceaux de cadavre. A cette époque, on ne connaît pas vraiment la réalité de la mort. Géricault offre une nouvelle vision de la mort.

Portrait de Monomane du jeu, Théodore Géricault (1820)

Géricault va rechercher l’expression du drame humain sous ses formes les plus brutes. A l’époque, les fous étaient considérés comme des gens qui avaient des humeurs déréglées donc on les enfermait. Après, la psychiatrie considère que ce n’est pas une maladie. Un médecin commande des portraits de fous à Géricault (monomane = fou). Ce sont donc des expressions de la folie. L’idée de ce médecin est de considérer que l’on peut connaître, grâce aux traits du visage, s’il s’agit d’un voleur, d’un tricheur, d’un tueur, etc. → la physionomie révèle la folie. C’est complètement révolutionnaire de faire de telles représentations des fous car les portraits de l’époque étaient ceux de gens qui ont un statut important. Géricault va ainsi creuser là où personne ne va. Le regard de la femme est vide, il y a quelque chose de très touchant, c’est le désarroi humain (l’être humain qui a perdu sa raison). C’est l’expression extrême de ce que l’esprit humain peut provoquer : l’action où il se déchaîne ; sous cette action de l’esprit, l’homme perd ses sens et entre dans des actions non maîtrisées. Portrait de Monomane du vol, Théodore Géricault (1820)

Les cheveux de l’homme sont en bataille, il a un regard fatigué. Géricault ne cherche pas à en faire un exemple moral. Il y a une recherche du drame dans sa vision la plus paroxystique.

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Autoportrait, Eugène Delacroix (1837)

En France, on a une progression du romantisme (à côté du néo-classicisme qui continue). A partir de 1830, on a autant de romantiques que de néo-classiques. Chacun campe sur ses positions. La situation est paradoxale : on a à la fois l’Académie et ses nombreuses contraintes mais aussi les romantiques. Delacroix, quant à lui, reprend les caractéristiques romantiques et en fait les bases de la peinture moderne. Il maîtrise parfaitement les techniques classiques, c’est un académicien. Il va utiliser dans le tableau l’usage d’éléments marginalisés : la lumière et la couleur (qui étaient mis à mal par le néo-classicisme qui primait la forme). Il leur donne une autonomie et considère qu’il n’y a pas que la forme qui prime, ce sont ces trois arcades qui constituent une œuvre. Il s’agit ici d’un

autoportrait. Il y a une finesse dans le regard, un côté supérieur. Mais Géricault a dû affronter son époque car il était en violation des règles de l’Académie. Dante et Virgile aux enfers, Eugène Delacroix (1822)

Delacroix était un élève de Géricault. On trouve ici l’influence du « Radeau de la Méduse ». Il reprend les caractéristiques de Géricault, dont la torsion des corps (figures tordues par le mal). C’est une illustration de l’œuvre de Dante, « La divine comédie ». Virgile et Dante vont affronter les enfers (que l’on considère être derrière un fleuve). On a encore un côté classique mais c’est une représentation très romantique. Dans cette œuvre, tout est passion et tension, il n’y a rien de léger. Les Massacres de Scio, Eugène Delacroix (1824)

Delacroix travaille d’abord comme un peintre d’histoire (sujets très conventionnels). Mais de manière très subtile, certains éléments commencent à changer et cela présente une grande révolution. Scio se trouve en Grèce, ce tableau représente la guerre d’indépendance des Grecs contre les Ottomans. Les turcs sont intraitables et les pauvres insurgés grecs sont prisonniers ou prêts à être massacrés. On remarque l’absence de héros héroïques. C’est la masse des habitants qui est le héros, tous souffrent de la guerre. La construction de cette œuvre est différente car on n’a plus aucune clarté construite, ce n’est plus une structure géométrique. Le centre de l’œuvre n’est pas plein mais vide, il n’y a plus de formes pour structurer le tableau, il n’y a rien de très construit. On trouve néanmoins une structure :

Premièrement, ce sont des sinuosités (qui passent par la femme puis remontent, par exemple). La ligne serpentine, c’est l’incertitude qui est tout à fait à la mesure de la composition. Deuxièmement, Delacroix respecte la manière naturelle dont une scène peut être représentée (comme si on prenait une photo), c’est un instantané d’une action qui se passe. Il révolutionne totalement la construction des tableaux d’histoire qui ne sont plus structurés pour être lisibles mais vus comme si l’on était sur place. Il renforce ce principe grâce à la lumière. On a une recherche de la lumière naturelle, il y a un sentiment d’espace, de transparence. La lumière tombe de manière objective sur les choses. Chaque personnage a sur lui de l’ombre et de la lumière. C’est une nouveauté pour l’époque. Pour les néo-classiques, au contraire, on mettait l’important dans la lumière et le mal dans.

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La Mort de Sardanapale, Eugène Delacroix (1827)

C’est un immense tableau et l’un des plus connus de Delacroix. L’histoire est simple et tragique : Sardanapale est un empereur oriental, plutôt que de mourir seul, il décide de sacrifier en même temps l’ensemble de sa cour. Le principal de l’action (la cruauté) est complètement rejeté dans un coin de la scène, cela marginalise le sujet principal. Sardanapale n’a pas un visage très expressif, il participe de manière passive à l’action. Cette œuvre n’est pas structurée : il n’y a pas d’avant-plan, pas d’arrière-plan, pas de clair-obscur, tout se mélange, les formes ne sont pas dissociées. Par contre, il y a toute une série de torsions qui créent un dynamisme mais on n’a pas de

structure apparente. Delacroix passe davantage par la couleur. Dans ce tableau, on a une grande présence de la couleur (style néo-classique : couleurs éteintes) : présence de différents types de rouge, couleurs chaudes ; il y a une subtilité de la couleur. Celle-ci n’est plus enfermée dans la forme, elle est autonome. Cela correspond à notre vision réelle, les formes ne sont pas entièrement distinctes, on perçoit des liens entre elles. Ce n’est pas une vision pour la lecture mais un instantané de ce que l’on pourrait voir si on était devant la scène. Cette présence non conventionnelle de la couleur est déterminante : par elle, notre œil trouve des rythmes, des associations au sein de l’œuvre. Nous nous y baladons grâce à cela en associant les couleurs et aussi par les contrastes qui créent des profondeurs. La couleur nous fait donc voir les formes, voyager et prendre conscience des profondeurs. Les femmes d’Alger, Eugène Delacroix (1834)

Une étape importante pour cette recherche de la couleur est le voyage effectué par Delacroix au Maroc en 1830. Les Français ont envoyé des délégations pour occuper le pays, Delacroix en fut le peintre, il s’y est rendu et a peint ce qu’il a vu. Il est frappé par la couleur du Maroc. Il y trouve un monde naturel où la lumière et la couleur sont aussi importantes que les formes. Ce tableau représente un harem. Il ne se passe rien dans cette œuvre, il n’y a pas de sujet, c’est un instantané photographique. Trois femmes fument la chicha, une d’elles nous regarde. Delacroix coupe la composition, on ne sait pas où on est et il n’y a pas d’histoire. C’est un premier grand pas en avant. Le deuxième est la lumière qui n’est plus construite mais purement naturelle. Delacroix va utiliser le flocage (consiste à poser des ombres de manière naturelle). Au 19ème siècle, on ne représente pas la lumière naturelle. La source lumineuse est une fenêtre ouverte sur la gauche, elle pose dans l’ombre les éléments cachés. Sur la jambe de la femme, on a l’ombre du tube de la chicha. Cette représentation de la lumière est le passage d’un monde de fantasme à un monde visible (ce que l’on peut voir devant nous tel que la nature nous donne à le voir). Delacroix montre tout ce qui fait les caractéristiques de sa peinture : rien ne se passe, flocage, grande place de la couleur qui est un élément à part entière. C’est le fondement même de ce que l’on appelle la peinture moderne qui naît au 20ème siècle et va évoluer. � La modernité n’est plus de se préoccuper de la qualité d’un sujet (ce qui est représenté) mais de prendre un tableau pour le plaisir des yeux. Baudelaire parle de mélodie pour désigner un tableau, comme si les formes et les couleurs étaient des notes et que l’ensemble formait une symphonie. On ne recherche pas le sujet, ce qui compte c’est le plaisir de la couleur, des formes et des yeux.

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Chasse au lion (esquisse), Eugène Delacroix (1853)

Delacroix n’a jamais exposé ses esquisses à l’époque. Celles-ci sont influencées par son voyage au Maroc. Il s’agit ici d’une chasse à laquelle il a assisté. Ce sont de petites esquisses qu’il a gardé pour lui et montré à quelques amis qui en ont tout de suite perçu la modernité. C’est à la limite de l’abstraction, c’est révolutionnaire. Les formes ne sont pas nettes, le résultat final ne s’en préoccupe pas. On a une symphonie de formes qui crée des densités, des profondeurs. C’est purement le plaisir des yeux. Delacroix recherche juste une harmonie.

Portrait de Mademoiselle Rivière, Jean Auguste Dominique Ingres (1805)

Les héritiers des néo-classiques et des romantiques vont s’opposer, cela crée une véritable tension. Ingres est souvent classé comme le tenant de l’académisme. C’est un grand peintre, il transcende les écoles, il ne faut pas en faire un réactionnaire qui ne comprend pas la peinture moderne. Il considère que la peinture passe par le respect (vieilles règles de composition, structure,…). On a un premier plan avec la femme qui nous regarde et une rupture avec le deuxième plan. On retrouve ici la perspective atmosphérique. Ingres était un grand violoniste qui a longtemps hésité sur ce qu’il voulait faire : dilemme entre la peinture et la musique. La musique est très importante chez lui car elle donne une mélodie aux images (→ « violon d’Ingres). La grande baigneuse ou Baigneuse de Valpinçon, Jean Auguste Dominique Ingres (1808)

Cette composition paraît plus classique (beauté pure, nudité immaculée, qualité de la peinture, textures et ombres rendues avec une subtilité infinie → on a l’effet de matière du tissu). Pourtant, elle est anti-conventionnelle car la femme est de dos. On ne voit pas son expression, on ne sait pas ce qu’elle regarde ni ce qu’elle fait (par le titre, on suppose qu’elle prend son bain). Ingres prend le contre-pied total de la peinture classique et nous montre une œuvre où tout est suggéré. Il y a une impression de mélancolie mais peut-être est-ce inexact. Le peintre positionne ce corps d’une manière qui semble très naturelle mais pourtant cette position est antinaturelle : cela permet de montrer une courbe dans le corps. Ingres fait subir une sorte de torsion à la position de cette femme, il allonge aussi son dos. On mesure à la fois le respect académique et en même temps sa modernité. C’est quelqu’un qui prend des libertés avec les règles de composition de manière à donner une subtilisé, une volupté.

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Le songe d’Ossian, Jean Auguste Dominique Ingres (1813)

Ingres a fait des tableaux rigoureusement néo-classiques. Ossian est un poète qui n’a jamais existé, c’est une supercherie littéraire due à un poète écossais. Celui-ci a publié de fausses traductions d’un poète celtique du nom d’Ossian. Tous les intellectuels se sont pris de passion pour cette figure avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’une tromperie. Ossian fut une des plus fortes sources inspirations du romantisme (source celtique qui fait resurgir le passé). Ossian est représenté endormi, accoudé sur sa lyre. Il rêve de personnages mythologiques. C’est un tableau curieux car il est à mi-chemin entre le romantisme et le néo-classicisme. La composition est tout à fait néo-classique (couleurs locales, clarté,…) tandis que l’inspiration est romantique (c’est le rêve d’Ossian qui est matérialisé en noir et blanc). Ce type d’œuvre a transcendé les deux écoles mais est parfaitement

académique. En effet, Ingres prône les règles de composition : dessin, formes, le fait de faire correspondre les couleurs aux formes dessinées.

Grande Odalisque, Jean Auguste Dominique Ingres (1814)

L’odalisque est la courtisane préférée dans un harem. Il s’agit donc d’une scène orientale. La femme se repose, elle est entourée d’un luxe manifeste. On retrouve la capacité de représenter les textures (les rideaux en velours) qui ont à la fois le volume et l’effet de surface. Ce tableau est représenté de manière très classique : femme mise en lumière en la faisant contraster avec l’arrière-plan. On a, en même temps, une subtilité et une certaine liberté. La femme est dans une position inconfortable, elle est tordue, ce qui permet à Ingres de la dévoiler. Il y a une recherche de la sensualité, on perçoit la nudité de son corps. On a des rapprochements : peau avec le rideau en velours → douceur. C’est l’apothéose du savoir-faire du 19ème siècle. Cette peinture a énormément de tradition derrière elle : perspective, véracité et transparence des matières. On a une sorte de perfection technique.

Portrait de Monsieur Bertin, Jean Auguste Dominique Ingres (1832)

Monsieur Bertin est un homme très riche qui a fait sa fortune dans la presse dans les années 20. Le 19ème siècle est celui où la presse écrite se développe : les journaux apparaissent, la presse quotidienne est très lue. Les journaux jouent un rôle social, ils sont proches de certains partis, on a une entrée importante dans la vie politique française. Ingres représente ce parvenu qui est l’illustration d’une nouvelle classe sociale : la bourgeoisie (notamment d’affaire). Par son travail, il développe des produits qui lui procurent une richesse extrême. L’importance du personnage est liée à l’argent. Cette nouvelle classe qui acquiert un statut se cherche une morale, une légitimité. Elle commande beaucoup d’œuvres aux artistes (notamment

des portraits) et se substitue à la noblesse ainsi qu’à l’église (qui commandait des œuvres auparavant). Ingres en fait une œuvre très simple (homme devant un fond vide) et en même temps subtile : c’est tout le pouvoir, il est posé de manière stable sur sa chaise, il a un regard de force tranquille. Ingres ne savait pas comment le représenter, il l’a donc vu de nombreuses fois. Monsieur Bertin étant un peu sourd, il se met un jour dans cette position pour mieux entendre, Ingres le représentera donc ainsi. On a dit qu’Ingres a voulu représenter le côté grippe-sou de l’homme. Mais c’est d’abord le portrait d’une classe sociale, d’un nouveau type d’homme. C’est presque de la peinture sociale (à travers le portrait d’un homme, on capte une époque).

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Le romantisme en Allemagne L’Allemagne est un pays très important pour le romantisme. C’est probablement là qu’il va avoir le poids le plus fort au niveau du romantisme. C’est un pays protestant qui est marquée par des influences philosophiques très fortes et notamment par la figure du philosophe Barouk Spinosa (celui-ci considérait que la peinture était la face visible de Dieu). Au 19ème siècle, le paysage est un genre mineur sous-estimé. En Allemagne, on assiste à une revalorisation de celui-ci plus tôt qu’en France. C’est notamment par le paysage que va s’exprimer le romantisme allemand. Cascade de Schmadribach, Joseph Anton Koch (1821-1822)

Il s’agit d’un pur paysage tel que trouvé en Allemagne mais que l’on trouve peu en France. C’est aussi l’illustration du panthéisme de Spinoza : Dieu est inscrit dans la nature, en la contemplant on peut parvenir à lui. Le bas du paysage est la fin de la vie. Lorsque l’on monte, on passe par une nature très immaculée (le sapin est associé à l’immortalité). On suit le paysage grâce au torrent. Ensuite, on arrive aux glaciers représentant la partie divine et sublime du paysage sur terre. A travers le paysage, nous contemplons l’œuvre de Dieu.

La source et le poète, Philipp Otto Runge (1805)

Il s’agit d’un dessin. Le poète à gauche a une expression très torturée. Toute la mythologie antique est à l’œuvre. A côté de la forêt très dense, on a une trouée dans le paysage. La création n’est pas une affaire de raison (comme dans le néoclassicisme), ni d’intellect mais c’est une affaire d’inspiration (ce que les peintres peuvent capter). Ce poète est bloqué dans sa création et va à la source de l’inspiration pour avoir cette grâce. L’inspiration est la nature, elle a un rôle, elle participe à l’œuvre. Elle est aussi à l’image de Dieu, source de l’inspiration. Le grand matin, Philipp Otto Runge (1808-1810)

C’est une immense œuvre. Runge est mort à cause de la tuberculose avant de pouvoir finir cette peinture. Certaines parties n’ont pas été achevées. Il s’agit d’une ode à la nature. Un bébé est posé sur le sol, il est « dans la nature », deux anges lui tendent une fleur. Il représente l’éveil de la nature, ce qu’elle a de plus profond. Lorsqu’on monte dans les étages, on a de plus en plus l’allégorie de la nature (femme = symbole de la nature). Au-dessus, des anges sortent des pétales d’une fleur (de nouveau abstraction de la nature). Tout en haut, on a une étoile qui renvoie directement au cosmos. C’est ce qu’il y a de plus suprême dans la nature : on considère qu’elle va jusqu’aux limites du cosmos.

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Moine au bord de la mer, Caspar David Friedrich (1809)

Il s’agit d’une des toiles les plus connues. Cette oeuvre est très curieuse et complexe. C’est le titre qui éclaire le sujet de ce tableau. L’atmosphère est très ambiguë, on a la lune en dessous et le jour au dessus. Il y a un contraste très violent entre la nuit et le jour. Il résulte une sorte d’ambiguïté d’une œuvre qui rassemble les deux atmosphères. Ce n’est plus un paysage à un moment donné. On crée une sorte de durée, de temporalité dans le paysage. On a l’impression que le personnage est resté longtemps, qu’il a contemplé aussi bien la nuit

que le jour. Certaines personnes ont dit que le moine était Friedrich. Ce personnage est dans une position mélancolique, il se tient le menton et semble être en profonde méditation devant ce paysage. C’est l’homme dépassé et écrasé par la nature, il n’est rien face à elle. Il a peut-être une chance de contempler le cosmos. Il n’est rien face à la puissance de l’environnement dans lequel il est mais essaye d’accéder à la partie transcendantale du paysage qu’il a devant les yeux. Cela ressemble presque a un paysage abstrait tant il est simplifié. C’est la relation avec la nature.

