Histoire de La Magie 018-064 _P01

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    PRAGUEen l5l0CENTRE DE MAGIE

    Lorsqu'en 1510, Johanns Faust,bachelier en thologie, TheophrastusBombastus, dit Paracelse, et HenriCornlis Agrippa, vinrent Prague pourtudier la magie, ils arrivaient dans uneville en plein dveloppement. Son Univer-sit jouissait d'une grande renomme, sonlibralisme lui avait attir de nombreuxmatres proscrits pour leurs ides avances,rfu-gis de I'esprit ou de la politique,professeurs parfois exalts et souventsuspects. Erasme crivait : C'est dans cepays;que Ia philosophie possde d'excel-

    Ia mogie est fonde sur I'harmonie deI'Univers, elle agit au moyen de forcesqui sont lies les unes aux autres par Iasympathie. ProrruPuissance des dmons...! Comment sefait-il que Ia mogie puisse pareillementnous donner ces miracles?

    SruNr AucusnN

    Ients discples. Juste-Lipse s'incline devantla qualit de ses matres : Aujourd'hui,note-t-il, c'est nous qui sommes des bar-bares, ct d'eux. C'est la Pologne quia ouvert ses bras hospitaliers Ia Grce et auLatium mconnus et aux Muses mprises.Les meilleurs chefs de file de Byzanceopprime, anantie, s'y retrouvaient ety reprenaient leur enseignement. Toutesles thses s'y rencontraient. Toutes lesdiscussions et toutes les professions de'foiy taient permises.La Foire de Prague attirait aussi les

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    tudiants. Les auberges avaient tablemise nuit et jour. La vieille ville secompltait d'un quartier juif oir toute lanuit brillait la lumire chez les copistes.On allait alors visiter la Cathdrale deSaint-Veit, qui contenait le tombeau desaint Jean Npomucene; puis I'Abbayedes Prmontrs, orne du tombeau desaint Norbert, son fondateur; ensuite,l'glise Saint-Nicolas et celle de la Nati-vit, qui abritait Ia tombe de TychoBrah. On continuait par le magnifiquepont enjambant la Vlatava. que I'on avaitgarni de hautes statues de saints. LePalais du Prince et le Palais de I'Arche-vque taient gards par des hommes enarlnes.Les trois tudiants en philosophie s'at-tardaient travers la ville. Prague la lib-rale, I'intellectuelle hardie, offrait maintsattraits la jeunesse internationale quitrouvait l des matres de grande ruditionet des souvenirs mouvants du mondeintellectuel.Depuis le xnte siecle, la Bohme, dela mer Adriatique la Baltique, s'taitrvle d'esprit avanc et propice auxcentres culturels. On appela rapidementPrague la ville aux cent toufs, pour sespalais, ses forteresses, ses clochers. Lescoupoles romanes du xn" siecle taientcelles de Sainte-Croix. de Saint-Martin,de Saint-Longin; la basilique romaneSaint-Georges aux deux tours blancheset aux trois nefs, prs du chteau. taitune ancienne chapelle du monastre desbndictins qui servait de demeure auPrince. On dit que sainte Ludmila ysjourna. Les Johannistes de I'ordre desChevaliers de Malte avaient leur chapellel8

    Saint-Jean au quartier de la Mala Strava,elle venait d'tre adapte au style gothique.On la disait ( sous la chane >. en souvenirdes fermetures chanes du couvent.On loyait aussi la curieuse petite gliseSaint-Martin-des-Remparts, sur la vieilleville. Au Palais Royal, la cathdraleSaint-Guy avait t difie en 1344 surl'difice roman du orince Vinceslas etsur les fondations de l'glise des princesSpitihnev Il et Vratislav lt.C'est surtout vers le monument levau souvenir cruel de Jean Huss, que lesjeunes gens dirigeaient leurs pas. Sur laplace de Bethlem se voyait l'glise deBethlem o le chef du mouvement rvo-lutionnaire hussite, Jean Huss, prchapendant plusieurs annes, ds 1402. Sesharangues enflammes lui donnrent pourtoute la postrit le rang d'un des plusgrands rformateurs de I'Eglise. Leshussites se runissaient frquemment dansla cathdrale Sainte-Marie-des-Neiges,place Jungmannovo. Le quartier juif. songhetto, sa synagogue, datant de 1269, setrouvaient non loin.Jean Huss est n Husinets, en Bohme,en 1369, et, bien que fils de paysans, fitd'excellentes tudes I'Universit dePrague, o il fut nomm magister sArts de Lettres, en 1396, et o il professa.Prtre, doyen de la facult de thologie,ensuite nomm recteur, il tenait une placede tout premier rang et jouissait de laplus haute autorit. Mais son admirationpour l'uvre de Wiclef devait le per-dre. John V/iclef, docteur en thologied'Oxford, montra le plus grand gotpour les sciences naturelles. il attaqua leclerg dont il proposait la Couronne Ia

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    scularisation des biens. Deux fois, lestribunaux ecclsiastiques le condamnrent.Il se jeta ds lors, de 1378 1384, dans unmouvement d'opposition prcurseur dece que devait tre la Rforme. Il pritposition contre le pape, appuyant int-gralement sa foi sur la Bible. Il fonda lesprdicateurs pauvres, soutint sur I'Eucha-ristie les thses hardies que devait affirmerplus tard le moine Luther. Le Concile de1382 le condamna. Wiclef mourut d'apo-plexie, alors qu'il disait sa messe, en 1365.On y vit la main de Dieu.En 1401, Jrme de Prague prnait sesthories. Jean Huss prit son parti. En1410, I'archevque fit brler en placepublique Prague les ouvrages de Wiclef,condamna Jean Huss et lana un interditsur la ville. Trois jeunes disciples de JeanHuss furent envoys au bourreau, quileur trancha la tte. Huss les enterra enmartyrs. Il s'loigna de Prague et publiaun volume violent, De Ecclesia, nettementinspir des thses de Wiclef. Le Conoilede Constance le convoqua, le jeta enprison, et, en 1415, ayant comparu, il luifut ordonn de brler publiquement sesouvrages. Lui-mme fut vou aux flammes.Il mourut avec hrosme. Ses restes furentparpills dans le Rhin. Ses partisansprirent alors les armes. La Bohme enfit un hros national, le fondateur de lalangue tchque. On raconte qu'en montantau bcher, il annona : De mes cendres na-tra w cygne que vous ne sauriez brler.Luther devait tre salu comme le cygnede Jean Huss.Or, malgr I'archevque, on ensei-gnait ouvertement Prague les doctrinesinterdites et les sciences occultes. Les chro-

    niqueurs de l'poque assurent que I'onvenait de fort loin entendre les matresen magie.On les trouvait au vieux quartier juif.C'est l, dit-on, qu'ils fabriquaientleurs Golem.Le Golem tait une cration magiquebien connue et pratique dans les ghettosde Prague. C'tait une statue d'hommeque le Rabbi envotait par des passes etdes paroles, puis qu'il animait en crivantsur son front une inscription magique :Eunr. La statue alors se mettait en marcheet accomplissait les actes que lui comman-dait le magicien oprateur. Quand celui-cieffaait l'inscription, la statue tombaiten poussire.

    Thophraste Paracelse nourrissait unegrande admiration pour son an, Johan-ns Faust. Tous deux avaient la mmedevise : Rien de cach qui ne doive tredcouvert.Aussi travaillaient-ils avec acharne-ment, en compagnie de Cornlis Agrippa,les textes chaldens, les manuscrits per-sans, les grimoires arabes et grecs, queI'on ne trouvait que dans cette ville. Lesmatres professaient, dans les bas quar-tiers, ce que Jean Spies nommait en1587 : < les arts dardai,riens >> (DardaniaeArtes) qui comprenaient : la ncromancie(necromantia), les paroles magiques (car-

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    mina), la sorcellerie (venefcam), la pro-phtie et voyance (vaticinia), les charmes(incantatio), et autres branches du savoiren magie. Tout cela plut fort au Dr Faust,crit Jean Wier. // y spculait et tudiaitnuit et jour. Esprit brillant, rudit, tholo-gien consomm dans la connaissance des,critures, Johanns Faust. diplm d'Hei-delberg, tait surnomm parmi les tu-diants : Ie spculateur. Parlant de sestitres universitaires, Jean Spies prcise :Il jeta tout cela au vent et rtt bienttfranchir toutes les barrires son me.Le chroniqueur rform le condamne maisI'admire : II aimait trop, ajoute-t-il, cequi ne doit pas tre aim et le poursuivaitnuit et jour. II donnait son esprit l'essorde l'aigle.Nous dirions aujourd'hui, dans lesmilieux universitaires, que nous avonsI'exemple de trois aigles : Faust, Paracelseet Agrippa. Trois amis philosophes pas-sionns des choses de I'esprit et quis'taient connus chez le matre en magiele plus clbre d'Allemagne, dont lepouvoir et les vocations infernales luiconfraient grande clbrit et nombrede visiteurs et d'lves : I'abb JeanTritheim.

    LES LEONS DE TRITHEIM,L'ABB MAGICIENDE WURTZBOURGJohanns Faust avait connu Tritheim Heidelberg. Il le rencontra Gelnausenet le visita dans son ermitage de Wurtz-bourg. Le moine clbre tait bendictin.

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    Il naquit prs de Trves, Tritheim, dontil prit le nom. Il se nommait en ralitJohanns Heidenberg. A vingt-deux ansil avait choisi la robe de bure de Saint-Benot et, en 1483, pris la tte du couventde Sponheim comme abb. Son gotdlibr pour les sciences inconnuesenseignes par Pic de la Mirandole,Albert le Grand, Bernard Trvisan,Arnold de Villeneuve, par les matres quise rclamaient des dogmes d'Herms Tris-mgiste qu'il possdait souverainement,puis ses expriences d'alchimie selon lesprceptes de Basile Valentin, suscitaientl'tonnement. Il enseigna mme sesmoines les arts, il les incita crire, copier sur parchemin. Il constitua unebibliothque de deux mille manuscrits.On venait de loin voir cette collection.Les voyageurs visiteurs accouraient detoute I'Allemagne, de France et d'Italie;le moine abb recevait quotidiennementdes lettres scelles, acceptait des mes-sages o on I'interrogeait. En effet,ses dons merveilleux dans I'astrologie etla magie lui attiraient d'innombrablesrequtes.On rapporte qu'il voqua le spectrede Marie de Bourgogne devant I'empe-reur Maximilien qui I'en supplia. On ditque I'ombre auguste conseilla l'empe-reur une nouvelle conduite, lui rvlades faits, lui ordonna de se remarier avecBianca Sforza. Ces vocations firent grandbruit. On I'accusa de magie. Par sa lettredu l0 mai 1503, Tritheim demanda sonami Johann de li/esterburg de le dfendrecontre pareille calornnie. Dans ce textedat et sign, il reconnat avoir lu etcompris beaucoup de livres de magie,

