Histoire de l Economie

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  • 7/31/2019 Histoire de l Economie

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    Histoire de lanalyse conomique

    1 Lobjet et les enjeux de la thorie conomique

    La thorie conomique a pour objectif de comprendre les mcanismes de fonctionnement dune

    conomie de march et den tirer les leons quant lopportunit de lintervention tatique

    correspondante, ce qui prsuppose ltude de la viabilit dune conomie dcentralise(conomie de march), en lexaminant en dtail (salariat, distribution du revenu, existence et

    cause des ingalits, de la pauvret, de lexploitation, quelles sont les actions optimales des

    individus...).

    Lconomie tant une rflexion sur lorganisation conomique idale de la socit, lenjeu

    politique est donc prpondrant. Le formalisme en conomie est cependant indispensable afin

    de fournir les fondements dune discussion politique srieuse. Loprationnalit thorique est

    prfrable lessentialisme (s'intresser la dimension historique et aux institutions =

    MENGER, HAYEK...) ou le ralisme afin darriver de bons rsultats, puisque la thorie nest

    quun support la dcision politique et ne ncessite donc pas de reprsenter parfaitement la

    ralit (ce qui est ingrable). Il faut opposer et distinguer la plasticit idologique des thories

    (thorie) et le caractre idologiquement engag des thoriciens (mtathorie, c.a.d lutilisationfaite de la thorie). Ainsi, la thorie no-classique ne peut tre confondue avec lidologie

    librale, mme si la majorit des conomistes no-classiques sont pour le libralisme. De mme,

    la thorie walrassienne peut aussi tre utilise pour construire des modles dmontrant la

    supriorit de lintervention tatique ou mettant en avant des thses marxistes.

    2 Unicit ou pluralit de la thorie conomique

    Plutt que de concevoir lhistoire des sciences conomiques comme suivant un dveloppement

    linaire, il peut tre admis quil existe plusieurs thories ou courants (nous avons cependant vu

    quil tait difficile de dterminer les caractres propres caractriser un courant).

    Trois traditions marxistes, classiques et no-classiques viennent lesprit. Mais celles-ci sont

    plutt des mtathories car Marx peut tre considr comme classique, appartenant un vaste

    axe de pense allant de Ricardo Saffra. En revanche, les no-classiques peuvent tre spars

    entre thories marshallienne, walrassienne et autrichienne. Enfin lapproche montaire peut

    regrouper les intuitions non-classiques de Marx et les interprtations htrodoxes de Keynes et

    des vues kaleckiennes.

    Pour distinguer diffrentes approches thoriques, on peut par exemple le faire sur les priorits

    que choisissent chacune. Ainsi, les classiques ont pour question centrale la croissance et la

    stagnation tandis que les no-classiques donnent la priorit ltude de la dcision rationnelle et

    de lefficience, linterrogation sur la croissance subsistant mais avec un poids moindre et sous la

    forme dune analyse des conditions dune croissance quilibre plutt que sous celle dune

    rflexion sur le dclin du systme. De mme, au contraire des no-classiques, les classiques

    tudient la valeur moins pour elle-mme que comme passage oblig dans une rflexion ayantpour objet la rpartition ou lexploitation.

    On peut aussi distinguer diffrentes approches par leurs choix mthodologiques. Ainsi, sil lon

    retient la mthodologie dhomognit, les classiques sont distinctivistes car ils distinguent

    valeur dusage et valeur dchange, biens produits et ressources naturelles, et voient le prix

    comme une catgorie multiple gouverne par des classes de dtermination distinctes. En

    revanche, la thorie walrasienne est homogne car elle argue que la science doit subsumer un

    champs pars de phnomnes sous une logique unique. Si on retient comme critre lquilibre,

    les classiques et la gravitation (changes prix faux c.a.d. hors de lquilibre et oscillation du

    prix de march hors de lquilibre) par exemple sopposent la thorie walrasienne qui propose

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    le ttonnement, ce qui exclut de tels changes. On peut aussi choisir la place de la monnaie vue

    comme dichotomique (lconomie de march est vue comme un troc) ou selon la perspective

    montaire (la monnaie est une composante essentielle). La valeur est aussi un critre

    intressant : valeur-travail, thorie subjective de la valeur ou approche montaire : il est possible

    dtudier le fonctionnement de lconomie sans rfrence une thorie de la valeur ou du prix

    dquilibre, les comptes des agents conomiques devenant la norme exclusive dquilibre.Dernier choix, lintgration de la population et partant de loffre de travail salari : population

    endogne et salaire rl exogne (classique) ou linverse (les autres).