� C’est par la revendication du paysage que la modernité va se construire au 19ème siècle. Les impressionnistes travailleront beaucoup dans ce genre. On a une situation d’appel, une communion avec la nature. On retrouve cela dans beaucoup de philosophies et de religions. C’est une communication profonde entre l’homme et la nature qui permet d’atteindre une dimension supérieure. Les blanches falaises de Rügen, Caspar David Friedrich (1818-1819)

Rügen est une île allemande très connue. Dans ce tableau, on voit des personnages qui découvrent le paysage, qui se penchent sur le précipice, au risque de tomber. C’est une construction très moderne du paysage, on en montre l’absolu (c’est le Paysage). La mer est rabattue et constitue tout le centre. On a un plongé et un contre-plongé (comme au cinéma, le cadrage d’une scène a une importance sur ce que le spectateur peut ressentir) : le plongé donne un sentiment de gouffre et la contre-plongée donne un sentiment de participation à l’image. Ici, on est au bord du gouffre et il suffit d’un pas pour tomber, c’est quelque chose de menaçant. Dans le geste du personnage couché, il y a un côté prosternation devant la nature mais aussi de la peur. On a l’aspect de la nature qui peut-être menaçante pour l’homme. Dans la contre-plongée, la mer revient sur le plan, il y a un rabattement qui écrase. La perspective n’est pas exacte dans ce tableau. Les deux systèmes perspectifs sont écrasés, ce qui permet de jouer sur les deux éléments : la mer qui nous enveloppe et la mesure à l’immensité de cette nature et son caractère divin. Les personnages sont habillés de la même manière, ont la même chevelure et la même physionomie. Cela laisse supposer que les deux actions sont celles d’un même et unique personnage. Celui-ci voit la beauté de la nature et il sait qu’elle peut aussi être dangereuse.

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La mer de Glace, Caspar David Friedrich (1823-1824)

Friedrich avait un petit frère avec qui il allait régulièrement faire du patin à glace sur les étangs gelés en Allemagne. La glace a cédé, son frère est tombé dans l’eau, il a essayé de le récupérer mais son frère est mort gelé. Il s’agit ici, avant toute chose, d’un drame personnel qui donne une résonance à cette thématique. C’est Friedrich que l’on trouve le caractère le plus dramatique, le plus intense. Il a représenté l’Antarctique. Il y a un bateau qui est broyé par les glaces (époque de la découverte des pôles mais les bateaux en bois ne résistent pas à la glace qui gèle et se referme sur eux). Le peintre représente un

élément du côté dramatique des pôles. On a une allusion directe au drame qui lui est arrivé. On se rend compte à quel point l’homme est petit et à la merci de la nature. Les couleurs sont subtiles : très chaudes dans la première partie tandis que, derrière, c’est plutôt une représentation du danger permanent (énormes blocs avec pics). Le sujet est un peu marginalisé. Le peintre arrive à faire percevoir toute la réflexion sur le sublime de la nature avec un paysage presque abstrait. Avec des rythmes et des jeux de construction, il fait percevoir le danger (pics). C’est presque une réflexion philosophique sur le paysage. Le Néo-Gothique Outre les aspects de drame et de sublime du paysage, il y a vraiment une recherche sur cette thématique. En France, par contre, on a davantage une recherche dans la modernisation des genres dans les années 20-30. On se désintéresse du sujet historique. On donne une présence à la couleur et aux formes (plus seulement au dessin). Le mouvement romantique va plus s’intéresser au médiéval et en particulier au gothique (églises gothiques : Notre-Dame de Paris, Notre-Dame de Chartres). Les romantiques vont s’inspirer des vitraux gothiques, des cathédrales. Cela va donner lieu à une série de mouvements directement liés au romantisme, dont le néo-gothique. Ce style se caractérise par une reprise du gothique (apparu vers les 12 ème, 13 ème et 14 ème siècles), on s’inspire d’un style passé à l’époque du 19ème siècle et on le copie. Cathédrale gothique au bord de l’eau, Karl Friedrich Schinkel (après 1813)

On voit une cathédrale surélevée. Il y a un pont fantastique, une rivière qui coule. C’est une reconstitution idéale d’une cathédrale gothique grandiose. On a des éléments de construction de la cathédrale dans le bas du tableau (pierres). Le fantasme au 19ème siècle est de se dire que les cathédrales gothiques sont réalisées par la collectivité humaine et construites pour célébrer Dieu. C’est une idée erronée car elles étaient bâties par des ouvriers commandités par l’église. Cela prenait des années pour les réaliser. Cette image du Moyen Age est donc fausse, on ne s’inspire pas d’un passé médiéval réel mais on l’idéalise.

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A. France : le style troubadour Le style troubadour est un courant du romantisme. Troubadour est le nom médiéval du poète qui peut être aussi musicien et chanteur. Il était attaché à des cours et pratiquait la poésie. Henri IV jouant avec ses enfants au moment où l’ambassadeur d’Espagne est admis en sa présence, Jean-Auguste Dominique Ingres (1817)

C’est une peinture très humoristique. L’impératrice a une pose mélancolique. C’est du pittoresque. Le néo-classicisme est un moment intense tandis qu’ici compte le pittoresque. Le style troubadour cherche surtout à rendre l’exactitude des costumes et des situations, il y a une recherche du détail (puisqu’on ne peut pas faire revenir le passé, on essaie de se replonger dans son ambiance).

François Ier reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci, Jean-Auguste Dominique Ingres (1818)

Léonard de Vinci expire dans les bras de François Ier (ce dernier l’appréciait beaucoup). On a un détail dans les costumes. Ingres représente le mobilier tel qu’il était à l’époque. C’est une recherche historique, le désir de retrouver les habitudes du Moyen Age.

B. Allemagne : les Nazaréens Ce courant vient de Nazareth (village d’origine du Christ). Ce sont des peintres très croyants (protestants) qui retournent à une croyance religieuse très forte. Ils vivent en groupe, presque comme des moines. Les tableaux sont d’inspiration chrétienne (le monde médiéval était particulièrement pieux). Ce mouvement commence en 1800. En Allemagne, comme en Angleterre, on n’a pas vraiment eu de néo-classicisme comme en France, donc on n’a pas eu tous le poids de l’Académie. Les Nazaréens sont des étudiants de l’Académie de Vienne qui vont se rebeller contre l’influence classique. Ils disent que le néo-classicisme et l’inspiration de l’antiquité n’ont pas de raison d’être et privilégient le Moyen Age. Ils sont passionnés par l’art gothique italien du 14ème siècle (celui d’avant la Renaissance, donc avant Léonard De Vinci, Michel-Ange).

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Italia et Germania, Friedrich Overbeck (1828)

Overbeck s’installe à Rome car il est passionné par l’art italien. Le titre : ce sont deux allégories. Les femmes représentent une Italienne et une Allemande. Le costume à gauche est un costume italien tandis qu’à droite, c’est un costume qui fait penser à ceux du Moyen Age. Il en est de même pour l’arrière-plan qui se divise aussi selon la représentation de chacune de ces deux femmes. Cette œuvre symbolise la rencontre spirituelle entre l’Allemagne et l’Italie.

Entrée de Rodolphe de Habsbourg à Bâle en 1273, Franz Pforr

Pforr va être complètement influencé par le Moyen Age. Il y a une passion dans la recherche des costumes. Tout est analysé et rendu dans une sorte de vérité historique. Le costume de Rodolphe est net, il a une position étrange. Il n’y a plus de modelé, les personnages sont des vignettes posées les unes à côté des autres. Il rejette aussi la perspective qui est fausse dans cette œuvre. Il joue au peintre médiéval et renonce aux formes de perspective. On a une chatoyance des couleurs. Portrait de Franz Pforr vers 1810, Friedrich Overbeck

Pforr est représenté avec sa compagne et son chien. Le cadre est médiéval avec une architecture gothique, des vitraux à la place des vitres, une cathédrale derrière. C’est presque un jeu de rôle (on se met dans la peau de… et on imagine sa vie). Il y a un côté pittoresque qui est de l’anti-peinture, de l’anti-sujet. Il n’y a pas vraiment de sujet. On a vraiment un changement d’inspiration par rapport à ce que l’Antiquité a pu produire au 19ème siècle.

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C. Angleterre : Les préraphaélites Le préraphaélisme est un mouvement d’avant Raphaël (peintre italien) et d’inspiration gothique. La confrérie préraphaélite est un groupe avec une forte connotation religieuse fondé en 1848 à l’Ecole des Beaux Arts de Londres. Ils refusent l’inspiration de l’Antiquité. Ecce Ancila Domini, Dante Gabriel Rossetti (1850)

C’est une œuvre à caractère religieux. Le cercle est une mendrole (cercle doré qui fait percevoir aux spectateurs qu’il s’agit d’un personnage sacré). Elle était souvent très richement décorée (feuilles d’or appliquées sur la toile). On s’inspire complètement du médiéval, on revient à une manière de s’exprimer et un vocabulaire formel inspirés par le Moyen Age.

Lorenzo et Isabella, John Everett Millais (1848-1849)

Le sujet n’est qu’un élément du tableau. A côté de ça, chaque élément a une importance et une autonomie. Chaque personnage a une expression très caractéristique. Ces éléments pittoresques font éclater cette recherche de la finesse des costumes et des détails. On fait revivre le Moyen Age par cette véracité historique.

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2. Mutations : réalisme et naturalisme (1830-1870)

Dans ces années, on a un poids des influences qui cadenasse l’art de l’époque dans une série de conventions lourdes. Il y a quelques amorces de changements avec Géricault et Delacroix (ce dernier revalorise la lumière et les couleurs mais les sujets sont historiques, cela reste de la peinture traditionnelle). Des artistes ont poussé les avancées plus loin, ce qui n’est pas simple car l’Académie réagit mal. On a de multiples conflits et problèmes car cette dernière est hostile à ces changements. Le pays où la situation est la plus tendue est la France. C’est probablement la période la moins connue du 19ème siècle. Elle couvre deux styles : le réalisme et le naturalisme. Il faut chercher à comprendre les mutations dans l’art de cette époque en décomposant les trois mutations essentielles qui ont eu lieu :

- un changement lié à la lumière - un changement lié au sujet - un changement lié au genre

2.1. L’irruption de la lumière L’irruption de la lumière va changer beaucoup de choses. Tout le 19ème siècle va modifier la représentation de la lumière dans les tableaux. On en trouve déjà une approche chez Delacroix qui a été influencé par la lumière de l’Orient et qui représente une lumière naturelle (technique du flocage). Avant, on ne la représentait jamais de cette façon, c’était une lumière de convention. On faisait contraster la lumière et l’ombre (clair-obscur), elle était utilisée pour souligner le sujet. On a, par la suite, la recherche de la lumière naturelle. Les premiers à s’y intéresser sont les paysagistes anglais (Delacroix s’y est intéressé sous cette influence). En 1824, John Constable expose « La charrette de foin » à Paris qui va bouleverser les artistes français grâce à la représentation de la lumière. Delacroix a d’ailleurs repeint « Les massacres de Scio » pour donner naissance à cette ambiance douce et naturelle.

A. Les paysagistes anglais

Flatford Mill , John Constable (1817)

Avant tout, on remarque l’atmosphère lumineuse dans ce paysage. Elle change des ambiances contrastées du néo-classicisme. Certaines feuilles sont éclairées, d’autres sont dans l’ombre : tout est détaillé conformément à la réalité. On capte l’arrivée de la lumière dans ses moindres détails. On tente de rendre, dans un effet naturel, cet effet de lumière. Il n’y a pas de perspective, c’est un paysage plat et on ne voit pas l’horizon. On a pourtant une impression de profondeur, de respiration, entièrement régulée par la lumière. Le jeu naturel d’ombre et de lumière donne une consistance et une profondeur aux choses (qui passe donc par un sentiment

atmosphérique). L’enfant est sur un cheval de trait. C’est un hallage (tirer les bateaux avec un cheval). Le sujet est présent mais marginal. On déplace l’objectif, le but n’est pas de mettre l’accent

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sur ce qui se passe dans l’œuvre. C’est une grande toile (2x2m), ce qui est impensable pour l’époque. Dans le choix du format, on a déjà une valorisation du paysage. John Constable a perdu sa fiancée car il n’avait pas assez d’argent, il a pu vivre grâce à une rente de son père. Ce dernier fut gêné par le fait que son fils ne peignait pas des sujets conventionnels et lui a retiré ce financement. Constable termine donc sa vie dans la misère. Les peintres qui produisent ce genre sont donc obligés d’avoir un financement des parents pour pouvoir continuer cet art. On est en plein néo-classicisme et ses œuvres ne seront exposées que dans les années 20. L’influence de ses tableaux sur Delacroix se marque dans la fin des années 20 et le début des années 30. La charrette de foin, John Constable (1821)

Cette œuvre a eu beaucoup d’importance. Elle a d’abord été appelée « Paysage : midi ». On voit des paysans qui traversent la rivière avec une charrette. Le premier titre montre que les titres importent justement peu. Constable représente une ambiance particulière et capte un moment de lumière, des instants d’atmosphère, des ambiances. C’est l’anticipation de ce qui se fera plus tard. La lumière rend les profondeurs qui ne sont pas en perspectives. On entre dans le tableau et dans toutes les subtilités d’ambiance atmosphérique. Le ciel est très contrasté

(nuages sombres puis éclaircies à certains endroits → jeux de profondeur). Constable se sert de la surface de l’eau pour refléter la luminosité du ciel et ainsi l’ambiance atmosphérique. On accroît ainsi la luminosité qui permet de donner le sentiment de profondeur et d’espace. La cathédrale de Salisbury, John Constable (1823)

On a de petites présences du gothique dans ce tableau → influence du médiéval. On a une inscription champêtre de la cathédrale qui est prise dans un environnement naturel. On ramène ce qui est construit par l’homme à un paysage naturel qui est le point d’entrée du tableau. Il y a donc un décalage par rapport à un sujet gothique. On a un contraste d’ombre et de lumière qui n’est pas conventionnel et qui donne le sentiment de profondeur, d’aération, de densité. Il y a toujours le système de l’eau qui reflète le ciel et attire le regard. Naufrage, Joseph Mallord William Turner (1805)

Turner est le Delacroix anglais, il travaille sur la lumière et la couleur. Il démontre que la lumière ne vient pas forcément de la lumière naturelle pure et du blanc mais également de la couleur en elle-même (un rouge est plus lumineux qu’un bleu). Chaque couleur a un pouvoir lumineux qui lui est propre. Il cherche donc la lumière davantage dans la couleur. C’est un tableau romantique avec le côté menaçant de la nature. La mer est déchaînée, on est en pleine tempête, les bateaux essayent de regagner la côte.

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Didon fondant Carthage, Joseph Mallord William Turner (1815)

C’est un sujet classique avec des architectures très antiques. On a toutefois la présence de la lumière. Le soleil commence à illuminer toute la scène, il rayonne sur toutes les parties du tableau. La lumière commence à prendre le pas. L’architecture se fond dans la lumière. C’est un contre-jour, la lumière vient dans le regard et empêche une bonne perception. La couleur est dominante sur les formes.

La Grand-rue à Oxford, Joseph Mallord William Turner (1830-1835)

On a une radicalisation du principe de la lumière. L’œuvre est stupéfiante de modernité et fait penser à Delacroix. Si on enlève les personnages, on ne sait plus où on se trouve et on est dans une œuvre abstraite. Seul le titre nous éclaircit. L’échancrure est celle de la rue avec les bâtiments sur les côtés noyés dans la lumière et qui y disparaissent. On ne sait rien identifier. On a une transparence de la peinture due à la technique de l’aquarelle 6 . On voit la blancheur du papier derrière car il y a beaucoup d’eau et peu de pigments. La luminosité est due à l’exploitation de la blancheur du papier. Cela donne une atmosphère très aérienne. Incendie des maisons du Parlement, Joseph Mallord William Turner (1835)

Le Parlement brûle. C’est avant tout une photo-reportage. Turner s’intéresse peu à ce qui passe, ce qui le frappe, ce sont les couleurs qui surgissent de l’incendie. La lumière passe avant tout par la couleur qui vient éclairer la pénombre. Le bleu profond de la nuit et le noir sont des couleurs froides. L’incendie permet d’utiliser des couleurs plus profondes (orange, rouge). On cherche la lumière dans la réalité. On éclaircit doublement : par la lumière et par les couleurs (chaudes et froides).

6 Aquarelle : peinture sous forme de pigments secs mouillés avec de l’eau puis posés sur le papier qui absorbe l’eau. Avec l’aquarelle, on peut travailler avec peu de pigments.

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Pluie, vapeur, vitesse. Le Great Western Railway, Joseph Mallord William Turner (1844)

L’Angleterre est, au début du 19ème siècle, la première puissance économique mondiale. Elle donne naissance aux machines à vapeur utilisées dans l’industrie et la recherche de la mobilité (locomotives à vapeur). Cette œuvre est d’une modernité surprenante. Si on efface le train, on est dans une peinture abstraite. On refuse le détail, le sujet, la vraisemblance, la véracité, donc toutes les catégories mentales du 19ème siècle. C’est le chaos, le plaisir de la couleur. Les thématiques sont neuves pour l’époque : la pluie est l’ambiance atmosphérique liée au paysage ; la vapeur et la vitesse sont liés à la simple machine.

On a presque un sentiment de vitesse dans cette œuvre. Le brouillard masque la partie arrière de la locomotive et accentue le côté dynamique, irruption, de la composition. Turner mélange deux techniques : l’aquarelle et l’huile. Il utilise cette dernière par petits pâtés à la surface (petites taches blanches), cette technique permet d’accentuer le sentiment lumineux en ces endroits. On a un sentiment de profondeur, de différence de densité.