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    not des conjurations. mais il ajouteprudemment que ces tudes n'ont faitqu'affermir en lui la foi chrtienne.L'abb Tritheim se disait discipled'Albert le Grand; il ne cachait pas quele plus saint des scrnts connaissait et prati-quait Ia magie, ajoutant que toute sciencedoit tre exprimente pour pouvoirtre juge et qu'en magie, c'est la pratiquequi est dangereuse. et non ia connais-sance.Tous les rudits du Moyen Age se pas-sionnaient de plus en plus pour ia magie.La science interdite n'offrait-elle pasmaints attraits?Albert le Grand laissa de nombreusesrecettes qu'on lui attribua. Il dtailla lesvertus magiques des pierres, des herbes;il prcisa que ce pouvoir venait des toiles,car, selon Aristote. les corps clestescommandent le moindre dtail sur la terre,ils permettent les arts. ils inspirent Iesdivinations.Albert le Grand. comme saint Thomas,affirma la ralit de I'alchimie. Son traitd'alchimie ne quittait jamais I'abb Trit-heim : on y trouvait maint conseil pourla fabrication de I'or. Mais Albert nedit pas s'il fit luimme de I'or. La tra-dition affirme qu'il possda la PierrePhilosophale et qu'il accomplit de vraismiracles.Tritheim racontait que lorsque Guil-laume ll. comte de Hollande. dna avecle Grand Albert Cologne, celui-ci fitdresser une table dans le couvent. aujardin, bien que I'on ft en plein hiveret que la neige tombt. Ds que les invitsfurent assis, la neige disparut, le jardinapparut rempli de fleurs panouies. Des

    oiseaux volaient d'arbre en arbre. commeen t. Les jeunes lves de l'trange abbrvaient d'accomplir pareils prodiges.Et Tritheim s'empressait de prciser queMatre Albert parvenait ces tours deforce, par magie... naturelle, et qu'il n'yavait l rien de dmoniaque ni de condam-nable par consquence.Or Tritheim racontait des histoires quicaptivaient la jeunesse, notammentr commeil I'a crit dans sa < Chronique du Clotre >de Hirschau, celle du trop joli mnestrelde 1284 du pays de Brunswick, nomm :Tout couleur, qui jouait si bien de laflte que plus de six vingt et dix enfantsle suivirent charms. Il les entrana horsde la ville, au lieu mme o l'on enfouitles ossements des morts, nomm Sous-Koppen, sur le chemin du Septentrion,et l, les enfants moururent. Il fut impos-

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    sible d'en retrouver un seul. Jean Wierlui aussi. raconte cette dsolante histoire,dans son livre : Prodiges des Dmons,oir il cite frquemment Johanns Faust.Tritheim racontait encore qu'un espritfollet nomm Hudekin svissait au diocsede Hildisheim, dans la Saxe. On lui attri-buait des faits merveilleux : tantt on levoyait vtu en paysan et se plaisantdans le bavardage avec les hommes,tantt il se faisait entendre sans se mon-trer. Il annonait aux seigneurs ce quiallait leur arriver, il leur rendait service,intervenait. Il se cachait dans la cuisinede l'vque oir il aidait la cuisinire. Ungaron de cuisine I'ayant injuri, Hudekintouffa son ennemi alors qu'il dormait,le coupa en morceaux et le fit cuire aufeu. Depuis, il tourmentait les officiersde cuisine qui avaient refus de punir legaron.L'vque lana des exorcismes, obligeale lutin sortir du diocse, non sanspeine et le calme revint enfin.Tritheim racontait galement I'histoiredu nez d'or de I'empereur Charlemagne.Un jour, I'empereur Othon III allavisiter le tombeau de Charlemagne, sonillustre anctre la barbe fleurie, enterrdans un somptueux caveau d'Aix-la-Chapelle. Accompagn de deux vques,Othon pntra dans le souterrain funbre.ll trouva le corps assis sur un sige,comme vivant. Sur la tte reposait lacouronne d'or, dans la main le sceptreimprial. Le corps n'tait pas dcompos,sauf le nez, qu'Othon fit remplacer parun nez d'or. A titre de souvenir et derelique. il prit une dent et se retira. Ilfit murer aprs, solidement, le caveau.24

    La nuit qui suivit, I'empereur Charle-magne lui apparut avec son nez d'or,rclama sa dent. et lui annona la venuede sa mort prochaine.Tritheim prtendait savoir pertinem-ment que de mauvais esprits se runis-saient la nuit. dans un trange sabbat,au mont Venusberg...Mais les jeunes qui l'coutaient n'taientpas prts pour pareilles histotes desorciers, et le singulier moine les cong-diait, remettant plus tard ses enseigne-ments. Il parlait beaucoup des magiciensde Prague.En 1505, Tritheim se rendit la courdu prince Philippe, comte palatin, quilui rendit de grands honneurs, puis ilvint Heidelberg, o il tomba grave-ment malade. C'est pendant ce temps queles moines de Sponheim se rvoltrentcontre leur extravagant abb et contreses prodiges; ils lui brlrent ses livres,ils le rejetrent jamais, l'accusant desorcellerie.Tritheim, guri, s'en montra fort mcon-tent. Il refusa de retourner au couvent deSponheim et abandonna sa grande biblio-thque. Il alla se fixer Wurtzbourg, olui fut offerte la direction de I'abbayede Saint-Jacques. Il s'y installa dfini-tivement, reprit ses enseignements, pour-suivit ses travaux mystrieux - ne certi-fiait-on pas qu'il effectuait des transmuta-tions de I'or? - crivit de trs nombreuxouvrages, inventa des signes, des crituressecrtes, donnant sa science ceux quivenaient le visiter, leur inculquant sapassion de I'occultisme.On le disait modeste. trs timide.portant longue barbe blanche sous le

    capAgrAvulSd'utbet.nez.fou,souCsciePlosai:Tornorcosrvseltd'E-ibalciede:

    ilrmathdegrcleuintlequI'hlesluibrerrlibm(

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    capuce. Dans une de ses lettres CornlisAgrippa. i[ crit :Au vulgaire, ne parlez que de chosesvulgaires. Gardez pour vos amis tout secretd'un ordre plus haut. Donnez du foin auxbads et du sucre aux perroquels. Compre-ne: ce que .ie veux dire. sinon vous serezfoul aux pieds des bufs comme il arrivesouvent !On accusa Tritheim d'enseigner lessciences maudites, de commenter Platon,Plotin et Jamblique et Porphyre, plus quesaint Thomas et les Pres de I'Eglise.Toute sa science tait dirige vers les ph-nomnes mystrieux, vers les possibilitscosmiques de I'astrologie, arguant de larvlation de la Kabbale, dcouverte,selon lui. grce I'Arabe Ma'imonidsd'Espagne.Tritheim ne se cachait pas d'tre Kab-baliste, d'interprter les mystres de I'An-cien Testament. de connatre les lumiresdes Essniens et du pyt-hagorisme. Maisil demeurait fidle aux Ecritures. il affir-mait vhmentement la rgularit de sesthses et son obdience chrtienne. Unde ses ouvrages les plus consults, Poly-graphia Cabbalistica. dtaille la merveil-leuse harmonie du cosmos et de I'universintrieur humain. unissant par l'amour,le monde cr et la crature. Il affirmeque tout est uN dans son essence, queI'harmonie voulue par Dieu rgne entreles astres et les hommes.Le non conformiste abb s'indignaitlui aussi. du supplice de Savonarole,brl en 1498; il attaquait comme lui leserreurs de l'Eglise. les crimes contre lalibert des sciences et le libre panouisse-ment des opinions.

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    De I'autre ct, de nombreux prlatsde l'glise accusaient Tritheim de lire dansla pense d'autrui distance, d'influencerles cerveaux et de commettre des sorti-lges diaboliques.L'abb Tritheim ne visait que le bonheurde I'humanit. Sa Stganogrophie rvlele moyen d'voquer les esprits et de seles rendre favorables en invoquant Orifiel,gnie de Saturne, grce auquel on peutcommuniquer avec des amis loigns.Dans ses Annales, o il donne les recettes- mots couverts - de ses oprationsd'alchimie, il nomme souvent Kuno deFalkenstein. archevque de Trves en1386, et son neveu, le cardinal Werner,qui, au bourg de Lahnestein, pratiquaiten secret le Grand (Euvre des alchi-mistes. Roger Bacon, Basile Valentin,moines comme lui. sont abondammentcits. Le moine Tritheim amrme resternanmoins dans la stricte rgle bn-dictine et ne rien renier de la Foi.On se doute de I'influence extraordi-naire qu'il eut sur Johanns Faust, surParacelse et sur Cornlis Agrippa. Onpeut assurer qu'il leur suggra de se rendre Prague, o toute I'histoire de la magie,ses rgles, sa pratique, se trouvaientbrillamment enseignes et savammentexerces.

    L'histoire de la magie a donc pourpoint culminant le temps de Faust,Paracelse et Agrippa. Voici les trois25

    ,.riltl)lilI',l(t:ii.

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    mages les pius illustres du Moyen Age,les hritiers de longs sicles de dvelop-pement des sciences occultes.C'est Prague, par la tradition dansl'Histoire, que se transmet de bouche oreiile le savoir.

    L'abb Tritheim divisait, en l'anne1500. les sciences occultes en trois cha-pitres : Io Magie Naturelle venue desAnciens, cite par saint Thomas d'Aquin,connue et pratique tant dans la Bible quepar les asctes et conforme aux lois deDieu; /a Magie Kobbalistique, avec sesrvlations. ses secrets, ses lettres magi-ques. ses forces mystrieuses, ses textes.rcemment retrouvs chez les savantsd'Espagne qui les tenaient des sageshbraques, en marge des livres sacrs.ne relevant que de la Tradition. Malgrqu'elle et Raymond Lulle pour fidle.I'Eglise usait son gard de la plus vivesuspicion. Enfin, la Magie Satanique,nettement dmoniaque. base sur despactes lucifriens, demeurait absolumentinterdite.N'tait-ce pas vers cette troisimebranche de la science occulte que Johan-ns Faust et ses amis se sentaient obscu-rment attirs?Le mystrieux dominicain allemandportait un bonnet de laine noire. pointu, deux pans. pouvant servir d'charpe,26

    comme en portait Dante. Sa voix taitclaire, douce :- Le monde est un organisme sage-ment ordonn. Au centre. la terre entourede sept sphres concentriques, sept cielsplantaires. et une huitime sphre, celledu ciel et des astres fixes. Sa rvolutioncause les mouvements clestes. Ceux-ciengendrant les vnements de la terre. Leciel conditionne donc la terre, ses phno-mnes naturels et tous ceux de la vie. Lachaleur du soleil anime la vie sur la terre.comme la lune mne le flux et le reflux.Les mtaux suivent I'action de chaqueplante, de mme les plantes influencentle dveloppement de I'enfant dans lesein de sa mre.Ces leons plaisaient aux tudiants.L'explication de la course des toiles, lebalancement des astres nouant et dnouantla mdecine, influenant la sant deshommes et traant leur destine. Cettelarge dmonstration, o passaient commeautant d'images, les forts, les ocans,les dserts. Cette runion enfin de I'hommeet du Tout. le grand univers du Macro-cosme li au petit monde humain duMicrocosme. ouvraient tout esprit devastes horizons.Les tudiants s'amusaient de ces aper-us originaux, o les diffrentes partiesdu corps humain portaient les signes duZodiaque : le Blier sur la tte, le Lion la poitrine, la Balance au ventre, leScorpion au bas-ventre, les Gmeaux auxdeux paules. les Poissons sous les pieds...L'adolescent rvait. Sa pense couraitdans les signes clestes.- Rcitez-moi les quatre lments del'U n ivers.

