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Histoire de l'astronomie L'histoire de l'astronomie, particulièrement celle de l'astronomie occidentale, et le développement de la science moderne sont intimement liés. Plusieurs des grands courants philosophiques qui caractérisent la pensée scientifique trouvent leur origine dans la résolution d'un problème astronomique. La plupart des grandes cultures (les Égyptiens, les Mayas, les Indiens ou les Chinois) se sont intéressées à l'astronomie, mais ce sont les Grecs de l'Antiquité qui, les premiers, ont tenté d'expliquer d'une manière logique et systématique le fonctionnement de l'Univers en utilisant des modèles et des observations. L'astronomie moderne (de même que toutes les sciences) trouve son origine dans la tradition grecque. Au long des prochaines pages nous verrons comment la science et l'astronomie se sont développées à partir des idées des premiers philosophes de la Grèce antique jusqu'à une forme plus moderne avec Isaac Newton. Encore une fois, il n'est pas important de mémoriser toutes les dates. Le plus important est de bien comprendre le développement des idées et des méthodes de la science moderne. Continuer Introduction 2 Page 1 sur 1

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Histoire de l'astronomie L'histoire de l'astronomie, particulièrement celle de l'astronomie occidentale, et le développement de la science moderne sont intimement liés. Plusieurs des grands courants philosophiques qui caractérisent la pensée scientifique trouvent leur origine dans la résolution d'un problème astronomique. La plupart des grandes cultures (les Égyptiens, les Mayas, les Indiens ou les Chinois) se sont intéressées à l'astronomie, mais ce sont les Grecs de l'Antiquité qui, les premiers, ont tenté d'expliquer d'une manière logique et systématique le fonctionnement de l'Univers en utilisant des modèles et des observations. L'astronomie moderne (de même que toutes les sciences) trouve son origine dans la tradition grecque. Au long des prochaines pages nous verrons comment la science et l'astronomie se sont développées à partir des idées des premiers philosophes de la Grèce antique jusqu'à une forme plus moderne avec Isaac Newton. Encore une fois, il n'est pas important de mémoriser toutes les dates. Le plus important est de bien comprendre le développement des idées et des méthodes de la science moderne.

Continuer

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Objectifs du chapitre 2

Décrire l'évolution de la pensée scientifique dans son ensemble

Expliquer l'importance de la révolution copernicienne dans l'histoire

Expliquer l'importance des mathématiques dans l'évolution de la démarche scientifique

Dresser la liste des événements qui ont marqués l'histoire de l'astronomie

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Yannick Dupont V2.0, été 2001

Objectifs du Chapitre 2

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L'astronomie primitive Dans la plupart des civilisations anciennes, allant de l'aube de l'humanité jusqu'au 7ième siècle av. J.-C. en Grèce, l'astronomie consiste d'abord à observer, à l'oeil nu, la voûte étoilée. La légende veut que des bergers veillant à leurs troupeaux, la nuit, soient les premiers astronomes. Il est probable aussi que le sorcier d'une tribu ou le grand-prêtre d'un village devint le premier astronome-astrologue.

A cette époque les observations se classent en deux grandes catégories. Les phénomènes irréguliers comme le passage d'une comète et des météores (aussi appelés "étoiles filantes") ou, l'apparition soudaine et temporaire d'une nouvelle étoile (que l'on sait être aujourd'hui une nova ou une supernova). Ces manifestations sont inquiétantes, voire même terrifiantes, pour nos ancêtres. Elles sont le reflet des sautes d'humeur des dieux et sont souvent le présage de grands malheurs à venir. D'un autre côté, les cieux sont rassurants puisqu'on y observe aussi plusieurs phénomènes réguliers tels l'alternance du jour et de la nuit, le cycle des phases lunaires, le mouvement régulier du Soleil et de la Lune sur la voûte céleste, et le cycle des saisons. Ces mouvements réguliers servent d'ailleurs à mesurer l'écoulement du temps et à établir les premiers calendriers.

L'astronomie est donc alors une science pratique. Le mouvement des astres sert à prédire le changement des saisons, ce qui est important pour l'agriculture, l'organisation de longs voyages et de campagnes militaires. On retrouve d'ailleurs de nombreux vestiges de ces études dans la plupart des premières civilisations. En Egypte ancienne, l'année commence lorsque l'étoile Sirius apparaît à l'aube, ce qui est le signe que la crue du Nil est proche. Dans le nord de l'Europe, les celtes alignent d'immenses pierres pour marquer certaines dates importantes de l'année comme l'équinoxe du printemps (ex. les monuments mégalithiques de Stonehenge). Les Polynésiens naviguent d'île en île en s'orientant avec les étoiles.

Même aujourd'hui, notre quotidien demeure imprégné des premières observations de nos ancêtres. Ainsi, les divisions naturelles du calendrier sont le reflet de l'astronomie primitive: la semaine de sept jours est liée au fait qu'on observait 7 objets brillants et mobiles dans le ciel (le Soleil, la Lune et 5 planètes), la durée du mois correspond environ à la durée du cycle des phases lunaires, et la durée de l'année est égale à celle du cycle des saisons.

