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Russel Aurore Bouchard citoyenne libre et historienne professionnelle, Chicoutimi, Ville de Saguenay (1948 - ) (1985) Histoire de Chicoutimi-Nord Volume 1 er Le Canton Tremblay et le Village de Sainte-Anne 1848-1954 Un document produit en version numérique par Diane Brunet, bénévole, Diane Brunet, bénévole, guide, Musée de La Pulperie, Chicoutimi Courriel: [email protected] Page web dans Les Classiques des sciences sociales Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales" Une bibliothèque numérique fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://classiques.uqac.ca/ Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi

Histoire de Chicoutimi-Nord

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Page 1: Histoire de Chicoutimi-Nord

Russel Aurore Bouchardcitoyenne libre et historienne professionnelle,

Chicoutimi, Ville de Saguenay (1948 - )

(1985)

Histoire deChicoutimi-Nord

Volume 1er Le Canton Tremblay et le Village de Sainte-Anne

1848-1954

Un document produit en version numérique par Diane Brunet, bénévole,Diane Brunet, bénévole, guide, Musée de La Pulperie, Chicoutimi

Courriel: [email protected] web dans Les Classiques des sciences sociales

Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales"Une bibliothèque numérique fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay,

professeur de sociologie au Cégep de ChicoutimiSite web: http://classiques.uqac.ca/

Une collection développée en collaboration avec la BibliothèquePaul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi

Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 2

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Jean-Marie Tremblay, sociologueFondateur et Président-directeur général,LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 3

Cette édition électronique a été réalisée par mon épouse, Diane Brunet, béné-vole, guide retraitée du Musée de la Pulperie de Chicoutimi à partir de :

Russel Aurore Bouchard

Histoire de Chicoutimi-Nord.Tome 1er. Le Canton Tremblay et le Village de Sainte-Anne1848-1954.

Chicoutimi-Nord : Russel Bouchard, à compte d’auteur, 1985, 230 pp.

[Autorisation formelle accordée par l’auteur le 22 septembre 2005 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Courriel : Russel-Aurore Bouchard : [email protected]

Polices de caractères utilisée :

Pour le texte: Times New Roman, 14 points.Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.

Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh.

Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5’’ x 11’’.

Édition numérique réalisée le 26 janvier 2014 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, Québec.

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Russel Aurore Bouchardcitoyenne libre et historienne professionnelle,

Chicoutimi, Ville de Saguenay (1948 - )

Histoire de Chicoutimi-Nord.Tome 1er. Le Canton Tremblay et le Village de Sainte-Anne

1848-1954

Chicoutimi-Nord : Russel Bouchard, à compte d’auteur, 1985, 230 pp.

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Illustration de la couverture :Le village de Sainte-Anne et l’église.Photo prise du Cap Saint-Joseph par Bertrand Maltais.

Vous trouverez toutes les illustrations du livre, en haute définition, sur le site Les Classiques des sciences sociales. [JMT]

http://classiques.uqac.ca/collection_histoire_SLSJ/bouchard_russel/histoire_Chicoutimi_Nord_t1/histoire_CN_t1.html

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À ma mère Solange et à mon père Lu-cien, qu’il me soit permis de leur trans-mettre ici un vif témoignage de ma re-connaissance pour leur amour et leur dé-vouement.

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Table des matières

Quatrième de couvertureRemerciements [I]Liste des principaux fonds d’archives consultés [II]Avant-propos [IV]

Partie ILE CANTON TREMBLAY, 1848-1893 [1]

Chapitre 1. Origines et formation du Canton Tremblay [3]

La formation des cantons [3]Premières visions et explorations [4]Le Saguenay s’ouvre à la colonisation [7]Les premiers arrivants à Canton Tremblay [9]Le père de Peter Mc Leod s’installe aux Terres-Rompues [11]Canton Tremblay   : origine du nom [14]Proclamation officielle du Canton Tremblay, 1848 [15]L’arpenteur Fournier, 1852-1853 [17]Création du comté Chicoutimi [20]L’érection en municipalité, 1855 [21]Cyrille Dubois, premier médecin de Chicoutimi et de Sainte-Anne [22]François Morissette, père, un pionnier exceptionnel [28]Un fier-à-bras de Mc Leod   : Michel Tremblay dit «   le Gros Micho   » [32]Le mouvement de population au XIXe siècle [35]Visite et rapport de l’arpenteur Tremblay, 1885 [38]

Chapitre 2. Les premières routes tracent la voie à la colonisation [43]

Caractère de l’isolement [43]Le premier chemin entre Sainte-Anne et l’Anse-aux-Foins [44]Les chemins Price et Tremblay [48]Le chemin Archambault [51]Le pont de glace [56]La traverse du Saguenay à ses débuts [58]

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Chapitre 3. Organisation religieuse et structuration scolaire [61]

L’organisation paroissiale [61]La mission [61]Le premier curé, l’abbé Joseph Hoffman [63]L’érection canonique [66]Le curé Charles Stanislas Richard [68]Le curé F.-X. Delage [69]Un épisode du Grand Feu [70]L’érection civile [73]Le curé David Roussel [73]Le Séminaire de Chicoutimi et l’inauguration des pèlerinages à Sainte-Anne

[78]La structuration scolaire au XIXe siècle [80]

Chapitre 4. Activité industrielle et petits artisans [89]

Le début de la petite industrie [89]L’industrie de la chaux [90]La manufacture de tinettes [92]La poterie de Sainte-Anne [94]La briqueterie de Sainte-Anne [97]Les premiers forgerons de Sainte-Anne [97]François Renald, le premier de nos forgerons [98]Cléophe Brassard, forgeron, commerçant et agriculteur [103]

Partie IILE VILLAGE DE SAINTE-ANNE, 1893-1954 [109]

Chapitre 5. La formation du village [109]

Proclamation de la Municipalité du Village de Sainte-Anne de Chicoutimi [109]

L’annexion du territoire du 5 mars 1932 [116]Le mouvement de population, 1900-1954 [116]Véritable désastre   : la grêle de 1898 [120]Le premier aqueduc de Sainte-Anne [122]

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Chapitre 6. Les communications avec Chicoutimi [125]

Le quai de la traverse de Sainte-Anne [125]Le «   père Épiphane   » et la traverse [127]Le «   St-Anne   » prend la relève [130]Le «   Tremblay   » clôture l’histoire de la traverse [133]Le pont de Sainte-Anne [135]

Chapitre 7. L’organisation religieuse et scolaire [143]

L’église de Sainte-Anne   : la construction [143]Les verrières de l’église [150]Les paroisses détachées de Sainte-Anne depuis 1860 [151]Les croix forgées du cimetière et leurs créateurs [152]F.-X. Delâge, curé de Chambord, réinstaure la pratique des pèlerinages

[158]La fête patronale en 1927 [161]Les processions au flambeau [162]Les miracles [164]Le curé J.-E. Lemieux [166]Le curé J.-B. Martel [170]L’abbé Alexandre et la chapelle des Maltais [172]La croix du cap Saint-Joseph [176]La structuration scolaire de 1900 à 1954 [180]

Chapitre 8. Visage de l’économie locale [190]

L’industrie agro-forestière [189]Les fromageries [191]Généralités à propos du commerce et de l'industrie au début du siècle [199]La Caisse de Petite Économie [200]La Maison Funéraire Gravel Enr [202]

Chapitre 9. L’entrée dans le modernisme [205]

Le téléphone, premier lien permanent avec Chicoutimi [205]L’éclairage électrique à Sainte-Anne [208]Le début de l’éclairage électrique à Chicoutimi [211]La Compagnie Électrique de Chicoutimi dessert Sainte-Anne [212]La Compagnie Électrique du Nord [214]La Compagnie Électrique du Saguenay prend la relève dans un contexte dif-

ficile [221]

En guise de conclusion [223]Index [225]

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Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.

QUATRIÈME DE COUVERTURE

Retour à la table des matières

Histoire de Chicoutimi-Nord, c'est beaucoup plus que la petite his-toire d'une ville quelconque du Québec. À l'époque de la traite des fourrures, les territoires situés en face de Chicoutimi, sur le versant nord de la rivière Saguenay, sont uniquement foulés par les Amérin-diens et les coureurs de bois. À l'expiration du bail de la Compagnie de la Baie d'Hudson, en 1842, le gouvernement en profite pour libérer le sol à l'agriculture. Cette même, année-là, le métis montagnais Peter Mc Leod junior, entreprend la construction d'une scierie à la Rivière-du-Moulin. C'est à partir de cette date charnière que l'aventure de tout un peuple débute.

Après huit années de recherche, l'auteur, Russel Bouchard, a voulu illustrer dans ce premier tome, la formation d'une petite communauté régionale particulière. L'histoire de Chicoutimi-Nord, à l'instar de bien des petites villes du Québec, s'est bâtie au rythme de la hache et du godendart. L'ouverture du Saguenay à la colonisation, les différents aspects de la vie politique, économique et religieuse, la construction du premier réseau routier, la traverse de Sainte-Anne, etc., tous ces su-jets sont enfin révélés ici, avec un souci d'exactitude. Les amateurs de la petite et de la grande histoire seront comblés.

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[I]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.

REMERCIEMENTS

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La réalisation de cette monographie paroissiale aurait été difficile à imaginer sans l'encourageante participation des gens intéressés à per-pétuer la connaissance de leur histoire. J'aimerais exprimer mes plus vifs remerciements d'abord et plus particulièrement à ma compagne et épouse Madeleine, laquelle a contribué régulièrement à la correction des textes.

Enfin, à tous ceux qui, de près ou de loin, ont apporté leur concours à la réalisation de cette publication, merci :

- Mes deux frères Gilles et Bernard.- Louis Côté et Normand Lavoie, préposés aux Archives natio-

nales du Québec à Chicoutimi.- Normand Perron, historien, Chicoutimi.- La Paroisse de Sainte-Anne.- La Paroisse de Saint-Luc.- Roland Bélanger de la Société Historique du Saguenay.

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[II]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.

LISTE DES PRINCIPAUXFONDS D’ARCHIVES CONSULTÉS

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- Archives de la Municipalité du Canton Tremblay- Archives de la Paroisse Sainte-Anne- Archives de la Paroisse Saint-Luc- Archives de la Société Historique du Saguenay- Archives de la Compagnie Price- Archives nationales du Québec à Chicoutimi [A.N.Q.C.]- Fonds le Progrès du Saguenay [A.N.Q.C.]- Fonds Mgr Victor Tremblay [A.N.Q.C.]- Fonds Dubuc [A.N.Q.C.]- Fonds de la Ville de Chicoutimi-Nord [A.N.Q.C.]- Fonds Lemay [A.N.Q.C.]- Fonds Ben Hamilton [A.N.Q.C.]- Commission scolaire ValinA.N.Q.C. et A.N.Q.Q. Le lecteur prendra note que l'abréviation

A.N.Q., la seule utilisée dans cette publication, signifie « Archives na-tionales du Québec ». La dernière lettre C signifie le centre de Chi-coutimi et la dernière lettre Q signifie celui de Québec.[III]

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 13

[IV]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.

AVANT-PROPOS

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Au cours de ma recherche destinée à constituer le fonds de rensei-gnements sur l'histoire de Chicoutimi-Nord, j'ai eu l'occasion de dé-couvrir un texte perdu à travers les milliers de pages effritées de notre journal local, le Progrès du Saguenay. Ce texte dis-je, publié le 3 avril 1924 et signé Eugène L'Heureux, m'est apparu comme une réflexion éminemment pertinente sur « La Petite Histoire et sa valeur pour les peuples ». Selon L'Heureux, déjà au début du siècle, la population et les intellectuels snobent l'histoire du terroir.

Cela est malheureux, dit-il, « car c'est dans la petite histoire des familles et des paroisses que se trouvent les meilleures sources de vie et de conservation pour les générations présentes et à venir ; c'est dans la petite histoire des familles et des paroisses que se puise la connaissance de tous les éléments qui font la personnalité des indivi-dus et, par celle-là, la personnalité des peuples ».

Pour ma part, j'épouse entièrement cette vision du rôle que doit jouer l'historien dans la connaissance de son milieu. D'ailleurs, c'est avec cette perception de cette science de l'homme que j'ai élaboré la stratégie de ma recherche et l'articulation de mon plan de travail.

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Notre histoire est relativement récente et la région du Saguenay, dont le développement actuel est le fruit d'un peu plus d'un siècle, a l'avantage d'être plus maîtrisable dans le processus du traitement his-torique. Les multiples journaux locaux, la consultation des « An-ciens » qui ont côtoyé les fondateurs, la précoce formation d'une banque de données par la Société Historique du Saguenay, font qu'il nous est possible aujourd'hui de s'adonner, plus facilement qu'ailleurs, à l'étude de l'homme comme individu et de son produit.

Si nous jetons un bref coup d'œil sur toutes les petites monogra-phies paroissiales publiées ici et là au Saguenay et au Lac Saint-Jean depuis un demi-siècle, habituellement nous pouvons y retrouver une conclusion commune : le particularisme de sa population et de [V] son milieu. Malgré la modestie de plusieurs de ces travaux, je pense que tous ont saisi cette seule vraie conclusion historique à leurs re-cherches.

En fait, si nous regardons le profil du développement historique de l'Amérique du Nord, nous pouvons y déceler un dénominateur com-mun. La marche vers la « frontière » vise à conquérir pas à pas tout le territoire du Continent. Cette avance de la soi-disant civilisation est constante, irréversible et s'attaque à des fronts différents. C'est surtout au XIXe siècle qu'elle s'amplifie et le courant se situe d'est en ouest.

Psychologiquement, le nord, ce vaste territoire, froid et hostile ne semble pas offrir d'avantages à sa conquête. Mais de plus en plus, les arrivants voient se défiler à l'horizon les montagnes Rocheuses et, au-delà, l'océan Pacifique. Il faut de nouvelles terres pour assouvir le be-soin de récupérer le trop plein de l'explosion démographique et rurale de l'époque.

Nécessité faisant loi, les gouvernements conviennent d'ouvrir plu-sieurs régions, dont le Saguenay légendaire, à la colonisation. Pour leur part, les émigrants potentiels doivent d'abord compter presque uniquement sur leurs propres efforts. Ils arrivent ici par dizaines, avec comme unique bagage, le meilleur de leurs traditions qu'ils adapteront à la réalité physique pour pouvoir survivre.

Partant de ce noyau qui favorise l'éclosion d'une culture, ils dé-frichent la terre, la cultivent en dépit des plus grandes contraintes cli-matiques et en reçoivent péniblement son produit. La race sague-néenne était née.

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À l'intérieur de cette vaste région fermée et isolée, chacune des pe-tites communautés qui est fondée se moule aux particularités des lieux. Sans exception, il faut à tout prix survivre et vaincre les em-bûches, et pour y arriver les moyens diffèrent d'un endroit à l'autre. Il en découle un produit historique extraordinaire : la spécificité de cha-cun des cantons, de chacun des villages, de chacune des paroisses.

Le village de Sainte-Anne qui deviendra Chicoutimi-Nord, plus d'un siècle après son ouverture à la colonisation, développe lui aussi son caractère particulier. Bien agrippée sur le flanc des deux caps Saint-Joseph et Saint-François, la petite communauté assiste, comme spectateur et comme acteur, au développement de la ville d'en face, Chicoutimi. Le Saguenay, ce véritable fleuve qui termine sa profonde [VI] course, à quelques milles du village, se trace en maître comme une enclave entre les deux sociétés.

Conditionnés par cette caractéristique géographique inattaquable, les résidents comprennent qu'ils sont isolés du reste de la région, du moins le temps que prendra la technologie et la capacité financière à souder les deux municipalités. Pendant un siècle que perdure ce di-vorce, les villageois de Sainte-Anne sont obligés de vivre en véritable autarcie ; cette raison d'être forge solidement le caractère de sa popu-lation.

**     *

La préparation de cet ouvrage a été faite avec l'unique souci d'offrir à la population un certain rappel de son histoire. À travers les diffé-rentes facettes de la vie communautaire, le lecteur saura y retrouver l'originalité historique et sociale de son patelin. Humblement, nous avons tenté ici d'écrire la « petite histoire » pour la population en gé-néral. C'est pourquoi les sujets sont variés, les chapitres courts et la phraséologie simplifiée. Certes, la profusion de l'information nous au-rait permis d'écrire une véritable encyclopédie. Nous nous sommes li-mités à élaborer par des faits divers, le développement historique du village.

Du début du canton Tremblay à la fusion de la municipalité de Chicoutimi-Nord, nous avons isolé quatre grandes étapes dans le pro-

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cessus historique : la proclamation officielle du canton Tremblay en 1848, la proclamation du village de Sainte-Anne en 1893, la procla-mation de la municipalité de Chicoutimi-Nord en 1954, et la fusion municipale avec Chicoutimi en 1975.

En réalité, ces quatre étapes correspondent à autant d'époques et établissent une démarcation logique entre les différents paliers de son évolution. Pour résumer chacune d'entre elles, disons que l'époque de 1848 à 1893 correspond à l'ère des fondateurs et des pionniers qui en-treprennent la création d'une nouvelle entité sociale. Selon la tradition, les habitants se répartissent la terre et organisent les bases sociales, politiques, économiques et religieuses. En second lieu, c'est le regrou-pement de la plus forte densité autour de l'église. Cette étape se carac-térise par l'entrée dans le modernisme. À la faveur d'une croissance démographique importante, la paroisse se scinde en deux, ce qui pro-voque la création de la municipalité de Chicoutimi-Nord. En 1954, nous sommes à la croisée des chemins, C'est-à-dire que le secteur ru-ral cède la place au développement [VII] urbain. Quant à la fusion municipale, disons seulement qu'elle nous apparaît comme inéluctable et tragique. C'est le plus faible dévoré par le plus fort.

**     *

Pour écrire notre « Histoire de Chicoutimi-Nord », il a fallu passer six bonnes années dans la recherche des dépôts d'archives.

Plusieurs fonds de documents ont été dépouillés. Certes, la Société Historique du Saguenay a déposé de nombreuses collections, dont celle portant le titre de « Mgr Victor Tremblay », aux Archives natio-nales du Québec à Chicoutimi. Mais le fonds qui nous a été le plus utile reste celui du Progrès du Saguenay. Page par page, du début à la fin, de 1886 à 1964, nous l'avons parcouru intimement pour y extirper tout ce qui intéresse notre sujet. C'est de cette façon qu'il nous a été possible de reconstituer sans interruption la trame des principaux évé-nements qui ont marqué la vie des gens de Chicoutimi-Nord.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 17

Nous n'avons pas cru pertinent de fournir une bibliographie ex-haustive de toutes nos sources. Nous nous sommes limités à indiquer la liste des principaux fonds consultés.

Ce qui a le plus fait défaut pour situer l'œuvre dans son contexte, c'est l'absence d'une véritable histoire régionale. Nous ne parlons pas ici de l'Histoire du Saguenay telle qu'écrite par les pionniers de cette science. Nous voulons particulièrement parler d'une histoire sociale et d'une histoire rurale du Saguenay et du Lac Saint-Jean. Avec un peu de patience pouvons-nous espérer la réalisation de ce travail ?

**     *

Un dernier mot. On trouvera régulièrement dans la composition, des extraits de documents. Ces citations ont été reproduites avec le souci du détail et le lecteur voudra bien prendre note que la retrans-cription est littérale des textes.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 18

[1]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.

Première partie

Le Canton Tremblay,1848-1893

Retour à la table des matières

[2]

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 19

[3]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.Première partie :

Le Canton Tremblay, 1848-1893

Chapitre 1Origine et formationdu Canton Tremblay

La formation des cantons

Retour à la table des matières

Au cours de la domination française et pendant le premier quart de siècle de l'occupation anglaise, il n'y a, au Canada, aucune forme d'ad-ministration municipale. Tout est régi par le pouvoir central et le Conseil Souverain. De 1764 à 1775 le système « baillis » est en vi-gueur. Celui-ci est élu par les habitants pour exécuter les travaux de chemins et de ponts. Dès 1777, ces tâches sont dévolues à des fonc-tionnaires : les « grands-voyers » et les « sous-voyers » nommés par le gouvernement.

L'organisation du territoire en cantons est décrétée par le pouvoir exécutif, lors de la constitution de 1791. Le 26 décembre de la même année, la loi entre en vigueur, alors que l'Angleterre accorde au Cana-da le gouvernement responsable. Le 7 mai 1792, quelques semaines avant les premières élections parlementaires de ce nouveau système, l'administrateur Clark proclame le partage du Canada en deux pro-vinces : celle du Bas-Canada (aujourd'hui la province de Québec), et

Page 20: Histoire de Chicoutimi-Nord

Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 20

celle du Haut-Canada (aujourd'hui l'Ontario). Dans le même décret of-ficiel, il effectue la division de chacune de ces deux provinces en dis-tricts et en comtés. Ces districts et comtés, à l'exclusion des seigneu-ries, seront par la suite subdivisés en cantons.

Suite à cette nouvelle organisation du territoire, le premier canton ainsi érigé est celui de Stoneham, dans le comté de Québec, le 17 oc-tobre 1792, soit à peine quelques mois après la proclamation du 7 mai. Suivent les cantons de Huddersfield en 1793, Dunham en 1796, Clif-ton et Bolton en 1797, Armagh et Chatham en 1799, pour ne nommer que les premiers.

[4]La structuration de territoires en cantons, depuis le début jusqu'à la

première décennie du XXe siècle, porte successivement sur les régions appelées Cantons de l'Est, Vallée du Saint-Laurent, Outaouais, Gaspé-sie, Saguenay Lac-Saint-Jean, et au fur et à mesure que les gouverne-ments contribuent à l'ouverture des grandes voies de colonisation et à la construction des chemins de fer. 1

Premières visions et explorations

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Les premières visions du territoire appelé à former le canton Trem-blay, remontent au XVIIIe siècle, et son exploration suit de près le dé-veloppement du secteur circonscrit autour du poste de traite de Chi-coutimi, dont la fondation remonte à l'année 1676. Nous pouvons dès lors imaginer que les rivières serpentant au travers du territoire en face du poste de traite sont régulièrement visitées par les trappeurs autoch-tones et Blancs.

Arthur Buies, lors de son passage au Saguenay durant l'été 1873, nous dessine d'un trait verbal la porte d'entrée du canton Tremblay. Même si la petite localité bourdonne d'activités à ce moment, nous pouvons imaginer la perception qu'en avaient les explorateurs. « Le ri-vage du nord, en face de Chicoutimi, est formé de hauteurs brisées et montueuses, ordinairement boisées d'épinette, de petit pin rouge et de

1 F.X. Fafard, Les cantons de la province de Québec, Québec, 1913, pp. 3-6.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 21

bouleau blanc, laissant cependant par endroits une lisière d'argile entre elles et les bords de la rivière » 2.

Les incursions documentaires qui s'effectuent dans le Domaine du Roi à partir de 1780 attestent d'une certaine connaissance des lieux. François Verreau, explorateur et coureur de bois qui arrive au Sague-nay vers 1775, connaît bien ce territoire. Il parle avec précision de la rivière Valin « venant du Nord, large de six arpens, navigable pour des canots pendant cinquante lieues ». 3

Un autre coureur de bois, Pascal Taché qui a vécu douze années au poste de Chicoutimi, précise que cette même rivière est navigable en canot d'écorce et communique avec la rivière « Pissiamitsh » (aujour-d'hui la rivière Sainte-Marguerite), en faisant quelques [5] portages : « J'en connois le cours jusqu'à cinq lieues, et dans cet espace il y a cinq petits portages » 4.

Le frère de Pascal, Charles Taché, a lui aussi arpenté de long en large la rivière Saguenay. Dans cette rivière, nous précise-t-il, « se dé-chargent les rivières Sainte-Marguerite, la rivière Saint-Jean, le Petit-Saguenay, la rivière Trinité, la rivière aux Cariboux, la rivière aux Outardes, la rivière à Valin... » 5. Si l'on se réfère à la carte qu'il dresse rapidement en 1809, le côté Nord du Saguenay est recouvert d'une « pinière de pin rouge considérable » 6.

Suite à l'analyse de plusieurs de ces rapports, la Chambre d'Assem-blée du Bas-Canada ordonne l'exploration immédiate et l'examen at-tentif des terres comprises dans le territoire du Saguenay. Les com-missaires chargés de remettre un rapport, entreprennent leurs explora-tions en juillet 1828. Joseph Bouchette observe que « le rivage du N.O. prend un aspect montueux, tandis que le rivage du Sud-Est est

2 Arthur Buies, Le Saguenay et. le Bassin du Lac St-Jean, Leger-Brousseau éditeur, 1896, p. 144.

3 « Journaux de la Chambre d'Assemblée du Bas-Canada, 1823-1824, vol. 33, App. R.  », publié dans, Incursion Documentaire dans le Domaine du Roi, 1780-1830, Séminaire de Chicoutimi, 1968, p. 45.

4 Ibid., p. 675 Ibid., p. 75.6 Ibid., p. 78.

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généralement plus horizontal et paraît présenter quelques endroits de bonne terre » 7.

Le collègue et coéquipier de Bouchette, De Sales Laterrière, se ré-vèle beaucoup plus pertinent dans son analyse. Selon lui, « depuis la Pointe aux Roches jusqu'à la Pointe des Terres Rompues, cette rive de cinq lieues, est bordée de prairies considérables ou les habitans de Chicoutimi font leurs foins. La Rivière aux Caribous s'y décharge, elle est à une lieue plus bas que Chicoutimi. Elle est d'un arpent de large et garde cette largeur un quart de lieue en montant dans les terres. Aussi la Rivière Valin, 1/2 lieue au-dessous de celle aux Caribous. Il y a des chûtes à 1/2 lieue de son embouchure qui faciliteraient l'érec-tion de moulins, (à propos de moulins), tous les bois d'origine antique sur cette rive, ont passé au feu il y a 50 ans ; la nouvelle colonie végé-tale y est encore dans son adolescence. Il y a encore dans cet espace de 5 lieues, la Rivière aux Outardes, dont les bords sont en prairies jusqu'à la profondeur de 15 arpens » 8.

Globalement, l'ensemble des coureurs de bois et explorateurs semblent s'accorder à dire que, malgré une façade hostile, le futur can-ton Tremblay est riche en forêts de pin rouge, parsemé de rivières

7 « Rapport des Commissaires pour Explorer le Saguenay, 1829 », publié dans, Exploration du Saguenay, 1828, Séminaire de Chicoutimi, 1968, p. 357.

8 Ibid., p. 425.

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Carte des cantons et villages du Saguenay en 1854. Photo et collection : Ar-chives nationales du Québec à Québec, collection initiale, Atlas 330, p. 41.

[7]navigables en canot et possède un sol d'assez bonne qualité. Il n'en

faut pas plus pour attirer les premiers colons.

Le Saguenay s'ouvre à la colonisation

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Après la Conquête de 1760, le Domaine du Roi, cette région dont l'axe principal est le Saguenay, continue d'être affermée par bail re-nouvelable. Différentes associations et compagnies contrôlent tour à tour le commerce des fourrures. L'endroit est uniquement visité par les traiteurs, les coureurs de bois et les Indiens. Les Canadiens ne s'inté-ressent pas encore à cette région, du moins pas tant que les seigneuries suffisent à la colonisation agricole.

À partir du début du XIXe siècle, le régime seigneurial entre dans une crise qui lui sera fatale. Les seigneuries sont surpeuplées, le sol est appauvri et le revenu des exploitants est réduit à peu de chose.

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Suite à la visite des commissaires en 1828, on comprend que la région renferme une bonne quantité de terres cultivables. En 1830, certains sont d'avis qu'il n'est pas opportun d'envoyer des colons au Saguenay, mais en 1836, l'Assemblée réitère sa volonté de rendre cette région ac-cessible à la colonisation. Le gouvernement impérial promet qu'on au-ra soin de réserver les terres, au renouvellement du bail, en 1842. 9

Les Canadiens n'attendent pas. Le mouvement insurrectionnel de 1837-1838 trouve sa source en partie dans une situation économique générale dégradée. L'émigration vers les États-Unis qui prend un rythme plus important, est révélatrice d'un problème grave. L'absence de terres disponibles provoque l'éclatement des vieilles barrières psy-chologiques qui avaient toujours empêché de regarder vers les terres plus au nord.

Justement, à l'automne de 1837, des propriétaires censitaires de terres de la paroisse de La Malbaie, forment la « Société des Vingt et Un » pour entreprendre la coupe du bois dans les Postes du Roi. Cette association s'engage envers la Compagnie de la Baie d'Hudson à lui verser une certaine somme, à ne faire aucun commerce avec les In-diens et à ne pas couper ni faire paître le foin naturel.

Mais l'idée première des membres de la « Société des Vingt et Un », est de pénétrer dans ce pays fermé pour y établir des familles. L'entreprise d'exploitation forestière s'offre comme le seul moyen [8] de réaliser ce but. Il faut s'implanter suffisamment pour attendre la date du renouvellement du bail d'affermage de la traite des fourrures.

9 Maurice Séguin, La Nation Canadienne et l'agriculture, 1760-1850, Bo-réal Express, 1970, p. 215.

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Noël au temps de Peter Mc Leod

Quand j'étais jeune, à chaque dimanche après-midi on voyait arriver chez nous le bonhomme Morissette (qui ouvrit notre rang en 1848 ; une plaque de marbre rappelle ce fait à l'endroit même. Il est le père de Louis et François, le grand-père de « P'tit François » de Sainte-Anne, en face du pont).

Il venait jaser avec mon grand-père François et mon père, Alexandre, et moi j'étais un auditeur attentif. L'un des sujets les plus fréquents était « le temps de McLeod ».

À tout moment venaient les expressions suivantes : « Du temps de McIeod, Dans le temps de McLeod. » Quel était donc ce McLeod ? Ces vieux-là avaient vécu ces temps-là.

Le temps de McLeod aurait duré dix ans (1842-1852). Pendant ce temps-là McIeod avait régné véritablement de fait dans le Saguenay, résu-mant, comme dictateur de fait, tout pouvoir public. Ses volontés étaient mises à exécution au moyen de sa Gestapo, ses « bullies » (boulés).

On était alors trop éloigné des pouvoirs publics. La nécessité exigeait une autorité de fait quelconque, et McLeod était cette autorité.

Si McLeod était lion et tigre à ses heures, il était doux et généreux sou-vent. Voici un fait à l'appui, fait que m'a raconté Louis Morissette, fils du bonhomme ci-haut mentionné.

À tous les jours de l'An McLeod organisait dans sa maison une exposi-tion d'étrennes pour tous les enfants ». une grande table couverte, chargée de toutes sortes de bonbons et nananes ; et les enfants venaient chercher leurs étrennes. « J’y suis allé moi-même plusieurs fois », me disait Louis Moris-sette.

N'est-ce pas là un beau trait pour démontrer qu'il n'était pas toujours un tyran ni un Néron, mais souvent un père ?...

De l'abbé Alexandre Maltais, 21 février 1941 A.N.Q.C, Fonds Mgr Vic-tor Tremblay, Dossier 3, Pièce 16.

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La première équipe part de La Malbaie le 25 avril 1838 et com-prend 27 hommes, munis de l'outillage nécessaire à l'exploitation [9] du bois. On s'arrête d'abord aux Petites-Îles, à l'Anse-Saint-Jean et le 11 juin, un groupe de 14 hommes arrivent à la Grande-Baie. En 1839, Michel Simard débarque à l'Anse-aux-Foins. Dès cette époque, la conquête du Saguenay apparaît une aventure réalisable.

Mais c'est avec l'année 1842 que débute véritablement la colonisa-tion du Saguenay. Le 2 octobre 1842, le bail de la Compagnie de la Baie d'Hudson expire. Le gouvernement en profite pour libérer le sol à l'agriculture. La colonisation se poursuit et se développe rapidement. Les premiers travaux d'arpentage s'effectuent au cours de l'année 1843.

Les premiers arrivants à canton Tremblay

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En même temps que l'on délimite les nouveaux cantons, sur la rive sud du Saguenay, Peter Mc Leod junior entreprend la construction d'un moulin à scie à la chute de la rivière du Moulin, puis, l'année sui-vante, à la rivière Chicoutimi.

Ainsi que le disait Mgr Victor Tremblay dans un de ses textes, les débuts de la paroisse de Sainte-Anne, berceau de la première occupa-tion humaine dans le canton Tremblay « furent comme un rayonne-ment de l'établissement de Chicoutimi » 10 C'est officiellement l'exploi-tation forestière qui attire au Saguenay nombre de travailleurs dont l'ambition à peine voilable vise l'établissement agricole. Pour chacun d'entre eux, le travail aux chantiers ou aux scieries n'est qu'un moyen de préparer la prise de possession légale d'une terre cultivable.

Mais on se rappellera que le commissaire Laterrière mentionnait lors de son passage en 1828, que certains habitants du poste de traite coupaient du foin sauvage dans la lisière de terre entre les Terres-

10 Mgr Victor Tremblay, Chicoutimi-Nord - Notes historiques, A.N.Q.C., Fonds Mgr V.T., Dossier 1678, Pièce 6.

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Rompues et Saint-Fulgence. 11 Ce sont là les plus vieilles relations qui touchent l'exploitation agricole du canton Tremblay.

De ce fait, les premiers défrichements effectués dans ce qui de-viendra la paroisse de Sainte-Anne le seront avant les premiers arpen-tages du gouvernement. D'abord aux Terres-Rompues Peter Mc Leod père, s'y était installé. Son établissement occupait une superficie im-portante du territoire de la paroisse de Sainte-Anne. À [10] l'automne de 1843, cinq ou six employés de la scierie de Mc Leod « firent de la pinière » du côté nord de la rivière Saguenay.

Parallèlement et consécutivement d'autres colons s'installent dans un parfait accord sur des terres ni arpentées, ni divisées, en face de Chicoutimi, entre les deux caps Saint-François et Saint-Joseph. Ces premiers colons, pour la plupart originaires de La Malbaie, se nomment Joseph et Cimon Blackborne (Blackburn), George Randes (Rhainds), Emilien Tremblay, Télesphore Gagnon, Jean Tremblay, Jules Tremblay, Michel Tremblay, François Renarth (Renald), Fran-çois Lemieux, Ambroise Gagnon, Tade Gagnon, Louis Tremblay, Al-bert Blackborne, François Nerron et Eugère Guilmet. 12

Les noms cités ci-dessus sont tirés du rapport d'arpentage de Louis Legendre, rapport effectué en 1843 et signé à Lotbinière le 31 août 1844. En réalité, Legendre est le premier esprit scientifique à définir et à circonscrire techniquement le canton Tremblay. Il tire les lignes des premiers lots comprenant uniquement la partie occupée du pre-mier rang Est et Ouest du dit canton, soit le terrain actuel où passe la rue Roussel aujourd'hui, plus les rangs II, III et IV.

Louis Legendre, même si son témoignage démontre qu'il n'a pas analysé la composition géologique de l'intérieur avancé du territoire, nous laisse toutefois une très bonne idée de son analyse de surface.

11 Rapport des Commissaires..., 1829, op. cit., p. 425.12 Rapport d’arpentage de Louis Legendre, 1844, Photocopie de l'original

conservé aux A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Document 826-B.

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« J'ai en outre subdivisé dans le dit Township Tremblay tout l'espace de terrain compris entre sa base et la rive Nord de la Rivière Saguenay et la ligne qui le divise d'avec le Township Simard en lots ou fermes de cent acres, non compris l'allouance pour les grands chemins excepté les lots irréguliers, et dont plusieurs des quels j'ai subdivisé, de manière à les rendre convenables aux occupants actuels ; j'ai mis une liste dans la fin de l'Extrait de ce Town-ship ; constatant la superficie que chaque occupant possède ainsi que la su-perficie des lots irréguliers de chaque Rang, indépendamment de hautes mon-tagnes de roc sur partie de la Rive Nord de la rivière Saguenay dans la devan-ture du dit Township Tremblay, telle que désignée, par les noms de Caps St-Joseph Cap St-François et autres rochers qui se [11] trouvent dans l'intérieur de ce Township, le sol est généralement très riche, comme je n'en ai rarement trouvé dans ma longue pratique en parcourant les bois ; il est composé de terre noire, cette dernière est généralement sur le lit de glaise il a douze pouces au-dessous de la surface de la terre noire en un mot ce terrain est très propre à la culture du foin, du chanvre, du lin et d'aucun grain cultivé au pays, il est bien arrosé d'Eau et est très susceptible à être établi. »

« Les bois poussés sur les meilleures terres à grain se composent généra-lement de bouleau, de peuplier et de Tremble et ceux poussés sur les terres noires sont généralement composés d'Épinettes Blanches, d'Épinettes Rouges, de Sapin, de cèdre et de Fraine. J'ai laissé dans ce Township la ré-serve pour les dessins futurs du gouvernement, telle que figuré au plan ac-compagnant le présent, renfermant les belles Rivières Valin et Caribou, la dite réserve contient environ 804 acres, mais dans l'idée que le gouvernement est désireux d'avoir les belles places de moulins au dessus de la grande base marquée AB j'ai prolongé les lignes au Sud-Est de la dite réserve de A en C 27 ch. 50 ni et autant de B en D et j'ai tiré la ligne pointée à mon plan, mar-qué CD cette partie contient 261 acres un ... et au-dessus de cette réserve le gouvernement pourra à l'avenir faire subdiviser des lots par des lignes paral-lèles à la ligne de base, lesquels lots en remontant sur la dite rivière valin et à chaque côté dicelle feroient un charmant établissement s'il y avoit aussi des lots de formés à chaque côté de la rivière caribou, ca accelleroit beaucoup les établissements en profondeur de ce Township. » 13

13 Ibid.

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Suite à son exploration et avant de signer le rapport, Louis Le-gendre expédie à l'arpenteur-général pour les Provinces Réunies du Canada la copie d'une lettre qui lui fut adressée par le groupe de pre-miers résidents. La lettre, rédigée à la Rivière-du-Moulin le 11 octobre 1843, demande l'arpentage de leurs terres afin qu'ils en prennent léga-lement possession. Ces colons viennent tous de La Malbaie, sauf Jean Tremblay, originaire des Éboulements.

Le père de Peter Mc Leods'installe aux Terres-Rompues

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Si l'on se rapporte aux mémoires des anciens, le premier colon de Sainte-Anne est Peter Mc Leod senior, le père de celui-là même qui ouvrira deux scieries à Chicoutimi. Nous ne pouvons indiquer une date mais, selon Mgr Victor Tremblay, il vivait là depuis les [12] an-nées 1830 environ. 14 Sa maison, il la construit près de l'embouchure de la Rivière aux Vases, sur un site panoramique merveilleux. Cette résidence spacieuse et magnifique ressemble à un manoir et est un centre d'activités commerciales et sociales fort fréquenté.

Il est probable que Peter Mc Leod père y opère la traite des four-rures. Nous le voyons régulièrement à Chicoutimi, achetant des vête-ments d'hommes et de femmes. 15 Plus tard, la maison deviendra un terme d'excursion pour les touristes venus par bateau directement de Bagotville et de Chicoutimi.

Son domaine est vaste et une grande partie, soit huit lots (les lots 17, 18, 19, 20, des rangs un et deux), se situent dans les limites de l'ancienne paroisse de Saint-Jean-Vianney. C'est lui aussi qui obtient le premier les lettres patentes de ses lots, le 21 octobre 1850.

14 Saguenayensia, « Saint-Jean-Vianney de Shipshaw », nov.-déc. 1971, p. 146.

15 A.N.Q.C., « Origine de Chicoutimi industrielle, 1842-1850 », 1941, p. 8 (Dossier 10.3).

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Peter Mc Leod père n'est pas spécifiquement cultivateur mais dé-friche certaines étendues pour répondre à ses besoins. Isolé et

La maison que Peter Mc Leod père construisit aux Terres-Rompues, vers 1830. Photo : circa 1900, courtoisie de Mme Alma Villeneuve, Shipshaw.

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[13]

Peter Mc Leod père.

Photo : A.N.Q.C., fonds Lemay.

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retiré de la communauté, il jouit quand même de la nécessité de pro-duire sur place une grande partie de ce qu'il faut pour alimenter sa fa-mille et ses nombreux visiteurs. Lorsqu'il vend ses terres à Isaïe Ville-neuve, en 1867, elles sont en état de rendement et ne demandent qu'à être mises en valeur. Placée sur la route des pionniers, la ferme des Villeneuve sert aussi de pied-à-terre et de base de ravitaillement pour de nombreux pionniers. « Par exemple, quand la gelée gâtait leurs ré-coltes ils venaient y chercher du grain de semence, et quand ils se sentaient le ventre un peu creux ils s'arrangeaient pour y passer l'heure des repas ». 16

Dans l'histoire de Sainte-Anne et des Terres-Rompues, Peter Mc Leod père reste un personnage craint, controversé et même détesté par plusieurs. Lorsqu'on relève les premiers procès enregistrés par la cour de Circuit du district de Chicoutimi, nous retrouvons des causes qui s'y rattachent. Il semble accepter mal le fait de la colonisation et des nouveaux arrivants.

Au cours du mois de septembre 1850, Peter Mc Leod senior est sommé de comparaître en justice pour expliquer son comportement à l'égard de Frédéric Filion, tous deux des Terres-Rompues. Le litige tourne autour du fait qu'en 1844 Filion reçoit permission de se bâtir une maison sur le lot no 15, de le défricher et de le faire produire avec la bénédiction de Mc Leod. Au cours de l'hiver 1848, ce dernier dé-cide de recouvrir sans autre forme, le lot 15 et entreprend même la coupe du bois pour son usage personnel. L'affaire en vient aux coups et Mc Leod doit se présenter devant le juge. En 1851 le procès prend fin et Filion gagne sa cause. 17

On verra aussi un peu plus loin qu'il est réfractaire à la municipali-té du canton Tremblay lorsque celle-ci veut percevoir sa cotisation personnelle pour la construction d'un chemin.

16 Saguenayensia, nov.-déc. 1971, op. cit., p. 146.17 A.N.Q.C., Cour de Circuit, Dossier 16.

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Canton Tremblay : origine du nom

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D'après certains historiens, tels Mgr Victor Tremblay et Pierre-Georges Roy, le canton Tremblay tire son nom des premiers pionniers qui ont occupé le territoire avant même son érection en 1848. Léoni-das Bélanger nous dit avec réserve, qu'il a « de nombreuses raisons de croire que c'est en l'honneur de Michel Tremblay surnommé le Gros Michaud, qui bien avant la fondation de Chicoutimi [5] était déjà au Saguenay ». 18 D'autres le relient au nom de l'arpenteur J.-O. Trem-blay. Qu'en est-il exactement ?

Il est tout aussi logique de penser que c'est en l'honneur d'Alexis Tremblay dit « Picoté », chef de la « Société des Vingt et Un » qui vint s'installer en 1838. Cette relation très plausible m'avait été per-sonnellement suggérée par l'abbé Jean-Paul Simard, lors de la publica-tion du « Guide Historique du Canton Tremblay », en 1980.

Précisons en tout premier lieu que le nom de l'endroit fait partie du vocabulaire avant la proclamation officielle, du 8 octobre 1848. On aurait intérêt à se rappeler que Louis Legendre explore le dit canton « Tremblay » au cours de l'année 1844. Quant à l'arpenteur J.-O. Tremblay, il n'apparaît dans l'histoire locale qu'à compter de 1882. Te-nant compte de cette pertinence chronologique, il devient alors extrê-mement difficile de relier les deux noms.

La présence de tous ces Tremblay qui sont liés de près ou de loin à l'histoire de notre canton, semble en soi une raison suffisamment va-lable pour justifier son appellation. Les ancêtres Tremblay au Sague-nay s'associent à tout ce qui touche de près le début de la colonisation. Si l'on se transpose dans l'esprit des hommes qui découpent la pre-mière carte des cantons, il reste assez difficile de rejeter ces possibili-tés.

Il est probable que ce sont tous ces arrivants, chefs d'expéditions, pionniers de la Grande-Baie et défricheurs de Sainte-Anne, qui ex-

18 Nouvelles du Chantier, « 125e Anniversaire du Canton Tremblay », vol. XV, 1980, p. 4.

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pliquent l'origine toponymique de notre canton. Nous en profitons donc pour leur rendre hommage dans cette étude.

Proclamation officielledu canton Tremblay, 1848

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Après le passage de l'arpenteur Legendre, la colonisation s'étend rapidement et l'arrivée régulière des nouveaux colons déborde dans les deux cantons voisins, Simard et Harvey. L'érection du canton Trem-blay remonte au 7 octobre 1848, date qui correspond à la signature des lettres patentes à Montréal. Il se situe au 71˚ de longitude par 58˚ 30' de latitude, dans le district électoral du « comté Chicoutimi » et sa su-perficie compte 43,400 acres. 19

Le territoire originel, qui sera amputé régulièrement pour donner naissance à des villages, comprend tout le terrain borné comme suit : [16] au sud-ouest, par la rivière Saguenay ; au nord-ouest, par le can-ton Simard ; au sud-est, par le canton Harvey ; au nord-est, par les terres vacantes de la couronne.

Les terres sont donc occupées graduellement et c'est la Compagnie de la Baie d'Hudson qui signe les premières lettres patentes concédant des terres dûment enregistrées au Gouvernement, le 17 novembre 1847. Le territoire comprend le lot numéro 3 du cinquième rang, soit à la baie de l'Anse-au-Foin, sur la rivière aux Outardes 20.

19 A.N.Q.Q., Règlement L., Folio 171.20 A.N.Q.Q., Microfilm M. 22.7 (10751.7) pp. 106-107.

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Saint-Fulgence à l'heure du 17 avril 1890

On nous communique les intéressants détails suivants sur la paroisse de St-Fulgence. Il y a 119 familles et 861 âmes dont 541 adultes. En 1889 il y a eu 32 naissances et 12 sépultures dont 3 adultes. La quête de l'enfant Jésus a produit la jolie somme de $122. 00 L'état sanitaire est très satisfaisant. Sur les 119 familles dont se compose la paroisse, il n'y a actuellement pas un seul malade.

Actuellement le dévoué curé de St-Fulgence, M. l'abbé Ls Gagnon et les principaux citoyens de cette localité font des efforts considérables auprès de M. Dumais pour obtenir l'ouverture d'un chemin de colonisation devant relier St-Fulgence à l'Anse-à-Pelletier, distance de 4 ou 5 milles. L'automne der-nier, les colons établis le long du Saguenay jusqu'à l'Anse-à-Pelletier ont tra-vaillé pendant un mois à l'ouverture d'un chemin d'hiver pour se relier à St-fulgence. Leurs moyens ne leur permettant pas de compléter ce chemin pour les voitures d'été, il leur faut de l'aide du gouvernement.

Nous avons nous-même admiré la bonne qualité du sol depuis la Pointe-aux-Pins jusqu'à l'Anse-à-Pelletier et nous l'avons trouvé très propice à la culture. Les établissements qui y sont déjà ouverts par les messieurs Brisson, Simard Dallaire et autres progressent beaucoup et le foin y vient surtout avec une grande abondance. L'ouverture d'un chemin favoriserait le développe-ment de cette partie du comté et nous unissons nos efforts pour obtenir l'ar-gent nécessaire à une telle entreprise.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 17 avril 1890.

[17]Le second enregistrement est attribué à David E. Price et remonte

au 21 octobre 1850. Le territoire comprend les lots 10, 11 et 14 du cinquième rang. 21 Par la suite, les premiers colons de l'heure enre-gistrent eux aussi des propriétés. On revoit les noms de Joseph Black-burn, Émilien Tremblay, Louis Tremblay et George Rands, pour ne nommer que ceux-là.

21 A.N.Q.Q., Microfilm 22.3 (10751.3) p. 146.

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La population du canton Tremblay atteint 422 résidants en 1851, comparativement à 75 pour le canton Simard. Il faut dire cependant qu'il y eut une période de fléchissement dans la poussée démogra-phique, à partir de 1850. Cet état de faits est dû en partie au mouve-ment des chantiers, à la colonisation du Lac Saint-Jean, au manque de communication et aux grandes difficultés qu'il fallait surmonter pour survivre. Selon l'abbé Jean-Baptiste Gagnon, de 1848 à 1852, les ré-coltes sont presque nulles et de nombreux colons sont repartis. 22

L'arpenteur Fournier, 1852-1853

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Avec cette venue ininterrompue de colons, il va de soi que les pre-mières terres cadastrées sont rapidement prises en possession. Il im-porte d'ouvrir de nouveaux rangs pour permettre à de nouveaux arri-vants de s'établir. C'est ainsi que le 7 septembre 1852, le Commissaire des Terres de la Couronne, l'Honorable John Rolph, mandate l'arpen-teur O.B. Fournier afin qu'il termine le travail amorcé dix ans aupara-vant par son collègue Louis Legendre. Les terres à subdiviser se si-tuent entre les rangs 5 et 10, vaste territoire formant la partie nord-est du canton Tremblay. Le rapport final qu'il signe le 30 mars 1853, à Saint-Jean Port-Joli, comprend, en plus des plans de cadastre, quinze pages de renseignements à propos des occupants de la première heure, des chemins de pénétration, de la composition du sol, de la flore, etc. 23

Dès son arrivée, Fournier tire les premières lignes, entre les rangs 5 et 6, à partir des premiers lots serpentant de chaque côté de la rivière Valin. Au fur et à mesure, les rangs suivants seront cadastrés. Il faut dire que bien avant 1852, certains lots étaient occupés par des proprié-taires munis d'un droit de « préemption », c'est-à-dire un droit gouver-nemental assurant la propriété légale à un squatter. Après le passage de l'arpenteur, la terre appartient en droit à l'occupant [18] d'origine, si celui-ci remplit certaines conditions telles qu'être établi physiquement sur la terre, avoir commencé le défrichement et la culture, etc.

22 A.N.Q.C., Dossier 42, Pièce 18.23 Ministère des Terres et Forêts, Rapport de l'arpenteur Fournier, 30 mars

1853, TB/4.

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Ces premiers occupants de l'intérieur du territoire sont des person-nalités qui ont pratiquement donné naissance à cette partie du canton Tremblay et plusieurs de ces terres appartiennent encore à leurs des-cendants : Louis Morissette (d'où le nom de route Morissette), le doc-teur Dubois (lequel donna son nom au lac Docteur), David Price, Jo-seph Chamberland, etc. Au moment de leur arrivée, tous ces pionniers s'occupent à l'ouverture d'un chemin à partir du Saguenay jusqu'au rang 7, puis aux établissements de Price, sur la rivière Valin.

« Il seroit facile de faire un chemin de communication entre chaque rang, dans la ligne centrale, jusqu'au milieu du 9eme rang, le terrain étant planche et d'une bonne qualité, et de là jusqu'au fronteau entre les 9 eme et 10eme rangs il faudroit faire quelques détours pour éviter des rochers qui se trouvent sur cette partie ; il seroit difficile de le continuer sur le 10eme rang, vu les rochers et les fortes côtes qui s'y rencontrent. Le Dr P.C.A. Dubois a ouvert un bon chemin depuis le Saguenay jusqu'à son établissement sur le 7eme rang du Township, David Price, en a aussi fait ouvrir un au lieu de la Rivière Valin, pour communiquer du Saguenay aux lots qu'il possède sur le même rang ; ainsi que les occupants du Rang 6, qui l'ont continué jusqu'au bas du 8erne rang, le long du front de leurs lots. Les chemins sur le front des lots, dans les fronteaux, seront très coûteux à faire, vu le grand nombre de ravines et les écoves des rivières, qui les coupent, les écoves étant extrêmement élevés, surtout dans la partie S.E. de la rivière Valin. Il seroit nécessaire qu'un pont fut bâti dès à présent sur cette dernière rivière, dans le réseau, pour faire communiquer les personnes établies chaque côté de cette rivière. Un chemin a été ouvert le long du Saguenay, l'automne dernier, par les occupants, mais le passage de rivière Valin, sera pendant longtemps, un obstacle aux communications, entre les deux rives, car le coût seroit trop élevé, pour les colons, qui ne pourront le faire d'ici à plu-sieurs années.

D'après Fournier, les essences forestières à l'époque sont le cèdre près du Saguenay, et plus en profondeur, le bouleau, le tremble, le cy-près, et un peu d'épinettes grises et rouges. De cette forêt, seules l'épi-nette grise et rouge sont exploitables et d'une qualité commerciale. L'épinette grise qui est localisée dans la partie nord-ouest de la rivière Valin est « propre à faire des madriers pour l'exportation ». Chose re-

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marquable, on ne retrouve plus aucun pin sur cette partie du canton, cette essence jadis si répandue. 24

[19]

David Price est le second personnage à enregistrer un lot, le 21 octobre 1850. Photo : A.N.Q,C,, Fonds Mgr Victor Tremblay.

24 Ibid.

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[20]

Les principales rivières font également l'objet de commentaires. On apprend dans son rapport que la rivière Valin est navigable à ce moment pour les goélettes de 35 à 40 tonneaux, jusqu'à environ trois quarts de mille de son embouchure. Un autre cours d'eau, la rivière Caribou, est remontée avec des canots sur une longueur de plusieurs milles.

Création du comté Chicoutimi

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C'est Lord Durham qui suggéra le premier, en 1838, la création d'un organisme municipal. Il y avait bien eu quelques expériences pré-cédemment avec les villes de Québec et de Montréal, lesquelles avaient la faculté d'élire un maire et des échevins pour exercer certains pouvoirs, mais ces incorporations, limitées à une période de cinq an-nées, tombèrent en 1838. Le premier grand pas a été fait en 1840, alors qu'une ordonnance du Conseil Spécial divisa le Bas-Canada en vingt districts et créa un mode d'administration municipale avec des officiers : un maire que l'on appelait « Warden », un greffier et un tré-sorier, tous trois nommés par le Gouverneur qui délimitait les munici-palités et en faisait le Chef-Lieu.

C'est en 1845 que le Parlement crée pour le Bas-Canada des corpo-rations de paroisses et de cantons avec un conseil de sept membres élus par le peuple. Ce n'est cependant qu'à partir de 1847 qu'on leur substitue la municipalité de comté, système qui fonctionnera pendant huit années. À l'époque, le vaste comté Saguenay comprend tout le territoire de Chibougamau à Sept-Îles, en plus de la région de Charle-voix. En raison de son immensité, ce grand comté se divise en deux dès 1850 : no 1 pour Charlevoix et no 2 pour Saguenay.

Charlevoix forme son conseil municipal aux Éboulements les 13 et 14 décembre 1847 et cinq paroisses de ce comté sont représentées. La division Saguenay ne se constituera en municipalité que trois années

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plus tard, soit en novembre et décembre 1850 et les habitants de nos divers cantons feront l'élection de leurs conseillers. 25

Dans le canton Bagot, la paroisse de Saint-Alexis a élu John Kane et Robert Blair ; celle de Saint-Alphonse, Ignace Gravel et Thomas Tremblay ; le canton de Laterrière, Ferdinand Gauthier et [21] Jean-Baptiste Côté ; celui de Chicoutimi, Louis Tremblay et Jean Harvey ; le canton Harvey, Louis Savard et Félix Simard ; celui de Jonquière, Protais Harvey et Epiphane Pilote ; le canton Simard, Joseph Trem-blay et Isidor Morin ; et le canton Tremblay, Magloire Gagnon et Émilien Tremblay. Le Conseil compte seize membres, représentants de huit localités.

De 1850 à 1855, le conseil de cette administration municipale tient 20 séances, dont huit dans les premiers douze mois.

L'érection en municipalité, 1855

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Les habitants de Sainte-Anne seront pendant quelques années dé-pendants de Chicoutimi pour les affaires ainsi que certains services administratifs et religieux. Leur situation d'isolement aidant, ils plani-fient très tôt leurs services locaux. En 1854, ils se sont organisés en municipalité scolaire. 26

Selon le recensement de 1851, la population des cantons de la rive nord du Saguenay est répartie comme suit : le canton Simard, 130 âmes ; le canton Harvey, 120 âmes ; le canton Tremblay, 363 âmes. Cela suffit au canton Tremblay pour profiter de l'établissement d'une structure autonome d'un conseil local. Nous savons qu'en 1855 il faut une population d'au moins 300 âmes pour profiter du droit de s'ériger en municipalité. Tout devient donc possible grâce à la nouvelle loi des Municipalités et Chemins qui substitue les municipalités de canton aux municipalités de comté.

25 Une excellente approche de l'évolution du municipale a été faite par Mgr Victor Tremblay, dans Histoire du Saguenay, S.H.S., 1968, pp. 388-393.

26 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 2197, p. IA.