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    LE MOINE TRITHEIM' ABB DE SPONHEIM

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    - La terre, I'eau. I'air' le feu'- Oui. reprenait le matre : .la terreet l'eau, les plus lourds' sont attlres versle bas; l'air et le feu, plus lgers'sont versle haut. Platon avait raison de lonore tei;"' J;;; 'i;it, qui devient Pluie' .qui."i.*-.ttee, qui evient eau' qui devientterre en se solidifiant''-'nOitJf.s joies de I'esprit au seuilde l'infini !- Parlez-moi du chiffre 4'- Chiffre essentiel' celui des quatrelments, des natures, des tempraments'alt'"ui"tt de base (rouge' jaune' blanc'noir). des saveurs' des odeurs"'-Etle7?- L'antique chiffre sacr : les sePtuov.tl.t-gt.ques, les sept notes de laeamme, ies plantes, les jours. oe ta;;;il", les pierres precieuses' les septvertus. les sept pchs capitaux' ennn lessept ges de la vie'"-:_-i; -legende rapporte' enchanaitTritheim. que, selon les Persans' l'ancetretrumaln. mi-homtn.. mi-femme' tombatut iu t.tt. aprs avoir travers les septciets ptanetair'es. ll en cueillit chaqueouttu. un aspect de sa nature et de soni;;;;."t. Quand il mourut' sa tte"i"i i. pr"muj le sang' l'tain; sa moelle'I'argent; ses pieds,. I'airain; ses os' lecuivle; avec sa graisse. on fit le verre;avec ses muscles, le fer'-

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    - La terre, I'eau. I'air. ie feu.- Oui, reprenait le matre : la terreet I'eau, les plus lourds. sont attirs versle bas; I'air et le feu, plus lgers. sont versIe haut. Platon avait raison de fondre lefeu dans i'air, qui devient piuie, quidevient rose, qui devient eau, qui devientterre en se solidifiant.Admirables joies de I'esprit au seuilde I'infini !- Parlez-moi du chiffre 4.- Chiffre essentiel, celui des quatrelments. des natures, des tempramentr,des couleurs de base (rouge. jaune, blanc,noir), des saveurs. des odeurs...-Etle7?- L'antique chiffre sacr : les septvoyelles grecques. les sept notes de lagamme, les plantes, les jours de lasemaine, les pierres prcieuses. les septvertus. les sept pchs capitaux, enn lessept ges de la vie.- La lgende rapporte. enchanaitTritheim, que, selon les Persans. I'anctrehumain, mi-homme. mi-femme. tombasur la terre aprs avoir travers les septciels plantaires. il en cueillit chaquepassage un aspect de sa nature et de sontemprament. Quand il mourut. sa ttedevint le plomb; le sang, l'tain; sa moelle,I'argent; ses pieds, I'airain; ses os, lecuivre; avec sa graisse, on fit le verre;avec ses muscles. le fer.- Et de son me? demandait l'lve.- On fit I'or pur.- Mais attention, continuait le matre.la lgende occidentale veut aussi que lesplantes portent de mauvais feux. et quece soient elles qui insuffirent au dieu,descendu sur terre. le penchant au vice.

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    - Comment Dieu a-t-il permis le vice?interrogeait alors l'tudiant.- Pour que I'homme, crature depch. ait I'occasion de se rfugier dansla vertu et sauve son me. Il y a longtempsque vous I'avez appris en thologie,rpondait-il schemenr.Et Tritheim se concntrait en une courteprire, tandis que ses lves s'absorbaientdans leurs grimoires difficiles lire.L'or. le vice, tombs des olantes.pensait l'lve. Les plantes sont-ellesdonc les ennemies de I'homme. ouielles ont donn I'apptit de I'or? Et I'orcontient-il en substance le vice? Le Mal?La parole persuasive de Tritheims'chauffait encore, quand elle dvelop-pait le Rosier des Philosophes, qui faisaitla preuve que les manifestations du mondeinanim sont Iies des phnomnesbiologiques et que I'univers se rsoutfinalement une immense gnration. Laphilosophie cosmique s'tayait donc, pen-sait Johanns, du plus puissant instinctde I'homme.- Le monde, disait le matre, va aurapprochement et la fusion du mleet de la femelle, du sperme et de Ia matrice,de I'actif et du passif. de la forme et dela matire. de l'me et du corps, du feuet de I'eau, du chaud sec au froid humide,du soufre et du vif-argent, de I'or et deI'argent. du soleil et de la lune, du levain

    et de la pte...Et il enchanait sur le rve merveilleuxdu philosophe qui assiste la copulationde Cabritis le Bouc et de sa sur Benala Chvre.- La science apprend que le nom dela sur est bien Bena, et que c'est Cabritis,

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    bien que mle, qui fut fcond par BenaIa femelle I Le Cabritis. c'est el-Kibrit.le soufre; et Bena, c'est Al-bai'da. le blancvif-argent. Et I. nous abordons I'aichimie.science divine.Saisissant son vieil exemplaire toutracorni de la Turba. il lisait. sans transi-tion, heureux de surprendre ses lvespar cette nouvelle image :- Tu conduiras. mon fls, le Jaune etson pouse odorante dans le bain o ilss'unironl. Tu allumeras un feu modr,afin qu'ils ne soient privs ni de connais-sance ni de mouvement. tu les laisserasdans le bain jusqu' ce que leurs corpssoient un, leur couleur une. Puis, tu unirasde nouveau leurs vapeurs, et tu les luerasune fois encore!- J'ai compris le sens de I'allgorie,s'criait l'lve, les yeux brillants.- Chut! Gardez-le pour vous. Celadoit rester cach. Nous ne pntreronsdans la fort sacre du Grand (Euvre

    que pas pas, et si vous en tes dignes..,

    L'abb Tritheim a compos dans sonmonastre bndictin une large tude pro-phtique de I'Histoire du Monde, sous letitre : De Septem Secundeis, id est intelligen-tiis sine Spiritibus orbes post Deum moven-tibus. Cette cl des prophties ancienneset nouvelles repose sur I'existence dessept gnies de la Kabbale, qui corres-pondent aux sept anges de l'Apocalypse

    de saint Jean. qui apparaissent tour tour avec des trompettes. des coupes,pour rpandre le Verbe et [a ralisationdu Verbe sur le monde. Le rgne de chaqueange est de 354 ans et 4 mois. Le premierest Orifiel. I'ange de Saturne. qui a com-menc son rgne le l3 mars. I'an premierdu monde. Selon Tritheim. le monde a tcr le 13 mars. Le premier rgne fut celuide la sauvagerie et de la nuit primitive.Ensuite vint I'empire d'AnaI. I'esprit deVnus. qui a commenc le 24 juin, I'anlu monde 354. Alors I'amour commenad'tre le prcepteur des hommes; ilcra la famille et la famille conduisit I'association et la cit primitive. Lespremiers civilisateurs furent les potesinspirs par I'amour. puis I'exaltationde la posie produisit la religion, le fana-tisme et la dbauche, qui engendrrentle dluge. Cela dura jusqu'en 708. duhuitime mois, soit au 25 octobre.Ce fut alors le rgne de Zachachariel,I'ange de Jupiter. sous lequel les hommescommencrent tudier la connaissance, se disputer la proprit des champs, deshabitations. des villes. Epoque de.fonda-tion de villes. de civilisation et de guerres.Avec I'an du monde 1063. le 24 fvrier,commena le rgne de RaphaI. I'angede Mercure, ange de la Science et duVerbe, ange de I'intelligence et de I'indus-trie. Les lettres florirent alors. La languepremire fut hiroglyphique et univer-selle. Il en demeure le livre d'Enoch,de Cadmus, de Thot et de Palamde,contenus dans la clavicule cabalistiquede Salomon. C'est le livre mystique desTheraphim, de I'Urim et du Thumim,la Gense primitive du Sohar, la roue

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    DiirerLE JEUNE TUPTI.UT RAFFOLAIT DE LA NATURE

    transcendentale d'Ezchiel. la rota desKabbalistes. le tarot des magistes et desbohmiens. Alors furent invents les arts,la navigation se dveloppa. Les relationss'tablirent.Le 26 juin de I'an du monde l4l7 vitle rgne de SamaI, I'ange de Mars, unepoque de corruption de tous les hommeset du dluge universel.Aprs une poque de dfaillance,s'opra le rgne de Gabriel. I'ange dela Lune. le 28 mars de I'an du monde 1771.La famille de No se multiplia et repeuplala terre aprs la confusion de Babel.Ceci jusqu'au rgne de MichaI, I'angedu Soleil. le 24 fvrier de I'an du monde2126. Ce fut l'poque des premiersempires des enfants de Nemrod, la nais-sance des sciences et des religions, lesconflits du despotisme et de la libert.A travers tous les ges, Tritheim pour-suit son tude grandiose, montre leretour des ruines. la civilisation renais-sant par la posie. I'amour. les empiresrtablis par la famille, agrandis par lecommerce, dtruits par la guerre, recons-uits par la civilisation universelle, absor-bs par les grands empires. qui sont lessynthses de I'Histoire.On y vit la cl absolue de la philosophiede I'Histoire. Ses calculs conduisentjusqu'au mois de novembre de I'anne1879. poque du rgne de Michal etfondation du nouveau royaume universel.aprs trois sicles et demi d'angoisseset trois sicles et demi d'esprances. Cespoques concident avec les seizime, dix-septime. dix-huitime et demi-dix-neu-vime sicles. pour le crpuscule lunaireet I'esprance. alors que les preuves

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    d'ignorance. de flaux furent les quator-zime. treizime. douzime et demi-onzime sicles. En 1879, un empire uni-verseldonneralapaix au monde. il durera354 ans et 4 mois. Le rgne d'Orifielreviendra. poque de silence et de nuit.Le rgne du soleil suivra. ll appartiendra celui qui tiendra les cls de I'Orient.L'intelligence et i'action sont dans lesroyaumes suprieurs. les forces qui gou-vernent le soleil. Une nation prendra lecommandement de I'intelligence et de lavie. Des croix, des martyrs marquerontson essor. Son esprit triomphera. Ce seraalors la Paix Universeile.Ces vues prophtiques de I'abb Tritheimfirent sensation aux xvle et xvtle sicles.

    L'occultisme, dans les premiers joursdu xvle sicle, poursuivait sa vogue. Ilrenaissait dans la plus vive intellectualit,empruntait aux doctrines de I'Antiquit.aux mystiques. aux Kabbalistiques, desthories transmises par les no-platoni-ciens. C'tait en premier lieu la croyanceque si le monde est uN la base de lamatire est spiritualiste, que la substanceest une rsultante des Esprits. un ensemblede choses invisibles manifestes visible-ment, selon le mot de saint Paul. I'unitvenue d'en haut. selon la table d'HermsTrismgiste. La Kabbale avait pos leprincipe essentiel : Toute chose d'ici-bas asa racine en haut. La consquence en

    JOHANNES FAUST FREQUENTAITLES FEMMES. FACILES

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    tait la prsence, aussi bien dans le corpsque dans les espaces, d'acteurs spirituelsmus par I'intelligence, la volont : ondinesdans les eaux, sylphes dans les airs,salamandres dans les flammes, gnomesdans la terre.Les matres professaient donc I'identitdu Grand Monde, celui de I'Univers, avecle Petit Monde. celui de l'tre humain :I'homme est le rsum. le miroir de lacration universelle. la rduction mca-nique et spirituelle des espaces interstel-laires. Fludd enseignait que l'homme estun microcosme qui reproduit les mondes :sa tte correspond I'empyre, sa poi-trine l'ther, son ventre la rgionlmentaire.La notion du ternaire s'imposait aussi ces rudits philosophes : I'homme esttriple, dans son unit corporelle quicomprend l'lment me, l'lment esprit,l'lment matire. Le systme nerveuxcomporte le plexus solaire, le plexuscardiaque, le plexus crbral. Paraceisen'allait-il pas prciser cette trilogie essen-tielle de l'me, l'esprit, le corps? Fluddplacerait l'me intellectuelle dans latte. l'me vitale dans le cul, l'me sensi-tive dans le ventre.On enseignait encore aux tudiants,merveills de ces conceptions nouvelles,plutt hardies, que le macrocosme taitternaire aussi : Spiritus Mundi, ou I'influxd'nergie divine, Anima Mundi. moteur dela vie phnomnale. Corpus Mundi, sommedes trois mondes, divin, cleste et terrestre.