B. L’orientalisme

L’orientalisme est un courant du romantisme qui s’inspire de l’Orient (c’est-à-dire des nouveaux pays que l’on ne connaît pas : les pays du Maghreb et du Moyen Orient). Ce sont les guerres qui font sortir ces pays, essentiellement musulmans, de l’isolement et qui les font entrer en contact culturel avec les autres pays. Napoléon avait emmené Vivant Denon qui a publié une description de l’Egypte. Les gens découvrent une religion, une culture, des atmosphères différentes. La révolte des Grecs contre les Turcs va aussi faire découvrir toutes ces régions. En 1830, c’est la guerre franco-algérienne : début du protectorat au Maghreb, les peintres commencent à découvrir ces régions. En 1869, on a la construction du Canal de Suez : les bateaux accèdent directement au golfe, cela crée toute une série d’accords commerciaux. Les peintres vont être fascinés par cela. Le massacre des Mamelouks dans la citadelle du Caire, Horace Vernet (1819)

On a un fantasme sur les orientaux à qui l’on prête des sentiments que l’on ne prête pas aux figures européennes, c’est une manière de représenter les natures inavouables. La lumière prime moins que la découverte de nouvelles régions. On représente également l’érotisme (harems,…). « Mamelouk » est le nom que l’on donnait aux Turcs. Ils massacrent les Egyptiens car ceux-ci ont voulu se révolter. Le pacha turc est la figure même de la cruauté, il ordonne le massacre et n’en a aucun scrupule. Le lion est la figure de l’impassibilité. Les personnages derrière ont un regard félin, cruel. C’est une rêverie sur les autres cultures. C’est une œuvre encore très classique avec une présence du clair-obscur. On a une présence du rouge, de l’or et avec une ambiance très orientalisée. Le ciel est d’un bleu très profond qui vire vers le blanc → on atteint le sommet de la lumière qui brûle les couleurs et mange les formes. Vernet a compris que le maximum de luminosité tend vers le blanc. C’est une vision très romantique, fantasmée et peu réaliste de l’Orient.

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Les convulsionnaires de Tanger, Eugène Delacroix (1838)

On retrouve le même principe de la lumière chez Delacroix. En 1830, ce dernier est allé au Maroc et a été frappé par la lumière et les couleurs marocaines qui confirment ses recherches entreprises sur la lumière. Contexte : on voit le drapeau vert de l’islam. C’est une révolte des mouvements nationalistes arabes contre la présence de l’occupant. La lumière est représentée par un triangle blanc dans le coin supérieur des maisons, cela restitue la manière naturelle et violente dont la lumière tombe dans ces pays. Delacroix n’utilise donc pas de lumière de convention mais capte la lumière

naturelle qui découpe des formes et laisse une partie de la scène dans l’ombre. La lumière tombe de manière égale sur les personnages. Il y a plusieurs points forts : le drapeau, l’homme (sans doute un leader). C’est presque du reportage. Le tableau n’est pas centré sur une action centrale. La chasse au héron, Eugène Fromentin (1865)

On est presque dans la période de l’impressionnisme. Par l’orientalisme, il y a vraiment un éclaircissement de la palette et des tonalités, tout en légèreté et en transparence. Fromentin donne une grande place au ciel. On a un point de vue qui paraît naturel mais qui ne l’est pas, il est imaginaire (vue du bas, comme si le peintre était « couché »). Cela permet d’avoir une vision tournée vers le ciel et d’en capter toute la luminosité. Le blanc reflète la lumière. Ce tableau représente une chasse au faucon (chasse traditionnelle au Maroc pratiquée par la bourgeoisie) qui se fait dans les marécages. La partie terrestre est constituée par des marécages et de l’eau qui permet de refléter la luminosité du ciel. � Le réel va entrer dans les tableaux progressivement. Les artistes commencent à représenter la réalité et plus simplement une vision codifiée et théâtralisée.

C. Le renouveau du paysage en France La situation en France est plus complexe qu’en Angleterre car le paysage est au bas de l’échelle artistique. Considéré comme un genre mineur, il est exposé comme tel (petit format et situé en haut des murs dans les expositions). Les peintres qui s’intéressent au paysage vont essayer d’en faire un genre à part entière, c’est une révolution culturelle.

1. L’école de Barbizon (1831-1860)

Les peintres de l’école de Barbizon sont fondamentalement influencés par les Anglais. Ils sont marqués par l’exposition, en 1824, du tableau de John Constable : « La charrette de foin ». Barbizon est un village situé dans la forêt de Fontainebleau (ancienne chasse royale) qui est très naturelle et très dense. Les artistes commencent à la peindre puis s’y établissent en 1849 à cause de

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l’épidémie de choléra qui sévit à Paris et qu’ils tentent de fuir. Ils vont au contact de la nature et s’établissent à l’endroit où ils peignent. Cet élément totalement neuf est le pleinarisme (= pratique de la peinture en plein air). Cette école est le début du pleinarisme car les artistes font leurs esquisses à l’extérieur mais les terminent dans leur atelier, c’est donc une étape transitoire. En effet, à cette époque, il faut broyer les couleurs → difficulté du transport. Ces peintres revalorisent le paysage en utilisant de grands formats. Ils auront cependant beaucoup de mal à se faire exposer, on parlera d’eux comme les « grands refusés ».

La mare sous les chênes, Narcisse Diaz de la Pena (1857)

Il s’agit uniquement d’un paysage, il n’y a pas d’autre sujet dans ce tableau. C’est une insulte au système académique où ce genre est considéré comme inintéressant, de plus le peintre a peint ce paysage sur un grand tableau. C’est une recherche du détail, de la luminosité naturelle avec un éclairage particulier sur la mare à l’avant-plan. Chaque chose est traitée de manière détaillée. On est encore néanmoins dans un monde romantique car il y a des contrastes très théâtraux entre l’ombre et la lumière. Les arbres paraissent majestueux, c’est le côté démesuré et impressionnant de la peinture.

Chênes à Apremont, Théodore Rousseau (1852)

Théodore Rousseau est le chef de file de l’école de Barbizon. Il donnait un nom à chaque arbre qu’il peignait. Pour l’époque, il s’agit d’une peinture entièrement révolutionnaire. En effet, on a un paysage où il ne se passe rien, des vaches boivent dans une mare. Ce type de sujet était considéré comme trivial par les gens de l’époque. C’était donc très choquant mais moderne par rapport aux règles en vigueur. On a une lumière naturelle qui arrive dans les feuillages et provoque des trouées lumineuses. Les arbres sont peints dans des teintes très sombres qui contrastent fortement avec la lumière. C’est encore un résidu du romantisme. Cela donne l’impression que ces arbres sont surdimensionnés. Ils sont ainsi mis en valeur, presque même personnifiés. Une aventure, forêt de l’Isle-Adam, Théodore Rousseau (1849)

On a un contraste et une qualité naturelle dans la lumière. Ce tableau est très détaillé. On fixe un moment de la lumière qui correspond au moment où l’artiste était en face du paysage qu’il donne à avoir.

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2. Camille Corot Cathédrale de Chartres, Camille Corot (1830)

Camille Corot est un des plus grands paysagistes du milieu du siècle, qui annonce l’art des années 60-70 et l’impressionnisme. Ce sont des compositions toujours évidentes qui comportent beaucoup de finesse et de recherche. Il y a une transparence que l’on ne trouve pas dans l’école de Barbizon et qui fait penser à celle de John Constable en Angleterre. Ce sont des constructions très curieuses, il ne représente pas de paysages purs. Il mélange la présence humaine et le bâtiment. C’est une recherche neuve sur les rapports entre l’homme et la nature → mise en perspective de l’homme avec son espace naturel. Le point d’entrée est le personnage assis sur un bloc de pierre en bas à gauche. On a une sorte de transcription naturelle de la cathédrale dans le paysage : la colline avec les deux arbres et le tas de pierres nous donne une

deuxième vision de la cathédrale. Le cadrage est très moderne. Une partie de la cathédrale et une partie de la colline sont coupées. C’est presque une image prise sur le vif. Le pont de Mantes, Camille Corot (1868-1870)

C’est une œuvre très moderne. Le centre du tableau est un reflet. C’est presque de l’abstraction au sens où tout élément narratif a disparu. On a une pure atmosphère, tout en transparence et en légèreté. Il y a toujours l’élément humain avec le personnage dans la barque. Il y a ensuite une relation avec l’élément naturel (les arbres). Le pont permet de mesurer la présence de l’homme dans cette nature. C’est un cadrage vu de la berge, le point de vision du promeneur. Les arbres gênent la vision du pont puisqu’ils sont situés au premier plan. Cette peinture se détourne des compositions travaillées, capte des moments de manière réaliste (comme une photographie) et rend l’effet d’atmosphère et de lumière que le peintre a pu voir. La profondeur est donnée par les jeux de transparence et l’atmosphère. Cela montre que l’on n’est pas forcé de passer par les règles de l’Académie pour représenter un événement du réel. Le moulin de Saint-Nicolas-lez-Arras, Camille Corot (1874)

Cela ressemble à une œuvre de l’école de Barbizon. On est dans un monde fermé qui nous laisse entrevoir un moulin et un cours d’eau, représentés avec beaucoup de finesse et de légèreté. Les formes s’évaporent presque dans la lumière qui contraste avec la pénombre des sous-bois.

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2.2. Le réel : réalisme et naturalisme (1850-1870) La réalité, telle que nous la voyons tous les jours, va devenir un élément à part entière de la peinture d’entre-deux guerres. Cette tendance peut se manifester par un paysage mais les peintres s’intéressent surtout à des éléments qui n’étaient pas représentés auparavant car considérés comme « peu nobles » (paysannerie, petits métiers, révolutions,…). Il existe deux mouvements :

- Le réalisme : les peintres représentent la réalité de manière fidèle, photographique, sans porter de jugement.

- Le naturalisme : on a une prise de position du peintre pour un sujet particulier (prise de position politique, dénoncer un événement), cela marque plutôt un engagement.

Labourage nivernois, Rosa Bonheur (1849)

Ce tableau a eu beaucoup de succès. La modernité est associée au fait que le peintre est une femme (à cette époque, il y en avait très peu) et à un renouvellement des pratiques, un changement des mentalités. Rosa Bonheur va être une des premières femmes à percer (célèbre à 30 ans). C’est une femme provocatrice, lesbienne, coutumière des anecdotes. Cette peinture semble curieuse et est complètement nouvelle pour l’époque. C’est d’abord un

tableau immense pour un petit sujet, qui est de plus trivial pour l’époque. On voit un paysan qui dirige des bœufs pour labourer. C’est peinture très détaillée. Il y a une transparence, une luminosité et une qualité de l’atmosphère. Rosa Bonheur met tous les moyens de la peinture académique au service d’une petite histoire réelle. A un moment, les gens se sont pris de passion pour la découverte de la paysannerie (dont témoigne le succès actuel du « Salon de l’agriculture »). Ce tableau va donc aider le réalisme à faire parler de lui. C’est du réalisme : il n’y a pas d’engagement, c’est une vue de la terre et du travail des champs. Les glaneuses, Jean-François Millet (1857)

Glaner : ramasser les restes d’une récolte. C’est une activité collective qui permettait à des familles de subsister. Ce tableau représente des femmes très pauvres qui essayent de constituer des réserves de blé. Millet représente un moment de la vie des campagnes. On a une sorte de prise de position : la posture de la femme montre qu’il y a une sorte de fatigue, un poids qui lui pèse sur les épaules. On se rend compte de toute la misère qui existe derrière cette pratique. C’est donc une peinture très moderne qui représente des attitudes, une classe sociale que l’on ne représentait pas auparavant. C’est un geste assez revendicatif, on montre que la petitesse et la misère humaines existent.

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L’angélus, Jean-François Millet (1857-1859)

C’est un des tableaux les plus célèbres du 19e siècle. L’angélus : moment de la prière où les paysans arrêtent leur travail. Le clocher de l’église que l’on voit au loin sonne et annonce donc cet angélus. Les outils de ces paysans sont laissés, ils étaient en train de travailler. Il ne se passe rien dans ce tableau. On a juste l’attitude très humble et simple de ces personnages qui ont une foi fervente et qui sont attachés à cette pratique. C’est une manière de grandir le paysan, de montrer qu’il s’agit d’un homme à part entière – voire même de qualité supérieure car il nourrit les villes et est quelqu’un de très droit et respectueux de la spiritualité, donc moral. Dans le ciel, on

trouve une qualité de la lumière. Ce n’est pas seulement un sujet neuf mais aussi une lumière neuve. Eglise de Gréville, Jean-François Millet (1871-1874)

C’est tout simplement un paysage (cela fait penser à Camille Corot : lumière très pure qui tombe de manière fragmentée sur les éléments de la réalité). Les taches blanches sont des pâtés de matière. Millet ne travaille pas de manière lisse mais par paquets. Cette présence explique la luminosité et le relief. On renforce ainsi le sentiment lumineux qui tombe et nous éblouit presque. Famille de Scarabées, (lithographie), Grandville (1821)

Grandville était un graveur qui utilisait la lithographie7. Comme c’est une technique de dessin, on peut garder toute la souplesse et la liberté du dessin. C’est une caricature : les scarabées représentent l’Eglise, les carapaces sont les vêtements des curés. C’est donc une attaque contre l’Eglise. C’est un tableau naturaliste : prise de position, engagement. C’est à cette époque que la caricature est née (manière de résumer une information, de porter une critique). Il y a une sorte de puissance d’expression. On n’a pas besoin de mots, l’effet est immédiat car il passe par le visuel. Les journaux satiriques commenceront aussi à cette époque.

7 Lithographie : technique inventée à la fin du 18e siècle, très utilisée par les réalistes et les naturalistes. C’est de la

gravure sur pierre où on dessine avec un crayon gras.

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Gargantua, Honoré Daumier (1831)

Gargantua est représenté sous les traits de Louis-Philippe. La paysannerie apporte les maigres récoltes qui sont transférées dans la bouche de Gargantua. C’est de nouveau une caricature, cela symbolise les impôts qui étaient quelque chose de très difficile à payer à l’époque. Honoré Daumier a été six mois en prison pour avoir réalisé cette œuvre, les lois contre la critique politique étaient en effet très fortes. C’est une sorte de violence politique assez prononcée.

La rue Transnonain, Honoré Daumier (1834)

Le sujet n’est pas tangible. Le personnage est endormi. La rue Transnonain fait référence à un élément politique de l’époque : rue située près des Halles à Paris où il y a eu des manifestations. Cela se termine dans un bain de sang, l’armée intervient et tire sur les émeutiers. Pendant la nuit, les soldats ont tué tous les gens (hommes, femmes, enfants) qui se trouvaient dans cette rue. Il y a un malaise qui se dégage de cette œuvre, on contemple la mort sans savoir que c’est elle. C’est un faux calme qui cache la violence de l’action. Il y a une tension, le drap est tiré. On voit un enfant mort écrasé sous le poids de l’homme. On a une sorte de force, de fulgurance, croquée sur le vif. Le contraste entre les noirs et les blancs augmente cette simplicité de l’image et nous la fait presque comparer à une photo de scène de meurtre dans tout ce que cela a de cru. Cette œuvre a été diffusée dans un journal satirique et n’avait pas de titre, il n’y a donc pas d’évocation directe de ce qui s’est passé pour éviter la censure. Les gens de justice, paru dans « Le Charivari », Honoré Daumier (27 avril 1848)

A l’époque, les classes sociales étaient plus marquées que maintenant, il y a des habitudes sociales très protectionnistes. Daumier s’attache à montrer ces attitudes conflictuelles entre les classes sociales et en dénonce l’injustice. Cette œuvre paraît simple mais est très féroce. Elle représente un avocat qui accompagne une femme et un enfant. On ne sait pas vraiment ce qu’il se passe, c’est probablement la sortie d’un procès mais il n’y a pas de précision quant au contenu. Seuls les contrastes dans les tons arrivent à nous situer un peu. L’avocat affiche de la fierté et ne s’attache pas à la misère de la femme qui pleure (elle a sûrement perdu son procès) → on mesure la différence d’objectifs pour les classes sociales.

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La blanchisseuse, Honoré Daumier (1861)

Daumier a aussi pratiqué de la peinture très moderne par le contenu et par les traits. La blanchisseuse tient son linge et aide en même temps la petite fille à monter l’escalier. La fille tient un battoir dans sa main droite (taper le linge pour le nettoyer). C’est encore un sujet très simple. La femme se découpe dans un fond lumineux, elle apparaît comme une silhouette, on ne voit pas les détails de son visage. Daumier fiat l’éloge de ces femmes d’extraction moderne qui effectuent les taches ménagères (travail physique lourd) et doivent aussi faire l’éducation des enfants. On voit la cruauté du destin car la petite fille tient déjà le battoir et finira donc probablement comme sa mère. Il y a une sorte de fatalisme et de dénonciation de l’injustice de ces classes sociales qui ont un labeur harassant et qui n’en sortiront sans doute jamais. Cette œuvre va à l’essentiel. A travers une femme et une petite fille, c’est toute une classe sociale.

Le wagon de 3e classe, Honoré Daumier (1863-1865)

A l’époque, il y avait trois classes (contrairement aux deux classes actuelles), la troisième étant réservée aux plus pauvres. Les deux femmes et le petit garçon sont dans cette dernière catégorie. Derrière, il y a des hommes de bonne condition qui portent des chapeaux. Daumier représente l’injustice, il n’y a pas de communication entre les deux mondes. Tandis que les hommes ont une attitude distante, les femmes sont attachées à leur devoir domestique. C’est le poids du travail qui pèse sur cette classe sociale. La femme tournée et qui regarde les pauvres est une sorte de connivence, elle prend sans doute conscience qu’il existe un autre type de classe plus nécessiteuse. C’est un tableau naturaliste : prise de position de la part du peintre. 2.3. Le bouleversement de la hiérarchie des genres En France, la situation devient très tendue dans les années 50-60 et les positions sont de plus en plus violentes. La réaction des peintres va être de plus en plus agressive à l’égard des salons académiques. Autoportrait, L’homme blessé, Gustave Courbet (1844-1854)

Courbet prend systématiquement le contre-pied des règles académiques. C’est un homme blessé. Il se représente prêt à affronter les règles de son époque.