    Daprs tous ces critres, on se rend compte que parmi les trois composantes de lapproche no-

    classique, la thorie walrasienne se distingue le plus de lapproche classique. Classiques et no-

    classiques ont principalement seulement en commun lacceptation de la dichotomie entre sphre

    relle et montaire. La thorie no-autrichienne est no-classique par son accentuation du sujet

    dcideur mais elle partage avec les autres problmatiques une rflexion en termes de

    dsquilibre.

    Si lon ne retient que deux critres afin daboutir une typologie plus restreinte, le statut

    dcisionnel des agents (statut identique de tous les agents = approche no-classique, linverse =

    approche classique et montaire) et la modalit dapprhension des grandeurs conomiques(thories de la valeur ou approche montaire).

    Lvolution des thories conomiques

    Adam Smith (1723-1790)

    Dans Les recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, A. SMITH dcrit

    lconomie de march comme un systme bas sur un mcanisme dajustement spontan et

    efficace, la concurrence et vante avec force la thse du libralisme conomique.

    Selon lui, le meilleur moyen pour accrotre la richesse des nations est de laisser faire les

    individus et de limiter laction du gouvernement lencadrement lgislatif (la main invisible).

    Ayant russi donner une rponse conomique des questions philosophiques, ces ides ont

    fait de lui le fondateur de lconomie politique, ce qui est selon SCHUMPETER plus une

    affaire de circonstance que de mrite. Smith pense comme Locke (au contraire dHobbes qui

    envisagent des mesures draconiennes pour rsorber les passions) que lindividu dresse lui-

    mme des barrires contre ses propres passions.

    La thorie smithienne de la valeur se rsume en trois points :

    _ la valeur dchange (ou prix relatif) dun bien est son cot rel (= cot dopportunit) mais

    celui-ci nest pas directement mesurable.

    _ la dtermination du prix dquilibre (ou naturel) dune marchandise slabore partir de la

    thorie des composantes (= le prix permet de rmunrer les facteurs de production/travail, terre,

    capital/ leur taux naturel).

    _ Le prix naturel se rfre au long terme tandis que le prix de march au court terme. Le prix de

    march diffre du prix d'quilibre en fonction des dsquilibres entre offre et demande, mais lagravitation fait que les carts se rsorbent terme.

    En disant que le travail est en gnral la source de toute valeur, il adhre la thorie de valeur-

    travail incorpore, fondement alternatif et proprement classique dune thorie des prix. Or, le

    cot rel ntant pas mesurable, SMITH propose que lon prenne le salaire comme mesure de la

    valeur (cest la thorie du travail command : la valeur dun bien se mesure la quantit de

    travail salari quelle peut acheter). Il tend ainsi assimiler la thorie du travail command

    une thorie de la valeur, alternative la thorie du travail-incorpor. Or, son objet nest pas la

    valeur ou la dtermination du prix dquilibre mais la mesure du pouvoir dachat (il confond

    mesure et dtermination de la valeur lorsquil donne penser que dans ltat rude et primitif le

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    naturaliste, alors que Marx la interprte en termes dexploitation, Marx a tudi lavnement

    du capitalisme, et ses nouvelles thories ont fortement t empreintes didologie.

    Il a de mme t un prcurseur de lapproche montaire par ses travaux sur la nature dune

    conomie dcentralise et ses caractristiques, le rle de la monnaie, la spcificit de lchange

    salarial, la distinction travail/force de travail, la possibilit dune endognisation du salaire

    rel, la pression du chmage sur la ngociation salariale, ce qui le rapproche dans un sens deKeynes. Les montaires sont cependant toujours rests rticents ladhsion de Marx la

    valeur-travail. Marx en avait besoin pour prouver (et non pas supposer) lexploitation. Ceci

    impliquait quil se place dans une perspective dquilibre ralis (afin dliminer les profits de

    circulation), et en voulant aboutir la dmonstration de lexploitation, il dut proposer une

    reprsentation tout fait dterministe de lconomie de march dans laquelle la lutte des classes

    joue un rle minime.