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Le ler août 1855, a lieu au village de Chicoutimi, la première ses-sion générale du Conseil des Municipalités du Comté de Chicoutimi. Lors de cette réunion tenue conformément aux dispositions de l'Acte des Municipalités et des chemins du Bas-Canada, les maires présents nomment comme Préfet, John Kane, à ce moment maire du canton Chicoutimi »

Sur une motion de M.D. McLean secondée par Ambroise Gagnon, il est résolu à l'unanimité que « vu les Township Jonquière, Harvey et Simard dans le comté de Chicoutimi n'ont pas un nombre d'âmes suf-fisant pour avoir droit d'établir dans chacun d'eux un Conseil local et vu qu'il est dans l'intérêt des habitants de chacun des dits Township d'être annexés à d'autres Townships ayant droit d'avoir un Conseil lo-cal, que le Township Jonquière soit annexé au [22] Township Chicou-timi, et les Township Simard et Harvey soient annexés au Township Tremblay et fassent partie des municipalités d'icieux pour les fins de l'acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada de 1855 ». 27

La nouvelle municipalité, première bénéficiaire au Saguenay Lac Saint-Jean, en vertu de l'Acte des Municipalités, comprend la totalité des terres du dit canton en plus des deux cantons Harvey et Simard.

Le premier conseil municipal est formé comme suit : le maire Am-broise Gagnon, l'un des résidants de 1843, Magloire Gagnon, Eucher Lemieux, Émilien Tremblay, Joseph Fleury, Michel Tremblay et George Gauthier. Le secrétaire-trésorier est Prudent Potvin.

La seconde motion porte sur un sujet intéressant et sentimental, soit le « Chef-Lieu ». Le conseil précédant avait siégé à Saint-Alexis de Grande-Baie, qui était la première localité établie et le centre prin-cipal de l'activité religieuse au Saguenay. Nous voilà face au fait que le Conseil de Comté de Chicoutimi tient sa première séance à Chicou-timi, ce qui pose une autre candidature au rôle de « Chef-Lieu ». Le maire David McClaren propose que le village de Chicoutimi soit choi-si comme « Chef-Lieu » du Comté de Chicoutimi et que les séances du Conseil de Comté soient tenues dans le même village. Le maire Ferdinand Gauthier de Laterrière fait une contre-proposition en faveur de Saint-Alexis. Ceci nécessite un vote et c'est le maire de canton

27 Ce document a été retranscrit intégralement dans, Chicoutimi-Nord. Cente-naire de la Municipalité, 1855-1955, p. 5.

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Tremblay qui tranche la question en se prononçant en faveur de Chi-coutimi.

Cyrille Dubois, premiermédecin de Chicoutimi et de Sainte-Anne

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Est-il possible de s'imaginer aujourd'hui les conditions dans les-quelles la pratique de la médecine avait cours au Saguenay, à l'époque des premiers colons ? En ces débuts de colonisation, les audacieux pionniers s'affairaient farouchement à transformer le milieu pour qu'il devienne moins hostile. Vivre au Saguenay en 1850 relève de la pure témérité. Chaque travail s'opère à travers des risques d'accidents énormes. S'ajoutent à cela l'absence de confort et surtout d'hygiène, l'absence aussi d'une alimentation saine qui favorisent tous ensemble l'éclosion des maladies et des épidémies. Dans de [23] telles condi-tions, il va de soi qu'attraper la moindre fièvre risque de dégénérer en maladie mortelle. Lorsque le Docteur Cyrille Dubois arrive au Sague-nay au début de février de l'année 1846, le travail à accomplir est co-lossal et exige une santé et une robustesse sans faille.

Pierre-Cyrille-Adolphe Dubois est né à Bécancour, le 11 août 1816, du mariage de Marie-Louise Lemarié et de Louis Dubois. Après ses études au Séminaire de Nicolet en 1832, il entre se spécialiser en médecine à l'École de Médecine de Victoria à Montréal jusqu'en 1844. Son diplôme obtenu, il pratique pendant quelques mois à Québec, puis déménage à la Grande-Baie au début du mois de février 1846. Le 9 janvier 1847, nous le retrouvons à Chicoutimi comme parrain d'une métisse montagnaise. Il demeure à ce moment près de la résidence de Peter Mc Leod, à la Rivière-du-Moulin.

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Le pont de glace et le premier mai

Lundi matin, à trois heures, un certain nombre de joyeux amis, parmi lesquels nous pouvons citer MM. Ths E. Saucier, Wilfrid Morin, Hubert De-lisle, Napoléon Morin, Xavier Morin, Louis Morin, Johnny Girard, Louis Boucher, Jos. St-Hilaire, Émile Morin et Elzéar Lapointe, ont bien miséra-blement réussi à gagner le milieu du pont, en face du quai du gouvernement et y ont planté un joli mat de 50 pieds de longueur, reposant sur une plate-forme.

Le matin, toute la ville pouvait admirer la hardiesse de ces braves, qui avaient hissé au bout du mai un pavillon surmonté d'un Castor, au-dessous duquel on pouvait lire.

Chicoutimi ler mai 1893

Une récompense était offerte à celui qui irait chercher le pavillon en pas-sant sur les glaces, mais personne ne s'est présenté pour la gagner.

Plus tard.

Le drapeau hissé sur la glace par MM. Morin, Saucier et autres, a été sauvé ce matin par M. Napoléon Morin ; honneur à la bravoure d'un cana-dien.

Communiqué

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 4 avril 1893.

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[24]

Nazaire Boucher et son épouse Marie Har-vey

Nazaire Boucher, agriculteur, entrepreneur fo-restier et homme d'action politique sur plu-sieurs plans, il était un actif pour la paroisse de Sainte-Anne. Natif de la Rivière-Ouelle (né le 28 juillet 1820), Nazaire Boucher vint au Saguenay vers 1844 en compagnie de Médar Hudon. Les deux hommes trouvèrent un em-ploi à Rivière-du-Moulin chez Peter Mc Leod. Il épousa, le 23 février 1846, Marie Harvey, fille de Thomas Harvey, de la Malbaie, et de ce mariage il eut onze enfants. Boucher et Hu-don décidèrent ensuite de s'établir dans le rang 1 du Canton Trernblay, puis quelques années plus tard, ils s'installèrent dans le rang II.

En plus de son domaine agricole et de son entreprise dans l'industrie laitière, Nazaire Boucher demeure durant une vingtaine d'an-nées comme entrepreneur forestier pour la Compagnie Price, sur la rivière des Aulnaies.

Il participa aussi à la vie politique en deve-nant maire deux fois, de 1864 à 1870, et de 1891 à 1893. En plus de servir la population à ce chapitre, il milita aussi au sein de nom-breuses associations et fut nommé marguillier durant trois ans.

Lorsqu'il décéda le 14 septembre 1894, à l'âge honorable de 73 ans, il laissa à ses des-cendants, des propriétés bien organisées. Sa femme Marie, lui survécut jusqu'au 12 no-vembre 1901.

Photo : A.N.Q.C., fonds Mgr Victor Trem-blay, No 259.

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[25]

Le Docteur n'attend pas la fondation de son foyer pour devenir Sa-guenéen. Il acquiert une terre tout près de l'église de Saint-Alexis de Grande-Baie et installe son vieux père, qui l'a suivi ici avec sa famille.

Plus près de chez nous maintenant, Cyrille Dubois devient proprié-taire d'un véritable domaine dans le canton Tremblay. En tout, 700 acres de terre le long de la rivière Valin qui lui procure l'avantage d'une voie de circulation en plus d'une chute magnifique, propice à l'installation d'un moulin. Il a idée d'en faire une ferme modèle pour convaincre, par l'exemple du succès, les colons trop craintifs. Croyant fermement en cette entreprise, en 1849, il fait défricher 26 arpents la première année, puis 40 autres l'année suivante. 28

Cette terre qui s'étend de la rivière Valin jusqu'au lac Docteur est appelée « LA FERME ». Elle passera en partie aux mains d'Alexandre Maltais qui la transmettra à la famille d'Épiphane Desmeules.

Sur le plan professionnel, tout concorde à démontrer que le Dr Du-bois s'applique à son serment d'Hippocrate avec un grand zèle. Il « exerça sa profession avec un dévouement sans borne, à l'admiration de ses patients, et il était d'une charité sans pareille ». 29 Sa mentalité perfectionniste le pousse à retourner faire un stage en médecine à Québec, en 1852. Le certificat qu'il obtient après ce second noviciat est émis par le Collège des Médecins et Chirurgiens du Bas-Canada, le 13 juillet 1853.

Le Docteur Dubois au chevet de Peter Mc Leod. Mais avant de partir pour Québec, nous le retrouvons aux pieds du lit de Peter Mc Leod junior. La meilleure manière pour nous de vous entretenir de ce dernier épisode de la vie du fondateur de Chicoutimi est de laisser libre cours aux propos d'un ancien qui fut contemporain de Mc Leod. 30

28 Pour de plus amples informations sur le Dr Dubois, se référer aux A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier de Correspondance no 214. Aussi, Document no 473.

29 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 214, Pièce 50, p. 2.

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Le village de Sainte-Anne et le Cap Saint-Joseph, en 1928.

« Un jour Mc Claude tombe malade il fait venir le Dr. Dubois il était le seul docteur de Chicoutimi, c'était un métis sauvage. Lorsque Price apprend cela il écrit une lettre à Mc Claude lui disant qu'il allait faire revenir un médecin de Québec et il était certain qu'il allait reve-nir parce que ce médecin faisait revenir les morts, Mc Claude a cru Price puis le docteur est arrivé. Ce médecin arriva et le soigna si bien que dans 8 jours Mc Claude était dans la tombe. Une rumeur disait que Mc Claude n'était pas malade pour mourir mais les Price vou-laient s'en débarrasser, vous savez si Mc Claude aurait vécu plus long-temps les Price se seraient mangé. Quand M. Dubois a vu comment Mc Claude était soigné il lui dit tout de suite qu'il allait mourir, mais Mc Claude a pensé que Price voulait son bien en faisant venir un mé-decin étranger. Personne n'a regretté la mort de Mc Claude, parce que vous savez c'était un homme qui menait ses hommes à coup de pieds.

30 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoire de M. Philias Lavoie « Cayen », juillet 1934, no 44.

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Le matin de sa mort les matelots des bâtiments de Mc Claude avaient mis pavillon à mis-mât et se promenaient sur la rivière en chantant « Mc Claude était un bon bourgeois mais pas de monnaie ». Il a été enterré dans le cimetière protestant de la rivière-du-moulin. Tout de suite après sa mort les Price sont emparés de sa succession. Le père de Mc Claude vivait encore il était aux Terres-Rompues, le père ne s'oc-cupait pas beaucoup des affaires de son garçon, c'était son garçon qui lui avait donné sa terre »

[27]

Au pied de la côte Sainte-Anne. Maison de Jimmy Tremblay vers 1890. Au-jourd'hui c'est le pont Dubuc qui occupe cette espace. Photo : collection de l'au-teur.

Le cas de la mort de Mc Leod, en dépit de l'importance du person-nage, n'est pas le plus spectaculaire dans la vie professionnelle du Docteur Dubois. Dans le domaine de ses capacités médicales, deux opérations particulièrement frappantes, dépeintes par la tradition comme de véritables exploits, ont échappé à l'oubli. Le premier se re-trouve dans l'opération de François Morissette qui s'est fait arracher un bras au moulin de Mc Leod. Nous aurons l'occasion de vous entre-tenir de cet accident dans la biographie même de ce personnage

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presque légendaire dans tout le comté de Chicoutimi. Il y a eu aussi l'ablation d'une pierre, pratiquée sur un dénommé Charles Simard qui appartient, semble-t-il, au véritable prodige.

Charles Simard, un citoyen de Chicoutimi âgé d'environ 50 ans, souffrait horriblement de la pierre depuis bien des années. Un jour « il se rendit chez le Dr Dubois et le pria de procéder à l'opération. Assis-té seulement de M. Chamberland et avec des instruments bien peu propres, puisqu'ils avaient été confectionnés chez un forgeron de l'en-droit. M. le Dr Dubois, après un travail qui dura deux heures et trois quarts, est parvenu à extraire de la vessie du malheureux [28] Simard une pierre mesurant sept pouces sur sa plus petite circonférence, onze pouces sur la plus grande, et du poids de onze onces et demie ». 31 Le neveu du Docteur Dubois rapporte en plus que le médecin brisa un ou-til et dut suspendre l'opération pour courir à la forge le faire réparer. Cette pierre phénoménale fut offerte au musée de l'école de médecine de Laval, à titre de spécimen rare. 32

Sur le plan social, Cyrille Dubois s'implique en 1858 à la fondation de l'Institut des Artisans et Association de Bibliothèque de Chicoutimi et en devient directeur. On le retrouve président de la Commission Scolaire en 1858 et en 1859.

Au niveau de la politique, disons seulement qu'il s'y occupe active-ment d'abord en agissant comme maire suppléant, en juillet 1860. Cette attirance pour la politique, probablement issue de son désir d'ai-der ses concitoyens, serait même la raison de son départ de Chicouti-mi. Il est, semble-t-il, un irréductible adversaire des puissants de l'époque, des Price en particulier.

Le Docteur Dubois quitte Chicoutimi en 1866. Il amène avec lui ses vieux parents et il part peu après pour les États-Unis. En 1868 nous le retrouvons à Arthabaska (Victoriaville) où il fait baptiser son huitième enfant. Il termine sa vie à Groesbeck, Texas, apparemment aveugle et misérable.

31 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 1620, Pièce 2, pp. 6-7.32 Ibid., p. 7.

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François Morissette, père,un pionnier exceptionnel

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François Morissette est né à Saint-Henri de Lévis en 1844. Il était le fils de Louis Morissette qui avait épousé Marie-Louise Labonté, le 23 octobre 1831. Le père Louis vint s'installer à Chicoutimi en 1846 et déménagea en 1848 dans le canton Tremblay. Il s'établit avec sa fa-mille sur le lot 40, au 7e rang, près des terres du Docteur Dubois. C'est à partir de cet instant que l'endroit prend le nom de rang des Moris-sette. Accompagnent le fondateur, ses trois enfants vivants : Louis, époux d'Elisabeth Rens ; Marie, épouse d'Herménégilde Turcotte ; François, époux d'Artimise Girard.

Le rang 7 du canton Tremblay a été ouvert par le docteur Dubois, qui donna son nom au lac Docteur, et par Louis Morissette. Cette plaque commémorative en l'honneur de ces premiers colons date du début du siècle. Photo : collection de l'auteur.

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La renommée de François est due, dans une certaine mesure, à l'ac-cident qu'il a eu tout jeune, aux installations de Peter Mc Leod, à la Rivière-du-Moulin. Les circonstances entourant l'accident ne manquent pas de nous faire tressaillir à la seule pensée des faibles [29] moyens médicaux à la disposition du Docteur Dubois qui réussit mira-culeusement à lui sauver la vie. Laissons sa belle-fille, Lauretta De-chesne, nous raconter en ses mots, le tragique accident.

« François travaillait au moulin de Mc Leod, à la Rivière-du-Moulin. Ce que je dis là m'a été raconté par mon beau-père lui-même. Il était d'un naturel très curieux. Dans le bas du moulin où se trouvait la machinerie, il y avait des « shafts » [arbres de transmission] qui tournaient et des câbles. Un câble échiffé l'avait attiré. Voulant se balancer, il prit le câble qui s'en-roulla autour du « Shaft » qui lui prit le bras et l'arracha presque complète-ment. Le bras étant presque arraché, il a été nécessaire de lui faire couper par le Docteur Dubois qui était le docteur de Mc Leod. L'amputation pre-nait jusqu'à la hauteur du cou, ce qui veut dire que l'épaule fut complète-ment sectionnée. Cette [31] opération avait été effectuée « à fret », sans anasthésie. François attendait l'opération en fumant sa pipe et la seule chose qui se produisait était la perte momentanée de connaissance » 33

33 Fonds Russel Bouchard, Témoignage de Lauretta Dechesne-Morissette, le 6 septembre 1978.

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[30]

En haut au centre, François Morissette et Arthimise Girard, photographiés avec leurs enfants lors de la célébration de leur 50e anniversaire de mariage, le 16 juillet 1919. Les amateurs de généalogie pourront reconnaître de gauche à droite, rangée du haut ; Nil, François, Louise, Louis : deuxième rangée ; François et Ar-thimise : troisième rangée ; Diana, Alice, Hélène et Rose : dernière rangée en bas ; William et Joseph. Photo : collection de l'auteur.

François Morissette, fils de Louis, fut l'un des pionniers de Sainte-Anne. Sur la photo, nous pouvons remarquer facilement le bras arraché lors de l'accident au moulin à Peter Mc Leod. Photo : collection de l'auteur.

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À Ste-Anne, belle fête religieuse

C'est jeudi, le 17 courant [1901], à 11/2 heure après-midi, qu'aura lieu à Ste-Anne la bénédiction d'un superbe carillon destiné au nouveau clocher de l'église paroissiale.

Sa Grandeur Mgr Labrecque fera elle-même la bénédiction.

Un grand nombre de parrains et marraines de la paroisse et de l'étranger ont été invités à la cérémonie par M. le curé Lemieux.

On compte bien que les cloches pourront être installées dans le clocher immédiatement après la bénédiction.

Le vapeur « Marie-Louise » quittera le quai du gouvernement à midi et demi pour Ste-Anne, afin de permettre à nos concitoyens de se rendre à temps pour la cérémonie religieuse.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 10 octobre 1901.

Un autre témoignage nous dit qu'une partie du côté avait été arra-chée jusqu'à la ceinture : « les côtes étaient à nu et on voyait battre le cœur ». Nous ne savons pas par quel procédé le Docteur Dubois réus-sit à soigner cette terrible blessure.

L'événement contribue à forger sa personnalité. Il affiche un carac-tère violent à l'occasion et reste très peu communicatif, ceci en raison du complexe créé par son infirmité, ce qui de toute façon ne l'empêche nullement d'être charitable et fort aimable.

Après son accident, il arrête de travailler au moulin et épouse le 22 novembre 1869, en dépit de l'absence d'un bras, Artimise Girard, fille d'Isaï Girard de Saint-Fulgence. Marchant sur les pas de son père, il s'installe sur la terre paternelle (les lots 40-41 et 42 du rang 7) dans le rang des Morissette, à côté de celle de son frère Louis. C'est là qu'il passe toute sa vie et a au moins dix enfants qui lui succèdent après sa mort survenue à Sainte-Anne le 11 mai 1933.

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[32]Élever une si grande famille avec comme gagne-pain l'agriculture

et un seul bras pour travailler relève à toute fin pratique de l'exploit. Seules une volonté à toute épreuve, une détermination incroyable et une foi divine envers l'avenir peuvent expliquer un comportement aus-si courageux. Ses qualités caractérisent d'ailleurs la majorité de nos précurseurs. Imaginons-nous seulement de quelle façon cet homme réussit à défricher la terre avec une charrue tirée par un cheval, en exi-geant rien de Dieu et des hommes.

Un fiers-à-bras de Mc Leod :Michel Tremblay dit « le Gros Micho »

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À l'époque de la traite des fourrures, surtout vers la fin du mono-pole, le maintien de l'ordre et la garde du pays reposent sur quelques hommes forts. La Compagnie de la Baie d'Hudson possède ses « garde-côtes » qui, grâce à leur réputation et à leur hardiesse, réus-sissent à maintenir l'ordre parmi les Indiens et poursuivent les contre-bandiers. Cette façon d'opérer a été immédiatement adoptée lors de l'introduction des chantiers dans le Domaine du Roi. Certains de ces garde-côtes passent même au service de Mc Leod et des Price. Le comportement de ces audacieux bonhommes contribue à faire naître la tradition des « fiers-à-bras ».

Parmi ces as de la force vive, il y a les « boulés », aimant à faire la loi et recherchant volontiers la bataille. La tradition en cite plusieurs qui sont célèbres : les plus connus d'entre eux, James Alexander, Peter Mc Leod lui-même, Michel Simard le « Roi de l'Anse-au-Foin », Mi-chel Tremblay dit « le Gros Micho ».

Le dernier de cette liste est très connu de ses concitoyens car il est, semble-t-il, fort et robuste. Ce sont probablement ses grandes qualités physiques qui le poussent à travailler pour Peter Mc Leod, comme garde-côte. Selon la tradition orale, « Micho » est du groupe de fiers-à-bras de Mc Leod lorsqu'ils veulent chasser Michel Simard de l'Anse-aux-Foins.

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Ils sont venus une dizaine avec Mc Leod à leur tête, pour prendre l'Anse-au-Foin. Michel Tremblay est en avant. « Arrivés enface de Michel qui les menaçait du fusil, Micho dit à Mc Leod : arrête

[33]

Michel Tremblay dit « le Gros Micho », l'un des fiers-à-bras de Mc Leod. Il s'installa sur la terre longeant la rivière Michaud, nommée ainsi en son honneur. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, No 262.

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[34]un peu... Simard leur crie : si vous avancez encore un pas vous al-

lez voir ce qu'il vous faut. Mc Leod dit : avancez... Mais Michel Trem-blay qui était en avant, dit. Écoute Mc Leod ; moi je connais Michel ; j'ai été garde-côte avec lui. Ce qu'il dit il le fait... Avance si tu veux ; moi je ne risque rien. Alors ils sont tous retournés ». 34

Au temps de la Compagnie de la Baie d'Hudson, les garde-côtes qui travaillent toujours en groupes de trois, ont une mission particu-lière à effectuer. Michel Tremblay, pour sa part, fait partie du trio Mi-chel Simard et Marckom Deschêne qui doivent accueillir les « sau-vages » venant échanger leurs fourrures. Ces rencontres se terminent souvent par de rudes bagarres. Lorsque Micho abandonne le métier de garde-côte, il devient arrimeur de navires pour les Price.

Si nous nous référons au rapport de l'arpenteur Legendre, Michel Tremblay possédait déjà sa terre au canton Tremblay en 1843. Il compte parmi les premiers colons de Sainte-Anne. C'est à la suite d'un différend avec Mc Leod qu'il traverse la rivière pour s'installer défini-tivement à l'embouchure de la petite rivière Michaud, nommée ainsi en son honneur.

« Un jour McLeod arrive près de Michaud et lui dit : Michaud viens icite. Michaud le suivit dans un petit backestore qu'il y avait en arrière de chez eux. Il ferme la porte. Au bout d'un certain temps, inquiet de son père, un garçon de Michaud ouvrit un coin de la porte du backstore et que vit-il ? McLeod était couché sur le dos et Michaud qui était assis dessus, lui donnait la volée. Quand la bataille fut terminée, McLeod dit à Mi-chaud : Je te défends de parler de ça à personne ou je te tue. Alors Mi-chaud entre chez eux et dit à sa femme : On va être obligé de s'en aller, McLeod veut me tuer. Alors il prit son canot et avec sa famille, il vint s'ouvrir une terre à Ste-Anne le long de la rivière Michaud.

Deux ans après, McLeod le fit redemander ou plutôt ce fut les capi-taines des bâtiments qui étaient accoutumés à lui : car lorsqu'un bâtiment arrivait, le capitaine mettait une chaloupe à l'eau et venait chercher Mi-chaud à Ste-Anne pour arrimer leur bateau. Alors Michaud reprit son an-

34 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoire de M. Johnny Tremblay « Emilien », no 200.

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cien métier « arrimeur de bateau ». Sa famille resta quand même sur la terre. » 35

Sur le plan généalogique, l'abbé Alexandre Maltais nous dit que Michel Tremblay s'est marié à trois reprises. De sa première femme, une dénommée Saint-Onge, il a trois enfants : Michel à [35] Michaud, Pitre et Marie, qui épousa Alexis Tremblay « Kessi ». Après la mort de sa première femme, il épouse Aurélie Tremblay à Chicoutimi, le 15 novembre 1850. De ce second mariage, il n'a pas d'enfant. Finalement, il épouse, en troisièmes noces, Josepte Dufour qui lui donne six en-fants : Irène, épouse de Euchariste ; John, père de Philippe et de Sa-muel ; Emelie, épouse de Joseph Bouchard « Onésime » ; Delphis qui devient policier à Montréal ; Alfeda, épouse de Françis Mailloux, à Batiscan ; Nil qui part pour les États-Unis. 36

Michel Tremblay dit « le Gros Micho » est mort en 1892, à l'âge de 84 ans. Sa terre passe à la famille puis aboutit finalement aux mains de Rosario Morin qui se sert de l'emplacement pour monter sa scierie, à Chicoutimi-Nord.

Le mouvement de population au XIXe siècle

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Donc, à partir du ler août 1855, les deux cantons Simard et Harvey se détachent de Chicoutimi pour s'annexer à la municipalité du canton Tremblay. Il est très important de tenir compte de cet élément lorsque l'on aborde la question du mouvement de population. En effet, celle-ci reste comprise dans le recensement de la paroisse de Sainte-Anne jus-qu'au moment de former leur propre municipalité.

Il faut savoir aussi que les cantons Simard et Harvey ne devien-dront véritablement autonomes qu'au moment de leur érection en mu-nicipalité, le 26 décembre 1872. 37 Ainsi, lorsque le recensement du Canada fait état, en 1851, de 510 âmes, il est nécessaire d'y inclure la

35 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 143, Pièce 1.36 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 62, Pièce 4. Extrait d'une

lettre d'Alexandre Maltais, adressée à l'abbé Auger, le 18 mars 1935.

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population des cantons Harvey et Simard. Il faut calculer de la même façon pour le recensement de 1858 avec ses 480 habitants et pour ce-lui de 1861, avec ses 815 habitants.

Évolution de la population 38

1851 510 habitants 1874 1469 habitants1858 480 habitants 1875 1586 habitants1861 815 habitants 1880 1260 habitants1871 1007 habitants 1887 1415 habitants1872 1142 habitants 1896 1900 habitants1873 1469 habitants

[36]Un enquêteur du gouvernement, Stanislas Drapeau, fait en 1863,

un rapport sur Chicoutimi et les environs. Voici ce qu'il dit du canton Tremblay. « Ce canton qui renferme dix rangs de terre, toutes arpen-tées, se trouve dans la nouvelle paroisse de Ste-Anne. Le chiffre de la population de Ste-Anne s'élève à 500 habitants, tous canadiens-fran-çais, à l'exception de 31 personnes ». 39 Quant au canton Simard, Dra-peau précise que la population s'élève à 198 habitants, moins 17 per-sonnes, lesquels possèdent 1106 acres de terre défrichée.

À ce moment dans ces deux cantons, la colonisation progresse considérablement et la « population s'est accrue des deux tiers durant ces dernières années. C'est dans le canton Tremblay que se trouve établis une partie des colons de Beauport amenés par leur curé, l'ab-bé Grégoire Tremblay ». 40

37 Voir à ce sujet C.E. Deschamps, Municipalités et paroisses dans la pro-vince de Québec, Québec, Imprimerie Léger Brousseau, 1896, pp. 110- 112, 155.

38 Ces chiffres sont tirés des recensements du Canada pour les années 1851, 1861, 1871. Pour les autres années ils proviennent des recensements parois-siaux effectués par les curés.

39 Relevé pris à partir des archives de la paroisse de Ste-Anne, Cote 1.19.A (pagination personnelle 123).

40 Ibid.

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Lors du recensement de 1871, les chiffres ne tiennent plus compte des deux cantons Simard et Harvey. Malgré cette ablation importante de territoire, Sainte-Anne compte à ce moment 1007 habitants. En chiffre réel, la paroisse a doublé sa population en l'espace de dix ans.

Le rapport annuel du curé Delage mentionne pour 1870, 114 fa-milles d'environ 7 enfants chacune. On dit aussi qu'il y a eu au cours de la seule année 1870, 40 baptêmes, sans compter les 10 ou 12 autres pratiqués à Chicoutimi pendant la mission des chantiers. Autres chiffres révélateurs, il y a eu 12 mariages, 27 nouvelles 41 familles ar-rivées contre un départ pour les États-Unis. 41

La population, qui atteint 1586 habitants en 1875, baisse à 1260 en 1880. Cette diminution tragique est en partie causée par le fait que plusieurs familles de Sainte-Anne quittent la paroisse et s'en vont chercher fortune aux États-Unis. 42 Il faudra attendre au moins une dé-cennie pour que la montée démographique reprenne son souffle.

En effet, à l'automne 1890, la colonisation du nord du Saguenay offre un vaste champ de colonisation. On jette les yeux sur tout ce qui peut être cultivable. Au cours du mois de septembre de cette même année, un certain nombre de vieux cultivateurs de Saint-Alphonse et de Sainte-Anne prennent des lots dans les rangs reculés [37] et dé-butent activement les travaux de défrichement. 43 À cette époque, l'on peut remarquer que l'immigration des Canadiens français vers les États-Unis est nettement en recul.

L'origine des colons

Le curé Jean-Baptiste Gagnon parle, en 1859, d'une population de 503 âmes qu'il a lui-même recensée. De ce nombre on retrouve 85 chefs de familles. En tout et partout, 35 proviennent de La Malbaie, 9 de Baie-Saint-Paul et 7 des Éboulements, de Charlevoix. Pour le reste, ces familles originent des paroisses de la Côte Sud et des environs de Québec. 44

41 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 42, Pièce 23.42 Le Nouvelliste, 25 mai 1880.43 Le Progrès du Saguenay, « La Colonisation », 18 sept. 1890.

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Lieux d'origines des colons selon le curé Gagnon 45

Les Éboulements de Charlevoix : Léandre Tremblay, Jean Tremblay, Thomas Tremblay, Philibert Tremblay, Grégoire Jean, Isaïe Girard, Georges Gauthier.

Baie Saint-Paul : Louis Jacques, Joseph Lavoie, Ferdinand Fillion, Hy-polite Laforge, Napoléon Laforge, Joseph Tremblay « Coulombe », Élisée Guay et Abel Guay.

La Malbaie : Léandre Girard, Louis Bouchard, Jean Lachance, Jérémie Marier, Thimothé Gaudreau, Joseph Blackburn, Antoine Fortin, Auguste Dufour « Sourd-Muet », Étienne Duval, Edmond Tremblay, Renald Trem-blay, Rémi Godreau, Émilien Tremblay, Louis Tremblay, Théophile Ga-gnon, Luc Tremblay, Thomas Tremblay, Alfred Renald, Pierre Boulianne, Alexis Tremblay, Joseph Tremblay, Joseph Tremblay, Joseph Gagnon, François Gagnon, Thadée Gagnon, Ambroise Ga- non, Flavien Bouchard, Napoléon Toussaint, Jules Tremblay, Emilien Duchesne, Augustin Black-burn, Clet Blackburn, Pierre Brisson, Thomas Savard et Michel Tremblay.

Les autres sont des différentes paroisses de la Côte Sud et des environs de Québec.

Nous pouvons facilement comparer ces chiffres avec ceux publiés dans le Courrier du Canada, le 31 mai 1869. Sur un total de 123 fa-milles, 38 proviennent de Baie Saint-Paul, 29 de La Malbaie, 21 des Éboulements et Saint-Hilarion, et 1 de la Petite Rivière Saint-Fran-çois. [38] Pour le reste, 19 proviennent de la Côte Sud et 15 des envi-rons de Portneuf. 46

44 Archives de la paroisse de Ste-Anne, 1.1#.a, « Rapport du curé J. B. Ga-gnon, 28 oct. 1858 » (pagination personnelle 216).

45 Ibid.46 Varia Saguenayensia, Vol. 1, p. 36.

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Visite et rapportde l'arpenteur Tremblay, 1885

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Depuis les visites des arpenteurs Legendre, en 1844, et Fournier, en 1852 et 1853, le réajustement de l'arpentage des terres occupées après la création de la Municipalité devient la responsabilité de L.O. Tremblay qui s'y attarde en 1882-1883 et 1885.

Le rapport qu'il signe le 15 mai 1885, et dépose au Parlement de la Province de Québec cette même année, communique un résultat plein de promesses pour l'avenir du canton. À la lecture de ses remarques on ne peut que constater la justesse de son témoignage, particulière-ment en ce qui a trait aux richesses naturelles exploitables.

C'est à l'extrémité nord du canton Tremblay que l'arpenteur s'af-faire à cadastrer. Ce sont plus exactement les lots renversés des rangs 9 du canton Simard, 10 du canton Tremblay et le premier rang de Fa-lardeau ; en fait tout ce qui touche et s'étend autour des lacs Charles et Clair. Dans son texte nous apprenons que la formation du sol est parti-culièrement argileuse et que la forêt est composée d'épinettes noires et d'épinettes rouges. Les secteurs des terres propres à la culture y sont mentionnés et il fait état également de la présence des carrières de pierre à chaux « qui couvre plusieurs lots ».

« En parcourant ces lieux, on ne saurait s'empêcher d'en reconnaître la richesse forestière ; les souches, les tronçons et les débris les arbres jon-chés çà et là sont autant de témoins pour l'attester. À l'apparence de vétus-té de ces débris enveloppés de mousse juxtaposée de couches de divers âges, on peut facilement se convaincre que ces forêts sont exploitées de-puis au-delà de trente ans. Cette année encore, il a été coupé au delà de quinze mille billots dans cet endroit. Je puis vous dire que j'ai mesuré des cèdres de quarante huit pouces de diamètre à la souche ». 47

[39]

47 Description des cantons arpentés et des territoires explorés de la province de Québec, Québec, 1889, pp. 192-193.

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La fondation du premier magasin général

5 juin 1871Société entre M. Marcel Côtéet M. Cléophe Brassard

Par devant maître Ovide Bossé, notaire publie dans et pour la Province de Québec, soussigné résidant à Chicoutimi.

Sont comparus Monsieur Marcel Côté, marchand demeurant en le Township de Tremblay sur le Comté de Chicoutimi d'une part ; et Monsieur Cléophe Brassard demeurant en le même Township de Tremblay d'autre part :

Lesquels sont convenus (...) de former et établir entre eux une société de commerce sur les bases et aux conditions qui suivent ; savoir :

le Il y aura et existera entre les dits Marcel Côté et Cléophe Brassard une société commerciale aux fins de faire le commerce de marchandises sèches, épiceries, quincailleries et autres effets et articles de commerce, laquelle so-ciété aura le siège de ses affaires dans le dit Township de Tremblay et elle fera et conduira ses affaires sous le nom et raison de Marcel Côté et Cie.

2e Cette société est ainsi contractée pour les temps et espace de trois an-nées entières et consécutives qui seront finies et révolues à pareille date de l'année mil huit cent soixante et quatorze mais il est bien et expressément convenu que l'un ou l'autre des dits deux associés pourra demander d'obtenir la dissolution de la présente société après trois mois et avis donné par écrit par ou de la part de celui qui demandera la dissolution à son co-associé.

3e Les affaires de la société seront gérées et administrées par le dit Mar-cel Côté comme associé principal et dans la maison, bâtisses et dépendances lui appartenant et dans lesquelles le dit commerce se fait actuellement dans le susdit Township de Tremblay étant sans exiger aucune considération et rémunération de la dite société pour le loyer des bâtisses ;

4e En considération de l'obligation que contracte le dit Marcel Côté de

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dévouer tout son temps, ses talents et son énergie à gérer et administrer les affaires de la dite société, il aura droit d'avoir et la dite société sera tenue de lui payer annuellement une somme de deux cents piastres mais dans le cas ou lors de la dissolution de la dite société, cette dernière ne pourrait payer cette somme après avoir payé les créanciers et remboursé la mise de chaque associé il est convenu et compris que le dit Marcel Côté ne pourra rien récla-mer de son coassocié personnellement.

[40]

5e Tous les ans dans le mois d'avril le dit Marcel Côté sera tenu de faire un inventaire fidèle et exacte des affaires de la dite société qu'il soumettra a son co-associé et conservera parmi ses livres et pièces justificatrices, et le dit Cléophe Brassard pourra prendre les mesures nécessaires pour vérifier l'exactitude du dit inventaire annuel.

6e La mise dans les fonds de la dite société par les dits deux associés consistent le- en la somme de neuf cent quarante six piastres par le dit Mar-cel Côté, somme à laquelle il avait droit dans les fonds de la ci-devant socié-té de Marcel Côté ci-dissoute par acte de ce jour, devant le notaire sous si-gné et en tous les profits et bénéfices et augmentation de la dite ci-devant société jusqu'à ce jour et 2e- en une somme de huit cents piastres déposée dans les fonds de la société par le dit Cléophe Brassard et en tous les profits, avantages et augmentations lui revenant des biens de la ci-devant société de Marcel Côté dissoute ce jour comme sus dit, et le dit Cléophe Brassard pour compléter sa mise dans les fonds de la dite société cède, abandonne et trans-porte à la société contractée par le présent acte une somme de cent soixante piastres à lui due par le Sieur Jean-Baptiste Côté, journalier demeurant en le dit Township de Tremblay par et en vertu d'un acte de vente passé devant maître Th. Z. Cloutier, notaire, le vingt neuvième jours d'avril dernier. Pour la dite société retirer et recevoir la dite somme aux termes et époques ou elle deviendra due avec l'intérêt échu et a échoir sur icelle, le cédant mettant et subrogeant la présente société en tous ses droits, privilèges et hypothèques.

7e Les dits deux associés déclarent mettre et placer dans les fonds de la dite société tous les biens mobiliers et immobiliers, dettes actives, billets, comptes et obligations qui leur ont été cédés et transportés par Mr Nérée Gravel par acte de ce jour passé devant le notaire soussigné et comportant dissolution de la société contractée entre les présents associés et Onésome Gravel, le vingt-cinq août mil huit cent soixante et huit.

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8e La présente société sera tenue et obligée de payer et acquitter toutes les dettes passives de la dite ci-devant société, dissoute ce jour et à remplir toutes les promesses, obligations et tous les engagements de la dite ci-devant société.

9e À la dissolution de la présente société les biens, dettes, marchandises, fonds de commerce composant l'actif de la société seront divisés et partagés entre les deux dits associés par moitié, et les dettes passives, pertes frais de gestion seront payés dans la même proportion mais avant tel partage les dettes légitimes seront acquittées et chaque associé prendra et retirera sa mise.

Et par les mêmes présentes le dit Cléophe Brassard cède, abandonne et transporte à la présente société un emplacement situé dans et sur le lot nu-méro huit du premier rang Ouest du Townsip de Tremblay, [41] contenant un demi-arpent de fond sur un arpent de profondeur et à prendre joignant le lot numéro neuf, borné par devant au chemin de front actuel, par derrière vers le sud au vendeur, par le côté nord ouest à John Guay, et par le côté sud est au vendeur avec bâtisses dessus construites circonstances. Cette cession est faite moyennant le prix de soixante et quatorze piastres courant que le cédant reconnaît avoir eu et reçu de la dite société et lui en donne quittance générale et finale

Fait et passé à Chicoutimi en l'étude du dit notaire soussigné, le cin-quième jour du mois de mai[sic] de l'année mil huit cent soixante et onze sous le numéro trois mille cinq cent soixante et onze ; et avec les dites par-ties signé lecture faite...

Marcel Côté

Cléophe Brassard

O. Bossé

A.N.Q.C., Greffe du notaire Ovide Bossé, 5 juin 1871.

[42]

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[43]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.Première partie :

Le Canton Tremblay, 1848-1893

Chapitre 2Les premières routes tracent la voie

à la colonisation

Caractère de l’isolement

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La situation géographique du canton Tremblay et, plus tard, du vil-lage de Sainte-Anne a été très particulière. Dès le début, l'isolement caractérise l'endroit. Paradoxalement, la situation est avantageuse car la rivière Saguenay, même si elle constitue une barrière naturelle qu'il faut obligatoirement considérer, peut s'offrir comme un véhicule mo-teur à son épanouissement socio-économique.

Peut-être plus que tout autre localité de cette grande Région, Sainte-Anne devra rapidement s'adapter à l'isolement. Dès le début, il faudra structurer un développement à longue échéance en ce qui concerne les voies de communication. Le Saguenay, en certaines pé-riodes de l'année, élimine toutes chances de communications entre Sainte-Anne et Chicoutimi ; les deux localités sont à la fois proches et éloignées. Entre la prise des glaces et l'arrêt du traversier, on se devine et on se voit de part et d'autre, mais il est impossible de se toucher. De la traverse en petite chaloupe à la fin de la traverse en bateau, il y a

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près d'un siècle et cela suffit pour marquer et particulariser les habi-tants, leurs us et leurs coutumes. Les ponts de Sainte-Anne et de Du-buc qui viennent souder la permanence des contacts avec Chicoutimi ne réussissent pas à effacer les traits distinctifs de ces « demi-cita-dins » bien campés dans le côté nord.

À partir du moment où le Saguenay sera, pour ainsi dire civilisé, et même dès le début de l'enracinement de la population, il est capital d'élargir les horizons. Sainte-Anne est vouée à devenir la plaque tour-nante pour tout le versant nord de la rivière.

[44]À l'ouest, le lac Saint-Jean renferme un bassin de terres cultivables

important et l'on s'empresse de se lancer à l'assaut. Il faut vaincre, si-non les distances du moins la séparation terrestre qui rend ces terri-toires difficilement accessibles. Il importe de dépasser la coutume des temps immémoriaux, époque où Indiens et coureurs de bois utilisaient la rivière Chicoutimi via le lac Kénogami pour se rendre à cette mer intérieure. Bien des colons de Sainte-Anne deviendront colons du lac Saint-Jean, et les liens étroits qui continuent d'exister entre tous ces pionniers sont vitaux. Les routes terrestres cimenteront justement cette interdépendance.

À l'est, c'est le besoin de joindre la Côte Nord du Saint-Laurent par voie terrestre qu'il faut à tout prix combler. La construction de la route Sainte-Anne-Tadoussac marque à son tour l'esprit populaire. Le défi est énorme pour une époque qui ne profite pas encore des bienfaits du modernisme. L'objectif vise à défoncer un paysage jusque là hostile et impénétrable, pour étendre ses rapports avec l'une des régions québé-coises les plus difficiles d'accès.

La réalisation de chacune de ces deux tentacules routières qui s'étendent tout le long du Saguenay nécessitera la collaboration de toute une société. Étape par étape, du début de l'organisation de la « Traverse de Sainte-Anne » au milieu du XIXe siècle jusqu'à l'ouver-ture de la route Sainte-Anne-Tadoussac en 1966, chacune des réalisa-tions constitue plus que de la « petite histoire ». Le temps énorme qu'il a fallu y consacrer, le caractère singulier de la main d'œuvre qui y a travaillé et les problèmes physiques insurmontables ont été à eux seuls assez importants pour caractériser la population de Chicoutimi-Nord. Il suffit de relire le principal journal de l'époque, le Progrès du Sague-

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nay, pour évaluer à travers le temps et à sa juste mesure l'importance capitale des voies de communication qui forment aujourd'hui une par-tie du réseau national.

Le premier chemin entre Sainte-Anneet l'Anse-aux-Foins

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Les petits îlots qui prennent forme dans chaque endroit stratégique des cantons Simard, Tremblay et Harvey, dès leur implantation, se sé-parent les uns des autres par la forêt épaisse, les collines abruptes et les rivières. Abandonné à leur propre sort, sans aide gouvernementale et sans organisation municipale, il faut attendre l'avènement de la pro-clamation officielle du canton Tremblay pour amorcer l'élaboration d'une vraie structure routière. N'oublions pas que c'est uniquement à partir de 1848 que le canton Tremblay existe [45] officiellement. Avant cette reconnaissance, chaque résident ne possède aucun titre de propriété et ne peut légalement organiser la vie communautaire.

Au XIXe siècle la rive nord du Saguenay, entre les caps Saint-Fran-çois et Saint-Joseph, est en pente douce et une belle plage de sable fin sépare sur une distance d'environ 500 pieds, les terres cultivables de la rivière. Avantagée par ce terrain approprié, la première ébauche de chemin qui permet de se déplacer à l'intérieur du canton, emprunte justement ce parcours facile.

Au cours de ces premières années on ne profite d'aucune organisa-tion municipale et les colons sont obligés de se fier à des initiatives personnelles. Il importe à tout prix de régler l'épineux problème des communications entre les voisins de l'Est. Justement à cette fin, un acte d'accord est signé entre les habitants des cantons Tremblay et Harvey, devant le notaire John Chaperon, le 11 octobre 1848. Pour le canton Tremblay les parties contractantes sont : Prudent Potvin, Mar-cel Tremblay, Clet Duchesne, Eugène Lemieux, Toussaint Bouchard, Célestin Simard, Edmond Lemieux, Augustin Gaudreault et Jean-Bap-tiste Gagnon, curé de Chicoutimi. Les signataires pour le canton Har-vey sont : Michel Simard, Léon Savard, Louis Savard, Ignace Trem-

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blay, Frédéric Duchesne, René Rhéaume, Nicolas Étienne, Nicolas François, Eugère Tremblay, François Jean et Paul Bouchard.

L'unique but de cette action communautaire vise l'ouverture des chemins pour vaquer aux affaires quotidiennes et surtout pour pouvoir se rendre sans difficulté au moulin à farine de Toussaint Bouchard, à l'embouchure de la rivière Caribou. Tous ces gens forment un petit conseil, sans maire ni conseillers et nomment uniquement quelques responsables des travaux. Michel Simard est nommé inspecteur et Au-gustin Graudreault avec Eugère Tremblay pour leur part reçoivent le titre de sous-voyers. On soumet le tout aux règlements usités dans les campagnes et à la loi des « Chemins du Canada ». L'acte est passé et signé dans la maison de Louis Savard, à l'Anse-aux-Foins. 48

À la suite de la formation du Conseil de la « Municipalité No 2 du Comté Saguenay », en 1850, la première question à débattre est celle des chemins. Dès la première séance régulière de ce conseil, on pré-sente une requête au nom des colons des trois cantons pour

48 A.N.Q.C., Notaire John Chaperon, acte du 11 octobre 1848.

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[46]

Copie d'une carte originale qui montre très bien l'importance du réseau routier du canton Tremblay, en 1892.

1- Chemin public qui deviendra la rue Roussel. 2- De Sainte-Anne à Saint-Fulgence. 3- Route Sainte-Marie. 4- Route du « Petit Trois ». 5- Route des Terres-Rompues. 6- Route Tremblay

[47]ouvrir et construire les chemins suivants : 1. un chemin de front sur le premier rang ; 2. un chemin de front entre le premier et le deuxième rang ; 3. une route reliant les deux chemins de front. Un pont est fina-lement construit sur la rivière Caribou sous la surveillance de Am-broise Gagnon.

Enfin, les gens font leur possible, à la mesure de leurs faibles moyens. La réfection et l'amélioration du chemin seront poursuivies par le « Conseil Municipal de la Municipalité No 2 du comté Sague-nay », cinq années plus tard. En effet, le 13 décembre 1853, le dit Conseil se réunit à Grande-Baie et vote un règlement « qui ordonne, fixe et règle l'ouverture, confection et l'entretien d'un chemin de front dans le canton Tremblay de Harvey sur requête de M. Eucher Trem-blay et autres ». Les cantons Harvey et Tremblay souffrent énormé-

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ment du manque de voies de communication. Dans le but de rendre justice à la population en général, il est statué que le chemin de front suivra cet itinéraire :

**     *

« Partant sur la terre de M. Michel Simard au bout du chemin déjà ho-mologué dans le canton Tremblay, il montera une côte considérable sui-vant l'ancien chemin et passant entre le chemin de la chapelle et celui de Louis Savard un pont qui devra être public pour l'entretien étant déjà fait à frais public, rendu à la maison de Rhéaume par le sud, il laissera alors l'an-cien chemin et suivra par su vase, le plus près possible jusqu'à la rivière du fleuve en traversant les terrains de ( ... ) de Carrier Nepton et part de celui ou en passant près d'une petite grange au pied de la côte, il montera la dite côte en côtoyant jusqu'à l'ancien chemin jusqu'à la maison de Jacques St-Gelais passant par le nord et divisant environ deux perches à droite pour traverser un ruisseau, reprendra ensuite l'ancien chemin et le suivra jusqu'à la terre de Joseph Desgagné » 49

**     *

Les parties intéressées s'obligent en plus de faire un pont devant la chapelle et de l'entretenir. Chacun se doit d'ouvrir sa part de chemin de 36 pieds de largeur à maints endroits. Les frais encourus sont à la charge des propriétaires et occupants de terre obligés aux travaux.

**     *

« Que ce dit chemin sera fait, entretenu et balisé par les propriétaires possesseurs et occupants de terre sur lesquelles est tracé et fixé le dit [48] chemin et par ceux qui seront en possession de terrain de chaque côté, le tout de manière qu'il soit passable en voiture d'hiver pour l'hiver 1853 et 54 sur une largeur de 12 pieds et le reste sera fait dans le cours et espace de 3 ans à compter de la date du présent règlement, les travaux commence-ront chaque année le ler juillet et devront être parachevés le ler de nov. sui-vant.

49 Archives de la Municipalité du Canton Tremblay, Livre des règlements du Canton Tremblay, 1848-1893, vol. II, p. 170.

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Que tous les ponts sur le dit chemin concédant 18 pieds de l'ambord seront à la charge du public ceux qui seront construits sur ses ruisseaux ri-vières seront construits assez haut et long pour donner un libre cours aux eaux du printemps et d'automne ceux qui seront nécessaires sur des coulés seront rehaussés et les côtes aplanis autant que possible et là où il sera jugé nécessaire le dit chemin sera ponté de pieux sous lesquels ponts et pon-tages seront couverts de terre, là où ils seront pavés en bois suivant qu'il sera jugé nécessaire par le dit inspecteur... 50

Les chemins Price et Tremblay

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Une fois érigé en municipalité, le canton Tremblay se prévaut des nombreux avantages et privilèges accordés aux municipalités de can-ton et entre dans une nouvelle ère de développement. La valeur de la propriété foncière n'est-elle pas estimée à $72,110. Le canton Simard de son côté renferme un noyau de population de 198 habitants, les-quels possèdent 1,106 acres de terre défrichée.

Un rapport présenté à la session du parlement des Deux Canadas, en 1862, par le ministre des Travaux publics, renseigne très bien sur la situation des chemins. Les indications qui y figurent sont dues à l'obli-geance de David E. Price, un des illustres pionniers de Chicoutimi et de Sainte-Anne. Selon lui, la principale cause du retard apporté à la colonisation des terres reste le manque de chemins et de ponts qui ai-deraient grandement à conduire les colons aux terres disponibles. Les établissements sont disséminés à travers le comté et les colons qui réussissent à se rendre au Lac Saint-Jean n'ont pour y aller que des voies difficiles.

Du côté de Chicoutimi, les « habitants » désireux de monter au Lac se voient contraints d'emprunter la rivière Cascouia - à partir du lac Kénogami - et Koushpaganish qui traverse le village de Saint-Jé-rôme. 51

[49]50 Ibid.51 Saguenayensia, novembre-décembre 1965, pp. 135-138, « Au Saguenay à

l'automne de 1861 ».

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Du côté nord du Saguenay, les cantons Simard et Tremblay attirent facilement les colons. De l'avis de Price, ces deux cantons forment la plus belle étendue de terre du Saguenay mais les colons ne peuvent s'y fixer en raison du manque de chemins. « Aussitôt qu'il a été décidé que le chemin que, dans votre rapport, il vous a plu appeler « LE CHEMIN PRICE » passerait par le centre de ces townships, et dès que la route pour communiquer du Saguenay avec

Les types de voitures à chevaux

La « grand-slée » : Deux larges patins bas unis ensemble par deux blocs de bois fixés par des ferrures et par une barre plate à l'avant pour y attacher les menoires.

La « slée de portage » : Plate-forme ou large boîte posée sur des patins hauts à charpente avec longue courbe à l'avant.

La « slée à l'eau » : Faite comme la grand-slée mais plus courte, ses deux blocs à distance mesurée pour porter une tonne et munis de cavées taillées en courbe pour y insérer les bouts de la tonne.

Le traîneau à provisions : Sur patins étroits et faits chacun d'une seule planche, un fond lisse du dessous et cloué à des traverses (4 ou 5), avec une planche haute de chaque côté, au-dessus des patins, pour servir de paroi ; souvent un siège placé sur des planches des côtés.

Le traîneau à barreaux : Simple traîneau muni de bâtons enlevables fi-chés dans une série de trous percés dans le patin de chaque côté, des « am-bincs » pour lier ensemble le haut des bâtons vis-à-vis l'un de l'autre. On dit aussi : traîneau à bâtons.

Le traîneau à chien : Ce n'est pas tout à fait le cométic, mais il y res-semble, avec deux patins minces munis de lisses larges en bois ou en feuillard et réunis par une série de barreaux fichés dans le haut, ou par des traverses fichées dans des mortaises.

La carriole simple. À un seul siège rembourré, avec un petit siège plus élevé pour le charretier.

La carriole double : À deux sièges se faisant face et un petit siège addi-tionnel pour le conducteur.

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Le « tandem » : Carriole avec attelage de deux chevaux placée l'un de-vant l'autre.

A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 1766, Pièce 11.

[50]le chemin principal a été commencée, les colons s'y sont portés en foule et la conséquence a été la formation de la nouvelle paroisse de Sainte-Anne ». 52 Au cours de l'automne 1861, le chemin Price aidant, des colons originaires de Beauport, prennent possession d'une cin-quantaine de lots et ceci ne constitue que le début de l'occupation en profondeur du territoire.

D'autre part, selon le rapport de Stanislas Drapeau, voici comment en 1863 se dessine le tracé des chemins du côté ouest du canton Trem-blay : « Deux belles routes traversent ce canton. La route Tremblay et le chemin Price. La 1ère part de la rivière Saguenay, monte dans la ligne qui sépare les deux cantons Tremblay et Simard et va aboutir au dernier rang de ces deux cantons. Cette route passe à travers un ter-rain très uni, sans y rencontrer de roches nuisibles à la culture. Le sol est de qualité supérieure dit M. Ambroise Gagnon, le conducteur des travaux de chemin ». Quant au chemin Price, il longe le fronteau du canton Tremblay entre le sixième et septième rang et conduit au can-ton Simard. Le sol traversé par ce chemin est d'excellente qualité et bien boisé. 53

Même si la loi créant la municipalité du canton Tremblay ouvre des possibilités et accorde des privilèges, elle crée du même coup des obligations nouvelles. L'imposition de taxes est naturellement mal vue par quelques contribuables et certains refusent de payer. Les procès-verbaux de la municipalité démontrent effectivement qu'il y a des ré-calcitrants mais les lois sont appliquées. Un fait cocasse justement à ce propos est détaillé dans les minutes du 4 juillet 1857. On autorise 52 Archives de la paroisse de Sainte-Anne, 1. 19a à 1. 19e. Pagination per-

sonnelle 123.53 Archives de la paroisse de Sainte-Anne, 1. 19a à 1. 19e. Pagination per-

sonnelle 123.

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l'engagement des hommes nécessaires « pour obliger Peter Mc Leod père, résident de Terre-Rompue, à payer sa cotisation, à moins que ce dernier consente de bonne volonté à laisser vendre les effets qui sont maintenant sous saisie ». 54 L'histoire ne précise pas si ce procédé drastique fut suivi à la lettre.

Le chemin Price, à ses débuts, ne traversait qu'une partie des rangs six et sept du canton Tremblay. Le six août 1866, la municipalité convient d'ouvrir une seconde partie de cette route, à partir du lot 44 du rang sept (partie sud) jusqu'au lot 36, afin de joindre la « route du Docteur Dubois » et traverser ainsi presque complètement le canton d'est en ouest. 55 Selon toutes ces données, le tracé [51] d'une partie de ce chemin et son prolongement forment aujourd'hui la « ROUTE MO-RISSETTE ».

Le chemin Archambault

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C'est le 9 février 1869 qu'une requête, signée par le préfet du comté de Chicoutimi, David E. Price, et par les maires des six localités du bas Saguenay, demande les cinq chemins les plus nécessaires aux co-lons. Entre autres, le chemin Bourget partant de la paroisse de Sainte-Anne jusqu'au lac Saint-Jean. Encore une fois, les raisons évoquées sont toujours les mêmes. L'absence de voie de communication se ré-vèle comme l'un des grands obstacles qui paralysent le développement de ce côté du lac Saint-Jean. 56

Les premiers colons qui partent de Sainte-Anne, faute de chemins carossables, transportent leurs effets et provisions sur leurs dos. 57 Ils suivent la route jusqu'à Saint-Charles où vivent déjà quelques fa-milles. De là jusqu'à Saint-Coeur-de-Marie, on suit péniblement un

54 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, sans date ni signature, Dossier 42, Pièce 6.

55 Archives de la Municipalité du Canton Tremblay, op. cit., pp. 142 à 146.56 Mgr Victor Tremblay, Alma au lac Saint-Jean, La Société Historique du

Saguenay, no 18, Alma, 1967, p. 73.57 Le Progrès du Saguenay, « Le chemin de colonisation Archambault », 27

octobre 1887.