La plupart des modèles et théories sur la formation et le fonctionnement de l'Univers sont de nature anthropomorphique, c'est-à-dire des modèles calqués sur le comportement et les activités humaines. Ainsi, par analogie avec la reproduction humaine, beaucoup de ces modèles font intervenir l'accouplement entre des divinités pour donner naissance à l'Univers. D'autres modèles, dans lesquels l'Univers est construit par des dieux, trouvent leurs origines dans le travail créatif des artisans. Quant au fonctionnement de l'Univers, il s'apparente à celui de la société humaine avec son roi et sa hiérarchie militaire et politique.

Avant de parler de modèles scientifiques, il faudra franchir trois étapes importantes. La première sera de transcender les explications à caractère mythologique; la deuxième sera de réaliser que les mathématiques constituent un outil important pouvant aider à la description du monde naturel; finalement, la troisième sera de développer l'argumentation logique à partir d'axiomes considérés comme évidents. C'est en Grèce que ces ingrédients essentiels seront combinés pour la première fois.

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Les philosophes grecs En Grèce, au tournant du 7ième siècle av.J.-C., la plupart des penseurs partagent l'opinion selon laquelle l'Univers est rationnel et fonctionne suivant des principes naturels universels qu'il est possible de découvrir. A cette époque, les discussions critiques de même que la recherche intellectuelle étaient hautement valorisées mais on mettait davantage l'accent sur la façon d'atteindre la connaissance plutôt que sur la connaissance elle-même. Le besoin d'obtenir des certitudes absolues permettant de comprendre l'Univers provoqua donc une remise en question chez certains penseurs et donna naissance à l'école de pensée des Sophistes.

Pour les Sophistes, les vérités absolues sont des mythes relatifs à l'individu. Cette école de pensée considère qu'une certitude est une invention culturelle, les Sophistes affirment donc qu'un individu devrait se conformer au idées dominantes de son époque plutôt que de s'accrocher à une certitude qu'il considère absolue. Socrate (470-399 av.J.-C.) était en désaccord avec les Sophistes et enseignait qu'il était possible d'atteindre la vérité grâce à la collaboration avec les autres tout en étant critique de ce qu'on appelle le "gros bon sens". Cette idée d'être sceptique afin de mieux comprendre la nature est une des caractéristiques de la science moderne.

Platon (427-347 av.J.-C.), un disciple de Socrate, a poussé les idées de son maître un cran plus loin. Pour Platon il existe des vérités absolues et les mathématiques en sont la clé. Ainsi, malgré le fait qu'une affirmation à propos du monde qui nous entoure puisse être imparfaite, relative à un individu et à son milieu, les mathématiques sont affranchies de ce genre d'influences et donnent accès à des certitudes absolues. Par exemple, 2+2 = 4 est toujours vrai ici ou ailleurs. La philosophie de Platon s'articulait autour de quatre points principaux: 1) Il existe des certitudes. 2) Les mathématiques ouvrent les portes de la perception. 3) Malgré le fait que les applications physiques des mathématiques puissent changer, les pensées demeurent éternelles puisqu'elles existent dans un autre domaine de la conscience. 4) Les mathématiques sont des pensées pures. Elles sont donc éternelles et accessibles à tous. L'enseignement de Platon a forgé la croyance selon laquelle l'étude des mathématiques est une façon de comprendre le mode de pensée du Créateur. Selon cette croyance, la symétrie des mathématiques correspond au langage universel de la conception et de l'harmonie dans l'Univers. Pour les disciples de Platon, cette foi en un Univers ordonné ainsi que la puissance du raisonnement les a poussés à faire des observations des phénomènes célestes et à leur trouver des explications. De façon similaire, les scientifiques modernes considèrent que l'Univers possède une structure ordonnée et qu'il est possible de la comprendre par le biais du raisonnement.

Un des problèmes sur lesquels Platon et ses disciples se sont penchés était de trouver une explication géométrique du mouvement apparemment désordonné des planètes, plus particulièrement leur "étrange" mouvement rétrograde. Pour résoudre ce problème, ils s'appuyaient, comme la plupart des penseurs grecs de l'époque, sur un paradigme énoncé par Pythagore (~569 - 457 av.J.-C.), un philosophe qui vécut peu avant Socrate. Un paradigme résulte d'un consensus général sur le fonctionnement du monde qui nous entoure. Il s'agit d'une construction mentale qui en facilite l'interprétation. Le Paradigme de Pythagore comportait les trois éléments suivants à propos du mouvement des corps célestes:

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1) Les planètes, le Soleil, la Lune et les étoiles se déplacent sur des orbites parfaitement circulaires. 2) La vitesse des planètes, du Soleil, de la Lune et des étoiles est parfaitement uniforme sur leur orbite respective. 3) La Terre est située exactement au centre du mouvement des corps célestes. Donc pour Platon et ses élèves, quelque soit le scénario qu'ils concoctaient, la Terre devait toujours être immobile au centre des orbites planétaires. Seul un élève, Aristarque (310-230 av J.-C.), conçut un modèle où le Soleil était situé au centre. Son modèle fut rejeté car il allait à l'encontre des observations "évidentes" qui montraient que la Terre est immobile. Parmi ces observations on retrouve: 1) La Terre ne fait pas partie du monde des corps célestes. Nous savons aujourd'hui que la Terre n'est qu'une des planètes du système solaire en orbite autour d'une étoile ordinaire, elle-même située en périphérie d'une grande galaxie. Cette conception moderne nous semble banale, mais elle n'a été acceptée qu'à partir du moment où les télescopes ont élargi notre vision du ciel. 2) Les corps célestes sont des points lumineux brillants tandis que la Terre n'est qu'une immense boule de roche et d'eau non-lumineuse. L'astronomie moderne nous révèle que les étoiles sont des objets semblables à notre Soleil et situées à de grandes distances de nous. Les planètes sont des objets comme la Terre qui réfléchissent la lumière du Soleil. 3) La voûte céleste montre peu de changements tandis que la Terre est un endroit de changements continuels, de corruption et de destruction. Nous savons maintenant que les étoiles naissent et meurent (parfois de façon spectaculaire) mais sur des échelles de temps beaucoup plus longues que la durée moyenne d'une vie humaine. De plus, les étoiles se déplacent les unes par rapport aux autres, mais les distances sont si grandes qu'il faut des centaines d'années pour que les changements soient apparents à l'oeil nu. 4) Finalement, nos sens nous indiquent que la Terre semble stationnaire. L'air, les nuages, les oiseaux et toutes choses qui ne sont pas en contact avec le sol ne sont pas projetés dans l'espace comme ils le devraient si la Terre était en mouvement. Les concepts de force et d'inertie n'existaient pas pour les Grecs de l'Antiquité. Il faudra attendre près de 2000 ans après Platon pour que Galilée et Newton jettent les bases de la physique moderne.

Pour Platon et plusieurs de ses disciples, puisqu'on peut concevoir un nombre infini de modèles et de théories à partir des observations (qui demeurent imprécises), il devient impossible de connaître empiriquement la nature réelle de l'Univers. Ils adoptent donc un point de vue instrumental, c'est à dire que les diverses théories sont des outils commodes mais ne correspondent pas à la réalité observée. Leurs modèles sont plutôt basés sur des principes d'esthétique que sur des observations précises. Ils utilisent le cercle et la sphère considérés comme les formes les plus pures.

Aristote (384-322 av.J.-C.), un des disciples de Platon, est probablement celui qui influença le plus la majorité des domaines de la connaissance dans l'histoire de l'humanité. Pour celui-ci, les mathématiques ne sont pas qu'un outil qui permette une description du monde qui nous entoure, au contraire, elles caractérisent l'Univers tel qu'il est. Donc, plutôt qu'une infinité de modèles, Aristote adopte un point de vue réaliste et considère qu'un seul modèle doit être correct. Le modèle qu'il choisi est celui développé par Eudoxe (405-355 av.J.-C.) un autre disciple de

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Platon. Dans ce modèle géocentrique (voir la Figure 2.1), le Soleil, la Lune, les planètes et les étoiles sont situés sur des sphères cristallines. Chaque objet possède une sphère qui lui est propre. Les étoiles sont sur la sphère la plus grande qui englobe tout le reste.

Figure 2.1: Le modèle d'Aristote.

Pour Aristote, ce modèle est en accord avec le Paradigme de Pythagore des mouvements uniformes et circulaires, ainsi qu'avec sa théorie du mouvement qui explique que les objets se déplacent "naturellement" vers le centre de la Terre, et que la seule façon pour un objet d'en dévier est d'y appliquer une force. Ainsi, une pierre qui est lancée à l'horizontale doit continuellement recevoir une poussée pour continuer sa trajectoire horizontale sinon elle tombe au sol. Encore ici, il faudra près de 2000 ans avant que Galilée ne conteste cette affirmation, et démontre expérimentalement qu'un objet en mouvement de façon uniforme ne change pas de trajectoire à moins qu'une force ne l'y contraigne.

Au fil du temps, d'autres modèles ont été développés afin d'expliquer correctement le mouvement des planètes. Un de ces modèles utilisait des épicycles - de petits cercles attachés sur un plus grand cercle centré sur la Terre. Une planète sur un épicycle effectuait un petit mouvement circulaire tout en se déplaçant autour de la Terre. L'animation suivante montre que, si les déplacements de la planète et du centre de l'épicycle se font dans le sens anti-horaire, alors la distance planète-Terre change et lorsque celle-ci effectue son mouvement rétrograde, elle est plus près de la Terre et semble plus brillante, en accord avec les observations.

Animation 2.1: Animation sur les épicyles I

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Ptolémée (85-165 A.D.), le dernier des grands astronomes de l'Antiquité, a tenté de solutionner définitivement le problème des mouvements planétaires. Il a combiné les meilleurs éléments des modèles géocentriques faisant appel aux épicycles, avec les observations les plus précises de l'époque. Son modèle, illustré aux Figures 2.2 et 2.3 et publié dans un ouvrage de 13 volumes intitulé l'Almageste, fit authorité pendant près de 1500 ans. Les améliorations incluaient un décentrement du déférent de chaque planète (la Terre n'était plus située exactement au centre du système) ainsi qu'un déplacement uniforme de chaque épicycle par rapport à un équant (et non la Terre).