    La rvolution marginaliste

    Elle rsulte de la similitude thorique entre diffrents chercheurs et des poques proches. Ils

    saccordent sur le subjectivisme (le sujet conomique, oprateur de choix, rationnel et

    optimisateur, devient le centre dattention du problme; le problme conomique est redfini

    comme lallocation des ressources rares des fins multiples) et sur le marginalisme :1- abandon de certaines distinctions des classiques : dichotomie entre valeur dchange et

    valeur dusage, pluralit des notions dquilibre...;

    2- distinction entre utilit totale et marginale et intuition de son caractre dcroissant;

    3- extension lensemble du raisonnement conomique de lanalyse ricardienne de la rente et

    dtermination du prix en fonction de la situation marginale;

    4- Rle central donn lide dalternative et de substitualit la marge, autant pour la

    consommation que pour la production, ce qui dbouche sur le principe dquimarginalit et sur

    le remplacement de lide de cot de production historique par celui de cot dopportunit.

    Les courants walrasiens et marshallien sont les plus proches par la priorit donne lexistence

    de lquilibre et la voix mathmatique emprunte. En revanche Menger, fondateur de lcole

    autrichienne, soppose aux classiques sur la thorie de la valeur, mais donne comme eux la

    priorit la croissance et a un got pour les distinctions substancielles, se proccupe de

    dimension historique et de lmergence des institutions et privilgie lexplication causale-

    gntique, a des vues trs radicales propos de lquilibre (contrairement Walras) que

    lconomie ne peut selon lui pas atteindre ni mme tre dcrit par lconomiste, il ne croit pas

    en lunicit des prix et pense que le monopole est plus archtypal que la concurrence, et

    sintresse lessence des choses et non pas loprationnalit thorique (la fonction dutilit

    est discontinue et ne peut donc pas tre utilise mathmatiquement).

    Le caractre rvolutionnaire est discutable. Marshall, partisan de lunion des conomistes,

    regrettait les jugements trs tranchs de Jevons sur Ricardo et Mill et plaait la thorie

    subjective de la valeur comme un complment de la thorie objective. En Autriche, lapprochemarginaliste se dveloppa par opposition lhistoricisme des conomistes allemands mais neut

    pas dcho en Allemagne. Walras (et lEcole de Lausanne), contrairement Marshall et

    Menger, navait pas de pouvoir institutionnel et ses thses nont t acceptes que trs

    progressivement.

    Les causes de lmergence du marginalisme sont sans doute les dfauts de la problmatique

    classique (insuffisance logique de la thorie de la valeur-travail : impasses pour Marx et

    Ricardo, perte de pertinence des hypothses classiques due au cours de lhistoire : thorie de la

    population, du salaire de subsistance, argument idologique de la thorie de la valeur qui

    assimilait le profit une spoliation puisque seul le travail cre de la valeur et qui ne pouvait

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    donc servir que des causes socialistes hostiles au capitalisme) et les qualits de la nouvelle

    (scientificit suprieure, caractre indispensable dune interrogation sur les micro-fondements).

    Lon Walras (1834-1910)

    Limportance de Walras, aujourdhui non conteste, a t trs lente (il na pu obtenir de chaire

    en France). Contrairement Marshall, il tait conscient doprer une rupture thorique et

    dfendait une approche abstraite et mathmatique de lconomie sur le modle de la physiquemcanique. Dans les Elments dconomie pure (1874 et 1877), Walras propose une

    conceptualisation originale sous la forme dun systme dquations simultanes qui tudie

    linterdpendance des phnomnes conomiques. Il dveloppe une argumentation en cercles

    concentriques, c.a.d. quil part dun modle lmentaire et le gnralise par lintroduction de

    dterminations supplmentaires.