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« chemin de lièvre » qui serpente à travers la forêt. Avec le temps ce sentier devient plus ou moins carossable. 58 C'est ce chemin que les co-lons appelèrent au début le « Chemin Archambault ».

En dépit de requêtes incessantes, le gouvernement tarde à réaliser cette voie de pénétration. Le premier mémoire concret demandant la liaison du côté nord du Saguenay jusqu'au lac Saint-Jean est publié dans un journal de Chicoutimi, le SAGUENAY, le 24 octobre 1882. En raison de la pertinence de ces informations, nous en reproduisons ici la partie portant directement sur le sujet. 59

« La seule voie suivie jusqu'à présent pour se rendre à Alma n'est pas la plus courte ni la plus facile, tant s'en faut. Cette route, partant de Chi-coutimi, donne une distance de quinze lieues, et cette distance est encore de quelques lieues plus longue si l'on passe par le chemin du Portage des Roches. Il serait facile cependant de se rendre à Alma par une autre voie meilleure et plus courte de six lieues. Nous nous expliquons.

58 Paul Tremblay, Les arrivants à Mistouk, 1882, Éditions du Centenaire, 1982, p. 559.

59 Saguenay, 24 octobre 1882.

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[52]

La fabrication artisanale des tinettes à Sainte-Anne

J'ai [Émile Simard] vu le grand-père Félix travailler à faire des tinettes, des cuves, des demi-minots, etc.

Il se servait de bois de pin, pris à même des troncs morts ; cela parce que ce bois, mort depuis longtemps garde sa forme et ne « travaille » pas comme du bois vert ; il s'en taillait des « cartelles » - du beau pin jaune bien mort. Il fendait cela au moyen d'un couteau comme celui dont on se sert pour faire du bardeau. C'est avec ces éclats qu'il faisait les « douelles » (douves).

Une corroyait les douves au moyen d'une plène (plane) à main, en se ser-vant d'un « chien » pour les tenir. - Le « chien qu'on voit encore sur les en-trais du hangar est un banc long d'environ 5 pieds ; l'un des bouts est percé d'un trou carré dans lequel passe la « brinbale » du « chien » proprement dit. Cette dernière pièce, taillée dans une racine de souche, est recourbée et se ter-mine en haut par une lèvre qui s'appuie sur le bout de la douve ; le bout infé-rieur, qui descend jusque près du sol, est traversé par un bâton dépassant de chaque côté de manière à offrir un appui aux deux pieds de l'opérateur ; elle oscille autour d'une cheville de fer passant dans la planche du banc et cette brinbale. Vers le milieu du banc, à l'endroit où la lèvre du « chien » peut s'ap-puyer, est aménagé un petit « nez » en plan incliné. - L'ouvrier prend une pièce (une cartelle), la place sur ce plan incliné et presse sur son bout la lèvre du « chien » en poussant sur le bout inférieur de la brimbale. Assis sur le bout libre du banc, il est en bonne position pour tenir ainsi sa pièce et pour l'amincir à volonté au moyen d'une plane à mains.

1- Siège de l'ouvrier2- Tremplin ou « nez »3- Lèvre du chien4- Cheville5- Traverse où passent les pieds

Une fois les cartelles corroyées à bonne épaisseur, il les creusait sur une face en se servant d'un couteau spécial ; le couteau était fait comme un cercle, d'environ quatre pouces de diamètre, dont l'acier était tranchant du bord, fixé à un manche droit soudé à un des points du cercle. Il s'en servait. à peu près comme il se servait de la plane, sur le « chien ». Le côté extérieur était légèrement arrondi à la varlope.

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Les douves ainsi faites, il fallait en déligner les bords avec exactitude pour qu'elles s'ajustent les unes à côté des autres. Les côtés [53] des douves étaient redressés en ajustés au moyen d'un « paroir ». Ce paroir est une longue galère de 4 1/2 pieds par environ 4 pouces de large, renversée et fixée sur quatre pattes de banc. En tenant la douve appuyée contre un bloc qui lui donnait l'inclination requise, on la glissait sur le paroir comme on rabote ; le bord était ainsi préparé à s'ajuster exactement contre les autres douves égale-ment « parées ».

Le fini se donnait une fois le vaisseau fait. Avec le couteau rond pour le dedans et le rabot pour le dehors, on polissait les joints en les égalisant et en faisant disparaître les défauts d'affleurement.

On faisait l'assemblage en se servant d'un moule-appui de la grosseur voulue pour donner la capacité requise.

Pour faire la creusette de « l’enjavelage » (petite rainure tranchée à l'ex-trémité inférieure des douves assemblées et dans laquelle s'engageait le bord effilé de la planche de fond), il se servait d'un outil consistant en une lame d'acier taillée du bord comme quelques dents de scie et emmanchée après quelque chose pour la tenir ; il appelait cela un « enjâveloir ».

Mon grand-père faisait lui-même les cercles de ses vaisseaux. Il avait à cet effet deux sortes de « bigornes » fines et longues fixées sur des bûches de bois. Je les ai encore et je m'en sers encore à l'occasion pour divers travaux. L'une d'elle est au bout d'une tige d'environ 10 pouces plantée dans la bûche, L'autre est à peine soulevée de deux pouces au-dessus de la bûche, et l'une de ces branches se terminait par un bourrelet par-dessus, comme un crampon ; je n'ai jamais bien compris l'emploi qu'il pouvait en faire. (...) L'autre est en acier également et consiste en une longue tige d'environ un pouce de dia-mètre, aplatie du dessus, effilée en long à l'un de ses bouts, d'environ 20 pouces de longueur, et supportée sur un pivot, au milieu, planté dans le bloc de bois.

Je ne sais pas comment il faisait pour donner la courbure au feuillard pour en faire des cercles. Quand je l'ai vu travailler, il employait des cercles qui avaient déjà servi, les coupait et les soudait au moyen de rivets pour les adapter à ses vaisseaux. Pour les tinettes, il faisait des cercles en bois ; parce que la saumure attaque le fer trop vite.

Mon grand-père a vendu de ses vaisseaux dans la région d'alentour ; mais il n'est jamais allé au Lac Saint-Jean en vendre. J'en ai passé pour lui moi-même.

A.N.Q.C., Mémoire de M, Émile Simard de Sainte-Anne, entrevue datant du 24 octobre 1937, Mémoire No 230.

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[54]

La paroisse de Sainte-Anne du Saguenay se trouve au nord et en face de Chicoutimi. À partir du débarcadère de Sainte-Anne à aller à Alma on n'aurait qu'une distance de neuf lieues, sur un terrain à peu près exempt de côtes longues et raides. Sainte-Anne se trouve à l'extrémité ouest du can-ton Tremblay, puis viennent les cantons Simard et Bourget, déjà habités et pourvus d'un chemin public qui demanderait quelques améliorations pour le rendre tout à fait carossable. Vient ensuite le canton Taché dont l'extré-mité ouest touche l'île d'Alma. Ces trois cantons ont chacun une largeur de trois lieues. Voilà la route du nord toute trouvée et ayant l'avantage d'être de six lieues plus courte et moins montueuse que le chemin tracé et suivi au sud de la rivière Saguenay. Les habitants de la nouvelle paroisse d'Al-ma prendront tout naturellement cette voie si le gouvernement veut bien faire parachever les trois lieues du chemin du canton Taché, qui se peuple-rait immédiatement du surplus des autres paroisses. Ces trois lieues de chemin à faire ne demanderaient pas une somme considérable et l'on ferait beaucoup en même temps pour la colonisation et contre l'émigration. Nous soulignons ces mots contre l'émigration, car ceux qui sont disposés à prendre des terres dans l'endroit indiqué, voyant qu'il n'y a pas de chemin de communication avec les autres paroisses, iront grossir le nombre de nos compatriotes exilés, comme cela s'est déjà vu dans la région du Saguenay. Que l'on n'oublie point que le manque de chemins dans plusieurs endroits du pays, a été une des causes effectives du fléau terrible appelé émigra-tion. Avec quelques milliers de piastres dépensées judicieusement on au-rait peut-être retenu au pays la moitié du demi-million que nous avons per-du. Que les fautes du passé soient au moins une leçon profitable pour l'avenir ; et d'ailleurs l'argent sorti en faveur de la colonisation rapporte au centuple. Personne ne contestera cette vérité élémentaire de l'économie po-litique ».

Tous ces efforts restent vains jusqu'à l'automne de 1887. On ré-clame publiquement le parachèvement du chemin Archambault. La si-tuation est moins catastrophique mais encore nettement déficiente. La petite colonie de Mistouk (Saint-Cœur-de-Marie) est en relation di-recte avec Sainte-Anne et les colons de ces deux secteurs commercent

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principalement entre eux. Plusieurs ne sont pas résidants de Mistouk mais possèdent des terres et s'y rendent régulièrement pour faire leurs travaux. Économiquement et socialement lié à Sainte-Anne, il est évident que l'on demande à grands cris la réalisation de ce chemin. L'avantage serait notable et raccourcirait les distances de « six ou sept lieues tandis que le chemin actuel via l'île d'Alma les met à une dis-tance d'au moins vingt lieues » 60 Avantage [55] non négligeable, les « habitants » de Saint-Charles Borromée pourraient également profiter du même chemin.

Plusieurs de ces cultivateurs possèdent des terres à partir du bord de la « Décharge » et aboutissent au chemin Archambault. Du côté de la « Décharge » les lots en culture sont extrêmement difficiles et non rentables. De l'autre côté, la culture n'est pas possible, faute de che-mins. Il ne manque que la réalisation de cette route pour modifier le tableau. C'est en partie pour toutes ces raisons que l'on sollicite éner-giquement le début des travaux. À la demande de plusieurs proprié-taires de Sainte-Anne, une requête est préparée le 27 octobre 1887, et adressée au gouvernement. 61

Les travaux ne peuvent dépasser $1,200, selon ce mémoire qui tombe à point. Au cours de l'année financière 1887-1888, le gouverne-ment dépense justement la somme de $70,000 pour des travaux de co-lonisation à l'échelle de la province. De cette somme, $5,438.80 vont au comté Saguenay : la route entre les cantons Tremblay et Simard re-çoit $416.62 et le conducteur des travaux est Nazaire Boucher ; la route de l'« Isle d'Alma » reçoit $300 et le directeur des travaux est Alfred Tremblay ; le chemin Archambault reçoit $300. et le directeur des travaux est Joseph Fleury. 62

Il ne faut pas se le cacher, d'énormes pressions sont faites aussi par la ville de Chicoutimi pour qui la population vivant dans la vallée au nord du Saguenay est dynamique et pourrait devenir un partenaire économique important. Le seul fait qu'il existe en 1888, trois moulins à farine, un moulin à scie (à Saint-Fulgence), quatre petits moulins à scie pour les besoins des colons, plusieurs fromageries, une briquete-

60 Le Progrès du Saguenay, « Le chemin de colonisation Archambault », 27 octobre 1887.

61 Le Progrès du Saguenay, Ibid.62 Le Progrès du Saguenay, « Travaux de colonisation », 14 mars 1889.

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rie et des fournaux à chaux, démontre parfaitement bien la vitalité économique de ces cantons. « C'est cette partie du Saguenay qui ali-mentera les revenus du chemin de fer de la manière la plus appré-ciable. Tout ce commerce traversera la rivière Saguenay et viendra à Chicoutimi, qui sera une des plus importantes stations pour recevoir et distribuer le fret 63 ».

À la suite de ces améliorations routières, la colonisation du nord de Sainte-Anne connaît une vive impulsion. Un certain nombre de vieux cultivateurs de Saint-Alphonse et de Sainte-Anne prennent des lots de terre dans les rangs reculés et défrichent le sol. On [56] envisage donc de déboucher le chemin Archambault avec une subvention gouverne-mentale et relier Sainte-Anne à la mission du Sacré-Cœur de Marie. 64

Le pont de glace

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L'hiver, la liaison entre le canton Tremblay et Chicoutimi est assu-rée par un pont de glace. Les tracés habituels se situent à la hauteur de Saint-Fulgence, de Sainte-Anne et des Terres-Rompues. Toutefois, c'est celui de Sainte-Anne qui connaît la plus grande activité et ceci en raison évidente de la plus grande concentration humaine à cet endroit. La traverse à pied s'effectue habituellement du côté de Chicoutimi, en partant de la pointe est de la rivière du même nom, soit en traversant la cour à bois de la Compagnie Industrielle Smith. Assez souvent, à l'automne et toujours au printemps, époques de l'année où les glaces sont moins sûres, la traverse se fait beaucoup plus en amont, sur les terres de la Compagnie Price.

Le pont de glace entre Sainte-Anne et Chicoutimi s'ouvre dès le lendemain de la prise des glaces, bien souvent deux ou trois jours après. À l'occasion, on commence le même jour, soit vers le 18 dé-cembre environ.

63 Le Progrès du Saguenay, « La vallée du Saguenay », 19 avril 1888.64 Le Progrès du Saguenay, « La colonisation - Le chemin Archambault »,

18 septembre 1890.

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Quant à la fermeture, c'est vers le 17 avril qu'elle se fait. Il ne se passe guère plus de sept ou huit jours d'intervalle entre la traverse d'hiver et celle d'été. Il est assez rare que le pont de glace, en face de la ville, résiste jusqu'au premier mai. Ce phénomène a pu être remar-qué au cours des printemps 1880, 1882, 1883, 1885, 1887, 1888, 1893. Lors d'une telle occasion, une coutume assez originale remon-tant au tout début de la fondation de Sainte-Anne, veut que lorsqu'on dépasse cette date, un « mai » (mât) est planté sur la glace le matin du premier jour du mois. Gloire au brave qui réussit l'exploit d'aller le chercher. 65

De l'arrêt du traversier à la formation solide du pont de glace, la population de Sainte-Anne se retrouve complètement isolée de Chi-coutimi. L'activité économique et humaine s'arrête donc entre ces deux petites localités et la prise de la glace donne toujours lieu à un surcroît d'activité. C'est à ce moment que les cultivateurs de [57] Sainte-Anne commencent à livrer le bois de chauffage à Chicoutimi. 66

La traverse sur la glace ne se fait pas sans danger et certaines an-nées on l'interrompt en raison du dégel. En tout temps elle présente des risques, à cause du mouvement des glaces produit par la marée et des obstacles dus aux amoncellements de blocs, appelés « remparts », près de la rive. C'est à la municipalité de Sainte-Anne qu'incombe la tâche de baliser le tracé. Si la température se réchauffe et fait fondre la glace en certains endroits, les communications sont une fois de plus interrompues et les gens doivent passer par la Chute-à-Caron. 67

Au cours des dernières années qui précèdent l'avènement du pont de Sainte-Anne et du quai de Chicoutimi, la construction de certaines centrales hydro-électriques a pour effet de modifier le comportement du courant. Les glaces prennent peu ou très tard et ne sont plus sûres. L'hiver 1927-28, les glaces ne se forment que le 15 janvier. Pendant près d'un mois toutes les paroisses de la rive nord du Saguenay restent totalement privées de communications avec la ville de Chicoutimi. Les citoyens désireux de prendre le train ou de vaquer à leurs affaires sont ainsi contraints d'attendre la prise des glaces. Du 15 décembre 65 Le Progrès du Saguenay, « Le pont de glace et le premier mai », 4 avril

1893.66 Le Progrès du Saguenay, « Le pont de glace », 19 décembre 1903.67 Le Progrès du Saguenay, « Le pont de glace est dangereux », 10 janvier

1928.

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1927 au 15 janvier 1928, la traverse cesse ses voyages et jusqu'au 31 décembre les citoyens font la traverse en chaloupe, au risque de leur vie. 68

Durant l'hiver 1929-30, vue la réfection des quais de la Cie Indus-trielle, au Bassin, il est impossible de passer par le côté ouest de la ri-vière Chicoutimi. La traverse se déplace à l'ancien endroit et l'abor-dage se fait par la rue Sainte-Anne, et même pendant quelques se-maines, en passant sur une propriété privée rue Smith. 69

En 1930-31-32, vue la régularisation du débit du Saguenay et de la rivière Chicoutimi, la glace n'offre plus le degré de sécurité nécessaire et la traverse se fait par le même endroit, en amont du Bassin. En 1932-33, les piliers du pont de Sainte-Anne changent encore le cou-rant et de grandes mares d'eau (trous chauds) sont ouvertes la plupart du temps. 70

[58]

La traverse du Saguenay à ses débuts

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Le problème de la traverse du Saguenay occupe une place très im-portante dans l'histoire de Chicoutimi-Nord. Dans les débuts, toutes les embarcations disponibles sont utilisées pour rejoindre l'autre rive et ceux qui en possèdent rendent bénévolement service à la petite communauté. Ludger Petit rapporte avoir traversé dans un canot creu-sé dans un gros pin. « Ce canot avait 25 pieds de long, et 3 pieds de large ». 71 D'autres vont se servir de petites chaloupes à rame et même de radeaux à voile. À ces chaloupes s'ajoutent des chalands pour le transport des animaux et des marchandises. Dans de telles conditions, il est facile d'imaginer que la traversée se fait dans l'absence d'ordre et de régularité d'horaires.68 Le Progrès du Saguenay, « Le pont de glace n'offre aucune sûreté même

aux simples piétons », 12 janvier 1928.69 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 12, Pièce 2.70 Ibid.71 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoire de M. Ludger Petit, No

142. 72. A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 12, Pièce 3.

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Plusieurs citoyens des deux rives possèdent des embarcations et traversent gens et marchandises au fur et à mesure qu'ils se présentent. Les prix sont arbitraires et fluctuent selon la bonne volonté du pro-priétaire. En présence de moyens aussi précaires, la population exige très tôt une correction de la situation. Pour pallier à ces inconvénients, une requête est présentée aux autorités municipales des cantons Chi-coutimi et Tremblay qui se réunissent avec l'intention de régler défini-tivement la question.

À la séance du Conseil de Comté de Chicoutimi tenue au village de Chicoutimi le 17 avril 1865, sous la présidence de Nazaire Boucher, il est décidé de réglementer les activités d'une « ligne régulière ». 72

« Règlement qui fixe, règle et ordonne la manière de tenir un passage d'eau ou ligne régulière » 

Point de départ secteur nord : au milieu de la propriété de John Guay, de le ler rang du Township Tremblay.

Rive sud : différents endroits ; depuis la pointe Ouest du Bassin à ga-gner à l'est chez Ambroise Tremblay, au moulin à farine, au fond du Bas-sin, à la pointe est du Bassin, au moulin à scie de M. Price, et, au quai du moulin à scie, à la rue ouverte près de la propriété de William Warren et aussi à la rue transversale près du magasin de John Guay. Les traversiers devront cependant choisir l'endroit le plus convenable et se conformer au règlement.

[59]Règlement

Art. 1 : pour un cheval ou jument attelé sur une voiture quelconque ; trente sous

Art. 2 : pour un cheval ou jument, un passage ; 1 chelin

Art. 3 : pour chaque bête à corne au-dessus d'un an, un passage : un chelin

Art. 4 : pour chaque bête à corne au-dessous d'un an : un passage : six sous

72 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 12, pièce 3.

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Art. 5 : pour chaque cochon ou chaque mouton avec les petits de l'an-née : un passage, six sous

Art. 6 : pour chaque 100 livres pesant, le bois excepté. un passage : 3 sous

Art. 7 : pour chaque personne au-dessus de sept ans : un passage : six sous

Art. 8 : pour chaque enfant au-dessous de sept ans ; en état de marcher, un passage, 2 sous

Les personnes ayant obtenu une licence de traversier seront tenues de faire cinq traverses les jours ouverts, sur semaine, et 3 traverses le di-manche

Elles devront fournir 2 chaloupes de grandeur suffisante et 1 bac ou chaland pour voiturer les animaux

Elles seront obligées de traverser à toute heure de la nuit, dans le cas de maladie, au taux de trente soux pour un passage aller et retour, toute personne ou personnes qui le désireront, et devront les attendre le temps nécessaire pour les ramener avec la personne ou les personnes qu'elles veulent aller quérir.  »

Pour obtenir le droit d'un passage d'eau ou de tenir une ligne régu-lière de traverse entre les deux rives, il faut d'après ce règlement, payer une licence de $1. par année. Pour parer à toute illégalité, une amende de $2. est imposée au contrevenant d'une première offense et $4. pour une récidive.

La première licence est accordée à Flavien Bouchard et à Jacques Gagné, tous deux du Township Tremblay. Ce moyen de transport par chaloupe et par chaland donne un service médiocre, mais subsiste jus-qu'en 1874. On ne s'entend pas sur la préférence. Certains prétendent que la chaloupe est plus avantageuse et donne un service rapide. D'autres soutiennent que le chaland offre plus d'espace. Les discus-sions interminables aboutissent à une course qui tranche la question

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[60] à l'avantage du chaland. Louis Martel et Johnny Gagnon sont les derniers à offrir un tel service. 73

Les premiers traversiers à vapeur

La traversée à la rame prend une demi-heure environ et 20 minutes dans des conditions idéales. Le curé Roussel, impliqué comme il se doit dans tous les aspects de la vie communautaire, tente d'améliorer la situation. Il réussit à faire venir les frères Mailly de Saint-Pierre le Becquet, et leur fait signer un contrat de dix ans pour effectuer la tra-verse. Leur bateau à vapeur est dans un état délabré et les gens le bap-tisent ironiquement « La Barouette » (La Brouette).

Inspiré de cette première expérience due au modernisme, un ci-toyen de Sainte-Anne, Épiphane Gagnon, organise en 1892, un « horse boat » qui est en réalité un vulgaire chaland pointé auquel il adopte des roues et ajoute au milieu des pilotis à chevaux pour action-ner l'arbre de couche. En 1893, Gagnon élargit la coque pour mettre un moteur à vapeur et nomme son bateau « Le St-Anne ».

« Le St-Anne, tel est le nom du nouveau vapeur, pour faire la traverse à toute heure de la marée et stationné aux quais de Ste-Anne, et au nou-veau quai fait par la corporation, dans le bassin, à l'extrémité Ouest de la rue Racine ». 74

Nous ne savons combien de temps a pu persister le service avec ce bateau. Il semble que c'est vers 1895 qu'il fut abandonné et jusqu'en 1898, il est fort probable que l'on se servit de chaloupes.

73 Le Progrès du Saguenay, « La traverse qui reliait Ste-Anne et Chicouti-mi », texte de Percy Martin, 5 septembre 1953.

74 Le Progrès du Saguenay, « Traverse à vapeur », 5 octobre 1893.

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[61]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.Première partie :

Le Canton Tremblay, 1848-1893

Chapitre 3Organisation religieuseet structuration scolaire

L’organisation paroissiale

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En matière de droit paroissial, nous sommes soumis au Québec à deux juridictions bien distinctes ; la juridiction religieuse et celle dite civile. L'autorité religieuse exerce sa juridiction pleine et entière sur la paroisse religieuse, c'est-à-dire celle érigée canoniquement. L'autorité civile de son côté étend sa juridiction sur la paroisse civile, c'est-à-dire celle érigée civilement. En d'autres mots, l'érection canonique qui est décrétée par l'évêque crée la paroisse alors que l'érection civile décré-tée par le gouvernement crée la municipalité.

La mission

Par définition, la mission (qui porte à l'occasion le nom de « des-serte ») consiste dans un territoire indéterminé, souvent d'une assez vaste étendue, sur lequel plusieurs familles sont fixées ici et là. C'est l'évêque qui charge un prêtre de pourvoir au besoin spirituel des habi-

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tants, lequel se transporte occasionnellement pour offrir son ministère à la population éparpillée un peu partout sur son territoire. Le prêtre n'a aucun endroit fixe pour la pratique du culte.

La mission peut être aussi un territoire déterminé non érigé en pa-roisse, mais sur lequel il y a une chapelle ou un endroit précis pour les fonctions du culte. Un prêtre est nommé par l'évêque pour veiller au bien spirituel de la population de ce territoire. Ce type d'organisation n'est pas une paroisse mais jouit de tous ses avantages. 75

[62]De 1843 à 1860, Sainte-Anne de Saguenay est une « mission »

proprement dite. Les colons de la première époque sont dépendants de la « Mission de la Rivière-du-Moulin  » de 1844 à 1846, puis de la « Paroisse de Chicoutimi », de 1846 à 1860. Cependant, les difficultés particulières occasionnées par la traverse du Saguenay font souhaiter ardemment la présence d'un prêtre pour faire la mission sur place.

Le 29 janvier 1857, le curé de Chicoutimi prépare une requête de la part des habitants de la rive nord du Saguenay. Tous ces gens dési-rent l'érection d'une paroisse et avoir la permission de bâtir une cha-pelle. Le curé évalue la situation en ces termes : « Comme leur désir ne paraît pas assez en rapport avec leurs moyens... il serait peut-être aussi utile pour eux d'avoir une simple bâtisse de quelques dimensions pour faire donner les offices par un vicaire de Chicoutimi ou par un missionnaire spécial qui serait aussi chargé de l'Anse-au-Foin ». Le nombre de familles dans ces deux postes est à ce moment, de 76, et leurs moyens restent faibles. 76

La terre de la Fabrique qui recevra la première chapelle appartient en premier lieu à Pierre Boulianne, cultivateur sur le cap Saint-Joseph. Le 8 mai 1857, il vend à Joseph Collard et Alexis Dumas de La Mal-baie ainsi qu'à John Guay de Chicoutimi, une terre située sur les ler et 3e rang du canton Tremblay, « 2 arpents et 8 perches de front sur 65 arpents de profondeur, lot numéro 7 du premier rang ouest et la de-

75 Voir Mgr Victor Tremblay, Histoire du Saguenay, op. cit., pp. 398-402. Aussi, A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 70, Pièce 58, « Droit paroissial ».

76 D'après les documents des Archives de l'Évêché de Chicoutimi, retrans-crits et conservés aux A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 42, Pièce 18.

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mie du lot 30 du 3ème rang, moins 5 perches de front sur toute la pro-fondeur ; bornée à la rivière Saguenay par l'autre bout au 4ém rang, joignant par le côté ouest à Thomas Tremblay et le côté est à Alexis Tremblay : pour 90 Louis ». Le contrat est signé chez le notaire Ovide Bossé, avec la présence de John Kane, le 30 mai 1857. 77

Le 28 octobre 1858, le curé de Chicoutimi écrit au Grand Vicaire Gazeau, de Québec, pour lui annoncer l'achat de la terre de John Guay, avec l'emplacement de la future église et du presbytère. Il de-mande par sa lettre l'assentiment de l'Évêché de Québec pour ces 102 acres acquis pour la somme de 75 Louis, dont 25 comptant et le reste payable en six ans. Vingt acres sont défrichés au moment de la tran-saction. La quête de l'Enfant-Jésus doit payer les montants annuels.

[63]En 1859, le curé J.B. Gagnon s'occupe de faire construire la pre-

mière chapelle en bois, dont la longueur est de 46 pieds et la largeur de 36, avec jubé et galeries, et en plus une sacristie de 25 pieds sur 25. L'entreprise est confiée à Hyppolite Laforge, charpentier de l'endroit. Le site de la nouvelle chapelle se trouve au beau milieu de la prairie, entre le presbytère actuel et la terre d'Alexis Tremblay. La chapelle étant terminée dans l'automne de la même année, le curé la livre aussi-tôt au culte. Le dimanche 2 octobre, les 80 bancs, tirés au sort, rap-portent à la Fabrique, près de $100. 78. Quant au bois, il a été gracieu-sement fourni par la Compagnie Price.

Depuis l'ouverture de la chapelle, le 2 octobre 1859, la mission est donnée par un prêtre de Chicoutimi, l'abbé Charles-Augustin Bernier. Son zèle est particulièrement apprécié des paroissiens qui demandent par requête, adressée à l'Archevêché de Québec le 8 septembre 1860, de leur laisser comme futur curé. 79

77 Greffe du notaire Ovide Bossé, 30 mai 1857.78 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 42, Pièce 4.79 Archives de l'Évêché de Chicoutimi, « Lettre du 8 septembre 1860 », Co-

pie conservée aux A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 42, Pièce 19.

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« Monseigneur,

c'est avec le plus profond chagrin que nous avons appris la nouvelle du départ de celui sur le zèle et les talents de qui nous comptions pour conduire à bonne fin l'entreprise que nous avons commencée et pour main-tenir parmi nous l'union dont nous avons tant besoin dans la circonstance actuelle. La douleur que nous éprouvons est d'autant plus vive que nous sommes convaincus que tout prêtre qui n'aura pas une connaissance per-sonnelle des difficultés de notre position éprouvera nécessairement, et à notre regret, des obstacles difficiles à surmonter. Le Révérend Messire Be-mier, dans les rapports qu'il a eus avec nous depuis l'année dernière, a su gagner toute notre estime et notre confiance, et a prouvé par son zèle ar-dent la délicatesse de ses sentiments, et le tact qu'il a employé dans la question de nos affaires, qu'il pouvait mieux que tout autre servir les inté-rêts de la paroisse de Sainte-Anne.

Le premier curé, l'abbé Joseph Hoffman

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C'est au cours du mois d'octobre 1860 que les colons de la rive nord du Saguenay accueillent leur premier curé. L'abbé Joseph Hoff-man est un tout jeune prêtre, ayant seulement trois années de sacer-doce, car il a été ordonné en février 1858. À son arrivée, il loge dans une moitié de la sacristie, laquelle est annexée à la chapelle. L'autre moitié sert de vestiaire.

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[64]

Le blanchissage des bâtisses à la chaux

Ce travail est simple, cependant le lait de chaux n'adhère pas bien aux surfaces lisses. Sur les surfaces neuves, il est bon de faire deux badigeon-nages. Pour donner une couleur parfaitement blanche à une bâtisse les murs devront être nettoyés de toutes saletés.

La préparation du lait de chaux est également facile et peu dispendieuse. Il y a plusieurs formules, mais la suivante a été trouvée très satisfaisante pour le badigeonnage extérieur.

Mettez un boisseau de chaux vive, fraîchement calcinée, dans une grande cuve propre et éteignez-là avec de l'eau bouillante ; recouvrez-là pen-dant le procédé pour retenir la vapeur et passez le liquide à travers un tamis fin, puis ajoutez 3 livres de sulphate de zinc commercial, 1 livre d'alum et 2 livres de sel ordinaire dans l'eau chaude. Il est bon de faire attention à la ma-nière d'éteindre la chaux vive. À cette fin, on aura soin, autant que possible, d'employer juste assez d'eau pour obtenir une parfaite réduction des mottes de chaux en poudre ; trop d'eau les noie et une quantité trop faible les fait durcir.

On peut utiliser de la chaux hydratée au lieu de la chaux vive ; 50 livres remplaceront un demi-boisseau de chaux non éteinte.

Il sera bon d'humecter la surface des murs extérieurs juste avant d'appli-quer le lait de chaux afin qu'elle ne sèche pas trop rapidement. Pour le badi-geonnage des murs intérieurs des étables, poulaillers, etc., il est recomman-dable d'ajouter au lait de chaux un désinfectant suivant les formules recom-mandées pour les différentes marques offertes dans le commerce. L'applica-tion peut se faire avec un pinceau ou un pulvérisateur ; mais on aura soin de couler le lait de chaux à travers deux ou trois épaisseurs de coton à fromage si en se sert de ce dernier.

Paul-Émile Côté, adjoint en agriculture.

Station Expérimentale, Normandin.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 25 avril 1940.

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Nous connaissons bien peu de choses sur la personnalité de ce pre-mier curé. Au mois de novembre 1860, à peine installé dans ses lo-caux exigus, il écrit à l'Évêque pour l'informer que la « patente » de la terre de la Fabrique lui sera remise avec la quittance officielle donnée au curé J.-B. Gagnon. Puis, la lettre pose certaines questions au sujet de la dîme à Sainte-Anne et Saint-Fulgence. Les fidèles de [65] la pre-mière paroisse doivent donner une demi-corde de bois au curé, ceci pour les cultivateurs. Le document est révélateur de la situation : 80

« Je n'ai pas le bonheur de posséder une relique de Sainte-Anne et si vous pouviez m'en procurer une pour l'été prochain, vous feriez grand plaisir à votre serviteur et à tous ses paroissiens. M. Gagnon en a une, mais il me dit qu'elle est trop petite pour être exposée à la vénération des fidèles.

Quoiqu'il manque plusieurs choses pour le culte, j'ai cependant le prin-cipal à Ste-Anne. J'ai un ornement pour chaque couleur et mes ornements tous bien propres, à l'exception du blanc qui est un peu troué. Je m'attends quelque chose de la part de M. Yar, ce qui complètera mon armoire.

Quant à St-Fulgence, je n'ai trouvé qu'une aube, une purificatoire et amicts. Les chasubles sont en petit nombre. Celle qui sert pour le blanc et le rouge est très pauvre. Il me faudrait un bénitier, des étoles, des surplis et le reste. J'espère qu'au printemps, je monterai à Québec et alors vous pour-rez me donner quelque chose. Chicoutimi a deux ornements pour chaque couleur et je remarque qu'ils sont assez propres tous deux.

**     *

Il se dit assez heureux dans son petit poste. La sacristie qui lui sert de presbytère fait parler énormément les paroissiens qui ne sont pas habitués de voir le prêtre vivre dans ces lieux. Aussi, à l'automne de

80 Lettre du curé Hoffman, 19 nov. 1860, Archives de l'évêché de Chicouti-mi, Retranscrite et conservée aux Archives de la paroisse de Ste-Anne, 1. 19 a, pagination personnelle 129.

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1860, en accord avec les marguilliers, ils décident la construction d'un nouveau presbytère qui sera inauguré le 2 septembre 1861. Cette nou-velle bâtisse est alors située près du chemin du roi, juste en arrière de la sacristie.

Le curé Hoffman arrive juste à temps pour ouvrir les registres de la paroisse, le 24 octobre 1860, par le mariage de Adolphe Jean (fils mi-neur de Michel et de Marie Amiot), et de Sophie Ouellet (fille ma-jeure de Alexis et de Charlotte Gagnon). 81

Antoine Girard, fils d'Isaïe et de Angèle Potvin, devient le premier baptisé de la paroisse, le 7 novembre suivant. Quant à la première sé-pulture, elle sera célébrée le 16 février 1861. Édouard Duchesne, fils de Clet et de Séraphine Bergeron, est inhumé dans le cimetière situé à l'endroit du presbytère actuel. 82

[66]

En 1862, le curé reçoit la visite de Mgr C.-F. Baillargeon. Il fait la visite pastorale, confirme probablement à Chicoutimi et vérifie les comptes du syndic Michel Tremblay.

L'abbé Hoffman a malheureusement des difficultés avec ses pa-roissiens et c'est probablement son inexpérience qui est la cause de son départ le 30 septembre 1862. Moins d'une année après son arrivée, les habitants, mécontents de l'attitude de leur pasteur, signent une lettre de dénonciation. Les raisons évoquées pour justifier son rappel sont nombreuses : 1 - « Marqué le cimetière dans un marécage mal-gré les habitants » ; 2- « S'oppose à la construction d'un pont sur la rivière Valin » ; 3- « Changea le maître d'école pour une maîtresse » ; 4- « Écouta trop naïvement les racontards de la paroisse ». 83

81 Registres de la paroisse de Sainte-Anne, Mission ou paroisse ? Se référer au chapitre « L'Érection Canonique ».

82 Registres de la paroisse de Sainte-Anne, Mission ou paroisse ? Se référer au chapitre « LÉrection Canonique ».

83 Lettre adressée à l'Évêché le 5 août 1861. Copie conservée aux Archives de la paroisse de Sainte-Anne, 1. 19.a, pagination personnelle 132.

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L'Érection canonique

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Le 9 août 1858, les populations des cantons voisins Tremblay et Simard, connus sous le nom populaire de « Mission de Sainte-Anne », adressent conjointement une requête destinée à obtenir l'érection d'une paroisse devant regrouper les dits cantons. Le 4 septembre suivant, se référant à cette demande, l'Évêque Charles-François Baillargeon, ad-ministrateur du diocèse de Québec, charge le curé de Saint-Alphonse de Bagot, l'abbé Lucien Otis, pour vérifier les allégations de la dite re-quête et d'en dresser un procès-verbal. 84 Les certificats sont signés par Ant. Gagnon, Jean Bouchard et Ambroise Gagnon. Un avis est lu pu-bliquement et affiché à la porte de l'église de Saint-François-Xavier de Chicoutimi, qui dessert à ce moment les habitants de ces cantons. Le 14 octobre, tous les intéressés doivent se prononcer pour ou contre la requête.

Un problème se présente à partir de ce moment pour établir la véri-table date d'érection canonique de la paroisse. Si nous nous rapportons à l'étude de C.-E. Deschamps, le décret date du 17 février 1859 85. Or, nous avons lieu de croire que cette date est une grossière erreur.

Le Chancelier de l'Évêché de Chicoutimi, l'abbé Jean-Philippe Blackburn, écrivait en 1965 à l'Archevêché de Québec pour lui faire [67] part des problèmes de trouver la véritable date de l'érection cano-nique de la paroisse. Il en ressort qu'en avril 1860, Sainte-Anne était encore cataloguée comme « Mission ». 86

Cependant, arrive en octobre 1860, l'abbé Hoffman que nous quali-fions de premier curé de la paroisse. Dans sa lettre du 19 novembre

84 Archives de la Paroisse Sainte-Anne, 1. 1.b. « Décret d'érection canonique, 17 février 1863 ».

85 C.E. Deschamps, Municipalités et paroisses de la province de Québec, Im-primerie Léger Brousseau, Québec, 1896, p. 1172.

86 Lettre de l'abbé Armand Gagné à l'abbé J. -P. Blackburn, 22 oct. 1965, Co-pie conservée à la paroisse de Ste-Anne, 1. 1.b.

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1860, le curé parle de façon non équivoque de ses « paroissiens », ce qui contribue à lever toute ambiguïté quant au début de la paroisse. 87

Nous avons lieu de croire que l'Archevêché de Québec crée la pa-roisse de Sainte-Anne au moment où le curé Hoffman s'installe pour ouvrir les registres le 24 octobre 1860. Mais il faut avouer que cette date n'est pas officielle. Pour une raison ou pour une autre, peut-être par pure omission, il faudra attendre le début de 1863 pour recevoir les lettres officielles. Le décret d'érection canonique est finalement si-gné par Charles-François Baillargeon et le secrétaire de l'Archevêché de Québec, le 17 février 1863. 88

**     *

« En conséquence, nous avons érigé et érigeons, par les présentes en titre de cure et de paroisse, sous l'invocation de Ste-Anne, mère de la Sainte-Vierge, les sus-dites parties des townships Simard et Tremblay, comprenant une étendue de territoire d'environ neuf milles de profondeur, dont le front varie de neuf à douze milles, laquelle dite paroisse connue sous le nom de Ste-Anne du Saguenay, sera bornée comme suit : vers l'est, par la Rivière Valin ; vers le sud, par la rivière Saguenay ; vers le nord, par les terres non concédées de la Couronne. Pour être la dite et paroisse de Ste-Anne du Saguenay entièrement sous la juridiction des Archevêques de Québec, à la charge par les curés et desservants qui y seront établis par nous ou par les Archevêques de Québec de se conformer en tout aux règles de discipline ecclésiastique établies dans ce diocèse, spécialement d'administrer les sacrements, la parole de Dieu et les autres secours de la religion aux fidèles de la dite paroisse, enjoignant à ceux-ci de payer aux dits curés ou desservants les dîmes et oblations telles qu'usitées et autori-sées dans ce diocèse et de leur respect et obéissance dans toutes les choses qui appartiennent à la religion et qui intéressent leur salut éternel.  »

**     *

[68]

87 Lettre du curé Hoffman, 19 nov. 1860, op. cit.88 Archives de la Paroisse Sainte-Anne, 1. 1.b., op. cit.

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Le curé Charles-Stanislas Richard

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Le curé Hoffman démi, l'Évêque de Québec nomme comme rem-plaçant l'abbé Richard. Il avait été ordonné à Québec le 18 septembre 1858 et arrive à Sainte-Anne au mois de septembre 1862.

Charles Richard préfère la terre à la prédication et il occupe tout son temps à la colonisation. Selon Mgr Victor Tremblay, sa « belle qualité » devient un défaut. Très dévoué pour le développement de la colonisation, il veut donner l'exemple en prenant la hache et la pioche. Il acquiert des lots à « La Dalle » (aujourd'hui Saint-Léonard), les dé-friche lui-même et y attire des colons. Il est le fondateur de la paroisse Saint-Charles. 89

« Il était capable et sans cérémonie. Entre deux séances de catéchisme, il ôtait sa soutane et faisait de la terre sur la propriété de la fabrique ». 90

Mais ses absences trop fréquentes et prolongées ne sont pas sans inconvénient pour ses paroissiens : les services religieux, le soin de l'église, la tenue des comptes et la prédication en souffrent. On dit de lui qu'il ne prêche jamais. Tous ces défauts sont néanmoins compen-sés par une grande charité qui lui gagne l'estime de ses paroissiens.

Dans les archives de l'Évêché de Chicoutimi nous pouvons ap-prendre que Mgr Racine n'hésite pas à reprendre le curé Richard qui, semble-t-il, fait d'énormes efforts. « J'aime à constater - disait-il en 1866 - qu'il y a amélioration : les conseils sont mieux écoutés et sui-vis, la prédication plus soignée, le travail manuel moins fréquent. Je crois que ce monsieur fait des efforts pour corriger cette indépen-

89 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, « Causerie du 22 juillet 1944 », Dossier 862, p. 4.

90 Saguenayensia, sept-oct. 1961, p. 116, « Mémoire de Charles Tremblay « Protais ».

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dance de caractère qui le sert mal et qui est la cause de ses petits tra-vers… » 91.

Peu après, jugeant ses remarques sans effet apparent, Mgr Racine fait un rapport en conséquence, lequel fait état de plaintes des parois-siens. L'Archevêque de Québec n'a d'autre solution que de le rappeler en 1867 et le nomme vicaire de Saint-Roch. 92

[69]

À Sainte-AnneUne pieuse coutume

Il existe une pieuse coutume à Ste-Anne au mois de novembre de chaque année. À huit heures du soir, on sonne le glas des morts et immédiatement tous les paroissiens, soit à leur demeure soit dans les magasins, restaurants, ou autres endroits se mettent à genoux et récitent à haute voix quelques « Pater » pour les fidèles défunts. Cette pieuse coutume existe à Ste-Anne depuis nombre d'années.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 17 novembre 1930.

C'est au cours de son mandat qu'est baptisée, par les prêtres des pa-roisses de Saint-Alphonse et de Grande-Baie, la cloche « Marie-Anne » qui appartient à l'église de Sainte-Anne. Cette cloche pèse 557 livres. Les parrains et marraines sont : John Kane, Sophie Bossé, Pri-cille Duberger, Néron Tremblay, Philomène Gagnon, Alfred Renald, Joséphine Boudreault, John Guay, Marie Harvey, Alexis Tremblay, Rosette Dufour, Pierre Tremblay, et le prêtre désigné par Mgr Domi-nique Racine est H. Morin. 93 Après avoir bien servie la paroisse de

91 A.N.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 42, Pièce 20, « Rapport de D. Racine, 1866 ».

92 Archives de la paroisse Sainte-Anne, Cahier des délibérations de la Fa-brique.

93 Ibid.

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Sainte-Anne, « Marie-Anne » est gracieusement donnée pour l'église de Saint-Honoré, le 14 juillet 1907. 94

Le curé F.-X. Delâge

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Le curé F.-X. Delâge reste l'une des figures marquantes du clergé saguenéen. Il est né à Charlesbourg, près de Québec, le 17 mars 1837, fait ses études au Séminaire de Québec et est ordonné prêtre le 22 fé-vrier 1863 par Mgr Baillargeon. Avant de venir au Saguenay, il oc-cupe le poste de vicaire à Saint-Thomas de Montmagny, ensuite à l'Is-let de 1863 à 1864 et finalement à Saint-Joseph de Beauce de 1865 à 1867. C'est donc avec un peu plus d'expérience que ses prédécesseurs qu'il arrive à Sainte-Anne, en octobre 1867.

Avec la ferveur d'un saint, il réussit à relever la qualité du culte et s'y consacre exclusivement. Il commence par s'occuper d'embellir la chapelle. Le 28 juin 1868, il érige le chemin de la croix, [70] lequel est « dû à la libéralité de plusieurs paroissiens et amis ». En vertu d'un indult apostolique en date du 3 mars 1861, Mgr Dominique Ra-cine, à ce moment curé de Chicoutimi, procède à la bénédiction des images et des croix « après une instruction sur l'excellence de cette dévotion, ses nombreuses indulgences et la manière de bien faire le chemin de la croix ». 95 Quelques mois auparavant, le 8 mars 1868, il avait établi la Société de Tempérance. Seulement 12 familles firent la sourde oreille.

Toujours selon le vicaire général de Chicoutimi, il trouve l'occa-sion de faire la visite des chantiers deux fois par hiver. Cette tâche est difficile à bien des niveaux, mais les résultats en sont remarquables.

Mais c'est lors du « Grand Feu » de 1870 qu'il gagne sa popularité. La façon dont il assume ses responsabilités devant la plus grande ca-tastrophe que connaît le Saguenay Lac Saint-Jean au cours de son his-

94 Ibid.95 Archives de la Paroisse Sainte-Anne, Cahier des Délibérations de la Fa-

brique.

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toire, contribue à faire naître une véritable légende sur ce personnage. L'événement mérite qu'on s'y arrête un peu.

Un épisode du Grand feu

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Le printemps de 1870 avait été particulièrement hâtif, si bien qu'à la mi-mai les semailles étaient presque terminées. Après une pluie lé-gère tombée au cours de la nuit, le 19 mai, bon nombre de colons allu-mèrent des abattis. Favorisé par un vent violent, par un sol tapissé d'un épais tissu de racines et par des milliers d'arbres abattus l'année précédente, le feu se communiqua bientôt à la forêt elle-même. En moins d'une demi-heure, tout l'ouest du Lac Saint-Jean était en flammes.

C'est alors que le vent, venant de l'ouest devint rafale. À mesure que le feu se propage, il rend la brise plus forte qui, à son tour, le réac-tive. Partout flotte un épais nuage de fumée devenant de plus en plus dense et s'abaissant de plus en plus vers le sol. L'air du moment est suffocant. Les arbres se tordent dans la forêt. Les maisons s'écroulent. Les animaux épouvantés courent dans les champs, se précipitent dans les lacs et les rivières, se blottissent dans les fossés, enfin là où ils croient trouver refuge.

Mille familles environ sont disséminées sur l'ardent territoire. Par-tout c'est un drame émouvant, horrible, où nos pères sont héroïques, où Dieu est supplié de jouer un rôle visible. 96

96 Le Progrès du Saguenay, « Le Grand Feu de 1870 », 17 oct. 1928.

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[71]

F. -X. Delâge, curé de la paroisse de Sainte-Annne de 1867 à 1871. C'est lui aussi qui réinstaure la pratique des pèlerinages en 1895. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, No 680.

[72]Entre sept ou huit heures, le feu avait atteint les hauteurs qui en-

tourent Chicoutimi. Le village était cerné par le feu. Naturellement, Sainte-Anne était située au travers de l'itinéraire de l'élément destruc-teur. Pour mieux nous relater ces moments difficiles, référons-nous au mémoire du pionnier Ludger Petit : 97

97 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoire no 142.

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« Toutes les maisons des rangs au-dessus du village ont passé au feu, excepté deux. Ici la maison a brûlé. Nous sommes descendus au village, au magasin de mon frère. Il y avait beaucoup de monde de réuni là. On s'est dit : si on fait rien, tout le village va passer au feu. Nous sommes fi-nis. Alors Georges Beaulieu et moi nous sommes allés chez Louis Bou-cher. Louis Bouchard et Cléophe Brassard se sont rendus chez le curé M. Dealage, et l'ont supplié de sauver le village. Le curé leur a dit de rassem-bler le monde et d'aller à l'église. Nous sommes partis en procession. Le curé portait le Saint-Sacrement. La procession s'est rendue sur le cap, jus-tement où est la croix, et devant le Saint-Sacrement, le feu s'est arrêté. Le feu tourbillonnait et montait en l'air. Pas une maison du village n'a brûlé. Il était 6 heures du soir.  »

« Dans la journée nous avions transporté toutes les marchandises du magasin de mon frère au bord du Saguenay. C'est moi qu'ils ont chargé de garder ces marchandises et de les sauver du feu. Vers 10 heures du soir j'ai vu comme un éclair. C'était le Cap Saint-François qui prenait en feu, aussi vite que la pensée. »

« Les personnes qui se trouvaient dans la procession et qui suivaient le Saint-Sacrement étaient : Louis Bouchard, Pierre Bouchard, Zacharie Bou-chard, Cléophe Brassard, Marcel Côté, Abraham Guay. »

En tout et partout 555 familles ont été complètement ruinées. À ce nombre, ajoutons 146 familles qui subirent des pertes considérables. Par bonheur, les pertes de vie, relativement peu nombreuses, attei-gnirent à peine une dizaine. À Sainte-Anne et Saint-Fulgence, le nombre des maisons détruites se chiffraient à 47. 98

Dans l'été suivant le feu, le 29 août, le curé Delâge réussit à obtenir pour sa paroisse l'indulgence pléniaire le jour de la Toussaint et celui de l'Octave. Après l'érection civile de la paroisse, il forme le premier conseil de Fabrique.

Dans un rapport qu'il adresse à l'Archevêché de Québec, quelques semaines avant son départ, nous pouvons croire qu'il se [73] prépare à

98 Le Progrès du Saguenay, op. cit., 17 oct. 1928.

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laisser sa cure dans une excellente condition. La Fabrique n'a plus de dette et possède même une petite somme d'argent. 99

Il part le 8 août 1871 pour s'occuper de la paroisse de Roberval où il construit l'église. Nous le retrouvons ensuite à Laterrière en 1878, à la Cathédrale de Chicoutimi pour occuper la fonction de curé d'office de 1889 à 1893. Enfin, il est transféré à Chambord de 1893 à 1904. Il meurt le 10 mai 1905 et est inhumé dans l'église de sa paroisse natale.

L'Érection civile

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L'érection civile de la paroisse de Sainte-Anne est sanctionnée le 24 décembre 1870 par l'acte 34 Victoria, Chapitre 8, ce qui lui confère à partir de ce moment tous les droits d'une corporation légale. Le texte de la loi précise ce qui suit :

« La paroisse Sainte-Anne du Saguenay, érigée par décret de l'Arche-vêque de Québec, en date du dix-sept de février de l'année mil huit cent soixante-et-trois, se compose de certaines parties des cantons Simard et Tremblay, situés dans les comté et district de Chicoutimi, comprenant une étendue de territoire d'environ neuf milles de profondeur, dont le front va-rie de neuf à douze milles ; bornée comme suit, savoir : vers l'est, par la ri-vière Valin, vers le sud, par la rivière Saguenay, vers l'ouest, par la rivière Shipshaw, vers le nord, par les terres non concédées de la couronne ». 100

Cet acte passé à la Législature provinciale qui érige et reconnaît Sainte-Anne comme paroisse civile, lui donne droit à un corps légal de marguilliers. Au moment de son érection canonique en 1863, les marguilliers, de l'heure sont Louis Gravel, Nazaire Boucher, Joseph Tremblay, Émilien Tremblay, Georges Gauthier, Émilien Gauthier, Eugène Boucher et Clet Duchêne. Tous ces gens se voient renommés, avec le curé, dans le nouveau corps de marguilliers, le 6 février 1871.

99 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, op. cit., Dossier 862, Pièce 4, p. 5.100 Statuts de la Province de Québec, 1870, p. 82.

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Le curé David Roussel

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Lors de l'arrivée à Sainte-Anne, de l'abbé Roussel, à l'automne 1871, la paroisse se remet à peine du « Grand Feu » et est encore en pleine phase de colonisation. Église, presbytère, salle publique, écoles, cimetière, tout pour ainsi dire est à organiser, à fonder et à

[74]

David Roussel, curé de la paroisse Sainte-Anne, de 1871 à 1898. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, No 232.

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[75]

En carriole

Vos automobiles sont beaux quand ils courent sur les routes et qu'ils laissent derrière eux une longue traînée de poussière comme pour montrer qu'ils ont passé là. J'aime à voir aussi vos puissantes locomotives qui em-portent tout un peuple à travers les champs, à travers les forêts, qui fran-chissent les montagnes, les rivières, les frontières des pays.

Pourtant, êtes-vous jamais allé en carriole ? Aviez-vous les pieds dans un bain de chaleur ? Sentiez-vous peser sur vous les épaisses fourrures ? Aviez-vous le visage exposé au grand air ? Sentiez-vous le sang affluer à vos joues, qui devenaient rouges et belles, qui bravaient vaillamment alors les morsures du froid.

Devant vous se dressait le clocher. Il était beau avec sa rouge ceinture, avec ses bras tendus en avant, son torse un peu renversé en arrière. Il res-semblait à la statue d'un général qui fut toujours vainqueur. Il était fier d'être là. Dans ses amples habits d'hiver, avec son énorme bonnet à poil, il était plus grand que nature, il semblait être plus qu'un homme.

Plus en avant, la bonne bête aux jarrets vaillants. Ses deux narines lan-çaient dès puissants jets de vapeur, pareils à l'onde que les navires rejettent de chaque côté quand il hâte sa course. Son pas était marqué au son des gre-lots, comme le pas d'un régiment au bruit des tambours. Elle portait fière-ment sa tête et son oeil devinait le danger. Et quand la voix de son maître se faisait entendre, tout son corps frémissait.

Vous regardiez de chaque côté. Vous souvenez-vous comme nos champs étaient beaux ? On eut dit qu'ils s'étaient revêtus de tout le blanc des nuages des cieux. Nos sapins et nos épinettes étaient debout aux flancs d'une colline. Ils remuaient à peine leurs branches chargées de neige, comme de majestueux vieillards dont les bras sont chargés de labeurs et de fatigues. Nos peupliers et nos bouleaux avaient secoué leur toison de feuillage et, pour une fête inconnue, s'étaient parés d'une dentelle blanche et si légère que le moindre souffle la faisait s'envoler ; ainsi s'envole une troupe d'oi-seaux craintifs quand elle entend le bruit.

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Peut-être la neige tombait-elle ? Peut-être des milliers d'anges invisibles faisaient-ils pleuvoir sur nous des millions de fleurs ailées. Vous vous avan-ciez alors comme un triomphateur à qui le ciel, à défaut de la terre, rendait gloire et hommage.

MARC

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 18 décembre 1924.

[76]bâtir. Ardent propagateur de la foi, il n'hésite aucunement à s'attaquer à tous les problèmes liés à l'avancement et au mieux-être des habi-tants.

Né à la Rivière-Ouelle, le 26 décembre 1836, il est le fils de Jean-Baptiste et de Marie-Alzime Dionne. Ordonné prêtre par Mgr Baillar-geon, à Québec, le 8 octobre 1865, il étudie au collège Sainte-Anne-de-la-Pocatière et devient professeur en cette institution après son or-dination. En 1866, il se déplace comme vicaire à la Rivière-aux-Re-nards, puis de 1867 à 1870, missionnaire à Mont-Louis, et vicaire à Saint-Roch de Québec jusqu'à sa nomination à Sainte-Anne. 101

Le curé David Roussel est un prêtre assez sévère, disent les an-ciens, « mais sous une écorce assez rigide, il cachait un cœur très sen-sible. d'une piété remarquable, ses sermons étaient de l’époque, d'une direction très sévère, exigeante et conforme aux idées spirituelles du temps. Les paroissiens l'aimaient bien, malgré ses emportements contre le mal, les abus dans les chantiers ou autres cas de ce genre ». Il porte une grande barbe, par suite d'une affection à la gorge, et il ar-bore une physionomie orthodoxe. 102

Le Progrès du Saguenay, en publiant la nouvelle de sa mort, rendit un vibrant témoignage de son œuvre.

101 Le Progrès du Saguenay, 14 avril 1898.102 Archives de la Paroisse de Sainte-Anne, Prône paroissial.

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« Son hospitalité si cordiale et si franche - disait-on - était devenue proverbiale, si bien que pour me servir d'une expression anglaise, le pres-bytère de Ste-Anne était le « home » de tout le monde. Que dire de sa cha-rité qui ne connaissait point de bornes ; que de misères il a soulagées. Que de larmes il a séchées. Dieu seul en connaît le nombre et comme il était très souvent choisi comme juge et arbitre des différents qui pouvaient s'élever en ses paroissiens (...) Il a travaillé avec ardeur à l'avancement de l'agriculture et de la colonisation, non seulement en dirigeant les conquêtes sur la forêt vierge, mais encore en retenant à l'ombre du clocher de sa pa-roisse, nombre de familles qui sans son secours auraient été forcées de s'éloigner ». 103

N'hésitant pas à s'attaquer de front aux problèmes majeurs, il dé-bute son mandat en travaillant à la relocalisation du cimetière. Ceci n'est pas une mince tâche. Le six octobre 1873, l'Archevêque de Qué-bec lui accorde la permission de transporter et d'inhumer tous les corps reposant dans l'ancien cimetière. L'autorisation civile d'exhumer [77] est signée à Chicoutimi, le 18 juillet 1874. Le nouveau cimetière, celui que l'on retrouve aujourd'hui à l'arrière de l'église actuelle, est béni le 23 avril 1873.