Figure 2.2: Le modèle des épicycles.

Animation 2.2: Animation sur les épicyles II

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Figure 2.3: Modèle géocentrique de Ptolémée

Les raffinements de son modèle étaient en désaccord avec celui d'Aristote et le Paradigme de

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Pythagore. Ainsi, une planète en mouvement sur son épicycle traversait régulièrement la sphère cristalline associée à celle-ci et, de plus, son mouvement n'était pas exactement centré sur la Terre. Pour réconcilier son modèle avec les vues de l'époque, Ptolémée adopta un point de vue instrumentaliste (semblable à celui de Platon et ses disciples), c'est à dire que son modèle pouvait servir à prévoir la position des planètes mais que le modèle d'Aristote représentait la réalité. Cette contradiction entre la réalité et la description utilitaire du modèle de Ptolémée était tout à fait en accord avec le mode de pensée de l'époque. De nos jours, il est évident qu'un modèle doive correspondre le plus possible à la réalité. D'une certaine façon, la science moderne rejoint le point de vue réaliste d'Aristote!

La Renaissance Durant les 14 siècles qui s'écoulent après la diffusion du modèle de Ptolémée, les idées progressent très peu en astronomie. Les Arabes préservent et propagent les idées de Ptolémée et d'Aristote de même que les idéaux grecs de logique et de raisonnement. Ils produisent des tables pour l'astrologie, qui bénéficient de l'introduction des chiffres arabes et de l'invention du zéro, ainsi que d'observations faites avec des instruments plus précis. On doit aussi aux Arabes, en des formes modifiées, de nombreux noms d'étoiles (Aldébaran, Altaïr, Bételgeuse, Rigel, Véga, ...) et des mots tels que zénith, azimut, nadir et almanac.

Toutefois, c'est en Europe, au début du 16ième siècle, que de nouvelles explications du mouvement des planètes verront le jour. A la fin du Moyen-Age, le paradigme suivant est accepté par la majorité des gens scolarisés: l'Homme est au centre de la Création, la Terre est le centre de l'Univers et nous avons la faculté d'en comprendre l'harmonie. La philosophie grecque, redécouverte grâce aux échanges avec les nations islamiques, se propage partout en Europe. De plus, une foi inébranlable dans la capacité de comprendre les phénomènes physiques par le biais du raisonnement amorce une nouvelle période dans l'histoire: la Renaissance.

Les penseurs de cette époque (de même que ceux d'aujourd'hui) s'appuient désormais sur un principe simple pour choisir entre deux ou plusieurs modèles pouvant expliquer les mêmes observations: le principe du Rasoir d'Occam. Ce principe, énoncé par le philosophe anglais William d'Occam (1284-1347) au milieu du 14ième siècle, propose que: le meilleur modèle est celui qui demeure le plus simple et qui nécessite le moins d'hypothèses et/ou de modifications pour expliquer un ensemble d'observations. C'est ce principe qui a poussé certains penseurs à remettre en question le modèle géocentrique de Ptolémée au début de la Renaissance.

L'Univers héliocentrique de Nicolas Copernic

L'un d'entre eux, Nicolas Copernic (1474-1543 A.D.), trouvait plusieurs défauts au modèle de Ptolémée. Il croyait que tout modèle décrivant le mouvement des planètes devait tenir compte des observations et n'utiliser que des déplacements circulaires uniformes. Ce n'était pas le cas du système de Ptolémée. Au fil du temps, depuis l'époque de Ptolémée, d'autres astronomes avaient rendu la description ptolémaïque plus complexe en y ajoutant des sous-épicycles afin que l'accord avec les observations soit meilleur. Le modèle était donc devenu très compliqué et manquait d'élégance. Selon Copernic, Dieu avait sûrement créé un Univers plus simple et élégant!

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La pensée de Copernic était fortement influencée par la philosophie néo-platonicienne (un mélange incluant des éléments de la philosophie de Platon et du christianisme élaboré par Plotin [205-270 A.D.]). Ceci l'ammena à considérer que le Soleil était une représentation matérielle de Dieu - Dieu étant le principe qui soutient la vie tout comme le Soleil donne chaleur et lumière. Copernic a donc adopté le modèle héliocentrique d'Aristarque parce qu'il croyait que Dieu devait être au centre de l'Univers. Ce modèle avait la même précision que celui de Ptolémée mais il était nettement plus simple et élégant. Le modèle de Copernic, publié dans son livre De Revolutionibus,

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conservait la notion aristotélicienne du mouvement parfaitement circulaire. De plus, à l'occasion, il faisait appel à de petits épicycles pour des ajustements mineurs.

Grâce à son modèle, et en utilisant la trigonométrie, il a mesuré les distances entre les planètes et le Soleil en terme de l'unité astronomique (la distance moyenne entre la Terre et le Soleil), même s'il n'en connaissait pas la valeur numérique. Il a aussi découvert que les planètes éloignées du Soleil se déplacent plus lentement, et que ceci explique simplement pourquoi les planètes effectuent un mouvement rétrograde vu de la Terre (voir Chapitre 8).