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Un enterrement à Ornans, Gustave Courbet (1849)

Cette première œuvre de Courbet va beaucoup choquer au salon, elle a de plus un format immense. Les physionomies sont très particulières : il a représenté les personnes de son village natal. Pour les curés, il a dessiné les plus pochards des habitants. Ils ont tous des têtes de poivrots. C’est une caricature de l’Eglise. La manière de représenter la mort est choquante. En effet, Courbet place, au

centre du tableau, le trou béant de la terre qui achève le parcours des vivants. On a aussi une caricature de la bourgeoisie : les hommes et les femmes de cette classe sociale montrent peu d’émotions par rapport à ce qui se passe. L’origine du monde, Gustave Courbet (1866) Le cadrage est spécifique, Courbet cadre l’œuvre sur le sexe de la femme (qui est sa maîtresse) sans aucune possibilité de s’échapper. C’est le moment central de l’action. Il s’agit d’un corps représenté naturellement. Ce tableau prend le contre-pied de l’Académie. C’est une œuvre assez choquante et novatrice. L’atelier, Gustave Courbet (1855)

« L’atelier » est une immense toile. C’est une sorte de manifeste pictural. Cela représente l’atelier de Courbet, le personnage au centre étant le peintre lui-même occupé à réaliser un paysage. A sa droite, il y a une femme déshabillée qui tient un drap. Ici, il représente un tableau dans le tableau comme si le paysage était de la Peinture, donc le genre par excellence. Cette mise en valeur du paysage est irrévérencieuse. A sa gauche, le petit garçon est sans doute

Courbet lui-même, on doit donc y voir l’expression de sa jeunesse et les souvenirs de sa campagne. La femme représente le modèle typique de l’atelier, mais aussi la muse de Courbet, ainsi que la nature au sens figuré (la femme créatrice de la race humaine). La composition est divisée en deux catégories (les bons à droite et les méchants à la gauche) → reprend l’iconographie du jugement dernier (que l’on peut observer dans les églises). Il y a donc un geste de provocation car c’est comme s’il reprenait l’iconographie chrétienne. A gauche se trouvent toutes les catégories qu’il déteste. Le poignard (duel), le chapeau à plume (vie aventureuse) et la guitare sont des symboles du romantisme qu’il rejette. La femme nue, à l’arrière-plan, représente la prostitution et la pauvreté. Il y a aussi un bourgeois. Le crâne sur le journal démontre que les journaux détruisent les idées. Le rabbin et le peintre sont des symboles des religions monothéistes, Courbet attaque la religion dans

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ce qu’elle véhicule comme idées toute faites. A droite sont peints des personnages qui représentent la nouveauté : Baudelaire (qui l’a défendu contre les attaques des journaux), Proudhon (penseur qui défend le travail et qui est une des premières consciences des classes ouvrières, il préfigure les écrits de Marx),… Courbet dénonce ici l’incohérence du système académique. Le sommeil, Gustave Courbet (1866)

Cette peinture est très pornographique pour l’époque (scène de sexualité féminine) car l’homosexualité n’avait pas d’existence sociale, elle était totalement niée. Sa représentation était donc impensable. Il y a vraiment de la provocation mais ce n’est pas uniquement un but de pornographie, il y a une recherche artistique. C’est une célébration de la femme comme principe naturel. Cette œuvre est restée en collection privée.

Les falaises d’Etretap après l’orage, Gustave Courbet (1869)

C’est une peinture assez lumineuse qui annonce l’école de l’impressionnisme. Il s’agit d’un paysage du nord de la France (en Normandie). Il y a une recherche de pureté dans la lumière. Dans les roches, Courbet fait des empâtements, des petits pâtés qui vont capter la lumière et charger la matière de celle-ci. La musique aux tuileries, Edouard Manet (1860)

Manet produit une peinture nouvelle dans sa technique et dans la manière de représenter les genres. Il était exclu systématiquement du salon (surtout pour des questions formelles). Il exposait des esquisses et ne terminait pas ses tableaux. Ce sont de grandes touches de couleur, il y a peu de volume et de détails. Il n’y a pas de clair-obscur. Le sentiment d’effet d’ensemble prime sur les détails. C’est pratiquement un tableau abstrait et on a une impression de vitesse qui s’en

dégage. Cette œuvre représente la musique aux tuileries (jardin à Paris où la bourgeoisie allait se reposer ou se divertir le dimanche). Manet représente avant tout l’effet de ce rassemblement plutôt que les détails de physionomie, de minutie et de réalité. Il y a une critique sociale très forte : bien qu’il soit lui-même issu de la bourgeoisie, il la critique. Les femmes ont un air hautain → aspect inerte de la bourgeoisie enfoncée dans les habitudes et les bonnes manières. Les costumes des hommes les rendent comparables aux troncs des arbres, Manet les fait fondre dans le paysage. A force de s’habiller de manière conventionnelle, ils se ressemblent tous et ne sont que des paysages.

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Le déjeuner sur l’herbe, Edouard Manet (1863)

Cette œuvre va provoquer un grand scandale et va être refusée au salon. Les débats qui vont s’en suivre vont être si violents que Napoléon III va créer, en 1863, le Salon des Refusés où vont être exposées toutes les œuvres qui n’ont pas été acceptées par le jury. Tous les peintres modernes vont enfin avoir un lieu où exposer leurs peintures. La femme représentée n’est pas idéalisée, elle est naturelle. Elle est habillée tandis que les deux hommes sont nus. C’est une peinture moderne avec un sujet moderne. Ce qui est choquant est que la représentation de la nudité dans une autre civilisation ne pose pas de problème mais

ne peut être envisagée en Occident. Ce sont des amis de Manet, accompagnés de sa maîtresse qui est aussi son modèle, en train de terminer un pique-nique. Le premier titre de cette œuvre était « Le Bain » dont un vestige est la femme à l’arrière-plan. Cette dernière cache sa féminité, il y a un respect de la morale. A l’avant-plan, il n’y a pas de raison que la femme soit nue car elle ne prend pas de bain. Le personnage qui nous regarde à côté d’elle est un graveur, ce sont donc des gens que l’on connaissait, ce qui est d’autant plus choquant. A côté de cette modernité, il existe toujours des tableaux d’inspiration classique : 1. Le combat de coqs, Jean-Léon Gérôme (1846) 2. Nymphe et Satyre, William Bouguereau

Inspiration néo-classique. C’est la différence entre la peinture moderne et la peinture académique. Tout est calculé, il n’y a rien de spontané. C’est la réflexion à l’état pur mais il n’y a pas de vie dans cette peinture.

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Olympia, Edouard Manet (1863)

Manet cachera cette peinture jusqu’en 1865 à cause du scandale provoqué par « Le déjeuner sur l’herbe » en 1863. Mais c’est un nouveau scandale. A cette époque, Olympia était un nom particulièrement courant pour les prostituées de luxe. Les gens voyaient donc cette œuvre et pensaient que c’était une prostituée. Son regard est franc, sa position est tournée vers le spectateur, elle ne voile pas sa nudité. Pour Manet, ce qui compte est la célébration de la femme. C’est le visuel qui compte et les personnages ne sont qu’un prétexte à cet aspect

visuel. Le tableau, avant d’être un contenu, est un plaisir des sens. Il y a une ligne au milieu qui sépare le tableau, on peut trouver des correspondances entre ces deux parties : femme noire >< femme blanche, vêtue >< déshabillée, bouquet de fleur >< ne tient rien. Il y a aussi une réponse entre la fleur que la femme blanche a dans les cheveux et les petites fleurs rouges du bouquet. On a un vrai travail d’harmonie plastique et de célébration des choses simples qui sont très réalistes. Représenter la nudité contemporaine n’est pas faire de la pornographie mais représenter la réalité telle qu’elle est, c’est l’expression d’un quotidien. C’est vraiment une volonté de mise à mal de la peinture pour en donner une réalité première. Le fifre, Edouard Manet (1866)

Cette œuvre va aussi être l’objet d’un scandale du fait de sa simplicité. Un fifre est un joueur de petite flûte. Ce sont des enfants qui jouaient de la musique dans les convois militaires. Manet supprime toutes les conventions de la peinture. Celle-ci est dans l’espace mais en est à la fois totalement absente. Le peintre supprime également l’histoire, c’est une simple vision. Le personnage est un pur contour sans modelé. Il n’y a pas de clair-obscur. Cette œuvre fut appelée « La carte à jouer ». Un bar aux folies Bergères, Edouard Manet

C’est un œuvre très moderne, d’une subtilité et d’une richesse très grande, qui paraît simple et naturelle. Dans le fond, il y a un miroir qui reflète la salle et l’assemblée. On a le reflet de la femme, quelqu’un s’adresse à elle. La perspective est hallucinée et triplement fausse car si l’on voit la femme de face, son reflet doit être derrière elle et non en biais. C’est un trucage : si le peintre est en face de la femme, il ne peut pas contempler ce qu’il nous montre. La première fuite est plongeante, or, derrière on a une perspective en contre-fuyante → deux points de fuite qui se mélangent (un qui part vers le bas et un qui part vers le

haut). L’expression de la femme est le contraire de celle d’une serveuse derrière un bar. On a une sorte de vide, de non-expression qui trouve écho chez l’homme qui a aussi un regard vide. Une profondeur psychologique s’installe progressivement dans l’œuvre. C’est une sorte d’instantané photographique. Cette peinture ne recherche plus le contenu. L’agitation des gens et la fumée sont simplement esquissées et sont à la limite de l’abstraction. Par contre, Manet reconstitue tout l’effet d’ambiance s’y trouve. Il a signé sur la bouteille de champagne comme si son nom était la marque et comme s’il s’investissait dans cette ambiance de fête.

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3. Révolutions - Impressionnisme et Post-impressionnisme : 1860-1905

Le post-impressionnisme concerne tout ce qui se trouve après l’impressionnisme. Il inclut Cézanne, Van Gogh,… On a une recherche de la lumière et une modernité de la peinture, c’est le passage d’un monde obscur à une peinture fraîche. Les impressionnistes travaillent différemment :

NNoouuvveeaauuttééss : - Grande révolution technique due à l’arrivée de la peinture en tube. Auparavant, les pigments

étaient obtenus en broyant des minéraux. Ensuite, on produit chimiquement les couleurs que l’on vend en tubes de zinc. Comme c’est de la peinture chimique, les couleurs sont pures. Il est plus facile de se balader avec les couleurs en tubes, on peut ainsi peindre dans la nature.

- Les impressionnistes s’intéressent aux découvertes scientifiques de l’époque. Les découvertes dans le domaine de l’optique vont changer la manière de peindre. Rood a analysé la manière dont l’œil humain perçoit la réalité. Il a observé que l’on n’a pas d’image nette de la réalité, c’est un ensemble de taches lumineuses assemblées les unes aux autres. Ce qui fait la netteté de l’image est que le cerveau analyse cette image pixellisée de la réalité et en recompose une nette → vison de la rétine + travail du cerveau.

- Chevreul (physicien qui travaille sur les couleurs) a découvert les contrastes simultanés. Dans le spectre des couleurs, il existe sept teintes. Chevreul démontre qu’il existe des couleurs complémentaires : le rouge et le vert, l’orange et le bleu, le jaune et le violet, l’indigo et le jaune orangé. Si on les juxtapose, on aura plus de sentiment coloré dans chacune d’elles qui apparaissent plus lumineuses et colorées lorsqu’elles sont côte à côte. Les impressionnistes vont systématiquement utiliser ce principe car les tableaux apparaissent plus lumineux.

Les gens n’ont pas vraiment compris la modernité de la peinture impressionniste. Elle est très technique, le contenu n’est pas l’élément le plus important. Ce sont souvent des paysages, des moments d’atmosphère. C’est par tout le support technique que les impressionnistes vont modifier le paysage qui devient un instantané de la vision à un moment précis où le peintre la capte et nous restitue ce qu’il a vu. Ces œuvres ne sont pas exposés au salon, les peintres vont donc devoir trouver un lieu alternatif pour expose leurs toiles. Dans un premier temps, cela sera dans les salles du photographe Nadar. En 1874, le groupe impressionniste est formé et exposera jusqu’en 1886. Il ne sera encouragé que par quelques amateurs.

Comparaison de la luminosité :

Daubigny (1861) Pissarro (1864-1865)

Sombre, teintes ternes, tirant vers le brun et le jaune. Produit par mélange, ce qui assombrit la

Teintes pures, provoque un effet de clarté, d’air, l’image respire.

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composition. Le déjeuner sur l’herbe, Claude Monet (1865-1866)

Dans les arbres, on a essentiellement deux types de vert que Monet utilise sans mélange. Cela donne une impression d’intensité coloristique, de pureté des couleurs, d’intensité lumineuse que l’on ne trouvait pas auparavant. On a seulement des touches de couleur mais, avec le recul, notre cerveau recompose la globalité de l’image et la comprend. Les impressionnistes représentent la réalité telle que nous la voyons concrètement. Ce tableau fait écho au « Déjeuner sur l’herbe » de Manet. L’enjeu n’est plus le même : Manet cherchait à mettre à mal les codes – Monet peint une femme habillée, le déjeuner est sympathique et ne choque plus. Ce dernier s’intéresse exclusivement à la lumière, il procède par flocage. Cela produit des effets lumineux inattendus. La lumière est décomposée et rendue par touches de couleurs pures qui contrastent et révèlent les jeux de la lumière.

La pie, Claude Monet (1868-1869)

C’est une œuvre très connue. Elle rend les qualités d’atmosphère et de lumière lorsque le soleil, au matin, vient rendre l’image de la neige vierge. Monet utilise les ressources de la lumière. Pour rendre les ombres, il utilise juste le violet. A d’autres endroits (arbres), les ombres sont du rose qui permet de rendre des ombres légères et subtiles. Tout est couleur pure dans cette œuvre, ce qui fait qu’il y a une information dans ces ombres. Il y a de la profondeur tout à fait neuve, du détail. Cela donne une luminosité intense car il n’y a pas de saturation de la couleur. Régates à Argenteuil, Claude Monet (1872)

L’impressionnisme va peindre par touches de couleurs non mélangées, sachant que notre cerveau peut recomposer l’image. On a donc des couleurs pures, avec une grande intensité lumineuse. La peinture correspond à la vision humaine (effet de réalité plus grand) et utilise une technique qui permet d’avoir un maximum de pureté lumineuse. On a un croisé de couleurs complémentaires → aveuglement de la peinture qui nous inonde de lumière, puissante coloristique très forte. On a une rapidité d’exécution (avantage de l’impressionnisme

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Impression soleil levant, Claude Monet (1873)

C’est l’œuvre qui va donner son nom au courant de l’impressionnisme. Un critique d’art va se moquer de cette peinture en disant qu’elle est inachevée (insulte pour l’époque, critique très forte) et donc inexposable. C’est une vue du port du Havre que Monet a peint directement depuis la fenêtre d’une chambre d’hôtel. Il y a une rapidité d’exécution, on sent presque la vitesse de la peinture. Ce qui compte est l’instant lumineux qu’il tend à capter et à démontrer sur la toile. On remarque la technique de touches avec un maximum de couleurs pures qui permet d’accroître le sentiment lumineux. On n’a que des silhouettes, le reste est en atmosphère et en

légèreté. On retrouve la technique des couleurs complémentaires. Le jaune et le bleu donnent un maximum de sentiment coloré. Tout souligne le but de l’impressionnisme qui est la vision instantanée du paysage. Cathédrales de Rouen, Claude Monet (1892)

Monet pousse loin cette technique de touches et de couleurs pures. Ici, il n’y a pas de couleurs sombres. La lumière est parfois tellement aveuglante que les formes disparaissent sous la lumière blanche. Il s’agit d’une série (plusieurs œuvres sur le même thème). Monet a loué une chambre d’hôtel en face de la cathédrale et la peinte à différents moments de la journée, on a donc des types différents d’éclairage. La lumière est l’élément fondamental des impressionnistes et le point d’entrée du tableau.

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Comparaison entre deux tableaux sur le même thème :

Baigneurs à la Grenouillère, Claude Monet (1869)

Pureté coloristique intense. Il y a dix teintes : blanc de céruse, jaune de chrome, jaune citron, vermillon, bleu de Prusse, bleu de cobalt, vert émeraude, vert viridien, vert de chrome et violet de cobalt.

La Grenouillère, Pierre-Auguste Renoir (1869)

Côté plus bourgeois que chez Monet.

La Grenouillère était un lieu de délassement très célèbre à l’époque. Monet et Renoir travaillent tous les deux sur les reflets. L’eau bouge. Ils offrent un instantané de leur vision par touches juxtaposées sans mélanger les couleurs.

La côte de Jalais, Camille Pissarro (1867)

C’est une lumière pure qui tombe à un moment donné. Il n’y a pas du tout de théâtralisation, elle est très naturelle. Ici encore, on a l’utilisation de couleurs pures. Les toits rouges, Camille Pissarro (1872)

Cette œuvre est toute en intensité lumineuse. Toutes les techniques de recherches de la lumière sont présentes :

- couleurs complémentaires : rouge-vert ou bleu-orange - empâtements - pas de juxtaposition des couleurs - pas de couleurs sombres pour les ombres (ce sont des

violets)

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La mare aux canards, Pierre-Auguste Renoir (1873)

Renoir utilise aussi toutes ces techniques. C’est une implication théorique de l’impressionnisme. Cette œuvre n’est qu’en bleu et en orange. C’est une réflexion sur les couleurs complémentaires. Le blanc est simplement celui de la toile laissée à l’état vierge. On a donc un maximum d’intensité luminosité et un caractère vériste de la lumière naturelle. Renoir a testé beaucoup de techniques → l’impressionnisme est un ensemble de techniques, une recherche perpétuelle de lumière qui passe par toutes une série de moyens.

Bal du Moulin de la Galette, Pierre-Auguste Renoir (1876)

La Galette est lieu célèbre parisien où se rendaient les gens. Cette œuvre met en scène des personnages (ce qui est rare dans l’impressionnisme qui tend davantage à représenter des paysages). C’est une photographie sociale des amusements de la bourgeoisie de l’époque → thème peu impressionniste. Renoir utilise le principe du flocage, que l’on retrouve aussi chez de nombreux peintres. Dans la partie gauche essentiellement, on a des taches de lumière : celle-ci tombe de manière fragmentée sur tous les éléments de la composition. Le déjeuner des canotiers, Pierre-Auguste Renoir (1881)

Les personnages sont habillés en canotiers, les dames élégantes sont en train de discuter. Il y a un côté strident, presque agressif, dans les couleurs car elles sont pures (surtout le bleu et l’orange). On a une fragmentation de la lumière par la technique du flocage qui éclaire les éléments de la composition.