C'est justement à la fin de cette année 1873, qu'il engage le premier « bedeau », lors d'une Assemblée des marguilliers, tenue le 14 dé-cembre. Martin Guimond signe ce jour-là un contrat renouvelable à chaque fête de la Saint-Michel et reçoit pour salaire « un demi-minot de blé (bon ou mauvais), selon l'année, par habitant, ou cinquante cents en argent ». En retour, il doit entretenir l'église, résider dans les salles publiques et faire preuve d'un comportement complaisant à l'égard du curé et des paroissiens. 104 105

Pendant que le curé Roussel s'affaire à la construction du presby-tère et de l'église, nous le retrouvons à la tête de la « Société Rous-sel », laquelle a été formée par lui pour coloniser le Lac Clair. 106 Inlas-103 Le Progrès du Saguenay, 21 avril 1898.104 Archives de la Paroisse Sainte-Anne, Cahier des Délibérations de la Fa-

brique.105 106 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoire 142.

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sablement nous le voyons aussi présider régulièrement les réunions de la Commission Scolaire jusqu'en 1895.

Ses rapports, de 1873 et 1875, mentionnent, à part la Société de Tempérance, sept confréries : Chemin de la Croix, Saint-Cœur de Ma-rie, Apostolat de la Prière, Scapulaire de la Sainte-Vierge, Propagation de la Foi, Denier de Saint-Pierre, Sainte-Enfance. On y observe aussi une bibliothèque de 150 volumes, une diminution des désordres et une assistance nombreuse au catéchisme.

Tout porte à croire qu'il est très bien accepté par ses paroissiens, sauf peut-être le marchand Marcel Côté qui lui reproche devant l'Évêque de réciter des sermons à saveur politique, dirigés contre les Libéraux.

Nous constaterons dans la prochaine partie qu'il entreprend la construction de l'église et du presbytère en 1874 et qu'il accueille les premiers pèlerins venus du Séminaire de Chicoutimi en 1878. Le 7 janvier 1883, un décret signé par Mgr Racine, l'autorise à procéder à l'installation du Chemin de la Croix à la sacristie. De 1882 à 1887, la Société de Colonisation qu'il fonde à Chicoutimi, s'occupe du déve-loppement du canton Falardeau.

C'est l'abbé Roussel qui obtient la relique de Sainte-Anne conser-vée dans la paroisse depuis 1892. Son dernier bonheur est la célébra-tion du 25e anniversaire de sa nomination à la cure de Sainte-Anne. L'événement du 23 septembre 1896 a énormément d'éclat. [78] Il re-groupe les anciens du village, les paroissiens ainsi que toutes les per-sonnalités cléricales, politiques et civiles. 107

David Roussel décède le 12 avril 1898, à 3 1/2 hres de l'après-mi-di. Il est âgé de 64 ans et quelques mois. « Après un peu plus d'une se-maine de maladie, M. Roussel a succombé à une inflammation de poumons. C'est en chantant la grand'messe le dimanche des Ramaux qu'il a pris du froid et contracté la maladie qui l'a conduit bien vite au tombeau ». Les funérailles sont célébrées le 16 avril suivant et le corps du défunt est déposé dans un caveau spécial sous le choeur, du côté de l'Évangile. 108

107 Le Progrès du Saguenay, 24 décembre 1896.108 Le Progrès du Saguenay, 14 avril 1898.

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Le Séminaire de Chicoutimiet l'inauguration des pèlerinages

à Sainte-Anne

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Le seize mai 1878, profitant d'une journée splendide, les élèves du Séminaire de Chicoutimi, accompagnés de leurs professeurs et encou-ragés par un grand nombre de paroissiens, assistent à une messe spé-cialement en l'honneur de Sainte-Anne, la patronne de la paroisse. Le curé Roussel ne manque pas d'inscrire l'événement dans les cahiers de délibération de la fabrique et établit par ce geste la date de l'inaugura-tion des premiers pèlerinages. Il en attribue la paternité de l'événement à un groupe constitué de 4 prêtres, 8 ecclésiastiques et 80 élèves. Les Annales du Séminaire, fières de cette initiative religieuse et voulant perpétuer le souvenir de cette journée mémorable, commentent ainsi la nouvelle. 109

« Le départ eut lieu à 6 ½ hrs du matin ; une bannière de St-Joseph était en avant ; puis les élèves, quatre par quatre, et les prêtres et les sémi-naristes. Nous nous rendîmes jusqu'au débarcadère, chez M. Méron Trem-blay, en récitant le chapelet. Il fallut attendre plusieurs quarts d'heure avant de pouvoir prendre passage à bord du horseboat, qui mit bien du temps à atteindre notre rivage : le courant l'entraînait.

**     *

« Quand nous fûmes tous réunis sur l'autre rive, les rangs se formèrent de nouveau, et l'on se met en marche en récitant le chapelet. À quelque distance de l'église, nous chantons les litanies des saints (les invocations étaient chantées par MM. Belley, Savard et Dupuis), et nous arrivons ainsi au sanctuaire.

[79

« M. le curé de Ste-Anne célébra le Saint-Sacrifice, pendant que M. le Directeur disait la messe à un autel latéral. Tous les élèves du Grand et du

109 Les Annales du Séminaire de Chicoutimi, 16 mai 1878.

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Petit Séminaire reçurent la sainte communion, ainsi qu'un bon nombre de paroissiens de Ste-Anne. Au commencement de la messe, nous chantons une des litanies de Lambillotte ; à l'Élévation, le cantique « Mon bien-ai-mé ne paraît pas encore », solo par Ludger Alain. Après la messe, M. le Curé nous adressa quelques paroles d'édification, nous démontrant surtout l'importance des vertus de respect et d'obéissance. À la fin de l'action de grâces, cantique : « Chantons en ce jour Jésus et sa tendresse extrême », solo : Joseph Gosselin.

« Nous nous rendons ensuite au presbytère, où la générosité de M. le curé nous avait préparé un copieux déjeuner. Tous y firent honneur d'une manière superlative : car le jeûne avait été long ; il était près de dix heures et demie.

« Ensuite nous prenons une joyeuse récréation sur une verte pelouse. Puis, les adieux. Nous poussons des acclamations enthousiastes en l'hon-neur de M. le curé, qui trouva dans son cœur des paroles chaleureuses pour remercier les pèlerins.

Nous retournons au sanctuaire de la Bonne Ste-Anne, où M. le Curé donne la bénédiction solennelle du Saint-Sacrement. Pendant cette céré-monie l'Union Ste-Cécile chante l'O Salutaris de l'abbé Fraser.

« Et nous nous mettons en route, avec ordre. Dans le trajet, diverses joyeuses chansons rendent la marche plus facile et plus agréable.

« Cette fois nous prenons tous passage à bord du horse-boat, qui four-nit ample matière à maintes réflexions originales. C'aurait été de même le matin ; mais il fallut observer un silence rigoureux, et l'on y réussit passa-blement. Au retour, en sillonnant l'onde paisible, il fallut encore quelques chansons.

« On atteint la rive de Chicoutimi ; les passerelles sont disposées, et les passagers débarquent tous sains et saufs. Le reste du congé s'achève bien tranquillement : car la plupart n'étaient pas sans ressentir quelque fa-tigue. »

L'année suivante, le pèlerinage est prévu pour le 15 mai mais la mauvaise température oblige les autorités du Séminaire à le reporter au mercredi 28 mai. Cette fois-ci c'est le très connu homme de science régional, l'abbé Victor A. Huard qui décrit l'événement. Le départ, la

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traversée et la fête ressemblent à ce qui avait eu cours l'année précé-dente. 110

[80]

La tradition des pèlerinages pour les gens du Séminaire se répète jusqu'en 1881. Par contre, nous avons l'indication que, parallèlement à l'organisation privée, un certain public assiste lui aussi aux dévotions. En 1882, Ludger Petit, dans son Journal intime, rapporte que le 26 juillet, « Jour de la bonne Ste Anne il a fait un temps superbe dans la-ven midi ils y avais becoups monde a la messe les enfan on crier leur sous et on distrais les pelerins le sermon a été praiché par M Seigneur Racine Mr Savard curé de Lance aufoin un sermon a la porte de tout monde ils a eu aucun miracle que je connaise » 111

Ces quelques mots pleins de sensibilité sont révélateurs d'éléments importants pour l'histoire des pèlerinages à Sainte-Anne de Chicouti-mi. D'abord, disons que la date du 26 juillet qui correspond à la fête de la grande patronne, devient la première mention de manifestations populaires lors de cette journée. De plus, le texte nous dit aussi que les pèlerins viennent de différents endroits, ce qui contribue à donner une note encore plus régionale. Somme toute, les propos de M. Petit té-moignent que les pèlerinages à Sainte-Anne ont survécu à ceux du Sé-minaire de Chicoutimi et ont pris même une forme plus sociale.

110 Ibid., 28 mai 1879.111 Ludger Petit, Journal, 26 juillet 1882. Photocopie de l'original, Fonds Rus-

sel Bouchard, Dossier 112, Pièce 8.

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La structuration scolaire au XIXe siècle

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Lorsque le père Honorat arrive à Saint-Alexis de la Grande-Baie le 15 octobre 1844, il perçoit déjà l'ampleur des problèmes qui croissent avec la population. Certes, abattre la forêt et s'installer pour cultiver, restent un véritable défi, mais il faut penser aussi à organiser des structures scolaires « dans ce pays où les enfants sont presque aussi nombreux que les souches » 112

Au mois de novembre de cette même année il visite les deux écoles en fonction, soit celle de Saint-Alexis et celle de la Rivière-du-Mou-lin. À ce moment, le problème scolaire est lié à l'immensité du Sague-nay, où s'ouvrent une infinité de nouvelles colonies, donnant nais-sance à de nouveaux besoins d'écoles. Le Père pense non seulement au Bas-Saguenay mais aussi aux Terres-Rompues et à ce qui s'appel-lera prochainement Sainte-Anne. S'ajoutent à ce premier [81] em-bûche de l'étendue du territoire, les lois scolaires en vigueur dans la province, en raison de leur lourdeur, qui entravent profondément la bonne marche des écoles du Saguenay lors de son ouverture à la colo-nisation.

Anciennement, la loi de 1841, commune aux deux Canadas, divi-sait le Bas-Canada en 22 districts municipaux, comprenant chacun plus de cent paroisses ou villages. Pour sa part, le Saguenay était ratta-ché au district de La Malbaie. Le conseil municipal du district était nommé directement par le Gouverneur. Ce Conseil avait juridiction sur toutes les affaires municipales et scolaires du district qu'il cou-vrait.

La loi prévoyait l'élection par les citoyens de chaque paroisse de Commissaires pour s'occuper des écoles de leur arrondissement. Ces commissaires entretenaient leurs écoles, choisissaient les maîtres et les visitaient au moins une fois l'an. Après cette visite annuelle ils fai-112 Pour tout ce qui concerne le début de ce chapitre, nous nous inspirons for-

tement du texte de J. P. Simard et de Léonidas Larouche, « Les premières écoles au Saguenay, 1844-1845 », Saguenayensia, sept.-oct. 1964, pp. 111-114.

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saient rapport au conseil municipal de leur district. Enfin, disons que ces commissaires n'avaient aucun pouvoir de taxation et ils étaient sous la direction du conseil municipal du district.

Pour les chantiers

La rareté de l'ouvrage à Chicoutimi, causée par la fermeture des moulins Price, l'arrêt des travaux à l'établissement Willson et l'absence de travaux municipaux sur lesquels un grand nombre d'ouvriers comptaient, a détermi-né une exode de la classe ouvrière.

Depuis deux semaines un nombre considérable d'ouvriers ont quitté leurs foyers, pour aller travailler soit à Ottawa soit dans les forêts du Saint-Maurice.

Un autre groupe de travailleurs engagé par M. Joseph Renald, de Ste-Anne, doit partir dimanche prochain pour le St-Maurice.

Depuis bien des années, c'est la première fois que nos ouvriers sont obli-gés de s'éloigner pour se procurer du travail.

Espérons que, c'est la dernière fois.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 18 octobre 1901.

Ce dernier prélevait les taxes pour les distribuer selon les besoins municipaux et scolaires des diverses populations. À la fin de l'année, [82] le Préfet avait à faire au Surintendant de l'éducation un rapport sur toutes les écoles du district. 113

En 1846, nous assistons à la création de la commission scolaire au-tonome, revêtue de la personnalité civile, avec pouvoir de lever et ré-partir des taxes pour le maintien des écoles. C'est ce régime qui perdu-rera jusqu'à nos jours. 114

113 Ibid.114 Victor Tremblay, Histoire du Saguenay, Société Historique du Saguenay,

no 21, Chicoutimi, 1968, p. 406.

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Au Saguenay, on établit d'abord des écoles de fabrique. Comme nous avons pu le constater avec le père Honorat à Saint-Alexis, les prêtres, étant les plus actifs promoteurs de l'établissement des écoles, on recourt naturellement à ce premier moyen. Mais peu à peu se forment des municipalités scolaires. 115

De cette façon, les établissements scolaires de la rive nord, com-prenant les cantons Tremblay, Simard et Harvey, ont d'abord fait par-tie de l'administration de Chicoutimi. Le 14 novembre 1852, la com-mission scolaire de Chicoutimi fait de la partie ouest du canton Trem-blay son arrondissement Numéro 5 et y établit une école l'année sui-vante.

Mais dès 1854, le canton Tremblay se détache de Chicoutimi pour former une municipalité scolaire désignée sous le nom de Saint-Jo-seph. Cette désignation s'explique évidemment par le nom du cap Saint-Joseph. Les inspecteurs d'écoles la nomment ainsi pendant plu-sieurs années et même après l'érection de la paroisse sous le vocable de Sainte-Anne. 116

La première école est tenue par Marguerite Perron ; en 1855 elle est confiée à Marcel Côté qui devient le premier maître d'école, le pre-mier marchand et le premier maître de poste de la paroisse. 117 Le Ca-hier des Délibérations de la Fabrique de Sainte-Anne nous dit que la première école est située « sur l'emplacement aujourd'hui occupé par François Gauthier », la deuxième école, « tenue au bout de la deuxième terrasse devant l'église » ; la troisième école, tenue dans la maison qui fut transformée en salle publique « sur l'emplacement des nouvelles salles rebâties en 1900 ». 118

[83]On prend à cœur l'avancement de l'instruction. Le rapport de l'ins-

pecteur Isidore Morin pour l'année 1855, indique 64 enfants aux

115 Ibid. p. 407116 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 1173, Pièce 2, Document

sans date ni signature.117 V.T., Histoire du Saguenay, op. cit., p. 314.118 Documents retranscrits par la S.H.S., A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Trem-

blay, Dossier 42, Pièce 16, Page 5.

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écoles pour une population de 582 âmes, alors que Chicoutimi, pour une population de 1564 âmes n'en compte que 75. Il y a un fléchisse-ment en 1866 car il n'y a pas d'école cette année-là et le relèvement est lent à s'opérer. 119

La petite école en haut du rang 7, dans le canton Tremblay. Elle était située non loin de la route Desmeules.

Avec l'arrivée de la décennie soixante-dix, l'organisation munici-pale et paroissiale atteint une certaine maturité. Mais pour l'organisa-tion scolaire, le rapport est plus difficile à établir car les documents nous manquent. Nous savons qu'au fur et à mesure qu'évolue le ré-gime municipal et paroissial, l'entreprise scolaire est sensée évoluer dans la même direction. Nous pouvons fixer une date sûre pour la création de la première commission scolaire paroissiale. Contraire-ment à ce qu'il serait logique de déduire, elle ne suit pas l'érection ci-vile de la paroisse, le 24 décembre 1870. Si nous nous rapportons aux « Documents de la Session », c'est en 1875 que l'on commence à par-ler officiellement de Sainte-Anne en tant qu'entité scolaire distincte de Chicoutimi. En effet, c'est en 1875 que la municipalité scolaire Saint-Joseph disparaît, avec l'érection de la commission scolaire de Sainte-Anne du Saguenay (Statut 38 Victoria, chapitre 8, 1875).

Malgré ce manque de précision, il est plus facile d'évaluer la situa-tion scolaire au cours de cette première moitié de la décennie

119 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 1173, Pièce 2. Document sans date ni signature.

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soixante-dix. Justement, en 1870, l'inspecteur pour le comté de [84] Chicoutimi est un dénommé Martin. L'état des écoles pour le district fait mention du « grand feu ». L'incendie du 19 mai a mis fin aux acti-vités d'un grand nombre d'écoles, « soit à cause de la perte des mai-sons, soit par suite de l'obligation où se sont vus les commissaires de mettre à la disposition des incendiés les maisons d'écoles qui leur res-taient » 120. Toujours est-il qu'au cours des années qui suivent le feu, on s'affaire à la reconstruction du réseau des écoles. 121

Maintenant, arrêtons-nous un peu pour jeter un coup d'œil sur le rapport de l'inspecteur pour l'année 1876-77. Avec ce document, le premier à être aussi complet, nous sommes en mesure d'évaluer concrètement à quoi ressemble l'organisation scolaire de Sainte-Anne à cette époque. 122

« Il existe dans cette municipalité [Sainte-Anne] une école-modèle et trois écoles élémentaires fréquentées par 187 élèves, avec une assistance en moyenne de 115. Chacune des institutrices élémentaires brevetées touche la faible rémunération de $80. L'institutrice de l'école-modèle a $160. Le secrétaire-trésorier, M. Jean Gauthier, sans être instruit, est plein de bonne volonté et s'acquitte bien des devoirs de sa charge. Les comptes sont reçus avec exactitude. La rentrée des cotisations se fait lentement. La commission scolaire, sous la présidence du révérend M. D. Roussel, s'im-pose de grands sacrifices pour le soutien de ses écoles. Le chiffre des coti-sations est de $200. Le bois de chauffage est fourni par les colons de la lo-calité.

120 Documents de la Session, « Rapports des inspecteurs d'écoles », 1871, p. 30.

121 Ibid., 1873, p. 13.122 lbid., 1877, pp. 216-217.

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École No 1 ou École-Modèle

Melle. Caroline Couillard dirige cette institution depuis plusieurs an-nées. Cette école est très bien tenue et toujours de plus en plus prospère. Nombre de groupes : 6. On y compte 95 élèves avec une assistance en moyenne de 50. 35 élèves sont depuis l'A, B, C, jusqu'à la lecture cou-rante, 25 lisent couramment, 35 lisent bien, 61 étudient l'arithmétique et le calcul mental, 15 la tenue des livres, 5 le mesurage, 50 l'écriture, 20 l'an-glais, 29 la grammaire, l'orthographe et l'analyse, 5 le style épistolaire, 31 la géographie, 29 l'histoire, 32 l'agriculture et 24 la musique vocale. Les progrès faits depuis deux ans sont très satisfaisants. La première classe a parcouru toute la grammaire, l'arithmétique, la géographie, l'histoire sainte et l'histoire du Canada. Les élèves résonnent bien toutes les matières. L'écriture est aussi très soignée. Dimensions de la maison d'école : 40 pieds sur trente. L'intérieur n'est pas encore terminé. Il y a deux apparte-ments destinés à l'institutrice. L'école est située sur le bord du grand che-min,

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[85]

La petite école en bas du village vers 1930. L'école était située sur la rue Roussel à proximité de la clinique familiale actuelle.

[86]

avec une grande cour pour les élèves. Les lieux d'aisances sont à cent pieds de la maison.

On trouve dans l'école quatre tables, huit bancs, deux tableaux noirs, une série de cartes géographiques, un seau, une horloge, un poêle et une cave.

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École Élémentaire

École No 2. - L'école No. 2 tenue par Melle Marguerite Harvey, n'a fait aucun progrès. L'institutrice est incompétente et n'a aucune aptitude pour l'enseignement. On compte 27 élèves divisés en 5 groupes. Assis-tance journalière : 25. 5 élèves sont depuis l'A,B,C, jusqu'à la lecture cou-rante, 10 lisent couramment, 12 lisent bien, 20 étudient l'arithmétique et le calcul mental, 18 l'écriture, 13 la grammaire, 12 l'analyse et l'orthographe, 9 la géographie, 12 l'histoire, 2 l'écriture et 20 la musique vocale. La mai-son d'école, grande de 25 pieds sur 20, est en mauvais état, mais les com-missaires m'ont promis de la réparer. Elle est située sur la grande rue. Pas de jardin.

École No 3. - L'école de l'arrondissement No. 3, confiée aux soins de Melle. Marie Lachance, institutrice, est passable. Je dois aussi dire en jus-tice pour l'institutrice que les enfants sont mal pourvus de livres. Nombre de groupes : 5. On y compte 28 élèves avec une assistance journalière de 16. 5 élèves sont depuis l'A, B, C, jusqu'à la lecture courante, 8 lisent cou-ramment, 15 lisent bien, 13 étudient l'arithmétique et le calcul mental, 12 l'écriture, 6 la grammaire, l'orthographe et l'analyse, 7 l'histoire, 2 l'agri-culture et 8 la musique vocale. La maison d'école est placée à environ 40 pieds du chemin. Elle a 20 pieds sur 16. L'emplacement est d'un demi-ar-pent. Il n'y a pas de jardin. Cette maison est vieille et demande de grandes réparations.

École No 4. - Melle Laure Tremblay, institutrice de mérite, conduit avec succès l'école No. 4 ouverte seulement depuis deux ans. Le nombre des élèves est de 37 avec une assistance en moyenne de 25. 6 élèves sont depuis l'A, B, C, jusqu'à la lecture courante, 14 lisent couramment, 17 lisent bien, 15 étudient l'arithmétique et le calcul mental, 12 l'écriture, 11 la grammaire, 10 l'orthographe, 9 l'analyse, 5 la géographie, 15 l'histoire, 1 l'agriculture et 13 la musique vocale. Nombre de classes : 5. Cette école se tient dans une maison louée par les commissaires et qui est convenable.

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Selon la tradition, les réunions se tiennent au presbytère de la pa-roisse, quelquefois dans une école, quelquefois chez un commissaire. Le curé David Roussel en assume assidûment la présidence du début jusqu'à son remplacement par Charles Villeneuve, le 9 septembre 1895. 123 Nous pouvons suivre assez bien le rythme de la [87] petite commission scolaire de 1878 à 1900, grâce au cahier des procès-ver-baux des réunions qui est conservé et déposé aux Archives nationales du Québec à Chicoutimi. 124

Nous pouvons y retracer tout ce qui touche le fonctionnement de l'éducation. La vie dans ces écoles n'a rien d'original. Les vacances dé-butent vers le 15 août pour se terminer vers le dernier lundi de sep-tembre. Le calendrier scolaire reste très rigide et les « maîtresses » doivent s'en tenir a un programme défini à l'avance. « Ordonner aux maîtresses de bien se servir des tableaux de lecture pour l'enseigne-ment de l'alphabet, bien enseigner l'art épistolaire et le dessin linéaire une fois par semaine, les leçons de bases, l'agriculture et les leçons de politesses une fois par semaine, bien suivre le programme d'étude, les règlements scolaires, étudier les notes pédagogiques du journal d'ap-pel, ne prendre aucun autre congé que les jours indiqués dans le jour-nal sans la permission du curé ou des commissaires, de ne point faire la classe d'une seule séance, et ce sous peine de destitution. Confor-mément à l'art, et au code de l'int. publique ». 125

En 1892, le coût de l'enseignement atteint la somme de $1553.68, montant réparti à travers dix écoles. Prennent place sur les bancs, 428 étudiants dont 218 sont constitués de garçons et 210 de filles. Grâce au tableau suivant nous pouvons remarquer que 22% sont âgés de moins de 7 ans, 68% entre 7 et 14 ans, et 10% entre 14 et 16 ans. 126

123 A.N.Q.C., Fonds Chicoutimi-Nord, 61.3.124 Ibid.125 A.N.Q.C., Fonds Chicoutimi-Nord, 61.3.126 Documents de la Session, « Statistiques Générales du coût de l'enseigne-

ment et du nombre d'enfants de 5 à 16 ans dans la province », 1893, pp. 135-136.

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Statistiques des enfants de 5 à 16 ansfréquentant les écoles de Sainte-Anne en 1892

Garçons  de 5 à 7 ans  47

de 7 à 14 ans  152

de 14 à 16 ans  19 218

Filles  de 5 à 7 ans  46

de 7 à 14 ans  142

de 14 à 16 ans  22 210

TOTAL 428

En mars 1894, le district No 9, qui comprend une partie du canton Bourget (St-Ambroise), se détache de Sainte-Anne. Mais du même coup, un arrêté en Conseil du 22 juin 1894 annexe à la municipalité scolaire de Sainte-Anne « les rangs A et I du canton Simard [88] à partir du côté ouest de la rivière Shipshaw, jusqu'au lot no 26 inclusi-vement. La partie du rang II du dit canton depuis le côté ouest de la rivière Shipshaw jusqu'au No 29 inclusivement. Cette partie des rangs III, IV et V du dit canton Simard qui se trouve situé à l'ouest de la dite rivière Shipshaw » 127

Au cours de l'année 1900, des changements importants s'effec-tuent. Le 1er juillet de cette année-là, par proclamation, est érigée sous le nom de « VILLAGE DE SAINTE-ANNE », la nouvelle municipa-lité scolaire. Il est important de connaître tous ces noms pour bien suivre le développement du réseau scolaire car, redisons-le, la munici-palité scolaire n'est pas la municipalité politique avec son maire et ses

127 A.N.Q.C., Fonds Chicoutimi-Nord, 61.3, « Lettre du Département de l'Ins-truction Publique, 26 fév. 1896 ».

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conseillers. À la suite de ce nouvel état de faits, les districts sont redé-finis le 19 août 1900. Nous retrouvons : 128

Les écoles du VILLAGE DE SAINTE-ANNE en 1900

No 1. École du 2e rang du canton TremblayNo 2. Ecole du 2e rang du canton SimardNo 3. École du 3e rang du canton SimardNo 4. École des Terres-Rompues de ShipshawNo 5. Ecole des Terres-Rompues de ShipshawNo 6. École du 6e rang du canton SimardNo 7. École du 3e rang du canton TremblayNo 8. École de Valin.

128 lbid., Réunion du 19 août 1900, p. 228.

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[89]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.Première partie :

Le Canton Tremblay, 1848-1893

Chapitre 4Activité industrielle

et petits artisans

Le début de la petite industrie

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Au fur et à mesure que la vie communautaire se forme, de petites industries se créent et répondent ainsi à des besoins domestiques im-médiats. Chacune de ces activités, revêtant un caractère plus ou moins artisanal, cherche ses matières premières dans les ressources natu-relles locales. Elles répondent toutes à une demande spontanée du marché et vivent une existence bien éphémère.

À leurs débuts, les besoins de Chicoutimi sont comme un stimu-lant. Cependant, au fur et à mesure que le marché prend de l'impor-tance et se rationalise, la force d'attraction de la ville voisine devient plus grande et réussit à les attirer sur son propre territoire. Du moins c'est ce qui arrive à l'industrie de la poterie et de la brique. Quant à la pierre, déménager les carrières reste impraticable et l'on se contente d'aménager des fours pour transformer la matière première sur son propre territoire.

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Le Progrès du Saguenay, dans son édition du 8 mars 1888, men-tionne qu'à Sainte-Anne vivent plusieurs cultivateurs très à l'aise, plu-sieurs rentiers, plusieurs fabriques de chaux et une fromagerie. Cette paroisse, nous dit-on, est l'une des mieux organisées et les plus com-plètes de tout le comté de Chicoutimi. 129 Favorisées par une telle conjoncture, les manufactures de poterie, de tinettes, et plus tard celle de la brique, s'ajoutent au panorama industriel.

L'industrie de la chaux

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Très tôt, les énormes dépôts de pierre calcaire permettent l'utilisa-tion de ce potentiel pour l'extraction de la chaux. À plusieurs endroits, des fours sont construits et bien des noms de pionniers se rattachent à ce type de production. Comme première utilisation, cette matière sert à la fabrication du mortier, puis, au blanchissage des bâtisses. Au dé-but du XXe siècle, grâce aux découvertes sur le traitement des sols en culture, elle devient un élément dont on peut de moins en moins se passer.

129 Le Progrès du Saguenay, 8 mars 1888. Aussi dans Varia Saguenayensia, vol. III, p. 272.

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Les chantiers

Les chantiers sont en pleine activité dans toute la région. Les plus gros chantiers sont fait par la compagnie de pulpe et la maison Price.

Cette maison fait cent mille billots de pulpe pour sa manufacture de Jon-quière. Elle fait aussi une grande quantité de bois de pulpe à la Grande-Baie. En outre elle fait des chantiers considérables pour alimenter ses moulins de Ste-Catherine, de St-Jérôme et du Lac Laurent.

M. Louis Savard, de Ste-Anne a pris pour la maison Price un contrat de 50,000 billots sur la rivière Valin.

En général, il règne cet hiver une grande activité dans l'industrie du bois. Il en est résulté une augmentation sensible du salaire, de l'ouvrier.

Les salaires sont les mêmes qui sont payés dans les chantiers d'Ontario.

L’entrepreneur fait moins d'argent probablement, mais par contre la po-sition de l’ouvrier se trouve par ce fait considérablement améliorée. Les marchands sont les premiers à se sentir de cette amélioration et à voir leur visage réjouis, Il est évident qu'ils font des affaires d'or.

En effet chacun agrandit son commerce et c'est à qui aura le plus beau magasin et les plus belles marchandises.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 11 décembre 1902.

De par leur composition, les terres saguenéennes sont pauvres en chaux. Les récoltes prélevées annuellement et surtout le lavage des abondantes pluies qui s'abattent l'automne et le printemps les [91] ont appauvries davantage. C'est ainsi que le sol devient plus acide et manque de chaux. Mais, reconnaissons-le, l'utilisation dans le service agricole est relativement récente et n'explique pas les origines de cette industrie à Sainte-Anne. En 1937, dans les trois comtés du Saguenay,

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il s'emploie 998 tonnes de pierre à chaux alors que le besoin agricole est évalué à 148,000 tonnes. 130

Pour le blanchissage des bâtisses, l'emploi de la chaux reste une pratique courante et très populaire au Québec et fait partie de nos tra-ditions. Le fermier désireux de prolonger la vie de ses bâtisses et sou-cieux de leur donner un aspect de propreté, les badigeonne au lait de chaux. Les lambris ainsi blanchis résistent mieux à l'action combinée du soleil et de la pluie. Comme qualité principale disons que les sur-faces chaulées ne reçoivent aucun parasite ni microorganisme qui ne peuvent vivre sur les murs ainsi traités. De plus, le bois blanchi s'en-flamme moins vite lorsqu'il est exposé au feu. 131

La carrière de pierre à chaux la mieux connue et la plus ancienne s'étend sur une espace d'environ trois milles, à travers les 3e et 4e rangs des cantons Simard et Tremblay. Encore aujourd'hui, ces carrières sont exploitées à grand rendement.

Selon le mémoire du pionnier Charles Boivin (père), « il s'est fait de la chaux à Sainte-Anne avant ailleurs. Au commencement toute la chaux venait d'ici. Georges Gauthier (le chantre), Eusèbe Gauthier, Philibert Tremblay, en ont fait. Jean Bouchard en a fait aussi ; son fils Braxède a continué, et son petit-fils Fabien en fait maintenant : ce qui fait trois générations dans le métier. Napoléon Tremblay avait une installation plus moderne et plus pratique que les autres. Pour cuire la chaux on chauffait 3 jours et 3 nuits ». 132

Un fait cocasse dont l'acteur principal est justement Philibert Tremblay, marqua longtemps la mémoire des gens de Sainte-Anne. « Il y a une drôle d'aventure, dont j'ai [Mme Elisabeth Côté épouse d'Onésime Harvey] eu connaissance, au sujet du bonhomme Philibert Tremblay. La fabrication de la chaux l'obligeait à passer souvent des nuits sans sommeil. Une fois qu'il avait fait un voyage en voiture, pro-bablement pour aller livrer de la chaux, il avait dû dormir en route ; en tout cas il crut avoir rencontré un ancien mort, qu'il connaissait bien et nommait, et qui lui dit : tu vas mourir tel jour, à telle heure : prépares-toi bien. Et il y croyait si bien que le jour [92] venu, il alla

130 Le Progrès du Saguenay, « De la chaux, Messieurs, il en faut sur terre », 19 mai 1939.

131 Le Progrès du Saguenay, « Le blanchissage des bâtisses », 25 avril 1940.132 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoire no 231.

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se confesser, communia, s'habilla comme il voulait être enseveli, et s'assit dans une chaise, attendant le dernier moment, bien qu'il ne se sentit aucunement malade. Mais la mort ne vint pas. Il ne mourut que plusieurs années après ». 133

Le plus connu de nos anciens fabricants de chaux reste Napoléon Tremblay. D'une énergie et d'une créativité peu commune, son nom reste également associé à l'histoire de la poterie et de la briqueterie de Sainte-Anne. C'est à son retour de Roberval qu'il se mit à faire de la chaux. D'abord au Bassin, à proximité de la pulperie, puis dans le rang Saint-Ignace.

Se rapprochant de Chicoutimi, Napoléon s'installe non loin du bu-reau Price, près de la voie de chemin de fer. « Il avait là un fourneau coulant, c'est-à-dire un fourneau muni de plusieurs trous, de sorte qu'on pouvait sortir de la chaux tout le temps, à mesure qu'elle était cuite, en remplissant à mesure par le haut. J'ai [Ovide Tremblay de Sainte-Anne] cuit souvent pour lui. L'été on faisait de la construction, et l'hiver on faisait de la chaux ». 134 Après cela, Napoléon vient s'ins-taller à Sainte-Anne, chez Joseph Morissette, où il s'occupe à ce tra-vail jusqu'à sa mort en 1923. Si l'on se réfère à une annonce parue dans le Progrès du Saguenay, c'est en mars 1907 qu'il commence l'opération de son fourneau à chaux des carrières de Sainte-Anne, ce qui ne l'empêche nullement de demeurer à Chicoutimi. 135

Il est utile également de noter qu'en 1897, M. Wilson, celui qui a donné son nom à la chute située à quelques milles au nord de Chicou-timi, avait des vues sur la pierre à chaux. Il voulait, lors de sa pre-mière visite à Chicoutimi, établir une manufacture de carbure de cal-cium et utiliser la pierre à chaux que l'on trouvait en abondance à Sainte-Anne. Évaluant la grande importance des cours d'eau pour le développement électrique, il abandonna son idée première au profit du projet de Shipshaw. 136

133 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoire no 219.134 Ibid., Mémoire no 220.135 Le Progrès du Saguenay, « Chaux à vendre », 21 mars 1907.136 Le Progrès du Saguenay, « L'établissement Wilson à Shipshaw », 20 juin

1901.

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La manufacture de tinettes

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C'est au cours des années 1888-1889 qu'est née, à Sainte-Anne, la manufacture de tinettes. Celle-ci demande des investissements sub-stantiels pour l'époque, en raison d'une machinerie plus compliquée. [93] Les tinettes sont de petits vaisseaux de bois, dans lesquels on conserve habituellement le beurre et les graisses animales. Elles peuvent contenir jusqu'à quarante livres de beurre.

Nous savons qu'à cette époque Sainte-Anne est en voie de se tailler une place enviable dans le marché du beurre. De toute façon l'indus-trie laitière est appelée à prendre une très grande expansion dans toute la région. La production des tinettes à beurre vient donc répondre à un besoin très local puis, à une demande plus régionale. L'initiative est due au curé David Roussel qui organise l'usine où on y fabrique aussi des seaux, des cuves, des boîtes à fromage et des articles domes-tiques. 137

Les premiers résultats sont très encourageants. Le corps principal de la manufacture mesure environ cinquante pieds sur trente, en plus d'une rallonge recouverte de fer blanc. L'engin utilisé avait précédem-ment gagné le premier prix à son concepteur « Petit » Tremblay, fils de Joseph, lors de l'exposition provinciale de 1888. Le mécanisme se divise en plusieurs parties et fonctionne comme suit :

Lors d'une première opération, les billots sont sciés en planches et en madriers grâce à des chasses spécialement aménagées. Produisant plus que le besoin initial, ces mêmes chasses fournissent une bonne quantité de madriers et de planches pour les cultivateurs. À la suite de cette première opération on prépare les planchettes des tinettes dans « un cylindre d'acier, d'environ 18 pouces de diamètre et dont une des extrémités est garnie de dents et fait l'office de scie. Les morceaux de bois, sciés de longueur et introduits dans ce cylindre en sortent prêts à employer ». 138

137 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 2197, Pièce 1A, page 11.138 Le Progrès du Saguenay, « Industrie à Sainte-Anne - Tinette », 21 mars,

1889.

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La manufacture peut livrer 200 tinettes par jour, ce qui représente une valeur de $70. Elle emploie une douzaine d'hommes et les tinettes d'utilité domestique coûtent .50 cents. La scie est employée aussi pour différents travaux, même à la coupe du bois de poêle.

Cette méthode de production industrielle a une existence bien éphémère. Elle ne perdure que quelques années. L'usine passe au feu un dimanche et rien ne peut être sauvé. La population doit retourner à un type de fabrication artisanale. M. Émile Simard, dans ses mémoires conservés aux Archives nationales du Québec à Chicoutimi nous ra-conte, avec force détails, comment son père Théodule [94] s'y prenait pour fabriquer ses tinettes. Nous reproduisons dans les espaces consa-crées aux textes originaux, ses commentaires à ce sujet.

La poterie de Sainte-Anne

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L'histoire de la poterie à Sainte-Anne est intimement liée à celle de son fondateur, Napoléon Tremblay « Petit » qui lui associe quelques membres de sa famille. C'est d'ailleurs en raison de cette appartenance familiale que l'on donne aux terrines et autres objets le nom de « Pe-tette », un dérivé de « Petit ». 139 Natif de Sainte-Anne, Napoléon est le fils de Joseph, un maçon originaire des Éboulements. Réalisant des études brillantes au Séminaire de Chicoutimi, il prend la soutane en 1883 pour la laisser après seulement trois années d'études en théolo-gie. Doué d'un esprit inventif mais instable, il commence sa carrière par la fabrication d'huile à mouche, puis passe à la poterie pour s'orienter finalement vers la fabrication de la brique et de la chaux.

C'est lors de son retour d'une promenade à Ottawa, en 1886, alors qu'un hasard l'amène à visiter l'atelier d'Odilon Delisle à Québec, qu'il fait connaissance avec l'art du potier. Dès son arrivée à Sainte-Anne il propose à son père d'ouvrir un petit atelier de poterie. Il achète par correspondance, du potier Delisle, ses moules, son tour et ce qui lui reste de « terre à feu ». Immédiatement, il commence sans aucun ap-

139 A.N.Q.C., Mémoire de Mme Élisabeth Côté, no 214. Voir aussi Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 42, Pièce 7.

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prentissage, à faire de la poterie dans son village natal, aidé de son jeune frère Ovide, âgé à ce moment d'une quinzaine d'années. 140

Sa boutique est située en face du couvent et de l'église ; le fourneau à cuire se situe à « environ 20 pieds plus bas que la statue de Sainte-Anne ». 141

Si l'on se réfère à l'article paru dans le Progrès du Saguenay, le 2 mai 1888, les progrès sont rapides. « Ce qui n'était l'automne dernier qu'un objet de curiosité et une nouveauté pour tout le monde prend maintenant son rang dans le commerce et nous sommes heureux de constater le développement rapide de la nouvelle poterie. Il nous a été donné de constater personnellement les progrès de l'établissement de M. Tremblay ...  »

[95]« M. Tremblay se charge de toutes sortes d'ouvrages en terre et nous

pouvons recommander ces ouvrages comme de première classe à raison de l'excellente terre employée. Cette terre est de beaucoup supérieure à celle employée dans la généralité des poteries, surtout pour les articles exposés au feu tels que thé-pots, marmites, etc. Les thé-pots, crachoirs, pots au lait, pouvaient résister au feu, les jarres en général, les bols à lait, les pots à bouquets, les marmites pouvant remplacer avantageusement les chaudrons en faïence et en fonte, sont autant d'articles fabriqués par M. Tremblay et que l'on peut se procurer à aussi bon marché qu'à Québec ».

« Il est un article d'une grande utilité ; c'est une jarre à l'eau à laquelle on peut appliquer un robinet et qui est bien perfectionnée. Cet article est indispensable dans un magasin et dans beaucoup de maisons ». 142

140 A.N.Q.C., Mémoire de M. Ovide Tremblay, 10 oct. 1937, no 220.141 Ibid.142 Le Progrès du Saguenay, « La poterie de Ste-Anne », 2 mai 1888.

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[95]

Bénédiction du pont de la Rivière Valin

Le vieux pont tortu, bossu de la Rivière Valin qui menaçait de s'écrouler à chaque voiture qui le traversait a été enfin remplacé par un solide viaduc ou pont couvert de 140 pieds de longueur. Les plans et devis de ce pont ont été fournis par le gouvernement et la construction a été surveillée par le contremaître des travaux publics du département de la Colonisation.

M. J.N. Castonguay, inspecteur des ponts et chaussés et de la voirie pu-blique est attendu à Chicoutimi cette semaine pour l'inspection finale du nouveau pont de la Rivière Valin.

Les deux paroisses intéressées à cette construction ont bien fait les choses. Le pont actuel est solide et durable ; l'ingénieur du gouvernement le garantit pour 50 ans, si les deux municipalités veulent faire tout leur possible pour le préserver du feu. Des tonneaux remplis d'eau et des chaudières se-ront placés dans toute la longueur du pont. Il est à espérer que les citoyens auront assez de conscience pour ne pas s'en approprier, comme il est arrivé au pont de la Grande Décharge. On se souvient que ce pont a failli brûler l'été dernier faute d'eau à la disposition des passants.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 21 décembre 1905.

Les avantages d'acheter chez nous restent évidents. La poterie ve-nant d'ailleurs coûte cher et est exposée à des dommages considé-rables lors du transport.

[96]

La terre glaise employée comme matière première provient des en-virons du quai de la traverse. La variété des produits ne fait pas dé-faut : théières, jarres à cuisson, crachoirs avec des castors estampillés

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sur les côtés, crachoirs de deux pieds de diamètre, vases de toutes sortes, pots à bouquets, et même des bibelots. 143

Le fourneau à cuire est une brique et mesure, à l'intérieur, environ 8 pieds de diamètre et 10 pieds de hauteur. Les pièces sont disposées sur de petits trépieds terminés par des griffes pointues, précaution qui empêche le. produit de se souder à son soutien. On chambre le tout au moyen d'une substance importée appelée « terre à feu », laquelle fait office d'abri contre la fumée. « Vous avez vu parfois des points noirs attachés à des vases en terre cuite : c'est parce qu'ils avaient été mal abrités et que la flamme avait jeté des débris dessus » 144.

La méthode adoptée pour la fabrication s'apparente à toute la tradi-tion du potier. Laissons Ovide Tremblay nous raconter de quelle façon il s'y prend. « On prenait une boule de terre détrempée, assez forte pour se tenir comme de la pâte, et on la plaçait au centre du plateau ; on se mouillait les mains avec de la vase claire et on pressait légère-ment la boule pour la faire centrer. Ensuite on la creusait avec les pouces, l'amincissant petit à petit et lui donnant la forme voulue ».

« Pour les objets moulés, on se servait de moules en plâtre. On en graissait l'intérieur avec je ne sais plus quoi, pour empêcher la terre d'adhérer trop fortement et de se souder au moule ; on prenait ensuite une boule de terre détrempée ferme, comme de la pâte à pain, et on la mettait dans le moule en la pressant contre les parois ; on joignait ensemble les deux parties pour cimenter soigneusement la jointure, et on attachait l'en-semble avec des cordes de cuir. On mettait ensuite le fond, après avoir ar-rangé le dedans du vase, et on laissait sécher assez pour que cela se tienne ; on ouvrait le moule avant que la terre devint trop dure. Quand il fallait mettre un bec au vaisseau, on faisait les becs après que tout le reste était fait ; comme le bec est plus mince, il séchait plus vite. Les becs étaient faits en deux morceaux comme les vases. On les démoulait, de même que les vases, quand ça se tenait, et on collait les becs en se servant de vase claire en guide de ciment ; il fallait faire cela quand la terre était encore verte (i.e. pas durcie tout à fait), autrement ça ne collait [97] pas ferme ; mais il ne fallait pas se trop presser non plus, autrement le vase se serait déformé. Les terrines étaient tournées sans moule.  »

143 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 292, Pièce 7.144 Mémoire d'Ovide Tremblay, op. cit.

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« On prenait la terre dans la coulée chez le père Kessis Tremblay. Nous avions un moule pour faire des petits lions ».

« On mettait le vernis dessus avant de cuire. Ce verni était composé de matières achetées ; de l'oxide de plomb, de l'oxide d'étain, du manganèse, ... On achetait tout cela en poudre. Pour donner une teinte plus foncée on forçait la proposition en faveur du manganèse, qui est noir ; pour faire plus pâle, on mettait plus de rouge de plomb que de noir, etc. On avait diverses teintes, depuis le presque noir jusqu'au jaune. Pour les vases difficiles à faire, trop délicats à manœuvrer, on donnait une petite cuisson avant de mettre le vernis ». 145

En dépit de belles perspectives, la Poterie de Sainte-Anne ferme boutique, après seulement deux années~d'opération. Pour quelle rai-son Napoléon Tremblay abandonne-t-il ? À ce sujet, aucun indice. Peut-être pouvons-nous l'expliquer par un goût simple de tenter de nouvelles expériences.

La briqueterie de Sainte-Anne

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Après la fermeture de son atelier de poterie, Napoléon Tremblay s'installe au Bassin. Puis, il déménage à Roberval où il s'occupe pen-dant quelques années de faire de la chaux et de la brique sous la raison sociale « Tremblay et Bergeron - Brique et chaux ». Revenu à Chicou-timi, il fait la poterie, de la chaux et même de la brique. Plusieurs mai-sons de Sainte-Anne ont d'ailleurs été construites avec de la brique fa-briquée de sa main.

S'ouvre aussi une petite briqueterie à Sainte-Anne. De même que pour la poterie et les tinettes, cette manufacture ne survit qu'une brève période. Elle est installée par un dénommé Mainguy qui avait opéré momentanément la traverse. Nous pouvons situer son emplacement « au pied de la côte des Sheehy » 146

145 Ibid.146 A.N.Q.C. Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 331, Pièce 2.

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Les premiers forgerons de Sainte-Anne

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Depuis quelques années l'intérêt des ethnologues pour les artisans du fer connaît une attention marquante. À quoi attribuer cette [98] re-crudescence alors que la dernière révolution technologique semble avoir relégué le monde artisanal aux oubliettes ? Aujourd'hui, les ob-jets quotidiens détiennent des qualités strictement utilitaires et caracté-risent la civilisation en général. Anciennement, les objets familiers de nos ancêtres étaient le fruit de l'ingéniosité et de l'habileté des artisans. La forme recherchée, autant que la durabilité des œuvres, se présen-taient comme une signature. Tous ces objets anciens, et particulière-ment ceux qui prirent forme entre le marteau et l'enclume, pouvaient à eux seuls identifier une culture.

Le forgeron de village représentait la stabilité et l'autonomie d'une communauté. Dans des dizaines de petits villages pionniers comme celui de Sainte-Anne au Saguenay, l'importance du forgeron ne pose aucun doute. Son établissement se situait au centre de la vie commu-nautaire et c'est bien souvent de lui que dépendait la bonne marche de la société. N'est-ce pas à la forge que l'on se rencontrait pour parler politique et échanger les dernières nouvelles du coin ?

L'artisan forgeron de la seconde moitié du XIXe siècle faisait office aussi de serrurier, de taillandier et même d'armurier. Il fabriquait les charrues, les herses, les faucilles, les haches, les marteaux, etc.

À Sainte-Anne, le métier de forgeron a été très populaire à une cer-taine époque. Au début du XXe siècle, alors que la population devint plus importante, on pouvait en compter plus d'un. D'ailleurs cet artisan est à l'origine d'une de nos petites industries du fer qui fonctionne ron-dement aujourd'hui : c'est celle des ateliers Desbiens.

François Renald,le premier de nos forgerons

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François Renald est né à la Rivière-aux-Canards, du mariage de Michel et de Josephte Migneault. Nous ignorons la date exacte de sa naissance, mais son acte de sépulture la fait remonter à l'année 1804 147. Selon la tradition orale, les premiers ancêtres viennent d'Alle-magne. Sur le rapport de l'arpenteur Louis Legendre, en 1844, le nom « Renarth » qui y apparaît nous donne une connotation typiquement allemande.

Il épouse à La Malbaie, vers l'âge de 21 ans, Josette Desbiens, et de ce premier mariage il a cinq enfants : François-Xavier, baptisé le 29 octobre 1830 ; Marie-Joséphine, baptisée le 6 juin 1833 ; Joseph [99] Ferdinand, baptisé le 14 juillet 1835 ; David-Pantaléon, baptisé le 26 juillet 1837 ; Joseph-Théophile, baptisé le 2 août 1842. 148

Le 23 mars 1840, François Renald loue par bail emphytéotique, le lot No 4 des terrains de la fabrique de La Malbaie, à proximité du couvent, pour une durée de cinquante ans. C'est à cet endroit qu'il pra-tique déjà le métier de forgeron, où il possède boutique jusqu'au 23 avril 1841. À ce moment il annonce qu'il doit quitter la paroisse. Il cède donc son terrain à Thomas Simard, sous réserve suivante : « s'il revenait un jour habiter la paroisse, lui ou l'un de ses enfants mâles, il pourrait reprendre son terrain et en jouir jusqu'à l'expiration du contrat de location ». Le 16 octobre 1843, François, demeurant à Chicoutimi le long de la rivière Saguenay, est de passage à La Malbaie. Décidé d'abandonner définitivement ce coin de pays où il a vu le jour, il re-passe devant le notaire Tremblay avec Thomas Simard pour annuler la clause de réserve inscrite en 1841. 149

Son nom est associé à ceux de la liste des vingt-trois hommes ame-nés par Peter Mc Leod en 1842 et qui établissent à la Rivière-du-Mou-lin les premières bases de la ville de Chicoutimi. Au sein de l'équipe, il est « maître-forgeron ». 150

147 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 338, Pièce 2.148 Ibid., Pièce 13.149 Ibid., Pièce 5.150 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoires de Vieillards, no 200.

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Joseph Bouchard, charron et marchand de meublesSte-Anne de Chicoutind

M. Bouchard est avantageusement connu dans le monde des affaires à Chicoutimi comme à Ste-Anne. C'est un de nos meilleurs voituriers.

Il a toujours en stock des voitures de toutes sortes, faites à la main et à toute épreuve.

M. Bouchard tient aussi depuis quelques années un grand assortiment de meubles de toutes sortes, set de chambre, de salles à dîner, de salon, etc. Couchettes d'enfants, Berceaux, étagères, tables, chaises de toutes qualités, sommiers, matelas, plume, etc.

M. Bouchard vend bon marché et à des conditions très faciles de paie-ment.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 16 juillet 1908.

[100]À l'époque où le groupe de fondateurs part de La Malbaie, sa

femme donne naissance à Joseph-Théophile et ne peut le rejoindre. C'est seulement au printemps suivant qu'elle arrive au Saguenay. Pro-bablement affaiblie par son dernier accouchement et par les difficultés du voyage, elle décède le ler mai 1843 et est inhumée dans le cimetière de Grande-Baie deux jours après. Elle a à peine trente ans. Toujours selon la tradition orale, le décès serait imputable aux mauvais soins de Peter Mc Leod : « Elle est morte presqu'en arrivant à Chicoutimi. Et voici comment, Un jour, elle avait mal à la tête. Vu qu'il n'y avait pas de médecin à Chicoutimi, et que McLeod avait appris la médecine, elle alla lui demander un remède. McLeod lui avait fait des conditions qui étaient mauvaises. Alors elle refusa net. Pour se venger, je sup-pose, McLeod lui donna un vomitif pour son mal de tête et une heure après, elle était morte. Elle avait 29 ans. Ç'a passé que c'était McLeod qui l'avait empoisonné ». 151

Très affecté par la mort de sa femme, François s'engage une ser-vante. Celle-ci, peu encline à la propreté et au travail de la maison, il 151 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 338, Pièce no 1.

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fallut songer à une autre solution. Le 29 avril 1845, il épouse donc en secondes noces, Henriette Boivin, veuve d'Étienne Tremblay, tous deux originaires de Baie-Saint-Paul. Elle joint à leur nouvelle famille un fils issu de son premier mariage. Apparemment très habile à soi-gner les malades, elle remplit la fonction de sage-femme avant l'arri-vée du premier médecin de Chicoutimi. Son dévouement et son dyna-misme rendent d'immenses services à la jeune communauté. 152

Forgeant toujours pour Mc Leod, François fait partie des premiers colons qui prennent pied en face de Chicoutimi, en 1844. Il devient ainsi le premier forgeron de Sainte-Anne, où il occupe le lot No 1, du premier et du second rang dans le canton Tremblay. Du côté Sud-Est, il voisine Michel Tremblay dit « Le Gros Micho » et du côté Nord-Ouest il touche au lot de François Lemieux. 153

Ce lot de deux arpents et demi, plus ou moins, sur toute la profon-deur de la dite concession tenant en front à la rivière Saguenay et en profondeur jusqu'au premier trait carré, soit à la ligne de démarcation du 2e et du 3e rang, est occupé par une maison, une étable et d'autres constructions nécessaires à son exploitation. D'après le document de Louis Legendre qui remonte au 8 juillet 1844, le lot de François Re-nald est le second en superficie, après celui de [101] « Micho » : 13 chaînes, 7 maillons de largeur, en profondeur 97 chaînes, formant en tout 126 acres 3 roods. Le ruisseau Rouge indiqué sur le plan est en réalité le ruisseau Micho. 154

Le 18 décembre 1848, François s'oblige en faveur de Jules Trem-blay, le fils de sa seconde épouse, pour une somme de 72 livres, mon-tant qui correspond à quatre ans et demi de salaire qu'il lui doit, pour du travail exécuté entre le 3 mai 1844 et le 3 novembre 1848, « comme principal conducteur des travaux agricoles sur sa terre du Canton Tremblay ». L'acte qui est signé chez le notaire Chaperon, vient prouver que sa ferme du canton Tremblay est en opération dès 1844. 155

Un autre acte, passé devant le même notaire, le 24 mars 1849, nous renseigne sur le niveau de prospérité qu'avait atteint, le maître-forge-

152 Ibid.153 Rapport de l'arpenteur Louis Legendre, A.N.Q.C., Cote 862B.154 Ibid.155 A.N.Q.C., Notaire John Chaperon, 18 décembre 1848.

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ron de Sainte-Anne. Pour payer le restant de sa dette atteignant la somme de 54 livres 10 chelins 10 deniers 156, François vend à son beau-fils, Jules, ses meubles, accessoires, animaux et tout ce qui semble toucher le personnage en tant que cultivateur. L'énumération de tous les biens vendus témoigne de la panoplie d'objets côtoyant nos ancêtres, à l'époque de la proclamation du canton Tremblay.