    Il analyse ainsi la dtermination des prix des biens et des services, passe ensuite celle des

    services producteurs, des biens de capital et enfin de la monnaie (dont lintroduction en dernire

    tape sert seulement dterminer le niveau absolu des prix et ne remet pas en cause le point de

    vue dichotomique adopt par Walras), chacun des modles tant analys sous langle de

    lexistence de lquilibre et de celui de la stabilit. Son modle le plus lmentaire sur lchange

    de deux marchandises entre elles prsente les caractristiques suivantes : information parfaitequant la qualit des biens, fondement de la demande dans la raret, maximisation de lutilit,

    utilit marginale dcroissante, caractre additif et indpendant des fonctions dutilit, possibilit

    de survie des agents hors de lchange, change direct dit bien contre bien, interdpendance de

    loffre et de la demande, rgle dajustement. Le modle aboutit lgalit du prix relatif et du

    rapport des utilits marginales, puis la loi de Walras et au thorme gnral du bien-tre.

    Lorsque son analyse est tendue aux marchs des services producteurs, il distingue le service

    procur par une ressource et la ressource elle-mme (et leurs prix respectifs), ce qui est une

    avance importante de la thorie no-classique. Ceci permet une homognisation des facteurs

    de production et le remplacement dune perspective stock par une perspective flux et libre

    alors de la mthodologie des distinctions substancielles chre aux classiques. Les entrepreneurs

    tablissent la liaison entre march des biens et marchs des services productifs. Si le prix des

    biens dpasse le cot de production, la production sera accrue et inversement. Le modle

    dquilibre gnral peut tre construit, son quilibre consiste en la ralisation de trois conditions

    :

    1 chaque individu maximise son utilit

    2 pour chaque bien et service il y a galit de loffre et de la demande

    3 le prix de chaque bien est gal son cot de production.

    Walras ne voulait pas se limiter la dmonstration de la possibilit logique de lquilibre, il

    voulait aussi rendre compte de la manire dont lconomie latteignait spontanment. Il proposa

    ainsi le concept de ttonnement mais celui-ci nest pas satisfaisant car il interdit les changes

    prix faux (hors de lquilibre).Walras a fait une avance extraordinaire dans la conceptualisation de lquilibre, sur une base

    subjective, mais sa thorie naide pas comprendre le fonctionnement effectif de lconomie de

    march. Walras aura cependant laiss une importante pense, notamment pour la primaut

    donne lexistence, sa conception trs restrictive de la notion de concurrence parfaite,

    lexclusion de la monnaie, lhypothse de ttonnement et la prsance de lexigence de

    dmonstrabilit sur celle de ralisme. La thorie Walrasienne est aussi utile pour ceux qui

    envisagent lconomie comme une axiomatique pure afin de servir de support des dbats

    politiques.

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    Alfred MARSHALL (1842-1924)

    Ayant connu le succs trs tt, il a servi de base des gnrations dtudiants et de chercheurs.

    Sa pense est marque par une perptuelle tension entre proccupation analytique et souci de

    ralisme. Il ne sintresse pas seulement lallocation efficiente des ressources mais aussi

    expliquer comment celles-ci viennent existence (pour lui, la biologie est donc un meilleur

    modle que la physique pour la science conomique). Pourtant, ses principaux apports relventde la physique comparative. Il pense que le rle des mathmatiques est secondaire et utilise

    volont les mtaphores, ce qui est critiqu par Samuelson mais lou par Friedman.

    Marshall est prsent comme le thoricien de lquilibre partiel, en opposition Walras, celui

    de lquilibre gnral. Alors que Walras se rfre deux biens, dans une approche montaire

    qui permet den faire abstraction, afin de prsenter un march lmentaire comme le modle

    rduit dune conomie entire, pour Marshall la notion de march se rapporte un seul bien,

    dans une situation de troc.

    Marshall a introduit le concept dlasticit mais aussi des concepts plus larges. Dans son

    analyse des fonctions doffre, Marshall explique quil faut dpasser la perspective dchange

    pur pour sintresser aux dcisions de production. Les cots de production jouant un rle

    central, il dveloppe un raisonnement en termes de fonctions doffre et de demande inverses parlequel lquilibre stablit par un ajustement des quantits permettant une galisation des prix

    doffre et de demande alors que dans le cadre walrasien, lajustement se fait par les prix. Il

    introduit la notion de temps, et en dduit que laspect de la demande domine dans limmdiat

    (car loffre ne peut pas varier) tandis que laspect de cot prend progressivement de

    limportance avec le temps.