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Jeunes filles au piano, Pierre-Auguste Renoir (1892)

On est loin de l’impressionnisme, Renoir revient à une technique beaucoup plus classique. Il y a bien une utilisation des couleurs pures mais elles sont étouffées et recherchées davantage pour leur harmonie que pour leur contraste. A un moment donné, le système impressionniste a abouti sur une impasse : à force de rechercher un maximum de luminosité, on tue la forme et le reste du tableau disparaît. Dans ce tableau, on a un rééquilibrage des rapports entre la lumière, la forme et les couleurs.

Inondations à Port-Marly, Alfred Sisley (1876)

Alfred Sisley est un peintre anglais qui a travaillé en France. Il est célèbre pour avoir peint des inondations. Le drame l’intéresse moins que le fait que, grâce aux inondations, on a un avant-plan entièrement fait d’eau, donc de reflets. On a ainsi une œuvre tout en reflet et en transparence, qui permet d’attirer un maximum de luminosité. Sisley applique de façon timide la technique impressionniste : le ciel n’est pas vraiment impressionniste contrairement au bas où le côté fugace de la lumière est rendu comme s’il s’agissait d’un instantané. L’orchestre de l’opéra, Edgar Degas (vers 1870)

Degas a peu de rapports avec la technique impressionniste, il prolonge plutôt la recherche de Courbet et Manet sur la modernité et l’utilisation non conventionnelle des genres. Les tutus sont représentés de manière floue → on saisit leur mouvement figé comme dans un instantané. Le cadrage est original car il s’agit d’un petit sujet : Degas ne cadre pas l’image sur les ballerines mais représente la fosse d’orchestre et les musiciens. Le personnage central (contrebassiste) est représenté de dos. Degas représente donc quelque chose d’irreprésentable : la musique de dos. C’est est un aristocrate fortuné qui parodie les modes de représentation classique, il veut casser les habitudes de représentation. Cette œuvre fait penser à un cadrage photographique, on a une vision naturelle, l’image n’est pas arrangée selon la manière académique.

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Les chevaux de course, Edgar Degas (1869-1872)

Ce tableau représente des chevaux de course. C’est une œuvre relativement évidente avec un sujet bourgeois (la bourgeoisie qui se rend aux champs de course pour parier) mais il y a une grande touche de modernité. Les chevaux et les jockeys sont marginalisés et fusionnés par rapport au paysage. Degas travaille énormément sur les ombres des chevaux qui sont accentuées et donc plus présentes que les formes originelles → c’est une manière d’insister sur les contrastes. Il y a davantage une recherche sur l’image que sur son contenu qui fait de Degas un peintre moderne.

Le foyer de la danse à l’opéra, Edgar Degas (1872)

Degas est célèbre pour avoir représenté des ballerines. Au delà de la beauté du spectacle, il y a une véritable réflexion sur la danse en tant que mouvement qui échappe à la nature. Il capte et rend les instantanés du mouvement. On a une recherche très forte de la temporalité. Ce tableau représente un cours de danse et des ballerines qui s’étirent. Les tutus sont représentés dans leur manière floue afin de suggérer le mouvement. Degas a représenté beaucoup de ballerines avec la technique du fusain. L’absinthe, Edgar Degas (1876)

Ce tableau est une sorte d’instantané pris dans un café. La femme est devant un verre d’absinthe. Cette boisson fut interdite à cause des dégâts qu’elle a provoqués sur les gens. Les ravages de l’absinthe furent un thème beaucoup représenté par les peintres de l’époque. Pour cette œuvre, Degas a demandé à des amis de poser, l’homme à droite est un graveur. Le peintre a beaucoup travaillé sur la disposition de cette scène : les tables apparaissent au premier plan de manière naturelle, mais tout est construit en réalité. Cela isole les personnages, c’est une manière de montrer leur solitude liée à l’alcool. Dans le miroir, on a des silhouettes à peine esquissées → cela montre la dépersonnalisation de ces personnages, ils ont un regard vide. Cette œuvre produit les effets recherchés : impression d’un instantané mais tout relève de la construction. On a l’impression que Degas s’inspire des techniques de la photographie pour donner une impression d’instantané.

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Province d’Awa, rapides de Naruto (gravure sur bois), Utagawa Hiroshige (1855)

Utagawa Hiroshige est un artiste japonais. Le Japon est resté très tardivement un pays basé sur une culture médiévale. Ce n’est qu’au 19e siècle, sous la pression des européens, que ce pays va s’ouvrir. Dans un premier temps, les empereurs refuseront un contact avec les Occidentaux. En 1853, s’ouvre l’ère Meiji : nouvelle phase où l’empereur se rend compte du retard du Japon par rapport à l’ouverture industrielle de l’Europe, quelques ports japonais seront ouverts au commerce. Dans les années 1850-1860, on commence à découvrir le Japon. Les artistes européens seront influencés par l’art japonais qui fonctionne naturellement, avec une série de valeurs que les peintres modernes recherchent à cette époque. Les artistes modernes sont fascinés par la non-perspective de cet art. C’est une sorte de confirmation : on peut produire un art coloré, vivant, qui produit du sens, sans passer par la perspective.

Ce tableau représente une cascade. Hiroshige représente, en superposition, une série d’éléments que nous aurions représentés avec des points de fuite. Les vagues sont à plat, le premier plan est rabattu, il n’y a pas du tout de profondeur. Le tourbillon est le point d’entrée de l’image comme s’il nous aspirait. Les vagues des rapides submergent les rochers ; en venant se fracasser contre les rochers, elles produisent de l’écume. Il y a un grand souci du décoratif. L’écume dans le ciel évoque les nuages. Dans l’art japonais, on a systématiquement des formes ouvertes qui représentent toute une série de choses, les significations sont toujours ouvertes → liberté de l’interprétation. Il y a une dimension poétique dans ce tableau. Les Japonais travaillent par aplats de couleur car ils pratiquent davantage la gravure que la peinture. Cette technique n’est plus utilisée en Europe car peu pratique et peu souple, ce qui fait que les artistes européens utilisent essentiellement la lithographie. Lorsqu’on fait des gravures en couleurs, on doit travailler couleur par couleur, c’est un travail long et difficile mais le résultat est qu’il n’y a pas de mélange des couleurs. Les artistes européens seront fascinés par cette technique. Les couleurs ont ainsi un pouvoir expressif plus grand, chacune acquiert un maximum de puissance. Les chutes Kirifuri dans la montagne Kurokami dans la province de Shimotsuke (gravure), Katsushika Hokusai (vers 1827)

Hokusai est un des plus grands artistes graveurs japonais inspiré par l’art européen. Il représente des chutes, des cascades, l’eau vient s’écraser. Les personnages contemplent la beauté de cette cascade. C’est une œuvre typiquement japonaise dans sa composition : pas de perspective, couleurs pures et distinctes. Les méandres blancs évoquent tout aussi bien les racines d’un arbre. On atteint un niveau décoratif où on peut donner des interprétations différentes.

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Amants se reposant sous un arbre (gravure), Kitagawa Utamaro (1788)

C’est une œuvre érotique. Les Japonais n’ont pas eu les tabous sur la sexualité présents en Europe, ce qui fait qu’elle est très présente dans l’art japonais. Cette liberté de la représentation de l’amour fascine aussi les Européens et les incite à aller plus loin. Outre le côté sensuel, il n’y a pas de profondeur dans cette œuvre. Le kimono est d’une couleur unie. Le trait semble être placé à la perfection, il y a une grande justesse. On a une absence de perspective (l’homme allongé à côté mais son visage est tourné dans la même direction que

celui de la femme). Ce tableau fonctionne de manière poétique → l’art japonais fonctionne tout en poésie. L’homme écrase la femme mais il y a une sorte de tendresse car ils sont joue contre joue. On n’hésite pas à ce que la réalité soit transformée. 3.2. Le Post-Impressionnisme (1886-1905) L’impressionnisme se termine en 1886 (dernière exposition). Avec un sentiment de grande modernité, il avait achevé de libérer les dernières contraintes imposées par l’Académie. Le post-impressionnisme est une manière de se repositionner par rapport à l’impressionnisme, d’essayer de composer avec cette nouvelle liberté mais sans faire disparaître la forme au profit de la couleur. Les post-impressionnistes vont essayer de redonner un équilibre entre la lumière, la forme et les couleurs. L’art des années 80 et 90, qui est le fruit de personnages divers, ne fait que rebondir sur les découvertes de l’impressionnisme.

A. Le néo-impressionnisme (1886-1904)

Le néo-impressionnisme est la continuité de l’impressionnisme. Ce mouvement utilise la technique du pointillisme : les œuvres sont faites avec une accumulation de petits points de couleurs juxtaposés qui ne se touchent pas. C’est une sorte de radicalisation de la technique impressionniste. Les peintres rejettent la représentation instantanée de la lumière et recherchent sa transparence et sa permanence. Ils recréent un équilibre entre les trois composantes du tableau, on n’a pas de prédominance de la lumière.

Une baignade à Asnières, George Seurat (1883-1884)

Dans ce tableau, la présence du blanc est due au fait que la toile blanche ressort entre les petits points. On essaye de capter un maximum de lumière. Les couleurs complémentaires sont utilisées. Il y a une place prédominante faite à l’eau pour capter le reflet du ciel.

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Un après-midi à l’île de la Grande-Jatte, Georges Seurat (1883-1886)

Ce tableau fut exposé à la dernière exposition de l’impressionnisme. La Grande-Jatte est une des petites îles qui se trouvent sur la Seine. On a toujours l’idée de la permanence de la lumière, comme s’il s’agissait de la représentation de toutes les activités d’une journée entière, et non plus un moment précis. Il y a un jeu de couleurs complémentaires. On a une critique sociale très forte dans cette œuvre, caractéristique que l’on ne trouvait pas l’impressionnisme. Les néo-impressionnistes ont été critiqués par Félix Fénéon,

critique d’art qui défend les impressionnistes. On trouve, dans la peinture néo-impressionniste, un écho de l’anarchisme avec un rêve de société meilleure. Il y a presque une caricature de la bourgeoisie : côté figé des femmes qui ont une ombrelle pour préserver leur teint pur, hommes avec des gants et des cigares → critique des engoncements de la bourgeoisie. Seurat, en représentant une femme qui tient un singe en laisse, en montre son côté ridicule. L’homme en bas à gauche représente une opposition entre les classes sociales. On a ainsi une critique et, en même temps, un rêve de société où tout le monde cohabite sans distinction sociale. Portrait de Félix Fénéon, Georges Seurat (1890)

Dans ce tableau, il y a une grande influence de l’art japonais : pas de perspective, jeu décoratif basé sur les couleurs et les formes, impression que le personnage est écrasé par l’environnement, décomposition des couleurs (même dans les tons au sein d’une même couleur). Félix Fénéon se trouve devant un décor de cirque et tient un lys blanc dans sa main (fleur associée à la pureté). Il y a presque un jeu sur le blanc car c’est la somme de toutes les couleurs → dimension poétique et ludique. Le cirque, Georges Seurat (1890-1891)

Les artistes néo-impressionnistes sont très attirés par le cirque. Ils s’identifient à ses personnages car ceux-ci sont en marge de la société. La femme est en équilibre très instable sur le cheval. Il y a une décomposition de la couleur, chaque teinte est divisée et fonctionne par jeux de contrastes (orange-bleu, jaune-violet).

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A. Paul Cézanne (1839-1906)

Paul Cézanne est une personnalité très complexe qui réagit aux règles de l’impressionnisme. Au début, il a fait des œuvres impressionnistes et a travaillé avec Camille Pissarro.

La route de Louveciennes, Camille Pissarro (1871)

Louveciennes, Paul Cézanne (1872)

� La lumière est la même mais la densité de la matière est plus présente chez Cézanne. Celui-ci recherche davantage une densité de la forme que l’on ne retrouve pas chez les impressionnistes. Cézanne peignant sur la colline des Lauves (1906)

Cézanne jetait les tableaux qu’il considérait comme ratés dans les forêts. Les artistes ne peignent plus dans les ateliers.

La colline de Jalais, Paul Cézanne (1879-1882)

La forme prend le pas sur la recherche de la lumière. La touche impressionniste est allongée. Cézanne rassemble des petits paquets de touches par couleur mis les uns à côté des autres, qui donnent du volume à cette œuvre.

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La maison du pendu, Paul Cézanne (1873)

Cézanne utilise énormément de matière. Il laisse apparaître la pâte et utilise beaucoup d’huile, ce qui crée une grande présence des formes. Il y a une rugosité de la peinture pour donner un maximum de présence à la lumière. Cette œuvre part de l’impressionnisme mais s’en écarte.

Nature morte au panier, Paul Cézanne (1890)

La nature morte est un genre peu pratiqué au 19e siècle. Cela permet de travailler sur les objets et de cerner leur présence et leur forme. A part l’utilisation des couleurs pures et des contrastes, on est loin de ce que l’impressionnisme recherchait. Il y a beaucoup de matière. La lumière est une manière d’intégrer les volumes dans l’espace, Cézanne prédomine les formes à l’espace. Les objets ont une forme propre.

Montagne sainte-Victoire, Paul Cézanne (1890)

Sainte-Victoire est une colline à Aix-en-Provence que Cézanne va beaucoup représenter jusqu’à en faire une série. Il cherche à capter la présence, la matérialité, la masse de cette montagne. C’est un travail sur la forme et non sur la lumière. C’est encore une œuvre vaguement impressionniste : couleurs pures, transparence. Ce sont des petits rectangles de couleurs. La modulation des teintes fait que cette décomposition capte notre œil et crée une durée de la lecture de l’œuvre. On a une distance avec

cette montagne. Cézanne fait percevoir les profondeurs par la couleur, c’est par elle que se construit le tableau et toutes ses dimensions. Montagne sainte-Victoire, Paul Cézanne (1904-1906)

La représentation de cette montagne a beaucoup évolué. C’est une œuvre abstraite donc énormément moderne. Cézanne aura une grande influence sur l’art du 20e siècle (Picasso). Cette œuvre est l’aboutissement de ce qu’il a voulu faire : tout passe par la forme au détriment de la profondeur et de la perspective qui n’existent plus. On voit vaguement que la montagne se trouve au-dessus de l’horizon, il y a donc une distance. Ce sont des paquets de lumière juxtaposés les uns aux autres qui donnent une harmonie pour l’œil. Cézanne va montrer que l’on peut tout axer sur le volume.

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Rochers des grottes au-dessus de Château-Noir, Paul Cézanne (1904)

Ce sont des taches de couleurs juxtaposées les unes aux autres. Il n’y a plus de volonté de rendre le rocher de manière réaliste, Cézanne veut nous en faire saisir tout le volume et la présence. On a une autonomie de la couleur → c’est le principe qui fera naître l’abstraction.

B. Paul Gauguin (1848-1903)

Paul Gauguin axe sa recherche sur la couleur pure.

Les Alyscamps, Arles, Paul Gauguin (1888)

Gauguin est d’abord marqué par l’impressionnisme : couleurs complémentaires,… On a une profonde influence de l’art japonais : absence de perspective, plans rabattus, aplats de couleurs distinctes qui contrastent les unes aux autres. Il y a une intense recherche sur la couleur. La vision après le sermon, Paul Gauguin (1888)

Gauguin fait de la couleur une puissance expressive pour donner un maximum de sensations et d’impacts visuels. Il prend le pas sur toutes les conventions et, par dessus tout, celle de la vraisemblance. L’herbe est rouge alors qu’elle devrait être verte → s’il perçoit que l’herbe doit être rouge pour que le tableau soit harmonieux et expressif, il n’y a pas de raison de la peindre en vert. Il veut une surface qui contraste avec les chapeaux des femmes. Il supprime complètement la perspective. Les femmes regardent le combat entre Jacob et l’ange. Pour marquer une distinction entre les

deux plans, il tort le tronc d’un arbre. C’est presque un jeu décoratif où l’arbre sert à la composition. Cloisonnisme : Gauguin marque les formes d’une ligne noire et les isole, elles ne sont plus du tout mélangées. Ce terme souligne les caractéristiques propres chez Gauguin et montre que, chez lui, tout passe par la couleur (l’information).

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La belle Angèle, Paul Gauguin (1889)

Gauguin va être influencé par le primitivisme (des artistes se détournent de la culture raffinée européenne et recherchent des cultures primitives dans un désir d’authenticité, de simplicité). Il le trouve d’abord en Bretagne (culture d’origine gaélique et non romaine) où il va séjourner. Ce tableau représente une Bretonne avec un costume traditionnel breton. La statue asiatique montre aussi la recherche du primitivisme. Il y a toujours une recherche de la couleur pure, expressive, qui donne tout le sens à l’image. Celle-ci a un côté très naïf. Il y a une manière, chez Gauguin, de casser les habitudes de la représentation pour faire des images basées sur la simplicité.

Femmes de Tahiti, Paul Gauguin (1891)

Gauguin pousse plus loin sa recherche du primitivisme. Il va quitter sa femme, laisser ses enfants et partir à Tahiti (région colonisée par la France). Il tourne le dos à Paris et à ses pratiques culturelles et fait donc la critique de la peinture d’artifice. Cette île a un respect des traditions vahinés, sur place, il se fait détester de l’administration coloniale et s’isole. Il épouse une vahiné de 14 ans, se retire dans une maison du village qu’il appelle la « maison du jouir » (volonté de choquer). Ce tableau représente des femmes sur la plage. On a une application parfaite des règles de Gauguin : le synthétisme → la couleur synthétise tous les éléments du tableau, elle rassemble toute l’information visuelle. La lumière est fortement réduite, ce n’est pas une peinture qui recherche un maximum de couleur. La forme est identifiée à la couleur : le vert représente la mer, la couleur ne colorie pas le dessin qui représente un objet. La perspective est trompée, la femme est vue de profil mais son pied est surdimensionné et elle est ramenée vers l’avant. Pour Gauguin, la couleur a une autonomie qui ne passe plus par une recherche de véracité avec la réalité. La mer consiste en une superposition de bandes, ce n’est plus une représentation véridique de l’objet. La couleur devient purement décorative et la peinture est faite pour le plaisir des yeux. Les formes sont très simples et brutes. Le rouge contraste avec le vert : la mer est peinte en vert → jeu de correspondance des couleurs complémentaires. Cette peinture recherche une simplicité qui ne se contente pas de détruire les règles. � La couleur prédomine sur les autres éléments, domine la forme, prend le pas sur les autres éléments.