    Enn, la marche des astreb et leurefficacit dterminante sur les humains,tenait la place primordiale dans le cours.Le calcul de la position des astres, la32

    naissance de I'homme. conditionne sadestine. L'alchimie alexandrine n'avait-elle pas pouss l'ide jusqu' tablir lesrapports existant entre les mtaux et lesastres? Cette donne intervenait largementdans les travaux de transmutation. Ilfallait oprer sous des conjonctures favo-rables.Consquence utile : I'homme est ca-pable, tenant en main les rgles nouvelles,d'exercer, sur le monde qui I'entoure, unepuissance agissante. Par sa nature privi-lgie, claire du reflet divin, I'hommeprocde l'panouissement et la subli-mation de ses facults. Il acquiert ainsiun pouvoir, perce les secrets de Ia nature,commande aux tres infrieurs, voque son commandement les Esprits, procde des gurisons magiques, use de tali's-mans qu'il confectionne. Son pouvoirdevient surnaturel. L'tincelle divine quianime l'me de I'homme lui permet, parla connaissance, par la volont, par I'en-tranement, d'acqurir des facults sup-rieures et mme des possibilits surna-turelles.Les jeunes tudiants en philosophiede Heidelberg accueillaient avec enthou-siasme ces aperus qui bouleversaientce que les religieux thologiens leur avaientappris. Cette science secrte, rserve quelques lus, demandait un affranchis-sement, une audace totale de la penseet les bouleversait. Quand ils surent que,sans les dvoiler. certains thologiensacquis commentaient les vers sotriquesde la Kabbale, ils ne doutrent plus.Un juif converti venant de Grce,avait, au xte sicle, apport Brme labonne nouvelle de la possibilit de conver-

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    {l tir le cuivre en or. Il en avait mme per-suad l'vque, lui indiquant que I'art dela transmutation venait de Byzance et queles Arabes le pratiquaient en Espagneconouise. Les secrets de I'alchimie desgyitiens leur avaient, en effet, t rvls,du vrrre sicle au xte sicle. Ce juifattribuait Platon, Aristote. Pythagore,le pouvoir des magiciens : ils avaientcompos des traits d'alchimie, demeursignors, traitant de I'or et surtout del'lixir de Longue Vie.C'est ainsi que les tudiants apprirentqu'Arnold de Villeneuve, Thomas d'Aquin.Raymond Lulle, Roger Bacon. n'avaientpas hsit franchir les Pyrnes et s'instruire laborieusement aux collgesarabes trs savants de Grenade, de Svilleet de Tolde. Faust dcida de se procurerleurs traits d'alchimie et, si possible. dese rendre en Espagne un jour. Ne disait-onpas aussi que les Croiss avaient rapportde Syrie, au xIIIe sicle, des grimoires,des opuscules, consacrs cet aft? Ilfallait les consulter.L'abb Tritheim dclarait fermementque Salomon possdait la Pierre Philo-sophale. C'est elle qui donna leur long-vit extraordinaire aux grands patri-arches. Il enseignait aussi que le Cantiquedes Cantiques, I'Apocalypse, les dix lpreuxde Luc, aussi bien que le dbut de laGense et la tentation d'Adam et d'Eve parle serpent, s'avrent figures allgoriquesde la chrysope et formulaires magiques.A prsent, tout s'clairait d'une lumirenouvelle.- II faudroit I'alphabet magique desaint Marc pour mieux les dchffier,disait Ie moine si savant.

    Tritheim ne le connaissait pas. Maispuisque I'on tait en plein secret, ilrapporta que Stphanos, au vrre sicle,consignait avoir trouv, dans Les Livresde la Sibylle, un secret merveilleux. Ilprit un vieil ouvrage reli de peau jaunie,c'tait ses Neuf Traits de la Prparationde I'Or et il lut, comme une devinette,avec un rictus :J'ai neuf lettres et quatre s1:llabes,chacune des trois premires syllabes adeux lettres, et cinq des lettres sont desconsonnes.Tritheim murmura I'oreille deJohanns :- Le nom de la Pierre Philosophale!...Zos Bythos... Thos Soter... Et comme ilse taisait, nigmatique, Johanns regardala pile d'ouvrages de sa table de travail :L'Apocalypse Alchimique, de Basile Valen-tin, le Miroir des Secrets de Roger Bacon,Ie Dsir Dsir de Nicolas Flamel. leRosoire Philosophique d'Arnold de Ville-neuve, le Psautier d'Hermophile de Lavi-nus. le Livre des Douze Portes de Ripley,I'Achilles Banoplos Redivivus, de Burg-gravus...De quoi lire toute la nuit et plusieursnuits ensuite, la lueur de la chandelle.Si la reconqute de Tolde avait permisde dcouvrir en 1085 les uvres d'Aris-tote crites en arabe et que traduisitGerhard de Crmone au xIIe sicle, ondcouvrit aussi le clbre Trait des Alunset des Se/s, monument de I'alchimieespagnole et arabe, ainsi que I'Histoirede I'Ermite Morienus, trait d'alchimie,capital l'cole de Tolde, o la sciencealchimique tait considre selon Gundis-salinus. Toldan notoire. comme une des

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    cltse a PRAcUE eN l5l0

    branches des sciences de Ia nature. ll y avaitaussi des pomes alchimiques arabes biencurieux.Les tudiants philosophes apprenaientrapidement quelles plantes commandentles mtaux : le soleil I'or; la lune I'argent; Vnus au cuivre; Jupiter l'tain; Mercure au vif-argent; Mars aufer; Saturne au plomb.lls retenaient ensuite la thorie du vif-argent simple, de Petrus Bonus de Ferrare,dans son Livre des Pierres Prcieuses,la thorie du mercure-soufre, de Geber,base des corps fusibles, selon sa SummaPerfectionis M agisterii.traduite rcemmentde.l'arabe en allemand. Petrus Bonusrestait dans la ligne scolastique, car ilinvoquait la logique majeure et la logiquemineure, Aristote et Herms. L'ArabeDjabin. ou Geber. dont les textes faisaientautorit. disait tenir sa science de I'imanDjafar. ll appartenait sans doute lasecte des lsmalizza. Il rejoignait le grandmdecin alchimiste arabe Al Razi, dontle Livre du Secret des Secrets connaissaitun rel retentissement. il dcrivait lescorps volatils, les mtaux, les pierres, levitriol, le borax. les sels; puis les appareilset fours; puis les oprations pour traiterles corps par calcination, amollissement,dissolution. mlange, sublimation, distil-lation. enfin la Piene Philosophale.On lisait avidement les ouvrages de ceGeber Arabe, tel le Livre des Septante,charg de prdictions et dcrivant leCosmos. Ainsi. la civilisation arabe dpas-sait. d'blouissante faon, les anciennesdonnes de la Chrtient Occidentale.Tritheim donnait aussi lire la fameuseTabula Chemica. du seigneur Zadith,

    fils d'Hmnlment deen alchimie.Commentlangage fleurou Le Trscmaximes et fides Anciensdans un jarde la natured'Aristote,Comment neinestimables.Piere Philoscde base : T.au soufre?Mais le soAttentioncommandemetenir absolumTritheim inclQuant ATrait pour trL'alchimieI'accorde qt,

    cependant, unde lectures .peut, par unassidues etdvou, deven

    Johanns FAgrippa pensrparmi ces c

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    fils d'Hammel (Zadith ibn Umail), unlment de base de tout apprentissageen alchimie.Comment ne pas se dlecter dans lelangage fleuri du Rosier des Philosophes,ou Le Trsor des Trsors. bouquet desmaximes et formules, prceptes et recettesdes Anciens en alchimie, roses cueilliesdans un jardin enchant. chef-d'uvrede la nature o fleurissaient les pensesd'Aristote, de Platon, de Pythagore?Comment ne pas se fier ces conseilsinestimables, pour la fabrication de laPierre Philosophale, en partant des articlesde base : Terre, Eau, Air, Feu, traitsau soufre?Mais le soufre n'est-il pas diabolique?Attention alors bien suivre lecommandement d'Arnold de Villeneuve :tenir absolument secret ce livre! Et I'abbTritheim inclinait la tte en riant.Quant Avicenne, il a crit dans sonTrait pour mon f Is Abdali :L'alchimie est un don de Dieu et Dieul'accorde qui bon lui semble; quelquefoiscependanl, un esprit suprieur, en s'oidantde lectures endues et bien appropries,peut, par un long travail. des recherchesassidues et l'enseignement d'un matredvou. devenir un bon alchimiste.

    Johanns Faust, Paracelse et CornlisAgrippa pensaient bien se ranger un jourparmi ces chercheurs suprieurs. Leur

    voyage Prague en l5l0 avait cet objet :I'acquisition de la Connaissance par lesenseignements de Ia magie.Alors, les trois amis sentaient monteren eux une avidit agrandie au-del desdimensions humaines. Ils ne pouvaientse contenter des joies mesquines ordinaires,ils ne pouvaient plus accepter les erreurs,supporter I'obscurantisme commun leurscompatriotes. Ils avaient notion de leursaptitudes aller de I'avant dans la connais-sance, avant de partir errer dans le mondepour rpandre leurs dcouvertes, semerla vrit. De leur vie, ils n'oublieraientqu'ils devaient une immense gratitude I'abb Tritheim. car il les avait dlivrsde la peur de I'Enfer. L'Enfer n'existepas, pour les savants Adeptes. A Prague,I'Enfer ne faisait pas peur aux Kabbalistes.LA KABBALE S'EST DVELOPPEA PRAGUEReuchlin disait que la Kabbale est lefruit de I'illumination divine. ll eut unegrande influence sur Cornlis Agrippa etsur Faust, quand tous deux de bonneheure se livrrent ensemble I'occultismeet la magie.Selon Reuchlin. la Kabbale fut connuegrce Pic de la Mirandole, qui la tenaitde son matre lbn Gabirol. mystiqueexalt, adepte des Averrostes de Padoue.Raymond Lulle. passionn de I'Orient, latravailla aussi comme I'interprtation so-trique de l'criture. Ses amis. qui connais-saient les doctrines secrtes iuives. taient

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    tie del Migo, Flavius. Mithridatus,Jochanan Alemannus.La Kabbale, de I'hbreu Quabbalah at le creuset o, au Moyen Age, estvenu se fondre avec les traditions detoutes les races et religions, I'hritage par-ticulier des peuples de race blanche del'Occident europen. Il en a rsult uncurieux ensemble mtaphysique et philo-sophique, o les rsurgences paiennes,propres I'Italie et la Grece. les tradi-tions pythagoriciennes, vhicules par lescorporations et les mtiers. les survi-vances celtiques dans le traditionalismede la sorcellerie populaire et paysanneet l'sotrisme gnostique chrtien. ontconstitu cet trange < climat > d'osurgissait la magie mdivale, dans ceque l'on appellera plus tard, Ie cycleFaustien.Et c'est alors que parat le Sopher-ah-Zohar ou Livre de Splendeur. Le Zoharest le rsum esotrique de trente sieclesde mysticisme judaque. Ce livre eut unerpercussion considrable sur tous lesoccultistes.Ainsi, c'est par la Kabbale que, pourGoethe, Ie laboratoire du Docteur Fausts'illuminera des chaudes images de sonvitrail, oit l'Hexagramme de Salomon etle Pentalpha de Pythagore s'unissent,s'enlacent autour de l'glontine des disci-ples d'Herms, elle-mme irradie au seindu Trycel Celtique. Les cloches du matinde Pques arracheront le Docteur Faust,selon Coethe, sa mortelle mlancolie,clbrant aussi la rsurrection du Templede Jrusalem, que les btisseurs de Catir-drales transposeront dans nos grandesmtropoles gothiques... Synthse dve-