    Ceci a donn une grande impulsion la micro-conomie moderne mais en fait il nintgre pas le

    temps dans son analyse mais lutilise seulement comme un moyen de partage des variables, ce

    qui est donc de la statique comparative. Lanalyse ne tient de plus pas compte des processus

    dajustement (dans lesquels ses tentatives nont pas t satisfaisantes) mais seulement de ceux

    dexistence, lobjet unique tant la dtermination des grandeurs dquilibre. Malgr le rle quil

    a jou dans le dveloppement de la thorie conomique, nombre de ses tudes ont t vite

    abandonnes : la monnaie, la perception du caractre particulier du march du travail, le rle

    des marchands, les rendements croissants...

    John Maynard KEYNES (1883-1946)

    Du fait de la diversit de son oeuvre, lanalyse se porte seulement sur La thorie gnrale de

    lemploi, de lintrt et de la monnaie (1936). Celle-ci a t rdige pendant une priode de

    chmage massif o la micro-conomie marshallienne nattribuait celui-ci qu un manque de

    flexibilit des salaires, thse que KEYNES entreprit dinvalider. Il combina alors un projet

    radical, ce qui ouvrit la voie lapproche montaire, (refuser lorthodoxie du moment et mieux

    tenir compte de la monnaie, la production, le squentialisme des oprations conomiques et leur

    dure, lincertitude, la finance et la spculation) et un projet pragmatique (quelle est lamodification minimale que lon doit apporter la thorie orthodoxe pour quelle intgre le

    chmage involontaire, afin dtre accept plus facilement).

    Keynes accepte donc le premier des deux postulats de lconomie marshallienne (lgalit de la

    productivit marginale du travail et du salaire rel, dterminant loffre de travail) mais refuse le

    second (lgalit du salaire rl et de la dsutilit marginale du travail, dterminant loffre de

    travail) du fait de lmergence de chmage involontaire. Mais, de manire plus radicale, il

    introduit le caractre montaire des transactions marchandes, ce qui est une critique indirecte de

    la loi de Say. De mme, sa thorie de la demande effective utilise des concepts qui constitueront

    le noyau de la micro-conomie moderne mais il en profite pour introduire le caractre unilatral

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    de la dcision demploi et lasymtrie de statut des firmes et des salaris.

    Keynes prsente de manire littraire un modle dquilibre gnral dans lequel, salaire

    montaire et offre de monnaie donns, le niveau dquilibre du revenu national se dtermine par

    une interaction entre les marchs de biens de consommation et dinvestissement et le march

    montaire. Ceci donnera naissance la courbe IS-LM de Hicks (1937) et fera de Keynes un

    propagateur de la pense walrasienne puisquil est une application de lquilibre gnral deWalras n quations et n inconnues sous une forme grable.

    Keynes obtint le succs puisquil fut suivi par les gouvernements et que peu de temps aprs se

    cra la macro-conomie, mais il est discutable de lui en attribuer les fondements.

    F.A. HAYEK

    Menger est le crateur de lcole mais la propagation des ides revient surtout Wieser et

    Bhm-Bawerk. Hayek fut trs clbre dans les annes 30 mais la victoire des ides

    keynesiennes lvina pendant de trs nombreuses annes. Il joua un rle dans les dbats sur la

    thorie des cycles conomiques quil considre comme un problme de coordination

    intertemporelle. Selon lui, lquilibre intertemporel se dfinit par une adquation entre lastructure du capital et les prfrences intertemporelles fondamentales des agents. Lorsque dans

    le cadre dune politique montaire laxiste on diminue artificiellement le taux dintrt, ceci

    donne de faux signaux quant aux prfrences intertemporelles des agents, ce qui conduit un

    boom artificiel, un accroissement des investissements et un allongement non fond du processus

    productif, ce qui dclenche invitablement une crise conomique. Au contraire, Keynes attribue

    la crise une insuffisance dinvestissement.

    Selon lui, dans une conomie de march, la coordination des dcisions prives est le problme

    fondamental, celle-ci seffectuant travers les checs et les erreurs dcisionnelles affectives, ce

    qui sloigne de la perspective walrasienne centre sur la prconciliation dcisionnelle pour

    sinscrire dans une conception classique en signalant que la concurrence est un processus de

    dcouverte et dapprentissage permanent. Il justifie lconomie de march par lconomie de

    centralisation dinformation quelle permet puisque les agents raisonnent partir dinformations

    circonstancies et limites mais cela suffit ; dune manire dirige la masse traiter serait

    ingrable.