Vente de François Renald à Jules Tremblay

Cinq lits garnis à raison de trois livres courant chaqueUn poêle de fer à trois livres courantDeux tables de bois, à raison de cinq chelins courant chaqueUn lavemain a six chelins courantUne armoire peinte en gris a dix chelins courantUn ber peint en gris a dix chelins courantTrois coffres à raison de quatre chelins courant chaque Neuf chaises de

bois dur, a un chelin courant chaqueQuatre scieaux a trente sols chaqueQuatre chaudrons à raison de sept chelins et demi courant chaque.Deux bombes à cinq chelins courant chaqueUne (...) à dix chelins courantUn miroir à cinq chelins courantUne (...) pinté à quatre chelins courantDeux poêles à frire à deux chelins courant chaqueUn grès de fer à sept chelins courantUn beaudet à cinq chelins courantUne charrette avec les roues à deux livres courant

[102]Une charrue complette a une livre courantUne vieille cariole à une livre dix chelins courantQuatre haches à quatre chelins chaqueSix pioches à trente sols chaqueDeux herces à cinq chelins courant chaqueTrois chaudières de fer blanc à raison de deux chelins courant chaqueUne jument tous poil rouge agé de neuf ans, à sept livres dix chelins cou-

rantUne vache tous poil noir agée de sept ans a trois livres et une vache tous

poil rouge agée de cinq ans, a trois livres et une vache tous poil rouge et blanc agée de quatre ans, à trois livres courant

Une truie deux années à dix chelins courant

156 A.N.Q.C., Notaire John Chaperon, 24 mars 1849.

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Deux truies de l'année à dix chelins courant chaqueQuatre mères moutonnes à dix chelins courant chaque Vingt quatre poules

à un chelin courant chaque.Deux dindes à deux chelins chaqueQuatre oies ( ... ) chaqueUn lot de vaisselle consistant en assiettes thé pot, bolles à thé, plats, etc,

etc, le tout à dix chelinsUne huche peinte en gris à cinq chelins courantUne chaudière de fonte à dix chelins courant »

**     *

Cette vente de biens et meubles nous porte à croire qu'il diminue l'importance de son travail de cultivateur pour s'adonner plus spéciale-ment à celui de la forge. En plus d'exécuter des travaux pour Mc Leod, il profite de toute la clientèle du canton Tremblay. Une anec-dote rapportée par ses descendants nous aide à bien situer le person-nage et son milieu. « Un jour Mc Leod, venu à la boutique, s'amusait à le « taner » pendant qu'il frappait du marteau sur l'enclume avec un autre homme ; sans perdre un coup de marteau, d'un coup de poing de sa gauche il étendit l'importun par terre. Il n'avait pas eu le temps de mesurer sa caresse ». 157

Les archives notariales témoignent qu'il s'associe à François Le-mieux, le 30 juillet 1850, pour l'acquisition et le partage d'un lot, non loin de celui acquis en 1844. Selon les modalités d'emprunt qu'il contracte envers son associé, nous pouvons déduire que François Re-nald n'a pas eu le temps de devenir un riche forgeron et n'avait du « maître » que le titre.

C'est malheureusement à cause d'un accident anodin que François Renald meurt à la fin de juin 1856. Son corps est inhumé dans [103] le cimetière de Sainte-Anne le 2 juillet. Voici ce que nous révèle son pe-tit-fils Paul Renald, à propos des circonstances qui entourent son dé-cès. « Mon aïeul avait sa boutique à forge sur le bord de la rivière Michaud. À l'automne de 1856 [sic], il avait fait venir son charbon par goëlette, et à marée haute le vaisseau était entré dans la rivière jusqu'à sa boutique. Alors il fallait se dépêcher de décharger le char-bon pour redescendre la goëlette dans la même marée. Mon grand-157 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 338, Pièce 18.

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père avait placé un madrier sur la jetée et qui prenait sur le bord de la goëlette. Alors, il allait trop vite, je suppose, ou le madrier a lâché prise ; mon aïeul a tombé à l'eau. Mais il s'est sorti de l'eau et a conti-nué à décharger son charbon. Le lendemain, il a tombé malade d'une pleurésie et il est mort deux semaines après ». 158

Si l'on se rapporte à son testament, en date du 8 août 1855, l'acci-dent est arrivé un peu avant cette date. Incapable de surmonter la ma-ladie qui s'ensuit, il décède onze mois plus tard. Il nomme exécuteur testamentaire et légataire de ses biens, Jules Tremblay, lequel doit prendre à sa charge, l'épouse Henriette Boivin, les deux fils François-Xavier et Joseph. 159

Cléophe Brassard, forgeron,commerçant et agriculteur

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« La paroisse de Sainte-Anne vient de perdre un de ses plus an-ciens citoyens. M. Cléophe Brassard, rentier, jadis forgeron et culti-vateur au village de Sainte-Anne. Il avait eu 82 ans le ler janvier ». 160

C'est ainsi que le Progrès du Saguenay débute l'annonce de ses funé-railles célébrées dans cette paroisse, le 17 février 1922.

Né du mariage de Joseph et de Thérèse Desbiens, le ler janvier 1840 161, Cléophe Brassard arrive à Sainte-Anne aux environs de l'an-née 1862. On dit de ce pionnier originaire de Saint-Urbain qu'il est âgé à ce moment de 22 ans et qu'il arrive au Saguenay avec trois de ses frères : Éphrem, Théophile et Ferdinand 162.

Il avait épousé, en premières noces, Célina Bouchard, fille de Toussaint, meunier de Saint-Fulgence, et d'Adélaïde Sergerie. L'acte

158 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, « Lettre de M. Paul Renald, Ste-Anne de Chic., 15 fév. 1942 », Dossier 338, Pièce 7.

159 A.N.Q.C., Notaire Ovide Bossé, 8 août 1855.160 Le Progrès du Saguenay, « Feu M. Cléophe Brassard », 23 fév. 1922.161 A.N.Q.C., Ovide Bossé, 16 janvier 1863.162 Le Progrès du Saguenay, op. cit., 23 fév. 1922.

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notarié fut signé à Chicoutimi, le 16 janvier 1863. Particularité inté-ressante à retenir dans ce contrat, les avoir et la dot de la mariée :

[104]

Le forgeron Cléophe Brassard et sa seconde épouse, Alympe Simard. Photo : A.N.Q.C., Fonds Lernay

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Fine pièce d'artisanat produite par Mme Alfred Bergeron de Saint-Fulgence. 1916. Photo : A.N.Q.C., Fonds Lernay.

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Un coup de fusil

MM. Médard Hudon et Ludger Petit, deux nemrods de renom dans notre pays, ont fait un coup de fusil superbe la semaine dernière, au Lac Ha Ha. Le hasard n'y a pas été pour rien et ce n'est pas en restant près du poêle de leur camp, à fumer tranquillement la pipe, qu'ils ont pu abattre le superbe gi-bier dont ils montraient la dépouille hier. Ce n'est qu'après une longue course à travers bois et neige qu'ils ont pu atteindre le caribou majestueux à la poursuite duquel ils s'étaient mis.

Il va sans dire qu'ils ont tiré dessus en l'apercevant, sans quoi l'animal aurait certainement pris la fuite, ce qui aurait été plus qu'un désastre pour deux chasseurs qui ont une réputation à sauvegarder.

Il y avait aussi les quolibets des amis à éviter. Jugez un peu, mes chers, la position pénible de nos deux disciples de St-Hubert, les taquineries sans fin auxquelles ils s'exposaient s'ils étaient revenus bredouille à Ste-Anne. Fort heureusement qu'à leur retour ils avaient quelque chose à montrer sans quoi la vie leur aurait été rendue insupportable par les malins qui n'attendent que cette occasion pour se montrer désagréables. MM. Hudon et Petit ont eu bon nez de tuer le caribou d'abord, mais surtout de l'apporter avec eux, car sans cela, on ne les aurait jamais cru, malgré leur réputation bien établie d'hommes véridiques.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 26 janvier 1911.

« Les biens de la dite demoiselle future épouse consistent à un lit garni, une vache à lait, un buffet et des hardes et linges de corps à son usage que le dit Toussaint Bouchard promet et oblige à livrer au futur époux aussitôt après la célébration du dit mariage » 163 Ce qu'elle ap-portait pour contribuer à l'établissement de son foyer, nous apparaît comme une image assez fidèle de la pauvreté commune à la plupart de ces pionniers qui venaient fonder familles et patrie. De ce premier ma-

163 A.N.Q.C., Ovide Bossé, 16 janvier 1863.

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riage il naît au moins six enfants qui lui survivent : Mme Eugène Bou-cher, de Sainte-Anne ; Mme Jos. Noël, de Fauquier en Ontario ; Mme Dorila Savard, de Saint-Prime ; Mme Adélard Tremblay, de Later-rière ; M. Joseph (Willie), de Sainte-Anne ; M. Louis Brassard, de La-terrière. 164

[106]

Le forgeron Charles Boivin nous dit que Cléophe Brassard « avait une boutique assez misérable, pas de solage » 165, mais si l'on se réfère à quelques contrats notariés, il connaît une existence assez prospère.

Cléophe compte parmi ceux qui vont chercher le curé Delâge pour sauver le village du Grand Feu de 1870. Après ces terribles événe-ments, il s'associe à Marcel Côté, premier maître d'école et premier maître de poste de Sainte-Anne, dans l'ouverture d'un magasin-géné-ral : « MARCEL COTE ET CIE ». Le contrat, passé devant le notaire Ovide Bossé, le 5 juin 1871, nous révèle un Cléophe Brassard relati-vement à l'aise, investissant la somme de $800, certains biens et même l'emplacement du futur commerce. 166 Les actions qu'il détient dans ce qui constitue le premier magasin-général de Sainte-Anne sont cédées à Alexis Tremblay « Cornette », père de Joseph Tremblay « Kes-sie ». 167 plus tard, le tout passe dans les mains de Charles Gravel.

Nous ignorons combien de temps a survécu cette société. Il est possible qu'après l'échéance de trois années stipulée dans le contrat d'association, Cléophe Brassard retira ses parts et Marcel Côté s'atta-cha un nouvel associé. Seule une recherche approfondie au niveau des actes notariés pourrait nous éclairer à ce sujet. De toute façon nous en connaissons suffisamment sur Cléophe pour savoir qu'il resta forge-ron, agriculteur et commerçant toute sa vie.

Veuf de sa première femme, il épouse en secondes noces, Alympe Simard, originaire de Saint-Ambroise. De ce mariage il a deux en-fants : David-Joseph Brassard et Mme Clément Dufour.

164 Le Progrès du Saguenay, op. cit., 23 février 1922.165 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoires de Vieillards, no 231.166 A.N.Q.C., Ovide Bossé, 5 juin 1871.167 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoires de Vieillards, no 142.

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Deuxième partie

Le Village de Sainte-Anne,1893-1954

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Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.Deuxième partie :

Le Village de Sainte-Anne, 1893-1954

Chapitre 5La formation du village

Proclamation de la Municipalitédu Village de Sainte-Anne de Chicoutimi

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La paroisse de Sainte-Anne comprenait donc, à l'origine, un vaste territoire dont elle desservait la population et qui a donné naissance à plusieurs paroisses. Saint-Fulgence, Saint-Charles, Saint-Ambroise et Saint-Honoré sont les plus anciennes.

Le passage de la situation de paroisse à village est presque sponta-né. Le 30 mars 1893, le Progrès du Saguenay, dans un entrefilet, si-gnale que le village de Sainte-Anne fait application pour se séparer de la paroisse.

Le 5 décembre 1893, le gouvernement de la province de Québec proclame le village de Sainte-Anne de Chicoutimi et par cet acte dé-tache son territoire de la municipalité du canton Tremblay. La nou-velle entité municipale forme un territoire d'environ mille trente-quatre acres de superficie. 168

168 C.-E. Deschamps, Municipalités et Paroisses dans la Province de Québec, Québec, Imprimerie Léger-Brousseau, 1896, pp. 46-47.

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Le premier conseil élu en janvier 1894 est formé du maire Louis-Néré Tremblay, du secrétaire-trésorier Phydime Gauthier, et de six conseillers : Cléophe Brassard, Onésime Harvey, Charles Boivin, Jo-seph Gagnon (fils de Louis), Joseph Bouchard et Henry Tremblay (fils d'Alexis). 169

« Proclamation du 5 décembre 1893

Tout le territoire situé dans le canton Tremblay, dans le comté de Chi-coutimi, et borné comme suit, savoir : vers l'est, par une ligne,

[110]

Hier le feu menaçait sérieusement tout Sainte-Anne

Tout le côté nord était en feu, la semaine dernière. Depuis la Rivière Shipshaw et le Lac Clair jusqu'à Ste-Anne, l'embrasement est général. Le village de Ste-Anne a été sérieusement menacé, et la voie vers St-Honoré, était bordée de feu à plusieurs endroits. On a à déplorer des dommages : clô-tures, bois, une grange au 6e rang, et une certaine quantité de grains sur pied, que le feu a ravagé.

Par contre, plusieurs cultivateurs en profitent pour compléter l'œuvre du feu qui « fait de la terre comme un bon ».

Soyons tout de même très prudents : on le voit, par la sécheresse qu'il fait, une conflagration peut éclater d'un moment à l'autre ».

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 12 août 1915.

169 Le Progrès du Saguenay, 25 janvier 1894.

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Plan officiel du Village de Ste~Anne de Chicoutimi qui fut déposé le 4 mai 1900 et mis en vigueur le 14 juillet 1900. À l'aide de ce plan, nous pouvons ap-prendre que la population est répartie dans une large proportion, en haut du cap Saint-Joseph, non loin de l'église paroissiale. Collection : Bureau du cadastre, Chicoutimi.

Le village de Sainte-Anne, entre les deux caps, au niveau de la rue de la Tra-verse, vers 1925. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay

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[111]

Le village de Sainte-Anne vers 1895. Photo A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay

[114]

conventionnelle servant de ligne de division entre la moitié ouest et la moitié est du lot No. un, du rang 1 est, et partant sur le fronteau du rang III, à neuf chaînes et cinquante mailles à l'est de la ligne de séparation des deux rangs 1 ouest et 1 est, et parallèle à cette dernière depuis le dit fron-teau du rang IR jusqu'à une distance de quatre chaînes du chemin de front du rang I est, du côté sud du dit chemin, et de là par une ligne droite joi-gnant ce dernier point à un poteau se trouvant sur le bord de la rivière Sa-guenay, dans la ligne de division des lots 1 et 2 du rang 1 est ; de là la li-mite du dit territoire suivant le bord

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Village de Sainte-Anne de Chicoutimi selon les délimitations du 5 décembre 1893.

[115]de la dite rivière en remontant la dite rivière jusqu'à un poteau se trou-

vant au bord de la dite rivière dans la ligne de division entre les lots Nos 9 et 10, du rang 1 ouest ; borné vers l'ouest, par la dite limite ouest du lot No. 9, du rang 1 ouest depuis la rivière Saguenay jusqu'au chemin de front du dit rang 1 ouest, puis par le dit chemin de front jusqu'à la route Sainte-Marie, puis par la clôture du côté est de cette route jusqu'à sa première rencontre avec la dite limite ouest du lot No. 9 et de là par cette dernière limite ouest du lot No 9 jusqu'au front du rang III ; enfin borné au nord, par le dit fronteau du rang III.  »

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[115]

Village de Sainte-Anne de Chicoutimi selon les délimitations du 5 mars 1932.

[116]

L'annexion du territoire du 5 mars 1932

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Sous le régime de la Municipalité du Village de Sainte-Anne, la carte géographique n'a à subir que peu de modification au chapitre de l'organisation. En fait, la seule annexion de territoire officiellement re-connue pour des fins municipales date du 5 mars 1932. 170

170 Le Progrès du Saguenay, 9 mars 1932.

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La requête est adressée par 18 propriétaires du canton Tremblay, avec à leur tête Ludger Petit. Les raisons évoquées sont simples. « Nous jouissons du système d'aqueduc du Village de Ste-Anne, lequel seul est actuellement capable de nous fournir un tel service. Nous avons besoin d'égoûts, de trottoirs qui peuvent être construits par la corporation du Village, alors que la Corporation du Canton Tremblay ne peut nous en faire bénéficier ». Disons que la situation géogra-phique à la limite Ouest du Village explique en elle-même les avan-tages de l'annexion. 171

La partie du territoire annexé comprend les lots numéros 10 a et 10 b avec leurs subdivision. S'ajoutent à cela, les lots numéros 10 c, 10 d, 10 e, 10 f et 9 a du rang 1 Ouest du canton Tremblay. 172

Le mouvement de population 1900-1954

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Contrairement à la méthode que nous avons utilisée pour établir l'évolution de la population de la « PAROISSE » de Sainte-Anne (of-ficiellement nommée Canton Tremblay) au XIXe siècle, les recense-ments de la population élaborés par le gouvernement fédéral, à partir de 1901, tiennent compte de la création de la municipalité du « VIL-LAGE » de Sainte-Anne. À partir de ce moment, les délimitations géographiques étant simplifiées au minimum, la population du village se révélera beaucoup moins nombreuse que celle de la paroisse. Les deux taux sont calculés séparément. Aussi, lorsque nous parlerons de la population de Chicoutimi-Nord au XXe siècle, il faut comprendre uniquement l'espace englobé dans le cadre politique du village (1901-1951), de la cité (1956) et de la ville (1961-1971).

171 A.N.Q.C., Fonds Chicoutimi-Nord, Article 65, Dossier 26.172 Ibid.

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Évolution de la population de Sainte-Anne, de 1901 à 1951,selon les recensements du Canada

1901 516 1931 1,1021911 657 1941 1,5401921 838 1951 3,966

[117]Pour mieux définir notre cadre politique, disons que Sainte-Anne

fait partie, au début du siècle, du comté Chicoutimi, lequel comprend toute cette région située entre l'Anse-Saint-Jean et la ligne de division le séparant du lac Saint-Jean. Ce comté est formé de trois paroisses au nord du Saguenay et sept au sud.

Nous remarquerons, selon les chiffres établis dans les recense-ments du Canada, que la paroisse de Sainte-Anne compte en 1911, un total de 1,272 âmes, soit le double de la population du village. Par contre, cette importance comparative se modifie constamment. De 1901 à 1931, la population du village réussit presque à doubler alors que celle de la paroisse suffit à peine à se maintenir.

La prochaine tranche de vingt ans s'avère encore beaucoup plus si-gnificative. De 1931 à 1951, la population triple. Cette croissance ra-pide et sans précédent pour la municipalité s'explique par la construc-tion du pont de Sainte-Anne (1933) qui vient faciliter les communica-tions avec Chicoutimi. Au niveau de la villégiature et du rythme de vie moins trépidante qu'à Chicoutimi, bien des gens vont préférer s'installer à Sainte-Anne.

En 1941, date significative pour l'évolution du mouvement de po-pulation, le village compte plus d'habitants que la paroisse : 1540 âmes contre 1441. Les chiffres du recensement du Canada pour tout le Haut Saguenay sont très révélateurs de l'importance du village par rapport à l'ensemble de la communauté régionale.

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L'Union St-Joseph à Ste-Anne de Chicoutimi

Grâce au bienveillant concours de Monsieur le Curé Lemieux, Messieurs Charles Leclerc et O. -J. Rochon, ont tenu une assemblée, à la salle publique de Ste-Anne de Chicoutimi, dimanche, après la grande messe. Il y avait salle comble. Au prône, M. le Curé s'était prononcé très fortement en faveur de l'Union St-Joseph du Canada. À l'assemblée, il a présenté les orateurs en termes sympathiques. Le Dr. O.-J. Rochon a dit quelques mots de la St-Jo-seph. Puis M. Charles Leclerc a prononcé un vigoureux plaidoyer en faveur de la mutualité franco-catholique, en s'inspirant de la cause scolaire onta-rienne pour prouver l'influence bienfaisante de l'Union St-Joseph et pour en-gager tous les Canadiens-français à faire acte de patriotisme en entrant dans cette société. Il a déclaré que les Boches de Toronto ne pourraient pas angli-ciser les cœurs, pas plus que la plaine, tant que les Canadiens-français concentreraient leurs énergies dans leurs propres institutions.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 6 avril 1916.

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[118]

La population du Haut Saguenay en 1941 173

Chicoutimi, Cité 15,975Jonquière, Ville 13,766Kénogami, Ville 6,585Arvida 4,564Port-Alfred, Ville 3,254Bagotville, Ville 3,238Chicoutimi, Paroisse 3,201St-Alexis, Village 2,228Jonquière, Paroisse 1,678Rivière-du-Moulin, Village 1,611Sainte-Anne, Village 1,540Sainte-Anne, Paroisse 1,441Bagotville, Paroisse 894Grande-Baie, Paroisse 836Racine, Ville 173

Total 60,984

Au début de l'année 1951, les dirigeants municipaux ont amorcé les procédures pour créer la future ville de Chicoutimi-Nord. Le re-censement local, complet et exhaustif, pour des fins politiques, dé-nombre exactement 3963 âmes. « Dans ce rapport qui est des plus complets, on trouve que la population totale urbaine est de 3,963 per-sonnes reparties en 2,077 hommes et 1,886 femmes. Cette population est distribuée dans 670 familles logées dans 626 logis. La moyenne par familles est donc de 5.9 personnes. Il y a 353 propriétaires, 273 locataires avec 264 occupants ». 174

Toujours en rapport avec le recensement de 1951, disons que la po-pulation par quartier s'établit de la manière suivante : quartier-ouest, 1045 personnes (515 hommes et 530 femmes), 172 familles, 157 lo-gis, 104 propriétaires et 53 locataires ; quartier-centre, 1,161 per-sonnes (578 hommes et 583 femmes), 189 familles et 175 logis, 103

173 Selon les chiffres du Recensement du Canada, compilés par le village de Sainte-Anne. A.N.Q.C., Fonds Chicoutimi-Nord, Article 64, Dossier 7.

174 Le Progrès du Saguenay, 15 janvier 1951.

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propriétaires et 70 locataires ; quartier-est, 1,757 personnes (984 hommes et 773 femmes), 310 familles et 296 logis, 146 propriétaires et 150 locataires. 175

Au niveau paroissial les chiffres diffèrent car il faut nécessaire-ment tenir compte de la distinction paroisse-village. De plus, en 1951, la future ville compte maintenant deux paroisses. Sainte-Anne [119] et Saint-Luc possèdent une population totale de 5,605 âmes, regroupées en 992 familles. 176

175 Ibid.176 Le Régional, 27 septembre 1951.

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Groupe d'Indiens de Sainte-Anne (Saguenay)

La dévotion envers Sainte-Anne a toujours été très particulière auprès des Amérindiens. Jusqu'au milieu du XXe siècle, les autochtones du Lac Clair, en par-ticulier, venaient s'installer tout l'été à Sainte-Anne et participaient au pèlerinage de la grande thaumaturge, le 26 juillet de chaque année. Ils vivaient sous la tente et campaient dans la rue « des sauvages », aujourd'hui la petite rue St-Alexis.

Parmi ces familles on retrouve celles de Georges Recouligin, de Paul Natipi, de Pierre et Francis Siméon et de Xavier du Lac Clair.

Cette carte postale nous fait justement voir un « groupe d'indiens de Sainte-Anne » vers 1900. Probablement que nous y retrouvons les représentants des fa-milles ci-dessus mentionnées. À remarquer les femmes qui portent encore le cha-peau traditionnel.

Collection, A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, No 894.

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La paroisse de Sainte-Anne compte 3,202 habitants. De ce nombre, 2,156 âmes appartiennent au village et 1,046 à la paroisse [120] ru-rale. La paroisse de Saint-Luc compte 2,403 habitants. De ce nombre, 1,741 âmes appartiennent à la paroisse urbaine et 662 à la paroisse ru-rale. 177

Le total de la main-d'œuvre occupant un emploi est estimé à envi-ron 1,123 travailleurs : 947 hommes et 176 femmes. L'agriculture at-tire 150 hommes, les manufactures 562 hommes et 30 femmes, les services professionnels, personnels et publics 235 hommes et 146 femmes. 178

Véritable désastre : la grêle de 1898

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Au milieu du mois d'août 1898, les cultivateurs de Sainte-Anne se préparent fébrilement à la fenaison. Les épis chargés de grains sont sur le point de revêtir leurs atours dorés alors que les écoliers, de leur côté, grisent l'atmosphère à l'approche des vacances qui coïncident avec les récoltes.

Pendant tout l'avant-midi de ce mercredi-là, les averses sont fré-quentes et la température reste agréable sans être chaude. De temps en temps le roulement du tonnerre claque pour attirer l'attention, comme pour avertir l'approche d'un danger imminent. Tout à coup, sur le mi-di, un éclair précède un violent coup de tonnerre. De mémoire d'hommes, jamais on en avait entendu de si fort. L'éclair frappe le cap de la Croix à Sainte-Anne, fracasse quelques arbres, fend le rocher et endommage le réseau téléphonique encore tout neuf.

Immédiatement après ce coup de tonnerre, un vent violent s'élève et trace la voie à un orage de grêle. Fort heureusement cette précipita-tion se déverse dans un couloir large d'environ trois quarts de mille.

177 Ibid.178 A.N.Q.C., « Inventaire économique et industriel de la Municipalité de

Sainte-Anne de Chicoutimi », recensement de 195 1, Fonds Chicoutimi-Nord, Article 68, Dossier 4.

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Les premières traces sont localisables à La Dalle, chez Alexandre Sa-vard, et le cyclone suit une ligne droite, jusqu'à Saint-Fulgence au rang des Renards.

Sur un parcours d'environ 22 milles, la grêle détruit tout sur son passage ; grains, légumes, prairies, clôtures, etc. Les endroits dévastés par le terrible phénomène sont La Dalle, les premiers établissements de Shipshaw, le sixième rang de Sainte-Anne, le rang des Morissette et le rang des Renards.

[121]

« Jamais encore l'on n'a vu grêle aussi grosse. Tous s'accordent à dire que les grêlons étaient de la grosseur d'une tête de pipe et de différentes formes, les uns coniques, d'autres octogones, d'autres carrés. Il en est tom-bé trois pouces d'épaisseur. En bien des endroits cette grêle n'a été complè-tement fondue que le lendemain midi.  » 179

Là où la grêle est tombée, il n'y a plus aucune trace de grain. La ré-colte est écrasée, même qu'en certains endroits le foin fauché avec une grande violence. Pendant ces instants désastreux, la frayeur reste grande. Les animaux sont blessés par les grêlons et quelques veaux sont tués. Les femmes et les enfants ont tout juste le temps de se sau-ver et fort heureusement aucune perte de vie humaine n'est à déplorer.

Les dommages se limitent cependant à un petit nombre de cultiva-teurs, une cinquantaine tout au plus. Mais pour ces malheureux, la perte matérielle reste ruineuse. Ces braves gens sont privés de leur ré-colte avec laquelle ils prévoyaient nourrir leurs animaux et vivre au cours de l'hiver, qui est maintenant tout proche. Ils n'ont plus rien, pas un seul minot de grain, pas une seule botte de paille. Par toutes les voies influentes possibles, on prie le gouvernement d'aider ces sinis-trés en leur accordant une indemnité.

Les plus touchés habitent le rang 7 du canton Tremblay : Thomas Tremblay, Louis Morissette, Ed. Lemieux, François Morissette, Épi-phane Desmeules.

179 Le Progrès du Saguenay, 25 août 1898.

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Ce désastre à Ste-Anne

(Le Gouvernement fait une enquête)

Nous avons donné quelques détails déjà sur cette malheureuse calamité qui est venue fondre sur une partie de la paroisse de Ste-Anne il y a un mois. Nous avons aussi demandé l'intervention du gouvernement en faveur des victimes de la grêle, une quarantaine de cultivateurs qui en une demi-heure, ont vu toute leur récolte détruite.

Il nous fait plaisir de pouvoir annoncer que M. Octave Ouellet, le secré-taire du département de l'agriculture a été chargé par son chef, l'hon. M. De-chesne, de visiter les fermes dévastées et de faire rapport au gouvernement de l'étendue des dommages ; l'honorable ministre ne pouvait faire un choix plus judicieux. M. Ouellet, employé au département depuis près de 20 ans, est digne de la plus grande confiance et il s'est donné beaucoup de trouble pour bien s'acquitter de sa mission importante.

[122]

Voici aussi exactement que nous avons pu nous le procurer, l'étendue des dommages subis par chacune des victimes de l'ouragan. Nous avons le montant de grain perdu approximativement mais nous préférons en tenir compte en faisant la conversion en argent.

Ste-Anne

Elzéar et Jos. Tremblay $125.Joseph Tremblay $100.Jean-Baptiste Tremblay $100.Réule Tremblay $100.Eugène Boucher $100.Elzéar Gauthier $ 50.Pierre Gauthier $100.Armand Gauthier $ 55.Alphé Tremblay $ 70.Ed. Lemieux $400.Ep. Desmeules $300.Frs Morissette $300.Ls Morissette $400.Ths Tremblay $500.Wilf. Savard $100.Louis Savard $ 75.

Alex. Gagné $200.

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Eucher Tremblay $100.Edm. Savard $ 40.Honoré Savard $ 75.Hector Gagné $ 75.Louis Gagné $ 75.Eugène Desbiens $ 75.Jos. Bouchard $ 40.Jérémie Perron $ 40.Edm. Ouellet $ 125.Ths.-Ubald Tremblay $ 20.David Tremblay $ 40.Delphis Tremblay $ 40.Marc Tremblay $ 40.Abel Côté $ 20.Jos. Tremblay $ 15.Simon Tremblay $ 70.Benjamin Tremblay $ 20.Wilfrid Tremblay $ 20.Élie Tremblay $ 10.Delphis Tremblay $ 15.Abraham Gauthier $ 15.

$ 4045.

St-Léonard

Ferdinand Filion $ 150.Alex. Gagnon $ 150.Hubert Lespérance $ 300.Alex. Savard $ 150.Ths.-Ls Savard $ 100.Georges Savard $ 100.Ths. Gagnon $ 75.Alfred Lalancette $ 100.Ls. Bouchard $ 75.

$ 1200.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 15 septembre 1898

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Le premier aqueduc

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La création du village de Sainte-Anne s'explique par la nécessité de répondre aux besoins d'une population croissante et progressive. À la fin du XIXe siècle, le nord du Saguenay n'est plus un [123] pays de frontière et les aires d'établissement sont mieux définies. Chacune des petites localités de la région s'apprête à s'affirmer et à se démarquer.

À Ste-AnneLe retour des chantiers

Avec les beaux jours du mois de mars nous arrivent aussi tous les gens qui étaient partis pour les chantiers. En général à peu près tous ont fait un bon hiver. Il reste donc maintenant à remercier la Providence du succès ob-tenu et à éviter de faire comme quelques-uns, passer le printemps à boire et à gaspiller son argent. Que les membres de la Ligue du Sacré-Cœur surtout tâchent d'être bien fidèles à leurs promesses, et à l'assistance aux assem-blées, puisque notre séjour aux chantiers vous en a fait perdre plusieurs. Au nom du Sacré Cœur jeunes gens abstenez-vous de boissons ennivrantes et fuyez les maisons maudites où l'on vend de ce poison pour le corps et l'âme. Ne gaspillez pas votre argent et si vous en avez de reste placez là à la Banque. Économisons, car il n'est pas bien loin le temps où l'ouvrage se fera de plus en plus rare.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 17 mars 1921.

Il va de soi qu'après plus d'un demi-siècle de privation, la popula-tion aspire à goûter au bien-être qu'apportent les améliorations de type plus urbain. Le système d'aqueduc est l'une de ces innovations qui dis-

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tingue le plus le genre de vie des pionniers et de celui des générations suivantes.

Dans les Délibérations du Conseil du Village de Sainte-Anne, en date du 25 février 1894, nous retrouvons le Règlement No 2 qui ac-corde à Edmond Tremblay le privilège de construire un aqueduc avec service exclusif à partir du ler mai 1894 jusqu'au 31 avril 1914, à rai-son de $8.00 par « chanteplure ». C'est le premier aqueduc de Sainte-Anne.

La première partie de ce contrat est exécutée immédiatement et l'eau courante est distribuée chez les propriétaires du village qui ré-sident au-dessus des côtes du cap Saint-Joseph. 180 Edmond Tremblay est assisté dans sa tâche de Louis Gagnon et Charles Boivin (père), lesquels s'adjoignent un peu plus tard, le concours d'Alexis Tremblay « Kessis ».

[124]La seconde tranche du contrat est complétée en 1902. Cette fois-là,

c'est au tour des résidents du « pied des côtes » de profiter du nouveau service.

« Nous avons eu l'aqueduc à Sainte-Anne avant qu'elle soit construite à Chicoutimi. La nôtre date de 45 ans. C'est moi qui l'ai faite avec Louis Ga-gnon, puis avec « Kessis » Tremblay, qui s'est mis avec nous.

« C'est moi qui ai fait les tuyaux. J'ai fait une sorte de moulin installé sur un traîneau, comme un « carrége » de moulin à scie. Au lieu de scie, c'était une mèche de 2 1/2 pouces, que j'avais faite ; elle était actionnée par un cheval sur un pilotis, comme les moulins à battre ont longtemps été. Les bouts de tuyau une fois percés, étaient fraisés d'un bout ; pour cela il n'y avait qu'à les pousser jusqu'au bout ; la mèche avait près de sa souche un couteau qui agrandissait le bout du trou en forme cônique) ; un tour ex-près aménagé à l'autre bout de la mèche, permettait de tourner en pointu l'autre bout du tuyaux de manière qu'il entre juste dans la partie agrandie du trou de l'autre tuyau. On mettait un cercle de fer à un bout du tuyau pour l'empêcher de fendre.

180 Le Progrès du Saguenay, « L'aqueduc de St-Anne », 29 mai 1902.

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« Ce tuyau, en épinette rouge, est encore dans la terre et sert encore. C'est parce qui le premier aqueduc était insuffisant, et non parce qu'il ne fonctionnait pas bien, qu'on a placé un autre tuyau il y a 15 ans ». 181

181 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, « Mémoires de Vieillards », no 231, Mémoire de Charles Boivin, père.

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[125]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.Deuxième partie :

Le Village de Sainte-Anne, 1893-1954

Chapitre 6Les communications

avec Chicoutimi

Le quai de la traverse de Sainte-Anne

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Le fait de bénéficier en 1874 d'un traversier à vapeur ne réussit pas à épancher toutes les difficultés inhérentes à ce genre de transport. Sans quai pour accoster, le travail du capitaine devient presque impra-ticable, surtout si l'on tient compte des marées tout de même assez fortes en certaines périodes de l'année. Au moment de l'arrivée des frères Mailly on convient donc de bâtir un quai, constitué d'un pilier d'environ 40 pieds sur 20 et isolé du rivage sur une distance de 200 pieds. Le travail en question est terminé en 1876. Lorsque Épiphane Gagnon prend la relève de la traverse, il relie la cage au rivage, grâce à un pont flottant, constitué de madriers liés les uns aux autres.

Ces moyens de fortune se révèlent faibles en regard des besoins d'un village en plein essor et servant de pied-à-terre aux colons qui se dirigent vers le nord du lac Saint-Jean. Ce quai, on le demande par des requêtes répétées au gouvernement fédéral depuis 1870. Il est jugé né-cessaire, si l'on désire favoriser le commerce, l'agriculture et la coloni-sation de cette région.

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Le problème commence à devenir épineux surtout au cours des an-nées 1880. À ce moment, le commerce entre les nombreux petits vil-lages du nord du Saguenay et du Lac-Saint-Jean, est très actif. Les marchands de Sainte-Anne, de Saint-Fulgence et de Saint-Charles sont obligés de faire venir leurs marchandises à Chicoutimi, puis de payer des bateaux, ce qui leur occasionne des dépenses considérables. Les cultivateurs pour leur part ont un désavantage analogue, s'ils dési-rent écouler leurs produits l'été.

La démarche est justifiée pour l'époque, mais les difficultés à sur-monter restent nombreuses. Premièrement, les battures qui ceinturent [126] largement le rivage compliquent énormément les manoeuvres. En second lieu, le choix du site ne se règle que difficilement. 182

Les pourparlers prennent de l'ampleur en 1886 et le sondage en vue du choix du site débute le 8 août 1888. À l'automne de cette année-là, les villageois espèrent construire au moins 130 pieds depuis la terre ferme jusqu'à la rivière, ce qui n'est pas suffisant à inonder la grève au bout du quai à marée basse. Dans cette première tranche des travaux, il n'y a que des paroissiens de Sainte-Anne qui sont engagés et ce sont ces mêmes citoyens qui fournissent tous les matériaux nécessaires. 183

Comme il se doit pour des intérêts si importants, le dossier revêt des implications directement politiques. À l'automne qui approche, le ministre des Travaux publics décide d'arrêter le tout pour l'hiver après y avoir consacré près de mille dollars. 184

182 Le Progrès du Saguenay, 11 novembre 1886.183 Ibid., 4 octobre 1888.184 Ibid., 18 octobre 1888.

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Le quai de Sainte-Anne vers 1910. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, No 10507.

Au printemps de l'année 1889, le gouvernement fédéral accorde une nouvelle subvention pour la poursuite de la construction. Au dé-but de septembre, l'enveloppe budgétaire est épuisée et à ce moment le quai atteint une longueur de 200 pieds et une hauteur de 22 pieds à son extrémité. Dans les grandes marées, le bout assèche encore, mais dans les petites marées il reste assez d'eau pour permettre l'accostage des petites embarcations. Selon les plans de l'ingénieur [127] du gou-vernement, le quai devra avoir 150 pieds de plus et lors des marées basses, à l'époque des grandes marées, il y aura une profondeur de 9 pieds au bout du quai.

« Grâce à la prévenance de M. Blais, un plan incliné (slep) a été construit au bout du quai dans le but d'utiliser la partie actuellement construite. Le quai est maintenant pavé avec du bois préparé à la manufac-ture de tinette de Ste-Anne. Ce pavé est en épinette rouge de première qua-lité. Le montant voté pour le quai de Ste-Anne était de $2000. et nous avons tout lieu de croire que l'an prochain, le montant nécessaire au par-achèvement de cette importante amélioration sera voté. L'entente qui règne à Ste-Anne cette année est de nature à donner beaucoup d'influence aux

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demandes de cette paroisse, qui peut compter sur l'appui de notre journal en toute circonstance. » 185

Au début des années 1890, le gouvernement fédéral annonce son intention d'investir massivement dans la construction des quais à la grandeur du Québec et dans l'amélioration des installations déjà exis-tantes. Pour développer un système de transport efficace dans cet im-mense pays en voie de développement, il faut utiliser au maximum les cours d'eau. La construction des quais s'inscrit dans la politique gou-vernementale pour favoriser l'amélioration de l'infrastructure fluviale. Dans la région du Saguenay, les quais de Tadoussac, de Saint-Al-phonse, de l'Anse-Saint-Jean, de Chicoutimi et de Sainte-Anne vont tous profiter d'un encouragement politique.

Même s'il n'est pas terminé en 1890, le quai de Sainte-Anne rend déjà de grands services. Régulièrement, goélettes, traversiers et autres embarcations y accostent et les citoyens ont aménagé une route reliant le quai nouveau au chemin public. Mais l'histoire de sa construction ne se termine pas là. Il aura fallu accumuler pendant plusieurs années nombre de petites subventions avant que ne soit complété l'ensemble des travaux.

Le dernier dimanche du mois d'août 1897, le député Honoré Petit assisté des deux maires de Chicoutimi et de Sainte-Anne, MM. Alexis Tremblay et Georges Beaulieu dit Hudon, inaugurent officiellement l'ouverture du quai de Sainte-Anne. 186

185 Ibid., 2 septembre 1889.186 Le Protecteur du Saguenay, 27 août 1897.

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Le « Père Epiphane » et la traverse

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Avec l'ouverture d'un quai fonctionnant à Sainte-Anne, il va de soi que plusieurs personnes se frottent pour tenter de s'approprier [128]

Épiphane Gagnon, capitaine en charge de la traverse de Sainte-Anne. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay.

[129]le monopole de la traverse. Après de longues négociations, c'est Épi-phane Gagnon qui reçoit le contrat au printemps 1898. Le 18 mai, son bateau qu'il vient d'acheter d'une compagnie de la Baie des Chaleurs, le « Marie-Louise », est prêt à entreprendre la navette. Le prix de la traverse est fixé à 10 cents avec possibilités de réduction à l'achat de

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cent billets. 187 Les difficultés de toutes sortes, les intempéries, les dan-gers occasionnés par la saison des glaces, rien ne semble effrayer cet homme d'expérience qui devient un personnage dans l'histoire de la municipalité.

« Le « Marie Louise », le nouveau bateau de la traverse est grand, très confortable, et marche bien. Malheureusement, il n'a peut-être pas les dis-positions voulues pour le service entre Ste-Anne et Chicoutimi. On dit qu'il tire cinq à six pieds d'eau et que pour cette raison, il ne pourra faire le service qu'à marée haute. Une difficulté vient de s'élever, paraît-il, entre le conseil de Ste-Anne et le traversier et un protêt aurait été signifié à ce der-nier, qui refuse maintenant d'accepter le règlement passé par les deux mu-nicipalités. » 188

Le « Marie-Louise » n'a pas les qualités nécessaires pour s'acquit-ter convenablement de sa mission et c'est pour cette raison qu'après seulement deux années de service, Épiphane Gagnon fait construire un nouveau bateau.

Lors du troisième dimanche du mois d'août 1901, tous les parois-siens de Sainte-Anne se rendent sur le quai de la municipalité afin d'assister à la bénédiction du superbe petit traversier surnommé « L'Alcyon », signifiant Hirondelle de Mer. La bénédiction est faite par le vicaire de la paroisse, l'abbé Edmond Bossé. La construction de ce navire est due à un vieux citoyen de Baie Saint-Paul, Pierre Mailloux. Comme principales qualités techniques, disons que le nou-veau bateau a un faible tirant d'eau et est pourvu de deux hélices. 189

Les premiers essais démontrent que « L'Alcyon » a été mal construit. La coque du vaisseau est trop courte pour la grosseur des machines qu'elle abrite et 190 le propriétaire décide de le rallonger d'une dizaine de pieds. L'espace réservé aux voyageurs sera plus important et le vaisseau aura encore un plus faible tirant d'eau. Malgré cette vo-lonté incontestable de satisfaire aux exigences de son contrat qui le lie

187 Progrès du Saguenay, 26 mai 1898.188 Le Progrès du Saguenay, 18 mai 1898.189 Ibid., 22 août 1901.190 Ibid., 24 octobre 1901.

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aux municipalités concernées, Épiphane Gagnon 24 cède tous ses droits et prétentions pour la traverse, en janvier 1905. 191

[130]

Le deuxième aqueduc

Propriété du village de Ste-Anne. La source est dans le rang VII du can-ton Tremblay ; eau très bonne ; 50 clients dans la paroisse et 165 dans le vil-lage. Prix du service $20. L'aqueduc est installé dans tout le village et dans les rangs I, H et M du canton Tremblay. Installation en 1916.

Annuaire des Comtés de Chicoutimi et du Lac St-Jean, 1923, p. 197.

Le « St-Anne » prend la relève

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Pour prendre la relève qui ne peut attendre au-delà du printemps, le conseil du village de Sainte-Anne, en prévision de la nouvelle situa-tion, fait construire l'automne précédent, et ce à ses propres frais, un nouveau bateau passeur. La municipalité pense exploiter elle-même le service, mais cette idée ne dépasse guère le stade des propositions ins-crites au livre des minutes. 192

Le nouveau bateau à fond plat est béni au début d'octobre 1905, par le curé Lemieux et reçoit le nom de « St-Anne ». Les promoteurs du service espèrent adopter un horaire sur lequel les intéressés pour-ront compter. Le bateau est construit pour traverser à marées basse et haute. Le contrat est finalement accordé pour dix ans à Onésime

191 Ibid., 13 janvier 1905.192 A.N.Q.C., Fonds Chicoutimi-Nord, Article 107, Dossier 10.

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Tremblay « Lucon » et Alex Gagnon de Chambord qui opèrent sous la raison sociale de « La Compagnie de la Traverse de Sainte-Anne ». 193

Tarif de la traverse en 1908

« Un passage simple .05Six billets .25Un voyage extra au quai du Bassin .20Un voyage extra au quai du gouvernement .50Cheval avec voiture, un passage .25Cheval seul .25Tout autre animal, un passage .05Une personne avec sa valise .05Bois de sciage par 100 planches 1" .20Bois de sciage par 100 planches 2" .40Bois de sciage par 100 planches 3" .60Fromage, au quai du gouvernement, par boîte .01

[131]1 quart de fleur .051 sac de fleur .03Effets par 100 Ibs pesant .03Tout paquet ou boîte au-dessous de 100 livres déposé à bord .01Chaux par quart .06Armoire .20Table .05Chaises par douzaine .12Poêle de cuisine .10Poêle de tôle .02Charrue .10Roue de charrette par paire .10Set de roue de quatre roues .10Boîte de bière aller et retour .05Couchette avec ressort .10Rouet .051 laveuse .051 paquet de laine aller et retour .05Faucheuse à un cheval .35Faucheuse à deux chevaux .45Moisonneuse .75Moisonneuse lieuse 1.00Rouleau en acier .30Moulin à battre 1.00

193 Le Progrès du Saguenay, 21 décembre 1906.

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Crible .25Rateau à cheval .25Semoir .25Herse à ressort .10Grain à moudre, poche 1 1/2 minot, aller et retour .02Grain à moudre, poche 2 minots, aller et retour .03 194

Jusqu'en 1917, c'est le « St-Anne », deuxième de ce nom, qui fait la traverse. Des plaintes constantes au cours de ces années affligent la municipalité et attestent que la population des deux rives reste très in-satisfaite du service. L'indiscipline des propriétaires et de la popula-tion fait presque sourire.

Le monopole octroyé n'est pratiquement pas respecté. Épiphane Gagnon qui s'était retiré pour faire la traverse entre Chicoutimi et les Terres-Rompues, en 1906, revient régulièrement au quai de Sainte

[132]

Le traversier « St-Anne », amarré au quai de la traverse. Photo : Vers 1910, Collection de l'auteur.

194 Cette liste de prix et tarifs nous témoigne en quelque sorte de la réalité ma-térielle de l'époque. Règlements adoptés à la séance du 2 mars 1908.

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Traversier l'Alcyon vers 1905. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay.

Le traversier « Tremblay », en route vers le quai de Ste-Anne, vers 1920. Pho-to : Collection de l'auteur.

[133]Anne, chercher des passagers. Il offre gratuitement des occasions, au grand détriment des véritables détenteurs du permis, et menace leur entreprise qui n'est pas capable de satisfaire à leur clientèle. De sur-croît, la sécurité est presque totalement absente. Le « St-Anne » n'est même pas muni d'un pare-étincelles à sa cheminée et provoque des in-cendies à plusieurs reprises.

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Las de toutes ces critiques, les propriétaires vendent leur bateau en 1915 à Joseph Tremblay « Alexis » qui tentera à son tour de s'acquit-ter de ses engagements.

Le « Tremblay »clôture l'histoire de la traverse

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En 1916, Joseph Tremblay signe un contrat qui le lie à la munici-palité et lui assure le monopole de la traverse pendant les dix pro-chaines années. Dans le Haut-Saguenay, les développements sont no-tables et en regard à une population sans cesse croissante, le besoin d'un meilleur système de communication avec l'autre rive devient de plus en plus impérieux. C'est pour satisfaire à ces besoins que le dé-tenteur du permis fait construire à Chicoutimi un nouveau bateau.

Le « Tremblay », nommé ainsi probablement en raison de son pro-priétaire originel, débute son service en 1917. Joseph Tremblay « Alexis » saura très certainement satisfaire à sa clientèle. Jusqu'en 1926, contrairement à ce que l'on avait connu précédemment, les plaintes adressées à l'égard du bateau passeur sont banales et concernent particulièrement le respect des horaires.

Au début de l'année 1926, des modifications se préparent dans le service de la traverse de Sainte-Anne. Des velléités de relier les deux rives du Saguenay par un pont métallique persistent, en dépit des diffi-cultés que cela présente. Dans l'attente de ce pont, la municipalité de Sainte-Anne ne renouvellera pas le contrat de M. Tremblay et orga-nise la municipalisation de la traverse sur la rivière Saguenay. La loi est sanctionnée par le gouvernement du Québec, le 11 mars 1926. 195

La municipalité du village de Sainte-Anne se porte donc acquéreur du bateau le « Tremblay » au cours du mois de janvier précédant la municipalisation, moyennant la somme de sept milles dollars. Elle procède aussi, au cours de l'hiver suivant, à des réparations d'ordre majeures.

[134]195 Statuts de la Province de Québec, 1926, pp. 435-436.

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On a patiné sur le pont de glace hier

Nous avons eu hier une splendide journée. Aussi les promeneurs ont été nombreux, les patineurs encore plus. Tous les sports d'hiver étaient en vogue hier. La rivière Saguenay avait pris l'apparence d'un magnifique miroir face au centre de la ville. Les dernières tempêtes de vent avaient eu pour effet d'enlever toute la neige qui s'était étendue sur cette épaisse couche de glace qu'est le pont. Aussi hier après-midi, nombre de patineurs se sont rendus sur le pont et évoluaient avec grâce sur le plus beau rond qu'on puisse désirer. Par ailleurs les skieurs et skieuses jouissaient d'une magnifique température pour ce beau sport.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 23 janvier 1928.

« Le service du passeur-passeur, le « Tremblay », entre Chicoutimi et Sainte-Anne, se fait maintenant régulièrement. La première traverse du matin est à 6h. 30. le « Tremblay » partant alors de Chicoutimi pour Sainte-Anne, et les départs ensuite de l'une ou de l'autre rive s'effectuent, à toutes les demi-heures. Le ponton cependant n'est pas encore installé, à Sainte-Anne, et c'est pourquoi, jusqu'à ce que ce soit faite cette installa-tion, l'on ne pourra traverser, à bord du « Tremblay », que les voitures à traction animale. La dernière traverse du soir, de Sainte-Anne à Chicouti-mi, à lieu, à 7h. 30.  » 196

Malgré une bonne amélioration de la traverse, nous devinons bien que le transport ne peut être assuré en tout temps. Vers la fin de no-vembre et début de décembre, le Saguenay entre dans une période in-termédiaire au cours de laquelle se promènent sur la surface de la ri-vière, des glacés flottantes rendant la navigation lente et hasardeuse. Après la saison du bateau-passeur, la population a recours au service des chaloupes.

196 Le Progrès du Saguenay, 26 avril 1928.

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Outre le danger de chavirer, les particuliers affrontent l'ennui de louvoyer très longtemps, au froid, entre les barrages mobiles qu'op-posent à leur avance des plaques de glace. Certaines années cette si-tuation ennuyeuse persiste un grand mois. 197

L'hiver 1928-1929, entre autres tarde à s'affirmer plus que d'habi-tude et les habitants s'accommodent tantôt des chaloupes, tantôt du traversier qui reprend le service. Pour la première fois de son histoire, le « Tremblay » fait la traverse le 1er janvier 1929, au grand étonne-ment de la population. « À 8 h. A.M. le premier de l'an, le [135] « Tremblay » accosta au quai de la rue Montcalm. La sirène s'est fait entendre pendant une dizaine de minutes et les drapeaux flottaient aux mâts du navire ». 198

Le lundi 20 novembre 1933 reste une date mémorable pour la po-pulation de Sainte-Anne, puisqu'elle marque la fin d'un service de ba-teau qui remonte à l'année 1874. En effet, le « Tremblay, après seize années de fidèle service, vient de terminer son règne en suspendant définitivement la traverse régulière entre Sainte-Anne et Chicouti-mi. 199

Le pont de Sainte-Anne

Nécessité d'une liaison permanente avec Chicoutimi

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La construction du premier pont entre Chicoutimi et le village de Sainte-Anne a fait couler beaucoup d'encre à l'époque. Nous avons pu réaliser que tous les traversiers, du premier au dernier, n'ont réussi à combler les besoins de communication entre les deux rives. Les côtés nord et sud du Saguenay se sont donc développés parallèlement sans être en mesure de s'assister convenablement. Sur le plan géogra-phique, la proximité réelle laisse place à un genre de frustration dans toutes les relations sociales, économiques et même politiques.

197 Le Progrès du Saguenay, 1er décembre 1928.198 Ibid., 3 janvier 1929.199 Ibid., 23 novembre 1933.

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Évidemment, si les deux municipalités avaient été soudées en-semble par le sol ferme, leur histoire aurait été grandement modifiée d'un côté comme de l'autre. Sainte-Anne a eu à souffrir par contre plus que sa voisine de cet état de faits. Consolons-nous car c'est sans doute cet isolement avec un grand « I » qui a de toute évidence contribué à forger la spécificité des lieux et des habitants.

Il faut remonter aussi loin qu'à la fin du XIXe siècle pour retracer les véritables origines de ce pont. Force est de constater que l'avène-ment devient plus nécessaire avec la création récente du village. C'est au député de l'heure, Honoré Petit, que revient l'honneur d'en revendi-quer le premier la construction. Du moins, le Progrès du Saguenay du 12 novembre 1896 mentionne qu'une demande sera adressée au gou-vernement. Le journal le Protecteur, pour sa part, s'affirme mesquine-ment en faveur et suggère la formation d'une compagnie qui s'assurera d'une subvention des gouvernements fédéral et provincial. 200

[136]

Cette requête n'aura assurément aucune suite immédiate et il faudra attendre la fin du premier conflit mondial pour que les politiciens en reprennent l'initiative. C'est au mois d'avril 1919 que le projet refait surface et le premier site suggéré se situe vis-à-vis de l'hôtel de ville de Chicoutimi. Au cours de ces années difficiles de l'après-guerre, les coûts énormes suffisent à refroidir l'ardeur des requérants. 201

200 Le Progrès du Saguenay, 19 novembre 1896.201 Le Progrès du Saguenay, 24 avril 1919.

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Le village de Sainte-Anne vu de Chicoutimi le 3 octobre 1928. Les travaux en cours sont ceux de la construction du port de Chicoutimi. Photo : Collection de l'auteur.

La population ne se laisse pas pour autant désarmer. Le 14 janvier 1920, à la suite d'une réunion spéciale, le conseil de ville de Chicouti-mi convient de pousser activement la réalisation de ce grand rêve. La région se développe avec une rapidité vertigineuse et c'est justement au nord de la rivière que sont évalués les plus grands espoirs. 202 Le printemps précédent, deux professionnels de [137] l'époque, Elzéar Boivin, arpenteur-géomètre, et J.-A. Claveau, ingénieur civil, avaient sondé les fonds de la rivière Saguenay. Ils jugent le projet réaliste et lancent un chiffre estimatif d'environ $600,000. 203

202 Le Progrès du Saguenay, 2 janvier 1920.203 Ibid.

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La Compagnie du Pont de Sainte-Anne

Comme tous les projets d'envergure, il importe de les voir mûrir plus longuement. Aussi, il faudra attendre jusqu'au début de l'année 1926, avant que l'idée ne prenne un essor plus significatif. La matura-tion du projet amène sur le tapis de nombreuses propositions quant aux sites éventuels et aux manières de procéder.

Au printemps 1927, le 9 mars, des particuliers fondent une compa-gnie dont l'unique but vise la construction du pont. La Compagnie du Pont de Sainte-Anne se propose de vendre 30,000 actions de 100 dol-lars chacune. Les municipalités de la région évaluent que l'idée de cette compagnie est le meilleur moyen d'aboutir rapidement à la réali-sation du projet.

Parmi les requérants de la charte se retrouvent les hommes poli-tiques de l'heure : Louis Ph. Desbiens, maire de Chicoutimi, Ludger Petit, préfet du comté de Chicoutimi, Georges Simard, maire de Saint-Fulgence, Phydime Gauthier, maire de Sainte-Anne, Albert Mailloux, pro-maire de Saint-Honoré. 204

Comme pour donner plus de poids à leurs ambitions, ces mêmes municipalités souscrivent à une somme totale de $225,000 : Chicouti-mi, 75,000, Sainte-Anne paroisse, 62,000, Saint-Honoré, 50,000, Sainte-Anne village, 24,000 et Saint-Fulgence, 14,000. 205 À ce mo-ment, les particuliers, les compagnies et les municipalités font front commun et foncent à tête baissée. Il ne manque que le gouvernement, ce collaborateur essentiel qui tarde d'ailleurs à s'impliquer.

Mais dorénavant l'idée est irréversible et entre dans une sorte de période d'incubation. La presse écrite épouse l'idée et l'humour noir du directeur du Progrès du Saguenay l'incite à causer régulièrement du projet dans sa rubrique taquine « Sur le pont de Sainte-Anne ».

Il va de soi que Chicoutimi espère surtout des avantages écono-miques, elle qui jouit déjà du titre de centre commercial régional.

[138]204 Gazette Officielle du Québec, Vol. 59, 1927, pp. 1118-1119.205 Le Progrès du Saguenay, 14 mars 1927.

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Le pont de Sainte-Anne au moment de son ouverture officielle. A.N.Q.C., Fonds Lemay.

Le pont de Sainte-Anne, construction de la section centrale, le 14 septembre 1933. Photo : A.N.Q.C., Fonds Lemay.