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C. L’école de Pont-Aven (1886-1894) Gauguin aura une grande postérité et une influence majeure sur ce qui va suivre et sur tout le 20e siècle. Il donne naissance à l’école de Pont-Aven (petit village breton). Tous les peintres, à sa suite, quittent Paris et vont vivre ensemble à Pont-Aven où ils se rassemblent autour de lui et appliquent ses principes qu’ils vont même pousser plus loin. Le talisman, Paul Sérusier (1888)

C’est l’œuvre qui donne naissance à l’école de Pont-Aven. Elle est peinte au revers d’une boîte à cigares. Elle fut réalisée par Sérusier en compagnie de Gauguin, ce dernier lui expliquant sa conception de la peinture en même temps qu’il peignait. On a une nouvelle dimension de la peinture : elle est totalement plate, la perspective est absente. Il y a une harmonie des couleurs et des contrastes, un équilibre plastique assez intense qui produit un plaisir esthétique. Au départ, c’est un paysage (eau, arbres, reflets) qui n’est un point de départ car le résultat s’en éloigne. Gauguin explique que la couleur est une nécessité, si on a besoin que les objets soient peints dans certaines couleurs, on peut modifier la réalité de ce qu’on voit pour les besoins du tableau → prise de distance avec la réalité. Tout passe par la couleur qui « est » l’intégralité de l’œuvre → il n’y a plus de

« forme » ni de « lumière ». On a là une application totale du synthétisme : il crée une harmonie entre les masses, utilise les couleurs complémentaires et des rapports entre les couleurs claires et sombres. Il n’y a plus de volonté de rendre le volume de la forme. La peinture a uniquement deux dimensions, les peintres de l’école de Pont-Aven rejettent la troisième dimension. L’averse, Paul Sérusier (1893)

Alors que Gauguin était parti à Tahiti, les autres artistes sont restés à Pont-Aven mais ils n’appliqueront pas automatiquement son système. Dans cette peinture, on revient à des manières plus conventionnelles même s’il reste des principes du synthétisme (sol rose, primauté de l’équilibre des couleurs sur la réalité, recherche de simplification de la peinture qui est un rejet de la subtilité des profondeurs). Femmes aux ombrelles, Emile Bernard (1892)

Emile Bernard était très proche de Gauguin mais ils finissent par se disputer car il était jaloux de son succès. Dans ce tableau, on trouve encore une manière traditionnelle de représenter les volumes mais les formes sont simplifiées. Il ne se passe rien dans cette œuvre.

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D. Les Nabis (1891-1900) Les Nabis appliquent les principes de Gauguin. « Nabi » signifie « prophète » en hébreux. Ils ont un penchant pour le mysticisme et les tendances ésotériques. Ils sont à la recherche de la simplification de la réalité. On peut les diviser en deux groupes : d’une part, on a une tendance ésotérique, d’autre part, on a une tendance décorative sans contenu religieux. Paysage Nabi, Paul Ranson (1890)

C’est une explication de l’origine du monde à travers l’interprétation de la kabbale juive. On est dans un monde imaginaire totalement plat où Ranson accentue ou déforme les parties de son tableau. On a des bandes de couleur, puis les montagnes et ensuite le ciel. Ces bandes horizontales se superposent et refusent la profondeur. On est dans le désert, les fleurs sont traitées comme des motifs de papier peint. Ranson cherche uniquement l’effet de surface décoratif. Les harmonies de couleurs sont subtiles et produisent une dynamique → rythme des formes qui appelle l’œil.

Procession sous les arbres, Maurice Denis (1892)

Denis était profondément catholique et son œuvre est marquée d’un mysticisme catholique intense. Ce tableau représente une procession de priantes. Les formes sont données par la couleur qui est choisie davantage pour sa possibilité décorative en rupture avec le réel. Il y a un refus de tout système perspectif. Les ombres sont simplifiées pour en faire un motif décoratif. Le peintre les fait apparaître sur les robes des priantes → application basique des règles de l’art japonais : on a un jeu poétique sur la réalité qui permet d’avoir une dimension supplémentaire (effet de broderie ou femmes associées aux ombres). Les arbres verts, Maurice Denis (1893)

C’est une peinture très moderne pour l’époque (arbres verts). On a encore le principe du cloisonnisme de Gauguin qui empêche tout volume. On délimite la forme par la couleur, ce qui empêche d’y voir autre chose. Denis a changé le cadrage : il l’a ouvert sur le dessus avec un arrière-plan de ciel → cela renforce l’aspect décoratif de l’œuvre. C’est lui qui va théoriser et publier les idées de Gauguin.

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Le corsage à carreaux, Pierre Bonnard (1892)

On n’a plus de tendance ésotérique mais une tendance décorative. Il s’agit d’un petit sujet touchant, on y voit une femme mangeant aux côtés d’un petit chat. Bonard lui a coupé les épaules, ce qui écrase l’espace. Les motifs à carreaux de la robe rendent le tableau plat, il n’y a pas de profondeur.

Le jeu de croquet, Pierre Bonnard (1892)

Il s’agit encore d’un petit sujet touchant. Les motifs des robes sont quasiment abstraits. Tout fonctionne de manière décorative. On revient à l’art japonais : trouée, branches qui deviennent des éléments à part entière - formes plus menaçantes (sorte de dragon). Marine bleue, effet de vague, Georges Lacombe (1892-1894)

Ce tableau est tiré d’une œuvre de Gauguin mais il possède une dimension supplémentaire. Tout est dans l’harmonie des couleurs. Cela ressemble à de l’art japonais : l’écume des vagues crée des formes comparables aux nuages. L’irisation de l’eau crée des motifs qui ressemblent à des plumes de paon. C’est une vision banale mais le tableau prend une dimension supérieure car on est dans une poésie pure : la superposition du décoratif nous amène à une autre réalité.

La revue blanche, Pierre Bonnard (1894)

C’est une affiche pour « La Revue Blanche » (revue consacrée à l’art). Comme c’est une affiche, cela permet de ne pas faire de formes très modelées, ce sont de grandes masses de couleur plates.

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Femmes en blanc, Paul Ranson (1894)

Il s’agit d’une tapisserie (art tombé en désuétude au 19e siècle car c’est une vieille forme d’expression mais les artistes y reviennent). Pour la tapisserie, on ne peut pas créer de volumes aussi subtils qu’en peinture, les formes sont donc simplifiées et réduites.

Femmes au ruisseau (projet de vitrail), Maurice Denis (1894)

Le vitrail ne permet pas un volume comme en peinture car il est fait de morceaux de verres teintés dans la masse qui sont sertis pour les maintenir les uns à côté des autres. Cette platitude et ce cloisonnisme permettent de simplifier la composition qui devient exclusivement décorative.

E. L’expressionnisme

Chambre de l’artiste à Arles, Vincent Van Gogh (1889)

Van Gogh est un hollandais venant d’un milieu très protestant. Il se coupe l’oreille dans un moment de folie et finit par se suicider très jeune → vie assez tragique. Il aura un grand apport sur la peinture de fin de siècle. Il applique tous les principes de Gauguin mais il y a une dimension en plus : c’est l’expressionnisme → il fait de la peinture l’expression de sa subjectivité et de son psychisme personnel (angoisse, détresse). Il fait surgir le culte de l’individualité qui n’existait pas vraiment auparavant. Cette peinture représente sa chambre où il vivait à Arles. Ce sont des couleurs pures d’une

grande simplicité. Il y a très peu de souci du réel. Van Gogh utilise souvent du bleu qui produit à un effet décoratif non lié à ce qu’il voit. On ressent sa détresse dans son utilisation d’une perspective complètement tronquée : on a l’impression que le plan est rabattu et que tout va tomber et venir vers nous → cela montre la tension psychologique de l’artiste.

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Le docteur Paul Gachet, Vincent Van Gogh (1890)

Van Gogh ne vendra qu’une seule œuvre, il garde son autonomie grâce à son frère resté en Hollande (marchand de tableaux qui va acheter ses œuvres). Le docteur Gachet est un des rares mécènes qui vont l’aider (commande mais il veut aussi l’aider à aller mieux). Les formes ont un côté sinueux, les touches sont tourbillonnantes, on a des ondulations → cela crée une œuvre curieuse très puissante au niveau de la couleur. Elle est dynamisée. La perspective est encore fuyante, on a l’impression que le plan est rabattu → produit un malaise de l’espace qui devient menaçant.

Chaumes à Cordeville, Vincent Van Gogh (1890)

On sent la tension mais on ne voit pas vraiment le tourment psychologique. Les couleurs (vert) sont simples et subtiles, on a une juxtaposition de couleurs pures. La réalité est déformée, Van Gogh déforme l’espace sous sa tension intérieure. On a une influence de l’art japonais : les cyprès correspondent aux formes du ciel, il y a des formes curieuses (impression d’un œil qui nous regarde). Les éléments décoratifs se répondent l’un l’autre. Il y a une harmonie entre les formes qui leur donne une dimension supplémentaire.

Autoportrait, Vincent Van Gogh (1890)

Ce portrait a une grande tension psychologique, le regard est à la limite du soutenable. Van Gogh accentue subtilement la détresse psychologique par l’arrière plan qui est réduit à une grande simplicité, on ne sait pas vraiment de quoi il s’agit. Les couleurs sont simples, il utilise l’orange pour représenter la rousseur de sa barbe qu’il fait contraster avec le bleu.

Le champ de blé aux corbeaux, Vincent Van Gogh (1890)

Van Gogh s’est tué dans un champ : il n’arrivait plus à peindre à la fin de sa vie et a pris un fusil lorsqu’il peignait ce champ. L’expressivité va jusqu’à déformer les notions de l’harmonie et de l’espace. On n’est plus dans une recherche de la beauté, c’est de l’expressivité à l’état pur même si c’est dérangeant. Ce sont des stries de couleurs, on a deux teintes de jaune : il met en relief le jaune clair avec un côté hachuré (violence). Les ténèbres envahissent le ciel bleu, ce sont les tourments de Van Gogh qui sont matérialisés.

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Le cri, Edvard Munch (1893)

Munch est un peintre norvégien qui a beaucoup travaillé en France, il a été influencé par Gauguin et Van Gogh. Tout est soumis à la projection du psychisme et des tourments intérieurs de l’artiste. Les couleurs, lumières et formes n’en sont plus que des représentations. Il représente l’irreprésentable : on ne sait pas crier dans une peinture. Par contre, on sent la détresse associée au cri. Il y a un sentiment de vitesse. Des sinuosités sortent du crâne du personnage.

Soir dans la rue Karl Johann, Edvard Munch (1892)

Ce n’est plus une peinture qui recherche la beauté, elle est stridente et faite pour mettre mal à l’aise le spectateur. Les couleurs sont des teintes froides. C’est une représentation de la bourgeoisie qui se ballade dans une rue d’Oslo. Les visages sont traités de manière fantomatique, cadavérique → critique de la bourgeoisie. L’intrigue , James Ensor (1890)

James Ensor est belge, il a eu une grande influence sur la peinture expressionnisme. Le côté carnavalesque masque une vision cynique du monde et de la Belgique. On peut lire l’œuvre comme un moment de carnaval mais elle révèle la mascarade de la vie humaine où l’homme n’est rien qu’apparence sociale. Il représente des squelettes → c’est l’homme mis à nu. Il y a un côté strident des couleurs, c’est une peinture faite pour la violence des couleurs. Leur côté agressif est voulu par les peintres afin de provoquer et de choquer

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4. Un cas particulier : le symbolisme (1886-1914)

4.1. La sculpture au 19e siècle

A. Le Néo-Classicisme

Marbre du Parthénon d’Athènes. Londres, British Museum

C’est un art de la forme pure. Pour les néo-classiques, la sculpture est placée comme moyen d’expression le plus abouti car c’est la perfection des structures dans l’espace alors que la peinture doit recourir à l’illusion. Ganymède donnant à boire à l’aigle Jupiter, Bertel Thorvaldsen (1817)

Les sculpteurs vont principalement utiliser le marbre blanc et se baser sur une interprétation fausse de la sculpture grecque → ils s’imaginent que celle-ci était blanche. Bertel Thorvaldsen travaille essentiellement à Rome d’où vient le plus grand nombre d’œuvres antiques. Cette sculpture est complètement désincarnée, elle recherche la perfection de la forme mais il n’y a pas de jeu de matière. Les sculptures pèsent lourd mais on a pourtant ici une impression de légèreté.

Amour et Psyché, Antonio Canova (1793)

Canova est un italien qui a travaillé à Rome. C’est un sujet antique. La sculpture se libère de l’espace architectural, elle est faite pour la représentation et non pour l’architecture. Les artistes se disent qu’il faut produire des sculptures que l’on puisse regarder de tous les points de vue → ce n’est jamais de la redite, on a toujours un élément nouveau. Le baiser est l’élément principal - derrière, on a l’autre face du baiser. L’information se complète au fur et à mesure que l’on tourne autour. Cette œuvre est construite : on a deux triangles posés l’un sur l’autre qui contrastent. Il y a un côté aérien, désincarné, dématérialisé. Un cercle contraste avec les triangles : Amour se retourne et embrasse Psyché → on isole le baiser. C’est le moment avant l’action qui donne une densité psychologique plus forte que si on représentait le moment du baiser (caractéristique néo-classique).

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B. Le Romantisme

Nymphe et Satyre, Théodore Géricault (1820)

C’est une œuvre faite en gypse (pierre tendre qui donne le plâtre, de couleur jaunâtre, facile à travailler). Le Satyre qui possède à la femme est une force très opposée au néo-classicisme, c’est une œuvre tout en masse. Il y a des coups de ciseaux. Les formes fusionnent mais laissent un vide au centre. On a une recherche d’expression, de force.

Le départ des volontaires en 1792, François Rude (1833-1836)

Cette sculpture se trouve sur l’Arc de Triomphe à Paris, elle montre le départ des soldats français qui vont défendre la patrie et propager les idées de la révolution. C’est une œuvre en pierre calcaire (matériau qui a de la masse), monumentale et qui doit être vue de loin (on renforce donc les physionomies).

Nicolo Paganini, David d’Angers (1830)

Cette sculpture est faite en bronze. Cette technique permet de donner beaucoup d’expressivité. Il s’agit d’une représentation de l’homme tourmenté à la recherche de l’inspiration.

Lion écrasant un serpent, Antoine-Louis Barye (1832-1835)

Barye est un sculpteur qui peint des animaux. Cette sculpture est faite en bronze. Le serpent attaque un lion qui le tue → lutte brutale, violence à l’état pure que l’on ne peut pas forcément trouver dans le monde humain.

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C. L’Eclectisme (entre 1852 et 1870) L’évolution de la sculpture n’est pas tout à fait comparable à celle de la peinture : on ne va pas vraiment vers le naturalisme, le réalisme,… Cela est dû au fait qu’elle a eu moins de liberté que la peinture, car les sculpteurs sont dépendants de commanditaires. Le Second Empire a lancé une série de grands bâtiments publics. Eclectisme : on fait un choix éclectique du style en fonction du type de bâtiment et de sa fonction. La danse, Jean-Baptiste Carpeaux (plâtre de la sculpture de l’Opéra entre 1869 et 1964)

Cette sculpture se trouve à l’Opéra Garnier. C’est un style néo-baroque fait de mouvement, d’asymétrie, de déséquilibre. On a l’impression que les femmes vont tomber du socle.

Les bourgeois de Calais (bronze), Auguste Rodin (1889)

Rodin va bouleverser les canons de la sculpture traditionnelle. Cette sculpture représente les bourgeois de la ville de Calais qui remettent des clés aux Anglais. Rodin refuse le socle qui met la sculpture en évidence, et utilise une plainte (sol). Cela va choquer et Calais va d’abord refuser cette œuvre qu’elle avait commandée. La pensée (portrait de Camille Claudel, marbre), Auguste Rodin (1886-1889)

Le bas de la pierre est laissé à l’état brut, cela donne un côté très expressif à la sculpture.

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4.2. L’architecture au 19e siècle

A. Le néo-classicisme

Eglise de la Madeleine, Pierre-Alexandre (1807-1842)

On a une influence de l’Antiquité dans cette architecture. Il ne s’agit pas d’un temple grec comme on pourrait le croire mais ce bâtiment est composé sur ce modèle : colonnes corinthiennes, fronton sculpté,...

Rue de Rivoli, Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine (à partir de 1802)

La rue de Rivoli se trouve juste devant le Louvre. C’est une architecture napoléonienne : Napoléon avait fait construire divers bâtiments. On trouve l’austérité et la rigueur formelle du néo-classicisme. Les fenêtres sont identiques. On retrouve des éléments antiques : larmier (manière de structurer les lignes). Ces architectes ont une conception de l’espace intéressante. Bibliothèque du Château de Malmaison, Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine (1803)

Il s’agit de la bibliothèque du château de Malmaison, une des résidences de Napoléon. C’est le style Empire, c’est-à-dire le néo-classicisme affecté au mobilier. On trouve dans ce dernier une influence antique et égyptienne, cette dernière faisant suite aux conquêtes de Napoléon en Egypte. Les fresques sont composées de petits sujets antiques, elles ont été inspirées par Pompéi (irruption du Vésuve,...).

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La salle-à-manger du Château de Malmaison

On y retrouve des coupes à vin romaines et grecques. L’ordonnance néo-classique crée un rythme absolu qui dynamise → arcs en plein cintre. Le dallage est un des éléments qui permet de structurer l’espace et lui donner une dynamique.