Copernic était convaincu que ce modèle représentait la réalité. Au contraire, la plupart des penseurs de son époque considérait plutôt que son modèle était un outil plus commode pour prévoir la position des planètes. Ils se basaient sur l'argument selon lequel si la Terre est en mouvement autour du Soleil, alors les positions relatives des étoiles devraient changer en fonction de la position de la Terre sur son orbite. C'est ce qu'on appelle l'objection d'Aristote illustrée à la Figure 2.4:

Figure 2.4: La distance angulaire entre les étoiles et l'objection d'Aristote

Toutefois, on n'observait pas de déplacement angulaire des étoiles. Si ce déplacement était petit (et c'est le cas, il ne peut être observé à l'oeil nu) alors les étoiles devraient être situées très loin. Les contemporains de Copernic considéraient que Dieu n'aurait jamais gaspillé autant d'espace! Ils affirmaient qu'il n'y avait aucun déplacement angulaire des étoiles et donc que la Terre était immobile.

Les observations de Tycho Brahe

Tycho Brahe (1546-1601 A.D.), contrairement à Copernic, n'était pas néo-platonicien, il croyait que le Soleil, la Lune et les planètes tournaient autour de la Terre. Il a introduit un modèle hybride dans lequel toutes les planètes à l'exception de la Terre tournent autour du Soleil et ce dernier tourne autour de la Terre.

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Mathématiquement, le modèle de Tycho Brahe était équivalent à celui de Copernic mais il n'allait pas à l'encontre des Saintes Écritures ni du sens commun.

Tycho Brahe avait calculé que si la Terre était en mouvement alors les étoiles devraient être à plus de 700 fois la distance entre Saturne et le Soleil. Il était convaincu que dans un Univers harmonieux et élégant, Dieu n'aurait pas fait un tel gaspillage d'espace. Il fallait donc que la Terre soit immobile. De nos jours, nous savons que les étoiles les plus près sont situées à plus de 28,500 fois la distance entre Saturne et le Soleil.

Le modèle de Tycho Brahe n'eut apparemment que peu d'impact sur ses contemporains. Par contre, c'est par la très grande qualité de ses observations que Tycho Brahe allait jouer un rôle de premier plan dans la détermination du véritable mouvement des planètes. Grâce à l'appui du roi du Danemark qui finança la construction de l'observatoire d'Uraniborg, Tycho Brahe accumule pendant plus de 20 ans des mesures très précises sur la position et le mouvement des planètes. Obtenues sans l'aide d'un télescope, ses observations des positions planétaires étaient au moins dix fois plus précises que celles des autres observateurs.

Vers la fin de sa vie, suite à des disputes avec ses bienfaiteurs, Tycho Brahe doit

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s'exiler à Prague. C'est là qu'il fait la rencontre d'un jeune et brillant mathématicien du nom de Johannes Kepler qu'il prend à son service afin d'analyser ses observations.

L'affrontement avec l'Église Au 16ième siècle la structure hiérarchique de l'autorité ecclésiastique était inextricablement liée à la cosmologie géocentrique. L'ascension vers le haut signifiait l'atteinte d'une plus grande perfection et d'un plus grand contrôle. Dieu et le Ciel se trouvaient au-delà de la sphère céleste. On définissait toute une série de plans d'existence et de contrôle à partir d'un niveau parfait au sommet, jusqu'à un niveau imparfait sur la Terre au centre. Dieu déléguait son pouvoir aux anges qui contrôlaient les mouvements planétaires et les affaires terrestres. Les plantes et les animaux étaient au service de l'homme, et l'homme au service de Dieu à travers la hiérarchie ecclésiastique de l'Église.

Le philosophe italien Giordano Bruno (1548-1600 A.D.) a repris le modèle proposé par Démocrite (460-370 av.J.-C.) (un contemprain de Socrate) dans lequel il affirme que le Soleil n'est qu'une étoile parmi un nombre infini. D'après lui, l'infinité de la sphère céleste était un témoignage à la grandeur de Dieu. Giordano Bruno croyait en un Univers héliocentrique. Il croyait aussi que Dieu avait donné à chacun des hommes la même sagesse intérieure. La hiérarchie dominant-dominé n'avait donc aucune raison d'exister. Son modèle avait d'importantes ramifications politiques et menaçait l'autorité de l'Église. Il fût brûlé vif sur le campo dei Fiori à Rome.

Galilée

L'invention du télescope remonte assurément à la fin du 16ième siècle dans le nord de l'Europe (Angleterre et Pays-Bas), et probablement même avant cette époque. C'est avant tout un instrument qui sert pour la navigation et les batailles navales. L'astronome et physicien Galileo Galilei (1564-1642 A.D.) est, à notre connaissance, le premier à utiliser un télescope à des fins astronomiques à partir de 1609. Cet instrument lui confère un avantage marqué sur ses contemporains. Ainsi: 1) Le pouvoir collecteur de son télescope est supérieur à celui de l'oeil nu, il découvre de nombreuses étoiles moins lumineuses et jamais observées auparavant. Ceci est en accord avec l'idée d'un nombre infini d'étoiles de Giordano Bruno. 2) Le grossissement et la meilleure résolution angulaire de son télescope lui permettent d'observer des cratères et des montagnes sur la Lune ainsi que des taches sur le Soleil. La Terre n'est donc plus le seul endroit imparfait et changeant.