Elle désire améliorer sa position en devenant le terminus du che-min de fer et le port de mer d'où s'écouleront bientôt les produits d'ex-portation et d'importation. La construction du pont lui assure encore plus la concrétisation de ce double avantage. 206 Pour ces raisons aussi, elle pose comme principales conditions que « ce pont devrait contenir une voie de chemin de fer, une voie charretière et une voie de piétons, aucun droit de péage n'y seront réclamé ». 207

Au niveau politique, le dossier est débattu par le ministre des Tra-vaux publics à Québec et bénéficie comme fer de lance, du politicien

206 Le Progrès du Saguenay, 25 mars 1927.207 Le Progrès du Saguenay, 7 mai 1927.

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et industriel J.-E.-A. Dubuc, député fédéral du comté de [139] Chicou-timi. C'est ce dernier qui est à la tête du mouvement et en assure, par sa volonté ferme, la matérialisation.

Les premières propositions

Le premier plan est présenté au député Gustave Delisle par l'ingé-nieur au ministère des Travaux publics, J.-E. Vallée, qui suggère cinq sites. Dans sa lettre, il se déclare en faveur du projet No 2, dont l'em-placement relierait les rues Morin à Chicoutimi et Saint-Éphrem sur l'autre rive. Selon lui, les travaux se chiffreront à un million de dol-lars. Il ouvre aussi une parenthèse pour la navigation car ce n'est là qu'un « projet préliminaire qui ne prévoit pas de pilier pour la travée mobile et qu'il faudrait s'enquérir des exigences des autorités fédé-rales » 208

« Site No 1 - L'alignement du pont projeté à cet endroit, n'est pas normal au courant ; de plus la Rivière Aux Rats débouche à cet en-droit. »

« Site No 2 - Site adopté pour le projet. »« Site No 3 - L'alignement du chenal projeté à cet endroit, entraîne

à l'obligation de construire un pont tournant ayant une travée plus longue qu'aux autres sites et rend la navigation plus difficile. »

« Site No 4 - Rejeté à cause de la profondeur du chenal. »« Site Lapointe - Fondation de roc. Un pont « cantilever » serait

trop coûteux, le chenal y est trop profond pour présenter un avantage sur les autres sites. »

208 A.N.Q.C. Fonds Mgr Victor Tremblay, dossier 484.

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La Grande Crise et deux élections font aboutir le projet

Avec la formation de la Compagnie du Pont de Sainte-Anne et l'élaboration d'études des sites éventuels, les délégations à Québec se multiplient. On presse le gouvernement de prendre position, lequel suggère la formation d'une commission de quatre membres : Chicouti-mi, les municipalités du Nord du Saguenay, la Commission du Port de Chicoutimi et le gouvernement. À la lueur des articles de journaux, nous constatons que le gouvernement cherche visiblement à gagner du temps et qu'il n'est pas disposé à accorder le pont.

Cependant, l'avènement de la Grande Crise Économique, en 1929, contribue à modifier la position de tous les groupes en ce qui [140] concerne la réalisation de travaux publics d'envergure, dont la construction du pont.

Les municipalités n'ont plus d'argent et sont dans l'impossibilité de garantir à la Compagnie du Pont de Sainte-Anne l'aide financière pro-mise quelques mois auparavant. De surcroît, le nombre de chômeurs ne cesse de monter et ceux-ci organisent plusieurs marches sur l'hôtel de ville de Chicoutimi. À grands cris on réclame des travaux.

Au début de mars 1930, le Conseil de ville de Chicoutimi délègue les échevins Paul Vézina et John Murdock auprès du gouvernement afin d'obtenir l'ouverture de différents travaux, dont le pont. 209 Les dé-légations se succèdent et désormais on fait savoir aux élus qu'il n'est plus question de débourser quelque montant que ce soit pour cette en-treprise. Mais, comme nous nous en doutons en cette période noire de crise, le gouvernement a plus d'un chat à fouetter.

L'élection fédérale de l'été 1930 ne réussit pas à faire avancer le dossier. C'est plutôt l'élection provinciale du 24 août 1931 qui sert de véritable tremplin. Lors de ce scrutin, le pont de Sainte-Anne devient le principal enjeu de la campagne électorale dans le comté de Chicou-timi.

209 Le Progrès du Saguenay, 4 mars 1930.

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Le député Delisle annonce le 31 juillet « que les travaux du pont de Ste-Anne commenceront dans une dizaine de jours » 210, le projet de la rue Sainte-Anne ayant été retenu et approuvé par les deux paliers de gouvernement. Le premier ministre Taschereau vient lui-même à Chi-coutimi, le 19 août, confirmer les promesses de M. Delisle. Fort heu-reusement, la victoire écrasante des libéraux assure l'entreprise du pont.

La construction du pont

La construction des approches débute le 10 août 1931, ce qui donne plus de véracité aux promesses électorales. Le matin du 5 sep-tembre, sept soumissions sont déposées sur le bureau du ministère des Travaux publics. Finalement, le gouvernement arrête son choix sur la firme A. Janin et Cie, qui aura la charge des travaux pour ce qui touche les piliers, les planchers et les trottoirs. 211

La Compagnie signe le contrat avec la promesse d'entreprendre im-médiatement après le coup d'eau du printemps. De part et d'autre, [141] cependant, on demande de profiter immédiatement du projet pour remédier au chômage. La firme Janin acquiesce à la requête des citoyens et, dès le 9 novembre, le journal nous apprend qu'une partie de la machinerie et de l'équipement est sur les lieux. 212

En l'espace d'une seule semaine, une cinquantaine d'ouvriers tra-vaillent au chantier qui ne pourra pas s'accommoder de l'hiver. Les premiers véritables travaux devront attendre à la mi-avril 1932 pour se terminer le ler décembre 1933.

À cette date, les piétons des deux rives peuvent déjà profiter du pont alors qu'il faudra attendre le 6 décembre pour l'ouverture offi-cielle. « La première automobile qui a traversé sur le pont de Ste-Anne a traversé lundi après-midi. Elle était conduite par M. L. - C. Gauthier qui était accompagné de MM. Lafranboise et W. Mur-dock ». 213

210 Le Progrès du Saguenay, 31 juillet 1931.211 Le Progrès du Saguenay, 5 septembre 1931.212 Le Progrès du Saguenay, 9 novembre 1931.213 Le Progrès du Saguenay, 7 décembre 1933.

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« Le pont de Ste-Anne est l'œuvre de A. Janin et Cie qui a construit les piliers, les planchers et les trottoirs. La structure métallique a été érigée par Dominion Bridge. Les approches ont été faites par M. D. DeSantis et MM. Gagnon et Tremblay. C'est à la Compagnie Janin qu'a incombé le plus fort et le plus difficile du travail, qu'elle a accompli avec un plein suc-cès. »

« Le nouveau pont est à charpente d'acier, reposant sur 9 piliers en bé-ton. Sa longueur à part les approches, est de 1485 pieds. Sa longueur totale est de 2955 pieds. La travée tournante, mesurant 375 pieds, est la plus longue du genre en Amérique pour les ponts carossables. Cette travée re-pose sur un pilier qui mesure 430 pieds de longueur. Elle pèse 1,600,000 livres. Il a fallu 14,800 tonnes de béton pour la construction du pilier cen-tral. Il y a 6 autres travées mesurant chacune 185 pieds. »

« Le pont a une largeur carossable de 20 pieds, avec 2 trottoirs de 5 pieds. L'approche du côté nord est longue de 850 pieds, avec une pente de 3%, et l'approche du côté sud mesure 6320 pieds, avec une pente de 2%. » 214

214 Le Progrès du Saguenay, 21 décembre 1933.

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[142]

Les sites proposés pour le pont.

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[143]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.Deuxième partie :

Le Village de Sainte-Anne, 1893-1954

Chapitre 7L’organisation religieuse

et scolaire

L’église de Sainte-Anne :la construction

Retour à la table des matières

Le 30 juin 1874, l'Archevêque de Québec revenait à Sainte-Anne pour une visite pastorale et vérifier les comptes de la Fabrique depuis 1868, année de sa dernière visite. Il se disait fort heureux de constater les économies accumulées qui produisaient des intérêts. En regard à une situation financière saine, il ordonnait d'acheter un second ciboire pour remplacer la modeste boîte de carton. Du même souffle, il re-commandait de bâtir une église et un presbytère. Mgr Taschereau trouvait la vieille chapelle trop petite et le presbytère lui semblait ren-du inadéquat, « parce que les fondations sont mauvaises et qu'une partie des poutres inférieures est pourrie ». 215

Fort de cette approbation, le contracteur Louis Galarneau débute les travaux de construction du nouveau presbytère immédiatement. Les archives de l'Évêché nous disent que les fondations sont déjà

215 Archives de la paroisse de Sainte-Anne, 1. 19.a. (pagination personnelle 97).

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creusées à la mi-août et que le bois est sur place. 216 Entre temps, Mgr Taschereau, le vicaire Dominique Racine et le curé Roussel acceptent la requête signée par la majorité des citoyens de la paroisse pour fixer les critères des plans de construction. 217

1- Il sera construit dans la dite paroisse de Ste-Anne du Saguenay une nouvelle église, une nouvelle sacristie et un nouveau pres-bytère en bois et en pierre dans le voisinage de la chapelle ac-tuelle de la même paroisse ;

2- La dite nouvelle église, qui sera érigée à environ cent cinquante pieds à l'ouest de l'ancienne, le portail tourné vers le sud, aura environ [144] cent trente pieds de long, soixante-et-dix pieds de largeur et trente pieds de hauteur au-dessus des lambourdes ;

3- La dite nouvelle sacristie aura environ quarante-cinq pieds de longueur, trente-cinq pieds de largeur et dix pieds de hauteur entre les deux planchers ;

4- Le dit nouveau presbytère aura environ quarante-cinq pieds de longueur, trente-cinq pieds de largeur et dix pieds de hauteur aussi entre les deux planchers, avec une cuisine adjacente de vingt pieds carrés ;

5- Les dites dimensions seront prises en-dedans et à mesure an-glaise ;

6- Il ne sera procédé à la dite construction des dits édifices que lorsqu'un plan d'iceux aura reçu notre approbation.

Au cours du mois de janvier 1875, l'abbé Roussel fait miner la roche près de l'église et avoue y trouver de très belles pierres, propres à la construction. Pour poursuivre ses travaux il emprunte $1,000 au Conseil municipal dans un premier temps et $4,000 une année plus tard. Après deux ans de travaux pénibles, la nouvelle

216 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 42, Pièce 19.217 Archives de la paroisse de Sainte-Anne, 1. 19.a. (pagination personnelle

99).

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L'église de Sainte-Anne vers 1880. À remarquer le clocher qui n'a pas été ter-miné et la nef qui n'a pas été agrandie. Aussi, la maison qui occupe la place du ci-metière. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay.

[145]

L'église de Sainte-Anne vers 1920. Photo : A.N.Q.C., Fonds Lemay.

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église est bénie le 27 juin 1877 et la première messe est chantée par le révérend J.-B. Blouin. 218

« Le vingt-sept juin, de l'an de N.S. mil huit cent soixante-dix-sept, nous vicaire général, avons béni avec les solennités prescrites la nouvelle église paroissiale de Ste-Anne du Saguenay. La dite église construite en pierre a cent vingt-cinq pieds de longueur en dedans, soixante pieds de lar-geur en dehors, trente-et-un pieds de hauteur au-dessus des lambourdes. Les plans ayant été tracés par le Rév. B. Bernier, la maçonnerie a été faite par M. Étienne Marcoux de Beauport, la charpenterie par M. Hypolite Du-four de St-Jérôme ; la [146] première messe a été chantée par M. Jean-Baptiste Blouin curé de St-Alexis ». 219

Le temple est inauguré sans être complété. Restent le clocher et l'intérieur. La pauvreté des habitants et de la Fabrique obligent à s'ac-commoder d'une église incomplète.

Ouvrons une parenthèse et jetons un bref coup d'oeil sur la région, En 1890, toutes les églises du comté, à part celle de Saint-Fulgence, sont presque complètement terminées. Le plus illustre des chantiers, celui de la cathédrale, débute à peine.

À Sainte-Anne au cours de cette même année 1890, l'Évêque de Chicoutimi, Mgr Bégin, réouvre le dossier de la construction de l'église en autorisant le prélèvement sur les revenus de la Fabrique d'une certaine somme destinée à cette fin. 220 Malgré cela, le fruit n'est pas mûr et il faut attendre encore quelques années.

218 Archives de la Paroisse de Sainte-Anne, Cahier des Délibérations de la Fa-brique.

219 Ibid.220 Archives de la Paroisse Sainte-Anne, 1. 19.a. (pagination personnelle 93).

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Le travail des chantiers cet hiver

Les données suivantes que nous avons pu nous procurer sur les chantiers de cette année intéresseront, peut-être, quelques-uns de nos lecteurs.

Un bûcheron, que nous venons d'interroger au sujet des salaires payés nous donna les prix suivants : Les entrepreneurs payent $2.50 pour 100 billots ; la Compagnie garantit $60. par mois.

Quelques bûcherons se font $100.00 par mois, plus de la moitié d'entre eux restent en bas de $75.00

Notre homme fit cette sage réflexion : « C'est le bûcheron qui fait son salaire ».

Les conditions hygiéniques, dit-il, se sont bien améliorées depuis six ans. L'état des campements est bien satisfaisant.

Voulant savoir ce qui nuit le plus aux bûcherons de la région nous ap-prîmes de notre interlocuteur que c'est l'instabilité.

Changer souvent de campement ne rapporte rien, mais, par contre, aug-mente les dépenses et fait perdre beaucoup de temps et d'argent.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 29 janvier 1930.

C'est uniquement lors de la réunion des marguilliers, tenue le 30 octobre 1898, que le projet atteint sa maturité. Au moment de [147] cette rencontre il est décidé de réaliser les travaux commandés par Mgr Labrecque, lesquels consistent « dans le parachèvement de l'église, du clocher, des trois autels et du buffet à la sacristie et de donner le contrat à M. Joseph Villeneuve, de Saint-Romuald, au prix de $3,775. avec remise ». 221

Tous semblent s'accorder sur ce point jusqu'au jour où des citoyens lancent l'idée d'agrandir l'église. L'opposition nombreuse risque de re-

221 Archives de la Paroisse de Sainte-Anne, Cahier des Délibérations de la Fa-brique.

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tarder l'entreprise et de diviser la petite population. Le 12 mars 1899, une délégation paroissiale présente à Mgr Labrecque une requête en vue de l'agrandissement de l'église avant la construction du clocher. Au début, le projet reçoit l'assentiment de l'Évêque. Le 19 mars, une assemblée décide « de faire cet agrandissement par le portail, de la longueur de 26 pieds, de parachever l'intérieur suivant un plan et de-vis préparé par l'architecte David Ouellet ». 222

Cependant, quelques jours plus tard, le 25 mars, Mgr Labrecque revient sur ses pas et déclare inopportun d'entreprendre l'agrandisse-ment. Sans attendre, le même jour, les paroissiens déboutés ren-contrent à nouveau l'évêque. Le curé Lemieux, fort de ce revirement, accepte de suivre l'opinion de la majorité et de revenir au premier plan. « soit le clocher, le chemin couvert, la chapelle et la sacristie et on y ajoute le tirage des joints, la fausse voûte, les réparations à l'in-térieur de la sacristie, aux toits du presbytère, de la cuisine, aux clô-tures du cimetière et des terrains de la Fabrique ». 223

Les débats suscités à propos de l'agrandissement de l'église semblent être définitivement réglés par le rejet de cette alternative, au profit des travaux décrits ci-dessus. Le 19 avril, une assemblée redis-cute la question. Le 19 août, une autre assemblée de la paroisse décide d'ordonner sans délai aux frais de la Fabrique, des travaux d'agrandis-sement « par le portail, de trente pieds, et le parachèvement de l'inté-rieur suivant les plans et devis de l'architecte David Ouellet ». L'Évêque de Chicoutimi se plie définitivement à l'idée.

Plus rien n'entrave désormais le début des travaux. Au mois de septembre, la saison est passablement avancée et pour pallier aux re-tards envisagés par des soumissions publiques, on décide de ne [148] pas recourir à cette méthode. Trois entrepreneurs sont invités person-nellement à déposer des offres. Le 30 septembre, après l'ouverture des soumissions, la Fabrique accepte l'offre de M. Edmond Tremblay pour la somme révisée de $7,579. La question est réglée. 224 L'addition de 24 pieds à l'église et l'érection du clocher sont en voie de réalisation. 225

222 Archives de la Paroisse Sainte-Anne, 1.19.a. (pagination personnelle 68).223 Ibid. (pagination personnelle 70).224 Ibid. (pagination personnelle 70).225 Le Progrès du Saguenay, 2 mai 1901.

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Au mois d'août 1901, le Progrès du Saguenay précise que les tra-vaux avancent rapidement. L'allonge doit permettre d'ajouter une cen-taine de nouveaux bancs. À cette date, les murs et le toit de l'allonge nouvelle sont terminés « et de Chicoutimi nous voyons s'élever le clo-cher ». 226 La cérémonie religieuse de la bénédiction des cloches est prévue pour le 17 octobre.

La fête commence à une heure et demie. Malgré une température désagréable l'église est remplie et est décorée avec un goût remar-quable.

« Du côté de l'Évangile on remarquait l'inscription suivante : Psalmum dicam tibi in gentibus.

Du côté de l'Épitre : Clamado ad Deum Altisimum.

Au fond du Choeur : Te Deum Laudamus.

L'inscription Les Cloches Carillonnent un chant de reconnaissance se lisait sur le jubé.

Les cloches avaient été disposées dans le chœur et disparaissaient sous un arche de fleurs, de drapeaux et de décorations multicolores.

Sa Grandeur Mgr Labrecque offociait, assisté de MM les abbés, Ri-chard Tremblay et William Tremblay.

M. l'abbé George Cimon, professeur de philosophie au séminaire de Chicoutimi, a fait le sermon de circonstance.

Le Chœur de l'orgue, sous la direction de M. l'abbé Edgar Bourget a fait de la bien belle musique. Nous avons remarqué à l'orgue : MM. les ab-bés Bourget, Bérard, Bossé et Morel. M. le Dr Savard, M. LeBouthillier, M. Louis Talbot et M. Mederic Gravel. 227

226 Le Progrès du Saguenay, 22 août 1901.227 Le Progrès du Saguenay, 18 octobre 1901.

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Ces trois cloches sortent de la maison A. Havard, de Villedien, France. Le coût d'achat s'élève à $1,300. La plus grosse pèse 1,522 [149] livres, la moyenne 1,067 livres, la plus petite 745 livres. Elles rendent les sons de fa, sol, la dièse. 228

La glace cède sous leurs pas

Hier soir, vers 5 hrs 45, quatre personnes de St-Fulgence ayant terminé un voyage d'affaire à Chicoutimi retournaient chez eux, traversant le Sague-nay sur un pont de glace dont elles ignoraient la valeur.

Ces voyageurs sont M. Rodolphe Morissette, Mme Pierre Mallois, Vve Pierre Tremblay et Mlle Antoinette Tremblay.

Au milieu de la rivière, la glace céda sous le poids des passants et les trois dames tombèrent à l'eau. Restées suspendues aux morceaux de glace voisins, l'eau glacée les trempa jusqu'au cou.

M. Morissette se porta aussitôt à leur secours et parvint à les tirer de leur fâcheuse situation.

Le danger était grand et la traverse rendue impossible. Tous quatre, ils rebroussèrent chemin et revinrent vers la Rivière-du-Moulin. Mais là encore une nouvelle épreuve les attendait. En arrivant près de la rive, elles aper-çurent une large crevasse, et devenues plus prudentes n'osèrent pas s'aventu-rer une seconde fois.

Il fallut alors appeler au secours et attendre l'aide que le ciel voudrait en-voyer. Trois citoyens de la Rivière-du-Moulin, MM. Edgar Gauthier, Henri Brisson et Paul-Eugène Villeneuve attirés de ce côté par les cris purent leur porter secours. À l'aide d'épaisses planches de bois, et éclairés d'un fanal, les trois dames de St-Fulgence et leur compagnon purent atteindre la terre ferme. Elles se sont retirées chez Mme Vilmont Savard.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 20 décembre 1930.

228 Ibid. Renseignements provenant de l'étude du Chanoine F.-X. Frenette et de l'instrument de recherche d'André Côté, Inventaire des Archives Parois-siales.

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Les cloches étant installées sur leur perchoir, Mgr Michel Thomas Labrecque accorde l'érection du chemin de la croix dans l'église pa-roissiale, en 1902. En 1908, c'est au tour de la fausse-voûte d'être ter-minée. Vient aussi s'ajouter l'installation de la lumière à l'église et au presbytère en 1911.

Le 6 novembre 1921, Mgr Eugène Lapointe préside à la bénédic-tion des verrières.

[150]

Les verrières de l'église de Sainte-Anne

du côté de l'Évangile (du chœur en arrière)

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1- Le Sacré-Cœur et Sainte Marguerite-MarieDon de M. Johnny Gravel, frère de David Gravel, Rg II

2- L'annonciation.Don de Jos.-Alexis Tremblay, père d'Alonzo, Ste-Anne.

3- Imposition des mains par les Apôtres.Don de Charles Gravel, Ste-Anne.

4- Les disciples d'Emmaüs.Don des familles Nazaire Boucher, Rg Il.

5- Le mariage de la Sainte Vierge et de Saint JosephDon de Clément et Arthur Dufour, Ste-Anne.

6- Notre-Dame du Rosaire et S. Dominique.Don des familles Eusèbe Fillion, Rg III.

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7- Procession du St-Sacrement à la croix, lors du grand feu de 1870.Don des Enfants de Marie de Ste-Anne.

du côté de l'Épître

1- La bonne Sainte-AnneDon des Dames de Ste-Anne.

2- Saint-Joseph.Don de la famille Petit, blvd Ste-Geneviève, Ste-Anne.

3- Le baptême de Jésus.Don de la famille Nérée Gravel, Rg VI.

4- L'enfant prodigue.Don de Joseph Morissette, Ste-Claire.

5- Notre-Seigneur et les Apôtres.Don des familles Tom. Gagnon (Ambroise), St-Luc.

6- La mort de St-Joseph.Don de François et Armand Duperré, St-Luc.

7- Le bon Samaritain.Don des familles Georges Gauthier, Rg II.

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[151]

au jubé

1- Du côté de l'Évangile : Saint-Pierre.Don de la famille Simon Tremblay.

2- Du côté de l'Épître : Saint-Paul.Don de Paul Saintonge.

3- Au centre : la tiare du pape.Don de la famille Onésime Blackburn.

Les paroisses détachées de Sainte-Annedepuis 1860

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Saint-Fulgence, anciennement Anse-aux-FoinsDesservie par Sainte-Anne jusqu'en 1871Érection canonique, 8 novembre 1870Érection civile, 24 décembre 1870ler curé, M. Wilbrod Barabé

Sainte-Rose-du-Nord, anciennement La Descente des FemmesDesservie par Sainte-Anne jusqu'en 1930Érection canonique, ler juin 1932Érection civile, ler janvier 1942 ler curé, M. Pantaléon Tremblay

Saint-Charles-Borromée, anciennement La Décharge Desservie par Sainte-Anne jusqu'en 1885Érection canonique, 13 octobre 1922

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ler curé, M. Étienne Savard

Saint-Ambroise, anciennement Rivière-à-l'OursDesservie par Sainte-Anne de 1860 à 1885Érection canonique, 11 février 1931ler curé, M. Abel Simard

Saint-HonoréDesservie par Sainte-Anne jusqu'en 1910Érection canonique, 4 octobre 1911ler curé, J.-B. Martel

Saint-David de FalardeauDesservie par Sainte-Anne jusqu'en 1937Érection canonique, 30 octobre 1937ler curé, M. Armand Desgagnés

Saint-Jean-Vianney (Shipshaw)Desservie par Sainte-Anne jusqu'en 1935Érection canonique, 28 février 1951ler curé, M. Basile Néron[152]

Saint-LucDesservie par Sainte-Anne jusqu'en 1950Érection canonique, ler juin 1950ler curé, Rosario Néron

Sainte-ClaireDesservie par Sainte-Anne jusqu'en 1961Érection canonique, 7 octobre 1961ler curé, M. Adrien Bluteau

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Charles Boivin, père, devant l'une de ses réalisations des années 1895. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay.

Les croix forgées du cimetièreet leurs créateurs

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Le 17 octobre 1937, conscient de la grande valeur culturelle et ar-tistique qu'elles représentent, Mgr Victor Tremblay se rend au cime-tière de Sainte-Anne pour photographier les croix forgées. Heureuse initiative car aujourd'hui, il ne reste absolument plus rien de ces pièces commémoratives religieuses, véritables œuvre d'art créées par trois de nos ancêtres : Épimage Simard et Charles Boivin père et fils. 229 Ces croix plantées dans le vieux cimetière (celui béni en avril 1873, qui longe la rue Roussel) sont là pour rappeler « à la douce mémoire » quelques premiers colons.

229 Se référer aux photos du Fonds Mgr Victor Tremblay, A.N.Q.C., Nos 281-282

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[153]

Une croix du cimetière, par Charles Boivin, fils. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay.

Croix d’Épimage Simard, 1913, par Charles Boivin, fils. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay.

La porte ancienne du cimetière, par Épimage Simard. Dessin de l'auteur.

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[154]

Croix de fer Louis Tremblay, époux de Ide Gagnon, 1876.

Croix type de C. Boivin, père.

Motif de croix de cimetière par Charles Boivin (fils)

Motif exécuté par Épimage Simard

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[155]Épimage Simard : Les premières et les plus anciennes sont fabri-

quées de sa main. Cet artisan natif de Baie-Saint-Paul épouse, à Châ-teau-Richer, Séraphine Guay. Après un apprentissage de trois mois, il prend boutique pour s'adonner au métier de forgeron. Voici ce que nous dit son fils Joseph, lors de la séance de photographie du 17 oc-tobre 1937 : « Il a fait beaucoup de croix de fer forgé dans notre ci-metière et celui de St-Fulgence ; il doit s'en trouver quelques-unes aussi à Chicoutimi, car il me semble que des gens de Chicoutimi ve-naient en demander, trouvant que son travail était mieux fait que ce qu'ils pouvaient obtenir ailleurs ». 230

Le « Père Épimage » demeure entre les deux côtes qui montent à l'église. Alexis « Cornette », père de Jos. Quessy « Cornette » Trem-blay demeure en face de lui. 231 Il décède à Sainte-Anne, le 20 mars 1915, à l'âge de 73 ans et six mois.

Parmi les douze ouvrages d'art photographiés par Mgr Victor Tremblay, huit ont été fabriqués par le marteau d'Épimage Simard. Le style raffiné des premières croix s'inspire de la méthode ancienne. Les branches de la croix sont reliées au croisillon par un médaillon en lo-sange et sont refendues à leurs extrémités. Des langues de fer, roulées en forme de parchemin compliquent agréablement le dessin.

La comparaison de toutes les œuvres d'Épimage montre une nette évolution dans son style. Ainsi, ses dernières croix sont d'un caractère plus avant-gardiste. L'une conserve les mêmes structures de base au niveau des branches et du médaillon mais les langues de fer en volutes cèdent la place à de multiples règles droites aux dimensions décrois-santes vers les extrémités.

L'œuvre maîtresse d'Épimage est la porte du cimetière. Celle-ci au-rait été fabriquée au cours de l'année 1894. Le style s'apparente étroi-tement à celui des premières croix.

230 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 42, Pièce 8.231 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 42, Pièce 8.

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Charles Boivin, père

Dans le travail du fer nous avons dit que les spécialistes d'une simple discipline sont peu communs au XIXe siècle. Il importe de sa-tisfaire à une clientèle variée. Cette règle qui prévalait dès le début de la colonisation et qui a survécu jusqu'à tout récemment, n'a pas empê-ché nombre d'artisans de s'adonner à des réalisations purement artis-tiques. La fabrication des croix de cimetières et d'églises exige du créateur une maîtrise parfaite de son art.

[156]

Charles Boivin, l'un de nos plus anciens forgerons, ajustement le crédit d'avoir fabriqué de toute pièce la croix de l'église de sa paroisse ainsi que plusieurs croix du cimetière.

Les croix fabriquées par Charles Boivin (père) s'inspirent du style des premières réalisations d'Épimage Simard. Par contre, son fils Charles possède un style plus particulier. Le médaillon demeure, mais les formes autour des branches sont plus recherchées.

Charles Boivin (père), le premier ancêtre de la famille à débarquer au Saguenay, est originaire de Saint-Urbain, dans le comté de Charle-voix. C'est d'ailleurs à cet endroit qu'il fait son apprentissage du métier de forgeron, chez John Redman. Après un stage de trois années, il épouse la fille du maître et vient s'installer au Saguenay vers 1882. Fraîchement débarqué à Sainte-Anne, il prend boutique près de l'église pour partager la clientèle de Cléophe Brassard et d'Épimage Simard.

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Le traversier de Ste-Anne au fond de l'eau

Le bateau Louis-Joseph qui a l'habitude de faire la traversée entre Chi-coutimi et Sainte-Anne a été trouvé ce matin, en fâcheuse position. On tra-vaillait à réparer les machineries du navire depuis deux jours et le travail étant terminé on espérait recommencer le service entre les deux rives ce ma-tin ou ce midi.

Mais un oubli grave a détruit ces plans. Par mégarde une ouverture avait été laissée ouverte hier soir et l'eau eut beau jeu pour s'y introduire dès que le bateau fut remis à l'eau. On ne s'en aperçut pas d'abord et ce matin, le na-vire reposait au fond de l'eau. Il faut imaginer la surprise des employés qui revenaient prendre leur travail en apercevant le navire en cet état.

De Chicoutimi, on peut en voir la partie supérieure qui dépasse au-des-sus de l'eau, près du quai de Ste-Anne où le navire était amarré.

La traversée entre Ste-Anne et Chicoutimi se trouve donc suspendue pour quelques jours. Il est probable même que le « Louis-Joseph » ne re-commence pas à faire la navette entre les deux quais avant la semaine pro-chaine.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 17 octobre 1929.

Pendant 22 ans, il forge à son propre compte. Il réalise son œuvre principale en 1898, la croix de l'église de Sainte-Anne. D'une hauteur de 14 pieds, cette croix n'est par contre pas le fruit de sa [157] création car les plans avaient été préalablement dessinés par un architecte.

Vers 1905, il entre au service des Price pour travailler de son mé-tier lors de la construction des écluses : lac Onatchiouay, rivière Sainte-Margyerite, Chute-aux-Galets, Chute Murdock, Chute Wilson, etc. À Sainte-Anne son métier l'amène à travailler à l'aqueduc. « Ici comme forgeron, je travaillais le bois et le fer, je faisais des roues,

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des voitures, etc. (…) Moi j'ai tourné du fer avec un tour actionné à la main ». 232

Fête de l'Immaculée-Conception à l'église de Sainte-Anne, vers 1910. Photo : Collection de l'auteur.

Dynamique et ingénieux, nous le retrouvons, au début de l'année 1898, associé à Louis Gagnon dans l'installation d'une « scierie à va-peur » 233. La bouilloire, provenant de l'ancien bateau à vapeur d'Épi-phane Gagnon, devait actionner aussi la mécanique d'un moulin à fa-rine. 234

[158]Le 6 août 1914, la boutique de forge de Charles Boivin est complè-

tement ravagée par les flammes et « M. Boivin dont les pertes 68 se chiffrent à environ $2000., n'avait pas d'assurance » 235. Il repart à neuf pour vendre définitivement le tout au forgeron Georges Boucher, en avril 1919. 236

232 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Mémoire no 231.233 La Défense de Chicoutimi, 3 février 1898.234 Le Progrès du Saguenay, 24 février 1898.235 Ibid., 6 août 1914.236 Ibid., ler mai 1919.

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F.-X. Delâge, curé de Chambord,réinstaure la pratique des pèlerinages

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Après la visite des étudiants du Séminaire de Chicoutimi en 1881, il faudra attendre véritablement plus d'une douzaine d'années pour que l'idée des pèlerinages ressurgisse et se raffermisse. Il faut dire qu'à partir de 1882 les paroissiens prennent l'habitude, le 26 juillet de chaque année, de faire une sorte de petit pèlerinage, sans tambour ni trompette. Mgr Racine préconise lui-même cette pratique, mais l'em-bûche principale qui empêche son expansion s'explique par la fai-blesse extrême des moyens de communication d'alors, particulière-ment la traversée du Saguenay. 237

C'est au cours de l'année 1895 que le curé F.-X. Delâge, à ce mo-ment desservant de la paroisse de Chambord, repense sérieusement à réinstaurer officiellement la pratique des pèlerinages à Sainte-Anne. On se rappellera que M. Delâge avait été curé de cette paroisse entre 1867 et 1871. Le 16 mai 1895 il vient donc rendre visite à Mgr La-brecque pour lui en suggérer l'organisation. À ce moment, les commu-nications sont fortement améliorées et, en dehors de quelques modifi-cations mineures, la pratique pourrait être possible dès l'été. Au lieu de se diriger vers Sainte-Anne de Beaupré, la majorité des pèlerins des comtés de Chicoutimi et du Lac Saint-Jean vont bifurquer vers Sainte-Anne du Saguenay. 238

Comme on doit s'y attendre, le projet de l'abbé Delâge est bien ac-cueilli et reçoit l'assentiment de l'autorité ecclésiastique. Le premier pèlerinage important se tient le 26 juillet 1895, « jour de la bonne Sainte-Anne ». Un temps pluvieux n'empêche pas la venue de 800 pè-lerins provenant de toutes les paroisses du Lac Saint-Jean. La grande participation populaire renforcée par un « miracle » suffient à assurer la réussite de l'événement. Cette même semaine-là un second pèleri-

237 Le Progrès du Saguenay, « Ste-Anne du Saguenay », 16 mai 1895.238 Ibid.

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nage suit le premier. Il regroupe 400 femmes et jeunes filles de Chi-coutimi. 239

[159]

Un reposoir et ses participantes, pour la procession de la fête du Christ-Roi.

Pendant de nombreuses années la forme que prend cette manifesta-tion reste sobre et conserve un caractère strictement religieux. Dès les petites heures du matin, la foule remplit le sanctuaire. Les messes se suivent sans interruption, la communion est distribuée et des milliers de fidèles, venus de toutes les paroisses environnantes, vénèrent la re-lique de la grande thaumaturge. Une messe solennelle est ensuite chantée par le curé de la paroisse et un prédicateur annonce la bonne parole. Le tout se déroule dans une atmosphère de véritable fête de fa-mille, ponctuée de chants sacrés. Pendant toute la journée et même jusqu'à la fin du mois de juillet, des groupes de pèlerins se rendent au sanctuaire pour manifester leur foi. Pour la population de Saint-Alexis de Grande-Baie, la fête de Sainte-Anne devient le prétexte d'une croi-sière annuelle sur le Saguenay, avec escale au quai de Sainte-Anne. 240

239 Le Progrès du Saguenay, « Les pèlerinages à la bonne Ste-Anne, 1er août 1895.

240 Le Progrès du Saguenay, ler août 1912.

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« Au jour de sa fête, le 26 juillet, de tous les coins de notre diocèse des groupes de paroissiens se rendent pieusement à son sanctuaire solliciter une guérison personnelle ou celle d'un parent ou d'un ami qui leur est cher à plus d'un titre.

[160]

Arrivée de Mgr Melançon lors de la visite pastorale du 15 mai 1949. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, No 1628.

« Cette année encore la piété des fidèles pour Sainte-Anne ne s'est pas amoindrie.

« Il nous est impossible de déterminer le nombre de pèlerins accourus des paroisses environnantes, mais nous savons qu'il se chiffre à plusieurs centaines.

« Nous faisons une mention spéciale du pèlerinage de St-Alexis sous la direction de M. l'abbé Auguste Verreault, vicaire de cette paroisse.

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[161]« Le vapeur Marie-Louise, propriété de M. Épiphane Gagnon de

SteAnne, sous le commandement du capitaine Deschesne, avait été nolisé à cette fin.

« Dès le matin il quittait St-Alexis ayant à son bord près de cent pèle-rins.

« Vers les trois heures et demie le Marie-Louise quittait le quai de Chi-coutimi pour son voyage de retour. Plusieurs citoyens de notre ville s'unis-saient aux voyageurs et allaient rendre une visite à leurs parents et amis habitant St-Alexis.

« Pendant toute l'octave de la fête de Sainte-Anne et pour quelques se-maines à venir les pèlerins se succéderont par catégories d'après l'ordre dicté par les pasteurs des diverses paroisses du comté ».

La fête patronale en 1927

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À la fin des années vingt, avec l'accroissement continu du nombre des pèlerins, le visage de la fête se modifie quelque peu, sans toutefois délaisser son allure de très grande piété. Voici comment se passent les manifestations du 26 juillet 1927.

Depuis l'aube, des milliers de pèlerins se succèdent aux messes de 7, 8 et 9 heures. La communion est distribuée à plus de 2,500 per-sonnes. « Dès 8 heures et demie, les abords de l'église étaient noirs de fidèles, de voitures et de véhicules de toutes sortes, accourus de toutes les paroisses environnantes et des points éloignés ». 241

À la porte de l'église, une boutique roulante vend des objets de pié-té. Les fidèles accourent à la devanture pour ensuite faire file indienne à la porte de la sacristie recevoir la bénédiction de ces objets alors qu'au même moment les prêtres de la cure entendent les confessions. La « Grand Messe » commence à 9 heures et demie et le maître-autel disparaît sous un décor de fleurs et de lampadaires artistiquement

241 Le Progrès du Saguenay, « La fête patronale du village de Sainte-Anne aujourd'hui », 26 juillet 1927.

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agencés. Dans la nef flottent des oriflammes, des banderoles et des drapeaux aux couleurs papales.

La foule est immense et nombre de fidèles écoutent la messe sur le palier, sous un soleil brûlant. Des sièges additionnels sont placés le long des allées et sont aussitôt occupés. Le jubé de l'orgue regorge de monde, les escaliers sont encombrés et c'est la chorale des hommes qui habille la manifestation de ses chants religieux. La messe se ter-mine naturellement par un sermon louangeant les grandes qualités de Sainte-Anne : la dignité et la sainteté.

[162]

Pour la population de Chicoutimi, la visite au sanctuaire donne lieu à un défilé coloré. L'Association des Zouaves et des cadets, bannière en tête, sous la direction du Capitaine Élie Bonnel, ouvre la marche en laissant l'église du Sacré-Cœur. Suivent le défilé, les prêtres, les diffé-rentes associations catholiques, etc. Les pèlerins s'embarquent sur le vapeur qui quitte Chicoutimi à deux heures et demie. Arrivés de l'autre côté, ils traversent le village de Sainte-Anne en chantant des cantiques appropriés. 242

Un fait à signaler, nous remarquons que les associations mascu-lines et féminines effectuent leur pèlerinage à des jours différents.

Les processions au flambeau

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L'année 1930 nous apparaît comme une date mémorable pour l'his-toire des pèlerinages à Sainte-Anne. En effet, c'est à ce moment que le nouveau curé de la paroisse, Jean-Baptiste Martel, inaugure la pra-tique des processions au flambeau et cette mode s'est perpétuée jus-qu'à nos jours. 243

242 Le Progrès du Saguenay, « Pieux pèlerinages à Ste-Anne Dimanche », 3 août 1927.

243 Le Progrès du Saguenay, 28 juillet 1930.

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Au tout début la procession au flambeau se déroule à partir de l'église pour atteindre son point culminant à la célèbre croix du cap Saint-Joseph. En 1938, le nombre des pèlerins s'est énormément accru (environ 10,000), surtout depuis l'ouverture du pont de Sainte-Anne, et la grande marche de piété part au pied de la côte, à la jonction des rues Roussel et Du Pont. Lors de cette occasion c'est Mgr Lamarche, escorté des Zouaves, qui porte le « Très Saint-Sacrement ». 244

« Dès 7 heures 30, des milliers de personnes étaient groupées près du pont qui réunit Chicoutimi à Ste-Anne. À 8 heures, la grande procession se mettait en marche. Le cortège était ouvert par des membres du corps de Police de Chicoutimi, le chef Guimont en tête. On pouvait y voir défiler les fanfares de Chicoutimi et de Kénogami, les Zouaves du Sacré-Cœur, les membres de la Jeunesse catholique, les syndicats catholiques, les Dames de Ste-Anne, les Enfants de Marie, les membres de la Jeunesse ca-tholique féminine, la chorale Ste-Cécile avec son si joli costume, etc. Il y avait ainsi des milliers de personnes suivant les divers drapeaux et ban-nières. Toute cette foule recueillie fit un trajet de plus d'un mille, montant une côte abrupte pour gagner la [163] croix du cap où devait avoir lieu la grande manifestation. Le cortège entra dans la procession en portant le T. S. Sacrement, MM. les abbés Martel, curé de Ste-Anne et Henri Fortier, curé de Kénogami, accompagnaient Son Excellence.

La croix du cap, (...) était magnifiquement illuminée, ainsi que le ter-rain avoisinant. Des haut-parleurs avaient été installés par la courtoisie de la Cie du Téléphone. Après des cantiques, le R.P. Laurent Tremblay, O.M.I., prononça le sermon de circonstance. »

Rapidement, cette grande démonstration de fervente piété est deve-nue un événement religieux d'une grande ampleur et d'un effet puis-sant. En 1940, le curé ajoute l'heure d'adoration nocturne et la commu-nion à minuit, à l'ouverture de la fête. 245 Assez régulièrement, les céré-monies religieuses sont suivies d'un concert de fanfare et d'un magni-fique feu d'artifice en face de l'école Saint-Jean-Baptiste. 246

244 Le Progrès du Saguenay, « Le Saguenay rend hommage à Ste-Anne et ac-clame le Christ-Roi », 28 juillet 1938.

245 Le Progrès du Saguenay, 31 juillet 1941.246 Le Progrès du Saguenay, 31 juillet 1941.

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Les débuts connurent certes une participation fort modeste avec leurs quelques centaines de visiteurs. Cependant, le point culminant est atteint en 1949 avec ses 35,000 pèlerins qui viennent de partout au Québec et même de l'extérieur de la province. 247 Cette foule si dense pousse le nouveau curé Mgr Albert Tremblay, en 1950, à déplacer le reposoir derrière l'église en raison du manque d'espace sur le cap Saint-Joseph.

Les pèlerins se rappelleront sûrement ce pèlerinage du 26 juillet 1951 alors que plus de 20,000 personnes assistent à la messe de mi-nuit à l'extérieur : 28 prêtres pour confesser et donner la communion à quelque 18,000 fidèles. La cérémonie grandiose, trop pour la capacité des lieux, oblige les dirigeants à améliorer les pèlerinages en les éche-lonnant sur une période de plusieurs jours. 248

Avec l'arrivée de la décennie soixante, souffle sur le Québec un vent de libéralisation morale ou plutôt une baisse dans la ferveur reli-gieuse chrétienne. Les églises sont de plus en plus désertées et toutes les activités religieuses populaires ressentent les effets du relâche-ment.

Il va de soi que les pèlerinages comptent parmi les activités délais-sées. D'année en année le nombre des pèlerins diminue. La fête conti-nue toujours à se dérouler, mais une partie de la population locale en vient à ignorer presque sa présence. Naturellement, les [164] grandes processions que l'on avait connues jusqu'alors sont raccourcies et celles qui survivent reprennent le tracé originel, entre l'église de Sainte-Anne et la croix du cap Saint-Joseph.

Il faut bien dire cependant que la petite ville de Chicoutimi-Nord n'est plus le village de Sainte-Anne. La construction du pont et les dé-veloppements considérables qui s'ensuivent favorisent une sorte d'en-clave de la paroisse. Celle-ci n'est plus un encadrement politique et conserve uniquement sa mission religieuse. La population de la nou-velle paroisse de Saint-Luc ne se sent plus appartenir à Sainte-Anne.

Le curé Léonce Bouchard concède en 1971 que le climat religieux n'est plus le même, mais note cependant que « les dévotions particu-lières comme celles en l'honneur de Sainte-Anne conservent toujours

247 Le Progrès du Saguenay, 28 juillet 1941.248 Le Progrès du Saguenay, 24 juillet 1963.

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leurs sens, dans une mesure où elles rapprochent du Christ, et, consé-quemment, de notre Père du Ciel ». 249 L'essentiel reste sauvegardé, si l'on considère la dévotion comme une piste pour se rendre au Christ.

Les miracles

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La tradition ne manque pas de relater des miracles attribuables à Sainte-Anne, le jour de sa fête. Nous n'avons pas l'intention de juger ici de la véracité de ces réalisations surnaturelles qui échappent au commun des mortels. Nous voulons nous limiter à en rapporter l'évé-nement par les témoins du temps.

Le premier miracle dont il est fait mention à Sainte-Anne du Sa-guenay est sensé avoir eu lieu le 30 juillet 1895, lors du premier pèle-rinage régional à ce sanctuaire.

« Ce premier pèlerinage a été signalé par un miracle éclatant et qui a été constaté par bien du monde.

« Un fils de M. Damase Fleury de St-Cœur de Marie, qui souffrait de-puis longtemps d'un rhumatisme nerveux était parmi les pèlerins. il mar-chait avec une béquille et était absolument impotent. Après avoir commu-nié à la Bonne Ste-Anne hier, il est reparti guéri et a même laissé sa bé-quille. » 250

Le journal de l'époque avait signalé cette guérison un peu trop hâti-vement. L'abbé Arthur Verreault qui poussa plus loin la recherche sur cette intervention divine mentionne que la prétendue guérison [165] n'a pas eu lieu. Il avait rencontré l'oncle du miraculé qui lui attesta que le jeune Fleury avait contracté en se couchant par terre le rhumatisme dont il souffrait. Toute sa vie il dut marcher avec sa béquille et il mou-rut infirme. 251

249 Progrès Régional, 21 juillet 1971.250 Le Progrès du Saguenay, ler août 1895.251 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 462, Pièce 1, p. 2.

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Le premier miracle authentique remonte au 26 juillet de l'année 1932. Maurice Boucher ne pouvait se porter sur sa jambe droite de-puis dix ans. Ses parents le conduisirent bien dans un hôpital mais sans aucun résultat et le mal s'amplifiait. Après nombres d'opérations, le mal ne céda pas. Le jeune Boucher était incapable de se porter sur sa jambe droite et marchait appuyé de ses deux mains sur un bâton terminé par une large roulette. Ce 26 juillet-là, il laissa son bâton à Sainte-Anne et retourna guéri dans sa famille. 252

« Ma guérison, je vous dis que je l'ai gagnée. Quand j'ai décidé de me lever, ça me faisait tellement mal que je me demandais si je n'allais pas perdre connaissance.

Je me suis cramponné à la balustrade ; j'étais tout en sueurs et j'éprou-vais une fatigue et une douleur terribles. J'ai parti comme cela. Au premier banc, je me suis arrêté, me demandant si j'allais continuer. Mais j'ai réflé-chi, me disant : si je vais chercher ma béquille et ma canne, c'est signe que je n'ai pas confiance ; alors j'ai reparti et j'ai sorti de l'église. Plus j'allais plus le mal diminuait et je sentais le repos venir petit à petit. Quand je suis arrivé à la voiture, je me sentais très bien.

« À partir de ce moment, j'ai continué de marcher. Moi qui depuis trois ans n'avais pas égratigné la semelle de mes souliers, qui avait tellement peu de force dans cette jambe que je ne pouvais pas la mouvoir pour la mettre au lit, j'étais obligé de la prendre avec mes mains pour la porter à côté de l'autre dans le lit... À partir de ma guérison j'ai toujours marché dessus sans ressentir la moindre douleur.

« Cependant le genou restait enflé, et le docteur et le curé m'ont conseillé d'aller me faire arranger cela par le Dr Samson. Je suis donc allé à Québec à l'hôpital du Dr Samson. J'ai débarqué de mon pied et me suis rendu de mon pied au lit. Après avoir examiné mon genou, le Dr Samson me dit : « Tu ne peux pas marcher avec cela ; c'est impossible ». Et il a fait un dessin sur un papier pour me montrer comment la jointure était dislo-quée, l'os de la jambe se trouvant sorti de sa place et tout à côté de l'articu-lation et complètement séparé de la jointure naturelle. Il a fait venir toute une troupe de médecins pour voir cela ; ils étaient 22 au pied de mon lit ; et ils ne pouvaient pas comprendre que j'ai pu marcher emmanché comme cela. Je savais [166] bien que c'était impossible moi aussi, mais je mar-

252 Le Progrès du Saguenay, 4 août 1932.

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chais quand même et sans sentir de mal ; la bonne Sainte-Anne me faisait marcher » 253

Maurice Boucher, fils de David, resta sept mois à l'hôpital de Qué-bec. À sa sortie de l'institution en 1933, il apprit le métier de cuisinier et travailla dans les chantiers en Abitibi.

Il va de soi que ce premier « vrai » miracle fut largement commen-té dans le village et la publicité qui en découla se répandit bien au-de-là du Saguenay. C'est probablement à partir de ce moment que la céré-monie de bénédiction des malades s'instaura dans la coutume de la fête.

Exactement dix ans après la guérison du jeune Boucher, trois mi-racles furent signalés le 26 juillet 1943. Joseph Dallaire du rang Saint-Ignace à Chicoutimi, un jeune enfant de sept ans, a soudainement été guéri de l'asthme. Mme Armand Gauthier de la paroisse de Sainte-Anne, souffrant elle aussi du même mal, a été guérie.

L'autre guérison revêt un cachet plus spectaculaire, alors qu'une fillette de quatre ans et demi fut guérie d'une incapacité totale de mar-cher : 254

« J'étais là [Mme Éloi Côté de Chicoutimi], dans l'église, quand eut lieu la guérison de la fillette qui ne marchait pas. Je ne l'avais pas remar-qué auparavant autrement qu'au pied de la statue, dans les bras de ses pa-rents. Ceux-ci l'ont mise à terre à un moment et elle a commencé à mar-cher, timidement, mais en se portant sur ses jambes sans le secours de per-sonne. Il se produisit alors une vive émotion autour du groupe, où on disait avec admiration : « Elle marche. Elle marche ». L'enfant marcha ainsi jus-qu'à la sortie de l'église. »

Par la suite nous remarquons, à la lecture de journaux de l'époque, que plusieurs guérisons miraculeuses semblent obtenues au fil des ans. En 1953, une jeune fille de 13 ans, Nicole Gagnon, fille de Robert, de la paroisse de Sainte-Anne, ne souffrait plus de la méningite tubercu-

253 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 462, Pièce 1.254 Ibid.

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leuse dont elle était atteinte. Il y a eu aussi, l'année suivante, une petite miraculée qui était atteinte de la poliomyélite, cette maladie terrible très répandue à l'époque.

Le curé J.-E. Lemieux

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Le Chanoine Lemieux qui préside les destinées religieuses de la paroisse de Sainte-Anne, pendant 31 ans, est né à Saint-Fulgence, [167] le ler juillet 1854. Son père, Eucher Lemieux, forgeron, ainsi que sa mère Caroline Duperré, étaient originaires de la Baie-Saint-Paul. Il passe son enfance à Chicoutimi, étudie au séminaire de l'endroit, est ordonné prêtre par Mgr Dominique Racine, le 14 août 1881, et passe ses six premières années de prêtrise comme vicaire coopérateur du cu-ré Ambroise Fafard. 255

255 Annuaire des comtés de Chicoutimi et du Lac Saint-Jean, 1927, p. 418.

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J.-E. Lemieux, curé de Sainte-Anne de 1898 à 1929. Photo : A.N.Q.C., Fonds Lemay.

[168]

Ses premières expériences comme pasteur en chef d'une paroisse, il les vit à Tadoussac, de 1887 à 1898. Après ces onze années de mi-nistère à la fois modeste et obscure, Mgr Labrecque l'appelle à la pa-roisse de Sainte-Anne, dont la cure était devenue

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Une fête patriotique à Ste-Anne

La fête de Dollard sera célébrée lundi prochain, à Ste-Anne-de-Chicouti-mi. La lecture du programme que nous publions ci-dessus suffit à démontrer combien cette fête sera intéressante.

Messe, parade, discours, conférence, séance, tels sont les articles au pro-gramme de cette fête patriotique.

Des roses de Dollard seront vendues par les jeunes filles de l'École Mo-dèle, sous la direction de Mlle Germaine Boucher, leur institutrice. Chacun voudra se procurer une rose de Dollard, en ce jour de fête.

Voici le programme qui sera suivi.

Matinée

9 hrs.- Grand'messe ; chant par les garçons de l'École Modèle. - Sermon de par M. l'abbé Eug. Tremblay, professeur de théologie au Séminaire de Chicoutimi.

Après-midi

2 hrs.- Parade des enfants à la Croix du Cap.- Discours.- Chants patrio-tiques.

4 hrs.- Retour à l'église.- Salut du St-Sacrement, chanté par les filles du Couvent

Le soir

Conférence au couvent par M. l'abbé J.-B. Tremblay, vicaire à Ste-Anne, organisateur de la fête.

I.- Ouverture : Chant patriotique.

II.- Pantomine : Saint-Nicolas, patron des Écoliers.

III.- Discours sur Dollard, par M. Gaston Boucher.

IV. - Conférence.

V.- « Les Martyrs canadiens ».

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VI.- Exercices de culture physique : les Cadets.

VII.- Chant patriotique.

VIII.- Un mot de M. le Curé.

Ô CANADA

« JUSQU'AU BOUT »

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 22 mai 1931.

[169]vacante depuis le 12 avril 1898, par la mort de son regretté curé Rous-sel.

C'est pendant son ministère qu'il termine l'église, la meuble et s’af-faire à compléter l'œuvre de son prédécesseur. C'est lui aussi qui, au mois de janvier 1900, choisi le site de la nouvelle église de Saint-Am-broise, en prévision de son détachement de la paroisse de Sainte-Anne. 256

Sa vie n'est ni compliquée, ni marquée de faits extraordinaires. Ce qui le distingue de l'ordinaire c'est sa fidélité au devoir quotidien. Le curé Lemieux est ce que l'on appelle un « bon curé ».

Mgr Eugène Lapointe, qui le connaît bien, nous dit de lui que sa personnalité est singulièrement attachante par plus d'un côté. On l'aime, car il est bien, on le vénère, car il est digne. « Sa perpétuelle bonne humeur, sa belle camaraderie, sa tenue digne sans raideur, comme son amour de l'étude, sa piété et son respect du règlement m'impressionnèrent vivement. Je le vis prendre part à tous les jeux sans passion, mais avec une habileté remarquable. Il aimait les beaux-arts, jouait du violon, chantait admirablement de sa belle voix

256 Le Progrès du Saguenay, 18 janvier 1900.

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de ténor. Son allure dégagée et simple à la fois, sans compter le reste me séduirent ». 257

Au début de l'année 1901, nous apprenons que l'abbé Lemieux souffre d'une assez grave maladie de la gorge qui l'oblige à aller se faire soigner à Québec. Sans être complètement rétabli, le traitement améliore son état et il revient après quelques semaines pour s'occuper de sa paroisse. 258

Cependant, au mois de janvier 1902, sa condition le pousse à prendre un repos prolongé et il décide alors d'aller passer cette va-cance aux États-Unis. Rendu à destination, il s'embarque pour l'Eu-rope et subit une opération délicate à la gorge pendant son séjour à Pa-ris, lequel se termine trois mois plus tard. Un véritable sentiment d'al-légresse s'empare de la population lors de son retour en terre sague-néenne. La relation qu'en fait le Progrès du Saguenay, atteste vive- ment de l'amour que lui prodigue ses paroissiens. 259

« Le vapeur « Marie-Louise », nolisé expressément pour la circons-tance, vint chercher M. L'abbé Lemieux au quai pendant qu'une foule [170] nombreuse attendait au débarcadère, à Ste-Anne, le moment de sa-luer le digne curé à son arrivée. » 

« M. le curé prit place dans une voiture, escorté par tout un régiment de cavalerie.  »

« Pas une maison qui ne fut décorée aux couleurs nationales. En plu-sieurs endroits des banderolles traversaient la rue sur lesquelles on lisait différentes inscriptions appropriées à la circonstance. »

« La maison d'école du village était aussi décorée avec un goût parfait. L'inscription « Bienvenue », surmontée de drapeaux où les couleurs fran-çaises et anglaises se mêlaient avec harmonie, présentait le plus bel effet. »

« L'intérieur de l'église était aussi superbement décoré. »

« Après la messe, le député du comté à la législature, M. Honoré Petit, donna lecture, au nom de tous », d'une adresse.

257 Annuaire du Séminaire de Chicoutimi, année 1940-41.258 Le Progrès du Saguenay, 15 mai 1902.259 Le Progrès du Saguenay, 15 mai 1902.