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    loppe de nos jours trs justement parM. Robert Ambelain.Le Trycel Celtique devint la rosacetrilobe. L'Hexagramme, le Pentagramme,les r merveilleuses et Kabbalis-tiques, dans cette fusion judo-chrtienne,entranaient d'importants bouleversementso les docteurs retrouvaient l'nigmatiqueprophtie de la Gense : Japhet habiterales tabernacles de Sem.La doctrine juive sotrique, base surle tmoignage ininterrompu des Sages etdes Initis, invoquait en effet le SepherJetzira, ou Livre de la Cration, attribuau tIe sicle Akiba, inspir de la Rvla-tion divine. Jhovah, selon la tradition, laprna aux anges, qui I'expliqurent Adam et aux patriarches. Moise la com-plta de sa vision sur le mont Sinai. LePentateuque de Moise tait destin aupeuple; la Kabbale sotrique, rserveaux Rabbins. On connat ses trois donnesfondamentales : la Gomtrie, la Nota-rique, la Thmura. Il ne faut pas confondrela Kabbale et le Talmud, rituel pratiqueen usage dans la religion.C'est Isaac I'Aveugle, de Beaucaire, enProvence, qui I'imposa, car elle florissaiten Espagne et se maintenait en Orient.Ses disciples, Ezra-Azriel et Jacob Nasir,qui crivit le Bahir, dvelopprent sadoctrine. Isaac Lorin, au xve sicle, entira son Rituel maeioue.L'cole allemand Kabbaliste d'lazarde Worms avait eu pour fondateur lerabbin Yehuda ben Samuel le Pieux, deRatisbonne, mort en 1217. On sait que latradition hbraque, celle de la Kabbale,situe en marge du Talmud, et quiavait totalement disparu aux premiers

    sicles de Ision du Terxte sicleBabylonie.A Wormsenseignait mos, de la ide Mayencrabbin W,cut parturent sa fBelat et Hreuvres (dorment la B,un grand rtde la Bible,kabbalistiquAzoulai, S/vrage : Romatrialism,Hekaloth (pde ses visiortion des rnpuissances,Elazar semtaphysiqrastrologue fIbn Ezna, qrla Traditiorrvle Mccrite desSepher Ha

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    sicles de I're chrtienne avec la disper-sion du Temple, avait t reconstitue auxre sicle et prtendait remonter IaBabylonie.A Worms donc. au dbut du xltte sicle,enseignait lazar ben Juda ben Kalony-mos. de la grande famille des Kalonymosde Mayence. Aumnier Erfurt, puisrabbin Worms. selon Zung, il fut pers-cut par les Chevaliers Croiss, quiturent sa femme Dulcina. ses deux fillesBelat et Hanerat. et son fils Jacob. Sesceuvres (dont les manuscrits sont actuelle-ment la Bibliothque du Vatican) eurentun grand retentissement : commentairesde la Bible, Sefer ha Kabod, commentaireskabbalistiques du Pentateuque cits parAzoulai, Sha' ar Binah; un grand ou-vrage : Rokeah. violemment hostile aumatrialisme et aux idoles. et surtout sesHekaloth (palais), oir clate la splendeurde ses visions. o se dploie sa dmonstra-tion des milliers d'anges, d'esprits, depuissances. qui peuplent I'univers.Elazar se recommandait. en sa mystiquemtaphysique, du clbre philosophe etastrologue form l'cole de Pythagore,Ibn Ezna. qui affirmait que la Loi orale dela Tradition, la Kabbale, avait bien trvle Mose. en mme temps que la Loicrite des Dix Commandements. SonSepher Hachem est un livre hautementinspir et initiatique, traitant du nom divin,le norn unique de Jahv. inscrit par lui surle Ttragramme : les nombres illustrentson reflet. Le carr aux neuf cases. dontles chiffres additionns en tous sensdonnent quinze (moiti du chiffre divin)est souvent mentionn par lui, le carrmagique, dit parfois le Sceau de Salomon

    et dont les vertus secrtes sont mira-culeuses. Nous en avons dj parl.On assurait Prague au xvre sicle quec'tait par la Kabbale-que s'opraient lesmiracles. Le matre Elie de Chelm enavait fait la dmonstration, en construi-sant son homme artificiel, son golem,sur lequel il inscrivit le nom sacr de Dieusur le front. ce par quoi le Golem s'anima.Le rabbin de Prague, Juda Lw benBezalel, fit de mme. On dit qu'effray dela croissance du monstre grandissant, ileffaa rapidement le nom du front du golemqui retomba inerte. en sa vile matire.Elazar de Worms. auteur prsum dulivre Kabbalistique attribu par la Lgende I'ange Raziel (Raz en hbreu, signifieMystre) rvla les noms des anges, le senscach des lettres. les mots de l'AncienTestament. Les Kabbalistes dcouvrirentdes secrets partout dans la Bible.Par la puissance des mots, les Kabbalistesbrlant leur encens devant le Pentacledu divin Pentagramme voquaient lesesprits. teignaient les incendies, repous-saient les dangers et les maladies.Elazar fit connatre Ia Kabbale appli-que. il usa largement d'amulettes. detalismans, de philtres d'amour et de haine :notamment deux triangles entrecroissformant l'toile six branches, portantdans les angles et au centre les lettres duTtragramme. aux noms divins et ma-giques de la Bible. le < Sceau de Salomon >respect de tout le Moyen Age et retrouvau fronton des synagogues galilennes.Autre talisman pour gurir. pour envo-ter. pour chasser les esprits. pour teindreI'incendie : une srie de triangles aigus,portant [e nom des anges de base.

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    Usage du gteau de froment aux nomsincrits, qui gurit la mmoire; oprationsauthentiques. combinaisons anglolo-giques, o lutu. de Worms est atre.Il faut lire les ouvrases kabbalistiques etferiques d'lazar. tis connus Prague.Son disciple Menachem avait le cuite deslettres : Y, H, V, il composa des ttra-grammes surchargs de versets hbraques.Son lve Abraham de Cologne allaprofesser la cour d'Alphonse X deCastille, qui en fut merveill.Il tait de ceux qui. en brandissant leLivre de la Divine Connaissance, disaientavec Joseph Gikatilia dans ses textesreproduits par Moise de Lon : LaKabbale qui est entre nos mains remontepar Ia chane de la tradition au MaasehMercabah, d'o elle a pass la colonnedroite, Ie pieux Rabbin Isaac l'Aveugle.Ben Aderet appelait ces grands mystiquesjuifs : Ies malres des mysrres de laThorah, qui retrouvaient /es sources de latradition entretenues depuis Ia destructiondu Temple.Comme il invoquait Ezra-Azriel, ilrevendiquait son disciple Mose benHachman, appei communment Nach-manide, un des matres du judaismedogmatique, dont on disait que son pou-voir occulte le rendait invulnrable. Sesouvrages tendent appliquer la spcula-tion mtaphysique la conqute et I'asservissement des forces cosmiques. Iltraite aussi de la magie, de la ncromancie,relatant les entretiens qu'il a eus avec desmatres de I'art de la conjuration. Nach-manide a jou un rle capital dans l'volu-tion de la magie par la Kabbale.ftlazar de Worms. qui invoque constam-38

    ment lbn Ezra, crit dans son Sefe,Raziel, que son Guvre a t rvle parI'ange Raziel (Mystre - Dieu) Nolors de son entre dans I'arche, et qu'ilest crit sur une pierre de saphir : En luisont les grands m))stres, les mltstres desdegrs suprieurs, des astres, de Ia rvolu-tion. de la fonction et des meurs e'e lousles corps clestes, por la science' qu'ildonne on peut obtenir lous les secrets deschoses, Io mort et la vie. l'art de gurir etd'interprter les songes, I'art de faire laguerre er d'apporter la paix.De Saragosse, Abraham ben SamuelAbulafia. au xIIIe sicle, envoya la dmons-tration de la magie des lettres, des nom-bres, au service de la cosmogonie et lessept degs de la contemplation, commesaint Bonaventure.

    Le matre sans cesse revendiqu. c'estMoise. en communication directe avecl'Au-del. le surnaturel. sur le mont Sinai.Les vingt-deux lettres de I'alphabethbraque sont des signes reprsentatifsde sons qui furent la manifestation duVerbe crateur. Sous ces lettres. la Kab-bale voit des tres sacrs descendre dansle monde infrieur. En se combinant, leslettres matrialisant les ldes Divines.ont donn naissance aux formes et toutes les images du monde. Le Verbe apris la forme des lettres de l'Alphabet,qui manent toutes du point Suprme(Kether). Le Verbe tait donc avant laCration. Saint Jean I'a bien prcis.Les Lettres et les Mots sont vivants.Telle tait I'importance de l'cole alle-mande transporte Prague.La Kabbale connut un succs immense :la Pense, le Verbe divins, qui se manifes-

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    taient par le Nombre. les Lettres, lesSignes, les Figures. recraient le mondedans son secret le plus intime. Les formules,les combinaisons arithmtiques et architec-turales, projetaient leur efficacit relle.Parti de la Provence Maure au xrtt" sicle.le mouvement de penses s'tendit I'Espagne. I'Europe entire. Auxve sicle. Jrusalem, Isaac Lorin craitun rituel Kabbalistique inspir de ce sym-bolisme des Lettres et des Nombres. Danteest imprgn de ces constellations ma-giques. Raymond Lulle, par ce moyen, parce systme de figures et de nombres. prouvala religion chrtienne comme la seulevalable.il convenait de retenir essentiellementque le Kabbaliste reniait l'ventualit dela damnation universelle. Le Mal n'estque privation de justice et momentane.L'homme est noble, fait I'image deDieu : l'Adam Kadmon, I'expressionmtaphysique de I'Unit. Pas d'Enfer,pas de Mal, pas de pch.Voil qui compltait heureusement lapense des gnostiques.

    La loi sexuelle, enfin, exprimait la sve deslois. La sexualit, en effet, est la productricede la vie, du rayonnement, de la lumire,de toute activit : du mouvement de l'uni-vers au plus infime ordre terrestre. Lesprincipes mle et femelle procdent dela magie divine; La forme sexuelle est Ia40

    forme primordiale de la Cration; et ceci :Lorsque I'Ancien voulut former touteschoses. il les forma sur Ie t1:pe mle etfemelle et Dieu ne fait qu'oprer desunions sexuelles, raliser des mariages,et c'est ce qu'il appelle crer. L'hommen'est considr comme pleinement compietque quand il est uni la femme.

    Le mariage de la Sagesse et de I'lntelli-gence donne la Science. La loi sexuelletablie par les Sphiroths domine lemonde entier. Il y a des mes mles etdes mes femelles. Adam fut cr andro-gyne. Dieu le ddoubla et cra le principemdiateur : I'amour. Pour le rgneanimal, le principe mle est le taureau,le principe femelle l'ne. ll y a des pr-ceptes mles et des prceptes femelles.L'alphabet comprend des lettres mleset ,.les lettres femelles. L'Arche d'Alliances'ornait d'un chrubin mle et d'un chru-bin femelle, face face parce qu'ils sedsiraient I'un l'autre. Le Temple deSalomon levait son entre deuxcolonnes, Jakin et Boaz, symboles phal-liques, signes symboliques des SphirothsVictoire et Gloire, exprimant les forces deI'Adam primordial: c'est leurs socles queles jeunes maris dposaient des offrandeset se frottaient pour la fcondation de leurunion.L'encens demeure la sanctification deI'union. (Zohar III, 2260.\ L'amour

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    s'affirme la grande loi et embrasse touteschoses.La mystique de la Kabbale incite I'amour. L'Amour est acte de magie.JOHANNS FAUST

    L'amour philosophique, I'exaltation,la profonde croyance au surnaturel. aupouvoir secret des forces de la natureparses dans le monde et prtes rpondre I'appel du mage, unissaient JohannsFaust. Paracelse et Cornelis Agrippa.Mais avant d'aller plus loin dans ledveloppement en magie et de leurapprentissage d'un degr I'autre. laporte du Temple de Salomon, examinonsleurs trois personnalits.Jean Wier I'affirme : Johanns Faustnaquit en 1480 selon toute vraisemblance.au bourg de Kundlingen. Le Wurtemberg,au sud-ouest de I'Empire Allemand, estune rgion tourmente, que dominent lessapins et les rocs de la Fort Noire. LeNeckar et le Danube I'arrosent. A I'ouest,c'est la grande voie du Rhin, par laquelledescendent du Nord et s'en vont vers leMidi et I'Orient, les marchands, les moines,les soldats et les tudiants, qui alimententle trafic de Strasbourg, Ble, Mannheim.Le Wurtemberg n'avait pas encoreannex le Palatinat quand y vit le jour, deparents paysans fort modestes et estims,le jeune Johanns dans cette petite ville deKundlingen, deux heures de Bretten.Philippe Melanchton, qui a beaucoup fr-quent Johanns Faust, car il naquit toutprs, Bretten mme, donne aussi cette

    prcision sur son lieu de naissance. queviennent galement confirmer Lercheimer.Manlius. Jean Wier. Philippe.Camerariuset les autres chroniqueurs. On dira sou-vent '. Faust de Kundlingen. Conrad Di-trich. au xvlr" sicle. crit qu'il ne peut yavoir de doute ce sujet.Le climat est dur, les loups habitent lafort. A I'est du Wurtemberg, au borddu Danube. se dresse Ingolstadt. clbrepar son Universit fonde en 1472 parLouis Le Riche, orne d'une glise destyle gothique:< Frauenkirche >. Notre-Dame. btie au dbut du xve sicle.C'est Ingolstadt, lorsqu'il aura un peuplus de dix ans, que son oncle enverra lejeune Johanns Faust faire ses tudes dethologie. Cet oncle, bon bourgeois deWittemberg, possdait quelque fortune,une maison Wittemberg qu'il lguera sa mort son neveu trs apprci, qu'iltraitait comme son enfant et dont il adiscern les traits brillants.Le jeune Johanns ne dispose que demaigres subsides. Les temps sont pres.Devra-t-il chanter devant les auberges,pour ramasser quelque monnaie, comme lejeune Martin Luther, qui mendiait engmissant musicalement des cantiques, devillage en village?L'enseignement des moines est svre.Le chtiment corporel sanctionne lesexercices de mmoire et les rcitations.La lecture et le < par cur D sont les basesdes premires classes. C'tait une famillede bons chrtiens que celle des Faust,rapporte Jean Spies. L'oncle fit donner son neveu une ducation rigoureuse. Peut-tre a-t-il pens le diriger vers les ordresreligieux. Le propos en a t rapport.