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Figure 2.5: Croquis de la surface lunaire et de celle du Soleil selon Galilée

3) Il découvre quatre lunes en orbite autour de Jupiter.

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Figure 2.6: Position relative de quatre satellites joviens, selon Galilée Ces quatres lunes (Io, Europa, Ganymède et Callisto) sont aussi connues sous le nom de satellites galiléens en son honneur. Pour Galilée, Jupiter représente une imitation réduite du système solaire. Puisque ces lunes tournent autour de Jupiter et non de la Terre, peut-être que d'autres objets, incluant les planètes, ne tournent pas autour de la Terre. 4) Il découvre aussi que l'aspect de la planète Vénus change de façon continue et passe par un cycle de phases complet, semblable à celui de la Lune. Il voit, entre autre, une phase pleine, où toute la surface est éclairée. L'observation de cette phase était impossible dans le système de Ptolémée puisque cette planète s'y trouvait toujours entre la Terre et le Soleil, jamais derrière celui-ci. Par contre, dans le système héliocentrique de Copernic, cette phase est tout à fait possible car Vénus peut se trouver de l'autre côté du Soleil par rapport à la Terre.

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Pour Galilée, ces observations montrent clairement que le modèle héliocentrique est davantage qu'un outil commode pour le calcul, il correspond à la réalité! Cette démonstration devient une arme puissante contre la structure hiérarchique de l'Église du 17ième siècle.

Outre sa contribution astronomique, Galilée a aussi fait progresser la compréhension du mouvement des objets à la surface de la Terre. A l'aide d'expériences, il a étudié le déplacement des objets dans diverses circonstances. Il a ainsi découvert que la description du mouvement selon Aristote était fausse. Les observations de Galilée étaient en opposition directe avec la physique d'Aristote. Ce dernier affirmait que pour qu'un objet se déplace, même à vitesse constante, il fallait toujours qu'une force y soit appliquée. Aristote croyait aussi que les objets tombent à vitesse constante et que les plus lourds tombent toujours plus rapidement que les plus légers. Galilée, au contraire, a montré qu'une force est nécessaire seulement pour modifier le mouvement d'un objet; aucune force n'est requise pour qu'un objet maintienne une vitesse de déplacement constante. Il a aussi découvert que les objets tombent vers le sol en accélérant, et que cette accélération est la même pour tous les objets quelle que soit leur taille ou leur poids si on néglige la friction de l'air.

On considère Galilée comme le père de la science moderne parce que ses idées n'étaient pas seulement basées sur le raisonnement mais aussi sur l'expérimentation. Il s'agit d'un changement révolutionnaire pour la science car l'expérimentation devient un ingrédient essentiel de la découverte des lois de la

Chapitre 2

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nature.

Ses arguments en faveur d'un Univers héliocentrique, ainsi que sa façon critique d'aborder la description des phénomènes naturels par le biais de l'observation, le plaçaient en opposition directe avec la vision officielle de l'Église. La lutte entre Galilée et l'Église n'était pas une lutte entre la science et la religion mais, plutôt, une bataille entre deux façons d'accéder à la Connaissance. Le but de Galilée était d'améliorer l'Église en donnant une meilleure compréhension de la façon dont Dieu avait réellement conçu le monde. Pour en savoir plus: http://es.rice.edu/ES/humsoc/Galileo

La mécanique céleste

Kepler et les lois du mouvement planétaire

Le mathématicien Johannes Kepler (1571-1630 A.D.), forcé de s'exiler à Prague pour des raisons religieuses, est engagé par Tycho Brahe pour travailler sur le modèle géocentrique de ce dernier. Kepler était un homme très religieux et individualiste. Il était en désaccord avec l'Église catholique romaine et avec l'Église luthérienne. Il avait plutôt une foi mystique dans la doctrine néo-platonicienne. Il désirait avoir accès aux meilleures données astronomiques disponibles, car il croyait que les théories mathématiques les plus harmonieuses et élégantes devaient correspondre à la réalité. Kepler était motivé par sa foi en Dieu. Il voulait découvrir Son plan de l'Univers. D'une certaine façon, il partageait la vision grecque que les mathématiques sont la langue à travers laquelle Dieu s'exprime. Il savait que les modèles antérieurs manquaient de précision, donc que personne n'avait encore déchiffré correctement la vision de Dieu.

Puisque, selon Platon, il devait exister un nombre infini de modèles possibles, Kepler devait en choisir un comme point de départ. Bien qu'il était à l'emploi de Tycho Brahe pour travailler sur son modèle géocentrique, Kepler ne croyait n'y en celui-ci, ni en celui de Ptolémée (en fait, d'après lui, le modèle de Ptolémée était une horreur mathématique!). Sa foi néo-platonicienne l'amena à choisir le modèle héliocentrique de Copernic au détriment de celui de son employeur.