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La maladie aura difficilement le dernier mot sur cet homme. En avril 1926, Mgr Labrecque le nomme chanoine honoraire et il se retire à l'Hôtel-Dieu de Chicoutimi en 1929, pour y mourir au début du mois de février 1941, à l'âge vénérable de 86 ans et 7 mois.

Le curé J.-B. Martel

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Né à Saint-François Xavier de Chicoutimi, le 2 juin 1879, du ma-riage de Honoré Martel, marchand, et de dame Rosalie Caron, il fait ses études au Séminaire de Chicoutimi et est ordonné prêtre par Mgr Labrecque, le 17 mai 1903.

Après ses premières années de vicariat à Saint-Jérôme, de 1903 à 1910, il est nommé curé de Saint-Honoré, lors de la création de cette paroisse. Instruit à l'école des bâtisseurs, cette école de la vie, il y reste quatorze ans, y construit l'église et le presbytère. En 1924, il prend la cure de Saint-Bruno et pendant ce stage, il fait un voyage en Australie, à l'occasion du Congrès Eucharistique International. Du même coup, il en profite pour se rendre aux Indes, au Japon et en Chine. C'est au retour de ce voyage, en 1929, qu'il est nommé curé de la paroisse de Sainte-Anne, en remplacement du Chanoine Lemieux.

Cette nomination arrive à point, car la crise économique fait rage et c'est au pasteur qu'incombe la charge d'organiser la vie spirituelle et matérielle de la population. Rempli d'idées nouvelles, nous avons vu que c'est lui qui songe à instaurer les pèlerinages au flambeau, le 26 juillet 1930. En 1938, il fonde le collège des Frères

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[171]

Mgr Jean-Baptiste Marcel, curé de Sainte-Anne de 1929 à 1950. Photo : Col-lection de l'auteur.

[172]Maristes et organise toutes sortes d'œuvres paroissiales avec les révé-rends Frères. C'est au cours de cette même année qu'il fait restaurer l'intérieur de l'église et y installe les tableaux du peintre italien, Guido Francisi.

Le 7 mars 1942, Mgr Melançon le nomme Chanoine honoraire à la Cathédrale et à ce titre, s'ajoute celui de Prélat Domestique de Sa Sainteté Pie XII, en 1950.

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En 1942, le curé Jean-Baptiste Martel fait ériger devant l'église pa-roissiale, une splendide statue de la patronne. Il travaille d'arrache-pied pour rehausser la ferveur à Sainte-Anne et réussit à donner un souffle nouveau aux pèlerinages.

Mgr Martel démissionne de sa cure le 17 octobre 1950, après un voyage à Rome à l'occasion de l'Année Sainte. La paroisse de Sainte-Anne ne sera plus jamais la même car c'est au cours de cette année de changement que Mgr Melançon fonde la paroisse de Saint-Luc. Comme son prédécesseur, il se retire à l'Hôtel-Dieu de Chicoutimi et c'est là qu'il rend son âme à Dieu, le 9 avril 1960. 260

L'abbé Alexandreet la chapelle des Maltais à Valin

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Si nous devons parler des individus qui ont contribué tant par leur personnalité que par leur dévouement à l'émancipation de notre com-munauté, il est difficile d'ignorer l'abbé Alexandre Maltais. Beaucoup plus qu'un simple prêtre, sa figure attachante et sa grande présence en ont fait un véritable personnage que notre petite histoire ne peut ou-blier. En réalité, l'abbé Alexandre n'a jamais été curé. Disons seule-ment qu'il était une sorte de lien entre le passé et le présent, une ency-clopédie vivante doublée d'un raconteur qui croyait énormément en Dieu et en la mission qu'on lui avait confiée.

Au niveau strictement biographique, disons qu'il est né à Saint-François-Xavier de Chicoutimi, le 4 avril 1863, du mariage d'Alexandre Maltais, cultivateur, et de dame Justine Boivin. Il fait ses études au Séminaire de Chicoutimi et est ordonné prêtre par Mgr Do-minique Racine, le 13 juin 1886. L'évêque le nomme vicaire à la Ca-thédrale de Chicoutimi, du 20 juin au 22 août, et le nomme ensuite professeur au Grand Séminaire de Sherbrooke, le ler septembre 1886, charge qu'il occupe jusqu'au 23 juin 1923. À travers son mandat, il réussit à aller étudier à Rome, en profite pour effectuer [173] quelques

260 Archives de la Paroisse Sainte-Anne, 1. 19.a. (pagination personnelle 149, 415).

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petits voyages et reçoit finalement le titre de Docteur en Droit cano-nique. 261

Au centre, l'abbé Alexandre Maltais, avec M. et Mme David Desmeules, de la route Desmeules dans le canton Tremblay, vers 1935. Photo : Collection de l'au-teur.

Sa vie professionnelle si l'on peut dire, se termine en 1923, pour raisons de santé et c'est à Saint-Cœur-de-Marie qu'il se retire, tantôt pour aider la petite communauté, tantôt pour venir se promener sur la terre ancestrale, à Valin. Il décède à Chicoutimi, le 18 mars 1948, à l'âge de 84 ans. 262

261 Le Progrès du Saguenay, 2 mai 1946.262 Le Soleil, 17 juin 1948, p. 16.

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[174]Sa présence et son action religieuse à Chicoutimi-Nord sont per-

ceptibles encore aujourd'hui. En effet, la petite chapelle qu'il érige non loin de la rivière Valin, en 1913, a défié le temps et s'élève comme une sorte de témoins en faveur de l'homme et de son œuvre pastorale.

La chapelle d'Alexandre Maltais, route Desmeules, canton Tremblay. Photo : Collection de l'auteur.

« Cette photo montre la chapelle et l'on peut voir également M. l'abbé Alexandre Maltais. En entrant dans la chapelle, on aperçoit, près de l'autel, une plaque de marbre sur laquelle est gravée « Chapelle érigée en mé-moire de Alexandre Maltais et de Justine Boivin par leurs fils reconnais-sants Alexandre Maltais, prêtre et David Maltais, N.P. »

« Cette chapelle est construite sur un monticule situé en arrière de la maison paternelle à environ 1000 pieds. De la chapelle on peut voir les trois chutes de valin. La chapelle a été faite par Théophile Côté, Albanie Desbiens et Jos Desmeules. »

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[175]

Vue du chœur de la chapelle d'Alexandre Maltais, avant les modifications du renouveau liturgique. Photo vers 1920.

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[176]

« La première messe y fut célébrée le 14 juillet 1913. »

« La bénédiction eut lieu le 17 juillet 1913. L'abbé Alexandre Maltais était l'officiant. On remarquait un peu de la parenté : M. l'abbé J.Bapt. Martel, curé de St-Honoré et le Dr Edmond Savard, de Chicoutimi.  »

« Deux mariages furent contractés dans cette chapelle. Le premier entre Joseph Boivin et Anita Desmeules, le ler septembre 1913. Anita était sœur de David Desmeules. Le deuxième, entre Samuel Tremblay (Mi-chaud) et Blanche Desmeules, le 2 septembre 1918. Dans les deux cas M. l'abbé Alexandre Maltais était l'officiant. »

« Dans la chapelle, M. Claude Tremblay s'est fiancé à Marthe Ver-reault, le 18 août 1960. M. l'abbé Lucien Desmeules, fils de David, présida la cérémonie.  »

« Le 15 juillet 1961, Georges Verreault et Marietta Desmeules, ainsi que Patrick Côté et Étiennette Desmeules, fêtèrent leurs noces d'argent de mariage dans la chapelle »

« Quelques temps avant de mourir, M. l'abbé Alexandre Maltais fit don de la chapelle, de vive voix, à Mgr René Bélanger, petit neveu par la mère de Mgr Bélanger.  »

« Lorsque l'abbé Lucien Desmeules fut ordonné prêtre, Mgr Bélanger lui concéda ses droits sur la chapelle, le jour même de son ordination le 29 juin 1958.  »

HISTOIRE DE LA PAROISSE SAINT-LUC, par le curé Rosario Né-ron, Vol. 2, pp. 100-101.

La croix du cap Saint-Joseph

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En tant que symbole de la foi chrétienne, la croix véhicule des va-leurs religieuses essentielles. Dans la société québécoise, elle a connu une vogue sans pareille et fut récupérée aux fins d'usages multiples. Il suffit de penser aux croix de cimetières, d'églises, de chapelets, d'images pieuses, de chemins de la croix et de croix de chemin.

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Le premier geste que Jacques Cartier posa en sol canadien fut d'éri-ger une croix sur un promontoir. Pour prendre possession d'un terri-toire, la croix suffit donc d'attestation reconnue par tous. Un peu plus loin dans notre histoire, le Sieur de Maisonneuve, voyant Ville-Marie menacée des eaux, monte le Mont-Royal pour y planter une croix, à l'exemple du Christ montant le Calvaire. Pour les chrétiens du nou-veau monde, elle précède la colonisation et assure de sa protection.

[177]

La croix de Sainte-Anne, au moment de l'élèvement, en 1923. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, No 10787.

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[178]

Menace de naufrage, le bateau « Tremblay »

Le « Tremblay » n'a jamais tant fait parler de lui que cette semaine. Il fallait qu'il lui arrivât un accident pour acquérir une telle popularité. Il y a 16 ans qu'il faisait la traversée entre Chicoutimi et Ste-Anne, et il n'avait jamais connu un véritable accident. Il y a quelques années, il avait bien pris un fa-meux bain au quai de Ste-Anne. Mais ce n'était pas sa faute à lui, le pauvre navire, si on avait oublié de fermer une ouverture.

Toujours est-il que le vieux bateau a eu un gros accident lundi, un acci-dent qui aurait pu être fort grave, voire même périlleux. Le vieux père Pilote en a été bien mortifié. Il la connaît la traversée, M. Pilote. Il y a plus de vingt ans qu'il fait la navette. Jamais il n'avait eu d'accident. Il a su en éviter un grave lundi.

Lundi, vers midi, le Tremblay était à une couple de cents pieds du quai du Bassin, juste à l'embouchure de la rivière quand il frappa une roche. La marée excessivement basse fut la cause de l'accident. Une entaille fut faite au pauvre navire qui commença à boire démesurément. Sans se troubler, M. Pilote conduisit son navire au quai du bassin pour débarquer les passagers et décharger des marchandises. Personne n'avait souffert de l'accident. Quelques heures plus tard, le navire était entièrement inondé par la haute marée. Mardi, il fut transporté à Ste-Anne, monté sur ses piliers et réparé. »

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 7 septembre 1933.

La croix du cap Saint-Joseph qui domine tous les environs du vil-lage de Sainte-Anne est là pour rappeler deux faits mémorables de notre histoire locale. Le premier de ces événements remonte au 20 juillet 1863. Cette journée-là, l'Archevêque de Québec, Monseigneur Baillargeon, est de passage au Saguenay. Les gens de la paroisse, qui vivent avec les dangers permanents de la traverse, lui demandent de prier Dieu afin qu'il les protège des accidents. L'Archevêque leur sug-gère alors d'élever une croix sur le plus haut sommet de Sainte-Anne.

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Le second événement à se rappeler remonte au 19 mai 1870, lorsque le curé Delâge, assisté de plusieurs paroissiens, se rend à la petite croix de bois érigée en 1863 pour arrêter l'élément destructeur et sauver ainsi le village. En 1872, la croix de bois est renouvelée.

[179]L'année 1920 correspond pour la population au « cinquantenaire

de la merveilleuse protection du village de Ste-Anne dans le grand feu de 1870 ». Pour signaler ce fait extraordinaire, les gens imaginent l'érection d'une croix monumentale, en acier, qui marquera la célébra-tion d'une fête souvenir. 263 Une souscription est aussitôt organisée pour défrayer les coûts inhérents à sa fabrication et à son installation.

Un comité général composé de tous les paroissiens est constitué à cette fin, lequel forme à son tour un comité exécutif pour bien structu-rer le projet. Le premier travail du comité est de s'approprier le terrain sur le cap Saint-Joseph, moyennant la somme de cent dollars. La mis-sion étant accomplie, le même comité retransmet à la Fabrique de la paroisse la propriété de la croix et du terrain.

« Un projet d'acte a été préparé et a été soumis à la présente assemblée par lequel Alexis Tremblay et St-Georges Tremblay fils d'Ovide, journa-liers du village de Ste-Anne, avec l'approbation et ratification de leur père, le dit Ovide Tremblay, ouvrier du même village, ainsi que l'approbation, ratification, et renonciation expresse à tous droits de propriété et d'hypo-thèque sur le terrain en question, cèdent aux Curé et marguilliers de l'œuvre de la Fabrique de la paroisse de Ste-Anne-du-Saguenay le terrain susmentionné qui peut être désigné comme suit :

« Un lopin de terre faisant partie du lot 94 au cadastre officiel du dit village de Ste-Anne, comprenant un terrain mesurant 75 pieds de largeur du Sud au Nord sur 82 pieds de profondeur de l'est à l'ouest, la ligne Nord de ce terrain passant exactement à 43 pieds mesure précise, au nord de centre de la dite croix de fer et la ligne du sud à 32 pieds au sud du centre du pied de la même croix de fer, la ligne (nord du centre) ouest passant à 32 pieds à l'ouest du centre du pied de la dite croix de fer : la ligne est pas-sant à 50 pieds à l'est du centre du pied de la même croix de fer, sans bâ-tisse et avec dépendances, avec le droit pour la Fabrique pour elle-même

263 Le Progrès du Saguenay, 29 janvier 1920.

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et tous ceux qui désirent faire une visite à la Croix sus-mentionnée de pas-ser à pied et en voiture sur le résidu du lot No 94 pour communiquer du chemin public au terrain sus-décrit pour les fins d'entretien et de maintien de la dite Croix, pour les fins de pélerinage à la Croix ou autres exercices de piété.

Il a été proposé par Ludger Petit, appuyé par William Gauthier et una-nimement résolu que :

La présente assemblée approuve la dite Fabrique à faire célébrer à per-pétuité chaque année le jour de la fête du Sacré-Cœur une messe [180] aux intentions des souscripteurs à l'œuvre de la Croix du Cap de Ste-Anne. Une centaine de paroissiens ont signé avec nous le procès-verbal.

Témoins : Notaire Georges St-Pierre, Chicoutimi

Ambroise Tremblay, ptre, vicaire.

[Et nombreuses signatures]

La croix de fer du cap Saint-Joseph, d'une hauteur de 60 pieds, est fabriquée à Chicoutimi par Émile Ruel, contremaître pour Thiboutot qui construisit la cathédrale de notre diocèse. Le 30 juillet 1922, des milliers de citoyens de la paroisse et des environs assistent à une tou-chante cérémonie. Mgr Thomas Labrecque bénit solennellement la croix et c'est l'abbé Alexandre Maltais qui prononce le sermon de cir-constances.

La structuration scolaire de 1900 à 1954

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Ainsi qu'il nous a été possible de le constater, la responsabilité du domaine de l'instruction reste toujours à la charge d'une structure au-tonome, la « Municipalité Scolaire, laquelle dépend à son tour du Dé-partement de l'Instruction publique. Nous avons mentionné dans la première partie que la « Municipalité Scolaire de Sainte-Anne du Sa-guenay » est créée en 1875. Le territoire qu'elle dessert touche

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Pour passer sur le pont de Ste-Anne

Le gouvernement vient de fixer, par arrêté ministériel, les taux de péage qui devront être payés par les piétons et les véhicules qui passeront sur le pont de Ste-Anne,

Les piétons paieront cinq cents pour la traversée du pont tandis que l'on paiera 50 cents pour une automobile avec son chauffeur et cinq cents par pas-sager additionnel. Un véhicule tiré par un cheval paiera 25 cents et une voi-ture tirée par deux chevaux, 50, cents.

Les autobus paieront 60 cents, une tonne ou moins paieront 50 cents, de deux à quatre tonnes, 70 cents et les camions plus gros, 90 cents. Les re-morques attachées aux autos appartenant à ces trois dernières catégories paie-ront 30 cents, 50 cents et 70 cents. Les automobilistes, et les camionneurs possédant une voiture de pas plus de deux tonnes, pourront se procurer vingt billets pour $7 et les piétons ou les passagers pourront se procurer 25 billets pour $1.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 23 novembre 1933.

[181]toute la paroisse. Nous avons dit aussi qu'à partir de 1900 est créée la « Municipalité Scolaire du Village de Sainte-Anne ».

En réalité, l'une ne supplante pas l'autre. Si nous voulons les dé-crire géographiquement, il suffit de dire que la « Municipalité Scolaire du Village de Sainte-Anne » est circonscrite autour du village lui-même. Quant à la « Municipalité Scolaire de la Paroisse de Sainte-Anne », disons qu'elle est circonscrite dans tout ce qui touche la juri-diction du Canton Tremblay.

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La Commission Scolaire du Village de Sainte-Anne, en 1938. Photo : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, No 6017.

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[182]

Le couvent de Sainte-Anne, où les Sœurs du Bon Conseil dispensèrent l'ensei-gnement aux jeunes filles du village. Photo vers 1925.

Le collège Saint-Jean - Baptiste, nouvellement agrandi d'un étage en 1942. Photo : Collection de l'auteur.

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[183]Par la suite, la « Municipalité Scolaire du Village de Sainte-Anne »

change de nom, le 3 novembre 1954, pour devenir la « Municipalité Scolaire de la Ville de Chicoutimi-Nord ». Reste encore la « Munici-palité Scolaire de la Paroisse de Ste-Anne » qui elle, s'annexera à Chi-coutimi-Nord, le 1er juillet 1963.

Au début du siècle, la situation de l'instruction publique dans tout le district d'inspection de Chicoutimi démontre un progrès satisfaisant pour l'époque. Les méthodes d'enseignement sont uniformes, le per-sonnel enseignant est mieux formé et le matériel de classe s'améliore constamment. Le Village compte une école, et la Paroisse, 9. 264

« L'école-modèle du village de Ste-Anne de Chicoutimi peut être com-paré aux classes tenues dans nos meilleurs couvents, Les commissaires en tête le Révérend M. Jos. Lemieux Ptre Curé de l'endroit fait bien les choses. Ils ont réparé au plutôt reconstruit leur maison à deux étages, bri-quetée, finie à l'intérieur, et rendue bien convenable. Cet établissement scolaire fait honneur à tous et atteste de l'attachement des contribuables à la cause de l'éducation » 265

Au mois de mai 1904, les Commissaires d'écoles conviennent d'en-gager, pour une période de trois ans, les Révérendes sœurs du Bon Conseil de Chicoutimi, pour tenir l'école du village. 266 L'avènement est significatif car il marque l'entrée dans une nouvelle époque pour l'instruction. Le contrat est renouvelé successivement à tous les trois ans.

Selon le rapport de l'inspecteur Charles Plamondon, en 1912, 125 écoles, 171 classes et 6,526 élèves forment le district de Chicoutimi. Neuf ans plus tard, ce même district compte 147 écoles, 251 classes et 8,864 élèves. Cet accroissement constant pousse le Surintendant à for-mer un nouveau district d'inspection, celui de Saguenay, lequel comp-

264 Rapport du Surintendant de l'Instruction publique de la Province de Qué-bec, 1901-1902, p. 100.

265 A.N.Q.C., Fonds Chicoutimi-Nord, Boîte 63, Dossier 1, « Minutes de la Municipalité Scolaire du Village de Ste-Anne », p. 46.

266 Ibid.

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tera les deux municipalités scolaires de Sainte-Anne. À ce moment, la paroisse compte 12 écoles et le village, 3. 267

À l'aide de l'annuaire statistique des comtés de Chicoutimi et de lac Saint-Jean, nous sommes en mesure d'évaluer sommairement l'organi-sation scolaire dans le début des années vingt. En 1922, le « Village » compte 30 écoliers au cours académique, 25 au cours [184] modèle et 167 au cours élémentaire. Pour la « Paroisse », 486 écoliers sont ins-crits au cours élémentaire.

Ste-Anne n'a pas de maire depuis un mois

La municipalité du village de Ste-Anne se trouve présentement sans maire et sans Conseil municipal. Le maire, M. Émerie Gravel a donné sa dé-mission au cours de la séance régulière du 6 novembre, et le Conseil ne peut tenir réunion, faute de quorum, étant donné que plusieurs conseillers sont al-lés travailler dans les chantiers. L'administration municipale est faite actuel-lement par le Pro-maire et par la Commission municipale.

M. Gravel a donné sa démission comme maire à la suite du refus du Conseil de payer un compte présenté par le Maire pour les frais d'inhuma-tion de deux personnes pauvres. Le Conseil a répondu à M. Gravel qu'il n'avait pas droit au paiement de ce compte, vu qu'il était maire. M. le Maire a allégué qu'il est entrepreneur de pompes funèbres et qu'il croyait avoir droit au paiement de ses frais comme tout autre citoyen. Devant le refus du Conseil M. Gravel a donné sa démission.

Une semaine plus tard, une assemblée du Conseil a été tenue pour nom-mer un nouveau maire. M. Ambroise Tremblay qui a été choisi à cette occa-sion a refusé la charge et on est demeuré au même point. Depuis, des conseillers sont partis pour les chantiers, et il ne reste que 3 conseillers sur 6 à Ste-Anne, ce qui rend le quorum et l'élection impossibles.

On croit que l'élection d'un nouveau maire sera possible le 30 décembre, date à laquelle les conseillers seront de retour à Ste-Anne.

Le cas de Ste-Anne est l'un de ceux que l'on rencontre rarement, puisque la municipalité se trouve, pour ainsi dire, sans maire et sans Conseil.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 7 décembre 1933.

267 Rapport du Surintendant de… op. cit., 1920-21, pp. 3-6.

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À cette date, le « Village » compte six arrondissements : les arron-dissements numéros 1, 2 et 3 sont à la charge des Révérendes Sœurs du Bon Conseil alors que les numéros 4, 5 et 6 sont sous la responsa-bilité de trois institutrices laïques. La « Paroisse », de son côté, compte 13 arrondissements et le personnel enseignant est strictement laïc et féminin. Nous remarquerons qu'aucun instituteur [185] mascu-lin n'est à l'emploi de l'une ou l'autre des deux municipalités. 268

Couvent de Sainte-Anne de Chicoutimi, « Organisation du superbe banquet, 2/9/ 29 ». Photo : Collection de l'auteur.

C'est l'inspecteur Arthur Rochefort qui a la charge d'évaluer et de superviser la qualité du réseau d'enseignement du district de Sague-nay. Son rapport de 1924-25 constitue une évaluation qualitative très pertinente. La lacune première découle du manque d'études sérieuses de la part de plusieurs professeurs. « Quant aux titulaires non diplô-més, c'est un problème difficile à résoudre dans certaines municipali-tés. Je puis vous affirmer que la majorité des commissions scolaires font leur possible pour se procurer des maîtresses diplômées et ne peuvent y arriver ». 269 Au niveau matériel, les problèmes se résument à un mobilier inadéquat ainsi qu'à un manque d'hygiène scolaire de base.

268 Annuaire des comtés de Chicoutimi et du lac St-Jean, 1922, p. 131.269 Rapport du Surintendant de.... op. cit., 1924-25, p. 165.

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Il est intéressant de noter que c'est presque uniquement à la fin de la décennie vingt que la clientèle scolaire commence à se déplacer vers d'autres centres, probablement pour y recevoir une éducation plus spécialisée. En effet, selon l'annuaire statistique de [186] 1927, le Sé-minaire de Chicoutimi reçoit 8 garçons cette année-là, celui de Sher-brooke, 1, le collège de Saint-Raymond, 7, le couvent de la Rivière-à-Pierre, 4 filles, et finalement, l'École Normale de Chicoutimi, 6 filles. 270

En réalité, au début du deuxième quart du XXe siècle, le type d'en-seignement diffusé vise à favoriser la ruralisation des jeunes écoliers. « On veut, à l'école primaire, attacher les garçons au sol, et pour cela il faut absolument le leur faire aimer ». 271 Pour y arriver, l'inspecteur Rochefort, propose la création de jardins scolaires dans chaque cour d'école, la création d'un musée scolaire agricole et une série de cartes murales facilitant l'enseignement d'un cours élémentaire pratique.

270 Annuaire des comté de Chicoutimi et du lac St-Jean, 1927, p. 225.271 Rapport du Surintendant de.... op. cit., 1929-31.

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M. Ludger Petit, maire de la pa-roisse de Ste-Anne et préfet du comté de Chicoutimi, est l'un des représen-tants les plus sympathiques d'une géné-ration que nous voyons passer avec re-gret. Il est né au Cap-Santé le 4 juillet 1850.

Arrivé ici à 12 ans avec son père, Jean Petit, et ses deux frères, Honoré et Jean, il travailla avec eux au défriche-ment de leurs lots dans les Rangs VIII et IX du canton Tremblay, aujourd'hui St-Honoré.

Avec son frère, Honoré, il travailla durant 27 ans pour la Cie Price à Chicoutimi. Entre autres choses, il a surveillé la confection des quais autour du bassin de Chicoutimi-Ouest. En quittant la maison Price, il s'est occupé d'agriculture agrandissant toujours son domaine, achetant la terre de celui-là pour lui rendre service et engageant les fermiers requis par la culture de ses terres. Il cultive lui-même une centaine d'acres. Il s'est aussi intéressé à l'in-dustrie du bois de fuseau.

En septembre 1883, il épousait Dame Marie-Louise Hudon.

Il a eu 11 enfants, dont trois vivent encore : Ludger, cultivateur à St-Ho-noré ; Flora (Dame Georges Dufour), Ste-Anne ; Léon, cultivateur à Ste-Anne.

M. Ludger Petit est membre du conseil de Ste-Anne depuis 29 ans. Il en est le maire depuis 24 ans. Il est le préfet du comté de Chicoutimi depuis 19 ans. Cela suffit pour démontrer que M. Petit jouit de la confiance générale. On aime toujours à voir ce digne patriarche présider les séances publiques du Chicoutimi agricole, comme on aime à bénéficier de sa vaste expérience et des conseils de son solide jugement. C'est un serviteur sincère et dévoué de sa paroisse et de son comté.

(Notes biographiques tirées du Progrès du Saguenay, le 4 mars 1929. Photo : Collection, A.N.Q.C., Fonds Lemay).

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[187]

Les Sœurs du Bon Conseil avaient contribué à améliorer notable-ment le niveau d'enseignement dans le village de Sainte-Anne, au dé-but du siècle. Il faudra attendre l'arrivée des Frères Maristes, en 1937, pour qu'un pas appréciable soit franchi à nouveau.

En août 1937, trois Frères, désignés par le C.F. Marie-Stratonique, provincial d'alors, arrivent pour fonder une école dans le village. Ce sont : Frère Régis-Armand, Frère Louis-Robert et Frère Onésime-Gé-rard. Le berceau de leur œuvre est situé dans la vieille partie de l'édi-fice qui deviendra l'hôtel de ville de Chicoutimi-Nord, et cette école compte trois classes et 93 élèves. 272 Pour répondre à la clientèle qui s'accroît au même rythme que la municipalité, les Frères ne perdent pas de temps et inaugurent, le 8 juin 1939, la nouvelle école St-Jean-Baptiste, construite près de l'église et du couvent de Sainte-Anne. 273

L'arrivée des Frères Maristes et la coexistence avec les Sœurs du Bon Conseil sont les symboles du début d'un nouvel âge dans le do-maine scolaire à Sainte-Anne. Le couvent des Révérendes Sœurs et le collège Saint-Jean-Baptiste deviennent les piliers de l'enseignement primaire et secondaire pour le versant nord du Saguenay. Cette époque se prolongera jusqu'à la création de la paroisse de Saint-Luc et de la Municipalité de Chicoutimi-Nord, au début des années cin-quante.

272 Brochure du 20e anniversaire de l'arrivée des Frères Maristes, 1958, sans date ni signature.

273 Le Progrès du Saguenay, 8 juin 1939.

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[188]

Un broyeur à chaux pour le comté de Chicoutimi

St-Honoré.- De notre envoyé spécial.- Environ 200 personnes ont assisté dimanche à une belle cérémonie qui s'est déroulée à Saint-David-de-Falar-deau, près de Saint-Honoré, à l'occasion de la bénédiction d'un concasseur et d'un broyeur de pierres à chaux, donnés par le Gouvernement provincial et installés par M. Georges Fortin, industriel de St-Honoré.

La bénédiction des bâtisses et des machineries a été faite par M. l'abbé Armand Desgagné, jr, curé de St-David-de-Falardeau. Plusieurs discours furent ensuite prononcés.

Le broyeur à chaux que l'on vient de bénir est le troisième qui a été ins-tallé dans notre région. Il y en a déjà un à Mistassini sur la Ferme des Révé-rends Trappistes et un autre à St-Jérome. Celui qui a été inauguré dimanche est installé sur un cran de pierre à chaux presque sur les confins de la pa-roisse de St-Honoré. Sa capacité est de 50 tonnes par jour. Les puissantes machines sont actionnées par deux moteurs à gazoline. Au temps de la pro-duction, c'est-à-dire en automne surtout, six ou sept hommes devraient trou-ver de l'emploi à l'extraction et au broiement de la pierre, ainsi que son transport.

Le Gouvernement provincial, à la suite d'une demande qui avait été faite à l’hon. M. Bona Dussault, ministre de l'Agriculture, et à la suite des dé-marches pressantes de M. le député Talbot, a accordé un octroi d'une dou-zaine de mille piastres pour l'achat de la machinerie. L'installation a été faite par M. Georges Fortin, Ce travail a entraîné une mise de fonds d'au-delà de $2,000. M. Fortin s'occupera de l'exploitation de la carrière de pierres à chaux. Le Gouvernement provincial accorde, comme on le sait, un octroi de tant la tonne pour le transport de la pierre à chaux dans un rayon de 30 milles.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 22 octobre 1938.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 240

[189]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.Deuxième partie :

Le Village de Sainte-Anne, 1893-1954

Chapitre 8Visage de l’économie sociale

L’industrie agro-forestière

Retour à la table des matières

Le profil de l'histoire de l'industrie agricole au Saguenay et au Lac Saint-Jean se dessine comme suit pendant la première moitié du XXe

siècle. De 1900 à 1930, l'agriculture régionale n'enregistre pas de mo-dification structurelle profonde, selon Raoul Blanchard. Les céréales, les prairies fauchées et pâturées, forment l'essentiel des cultures occu-pant les terres exploitées. À l'occasion, quelques-uns exploitent le pois et la pomme de terre. Quant à l'industrie du bois, elle règle la nature et l'extension de la culture des céréales. À partir de 1930, les chantiers forestiers s'intègrent à la vie rurale et, pour bien des hommes, l'agri-culture devient chose secondaire. 274

C'est un peu avant le début de la première guerre mondiale que le comportement des travailleurs de l'industrie agricole et forestière se modifie plus spécialement. Tous les automnes, un grand nombre de cultivateurs partent pour le bois. Les paroisses se vident. Les bûche-

274 Raoul Blanchard, « L'Est du Canada Français, Province de Québec », Tome II, Beauchemin, 1935, pp. 125-126. Aussi un autre excellent texte de Blanchard, « L'agriculture au Saguenay et au Lac St-Jean », dans le Progrès du Saguenay, 6 décembre 1934.

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rons du Saguenay vont par milliers, à chaque année, couper le bois qui alimente les usines de Sept-Îles, de l'Île d'Anticosti, de Shawinigan, de Grand-Mère et de la Tuque. Il va sans dire que cet exode saisonnier des cultivateurs devient un véritable désastre au point de vue agri-cole. 275

[190]

« J'ai une grande paroisse [disait un curé], mais je n'ai pas de parois-siens. Mes gens sont des coureurs de bois. Pas de messe, pas de confes-sion, pas de sermon, pas de communion, pas de sermon, pas de caté-chisme, pas de lecture durant six ou huit mois. Imaginez si le niveau intel-lectuel de nos paroissiens s'élève durant ce temps-là ». 276

Ceci exprime quand même assez bien la situation du moment. Au point de vue agricole donc, le mal est énorme. Les terres sont aban-données et celles que l'on cultive encore le sont très mal. La jeunesse, qui n'entend parler que de chantiers, ne rêve que de cela et déserte le foyer pour la forêt et pour l'usine.

Les paroisses du nord du Saguenay sont encore plus affectées que les autres. C'est une génération presque complète de jeunes gens qui déserte le sol. « Quel est l'homme de cœur et d'intelligence qui entre-prendra de repeupler avec de solides gaillards aimant la terre nos belles paroisses de Ste-Anne, St-Honoré, St-Léonard et St-Charles, par exemple. » 277

En 1923, le village compte 897 acres de terre en culture et 104 en rocher. Dans la paroisse, il y a 16,387 acres en culture, 11,155 en fo-rêt, 1,651 en savane et marécage, 250 couverts par les eaux et 2,277 en terrain rocheux. La production agricole touche naturellement, en premier lieu, le fromage et le beurre, le foin, les patates, les bestiaux, les céréales et les légumes. On produit suffisamment pour exporter du

275 « La débâcle », par John Black, dans le Progrès du Saguenay, 16 octobre 1913.

276 Ibid.277 Ibid.

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fromage et des bestiaux vers Montréal. Plusieurs bonnes terres sont à vendre. 278

Avec la venue de la Grande Crise, les usines se ferment, les chan-tiers baissent leur production et, au Saguenay Lac Saint-Jean, les pro-pos d'actualité sont alimentés par les fermetures des usines de Val-Jal-bert et de Chicoutimi. Plusieurs familles sont acculées à la famine et la misère s'installe.

En 1931, le gouvernement vote la loi du retour à la terre. Cette po-litique donne immédiatement des résultats considérables. Seulement au cours de l'été 1931, 3,447 familles sont placées sur des lots et 1,500 autres obtiennent des lots avec billets de location. La répartition de ces 3,447 familles s'établit comme suit : 279

[191]Chicoutimi : 907Côte nord du Saguenay : 395Lac Saint-Jean : 265Lobtinière : 198Témiscouata : 742

Ce retour à la terre, forcé par la conjoncture, se traduit particulière-ment à Sainte-Anne par la réexploitation des lots abandonnés et sur-tout par l'ouverture, en 1933, d'un bureau agronomique, devant desser-vir toute la partie nord du comté de Chicoutimi. 280 C'est M. Maurice Hamel qui est nommé à ce nouveau poste et le choix du village de Sainte-Anne s'explique par sa bonne situation stratégique pour tous les agriculteurs de la rive nord. 281

En 1936, 5,225 hommes travaillent dans les chantiers du Saguenay Lac-Saint-Jean. La guerre stimulera encore davantage les activités fo-restières. Après la guerre, la vie dans les forêts du Québec se moder-nise. La mécanisation des chantiers accroît production et salaires.

278 Annuaire statistique des comtés de Chicoutimi et du Lac Saint-Jean, 1923, pp. 196-197.

279 Le Progrès du Saguenay, 25 février 1932.280 A.N.Q.C., Fonds Chicoutimi-Nord, Boîte 64, « Lettre du 29 août 1933 »,

pagination personnelle 38-3.281 Le Progrès du Saguenay, 26 mars 1936.

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Sainte-Anne se prépare à devenir Chicoutimi-Nord et nous assis-tons alors à une modification intégrante du type de vie. Rosario Morin donne un nouveau visage à l'industrie du bois chez nous et les fermes agricoles deviennent des quartiers pour habitations familiales.

Les fromageries

Retour à la table des matières

Le cas des fromageries à la fin du XIXe siècle n'est pas particulier à Sainte-Anne. De plus, la production fromagère n'est pas liée à l'écono-mie locale, mais à une économie de marché international. Selon George Johnson du Département de l’Agriculture, l'établissement des fromageries chez nous date de 1863 et à la fin de l'année 1865 il n'y en avait que dix en Ontario et deux au Québec. En 1868, l'Ontario et le Québec comptent respectivement 180 et 17 fromageries 282, ce qui illustre le développement régional de cette industrie.

Dans son contexte historique, l'industrie laitière est favorisée à ses débuts, par le traité de réciprocité (1854-1866) et la guerre

282 Le Progrès du Saguenay, « Une grande industrie », 20 sept. 1894.

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[192]

Extérieur de la fromagerie de Saint-Fulgence. L'un des propriétaires, Paul Turcotte. Photo : Collection de l'auteur.

Moulin des Grenon, à la chute à François Morissette sur la rivière Valin. Pho-to : A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Trernblay.

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[193]civile américaine (1861-1865) qui créent des débouchés pour l'en-semble de l'agriculture canadienne. Au cours des années 1870-1880, l'un des atouts majeurs encourageant le marché du lait, réside dans la demande du Royaume-Uni à laquelle s'ajoutent les perspectives d'ex-portations vers le Japon et le Brésil. 283

C'est au cours des années 1890-1920 que les activités laitières qué-bécoises connaissent leur plus grande période de prospérité. La facilité avec laquelle le cheddar canadien pénètre sur le marché anglais ex-plique cette prospérité nouvelle. Selon l'historien Normand Perron, ces trente années se divisent en deux tranches distinctes. La première est caractérisée par la croissance continue des exportations de fromage jusqu'en 1904, alors que la seconde est marquée par un certain dé-clin. 284

Dans le Haut Saguenay, l'industrie fromagère bénéficie de la créa-tion du Syndicat des Fromagers du Comté de Chicoutimi, le 30 oc-tobre 1890. Le modèle s'inspire des termes de la circulation du Conseil d'Agriculture de la Province de Québec et le but est d'assurer un service d'inspection régulier des fabriques. Il ne faut pas se le ca-cher, à l'époque le problème vécu par cette industrie découle directe-ment de la qualité de la matière première et de la dégradation qu'elle subit lors de la transformation. 285

Neuf propriétaires de fromageries sont présents lors de cette pre-mière réunion. Bagotville et Saint-Alexis à eux seuls en comptent quatre, et Sainte-Anne, deux : la fromagerie d'Henry Côté et celle de Georges Hudon. 286

En 1892, si l'on se fie aux rapports de l'industrie laitière, on re-trouve encore deux fromageries. Celle de Louis Boucher qui fonc-tionne du ler juin au 15 octobre, reçoit 271,934 livres de lait, produi-sant 30,124 livres de fromage vendu $2,870. « Les patrons sont au

283 Normand Perron, « Genèse des activités laitières, 1850-1960 », dans Agri-culture et Colonisation au Québec, Boréal Express, 1980, pp. 113-114.

284 lbid., 117.285 Le Progrès du Saguenay, « Syndicat des Fromagers du Comté de Chicou-

timi », 30 octobre 1890.286 Ibid.

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nombre de 24, ayant reçu $2,440., soit $101.16 chacun ». Celle d'Henry Côté qui est visitée par 20 patrons, produit pour une valeur de $1,943.54 287. Toute la production annuelle plaçait le village de Sainte-Anne cinquième parmi les producteurs du comté. 288

[194]

Rapport des fromageries du Comté de Chicoutimi en 1892

Chicoutimi $20,810.48Jonquière $18,474.59Laterrière $11,580.00Saint-Alphonse $11,545.45Sainte-Anne $ 4,813.54Saint-Alexis $ 4,495.79Saint-Fulgence $ 1,200.00 Total : $72,919.85

Manoir des Vieilles Prairies, une ferme de canton Tremblay en 1936

287 Le Progrès du Saguenay, « L'industrie laitière », 19 janvier 1893.288 Le Progrès du Saguenay, « L'industrie Laitière », 22 mars 1894.

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Le rapport de l'industrie laitière de l'année 1893 nous révèle une forte expansion du côté de Sainte-Anne. Il faut préciser au niveau de ce recensement agricole et industriel que la paroisse englobe, à l'ex-ception de Saint-Fulgence, tout le côté nord du Saguenay, c'est-à-dire toutes les petites localités qui y sont rattachées.

Le nombre des fabriques est passé, en l'espace d'une seule année, de deux à six. La fabrique d'André Bouchard produit pour une valeur de $3,610., celle d'Henry Côté pour $2,231., celle de Xavier Savard pour $1,159.82, celle de Louis Boucher pour $1,035., celle de L.-E. Guay pour $892.27 et celle d'Ernest Gravel pour $632. L'ensemble to-talise $8,550., soit une augmentation de près [195] de cent pour cent par rapport à la propre production de l'année précédente. Au total, la production de Sainte-Anne équivaut à 10% de la production du comté en 1893, comparativement à 7% en 1892.

Rapport des fromageries du Comté de Chicoutimi en 1893

Chicoutimi $23,003.00

Jonquière $21,286.75

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Les Industries du Cap Ltée

Nous sommes heureux de signaler que, depuis quelques mois, de petites industries ont surgi ici et là : à Dolbeau dans le domaine de la confection et des produits alimentaires ; à Roberval c'est la savonnerie Maria Chapdelaine et un laboratoire fabricant des produits de beauté de haute qualité (apprécia-tion que nous a faite personnellement un chimiste attaché à un laboratoire de Montréal), et tout récemment ce fut au Saguenay, l'ouverture des chantiers d'une mine d'extraction du mica ; l'érection, à Chicoutimi, d'une fabrique de poteries, et nous signalons que la ville de Jonquière sera dotée, bientôt, d'une savonnerie ultramoderne, propriété de Novas, Limitée.

Nous avons cru bon d'attirer aujourd'hui tout spécialement l'attention du public sur une petite industrie située dans le village de Ste-Anne de Chicou-timi, laquelle industrie porte le nom de LES INDUSTRIES DU CAP LTÉE.

L'objet de cette industrie est la production d'un produit unique dans notre pays : le calorique, dont la patente est réservée.

Calorique est un petit cube d'un poids négligeable enduit d'une prépara-tion spéciale lui permettant de s'allumer immédiatement au contact d'une flamme et de brûler quinze minutes en dégageant une flamme très chaude. Calorique est un allume-feu pratique et économique. Il est utilisé pour l'allu-mage des feux de bois, fournaises, feux de camps, foyers et cela, sans l'aide de papier, d'écorce ou d'écopaux.

Le directeur de la compagnie en question nous a déclaré qu'ils sont à mettre en marche un programme d'annonces qui couvrira bientôt tout le pays. Présentement, c'est Montréal qui est leur but principal. Les grands ma-gasins comme Eaton ont consacré un comptoir entier à Calorique.

Encourageons nos industries locales et nous relèverons par le fait même, le niveau économique de nos régions.

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 23 novembre 1939.

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[196]

Laterrière $ 13,135.00Saint-Alphonse $ 12,604.95Sainte-Anne $ 8,550.09Saint-Alexis $ 7,903.15Saint-Fulgence $ 1,500.00Anse-Saint-Jean $ 1,215.00Saint-Cyriac $ 600.00 Total : $ 89,798.84

Au cours des cinq dernières années du XIXe siècle, le fromage constitue un des principaux articles d'exportation au Canada. Le mar-ché existe et est facile à conquérir mais il faut à tout prix améliorer la qualité et le goût. D'après le sous-ministre de l'Agriculture du Québec qui visite, en 1894, le marché anglais où nous dirigeons le gros de notre production, Londres aime moins notre fromage parce que moins doux que celui de Belleville en Ontario. De plus, certains lots arrivent nettement défraîchis. 289

Pour pallier à ce problème qui risque d'affaiblir énormément l'in-dustrie laitière du Québec, on organise des séances d'information et on instaure un certain contrôle de la qualité. Il est établi aussi que les pe-tites fabriques sans grande organisation, dites de compétition, sont nettement nuisibles à la qualité recherchée.

La production totale du comté Chicoutimi pour l'année 1894 dé-montre une croissance enviable. Sainte-Anne réussit à augmenter en-core considérablement ses gains et se taille la quatrième place en dé-classant Saint-Alphonse. Sa part dans l'ensemble du comté atteint 13.2%. 290

289 Le Progrès du Saguenay, « Le fromage canadien, on s'en plaint sur le mar-ché de Londres », 4 octobre 1894.

290 Le Progrès du Saguenay, « L’industrie laitière en 1894 », 2 mai 1895.

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Rapport des fromageries du comté de Chicoutimi en 1894

Chicoutimi $ 32,041 29%Jonquière $ 22,711 21%Laterrière $ 15,000 14%Sainte-Anne $ 14,427 13.2%Saint-Alphonse $ 13,593 12.4%Saint-Alexis $ 7,785 7.1%Saint-Fulgence $ 1,706 1.6%Saint-Cyriac $ 1,422 1.3%Saint-Charles $ 628 0.6%

$ 109,313 100.2%

[197]

Le dynamisme et la constante croissance de production qui carac-térisent l'industrie fromagère de Sainte-Anne, vont cependant se pâlir. En effet, nous apprenons qu'en 1895, le village tombe sous la rampe de la critique. Si l'on se fie aux perspectives publiées dans le Progrès du Saguenay, Sainte-Anne ne doit ouvrir cette année-là que de petites fabriques de compétition. On se dit que les difficultés d'augmenter la qualité du produit sont surmontées positivement et on ne veut aucune-ment nuire à la bonne réputation acquise au prix d'innombrables ef-forts. 291

291 Le Progrès du Saguenay, 22 mai 1895.

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Au Nord du Saguenay

« On semble avoir compris à Ste-Anne que les petites fabriques de compéti-tion sont nuisibles. On a réussi à en faire disparaître une depuis l'an dernier et il y en a certainement encore une de trop. Cependant le progrès de l'industrie laitière est considérable dans cette partie du comté.

Qu'on en juge par les chiffres suivants :

Fabriques 1893 1894

Ls Boucher 1,035.00 2,843.84Henry Côté 2,231.00 3,787.91Xavier Savard 1,159.82 1,250.00Ernest Gravel 632.00 1,560.25L.-E. Guay 892.27 1,650.00Ovide Villeneuve (nouvelle) 1,365.00An. Bouchard 2,610.00 (fabrique disparue) Alex. Latouche (nouvelle) 628.84Jos Harvey 1,500.00 1,706.50

La fabrique de M. Alex. Larouche est établie de l'an dernier seulement à St-Charles Borromée. C'est la première dans la paroisse et le gouvernement a accor-dé un aide qui devrait être renouvelé cette année. À St-Ambroise, M. Louis-Phi-lippe Godin construira aussi une nouvelle fabrique, la première aussi dans la loca-lité. Nous serons surpris si le côté nord du Saguenay ne produit pas pour $20,000. de fromage pendant la saison qui va commencer. Remarquons que en 1892, la production n'y était que de $5,000. » 292

292 Le Progrès du Saguenay, « L'industrie laitière », 25 avril 1895.

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Au mois de juin 1895, J.-E.-A. Dubuc, le gérant très connu de la Banque Nationale, convoque une réunion spéciale qui regroupe tous les producteurs du comté. Lors de cette assemblée, on discute du cas de trois fabriques de compétition. Deux sont situées à Chicoutimi et l'autre, celle de Joseph Bouchard, est à Sainte-Anne. Après [198] dis-cussions, ces trois fabriques ne sont pas admises dans le syndicat de vente. 293

La formation d'un syndicat original pour la vente du fromage à l'étranger constitue un apport important. Son action contribuera assu-rément à l'augmentation des qualités et des volumes grâce à une sur-veillance régulière. De plus, la coordination et le lien permanent entre chaque production favorisent une sorte de classification et de standar-disation de la qualité. Au total, 23 fabriques du comté de Chicoutimi se regroupent dans le nouveau syndicat. 294

Lors du concours provincial de fromage tenu à Québec, en 1896, trois fabriques de notre région se distinguent. Dans la section régio-nale, celles de Ernest Gravel et de Henry Côté de Sainte-Anne se classent respectivement troisième et cinquième. 295

En 1899, l'ensemble de la production du comté de Chicoutimi at-teint la somme de $159,318. Cette fois nous ne pouvons plus vérita-blement parler de Sainte-Anne car les tableaux statistiques identifient tout le « Nord du Saguenay ». Ceci inclut notamment tous les villages et paroisses entre Saint-Fulgence et Saint-Ambroise, sans exception. Malgré cette modification mineure qui se caractérise surtout par l'ad-dition de Saint-Fulgence, nous pouvons dire que la place qu'occupe Sainte-Anne et toute cette partie du territoire, au niveau de la fabrica-tion du fromage, est plus qu'enviable. En effet, le « Nord du Sague-nay » produit près de 19% de tout le fromage du comté, se classant deuxième, soit immédiatement après Chicoutimi. 296

293 Le Progrès du Saguenay, « La vente du fromage, assemblée des intéres-sés », 20 juin 1895.

294 Le Progrès du Saguenay, « La vente du fromage », 4 juillet 1895.295 Le Progrès du Saguenay, « Concours de fromage », 27 août 1896.296 Le Progrès du Saguenay, « L'industrie laitière en 1899 », 4 janvier 1900.

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Rapport des fromageries du comté de Chicoutimi en 1899

Chicoutimi $ 51,385 32.2%Nord du Saguenay $ 29,757 18.9%St-Alphonse et St-Alexis $ 29,116 18.2%Jonquière $ 28,356 17.8%Laterrière et St-Cyriac $ 18,852 11.8%Anse St-Jean $ 1,852 1.1%

$ 159,318 100%

Après cette période fructueuse caractérisée par une hausse constante, le fromage entre dans une crise pratiquement insurmon-table. [199] En 1901, le marché ne permet guère d'obtenir plus de 8 1/2 cents à Chicoutimi. Les dernières ventes à Montréal réalisent à peine 9 cents pour le choix de Québec. Les marchés de la campagne sont lourds et en baisse. À Liverpool, principal débouché pour notre fromage, le prix baisse constamment. 297

C'est à partir de cette période, précédant même de quelques années le déclin de toute l'industrie fromagère canadienne, que la production saguenéenne entreprend son lent fléchissement. Sainte-Anne va s'as-surer encore pour quelque temps de bons revenus de la vente du fro-mage, mais c'est la tangente canadienne qui marque le pas. 298

297 Le Progrès du Saguenay, 5 septembre 1901.298 La dernière fromagerie de Sainte-Anne, celle de M. Edgard Laberge, éta-

blie dans le « Petit Trois » du canton Tremblay, fermait ses portes en 1944.

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Généralités à propos de l'évolutiondu commerce et de l'industrie au XXe siècle

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À la fin du siècle, le village de Sainte-Anne compte un peu moins de deux milles habitants. Il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que la population augmente à environ 3,700. À partir de 1945, la municipalité connaît un véritable essor et en quinze an-nées, la population triple presque, pour atteindre environ 10,000 âmes. Ce bref aperçu du rythme de l'évolution de la population se reflète également dans l'état du commerce et de l'industrie.

Au début du présent siècle, la petite industrie est pratiquement in-existante. L'activité économique se ressert autour des artisans, des pe-tits commerçants, des bûcherons et des producteurs agricoles.

L'annuaire statistique des comtés de Chicoutimi et du Lac Saint-Jean, pour l'année 1923, nous dit que le village compte une banque, huit magasins, deux restaurants, une scierie, une tannière de renards argentés, sept producteurs de beurre et de fromage. En 1929, selon les mêmes sources, on dénombre dix magasins généraux, deux de nou-veautés et cinq restaurants. Il n'y a plus aucune industrie. 299

Il faudra attendre la décennie quarante pour que reprenne la vie in-dustrielle et c'est surtout à partir de la fin de la deuxième guerre que l'essor devient significatif. Au tournant des années cinquante, Chicou-timi-Nord se transforme vraiment au point de vue commercial et in-dustriel. À ce moment, les entreprises de Rosario [200] Morin sont ap-pelées à marquer profondément la vie de la communauté.

Globalement, l'inventaire économique et industriel effectué par le ministère de l'industrie et du commerce en 1952, nous renseigne d'une activité industrielle relativement énergique. En tout, sept petites indus-tries, de type familial, sont en pleine production et trois viennent d'ar-rêter leurs activités. 300

299 Annuaire des Comtés de Chicoutimi et du Lac St-Jean, 1923, pp. 196-197 ; 1929, pp. 223-224.

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Inventaire des industries manufacturières en 1952

Raison sociale Dated'ouverture

Nombred'employés

Productionmanufacturière

Gauthier et Tremblay 1940 22 AbattoirMorin et Fils 1946 40 ScierieJ.P. Drolet 1949 2 MeublesÉlias Gagné 1949 2 Articles en aluminiumRaoul Desbiens 1948 5 Fer forgéCharles Simard 1949 30 Blocs de cimentRosario Morin 1938 50 Scierie

Les industries qui ont fermé leurs portes au tournant de la décennie quarante sont : la fabrique de produits d'Aluminium (Antoine Bérubé), fermée en 1950 ; la vitrerie du Saguenay (Roland Dubose), tombe en faillite en 1949 ; les produits Octo Enr. (Brassard et Frères) démé-nagent sur la Côte de Réserve en 1950.

La Caisse de Petite Économie

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Plus précisément appelée la Caisse de Petite Économie de Chicou-timi, cette institution fut fondée grâce à l'initiative du clergé et des hommes d'affaires influents de l'endroit. On retrouve, parmi les requé-rants de la charte fédérale, l'évêque de Chicoutimi, Mgr Michel-Tho-mas Labrecque, l'abbé Eugène Lapointe, Elzéar Boivin, Georges Saint-Pierre, Joseph E. Cloutier, F.-X. Gosselin, R.H. Beaulieu et J.-E.-A. Dubuc. Les fondateurs sont également directeurs jusqu'à la fin.

Elle est fondée le 12 février 1908 pour encourager et stimuler l'épargne. Le siège social est à Chicoutimi, les capitaux sont de la ré-

300 A.N.Q.C., Fonds Chicoutimi, section Chicoutimi-Nord, Article 68, Dos-sier 4.

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gion, et la banque reste totalement indépendante des compagnies. La première assemblée des membres se tient le 23 mai 1908.

[201]

La mascarade à Ste-Anne

Dimanche dernier, le 16 mars, avait lieu à Ste-Anne, la grande masca-rade annuelle à l'occasion de la mi-carême toute proche.

Cette fête sportive fut organisée par Mesdames Alonzo Tremblay et Lu-cien Gravel.

Favorisée par une température idéale, cette mascarade remporta un suc-cès sans précédent.

La foule des spectateurs se pressait autour de la patinoire pour admirer les nombreux concurrents aux costumes bizarres, originaux et multicolores. Maintes fois, les applaudissements prolongés vinrent souligner et saluer l'originalité et la fantaisie de certains costumes dès que ces derniers faisaient irruption sur la glace.

La soirée débuta par une causerie amicale comme sait si bien nous en improviser M. Honoré Gagnon. Au micro, M. Égide Bouchard eut le don particulier d'intéresser vivement ses auditeurs par de jolis sketchs à sa façon sans parler des intermèdes de chansons canadiennes entrecoupés de gigues entraînantes.

Bientôt nos mi-carêmes se prirent à valser à qui mieux mieux comme les marionnettes dans le firmament, Tandis que la douce musique du « Trio Si-mard » continuait à stimuler dans l'arène nos patineurs enthousiasmés. Vinrent prendre place sur l'estrade d'honneur les membres du jury que voi-ci :

M. le Maire et Madame Alonzo Tremblay ; M. Joseph Gagnon, pré-sident de la Commission scolaire ; M. et Mme Amabie Simard ; M. et Mme Édouard Gagnon ; Madame Phydime Gauthier et Madame Edmond Lespé-rance.

Pendant plus d'une heure, les spectateurs ravis purent à loisir échanger leurs impressions ou leurs préférences pour tel ou tel costume. Enfin, tous pénétrèrent dans la grande salle où étaient exposés de nombreux et magni-fiques prix. Là, les membres du jury procédèrent à la distribution des prix.

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Deux jolis prix de présence furent tirés et le sort désigna comme heureux gagnants : Mlle Camille Boucher et Mlle Th. Blackburn.

Puis on procéda au tirage de deux prix, dont l'un fut gagné par M. Charles Boucher, et l'autre par M. Ludger Renald.

Chacun se retira ensuite chez lui en fredonnant ce doux refrain :

Au Clair de la lune,Retournons chez nous :Avec la fortune

[202

Ou bien sans le sou.Comme une glissadeQui ne finit pasDe la mascaradeOn se souviendra

LE PROGRÈS DU SAGUENAY, 27 mars 1941.

La caisse détient des succursales partout dans la région du Sague-nay : Sainte-Anne de Chicoutimi, les quartiers Est et Ouest de Chicou-timi, Saint-Félicien, Saint-Jérôme, Normandin, Saint-Fulgence, Jon-quière, La Malbaie, Ouiatchouan, Pointe-au-Pin, Roberval, Hébert-ville Station et Hébertville Village.

L'abandon de la charte remonte au 24 janvier 1925. La fermeture s'explique par l'établissement à Chicoutimi d'une Caisse populaire Desjardins. Le 23 novembre 1926, la liquidation est terminée. 301

301 Pour plus de renseignements à ce sujet, voir aux Archives nationales du Québec à Chicoutimi, Fonds Dubuc, Boîtes 59 et 60.

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La Maison Funéraire Gravel Enr.