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    s'affirme la grande loi et embrasse touteschoses.La mystique de la Kabbale incite I'amour. L'Amour est acte de masie.JOHANNS FAUST

    L'amour philosophique, I'exaltation,la profonde croyance au surnaturel, aupouvoir secret des forces de la natureparses dans le monde et prtes rpondre I'appel du mage, unissaient JohannsFaust, Paracelse et Cornelis Agrippa.Mais avant d'aller plus loin dans ledveloppement en magie et de leurapprentissage d'un degr I'autre, laporte du Temple de Salomon, examinonsleurs trois personnalits.Jean Wier I'affirme : Johanns Faustnaquit en 1480 selon toute vraisemblance,au bourg de Kundlingen. Le Wurtemberg,au sud-ouest de I'Empire Allemand, estune rgion tourmente, que dominent lessapins et les rocs de la Fort Noire. LeNeckar et le Danube I'arrosent. A I'ouest,c'est Ia grande voie du Rhin, par laquelledescendent du Nord et s'en vont vers leMidi et I'Orient, les marchands, les moines,les soldats et les tudiants. qui alimententle trafic de Strasbourg, Ble, Mannheim.Le Wurtemberg n'avait pas encoreannex le Palatinat quand y vit le jour, deparents paysans fort modestes et estims,le jeune Johanns dans cette petite ville deKundlingen, deux heures de Bretten.Philippe Melanchton, qui a beaucoup fr-quent Johanns Faust, car il naquit toutprs, Bretten mme, donne aussi cette

    prcision sur son lieu de naissance. queviennent galement confirmer Lercheimer,Manlius. Jean Wier, Philippe Camerariuset les autres chroniqueurs. On dira sou-vent : Faust de Kundlingen. Conrad Di-trich, au xvlre sicle, crit qu'il ne peut yavoir de doute ce sujet.Le climat est dur, les loups habitent lafort. A I'est du Wurtemberg, au borddu Danube. se dresse Ingolstadt, clbrepar son Universit fonde en 1472 parLouis Le Riche, orne d'une glise destyle gothique:, Notre-Dame. btie au dbut du xve sicle.C'est lngolstadt, lorsqu'il aura un peuplus de dix ans, que son oncle enverra lejeune Johanns Faust faire ses tudes dethologie. Cet oncle, bon bourgeois deWittemberg, possdait quelque fortune,une maison Wittemberg qu'il lguera sa mort son neveu trs apprci, qu'iltraitait comme son enfant et dont il adiscern les traits brillants.Le jeune Johannes ne.dispose que demaigres subsides. Les temps sont pres.Devra-t-il chanter devant les auberges,pour ramasser quelque monnaie, comme lejeune Martin Luther, qui mendiait engmissant musicalement des cantiques, devillage en village?L'enseignement des moines est svre.Le chtiment corporel sanctionne lesexercices de mmoire et les rcitations.La lecture et le < par ccEur )> sont les basesdes premires classes. C'tait une famillede bons chrtiens que celle des Faust,rapporte Jean Spies. L'oncle fit donner son neveu une ducation rigoureuse. Peut-tre a-t-il pens le diriger vers les ordresreligieux. Le propos en a t rapport.

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    Les parents de Johanns Faust se rjouis-saient de cette excellente formation. Onleur fit savoir que leur fils tait bon lve.Ils espraient que celui-ci atteindrait, parune ducation pousse, une situationbien meilleure que la leur. Johannsrussit. Il passa de classe en classe. Sononcle I'envoya poursuivre ses tudes Heidelberg et paya ses inscriptions.Mais, pour comprendre Faust, il convientde connatre d'abord l'influence sur lajeunesse allemande de la fin du xve sicledes grandes lgendes hroques tradi-tionnelles.MAGIEDES GRANDES LGENDESnnoiQurs TRADTTTONNELLES

    La jeunesse europenne s'imprgnaitdes lgendes germaniques alors en voguedans toutes les coles et contes sous lemanteau des chemines, au long dessoires de I'hiver. Les jeunes ne se las-saient pas d'entendre comment Siegfried,le bon chevalier sans peur et sans reproche,hardi et fort, s'empara de la reine Brune-hilde grce son bonnet magique,comment il possda le trsor inpuisabledes Nibelungen, qui ne diminuait jamais,quelque quantit qu'on y prt. Extermi-nateur du Dragon, amant des princessesendormies qu'il veille, Siegfried usaitd'un pouvoir miraculeux et accomplis-sait .d'extraordinaires prouesses.On puisait de grandes aspirations dansces rcits merveilleux du Chant des Nibel-ungen, la Chanson de geste des origines42

    de la Germanie, arrache aux grottes duDragon Fafnir, dont les vers rudes commedes coups d'pe avaient t forgs auxtre sicle et formaient la cantilne de lachevalerie mdivale allemande, drapede ferie. de puissance, de richesses et debeaut. Son symbolisme mythique nour-rissait I'esprit. Les passions qui s'yaffrontent violemment, les ambitions quis'y dploient chargeaient toute me dedsirs. IJne sorte de qute animait lesouffie lyrique qui emportait les cheva-liers. Les transitions de l'amour lahaine, de la pauvret la richesse, dudnuement au pouvoir gonflaient toutcur avide de vivre la grande aventurede la vie, l'instar de ces hros immensesde la mythologie germanique, aux pestincelant de mille feux, aux bras indomp-tables, aux yeux otr I'azur se refltait.Cette magie suscitait de profondes rve-ries, elle veillait le songe, illuminaitd'idal et de mystre les aspects quotidiensde la vie. La grande tradition piqueaurolait tout. Oui, tout jeune escholierserait un preux courant le monde larecherche d'un idal, la poursuite de labeaut, de l'amour aussi, grce au pouvoirmagique, avant de s'enfermer, avec unbonheur enfin ravi, en quelque fire forte-resse campe sur les rochers au-dessus duRhin o, derrire le pont-levis dress,rgnerait le mystre.Les Nibelungen du xlle sicle, exaltantepope, jetaient leurs germes dans l'me dela jeunesse du xv" sicle, toute remplie desurnaturel et qui apprenait diriger sespassions vers les entreprises les plus aven-tureuses drapes du soleil de I'hrosme, dompter les forces malfiques, afin

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    d'instaurer Ie rgne nouveau, berc d'idalet glorieux de jouissances, un monde deferie digne de la Lgende.Lgendes, pope populaire du roiRothar, du duc Ernest, d'Oswald Roland.Eilhard d'Oberge a traduit Tristan etIseut en allemand. On lit aussi l'blouis-sant Parsifal et le lltillehalm de Wolframd'Eschenbach, ou la Queste miraculeusedes chevaliers du Graal. On lit avidementReimar le Vieux, Conrad de Wursbourg,Neidhart, Wernher. Un monde de lgendes,un univers de ferie s'ouvrent alors. Ceuxdu Moyen Age dont voici venue la fin.Peu de temps avant la Rformationcirculait en Allemagne un pome, unMinnesinger plac sous I'autorit clricaleencore, qui cherchait illustrer lesdogmes religieux, ceux de la charit etde I'efficacit du repentir pour la rmissionde tout pch. C'tait le rcit de la dia-blesse Vnus et du vieux chevalier Tann-huser, qui alla la visiter pendant un an,dans sa montagne, et qu'elle ne voulaitpas laisser partir. Le chevalier s'chappa,alla se confesser au pape, lui demandantle pardon; le pape, qui portait un btonblanc de branche sche, lui annonaque sa luxure lui serait pardonne quandce bton, plant en terre, porterait desfeuilles. Et qu'il fasse pnitence d'icil! Le beau chevalier, dsespr, retournaau Vnusberg, o Vnus le reut avecgrce. Quand le bton reverdit, on chercha

    Tannhuser. Il tait rentr dans la mon-tagne. Il y restera jusqu'au JugementDernier, le pardon tant venu trop tard.La moralit? C'est qu'aucun prtre nedevrait ainsi ajourner la rmissibn, sinonle Diable rcupre une me.

    L'angoisse germanique contenait dansses fondements mmes la vieille feeriene des brumes du Nord, avec ses dieuxTeutats et Wotan. Les divinits desGermains de la lgende trnaient auWalhalla, avec ses dieux, ses demi-dieuxet ses dmons. Les Walkyries aux cheveuxlongs, cavalires de la nuit, compltaientle chant pique de cette geste d'originedivine, forge dans les sicles nbuleuxd'autrefois. incarne dans le trfonds dechaque Germain dsormais. Naivet,fureur et grandeur teutoniques, dans unesorte de magie prdestine issue de cettetradition grandiloquente, encore barbare,remplie de ffammes. LE FANTASTIQUE.