Pendant plusieurs années, Kepler tenta d'améliorer le modèle copernicien sans succès. Finalement, il finit par se convaincre que seul un changement révolutionnaire pourrait lui permettre de réconcilier le modèle et les observations: Dieu devait avoir choisi une autre forme que le cercle pour décrire les orbites des planètes. Ceci était en opposition directe avec le Paradigme de Pythagore (vieux de 2000 ans) selon lequel le cercle était une forme parfaite. La solution était d'utiliser des ellipses pour décrire le mouvement des planètes autour du Soleil. Kepler, lui-même, eut beaucoup de difficulté à admettre que les orbites planétaires n'étaient pas circulaires. Même ses contemporains, comme Galilée, étaient en désaccord avec lui.

La première loi du mouvement planétaire de Kepler s'exprime donc ainsi: l'orbite d'une planète est une ellipse et le Soleil occupe un des foyers de l'ellipse (voir Chapitre 8).

Une ellipse est un cercle aplati, caractérisée par un paramètre qu'on appelle l' excentricité. Un cercle a une excentricité nulle, et une ligne droite une excentricité

Chapitre 2

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égale à un. Dans le cas des planètes, l'excentricité de leur orbite respective est très petite, donc les orbites sont presque circulaires. C'est la raison pour laquelle les astronomes avant Kepler étaient convaincus que les orbites étaient des cercles parfaits. La différence est si petite qu'il fallait des observations d'une grande précision pour qu'on puisse la déceler. La découverte de Kepler est un tribut à l'excellent travail observationnel de Tycho Brahe.

Outre la description de la forme des orbites planétaires, Kepler remarqua aussi que la vitesse de déplacement d'une planète sur son orbite devait changer. Ainsi, lorsqu'une planète est plus près du Soleil, elle se déplace plus rapidement que lorsqu'elle est à son point le plus éloigné. C'était la seconde faille dans le Paradigme de Pythagore!

La deuxième loi de Kepler est donc: la ligne imaginaire reliant le Soleil à une planète balaie des surfaces égales en des temps égaux (voir Chapitre 8).

Finalement, après plusieurs années de calculs, Kepler découvrit une relation mathématique élégante entre la distance à laquelle se trouve une planète du Soleil et le temps qu'elle met pour compléter une orbite autour de celui-ci.

La troisième loi de Kepler, aussi appelée Loi Harmonique, s'énonce comme suit: le carré de la période orbitale d'une planète est proportionnel au cube de la distance moyenne entre celle-ci et le Soleil (voir Chapitre 8).

Ces relations mathématiques simples fournissaient une explication à l'ensemble des observations du mouvement des planètes accumulées depuis des siècles. Kepler était ainsi convaincu de la véracité du modèle héliocentrique. De plus, comme Galilée allait le confirmer avec le mouvement des lunes de Jupiter, les Lois de Kepler sont générales puisqu'elles sont valides dans le cas de tout objet en orbite autour d'un autre.

La loi de gravité de Newton Les découvertes de la forme elliptique des orbites des planètes et des variations de vitesse de ces dernières, par Kepler, ont fait en sorte qu'il devenait impossible de soutenir l'idée que le mouvement planétaire est un mouvement naturel ne requérant aucune explication. Plusieurs penseurs s'interrogeaient sur la cause de ce mouvement. De plus, d'autres questions similaires demeuraient sans réponse. Ainsi: 1) Qu'est-ce qui maintient les planètes sur leur orbite elliptique? 2) Sur Terre, qu'est-ce qui ramène les objets au sol lorsqu'ils sont lancés dans les airs? 3) Pourquoi sommes-nous retenus au sol alors que la Terre tourne sur elle-même? 4) Pourquoi la Lune ne tombe-t-elle pas sur la Terre comme le ferait une pomme se détachant d'un arbre? Isaac Newton (1643-1727 A.D.), un des hommes de science les plus brillants qui ait vécu, a suggéré qu'une force fondamentale, la gravité, agissait entre les objets et était la cause du mouvement des planètes et de la Lune. Pour en arriver à cette conclusion, Newton avait auparavant énoncé trois lois du mouvement des corps en

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se basant, entre autre, sur les travaux de Galilée. Ces trois lois sont: 1) Tous corps persévère dans l'état de repos ou de mouvement uniforme dans lequel il se trouve, à moins qu'une force agisse sur lui et le contraigne à changer d'état. 2) L'accélération (le changement du vecteur vitesse en fonction du temps) subite par un corps est proportionnelle à la force appliquée sur ce corps et inversement proportionnelle à la masse de celui-ci. 3) L'action est toujours égale et opposée à la réaction. En combinant ses lois avec celles de Kepler (particulièrement la Loi Harmonique), Newton en arrive à formuler une loi plus générale du mouvement des planètes, la loi de gravitation. Cette loi explique que deux objets s'attirent mutuellement avec une force qui est proportionnelle au produit de leur masse et inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare (voir Chapitre 4 pour une version analytique).