La Saline de Arc-et-Senans (perspective aérienne), Claude-Nicolas Ledoux (gravure de 1804)

Il s’agit d’une architecture utopique qui ne sera pas réalisée. Les artistes auront de grands idéaux, les projets seront démesurés et les architectes pourront rarement les réaliser (à cause de la logistique, du financement nécessaire à la réalisation de tels projets,…). La seule partie construite par Ledoux est le centre, le reste n’a pas été réalisé. C’est une usine construite sur un modèle idéal. Autour du cercle, on a des maisons d’ouvriers. On a une idée assez typique de la révolution : le directeur au centre de l’usine mais, par le principe d’égalité, les ouvriers sont assemblés autour et font corps → vision idéale des rapports au sein du travail dans une société. La Saline de Arc-et-Senans (maison du directeur), Claude-Nicolas Ledoux (1775-1779)

Il s’agit d’un modèle néo-classique démesuré. Le néo-classicisme n’est pas intéressé par la fonction du bâtiment mais suraffirme les éléments de l’Antiquité. Ledoux utilise un principe très moderne : il superpose un tambour circulaire à un tambour carré, ce qui donne une structure beaucoup plus forte au bâtiment et aux colonnes. On a une véritable présence de la façade et une articulation des formes dans l’espace. Cet architecte a néanmoins pris certaines libertés avec les modèles antiques.

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Bibliothèque nationale (de France), Etienne-Louis Boullée (1785)

Ce projet n’a jamais été réalisé. La voûte est gigantesque par rapport à la taille des personnages, ce qui entraînerait des problèmes de poussées dans la réalisation. C’est donc idéal irréalisable pratiquement. On a encore le fruit de modèles révolutionnaires : tous les livres sont en accès direct → savoir absolu auquel tout le monde a accès. On n’a pas d’isoloir, les gens peuvent se rencontrer et échanger des idées.

The Grange, William Wilkins (1804-1809)

Ce bâtiment a des colonnades ioniques. On ne trouve pas ce pittoresque en France, c’est une caractéristique de l’architecture anglaise. Ceux-ci vont particulièrement réfléchir à la position des bâtiments dans l’espace et la nature. Ce sont généralement des maisons de campagne que les riches Londoniens possédaient comme résidences secondaires. On a toujours des mises en situation spectaculaires, en relation avec la nature. On a ici l’impression que la maison a été posée sur l’herbe. Porte de Brandebourg, Carl Gotthard Langhans (1789)

La porte de Brandebourg fut longtemps le symbole de la division des deux Allemagne. On retrouve l’idée de l’Arc-de-Triomphe. On a une évocation du passage : lorsqu’on passe sous un arc, c’est que l’on a remporté une victoire. Ce bâtiment porte en lui-même la trace d’un idéal que se font les sociétés à l’époque.

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B. L’architecture des grandes puissances

L’évolution de l’architecture est un peu différente de celle de la peinture. La deuxième tendance que l’on peut y voir est celle des grandes puissances qui se servent du néo-classicisme pour asseoir leur pouvoir politique et leur rayonnement. Les guerres napoléoniennes avaient freiné les grands chantiers qui vont redémarrer par la suite, on se lance dans le gigantisme. Le capitole, Washington (USA), Benjamin Latrobe (1792-1827)

Aux Etats-Unis, le néo-classicisme influencera l’architecture du début du 19e siècle. Le Capitole est assez représentatif de ce phénomène. Inspiration traditionnelle : colonnades, fronton, coupole. Ce qui le caractérise surtout est sa monumentalité écrasante qui nous domine. Sa hauteur étonnante est renforcée par sa blancheur qui empêche l’homme d’être distrait par des éléments décoratifs et les couleurs. Les jardins, calqués sur ceux de Versailles, renforcent cette impression. Le bâtiment est rythmé. Logique formelle et dynamisme : les colonnades créent une triple articulation visuelle.

C. Romantisme et Néo-Gothique

Saint-Vincent-de-Paul, Jacques-Ignace Hittorff (1833-1844) Hittorff est un français. Le romantisme voit réapparaître la couleur rejetée par le néo-classicisme qui utilise le blanc. Ce bâtiment parait pourtant néo-classique (fronton, colonnades). Mais, à l’intérieur, on a une grande apparition de la couleur. Reconstitution d’un temple antique, Jacques-Ignace Hittorff

Cela correspond à une vision archéologique de l’époque : on se rend compte que les temples antiques n’étaient pas blancs mais peints. Les artistes renoncent donc au blanc et s’inspirent des couleurs pour les bâtiments.

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Reconstitution de la cathédrale gothique idéale, Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc

On a une inspiration du gothique. Viollet-le-Duc ne va pas seulement créer des bâtiments mais il va aussi faire des reconstitutions. Les néo-gothiques ajoutent des éléments → il n’y a pas de respect du patrimoine, on a un mélange de bâtiments anciens et modernes. Cet architecte imagine l’idéal de la cathédrale gothique, cette logique va dominer dans les restaurations et les créations.

Château de Pierrefonds, Elévation (aquarelle), Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc (1858)

Pierrefonds est situé près de la forêt de Compiègne. C’est davantage une reconstitution du bâtiment gothique avec une réflexion et une réappropriation de ce style. Il s’agit ici d’une peinture (aquarelle). Fonthill Abbey, James Wyatt (1796-1806)

En Angleterre, on constate la même tendance qu’en France mais avec un fantasme en plus. Il s’agit ici d’une maison privée. On a la caractéristique anglaise pittoresque avec un bâtiment directement posé sur l’herbe, entouré d’une nature qui interagit avec l’homme. Wyatt s’inspire d’une abbaye existante du 14e siècle pour réaliser cette architecture. Les éléments gothiques sont utilisés comme possibilités formelles mais ne sont pas liés à la fonction : on n’a pas besoin de créneaux car pas de besoin de se défendre, c’est simplement un élément décoratif. On récupère donc des caractéristiques gothiques pour une vision moderne.

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House of Parliament, Charles Barry, Augustus Northmore, Welby Pugin (1839-1860)

D. Les nouvelles technologies

L’évolution de l’architecture sera marquée par les nouvelles technologies : nouveaux matériaux et nouvelles possibilités de construire. On commence à travailler avec le fer que l’on produit dans de grandes industries européennes. C’est un matériau très résistant et très souple. Les structures portantes seront ainsi réalisées en fer, en métal ou en fonte. Quand on allège la structure portante, les poussées, on peut ouvrir le bâtiment et faire de grandes verrières qui vont amener un maximum de lumière. On a alors des œuvres où on utilise souvent le verre. Le Crystal Palace, Joseph Paxton (1851)

Le Crystal Palace fut réalisé pour l’Exposition Universelle de 1851 et fut détruit en 1937. Toute la structure est en fer préfabriqué en usine et assemblé sur place. Entre les éléments métalliques, on met du verre pour amener la lumière dans le bâtiment comme dans une serre. C’est d’ailleurs à cette époque que les grandes serres vont être créées. La structure portante devient aussi un décor, elle est laissée à l’état apparent. On a, à la fois, un effet visuel et une nécessité technique pour soutenir l’ensemble du bâtiment. Intérieur du Crystal Palace, Joseph Nash (1851)

On retrouve beaucoup de couleurs. L’utilisation du fer est très moderne. Il y a des fils tendus qui relient les éléments entre eux et permettent de dégager un maximum d’espace. On amène un maximum de lumière dans le bâtiment.

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Home Insurance Building, William Le Baron Jenney (1884-1885)

Les buildings américains commencent à être construits dans ces années-là. On a ici un building pour une firme de Chicago qui fut détruit en 1931. Les villes américaines avaient besoin d’espaces de bureau et commerciaux. Les architectes commencent donc à faire des bâtiments fonctionnels qui ne sont plus décoratifs. Le Baron Jenney invente une structure portante en fonte, donnant l’impression que ces buildings sont de véritables cages de fonte. Ce bâtiment est ramené à sa fonctionnalité.

Le Monadnock-Building, Daniel Burnham (1889-1892)

On a une structure portante. Le bâtiment est recouvert de plaques de pierre qui le masquent. On voit des petites fenêtres.

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5. Subversion : les avants-gardes

Au début du 20e siècle vont se passer les grandes révolutions préparées à la fin du 19e siècle. L’avant-garde va naître et sera caractéristique de cette époque. Le terme « avant-garde » est d’abord un mot militaire. Ce sont de petits groupes d’artistes qui prolongent ceux du post-impressionnisme et s’adaptent aux difficultés et manques de connaissance qu’ils ont rencontrés. Ils produisent ainsi un art moderne.

5.1. L’expressionnisme

A. Die Brücke, Dresde, Allemagne (19051913)

Chaque expressionniste crée son propre équilibre entre la forme et la couleur. Lorsque cet équilibre devient incertain, ce la peut conduire à l’abstraction (on ne représente plus le réel). On considère que le premier groupe d’avant-garde est Die Brücke. Marcella, Ernst Ludwig Kirchner (1909-1910)

Les expressionnistes sont très marginaux et asociaux. Ils fréquentent les cabarets. Ils auront un regard social très marqué par leur expérience de la vie et leur peinture sera le moyen d’une critique sociale. Cette œuvre est une représentation de prostituée. L’imaginaire va être accentué par l’utilisation de la couleur et des formes qui sont extrêmement simplifiées et peu véridiques au point de vue de la représentation. Des cernes noires viennent délimiter les formes. On a de grands aplats de couleur. Les couleurs stridentes renforcent le caractère d’isolement et de malaise des personnages. Le rouge à lèvre de la femme est très marqué. La peinture est le support des tourments et du psychisme.

La rue, à Dresde, Ernst Ludwig Kirchner (1908)

C’est une critique de la bourgeoisie qui se promène dans tout son apparat. On a un côté dérangeant qui vient de l’usage des couleurs contrastant mal et de l’usage des formes. Les femmes font face, la perspective est rabattue. Les visages de ces femmes sont déformés → suppression de leur identité.

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La toilette, Ernst Ludwig Kirchner (1912-1913)

Kirchner a utilisé une seule couleur : un bleu très dense, froid et lugubre. L’usage de la perspective est distordu → la surface expressive souligne le caractère décalé du sujet. C’est une représentation des bas-fonds de la ville, il s’agit d’une prostituée. Les touches rapides et agressives ne représentent pas la réalité mais sont l’expression du sentiment du peintre. On a une impression de déséquilibre par la distorsion des formes.

Autoportrait (gravure sur bois), Eric Heckel (1919)

Les expressionnistes réutilisent la gravure sur bois car elle a des possibilités expressives que ne possède pas la lithographie, c’est un travail de l’ordre de la sculpture. Ce portrait paraît peu véridique. On a un côté nerveux dans les traits qui donne toute la physionomie du personnage et un côté angoissé. Il y a de grands aplats de couleur qui créent des contrastes entre les formes. On a aussi des stridences. Les couleurs ne vont pas vraiment ensemble, les expressionnistes font le contraire des impressionnistes qui font contraster les couleurs. Cette œuvre exprime la tension du peintre. Le jour de verre, Eric Heckel (1913)

Cette œuvre n’est pas lisse mais faite de stries de peinture qui vont donner à l’ensemble un côté coupant. Les formes ont un côté menaçant. Les couleurs froides sont privilégiées car elles donnent un maximum de tension psychologique. On a une pure transparence. Les déformations blanches au-dessus sont des nuages simplifiés. On a l’impression que l’eau du lac est coupante. Le visage n’est pas détaillé. Il n’y a pas de profondeur.

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Lofthus, Karl Schmidt-Rottluff (1911)

C’est un paysage pastoral au bord de la mer. On a une application très précise de ce que faisait Gauguin : les formes sont rendues par de grands aplats de couleurs. Mais les couleurs ne sont pas pures, elles donnent un caractère tendu. Elles sont froides et agressives.

Autoportrait, Egon Schiele (1911)

Des groupes expressionnistes se diffusent dans l’Europe, notamment à Vienne. Ces artistes ont souvent des vies très agitées → leur art et leur vie se mêlent. Il a choqué par certains de ses dessins pornographiques et sera interné dans une institution psychiatrique. Il se met en scène, il représente toujours ce qu’il y a de plus complexe et tourmenté dans son psychisme. Les formes décoratives sont en déséquilibre. Cette position très tendue et peu véridique souligne l’étrangeté de l’œuvre. Les couleurs s’entrechoquent, vont peu ensemble. La fiancée du vent, Oskar Kokoschka (1914)

Kokoschka est inspiré par quelque chose de plus traditionnel. La manière de représenter est basée sur une rupture. Des petites taches à l’intérieur des formes vont éclater la composition. On doit chercher pour donner une lisibilité à l’œuvre.

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L’ivrognesse, Georges Rouault (1905)

Paris n’est pas véritablement un centre expressionniste mais compte plusieurs peintres qui vont travailler dans ce domaine. Rouault a représenté beaucoup de prostituées, de scènes de bar → mise à nu des thématiques. Ici, on a la détresse d’une prostituée à l’état pur. Ses dents sont noires, son visage est ravagé, son corps est lacéré de coups de peinture. On a donc une réelle violence dans cette œuvre. Les tonalités sont froides et lugubres.

Autoportrait, Pablo Picasso (1901)

Picasso est un peintre catalan qui est ensuite allé travailler à Paris. Au début, il a une période bleue (de 1901 à 1904-1905). Ici, c’est un autoportrait simple avec des formes très ébauchées. Tout est posé dans les camaïeux de bleu, ce qui crée une atmosphère de silence, de misère et de pauvreté → reflet des conditions de vie et de la détresse de ces artistes à l’époque. Les pauvres au bord de la mer, Pablo Picasso (1903)

On sent le poids de la non-communication et des difficultés que connaissent ces personnages. Ce sont des camaïeux de bleu glacé. On y voit la misère, le repli sur soi, une infime tristesse. L’ambiance est lugubre. Ils ne se parlent pas.

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Portrait de Dédie, Amedeo Modigliani (1918)

Modigliani a vécu dans la précarité. On sent une grâce mais aussi un dénuement. La pauvreté du décor et de l’ensemble réduit à quelque chose de très incertain et fragile. La touche torturée donne une dynamique à l’ensemble.

Le bœuf écorché, Chaïm Soutine (1925)

Soutine est d’origine russe. Le « bœuf écorché » est une image de l’homme mis à nu, écorché. Les couleurs sont stridentes et s’entrechoquent. Ce qui est acéré donne un côté angoissant à la scène. 5.2. Le fauvisme (France, 19051907)

Le mouvement parallèle à l’expressionnisme allemand est le fauvisme. C’est davantage une évolution propre au néo-impressionnisme français. Le fauvisme tire son nom d’une critique disant qu’en entrant au salon, on entrait dans une « cage aux fauves ». Ce mouvement était marginalisé et peu reconnu. Luxe, calme et volupté, Henri Matisse (1904)

Ce sont des touches de couleurs pures juxtaposées les unes aux autres. La puissance des couleurs est neuve : Matisse cherche l’expressivité de la couleur avec des parties très intenses au niveau de la sensation colorée. Les points se rassemblent.

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La raie verte, Henri Matisse (1905)

C’est une œuvre en rupture avec le néo-impressionnisme qui se caractérise par de grands aplats de couleurs. On a ici la recherche du déséquilibre des couleurs. Celles-ci connotent la forme et deviennent expressions pures. Les couleurs sont stridentes mais l’ambiance générale est davantage un contraste qu’une harmonie. Les traits expressifs dynamisent la couleur. C’est un portrait peu élogieux de sa femme.

Vue de Collioure, André Derain (1905)

Les fauves, à la recherche d’un maximum de lumière et d’intensité coloristique, vont se rendre sur le bord de la Méditerranée. On pourrait comparer cette tendance avec Delacroix qui s’était rendu en Orient. On a ici une vue de Collioure. Cette peinture est héritée du néo-impressionnisme. La couleur est utilisée comme élément expressif. Les traits de couleurs sont posés pour donner une dynamique. On a des parties très abstraites où on ne peut presque plus lire les informations. Ce sont des taches de couleur qui brillent par leur éclat avant toute chose. Port de Charing Cross, André Derain (1906)

C’est une application extrême du fauvisme où la couleur et les formes ont pris une autonomie propre. L’eau est rouge, le jaune contraste avec le bleu → l’utilisation de la couleur ne correspond plus à la réalité mais donne un maximum d’ambiance.

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Le pont de Chatou, Maurice de Vlaminck (1905-1906)

Maurice de Vlaminck est d’origine hollandaise, il a vécu en France. Il prolonge les recherches de Van Gogh sur l’usage de la couleur pure et la densité de la matière qui donne une consistance et une présence à la couleur et à la peinture. Les formes et les couleurs (stridentes, grande expressivité) sont énergiques. Ce n’est pas l’harmonie qui est recherchée mais davantage la dissonance des couleurs.

Paysages près de Chatou, Maurice de Vlaminck (1906)

Cette œuvre fait penser à la couche allongée de Van Gogh qui donne une tension particulière. La petite baie de La Ciotat, Georges Braque (1907)

Le fauvisme va parvenir à un point de non-retour qui va donner lieu à une marche arrière. Cette œuvre est arrivée à un tel point de l’autonomie de la couleur que c’est presque de l’abstraction. On est proche de l’indépendance totale de la peinture avec le réel. Les peintres ne sont pas encore près à arriver à l’abstraction.

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5.3. Le cubisme (France, 1907-1914)

Les peintres reviennent à un nouvel équilibre, davantage basé sur la lisibilité de l’œuvre.

Le viaduc à l’Estaque, Georges Braque (1907)

Braque se recentre sur une solidité et une présence des formes qui ne sont plus dissoutes dans la couleur. Cette lisibilité est influencée par Cézanne, on se rend compte de son grand apport à l’art de la fin du 19e siècle, il avait su allier la touche colorée et la forme. Les cubistes réutilisent sa technique pour redonner un contenu et une stabilité aux formes dissoutes avec le néo-impressionnisme et le fauvisme. On a des rapports particuliers entre les éléments constitutifs du tableau.