    Il est ncessaire de distinguer Hayek de Walras, mme si le premier ne sest jamais lev contre

    le second. Hayek acceptait le tatnnement de Walras, mais parce quil le comprenait comme

    lquivalent de la gravitation des classiques. De mme, Hayek a critiqu les dfenseurs de

    lconomie collective comme Lange alors que ceux-ci fondaient leur argumentation en des

    termes walrasiens avec notamment lhypothse du tatnnement. Walras voyait lconomie

    comme la physique, ce qui est du scientisme selon le subjectivisme des no-autrichiens. La

    thorie conomique traditionnelle sintresse surtout aux objets et leur valeur tandis que lesno-autrichiens mettent laccent sur les processus dvaluation dans lesquels les sujets

    conomiques sont engags. Enfin, Walras donne la priorit loprationnalit thorique et

    Hayek au ralisme du fait de sa spcificit dessentialiste (tudes sur la gnse des institutions,

    lmergence dun ordre spontan...). La thorie de Walras sur le fonctionnement dune

    conomie de march ne nous apprend rien puisque sa thorie de formation des prix suppose la

    centralisation mais elle a donn naissance un programme de recherche trs fcond avec des

    avances exceptionnelles. En revanche, Hayek cerne mieux la nature profonde de lconomie de

    march (notamment grce ses articles sur linformation) mais ses disciples nont presque rien

    fait depuis.

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    Hayek critique Lange car, bien quil se base sur la mme thorie walrasienne, il propose une

    interprtation mtathorique socialiste alors quHayek est partisan du laisser-faire. Par rapport

    aux walrasiens de lcole nouvelle classique, la diffrence thorique est moins importante

    puisquils adhrent la mme mtathorie et que les nouveaux classiques utilisent Hayek dans

    leur attaque contre Keynes. De mme, no-autrichiens et post-keynsiens ont des convergences

    thoriques propos de lincertitude, de la production et de la dimension temporelle, mais ilssont opposs mtathoriquement, notamment dans leurs jugements respectifs quant la

    capacit dajustement des conomies dcentralises.

    Laprs-Keynes

    Dans laprs-guerre, lanalyse conomique est marque par lessor prodigieux et parallle de la

    thorie walrasienne et de la macro-conomie keynesienne. Nous ne nous intresserons

    seulement au dbat concernant le chmage involontaire. Est-il admissible, et si oui, est-il la

    consquence dun quilibre ou dun dsquilibre?

    Pour les nouveaux classiques, lquilibre est unitaire et se caractrise entre autres par

    labsence dincitation au changement tandis que ceci est rvlateur dun dsquilibre selon les

    keynesiens.

    Dans la perspective walrasienne, on distingue la prdominance de la synthse no-classique, quiminimise loriginalit thorique de Keynes en avalisant ses conclusions politiques et en

    remettant en cause le second postulat (Hicks, Patinkin, Clower), loffensive anti-keynsienne

    commenant avec le courant montariste et culminant dans la thorie des nouveaux classiques

    et la riposte cette offensive.

    Hicks (et Modigliani) sintressent surtout au modle IS-LM. La particularit de la fonction

    keynesienne rside dans la forme spcifique attribue certaines fonctions de comportement

    (prfrence pour la liquidit et offre de travail). Le sous-emploi provient selon cette thorie de

    la forme particulire de la courbe doffre de travail (rigidit la baisse partir dun niveau

    plancher du salaire nominal), la notion de chmage involontaire ntant pas explicitement

    mentionne. Patinkin justifie la notion de chmage involontaire par le fait que les offreurs de

    travail soient hors de leur courbe doffre, ce qui ne peut tre quun dsquilibre temporaire,

    loriginalit de Keynes tant nouveau rejete. Ceci rejoint lcole francobelge du dsquilibre

    qui dmontre lexistence dquilibres avec rationnement dans un contexte de prix et salaires

    rigides, mais cette dernire, aprs un fort dpart en Europe fut rejete aux Etats-Unis sous