    Parfois aussi, les matres parlaient desvieux druides celtes, les bardes cheve-lure blanche, qui avaient chapp auxRomains et qui passaient pour des sorciers.Leur bravoure tait lgendaire. AutIIe sicle, les Germains, descendus deScandinavie, de I'Elbe et du Jutland,s'implantrent en Allemagne, chassantdevant eux les Celtes. dont ils devaientsubir I'influence certaine. Les cueilleurssacrs de gui possdaient des secretsmalfiques.Les vieux chants lyriques qui illustrentla geste pique et que I'on retrouve encoreen Ecosse, en Irlande,' en Angieterreavaient leur part dans la tradition : ne

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    racontait-on pas que les Celtes adoraientMars, Jupiter, Apollon et Minerve? Ledruidisme voulait que les dieux descen-dissent du dieu de la Mort. que le mondedevait finir par I'eau et par le feu. Vraisdevins et astrologues. mdecins, mages, lesbardes vivaient sous le chaume, buvaientla cervoise ou bire d'orge et mangeaientdes pains de miel.tait-ce l'me des vieux Celtes qui,certains soirs, hantait les ombres de l'tre,o les vieux voquaient les rcits fantas-tiques d'autrefois? Le message des vieuxCeltes tout dbordant de mystre?Les Celtes Gals se transmettaientle rcit des aventures merveilleuses deMerlin l'Enchanteur, n d'un incube etd'une pucelle trs pieuse. Il avait bien despouvoirs et notamment la science dedivination. Il la met au service duroi Artus : en pleine bataille, il donneun coup de siffiet et soulve aussitt unerafale de vent qui, dans un immensetourbillon, aveugle I'ennemi. Au sige deKerlon, du sommet de la tour, il jettedes enchantements < tels que toutes lestentes et pavillons des barons rebellesse mirent flamber. >Les armoiries du chevalier Merlinsont loquentes : un petit dragon queuelongue et tordu, qui lance des flammes.Ce dragon est miraculeux, car il C'est le gnie du feu. AViviane, Merlin enseigne les secrets desa magie. Ce sera la fe Viviane, la Damedu Lac, qui fera Lancelot chevalier. Ellea une ennemie, Camille, la magicienne

    noire, sur du roi Hardogabran, aimed'Artus par enchantement, qui fait surgirun lac o tombe Lancelot. Elle mourraen se prcipitant du haut des rempartsdu chteau.A l'cole d'lngolstadt, le jeune JohannsFaust avait got le suc des fabliaux, lesSchwank et leurs drames. Traductionsaussi, des lgendes de la Grce et de Rome.Comdies de Plaute, de Trence. Dramessacrs tirs de la Bible : Suzanne, Tobie,Judith, Esther. On lisait des traductionsallemandes des lgendes franaises .Fiera-bras. Mlusine.Genevive. comme on savaitpar cceur les Schildburger, qui ne man-quaient pas d'esprit narquois. Les Espi-gleries avaient toujours vif succs. LeMiroir des Chouettes, ou Eulenspiegel,charmaient la jeunesse, qui voyait partoutde Ia magie.L'enseignement mystique et merveil-leux que prchaient les franciscains etles dominicains, portait souvent sur lesvisions de Matre Eckart qui Dieu n'arien cach, sur celles de son disciple JeanTauler, moine dominicain, ainsi cluesur les textes d'Henri Pa3o, dominicainaussi, mort Ulm en 1365. chevaleresqueet doux auteur de L'Horloge de Ia Sagesseternelle et des mystrieux dialoguesmystiques avec le Christ. On lisait gale-ment haute voix les sentences du moinefranciscain Otto de Passau. de Ble.(du xtve siecle), ainsi que les sermonsenflamms de Geiler de Kaisersberg, n Shaffouse en 1445, illustre prdicateurde Strasbourg, dont les commentairesde La Nef des Fous se rptaient dans lepeuple.Folie... Folie!

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    L'Universit de Heidelberg, oir JohannsFaust fit ses classes, tait une des plusrputes du xvte sicle. La ville, sur larive gauche du Neckar, au sommet de [aFort Noire et de la Bade, avait tfonde en 1386. Une navigation activeanimait le fleuve. Le palais du Margrave,le palais de I'Universit, les belles etanciennes glises, les tours pointues, lesclochetons, les fentres, les logettes, lescroix, les auberges vitraux, enseignesparlantes, lui donnaient grand air. VieilHeidelberg de l'me allemande, aux milletraditions! Les armoiries de Heidelberg :un lion couronn, aux griffes ouvertes,gueule menaante. Le lion de Heidelberg.

    Faust prit ses inscriptions rgulieres I'Universit. On a retrouv ces inscrip-tions (ce qui confirme encore une foisson nom qui est exact, qui est donc indu-bitable). Reu bachelier en thologie,Johanns dcida de s'attaquer au diplmede matrise en philosophie, titre qui pcr-mettait d'enseigner. Johanns sera pro-fesseur. Ses brillantes qualits intellec-tuelles le justifient.Il tudie dans la branchevia moderna, I'Universit. Les registresen font foi. ll dcide aussi d'abandonnerle titre de thologien. Il est tudiant enphilosophie, en mdecine, astrologie etmathmatiques. I choisit une fire devise :Credite, mortales, noctis potatio morsest !46

    Cdant la mode des humanistes, ilprend un nom latin et s'intitule dsormaisorgueilleusement : Georgius SabellicusFaustus Junior.GEORGIUS SABELLICUSFAUSTUS JUNIOR

    Une classe de penseurs et de savantsexistait, qui n'tait pas compose que dematres religieux ou thologiens; ces intel-lectuels se retrouvaient souvent la ttedes Universits. Philosophus tait l'hommed'Aristote. Au xllre siecle, un Siger deBrabant illustrait ce titre avec tant de force.'1ue l'glise le condamna. Au xve sicle,les Humanister et les Adeptes de I'alchimietaient aussi des savants lacs. Ces doc-teurs cheminaient hors les sentiers de lathologie et des dogmes de l'glise. Malgrleur prudence, ils se voyaient trs souventattaquer,-condamner, parfois aussi excu-ter et brler.C'est vers ces matres que se tourna lejeune tudiant. Leur auteur de chevettait Homre. Un enthousiasme immenseportait aux nues l'uvre de I'illustrepote grec. Homre s'opposait la Bible.L'hllnisme se dveloppait en Alle-magne intellectuelle. Johanns Faust s'yconsacra entirement. Il s'y donna avecsa fougue de jeune apprenti professeur.Les belles lettres le passionnaient. Savie en sera garnie.Bientt, il possde Aristote, Platon,Plaute, Trence, redevenus la mode. Leclbre humaniste Conrad Mudt, ditMutianus, crira un jour de Johanns,

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    bien qu'il ft chanoine Gotha :C'est un homme extraordinaire d'unescience merveilleuse.Ne racontait-on pas que JohannsFaust dclara un jour si bien connatrePlaton et Aristote que si I'on venait perdre leur uvre, il se faisait fort de lareconstituer de mmoire?Il travailla aussi I'histoire, la philo-sophie, Arrien. Quinte-Curce, assurentles chroniqueurs de l'poque.Aujourd'hui, Ristelhuber affirme : Faustest un humaniste,D'ltalie monte en Allemagne cettefivre pour les Antiques. La Renaissanceest en pleine gestation et lance ses pre-mires lueurs. en ces jours naissants duxvre sicle. Un contemporain a critque les clercs croient plus Juvnalqu'aux prophtes. ils lisent Horace aulieu de saint Marc.

    La posie grecque et romaine nourrit lesesprits. Les grands classiques deviennentle s matres penser : par les beauxtextes, par la prose magnifique. on envient citer et admirer les prcepteset toute la philosophie des Anciens.On rapporte que Johanns se plaisaitavec les crivains de l'AcadmieRomaine de Pomponius Ltus et qu'ilchoisit, sous cette influence, son doublesurnom d'humaniste, comme il taitd'usage parmi les matres des Universits.S'il prfra eorgius Sabellicus FaustusJunior. ce n'est pas sans y avoir rflchi.Sabellicus venait de mourir en 1506 -'une maladie honteuse disait-on. Iltait pote italien assez fameux. CeMarcus Antonus Sabellicus fut l'lvede Pomponius Ltus. On le considrait

    comme un pote d'une trs belle inspira-tion, mais entirement paenne, dans leplus pur got classique, qu'il illustraitde chants potiques et de doctes disser-tations, fleuries d'images, de citations,de mtaphores grecques et latines. Ilprnait la rgnrescence des tudesgrce la connaissance de l'lliade et deI'Odysse, tenait la tte des meilleurshumanistes de Florence, de Rome et deVenise. On le disait aussi fort amoureux,extrmement dbauch. Ptrarque et Boc-cace dictaient les amours. La mythologieprsidait aux plaisirs.Johanns Faust prenait donc la relvede ce petit matre. ll savait qu'il y eutun Sabellicus hrsiarque, qui prchaitvers 250 ses doctrines retentissantes contrecelles du Christ. Ce prcdent ne faisaitpas peur l'tudiant audacieux et djnon conformiste.

    Quant Faustus Junior, Johanns enten-dait se sparer nettement de I'imprimeuret financier, inventeur avec Gutenbergde I'imprimerie, fort connu en Allemagne(avec lequel la postrit le confondsouvent).il n'ignorait certes pas non plus qu'ilexistait un lve de Simon le Magicienqui se nommait Faustus. Il tait le filsde I'empereur Tiberius Claudius, qui setenait sur le trne des Csars, un an aprsla mort du Christ. Il avait fait enseignerla magie son fils. Or, Johanns estintress par I'histoire de ce Simon leMagicien.Johanns jeune se sent fortement attirpar la magie. science nouvellement lamode au Moyen Age, qui garnit intens-ment les Guvres des Anciens qui la pra-47

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    tiquaient tant dans ieur religion que dansleurs incantations et leurs mystres. IIaura donc un faible pour cet trangeSimon le Magicien, comme nous ie ver-rons. Un beau jour, il pensera s'identifieravec lui. Cet enthousiasme de jeunessele suivra toute sa vie.On note aussi un Faustus de Byzancequi fut historien et vque au tve sicle.A Paris. on connaissait Faustus, I'im-primeur allemand de Mayence, I'impor-tateur diabolique des Bibles imprimes.ainsi qu'un autre Faustus : PubliusFaustus Andrelinus. couronn de laurierspar I'Acadmie Romaine pour ses pomesamoureux. qui vint professer et briller I'Universit de Paris ds 1487, spciale-ment dans les belles lettres.Le roi Charles VIII, qui le prisait fort,Ie retint sa cour. Louis XI lui confrale titre de Pote du Roi et de la Reine.car il amenait Paris la fleur de la posieclassique; ainsi se faisait sentir le souffiede la Renaissance. On racontait que leroi Charles Vlll admirait tellement sonart, bien que totalement paien. mais dela noble ligne hellnique. qu'il luioffrit un sac de pieces d'argent si bourr,si lourd, qu'il eut peine le porter, cequi amusa toute la cour.On supportait sa philosophie paienne,ses attaques contre les thologiens etaussi ses mceurs scandaleuses. car il sedisait fils de Vnus et d'Apollon et faisaitrayonner la Beaut antique.Cet autre prcdent enchantait le jeuneJohanns Faust, de plus en plus pris deI'Antiquit. du paganisme, et port la dbauche estudiantine. M. GustaveSchwetschke a crit (article du Deutscher48

    Museum, 11 octobre 1855) qu'en men-tionnant Junior. Johanns le faisait net-tement pour indiquer qu'il le prenait pourmodle. Ce Faustus italien mourait en1517, I'apoge de sa gioire.

    Nous voyons ainsi la ligne dont serecommandait le jeune Faust de Kund-lingen. ll revendiquait les anctres qu'ilchoisissait. qu'il adoptait. Il entendaitse montrer digne de leur ascendance.Johanns Faust sera-t-il un homme de laRenaissance? Dj, il signe un peu pom-peusement : Magister Georgius SabellicusFaustus Junior,' il affirme appartenir auxcoles de I'Antiquit, dont I'influenceest dominante en philosophie, en astrolo-gie, en mathmatiques. en mdecine etsciences magiques. Sera-t-il le nouveauPic de la Mirandole, dont I'exempleillumine son esprit? Avec un srain defolie, pour plair rasme?L'tudiant s'meut profondment,quand il apprend les dtails de la mortpar le poison du jeune et prodigieuxsavant italien Pic de la Mirandole, en1494, 32 ans. L'crivain illustre et philo-sophe. dou d'une mmoire infaillible,tonnait le monde par ses connaissances.Laurent de Mdicis I'avait protg. Ilenseignait I'hbreu, prconisait la tradi-tion juive, parlait le chalden, I'arabe,dveloppait I'apport considrable de la

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    civilisation du Maghreb. Ses thses firentscandale Rome. par leur hardiesse.Ses amis juifs. Elie del Medigo. FlaviusMithridatus. Johann Alemannus. kabba-listes. le compromettaient. Ses matrestaient Aristote et Averros. Ses travauxtendaient rconcilier philosophie etreligion. de mme que le Christ et Maho-met. Il pratiquait une science mystrieuse.qui circulait depuis le xtIt" sicle dans lesmilieux intellectuels juifs. base sur I'oc-cultisme et la tradition verbale. En 1486.Pic jeta un dfi aux docteurs thologiensde Rome. celui de discuter publiquementneuf cents propositions De Omni rescibili,concernant la religion, la philosophie etla Kabbale : aux doctrines de Moise. auxparoles de Jsus, il ajoutait la pensesecrte juive. arabe. chaldenne, invoquantZoroastre. les oracles des mages. la Magie.Cette stupfiante universalit. une su-perbe locution qui dployait les mer-veilles du verbe. excitaient la fureur desmoines. C'est lui que Jean Reuhlinattribue la dcouverte de la Kabbale(De Verbo Mirifco).Ce nouveau monde. cette lumire venuede I'Orient. cette science prodigieuse.enchantaient Ia jeunesse intellectuelle ita-lienne et allemande. Il n'en allait pas demme avec les autorits religieuses. Picfut poursuivi en 1487 pour hrsie. lls'chappa. se rendit Paris o le roi lefit emprisonner Vincennes. De retour Florence. il se consacra ses recherchessavantes. tmoignant de la plus grandepit. On savait aussi son affection pourSavonarole. Il terminait une tude consi-drable sur I'astrologie quand son secr-taire, Cristoforo de Casal Maggiore,

    oN DrsArr euE r-E crsRe rnopnnesrgpARAcELSE AvAIT ENFERM uN rspntt onNssoN pr ( AzorH ))

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    I'empoisonna tratreusement, supprimantbrutalement. injustement. une des plusgrandes lumires de I'Europe nouvelle.