Paysages à Cassis, André Derain (1907)

La couleur est de nouveau inscrite dans l’espace de la forme avec un côté presque suraffirmé, un excès de solidité. Derain utilise des cernes noires qui entourent les formes et assurent leur consistance. Les demoiselles d’Avignon, Pablo Picasso (1907)

Ce tableau a une complexité immense qui fut totalement incomprise dans les débuts du 20e siècle. Ce n’est que progressivement qu’elle a été reconnue comme une œuvre majeure et achetée par les Américains. C’est une œuvre dérangeante par son sujet, son contenu et sa forme. Il s’agit de la représentation d’un bordel, ce qui explique le titre : lorsque Picasso était à Barcelone, il se rendait fréquemment dans une maison close de la rue d’Avignon. Il a peint cette œuvre après une discussion avec un ami revenu de Barcelone qui lui expliqua que l’une des prostituées avait la syphilis et que Picasso a pu l’attraper aussi. C’est donc un tableau angoissant et agressif à l’égard des femmes. Certaines ont un visage vériste alors que d’autres sont lacérées de stries ou cachées derrière des masques. Cette peinture est influencée par l’art africain qui

commence à peser sur l’art occidental. Les femmes sont décomposées en formes très simples. Picasso débouche sur la grande révolution de la représentation : l’abandon total et systématique de la perspective, ce qui donne lieu au cubisme. Il l’a fragmentée et déconstruite. La table et le plat de fruits sont totalement rabattus sur le plan. On a un mélange de face et de profil. La position de la femme est comme si on l’avait écrasée sur le plan. => Il fragmente donc l’espace en plans qu’il ramène et écrase sur la surface du tableau, tout en rejetant les idées de profondeur. Les volumes sont ramenés à la deuxième dimension.

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Etude pour les Demoiselles, Pablo Picasso (1907)

C’est une étude pour la réalisation des « Demoiselles d’Avignon », qui s’inspire de l’art africain.

Masque Pende (République démocratique du Congo)

Le nez est aplati, la bouche est déformée. L’art africain commence avec les colonies, ce sont les antiquaires qui diffusent les œuvres africaines. L’atelier de Georges Braque avec des sculptures « nègres »

Ce sont des sculptures d’endroits différents qui vont être un moteur pour les artistes. Les formes simplifiées et ne sont pas liées à la représentation de la réalité. Grand Nu, Georges Braque (1908)

On a une influence de l’art africain et de Picasso. Braque fait beaucoup de représentation de femmes → réflexion sur son corps et la manière de le représenter. Des cernes noires délimitent la forme. On revient à un art structuré et centré sur la forme et ses possibilités.

La Dryade, Pablo Picasso (1908)

Les formes sont réduites à des masses volumétriques. Les corps deviennent des réflexions sur le pouvoir expressif de la forme. Les cubistes ne donnent plus l’expressivité par la couleur mais par la forme. Les couleurs sont peu chatoyantes, froides, plus valorisées mais utilisées pour leur caractère expressif.

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Cubisme : il est mû par un retour à une logique formelle. On a de nouveau un mouvement que l’on peut comparer à ce qui s’était passé à la fin du 19e siècle où Monet avait poussé la représentation jusqu’à la dissolution de la forme ramenée à une lumière.

Fauvisme : dans la continuité de la recherche sur la lumière, on y trouve une violence des couleurs. Il dissoudra aussi la forme presque jusqu’à l’abstraction. On revient à une recherche de volume et de formes, influencée par Cézanne. Les artistes se rendent compte du génie de ce dernier, d’une écriture moderne qui répond à la volonté de simplification de la peinture. Il avait également situé l’art dans l’espace mais pas par les moyens classiques de la peinture.

Proto-cubsime : c’est la mise en place du cubisme.

Cubisme analytique : il est basé sur l’analyse, selon les principes de la construction et de la déconstruction. Le but des cubistes et de Picasso sera de trouver des moyens alternatifs à la perspective pour rendre les volumes → fragmentation du volume en plans. Ils écrasent les volumes et en montrent toutes les faces mises à plat sur le plan.

Briqueterie à Tortosa, Pablo Picasso (1909)

En 1909, Picasso se rend en vacances en Espagne (terre aride, écrasée par le soleil, pauvre) et systématise les principes mis en place dans les Demoiselles d’Avignon. Ce tableau représente une usine. Il est encore hybride : d’une part, on retrouve un peu de perspective mais, d’autre part, certains endroits en sont dépourvus. Cette œuvre abstraite n’est pas clairement identifiable. C’est la mise à plat du volume représenté par l’usine : les plans du bâtiment sont développés et écrasés → rejet de la troisième dimension. Ces groupes d’art rejettent la tradition, il s’agit d’un culte de la nouveauté et de la

différenciation, on s’oppose à ce qui a été créé pour affirmer la nouveauté. Dès lors, ce système donne à voir des choses impossibles dans des tableaux en perspective où l’on ne voit que la face visible de ce qu’on nous montre. Ici, on a des informations sur les éléments cachés (intérieur de la cheminée). On amène le langage classique à des endroits où on ne peut normalement l’amener. Dans le cubisme, on a un appauvrissement de la couleur. Le but n’est pas l’expressivité des couleurs et celles-ci sont souvent sourdes. La lumière est également réduite et n’est plus réaliste → rupture avec ce qu’était la lumière à la fin du 19e siècle où on en recherchait la véracité. Ici, elle marque la limite entre les plans. Les cubistes passent en général du plus foncé au plus clair, au sein des plans, de manière à pouvoir les différencier et créer une articulation de surface.

Jeune femme à la mandoline, Pablo Picasso (1910)

Les principes du cubisme se généralisent avec la recherche d’effets plastiques. On a une mise en situation dans l’espace qui passe par la suppression de la troisième dimension et l’ouverture des volumes. Les couleurs sont atténuées (gris, bruns légers, blancs qui soulignent un peu le volume). La lumière est réduite à sa plus simple expression et donne de la présence aux plans. L’épaule est découpée en plans. La poitrine, l’autre côté du visage et l’arrière du dos sont ramenés vers l’avant. On parle souvent de « primitivisme » (simplification) qui trouve quelques influences dans l’art africain. Ce sont des formes essentielles, nettes, directes, très fortes, qui ne s’embarrassent plus du décor ni de la nécessité de faire du beau. On a une intense recherche plastique qui n’est plus entravée par des codes.

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Portrait de Wilhem Uhde, Pablo Picasso (1910)

Uhde est un marchand d’origine allemande qui va beaucoup soutenir le cubisme. Les couleurs sont pratiquement grises avec quelques touches d’ocre. La lumière est très réduite. Le plan est décomposé et proche de l’abstraction. Le problème est qu’à tout réduire, on finit par ne plus voir grand chose. Ainsi, Picasso redélimite les plans par un trait noir car la couleur est tellement générale, et la lumière tellement atténuée, qu’elles ne permettent plus de donner d’image concrète. Les sourcils sont presque découpés et plaqués sur la surface du tableau. Le fait d’aplatir le crâne est une manière de montrer l’ouverture d’esprit d’Uhde qui saura s’ouvrir à la peinture moderne.

Broc et violon, Georges Braque (1910)

Un broc est un pot à eau. Le cubisme parvient à une quasi abstraction où on n’a plus de détail sur les éléments qui se fondent les uns dans les autres → mise à plat systématique du cubisme qui déconstruit tout, fragmente les structure, montre l’avant et l’arrière. On pourrait parler de quatrième dimension qui additionne les effets de la deuxième et de la troisième. Le système cubiste va complètement développer les objets dont on ne se limite plus à l’apparence de la véracité. La table est retournée sur le plan. Les peintres prennent une liberté avec la réalité des objets : on n’est plus tenu de peindre un violon tel qu’on doit le voir → on s’autorise à transformer les objets en lumière, couleurs et formes. Toute l’abstraction s’explique par la possibilité de faire autre chose que de représenter le réel. Nature morte au violon, Georges Braque (1911)

On se trouve dans le registre formel de l’abstraction. Si le titre n’était pas mentionné, il serait pratiquement impossible de savoir ce que ce tableau représente. On pourrait néanmoins l’identifier mais l’objet est dynamité. Il sert comme répertoire de formes sans souci de recréer un violon. C’est une mise à plat de l’objet et une réduction au plan. La couleur et la lumière sont quasiment inexistantes. Il n’y a plus vraiment de plans, la distinction se fait par les cernes noires recréées par-dessus. Le cubisme arrive à un point de non-retour.

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Nature morte avec harpe et violon, Georges Braque (1911)

Les deux éléments sont éclatés.

Nature morte à la chaise cannée (collage), Pablo Picasso (1912)

Avec le cubisme synthétique, on a un retour à la couleur. Les cubistes donnent des éléments informatifs qui donneront un contenu à l’image. Le « jou » est un morceau de journal. Le cubisme synthétique pratique le collage8. Plutôt que de représenter une chaise, on colle un élément qui constitue la chaise → manière d’importer l’objet plutôt que de le représenter. On ne peint plus forcément la réalité mais on l’importe dans le tableau. L’utilisation des objets quotidiens de notre environnement dans l’art commence là. Violon accroché au mur, Pablo Picasso (1913)

Avec le cubisme, on a des jeux ludiques. Cette œuvre représente un violon accroché au mur. Les couleurs sont plus présentes, on a une utilisation plastique et décorative des formes. La feuille de partition est collée directement sur le tableau, elle donne une information supplémentaire ludique et comique mais qui a un sens avec le registre du tableau (la musique). Picasso prenait souvent des coupures de journaux relatives à la guerre des Balkans → on trouve une conscience politique dans ses tableaux, une sorte d’engagement.

8 Collage : utilisation de matériaux existants qui sont collés dans le tableau.

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Nature morte, Pablo Picasso (1914)

Picasso a dessiné un as de trèfle, il a utilisé du papier peint → emploi de divers matériaux. Les cubistes s’inspirent du quotidien direct (sujet que l’on retrouve beaucoup chez Cézanne) car ils sont intéressés par une recherche formelle des objets. La guitare, Juan Gris (1913)

Dans cette œuvre, on retrouve toutes les caractéristiques du cubisme synthétique. Un tableau est découpé et collé. Juan Gris a aussi collé du papier peint en imitation faux marbre. La femme en bleu, Fernand Léger (1912)

Léger a une vision différente et plus personnelle du cubisme synthétique. Il sera très influencé par le volume et ce qu’il a de moderne. Il réduit tout à des parallélépipèdes et des cylindres. Il est intéressé par la machine (qui se développe à cette époque et change les choses). Les artistes seront captivés par la mécanisation de la société qui va changer les gens. On a un retour de la couleur, toujours très chatoyante, qui recrée une harmonie de surface.

L’orphisme

Le terme « orphisme » est créé par le poète Guillaume Apollinaire qui a défendu Picasso. Mais à un moment, il va s’opposer au cubisme qu’il trouve trop froid, trop réfléchi, pas assez sensible. Il soutiendra ainsi l’orphisme qui prolonge les techniques cubistes mais dans une toute autre optique. Les artistes créent des œuvres qui reviennent à la puissance et au pouvoir de la couleur. La ville (n°2), Robert Delaunay (1910)

Delaunay a d’abord un parcours cubiste, puis aura une influence expressionniste. On a un côté déformé de la réalité : les architectures ne sont pas découpées en plans mais tordues. C’est la ville de Paris. On a un jeu de couleurs subtiles. Superposition de petits carrés.

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Une fenêtre, Robert Delaunay (1913)

Cette série de fenêtres est très célèbre, et Apollinaire en fera le manifeste de l’orphisme. Le matin, le peintre ouvre sa fenêtre et perçoit des sensations de Paris qu’il va peindre. On distingue une partie de la Tour Eiffel. Les plans sont juxtaposés. Les couleurs donnent le plan et la forme, elles sont chatoyantes → recherche de l’intensité de la couleur. Chacune correspond à une sensation, on peut les utiliser pour rendre les émotions. On passe donc par des moyens non-conventionnels pour représenter. Les couleurs sont dynamiques, ont un côté vibrant, ne sont pas unies et plates. Delaunay peint du blanc derrière la couleur qu’il charge de pigments de densités différentes. Ainsi, elle est là comme présence physique dans l’espace et parfois aussi comme présence spirituelle.

Hommage à Blériot, Robert Delaunay (1914)

Ce tableau représente un avion, une hélice, la Tour Eiffel : Delaunay imagine Blériot en train de voler près de la Tour Eiffel. Chaque cercle concentrique est associé à une couleur qui donne un sentiment → pouvoir abstrait de la couleur. Les couleurs donnent une émotion liée à la vitesse (rouge = excitation ; orange = jubilation) → elles sont associées à l’intensité de voir un avion décoller et conquérir des espaces nouveaux. Rythmes, Sonia Delaunay (1938)

Sonia Delaunay est la femme de Robert Delaunay. Elle a réalisé une série de rythmes modernes où tous les pouvoirs de la couleur sont utilisés. Les pouvoirs de la jubilation se fragmentent. On a un jeu d’opposition entre le blanc et le noir. On peut faire un parallèle avec l’art figuratif.

5.4. Le futurisme (Italie, 1909-1914/18) Le futurisme est assez proche du cubisme mais diffère par une approche particulière. Les peintres utilisent la fragmentation du volume et les cubistes vont les accuser de plagiat. Les futuristes ont une volonté de rendre le mouvement. Le mouvement naît avec Marinetti qui créera un Manifeste du parti futuriste.

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Hiéroglyphe dynamique du Bal Tabarin, Gino Severini (1912)

Dans le titre, on a l’idée de dynamisme qui constitue une nouvelle relation avec la vitesse. L’homme a un rapport différent avec l’espace, il découvre d’autres réalités et envisage les choses de différentes manières. Cela fait plus ou moins quinze ans que le cinéma est né, avant les images étaient fixes, on se rend alors compte que l’image peut aussi être animée. Conjointement au cinéma, les futuristes essayeront de rendre le mouvement dans la peinture. Severini veut montrer le déplacement des formes dans l’espace : la robe de la femme se décompose plusieurs fois, il essaye de ne pas la représenter fixe. D’un point de vue formel, cette œuvre fait penser au cubisme synthétique car on a une grande présence de la couleur. Les lettres viennent ajouter de l’information.

Chien en laisse, Giacomo Balla (1912)

On a une permanence du mouvement dans l’espace. On voit tous les mouvements de la laisse et des pattes du chien. Cela ressemble à une image de cinéma. Visions simultanées, Umberto Boccioni (1911)

C’est une image de la ville dont la description correspond aux sentiments du peintre. On a une impression de vitesse. Les artistes du futurisme vont finalement soutenir la guerre, ils auront un culte pour la modernité et la vitesse. Beaucoup se sont engagés au front et ne se sont pas rendu compte que cette modernité était aussi un moyen de mort.

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Ceux qui partent - Etats d’âme I, Umberto Boccioni (1911)

La couleur et le dynamisme rendent un état d’âme. On a un sentiment d’urgence, de vitesse, d’accélération. Il y a des saccades de bleus. Chaque visage a une expression particulière qui est un état d’âme, un ressenti. Le trait de couleur est dynamique.

Le vorticiste, Wyndham Lewis (1912)

En Angleterre, le vorticisme est l’équivalent du futurisme. On a ici un homme-machine dont les éléments sont mécanisés, il s’identifie à la machine et se l’approprie. On a une recherche de vitesse. Les formes sont très coupantes et dynamiques. Voie ferrée et gratte-ciel, Christopher Nevison (1914)

Nevison rend un culte à la modernité. Les gratte-ciel montrent la splendeur architecturale. On a une déferlante du métro et de la modernité qui se découpe dans la ville.

Rayonisme rouge et bleu, Michel Larionov (1911)

En Russie, on parle de rayonisme. L’artiste va plus loin que le jeu de décomposition des volumes en plans. On souligne l’idée de vitesse dans l’espace. Le rayonisme étudie la permanence des objets dans l’espace.

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Les lignes rayonnantes, Michel Larionov (1912)

L’objet n’est plus de représenter la réalité mais d’en donner la sensation à travers les lignes entrecroisées. Les principes de l’abstraction sont là. On a des teintes à dominante chaude (rouge) mais aussi des teintes à dominante froide (bleu). On y retrouve tous les sentiments que l’on peut éprouver dans un tableau.

La lampe électrique, Nathalie Gontcharova (1913)

Les lampes permettent d’étudier le rayonnement de la lumière. Sur base des lampes électriques, les artistes étudient la pénétration de la lumière dans l’espace et la manière dont elle change la perception des choses. La modernité change les visons de la réalité. 5.5. L’abstraction (1910-?) La Blaue Reiter est un groupe expressionniste munichois dont les artistes vont travailler dans une perspective expressionniste avant de passer au cubisme, puis à l’abstraction. Couverture pour l’almanach du Blaue Reiter (gravure sur bois), Wassily Kandinsky (1912)

Les formes et les traits ne correspondent plus, tout se superpose et s’interfère. Cela crée un ensemble de formes et de graphismes qui se substituent à la réalité.

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Improvisation 6, Wassily Kandinsky (1909)

Les couleurs sont très criantes. Les formes sont simples et les paysages ne sont plus détaillés, comme si on vidait la réalité de sa substance pour donner une autonomie à la couleur. La couleur est vectrice de courants spirituels, d’un ordre supérieur.

Murneau avec église II, Wassily Kandinsky (1910)

Murneau est un petit village en Bavière. Le jaune du fond passe sur l’église. Parfois, les formes sont à moitié coloriées. On a une prise d’indépendance entre la couleur d’une part, et le dessin d’autre part. Paysage à l’église, Wassily Kandinsky (1913)

Les formes se sont complètement autonomisées. Il n’y a plus de logique à la couleur qui ne représente plus la réalité. Les couleurs sont dynamiques. On a un rayonnement, une vibration de la couleur qui est un élément spirituel.

Première aquarelle abstraite, Wassily Kandinsky (1910)

On considère cette œuvre comme la première aquarelle abstraite. On crée véritablement un autre langage.