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L'histoire de la maison funéraire Gravel passe par la vie de son fondateur, Émery Gravel, puis par celle de son successeur et fils, Jean-Marie. Au départ, disons que cette organisation est la plus ancienne de ce genre au Saguenay. Émery Gravel est né à SainteAnne, le 12 juin 1874, du mariage de Marie Simard et d'Alphée Gravel.

C'est en 1894, alors à peine âgé de vingt ans, qu'il ouvre un salon funéraire dans sa paroisse. Nous savons qu'à cette époque le village de Sainte-Anne est isolé de Chicoutimi et l'inhumation des défunts reste un problème épineux. En ce temps-là, il opère sous la raison sociale de ÉMERY GRAVEL. Au début, la mode des salons n'existe pas et l'on s'adonnait surtout à construire des cercueils : les décorations sont très restreintes et se composent de draps blancs que l'on accroche sur les murs. Le transport des dépouilles s'effectue grâce à des corbillards tirés par des chevaux. Par la suite, l'automatisation étant plus acces-sible, on se sert de l'auto-neige l'hiver. En plus de pratiquer le métier d'« embaumeur », Émery s'adonne à l'art du charron et du menuisier, dans une boutique située à l'arrière de sa maison.

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[203]

Jean-Marie Gravel, successeur du fondateur du salon funéraire. Photo : Mme Jean-Marie Gravel.

Émery Gravel, fondateur du salon funéraire et maire du village. Photo : Mme Jean-Marie Gravel.

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[204]

Porté à côtoyer régulièrement les gens de sa paroisse, il s'intéresse à la chose publique. C'est ainsi qu'il devient commissaire d'école au moment de la Grande Crise et occupe la fonction de maire, de 1932 à 1937. Jusqu'à son décès, survenu le 12 juin 1962, il travaille à sa me-nuiserie et à son entreprise funéraire.

Au cours de l'année 1938, son fils Jean-Marie vient le seconder dans sa tâche et c'est seulement en 1948 qu'il se joint définitivement à l'entreprise. Forte d'une pulsion nouvelle, l'organisation prend de l'im-portance et change son nom pour celui de SERVICE DE LA MAI-SON ÉMERY GRAVEL ENR. 302

Jean-Marie Gravel étudie deux années à l'Université de Montréal. Les cours portent sur l'anatomie topographique embaumement et art restauratif, la pathologie spéciale, l'hygiène microbiologique. Le pre-mier salon funéraire est ouvert dans la paroisse de Sainte-Anne en avril 1954. Avant cette date, la pratique veut que les défunts soient ex-posés dans leur maison. L'embaumement n'est pas pratiqué dans tous les cas car les gens conservent un certain tabou envers ces « choses ». La municipalité prenant de l'expansion, Jean-Marie Gravel inaugure un second salon, dans la paroisse de Saint-Luc, en 1963. C'est au 2,075 du boulevard Tadoussac et le site recouvre une partie de la ri-vière Michaud. Plus tard, en 1979, c'est au tour de la paroisse Sainte-Claire de recevoir son propre salon, au 345 Saint-Armand.

302 Le Phare, « La Maison Gravel Enr. connaît un nouvel essor », 21 no-vembre 1962.

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[205]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.Deuxième partie :

Le Village de Sainte-Anne, 1893-1954

Chapitre 9L’entrée dans le modernisme

Le téléphone, premier lien permanentavec Chicoutimi

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À l'instar de l'électricité, l'apparition du téléphone à Sainte-Anne est directement liée à celle de Chicoutimi. Son installation précède même celle-ci. Avec cette nouvelle invention commune aux décou-vertes récentes, la première boîte téléphonique arrive pour saluer la création de la nouvelle Municipalité du Village de Sainte-Anne.

Le premier essai du téléphone au Saguenay remonte précisément au 30 avril 1879, soit moins de trois années après l'invention. Tou-jours à l'avant-garde du modernisme et de la connaissance, les An-nales du Séminaire de Chicoutimi nous disent que c'est grâce à M. l'abbé Huard, personnalité scientifique très connue à l'époque, qu'a lieu la première expérience avec un téléphone construit par l'abbé Ro-berge. L'instrument rudimentaire établit la communication entre les deux chambres.

Ce n'est par contre pas avant 1886 que les communications télé-phoniques relient le Séminaire aux principaux édifices de Chicoutimi. Fort de cet avancement, le réseau déborde rapidement les limites de la

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municipalité. Au début de l'année 1893, le service est amélioré et la population inaugure le système en même temps que le Séminaire. 303

L'initiative est due à P.-A. Guay. Rapidement, les petites localités du Lac Saint-Jean s'organisent des réseaux parallèles.

À Sainte-Anne, les communications sont établies à la fin du mois de mai 1893. Le Progrès du Saguenay nous dit que c'est grâce [206] à la formation d'une société entre les principaux citoyens que des arran-gements peuvent être pris avec MM. Guay Cie pour installer le télé-phone entre les deux localités. 304

Le magasin-général C.F. Boivin, vers 1925.Photo : Collection Luc Boivin.

303 Pour plus d'explications sur les débuts du téléphone à Chicoutimi, voir le texte de Mgr Victor Tremblay, « Origine du Téléphone au Saguenay, » dans Saguenayensia, mars-avril 1968, pp. 33-35.

304 Le Progrès du Saguenay, 1er juin 1893.

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« Tous les paroissiens de Ste-Anne qui désireront utiliser le téléphone, soit pour appeler le médecin ou pour affaires, n'auront qu'à se rendre chez M. Ls-Néré Tremblay, qui est le Secrétaire de la Société et qui tient le bu-reau central. Il y a aussi des instruments chez le Rév. M. D. Roussel, curé de Ste-Anne, Président de la Société, chez M. Alexis Tremblay, marchand et au débarcadère des bateaux traversiers. »

En 1894, les communications téléphoniques sont assurées entre toutes les paroisses du comté de Chicoutimi, moins Jonquière. Honoré Petit et Onésime Harvey s'ajoutent aux premiers noms qui possèdent un bureau de téléphone. 305 Puis, en 1900 c'est au tour de Joseph Bou-chard, Néré Tremblay et Charles Boivin. 306

En 1898, la Société Guay et Compagnie vend ses intérêts à MM. François-Xavier Gosselin, protonotaire de la Cour Supérieure, et Ju-lien-Édouard-Alfred Dubuc, directeur-gérant de la manufacture de pulpe de Chicoutimi. Cet acte de vente indique, entre autres que le ré-seau téléphonique dessert le territoire de Chicoutimi, Sainte-Anne, Saint-Fulgence, Saint-Alphonse, Jonquière, Saint-Alexis, Laterrière, Hébertville, Saint-Cyriac et La Pointe-aux-Sables. 307

305 Ibid., 16 août 1894.306 Ibid., 18 janv. 1900.307 Ibid. . « Le Téléphone dans la Région », 6 août 1942.

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[207]

LISTE DES MAIRES DELA MUNICIPALITÉ DU CANTON TREMBLAYAmbroise Gagnon 1855 - 1858Toussaint Bouchard 1858 - 1860Medor Hudon dit Beaulieu 1860 - 1862Ambroise Gagnon 1862 - 1864Nazaire Boucher 1864 - 1870David Tessier 1870 - 1875Honoré Petit 1875 - 1891Nazaire Boucher 1891 - 1893Joseph Villeneuve 1893 - 1894Jimmy Tremblay 1894 - 1897George Hudon 1897 - 1903Ludger Petit 1903 - 1929Émile Simard 1929 - 1949Nazaire Boucher 1949 - 1955Johnny Boucher 1955 - 1963Léonce Villeneuve 1963 - 1969Charles-Eugène Tremblay 1969 - 1973Henri Roy 1973 - 1976Laval Gauthier 1976 - 1984

LISTE DES MAIRES DE LA MUNICIPALITÉET DU VILLAGE DE SAINT-ANNE

Louis-Néré Tremblay 1894 - 1896Alexis Tremblay 1896 - 1898Onésime Harvey 1898 - 1900Joseph Tremblay, Alexis 1900 - 1901Onésime Harvey 1901 - 1902Joseph Tremblay, Alexis 1902 - 1908Louis Boucher 1908 - 1921Adélard Bouchard, médecin 1921 - 1923Phidyme Gauthier 1923 - 1928Joseph Gagnon, Louis 1928 - 1933Émery Gravel 1932 - 1937Alonzo Tremblay 1937 - 1945Raoul Desbiens 1945 - 1949Rock Boivin, médecin 1949 - 1954

LISTE DES MAIRES DE LA VILLE (1954)ET DE LA CITÉ (1961) DE CHICOUTIMI-NORD

Rock Boivin, médecin 1954 - 1971Jean-Claude Villeneuve 1971 - 1975

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[208]Cette façon de procéder perdure pendant toute la première moitié

du siècle. En 1923, la Compagnie de Téléphone Saguenay-Québec dessert 147 abonnés 308 et probablement en raison des difficultés éco-nomiques ce nombre diminue à 126 en 1927. 309 Les plus fortunés pos-sèdent leurs propres installations et les commerçants rendent le ser-vice aux moins nantis grâce à une boîte téléphonique communautaire.

Le tarif « extra » pour les communications entre Sainte-Anne et Chicoutimi, à l'exemple des appels interurbains d'aujourd'hui, est à l'honneur jusqu'au début de la décennie cinquante. Le câble souterrain, qui marque en quelque sorte l'amélioration de tout le système télépho-nique, est en voie d'être posé au cours du mois de novembre 1950. L'époque de la boîte de téléphone en magnifique bois de chêne où il faut crier constamment pour se faire entendre est désormais un souve-nir du passé. Terminée l'époque où il faut demander la communication à l'opératrice locale. Terminé aussi le temps des « écornifleux » et des bigotes qui passent tous leurs loisirs à écouter leurs concitoyens pour déformer les nouvelles de l'heure.

« Demain matin, le 21 avril 1951, sera une date mémorable dans les annales de Chicoutimi-Nord puisqu'elle marquera l'inauguration technique officielle dans cette localité qui sera la deuxième au Saguenay, après Chi-coutimi, à bénéficier du système à cadran. Aucune cérémonie officielle ne soulignera l'événement.

À partir de samedi, les abonnés de Chicoutimi-Nord se trouveront donc raccordés à ceux de la cité de Chicoutimi où ils pourront téléphoner sans passer par l'opératrice locale comme auparavant.

Un petit annuaire a été imprimé, qui donne la liste complète de tous les abonnés du téléphone automatique à Ste-Anne. Cette liste est préparée de la même façon que l'annuaire régional et donne de plus, l'ancien numéro de téléphone.

308 Annuaire des Comtés de Chicoutimi et du Lac St-Jean, 1923, p. 197.309 Ibid., 1927, p. 255.

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Cette inauguration marque un pas vers la réalisation du vaste projet préconisé par la Compagnie Saguenay-Québec en vue de gratifier plu-sieurs autres centres de la région du Saguenay du système automatique. 310

L'éclairage électrique à Sainte-Anne

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L'électrification des villes et des campagnes québécoises est très certainement l'événement le plus significatif qui vient saluer le [209] XXe siècle et le lancer dans une ère nouvelle, sans commune mesure avec les siècles précédents. Si nous effectuons le décompte, les mœurs, les us et les coutumes qui ont caractérisé la vie de nos ancêtres étaient dus en réalité à l'accumulation d'un certain capital culturel re-montant à la nuit des temps, à l'instant où l'homme domestiqua le feu. Avec l'électricité, tout allait changer.

L'éclairage reste certainement le premier changement d'une longue série. Le plus ancien des accessoires conçus et utilisés à cette fin, la lampe à suif appelée communément « bec de corbeau », trouvait ses origines dans l'antiquité. La chandelle de fabrication domestique, par-ticulièrement en vogue au milieu du XIXe siècle, céda la place à la gracieuse lampe au kérosène. Toute une atmosphère se dégageait de leur utilisation quotidienne.

Pour mieux comprendre le début de l'électrification à Sainte-Anne, nous devons faire le lien avec celui de Chicoutimi. La raison est bien simple. Jusqu'en 1922, date qui correspond à l'ouverture d'un petit pouvoir électrique sur la rivière Caribou, le village est totalement dé-pendant, pour son approvisionnement, de Chicoutimi.

310 Le Régional, 22 avril 1951.

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La rive nord du Saguenay, au niveau du pont de Sainte-Anne vers 1925.Photo : A.N.Q.C., Fonds Lernay

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[210]

Modèle d'habitation du village de Sainte-Anne. La maison de François Moris-sette, fils, coin des rues Roussel et du Pont. À remarquer l'absence de revêtement bitumineux sur la chaussée. Photo : Collection de l'auteur.

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[211]

Le début de l'éclairage à Chicoutimi

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C'est à William Warren que revient l'honneur d'être l'instigateur de l'électricité à Chicoutimi. Au début du mois de septembre 1891, il suggère au conseil municipal d'installer l'électricité dans les maisons et les rues de la ville. À ce moment-là, quelques citoyens sont chargés du soin des fanaux fournis par le conseil et cela demande un déplace-ment assez important d'hommes et de matériel. 311

On le devine aisément, le projet de Warren risquait de modifier bien des coutumes, mais il n'eut pas de suite immédiate et l'on conti-nua l'éclairage habituel encore pendant quelques années.

L'éclairage électrique est considéré comme un luxe. Par contre, Chicoutimi possède suffisamment de potentiel hydraulique pour que subsiste l'espoir. En effet, J.-F. Guay, ingénieur civil et électricien de Québec fait une étude rapide des pouvoirs d'eau et de leur capacité énergétique pour le compte de la « Cie Électrique » de Chicoutimi. Le choix se fixe sur la rivière Chicoutimi, à environ un demi-mille de son embouchure, à l'endroit où s'élèveront plus tard les installations de la Compagnie de Pulpe. Le terrain en question appartient à Price, lequel accepte de le céder en 1895.

La nouvelle Compagnie Électrique de Chicoutimi est composée entièrement de citoyens désirant le progrès et l'avancement de leur ville. Ces petits actionnaires sont prêts à risquer leurs économies dans l'entreprise et comptent sur la bonne volonté et l'appui des contri-buables. 312 La ville leur accorde, entre autres, une exemption de taxe pour dix ans ainsi qu'un droit exclusif et prioritaire de production d'électricité à Chicoutimi pendant vingt ans. Les travaux de construc-tion de la centrale débutent en mars 1895. Six mois plus tard, en sep-

311 Le Progrès du Saguenay, ler septembre 1891.312 Le Progrès du Saguenay, 27 septembre 1906.

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tembre 1895, la construction de l'usine est terminée. Les fils sont po-sés et la turbide est déjà installée. 313

À partir de ce moment on note rapidement une modification des habitudes de vie des habitants. La cathédrale, premier édifice public à profiter de cette nouvelle source d'énergie, inaugure officiellement le réseau lors de la messe de minuit du 24 décembre 1895. Les vêpres, qui avaient lieu à une heure et demie de l'après-midi, sont désormais célébrées après le souper. Graduellement, le modernisme si caractéris-tique du XXe siècle s'installait.

[212]

La Compagnie Électrique de Chicoutimidessert Sainte-Anne

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Motivé par les récents développements survenus à Chicoutimi, le village de Sainte-Anne, à son tour, va tenter de profiter de ces facili-tés. La question suscite de nombreux débats dans la petite communau-té. On essaie de se greffer au réseau déjà existant de la Compagnie des Eaux et de l'Électricité de Chicoutimi qui fonctionne depuis 1895. Les négociations sont serrées et en mars 1904, la municipalité du village de Sainte-Anne menace de provoquer la création d'une entreprise lo-cale qui puisera sa force dans la rivière Caribou. 314

Le tout est définitivement réglé le 21 avril 1904, lorsque Sainte-Anne passe un règlement qui accorde certains privilèges à P.-A. Guay ou à toute compagnie qu'il formera. Il a le droit de dresser ses installa-tions à travers les rues de la ville et détient l'exclusivité de la vente pour les dix prochaines années. Les tarifs sont fixés selon les diffé-rents types d'éclairage. L'installation à l'intérieur des maisons est aux

313 Pour plus d’explications sur les débuts de l’électricité à Chicoutimi, voir le texte de Jean-François Blanchette, dans Saguenaysia, mai-juin 1968, pp. 61-64.

314 Le Progrès du Saguenay, 11 mars 1904.

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frais des abonnés et l'entreprise devra être en mesure de fournir la lu-mière à partir du ler décembre. 315

Au mois de mars 1907, le maire Phydime Gauthier préside l'adop-tion du règlement No 28, lequel reconfirme les droits d'exclusivité pour dix ans. De plus, la Compagnie des Eaux et de l'Électricité de Chicoutimi peut désormais bénéficier d'une exemption de taxes pour l'espace de dix ans, en faveur de toutes les propriétés mobilières et im-mobilières de la Compagnie. Seize points sont à l'ordre du jour, les-quels fixent toutes les modalités à partir de l'installation des poteaux, les tarifs et les modes de paiement des abonnés. 316

**     *

« 14e La Compagnie sera aussi tenue de fournir la force motrice pen-dant la durée de ces privilèges, aux personnes qui feront des contrats avec elle, mais n'aura pas le droit de leur charger des prix plus élevés que ceux qui seront chargés dans la Ville de Chicoutimi.

En aucun cas ces prix ne devront dépasser ceux-ci après établis savoir :

Un service de douze heures par jour pendant un an.

- Pour un seul cheval vapeur $60. [213]- Dans le cas 2 par cheval vapeur $55.- Dans le cas de 3 chevaux vapeur et plus par cheval vapeur $50.- Dans le cas de 5 chevaux vapeur et plus par cheval vapeur $40- Dans le cas de dix chevaux vapeur et plus par cheval vapeur $30.- Dans le cas de 15 chevaux vapeur et plus par chevaux vapeur $25.

L'abonnement pour la force motrice sera aussi payable tous les six mois

15e La Compagnie pourra encore à l'expiration des dix années de son privilège exclusif ci-dessus mentionné, maintenir en opération ses po-teaux, fils et tous appareils, biens meubles et immeubles employés à la transmission de l'énergie électrique et continuer son commerce dans les li-mites de cette municipalité pendant une période additionnelle de quarante ans, mais ce pouvoir ne sera pas exclusif.

315 A.N.Q.C., Fonds Chicoutimi-Nord, Article 63, Dossier 8, Règlement du 21 avril 1904.

316 Ibid., Règlement No 28, 19 mars 1907.

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La fête nationale des Québécois à Sainte-Anne en 1945. Le jeune St-Jean-Baptiste, vêtu de la cape fleurdelisée et montant un cheval pour pré-céder le défilé. Photo : Collection de l'auteur.

**     *

[214]Le règlement No 28 restera en vigueur jusqu'à l'ouverture du pou-

voir de la rivière Caribou. En effet, très tôt, la municipalité doit songer à s'approvisionner d'une nouvelle façon car on note en 1919 que l'énergie fournie par la Compagnie des Eaux et de l'Électricité de Chi-coutimi reste nettement insuffisante. 317

317 Le Progrès du Saguenay,, 1er mai 1919.

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La Compagnie Électrique du Nord

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Il n'y a pas que l'insuffisance de la capacité d'énergie qui risque de perturber le réseau. Il y a aussi les menaces de la Compagnie chicouti-mienne de couper le courant purement et simplement. Ce manque d'assurance pousse le village de Sainte-Anne à envisager une nouvelle source d'approvisionnement. D'ailleurs, à cette époque, tout le Québec commence à découvrir le potentiel électrique contenu dans son réseau hydrographique en même temps que naît la mode de posséder son propre pouvoir électrique municipal. 318

C'est dans cet atmosphère qu'est née, le 15 février 1921, « La Com-pagnie Électrique du Nord », en vertu de la première partie de la loi des compagnies. Les requérants de la charte sont tous du village de Sainte-Anne : Joseph Gagnon, cultivateur, Charles Gravel, marchand, Edmond Tremblay, entrepreneur. 319

Les buts de la nouvelle compagnie visent à acquérir les cours d'eau et les équipements nécessaires à la production de l'électricité pour la vendre aux particuliers et aux corporations ainsi que de faire le com-merce de l'énergie sous toutes ses formes. Entre autres objectifs avoués, elle envisage l'acquisition de moulins à farine et de scieries. Le capital constitué est de $49,000 divisé en 490 actions de $ 100. Évidemment, le bureau principal de la Compagnie est situé dans le village même de Sainte-Anne 320, chez Edmond Tremblay.

La première réunion de La Compagnie Électrique du Nord se tient le 28 février 1921 pour former le conseil d'administration. Le vote nomme directeurs permanents, les trois requérants de la charte, qui élirent à leur tour le comité exécutif : Joseph Gagnon, président ; Charles Gravel, vice-président ; Edmond Tremblay, trésorier et secré-taire. 321

318 A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Tremblay, Dossier 1173, Pièce 8.319 Gazette Officielle, Vol. 53, Janvier-Avril 1921, pp. 442-443.320 Ibid.321 A.N.Q.C., Fonds Dubuc, Article 37, Dossier 1, p. 20.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 274

[215]

Vestiges du petit pouvoir électrique de la rivière Caribou.Photo : Collection de l'auteur.

Les directeurs décident d'acquérir de la Société d’Éclairage et d'Énergie Electrique du Saguenay, tout le réseau déjà en place dans le village, moins la tour servant à soutenir la ligne de transmission pro-venant de Chicoutimi et les lignes qui la relient au chemin principal. Le prix à payer se chiffre à la valeur courante, plus 50% pour les dé-penses occasionnées par l'installation du réseau. 322

La Compagnie étant créée et l'équipement en place assuré d'être acquis, la troisième étape consiste à l'achat des emplacements du pou-voir d'eau de la rivière Caribou.

322 Ibid., Réunion du 22 mars 1921, pp. 33-34.

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[216]

Scène d'une époque toute récente. Le garage Tremblay, coin Roussel et du Pont. Photo : Collection Hélène Tremblay-Lavoie.

L'acquisition des emplacements nécessaires à la rivière Caribou et le droit d'exploiter l'énergie hydro-électrique sont concédés par le gou-vernement du Québec, le 10 mai. Le bail emphytéotique de 21 ans, re-nouvelable sur demande, exige un coût de location annuel en plus d'une redevance sur la quantité d'électricité vendue. 323

Les premières démarches pour acquérir la machinerie spéciale sont entreprises à Montréal. Au fur et à mesure que les travaux pro-gressent, le compte en banque diminue. Au début de juillet, la Compa-gnie émet des obligations portant première hypothèque, rembour-sables dans dix ans, pour la somme de $40,000. 324

Cette émission d'obligations témoigne d'un manque de fonds et de premiers malaises financiers. Suite à la démission de Charles [217] Gravel, un des directeurs fondateurs, le poste vacant est confié à Jo-seph Gagnon, fils. Il faut à tout prix renflouer l'entreprise.

323 Ibid., Lettre du 10 mai 1921, pp. 37-38.324 Ibid., Réunion du ler juillet 1921, p. 44.

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BÉNÉDICTION DU POUVOIR ÉLECTRIQUE

Dimanche le 29 janvier dernier, avait lieu la bénédiction du nouveau pouvoir électrique du village de Ste-Anne. La bénédiction des nouvelles ma-chines fut faite par M. l'abbé A. Tremblay, vicaire de la paroisse. Plusieurs personnes de Ste-Anne et de Chicoutimi s'étaient rendues pour assister à la cérémonie et visiter le nouveau pouvoir qui est une vraie merveille :

Cette compagnie formée sous le titre de Compagnie électrique du Nord a pour promoteur du projet de développer un pouvoir sur la rivière Caribou. MM. Edmond Tremblay et Joseph Gagnon qui ont mené à bonne fin cette entreprise et ne se sont jamais découragés malgré les obstacles et les incon-vénients qu'ils ont rencontrés. Maintenant leur œuvre est terminée et elle a été couronnée de succès car le village de Ste-Anne peut se glorifier de pos-séder maintenant un pouvoir électrique de 340 forces. Ce projet commencé en février dernier est maintenant accompli et tout fonctionne à merveille. Les machines qui ont été achetées en Suisse sont des plus perfectionnées. La lumière que nous fournit la Compagnie Électrique du Nord est excellente.

La nouvelle compagnie a pour président M. Joseph Gagnon, père, secré-taire : M. Edmond Tremblay, directeur, M. Joseph Gagnon (fils).

Maintenant les principaux actionnaires sont : M. le curé J.-E. Lemieux, MM. Épiphane Gagnon, Jos. Gagnon (fils), Honoré Petit, Ludger Petit (fils), Ludger Tremblay, Émery Gravel, Ernest Tremblay (Michaud), Phydime Gauthier, Charles Gravel, Joseph Gagnon (père), Edmond Tremblay etc.

Le promoteur du projet, M. Edmond Tremblay, l'entrepreneur bien connu, a été aussi le principal organisateur de la Compagnie et le directeur des travaux de construction du pouvoir électrique. Bien secondé par M. Jos. Gagnon, cultivateur actif et entreprenant de notre village, ainsi que par les actionnaires, il a pu, en ces temps difficiles, arriver à bonne fin.

Nos félicitations aux promoteurs et à la Compagnie Électrique du Nord. »

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 277

La vente des obligations s'avère peu populaire. Malgré tout, la construction du petit pouvoir électrique avance sans fléchir. La « Dy-namo » de la rivière Caribou, car c'est ainsi que les anciens la nomment, est officiellement inaugurée lors de la bénédiction du 29 janvier 1922. 325

[218]

Dates de la formation du pont et de la dislocation de la glacedevant Chicoutimi, de 1880 à 1934

Année Départ des glaces Formation du pont

1880 4 mai 17 décembre1881 19 avril 14 décembre1882 2 mai 3 décembre1883 6 mai sans date1884 25 avril 18 décembre1885 4 mai 18 décembre1886 26 avril 3 décembre1887 5 mai 22 décembre1888 3 mai 13 décembre1889 21 avril 14 décembre1890 24 avril 1 décembre1891 20 avril 18 janvier 18921892 16 avril 22 décembre1893 6 mai 3 décembre1894 19 avril 10 décembre1895 22 avril 11 décembre1896 26 avril 15 décembre1897 19 avril 1 décembre1898 14 avril 31 décembre1899 25 avril 27 décembre1900 24 avril 13 décembre1901 15 avril 7 décembre1902 29 mars 9 décembre1903 11 avril 14 décembre1904 27 avril 13 décembre1905 19/20 avril 5 décembre

325 Le Progrès du Saguenay, 9 février 1922.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 278

Dates de la formation du pont et de la dislocation de la glacedevant Chicoutimi, de 1880 à 1934

Année Départ des glaces Formation du pont

1906 17/18 avril 4 décembre1907 19 avril 28 décembre1908 30 avril 14 décembre1909 20 avril 3/4 janvier 19101910 4 avril 11 / 12 décembre1911 27 avril 27/28 décembre1912 26 avril 12/13 décembre1913 20 avril 31 décembre1914 25 avril 10 décembre1915 15 avril 30 décembre1916 15 avril 19 décembre1917 18 avril 7 décembre1918 22 avril 26/27 décembre1919 12 avril 15 décembre1920 18/21 avril 31/1 décembre1921 16 avril 23 décembre1922 12/15 avril 27 décembre[219]1923 29 avril 31 décembre1924 7 avril 17/20 décembre1925 18 avril 10 décembre1926 22 avril 26 décembre1927 28 mars 15 janvier 19281928 7 avril sans date1929 sans date 4 janvier 19291930-31-32-33 sans date sans date1934 12 avril sans date

De 1880 à 1903, les renseignements proviennent du JOURNAL de Jean-Bap-tiste Petit, notes publiées dans le PROGRÈS DU SAGUENAY, 2 mai 1913.

De 1904 à 1934, les renseignements proviennent des « Notes prises par M. Omer Blais et fournies à M. Ed. Lavoie ». A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Trem-blay, Dossier 12, Pièce 1.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 279

La maintenance et le gardiennage sont confiés à Adrien Bouchard qui préfère abandonner la fonction suite au décès de son épouse, sur-venu aux installations mêmes de la rivière Caribou. Son poste est transféré à Joseph Bluteau. 326

La Compagnie n'est pas au bout de ses peines. M. Bouchard intente une poursuite en dommages et intérêts pour la somme de $5,000. Ce montant vient s'ajouter à la dette flottante de $32,354.70, dette garan-tie par les promoteurs et directeurs. Il faut inévitablement trouver une solution au problème financier. Après une année d'opération, la réunion annuelle reconfirme au conseil de direction les instigateurs du projet : Joseph Gagnon, président, Joseph Gagnon (fils), vice-pré-sident, Edmond Tremblay, secrétaire-trésorier. Ce nombre des direc-teurs sera augmenté à cinq, quelques mois plus tard, et, Émery Gravel et Hernest Tremblay accepteront ces responsabilités.

Différentes alternatives sont envisagées pour assainir les finances. La première démarche vise à vendre des actions à la Banque Natio-nale, mais ce moyen se révèle inadéquat. Il est capital d'élargir le ré-seau de distribution du courant.

La paroisse de Saint-Honoré, par la voie de ses représentants, Lud-ger Petit et Joseph Girard, est autorisée à faire préparer un contrat de service. 327 Lentement, la « ligne Ludger Petit » est montée. Pour com-bler l'éternelle pénurie d'argent, deux actionnaires, MM. Jos.

[220]Gagnon et Ernest Tremblay « Michaud » avancent les fonds néces-

saires. Le travail est réalisé au cours de l'été 1924. Graduellement, le réseau s'étend. Les cultivateurs éloignés qui désirent recevoir l'électri-cité, sont tenus de poser les poteaux à leurs frais.

L'année suivante, la Compagnie Électrique du Nord accorde à la Corporation de Saint-Fulgence la permission de construire la ligne de transmission qui reliera la municipalité au réseau de la rivière Cari-

326 A.N.Q.C., Fonds Dubuc, Article 37, Dossier IV, p. 13.327 Ibid., Réunion du 5 août 1922.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 280

bou. Encore une fois, l'argent nécessaire à ce travail provient des éco-nomies de MM. Gagnon et Tremblay. 328

Après la dernière réunion du 29 août 1925, il devient plus difficile de suivre la trace de l'entreprise électrique. Les livres de minutes sont introuvables et les journaux de l'époque ne relatent aucun fait s'y rap-portant. Nous savons par contre, grâce à l'Annuaire des Comtés de Chicoutimi, qu'en 1927 : « La Cie Électrique du Nord, qui a ses usines génératrices sur les lots no 28, du rg IV du canton Tremblay, 363 clients pour la lumière et 82 pour l'énergie. Capacité : 350 chevaux-vapeur, installation en janvier 1922, au prix de $60,000. ; le réseau couvre le village et les rangs II et III de canton Tremblay, le village de &-Fulgence et de St-Honoré. Prix pour la lumière : 10 sous l'heure-kilowatt ou taux fixe, pour l'énergie 2 sous. M. Joseph Ga-gnon, cultivateur, président ; M. Honoré Gagnon, secrétaire-tréso-rier. » 329

Les procès-verbaux réapparaissent avec la réunion du 10 octobre 1928. À partir de ce moment, la Compagnie n'est plus la même. Nous voyons arriver des personnages étrangers qui n'avaient aucun rapport antérieur à l'organisation. Sont présents, un dénommé Mc Neely Du-Bose, Paul Tellier, Vincent Dubuc, Edmond-Louis Maltais, J.-N. Gau-dreault et Médard Hudon, la plupart, de nouveaux actionnaires de la Compagnie. 330

Lors de la réunion, les anciens actionnaires n'ayant plus droit de vote en raison de la vente de leurs « débentures », sont littéralement évincés de la direction. L'assemblée générale, en partie représentée par les nouveaux membres, élit comme directeurs, MM. Mc Neely DuBose, Paul Tellier et Vincent Dubuc. Dans ce vent de changement, le siège social est transféré au bureau des notaires Belleau et Hudon, au 100 rue Cartier à Chicoutimi. Les dés sont jetés.

[221]L'organisation de Sainte-Anne s'est littéralement fait posséder par

les gens d'affaires de Chicoutimi. Lorsque Médor Hudon, l'un des an-ciens membres, s'aperçoit du subterfuge, il est trop tard. Afin d'empê-328 Ibid., Réunion du 29 août 1925.329 Annuaire des Comtés de Chicoutimi et du Lac-St-Jean, 1927, p. 255.330 A.N.Q.C., Fonds Dubuc, Article 37, Dossier IV, Réunion du 10 octobre,

1928.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 281

cher toute insertion des « anciens » dans le bureau de direction, les trois nouveaux directeurs votent le règlement No 6 qui fixe à trois seulement le nombre des directeurs.

La réunion suivante, celle du 29 octobre, sera décisive pour la Compagnie Électrique du Nord. On commence par acquitter toutes les dettes. D'abord, celle de $15,638.34 due à M. Joseph Gagnon et Emest Tremblay « Michaud », somme d'argent empruntée pour la construc-tion des réseaux de Saint-Fulgence et de Saint-Honoré. Puis, finale-ment, $7,968.30 due au village de Sainte-Anne.

Avec l'adoption du règlement No 7, nous comprenons mieux les enjeux, car on y autorise « la vente de l'entreprise et de l'actif de la Compagnie, à la Compagnie Électrique du Saguenay ». La transaction se chiffre à $167,268.23. L'audition des livres de la Compagnie par le comptable François Paradis révèle un actif total de $102,961.00. 331

La Compagnie Électrique du Saguenayprend la relève dans un contexte difficile

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L'arrivée de ce nouveau fournisseur plus puissant, car régional, si-gnifie l'entrée dans la nouvelle ère de l'électricité. Du minuscule pou-voir de la rivière Caribou à l'énorme barrage de Shipshaw, un peu plus d'une décennie les sépare. L'espace temps est infime mais le change-ment reste fondamental, profond et sans commune mesure.

En réalité,, il faut chercher à voir dans la prise de contrôle de la Compagnie Électrique du Nord un plan structuré dans le but de domi-ner tout le marché hydro-électrique de la région du Saguenay Lac Saint-Jean. Cette action s'avère positive. La stratégie demeure bien or-chestrée car à Sainte-Anne, comme un peu partout où il y a de petits pouvoirs archaïques, la population devient de plus en plus mal desser-vie. L'équipement acquis après des efforts importants se révèle désuet, le personnel en place, mal préparé techniquement, n'est plus en me-sure d'offrir un service adéquat et le taux du service grimpe de façon vertigineuse. En regard à cet état de faits, nous sommes tentés de

331 Ibid., Réunion du 29 octobre 1928.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 282

croire que la liquidation des actions a été rendue possible par quelques-uns des fondateurs.

[222]Lorsque les actionnaires fondateurs de la Compagnie Électrique du

Nord se départissent de leurs actions en 1928, il faut croire qu'ils ont eu d'heureuses prémonitions. La « Grande Crise » de 1929 se prépare et le monde entier sera bientôt fortement secoué.

Au Saguenay, cette crise se traduit par les rigueurs du chômage. À peine la région commence-t-elle à se relever de la tragédie boursière que la deuxième grande guerre éclate, entraînant une rareté de maté-riel et de main-d'œuvre, empêchant la Compagnie de donner suite à son programme d'extension déjà en retard. Ce n'est en réalité qu'après la guerre que la Compagnie Électrique du Saguenay peut donner sa pleine mesure. 332

D'autres problèmes plus graves la menacent. Dans un premier temps la municipalisation de l'électricité anime bien des débats au mi-lieu des années cinquante. La conclusion arrive plus rapidement qu'on l'aurait espéré. C'est la nationalisation de toutes les compagnies d'élec-tricité.

332 Les 30 ans de la Compagnie Électrique du Saguenay, 1927-1957, sans date ni signature, publication conservée aux A.N.Q.C., Fonds Mgr Victor Trernblay, Dossier 1548, Pièce 7.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 283

[223]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.

EN GUISE DE CONCLUSION

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Le premier volume de l'Histoire de Chicoutimi-Nord est sensé dé-gager, à travers les différents chapitres, toute une humeur et toute une atmosphère d'une certaine époque. Avant 1893, le canton Tremblay assiste à l'arrivée des pionniers qui s'affairent immédiatement à orga-niser les bases d'une nouvelle communauté. La seconde moitié du XIXe siècle, au Québec, assiste à la formation de plusieurs dizaines de ces villages. Les premiers arrivants détiennent, pour la plupart, un ca-ractère commun : le dénuement matériel et la pauvreté à leur arrivée.

Ce sont des familles entières, bien souvent de l'aïeul au petit-fils, qui arrivent pour prendre possession de cette véritable terre promise. Chaque lieu de débarquement donne naissance à une paroisse et se dé-veloppe en répondant à ses propres critères. Tantôt, ce sont les mon-tagnes qui conditionnent le type d'organisation, tantôt c'est la proximi-té d'un lac, tantôt c'est le caractère de la famille qui creuse le premier sillon.

Ici, À Sainte-Anne, le moteur du modèle, c'est la rivière Saguenay. Elle est infranchissable s'il n'y a pas de planification communautaire. À certaines époques de l'année, la population doit se replier sur elle-même, sans compter sur aucun apport extérieur. De cette situation, des traditions, des us, des coutumes et des personnages naissent, Arrêtons-nous pour penser seulement au « père Épiphane », lequel n'existe plus sans la traverse.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 284

De 1848 à 1954, ce qui prime avant tout c'est la dimension typi-quement rurale et villageoise des lieux. Nous n'avons qu'à comparer les espaces réels du village et de la paroisse pour constater que cette dernière est supérieurement étendue : les écoles y sont aussi plus nom-breuses, et en terme économique, elle produit plus.

[224]Mais graduellement, le territoire du village de Sainte-Anne s'agran-

dit au détriment du canton Tremblay et, dans un même souffle, la pa-roisse donne naissance à de nouvelles entités religieuses et civiles. Au milieu du vingtième siècle, Sainte-Anne perd son caractère rural. La population s'accroît à un rythme prononcé et la construction domici-liaire, qui connaît une croissance rapide, façonne, en moins d'une dé-cennie, le nouveau visage plus mature de la ville de Chicoutimi-Nord.

L'élaboration d'un bon système de communication avec Chicoutimi et les autres centres reste l'une des grandes préoccupations populaires. On réussit à apprivoiser le Saguenay et à assurer un lien terrestre avec le versant nord du Lac Saint-Jean.

Dans un certain sens, la nouvelle époque qui commence avec la municipalité de la ville de Chicoutimi-Nord, en 1954, assure la conti-nuité dans l'amélioration et l'agrandissement de l'infrastructure rou-tière. Cette époque organise la réalisation d'un lien avec la Côte Nord du Saint-Laurent. De plus, le nouveau pont Dubuc réussit presque à faire croire que le caractère de l'isolement est maintenant chose du passé.

Le second volume tentera de définir justement la nouvelle condi-tion et les étapes de l'urbanisation de Chicoutimi-Nord. Avec Rosario Morin, cet entrepreneur forestier imagé, ingénieux et infatigable, nous verrons que la forêt reste omniprésente dans l'activité économique et sociale. Nous constaterons aussi, impuissant, que Chicoutimi-Nord ne peut résister à la force d'attraction de Chicoutimi, sans que cela soit souhaitable pour autant.

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 285

[225]

Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er.

INDEX

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Alexander, James : 32Amérindiens : 119Anse-aux-Foins : Voir Saint-Ful-

gence, 44-48Aqueduc : 123, 130

Bateau, l'Alcyon : 129,132Bateau, La Brouette : 60Bateau, Le Louis-Joseph : 156Bateau, Le Marie-Louise : 31,

129, 161Bateau, Le Ste-Anne : 60, 130-

133Bateau, Le Tremblay : 132-135,

178Baillargeon, Mgr C.-F. : 66Beaulieu dit Hudon, Georges : 72Bérard, l'abbé : 148Bergeron, Mme Alfred : 104Bernier, l'abbé Charles-Augus-

tin : 63

Berubé, Antoine : 200Blair, Robert : 20Blais, Orner : 219Blackburn, Augustin : 37Blackburn, Albert : 10Blackburn, Cimon : 10Blackburn, Clet : 37Blackburn, Joseph : 10, 17, 37Blouin, l'abbé J.-B. : 145, 146Bluteau, Joseph : 219Boivin, Charles : 91, 106, 109,

123, 152-158, 206Boivin, Elzéar : 137Boivin, Henriette : 100Boivin, Rock : 207Bossé, l'abbé Edmond : 129, 148Bossé, Sophie : 69Bouchard, Adélard : 207Bouchard, Adrienne : 219Bouchard, André : 194, 197Bouchard, Égide : 201

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 286

Bouchard, Flavien : 37, 59Bouchard, Jean : 66, 91, 99Bouchard, Joseph : 109, 122,

197, 206Bouchard, le curé Léonce : 164Bouchard, Louis : 37, 72, 122Bouchard, Paul : 45Bouchard, Pierre : 72Bouchard, Toussaint : Voir Mou-

lin à farine, 45, 103, 207Bouchard, Zacharie : 72Boucher, Charles : 201Boucher, David : 166Boucher, Eugère : 73Boucher, Eugène : 122Boucher, Gaston : 168Boucher, Johnny : 207Boucher, Louis : 23, 72, 193,

194, 197, 207Boucher, Maurice : 165-166Boucher, Nazaire : 24, 55, 58,

73, 207Bouchette, Joseph : 5Boudreault, Joséphine : 69Boulianne, Pierre : 37, 62Bourget, canton : 54, 87Bourget, l’abbé Edgar : 148Brassard, Cléophe : 39-41, 72,

103-106, 109, 156[226]Brassard, David-Joseph : 106Brassard, Éphrem : 103Brassard, Ferdinand : 103Brassard, Joseph : 105Brassard, Louis : 105Brassard, Théophile : 103Brisson, Henri : 149Brisson, Pierre : 37Buies, Arthur : 4

Caisse de Petite Économie : 200Cap Saint-François : 10, 45, 72Cap Saint-Joseph : 10, 45, 62Chamberland, Joseph : 18, 27Chaux : 188, Voir Petite Indus-

trieChemin Archambault : 51, 54-56Chemin Bourget : 51Chute-à-Caron : 57Cimetière : 77Claveau, J.-A. : 137Collard, Joseph : 62Compagnie de la Baie d'Hudson :

7, 9, 16, 32, 34Compagnie Électrique de Chi-

coutimi : 211Compagnie Électrique du Nord :

214-221Compagnie Industrielle Smith :

56Compagnie du Pont de Sainte-

Anne : 137-141Compagnie Price : 56Compagnie de Téléphone Sague-

nay : 208Compagnie de la Traverse de

Sainte-Anne : 130Comté Chicoutimi : 20-21Côté, Abel : 122Côté, Éloi : 166Côté, Henry : 193, 194, 197, 198Côté, Jean-Baptiste : 21Côté, Marcel : 39-41, 82, 106Côté, Théophile : 174Couillard, Caroline : 84Croix de Sainte-Anne : 176-180

Dallaire, Joseph : 166

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 287

Décharge, La : 55Dechesne, Lauretta : 29Delâge, curé F.-X. : 36, 70-73,

106, 158-161, 178Delisle, Gustave : 139, 140Delisle, Hubert : 23Desbiens, Albanie : 174Desbiens, Eugène : 122Desbiens, Louis-Philippe : 137Desbiens, Raoul : 200, 207Deschêne, Marckom : 34Desgagné, l'abbé Armand :Desgagné, Joseph : 47Desmeules, David : 173Desmeules, Épiphane : 25, 121,

122Desmeules, Jos. : 174Dionne, Jean-Baptiste : 76Domaine du Roi : 4Drapeau, Stanislas : 36, 50Drolet, J.-P. : 200Duberger, P. : 69Dubois, docteur Cyrille : 18, 22-

31, 50Dubois, Louis : 23Dubose, McNeely : 220Dubose, Roland : 200Dubuc, J.-E.-A. : 138, 197, 200,

206Dubuc, Vincent : 220Duchesne, Clet : 45, 65, 73Duchesne, Édouard : 65Duchesne, Émilien : 37Duchesne, Frédéric : 45Dufour, Auguste : 37Dufour, Clément : 106Dufour, Hypolite : 145Dufour, Rosette : 69Dumas, Alexis : 62

Duval, Étienne : 37

Falardeau : 38Fête de Dollard : 168Fête de la Saint-Jean-Baptiste :

213Feu de 1870 : 70-73Feu de 1915 : 110Filion, Frédéric : 14Fillion, Ferdinand : 37Fleury, Damase : 164Fleury, Joseph : 22, 55[227]Fortin, Antoine : 37Fortin, Georges : 188Fournier, O.-B. : 17, 18Frère Louis-Robert : 187Frères Maristes : 187Frère Onésime-Gérard : 187Frère Régis-Armand : 187

Gagné, Alex : 122Gagné, Élias : 200Gagné, Hector : 122Gagné, Jacques : 59Gagné, Louis : 122Gagnon, Alex : 122, 130Gagnon, Ambroise : 10, 21, 22,

37, 50, 66, 207Gagnon, Antoine : 66Gagnon, Épiphane : 60, 127-130,

161, 217, 223Gagnon, François : 37Gagnon, Honoré : 201Gagnon, l'abbé Jean-Baptiste :

17, 37, 45, 64, 65Gagnon, Johnny :60Gagnon, Joseph : 37, 109, 201,

207, 214, 217, 219, 221

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 288

Gagnon, Louis : 123, 124, 157Gagnon, Magloire : 21, 22Gagnon, Nicole : 166Gagnon, Philomène : 69Gagnon, Robert : 166Gagnon, Télesphore : 10Gagnon, Thadée : 10, 37Gagnon, Théophile : 37Gaudreault, Augustin : 45Gaudreault, Rémi : 37Gaudreault, Thimothé : 37Gauthier, Abraham : 122Gauthier, Armand : 122Gauthier, Mme Armand : 166Gauthier, Edgar : 149Gauthier, Elzéar : 122Gauthier, Eusèbe : 91Gauthier, Émilien : 73Gauthier, Ferdinand : 20, 22Gauthier, Georges : 22, 37, 73,

91Gauthier, Jean : 84Gauthier, Laval : 207Gauthier, Phydime : 109, 137,

207, 217Gauthier, Pierre : 122Gauthier et Tremblay : 200Gauthier, William : 179Girard, Antoine : 65Girard, Artimise : 30, 31Girard, Isaïe : 31, 37, 65Girard, Johnny :23Girard, Joseph : 219Girard, Léandre : 37Gravel, Alphe : 202Gravel, Charles : 214, 216-217Gravel, Émery : 184, 202-204,

207, 217, 219Gravel, Ernest : 194, 197, 198

Gravel, Ignace : 20Gravel, Jean-Marie : 202-204Gravel, Louis : 73Gravel, Médéric : 148Godin, Louis-Philippe : 197Grêle de 1898 : 120Guay, Abel : 37Guay, Abraham : 72Guay, Élisée : 37Guay, John : 58, 62, 69Guay, J.-F. : 211Guay, L.E. : 194, 197Guay, P.-A. : 205, 206Guimond, Martin : 77

Hamel, Maurice : 191Harvey, le canton : 15, 16, 21,

22, 35, 36, 44, 45, 47, 82Harvey, Jos. : 197Harvey, Louis : 21Harvey, Marguerite : 86Harvey, Marie : 24, 69Harvey, Onésime : 91, 109, 206,

207Harvey, Protais : 21Hoffman, le curé : 63-66, 67Hudon, Georges : 191, 207Hudon, Médor : 24, 105, 207,

220, 221

Industries du Cap Ltée : 195[228]

Jacques, Louis : 37Jean, Adolphe : 65Jean, François : 45Jean, Grégoire : 37

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 289

Kane, John : 20, 21, 69

Labonté, Marie-Louise : 28Lachance, Jean : 37Lachance, Marie : 86Lac Charles : 38Lac Clair : 38, 77, 119La Dalle : 68Laforge, Hypolite : 37, 63Laforge, Napoléon : 37Lalancette, Thomas : 122Lapointe, Elzéar : 23Larouche, Alex : 197Laterrière : 5, 22Lavoie, Joseph : 37Leclerc, Charles : 117Legendre, Louis : 10, 11, 15, 17,

20, 34Lemarié, Marie-Louise : 23Lemieux, le curé : 147, 166-170,

183, 217Lemieux, Edmond : 45, 122Lemieux, Eucher : 22, 167Lemieux, Eugène : 45Lemieux, François : 10, 100, 102Lespérance, Hubert : 122Ligue du Sacré-Cœur : 122

Mailloux, Albert : 137Mailly, les frères : 137Mallois, Pierre : 149Maltais, l'abbé Alexandre : 8,

172-176, 180Maltais, Edmond-Louis : 220Marcoux, Étienne : 145Marie-Anne, la cloche : 69Marier, Jérémie : 37Martel, curé : 162-164, 170-172,

176

Martel, Louis : 60Mascarade, la : 201Mc Claren, David : 22Mc Leod, Peter : 8, 9, 10-14, 23,

25-27, 30, 32, 34, 50, 99, 100Michaud, Michel à : 35Mistouk : 54Morin, Émile : 23Morin, Isidore : 83Morin, Louis : 23Morin, Rosario : 35, 191, 199-

200Morin, Wilfrid : 23Morin, Xavier : 23Morissette, Alice : 30Morissette, Diana : 30Morissette, François : 8, 27, 28-

32, 85, 121, 128, 210Morissette, Hélène : 30Morissette, Joseph : 30, 92Morissette, Louis : 18, 8, 28, 29,

30, 31, 121, 122Morissette, Louise : 30Morissette, Marie : 28Morissette, Rodolphe : 149Morissette, Rose : 30Morissette, William : 30Moulin à farine : Voir Toussaint

Bouchard, 55, 58Moulin des Grenon : 192Murdock, John : 140

Natipi, Paul : 119Nepton, Carrier : 47Neron, François : 10Nicolas, Étienne : 45Nicolas, François : 45

Octo enr., les produits : 200

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 290

Otis, l’abbé Lucien : 66Ouellet, Alexis : 65Ouellet, David : 147Ouellet, Edmond : 122Ouellet, Sophie : 65

Paradis, François : 221Perron, Jérémi : 122Petit, Mme Flora : 186Petit, Honoré : 127, 170, 186,

206, 207, 217Petit, Jean-Baptiste : 219, 229Petit, Léon : 186Petit, Ludger : 72, 80, 105, 116,

137, 179, 186, 207, 217, 219Pilote, Épiphane : 21Plamondon, Charles : 183Pointe-aux-Roches : 5Pont de glace : 23Pont de Sainte-Anne : 135-142Pont de la rivière Valin : 95Poste de traite de Chicoutimi : 4Potvin, Angèle : 65Potvin, Prudent : 22, 45Price, David : 17, 18, 19, 48, 49

Recouligin, Georges : 119Redman, John : 156Renald, Alfred : 37, 69Renald, David-Pantalion : 99Renald, Ferdinand : 99Renald, François : 10, 98-103Renald, Joseph : 81, 103Renald, Joseph-Théophile : 99,

100Renald, Ludger : 201Renald, Marie-Joséphine : 99Renald, Michel : 98Renald, Paul : 102

Rens, Élisabeth : 28Rhainds, Georges : 10, 17Rhéaume, René : 45, 47Richard, le curé : 68-69Rivière des Aulnaies : 24Rivière Caribou : Voir Compa-

gnie Électrique..., 5, 11, 20, 45, 47

Rivière Michaud : 101Rivière aux Outardes : 5, 16Rivière aux Vases : 12Rivière Pissiamitsh : 4Rivière Sainte-Marguerite : 4, 5Rivière Valin : 4, 5, 11, 17, 18,

20, 25, 66, 95Rochefort, Arthur : 185Roy, Henri : 207Roussel, le curé : 73, 74, 76-78,

84, 86, 143, 144Route Sainte-Anne Tadoussac :

44Route Sainte-Marie : 115Ruel, Émile : 180Ruisseau Rouge : 101

Saint-Ambroise : 109, 151Saint-Charles : 51, 55, 109, 125,

151, 190, voir le curé RichardSaint-Cœur-de-Marie : 51, 54, 56Saint-David-de-Falardeau : 151,

188Saint-Fulgence : 9, 16, 32, 55,

56, 64, 65, 109, 125, 137, 151Saint-Gelais, Jacques : 47Saint-Hilaire, Jos. : 23Saint-Honoré : 109, 137, 151,

188, 190Saint-Jean-Vianney : 12, 151Saint-Luc : 120, 152

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Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 291

Sainte-Rose-du-Nord : 151Sainte-Claire : 152Saucier, Ths.-É. : 23Savard, Alex. : 122Savard, Alexandre : 120Savard, le docteur : 148Savard, Edmond : 122Savard, Georges : 122Savard, Honoré : 122Savard, Léon : 45Savard, Louis : 21, 45, 47, 90,

122Savard, Thomas : 37, 122Savard, Wilfrid : 122Savard, Xavier : 194, 197Simard, le canton : 10, 15, 16,

21, 22, 35, 36, 44, 47, 48, 49, 50, 54, 82

Simard, Célestin : 45Simard, Charles : 27, 28, 200Simard, Émile : 53-54, 93, 207Simard, Épimage : 152-155Simard, Félix : 21Simard, Georges : 137Simard, Michel : 9, 32, 34, 45, 47Simard, Théodule : 93Siméon, Françis : 119Siméon, Pierre : 119Société Roussel : 77Société de Tempérance : 70, 77Société des Vingt et Un : 7Sœurs du Bon Conseil : 183,

184, 187[230]

Taché, Charles : 5Taché, Pascal : 4Talbot, Louis : 148Tellier, Paul : 220

Terres-Rompues : 5, 9, 11-14, 56, 80, 13 1, voir Mc Leod

Tessier, David : 207Tinettes : 52-53Toussaint, Napoléon : 37, 91, 92,

94, 95, 96, 97Tremblay, Alexis : 179, 207Tremblay, Alexis (dit Cornette) :

106, 155Tremblay, Alexis (dit Kessi) : 35,

37, 62, 63, 69, 123, 124, 127Tremblay, Alexis (dit Picoté) : 15Tremblay, Alfred : 55Tremblay, Alonzo : 207Tremblay, Alphe : 122Tremblay, Ambroise : 184Tremblay, Antoinette : 149Tremblay, Benjamin : 122Tremblay, Charles-Eugène : 207Tremblay, David : 122Tremblay, Delphis : 122Tremblay, Edmond : 37, 123,

148, 214, 217, 219Tremblay, Elzéar : 122Tremblay, Émilien : 10, 17, 21,

22, 37, 73Tremblay, Ernest : 217, 219, 220,

221Tremblay, Étienne : 100Tremblay, Eucher : 47, 122Tremblay, Eugère : 45Tremblay, Henri (dit Alexis) :

109Tremblay, Ignace : 45Tremblay, Jean : 10, 37Tremblay, Jean-Baptiste : 122Tremblay, Jimmy : 27, 207Tremblay, Joseph : 21, 37, 73,

94, 122, 133

Page 292: Histoire de Chicoutimi-Nord

Russel Aurore Bouchard, Histoire de Chicoutimi-Nord. Tome 1er. (1985) 292

Tremblay, Joseph (dit Alexis) : 207

Tremblay, Jos. (dit Cornette) : 155

Tremblay, J.-O. : 15Tremblay, Jules : 10, 37, 101,

102, 103Tremblay, Laure : 86Tremblay, Léandre : 37Tremblay, Louis : 10, 11, 17, 21,

37, 154Tremblay, Louis-Néré: 109Tremblay, L.-O. : 38Tremblay, Luc : 37Tremblay, Ludger : 217Tremblay,Marc : 122Tremblay, Marcel : 45Tremblay, Méron : 78Tremblay, Michel (dit le Gros

Micho) : 10, 14, 22, 32-35, 37,100

Tremblay, Néré: 206, 207Tremblay, Néron : 69Tremblay, Onésime (dit Lucon) :

130Tremblay, Ovide : 96Tremblay, Petit : 93Tremblay, Philibert : 37, 91

Tremblay, Pierre : 69Tremblay, Renald : 37Tremblay, Reule : 122Tremblay, Saint-Georges : 179Tremblay, Simon : 122Tremblay, Thomas : 37, 62, 121Tremblay, Thomas-Ubald : 122Tremblay, Wilfrid : 122 Turcotte, Herménégilde : 28

Union Saint-Joseph : 117

Valin : 173Verreau, François : 4Verreault, l'abbé Arthur : 164Verrières, les : 149-151Vézina, Paul : 140Villeneuve, Charles : 86Villeneuve, Isaïe : 14Villeneuve, Jean-Claude : 207Villeneuve, Joseph : 147, 207Villeneuve, Léonce : 207Villeneuve, Ovide : 197Villeneuve, Paul-Eugène : 149Voitures à chevaux : 49

Warren, William : 211

Fin du texte