    leffet de la critique nouvelle classique. Clower (et Leijonhufvud) a beaucoup plus insist sur

    le caractre novateur de Keynes dans le sens o il remettait en cause la loi de Walras. Clower

    aboutit un rsultat de faux quilibre. Bien quil ny ait pas dincitation changer de

    comportement, la coordination nest pas optimale et des possibilits de gains mutuels

    dchanges restent inexploites, lorigine du problme tant dans la mauvaise transmission de

    linformation et labsence de commissaire-priseur. (Il est alors tonnant quon attribue Clower

    la paternit de lcole du dsquilibre).Au dbut des annes 1970, une raction antikeynesienne nat par une double offensive

    montariste avec M. FRIEDMAN (attaque de la courbe de Phillips, qui avait t intgre dans

    le corpus thorique keynsien et en est devenu le maillon faible) et lcole nouvelle classique

    avec LUCAS et SARGENT qui sattaquent lconomtrie dinspiration keynsienne et aux

    concepts keynsiens car ils souhaitent reconstruire la macro-conomie sur deux fondements : la

    compensation des marchs et lhypothse de comportement optimisateur et danticipation

    rationnelles des agents conomiques. Ils critiquent lapproche du dsquilibre et Keynes car

    lhypothse de fixit des prix et salaires de la premire et lide de chmage involontaire du

    second sont incompatibles avec la rationalit maximisatrice (des opportunits ne sont

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    volontairement pas saisies). Ils critiquent aussi les actions de politiques dduites de la courbe de

    Phillips visant exploiter le trade-off entre inflation et emploi et, selon eux, seule une

    politique montaire non anticipe pourrait tre efficace. Ils rejettent ainsi tout point de vue la

    conception keynesienne et souhaitent reprendre le programme de recherche tel quil prvalait

    avant Keynes et avait t formul par Hayek. LUCAS propose ainsi une rinterprtation

    intertemporelle de la courbe traditionnelle doffre de travail, fonde sur larbitrage entre travailet loisir. Les fluctuation de lemploi sexpliquent alors par les effets cumulatifs de choix

    intertemporels et sont bases sur des interprtations errones des signaux-prix donns par les

    marchs. Il nest donc pas ncessaire dabandonner les prmisses traditionnels ni dintroduire

    des transactions hors des courbes.

    Les vues des nouveaux classiques ont eu un grand succs aux Etats-Unis, et les partisans de la

    synthse ont eu du mal en engendrer leurs ripostes. Ainsi, les thoriciens du dsquilibre ont

    donn un fondement empirique lhypothse de viscosit des salaires. Deux autres thories

    acceptrent de se placer sur le terrain de leurs contradicteurs (comportement optimisateur,

    puisement des gains mutuels de lchange, flexibilit des prix). La premire vise dmontrer

    dans un cadre dquilibre gnral la pluralit des quilibres possibles (DIAMOND, HOWITT).

    Lautre, micro-conomique, vise donner un fondement de rationalit optimisatrice labsencede flexibilit des salaires. Il est en effet mont que les firmes peuvent avoir intrt ne pas fixer

    le salaire effectif au niveau dquilibre du salaire dquilibre walrasien (par ex. si la main-

    doeuvre est vraiment nulle), et de ceci dcoule le chmage involontaire. On retrouve le concept

    de salaire defficience dj prsent chez Marshall et selon lequel la productivit du travail est

    fonction du salaire (Akerlof, Yellen, Stiglitz). Cette argumentation ne fait cependant pas

    lunanimit puisquelle est dquilibre partiel et que de nombreuses objections lui sont

    opposes. La plupart des auteurs suivant cette argumentation sont dinspiration keynesienne,

    mais il est intressant de voir que Phelps accepte cette thorie mais non la mtathorie (cest

    dire la politique keynesienne qui va avec) contrairement Patinkin et les auteurs de la synthse

    qui minimisaient lapports de Keynes tout en acceptant la politique keynesienne.

    conclusion Il est important de bien comprendre la diversit de la thorie conomique (il ny a

    pas que les no-classique, mme si ils sont prdominants), la diffrence entre thorie et

    mtathorie et voir que toutes les thories sont discutables et lobjet de controverses.

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