    L'tudiant Faust apprit aussi commentquelques annes plus tard son tour,en mai 1498, Savonarole fut tortur,trangl puis brl sur Ia grande placede Florence. Son crime? D'avoir voulula rforme de l'glise. la rforme descurs et des murs, le retour de la Chr-tient l'glise primitive du Christ,rclamant des prtres la pauvret, lachastet, la saintet. Quels admirablestextes du Frate Girolamo ne recopiait-onpas dans les monastres!...Dieu qui habitez une lumire inacces-sible, Dieu cach qu'on ne peut ni voiravec des yeux de chair, ni comprendreavec une intelligence cre, ni exprimerdans Ia langue des hommes ou des anges :c'est Vous, Dieu incomprhensible. queje cherche, c'est Vous, Dieu inefoble,que j'invoque, qui que Vous soyez, Vousqui tes partout.Sur la triple trahison de Pierre. le fratecrivit de sa prison du Palais de la Sei-gneurie, o il gisait dans les chanes,meurtri par les tortures, des pages inou-bliables. Son Miserere se gravait dans lesmmoires : Mon me s'es/ trouble.Voici de nouveau Ia tistesse portunf Iabannire de Ia Justice. Que ferai-je,dsqrm et infrme?50

    Le Sauveur a pleur sur .lo cit deJrusalem. il lui a prdit ses malheurs.Le clbre moine dominicain de Flo-rence avait quelque chose encore sereprocher : il avait le don de divination.C'est lui qui annona que les Mdicisseraient chasss de Florence, ce qui arriva.C'est lui qui prdit I'invasion de I'ltaliepar Charles Vlll. qui eut lieu. La nuitdu Vendredi Saint 1492. n eut la visionde deux croix immenses. Une pe, selonlui, se voyait suspendue dans le ciel,au-dessus de I'ltalie. tandis qu'une voixterribfe clatait : Repentez-vous! - et iLrptait en chaire - la coupe de vosimpits dborde! ll fit un feu de joie desobjets du Carnaval, requit dramatique-ment contre Rome, contre le Pape Alexan-'dre VI Borgia. et celui-ci s'empressa delui accorder ce feu qu'il rclamait etI'envoya au bcher le 7 Avril 1498. LesFlorentins disaient qu'au moment dusupplice un miracle allait se produire.En effet, une pluie diluvienne tomba quiteignit les flammes du bcher sur laPizza della Signoria. Le moine eut la viesauve. Mais Borgia ne lui pardonnait pasde I'avoir appel le Diable en personne.Le 12 mai 1498, dpouill de ses vte-ments, il fut pendu avec deux de sesdisciples. En mourant, il eut les parolesde pardon et d'amour d'un vrai saint.Il rcitait le symbole des Aptres quandon I'excuta et son corps s'croula dansles flammes du bcher.On se redisait ses dernires prires.On racontait aussi qu'il avait prditles pires calamits sur la ville de Florence :quelques annes plus tard; la guerre, lesac de Florence. devaient tre atroces.

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    Comment croire en la justice de lapapaut et en son bon droit avec pareilassassinat, oir la lumire de la vritparaissait illuminer le martyr et non lejuge?Johanns Faust poursuit ses tudes.Plusieurs fois, on a relev son nom surle registre de la Facult de philosophiede Heidelberg, tantt comme GeorgiusSabellicus Faustus Junior, tantt commeJohanns Faustus, bachelier vio moderna.Inscription notamment du 5 janvier 1509.Il fut reu le premier sur seize candidats,et le rcit de Spies consigne qu'on lui ftsubir l'examen des mqtres avec seized'entre eux, qu'il surpassa en talenl dansl' audition et dans l' interrogatoire.Faust, donc, a droit au titre d'< tudiantde Heidelberg >, dont il se parera toutesa vie durant. Bachelier. matre, bien-tt docteur (il ne le sera jamais, maisil le prtend mriter comme matre).On lui confie dsormais des cours de pro-fessorat. On sait que Faust a enseign Erfurt.L'TONNANT CORNELTS AGRIPPAC'est Wurtzbourg que JohannsFaust connut Cornlis Agrippa de Net-tensheim. Cet original traneur de sabre,

    n Cologne en 1486, tait sensiblementdu mme ge que lui. Il avait chevau-ch travers toute I'Europe derrireMaximilien et passait pour magicien. Ilaimait les innovations les plus tranges,les doctrines les plus oses, se rjouissaitd'tonner, de surprendre, de choquer

    et d'blouir. Beau parleur, fier de sespourpoints carlates, il affichait uneconnaissance trange du monde et desscie: ;es. Frondeur, batailleur, indisci-pline, on I'admirait. Il connaissait rasme,il se disait l'ami de I'abb Tritheim etle camarade de Mlanchton. Une sorte deCyrano, fort instruit, aux rodomontadesredoutables. Johanns lui empruntera cettefaconde.Henri Cornlis Agrippa appaftenait une vieille famille, noble et riche. Ilvivait en gtand seigneur, d'une ville I'autre, la fois rudit et bohme, pas-sionn des choses de I'esprit. Les sciencesoccultes I'attiraient particuliement, bienqu'il ft un guerrier.L'abb Tritheim le fit travailler aveclui. C'est avec lui qu'Agrippa cra dessignes secrets, des mots, des sentences,que les alchimistes pratiqurent ds lors. Ilavait tudi avec lui, spcialement,le carrmagique, progression mathmatiquo dontnous avons parl propos de Tritheim,que I'on inscrivait dans un carr divisen cases gales. Ce tableau donnait lasomme de chaque ligne et de chaquediagonale, avec un chiffre constant. Cer-tains y retrouvaient le carrelage du templede Salomon. Dans sa clbre et myst-rieuse gravure (notre reproduction) deLa Mlancolie, Albert Dtrer a fait figurerderrire I'ange, ce tableau de chiffres.

    Les ides de Cornlis Agrippa taientnettement no-platoniciennes; elles oppo-saient aux sceptiques derrire Aristote,aux froids logiciens, un monde de mer-veilles oir rgne I'invisible. Ses matrestaient Plotin, Jamblique, Porphyre, chefsd'coles gnostiques qui le jetaient dans le5l

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    surnaturel et I'occulte, et qu'il avaitemprunts Tritheim.Sans cesse en voyage. guerroyant oucharg de mission par les princes. Agrippacrivait constamment. Ses Lettes sotimportantes, elles rvlent son rudition,dnotent le brillant de son esprit. En 1509il vint Dle. capitale de la Bourgogne,professer son Universit. tl y commentale trait Kabbalistique de Reuchlin :La Parole Virifque. Il flatta Marguerited'Autriche. fille de son protecteur Maxi-milien, car il sollicitait de Ia divine Mar-guerite, auguste et trs clmente princesse,une oension. Il crivit son intentionun ioge des Femmes. Quand la princesse,outre de ses extravagances, le dlaissera,il I'attaquera et dira pis que pendre desfemmes.Il agit de mme avec Louise de Savoie,mre de Franois ler, dont il espraitbeaucoup. Celle-ci lui demanda de venir sa cour, uniquement comme devin,pour lui annoncer les vnements. Agippa,fort contrari d'une tche aussi mdiocre,lui prdit que le conntable de BourbonI'anantirait. On se passa rapidementde ses services.A Gand, querelle avec un moine fran-ciscain, Catelinet, qui I'accusait de sorcel-lerie. Fuite. Lettres violentes.En 1515, il guerroie dans I'arme deMaximilien qui le nomme chevalier surle champ de bataille, tant sa conduiteest hroique. A cette poque, il nouad'excellentes relations avec le papeLon X qu'il va visiter Rome. Il s'envient ensuite professer Turin. Pavie;il se fait le propagateur de la philosophieocculte d'Herms Trismgiste : Metz,\')

    Cologne. Genve, Fribourg. le reoivent.Quel priple! Il exerce aussi la mdecineet accomplit des gurisons quasi miracu-leuses. comme en fera Paracelse. son grandami. plus jeune que lui.La cour d'Angleterre le recevra en1529; le roi Henri VIII d'Angleterre leftera. Il s'y prsentera comme l'Histo-riographe Imprial de I'Empereur d'Alle-magne.La parution de son livre La PhilosophieOcculte, vritable encyclopdie de lamagie, fut un vnement. Il y eut mme unscandale chez les gens d'Eglise.On y lisait notamment :II existe aujourd'hui quelques hommesremplis de sagesse. d'une sagesse unique.dous de grandes vertus et de grands pou-voirs. Leur vie et leurs meurs sont intgres,leur prudence sans dfaut. Par leur geet leur force ils seraient mme de rendrede grands services dans les conseils pourIa chose publique; mais les gens de courIes mprisent, parce qu'ils sont trop dffi-rents d'eux, qui n'ont pour sagesse quel'intrigue et la malice, et dont tous lesdesseins procdent de l'astuce, de la rusequi est toute leur science, comme la perfidie,Ieur prudence et la superstition, leurreligion.Sa dfinition de la magie?La magie est la vritable science, laphilosophie la plus leve et Ia plus myst-rieuse, en un mot, Ia perfection et I'accom-plissement de toutes les sciences naturelles.On se doute si les moines enrageaient.Il dmontrait que Ia magie est unescience philosophique, d'une puissanceintense et secrte, allant de pair avecI'autorit de la physique, la mathmatique,

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    I'astrologie et la thologie. Science dumerveilleux st du mystre. base surl'tude des pierres, des lments, des pla-ntes. Le mage atteinr le sublime. Ildveloppe, il commente l'affirmation no-platonicienne selon laquelle tous les l-ments du monde contiennent l'me deI'univers. Il traite de la Kabbale. desdmons, des pentacles protecteurs et destalismans. des dix noms sacrs de Dieuqui possdent un pouvoir magique, carle nom magique de Dieu lui empruntesa puissance. et certaines coniurationsobligeant les dmons. avec un pouvoirinverse et gal, dl_euer aussi leur puis-sance.Agrippa donnait le secret des hiro-glyphes sacrs, le secret des plantes, desmtaux, il savait confectionner des oom-mades magiques: il prescrivait la portemystrieuse de certains gestes, de certainesparoles.C'est un mage. Son autorit est consi-drable. Ne rvle-r-il pas qu'en pleinxvre sicle, I'homme est capable d'accom-plir des miracles?Cet ami d'rasme et de Melanchton,aux airs de grand seigneur. ne pouvaittre mis en doute.Il crivait ces belles phrases :La magie est une J'acult qui a un grandpouvoir plein de m j'stres trs releys,et qui renJrme une trs profontle connais-sance des choses les plus secrtes, leurneture, leur puissance.,. c'est lq vritables.cience. la philosophie Ia plus lev