L'intuition de Newton fût d'affirmer que cette loi de gravitation s'applique quels que soient les objets en cause, dans l'espace comme sur la Terre. Il s'agit d'une loi universelle. Il put démontrer qu'une seule force (décrite par la loi de gravitation) arrivait à expliquer le mouvement des planètes et de la Lune dans l'espace de même que la trajectoire des corps à la surface de la Terre. Newton parvint donc à unifier la physique terrestre et la physique céleste. La Terre n'était plus un endroit particulier, différent du reste de l'Univers.

La loi de gravitation universelle de Newton représente une remarquable application du principe du Rasoir d'Occam. Ainsi, de Ptolémée jusqu'à Newton, les théories du mouvement des planètes sont devenues de plus en plus simples et générales. Au début de la Renaissance, le modèle de Ptolémée était devenu très compliqué jusqu'à ce que Copernic le simplifie en réduisant le nombre de mouvements circulaires requis à près de 50. Kepler a poursuivi en élaborant une théorie du mouvement planétaire qui ne faisait appel qu'à trois lois. Newton a unifié ces lois en une seule loi de la gravitation. Cette dernière est si simple et si élégante qu'elle explique non seulement les mouvements des planètes dans le système solaire, mais aussi les trajectoires d'autres corps célestes comme celles des satellites naturels autour des planètes et les orbites fortement elliptiques des comètes autour du Soleil. De plus, cette même loi décrit correctement la physique de nombreux phénomènes se produisant à la surface de la Terre tels la chute des corps, la trajectoire balistique d'objets lancés, ou celui des marées.

On peut s'interroger sur la nature même de la gravité. Newton a compris comment la force gravitationnelle affecte la trajectoire des objets mais pas pourquoi elle agit ainsi. Il connaissait les limites de sa théorie et il a donc décidé d'adopter une point de vue instrumentaliste: le rôle d'un scientifique est de décrire correctement et précisément les observations à l'aide des mathématiques. Il explique comment mais pas pourquoi. Seuls les événements qu'on peut vérifier par le biais d'expériences sont utiles en science. La question du pourquoi demeure toujours intrigante, et quelques chercheurs y consacrent du temps, mais la plupart partagent le point de vue instrumentaliste de Newton.

A la suite des travaux de Newton, il n'y a plus d'hiérarchie téléologique dans l'Univers (c'est à dire un Univers conçu par Dieu dans un but précis où l'Homme joue un rôle crucial). L'Univers devient une mécanique parfaite, s'appuyant sur les mathématiques, et mise en mouvement par Dieu il y a très longtemps. Dieu devient le point de référence absolu du temps et de l'espace, la mécanique newtonienne ne nécessitant qu'un référentiel de coordonnées absolu pour fonctionner (selon

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Newton, celà permettait aussi de garder Dieu occupé à quelque chose).

Le succès de la théorie newtonnienne a provoqué un changement radical dans la perception du monde qui nous entoure. La réalité a été entièrement réduite à celle des objets matériels. Le monde des idées et des impressions est devenu secondaire. Le modèle newtonien a diminué le rôle de Dieu et de la religion et la science est devenue le témoin d'un Univers mécanique.

Les événements marquants L'histoire de l'astronomie ne s'arrête évidemment pas avec les travaux de Newton. Par contre, c'est à partir de ce moment que le rythme des découvertes va s'accélérer. Il serait inutile, et assurément très difficile, de dresser une liste de toutes ces découvertes. Nous avons donc réuni, sous forme d'un palmarès, dix jalons importants de l'astronomie qui ont élargi notre perception de l'Univers. 1 - Les objets célestes ne sont pas

� Immuables (observation d'une supernova; Tycho Brahe - 1572) � Parfaits (montagnes lunaires et taches solaires; Galilée, Harriot - 1610) � Soumis à des lois différentes (loi de la gravitation universelle; Newton -

1687) � Tous découverts (découverte de la planète Uranus; Herschel - 1781) � Composés d'une matière exotique (analyse spectroscopique; Bunsen &

Kirchhoff - 1858)

2 - Plusieurs phénomènes sont prévisibles

� Éclipses lunaires et solaires � Retour des comètes périodiques (comète Halley; Halley - 1705) � Découverte de Neptune ( Adams & Leverrier - 1845)

3 - Nous ne sommes pas

� Au centre du système solaire (Copernic - 1543) � Au centre de notre galaxie (Shapley - 1920) � Au centre de l'Univers (Digges - 1576, Einstein - 1915)

4 - Il existe

� D'autres galaxies (Hubble - 1924) � D'autres systèmes solaires (Mayor, Queloz, Marcy & Butler - 1995) � D'autres Univers(?) (Guth, Linde, Hawking & Rees - 1990/2000)

5 - L'univers évolue

� Il est en expansion (Hubble - 1929) � Il a débuté par une phase chaude et dense (Gamow, Alpher & Herman -

1948, Penzias, & Wilson, - 1965)

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6 - La lumière voyage à une vitesse finie

� Éclipses des lunes de Jupiter (Roemer - 1675) � Aberration de la lumière des étoiles (Bradley - 1729).

Donc, regarder loin c'est regarder dans le passé. 7 - La représentation de l'Univers et de sa dimension a évolué:

� Distance Terre-Soleil ≈ 1079 rayons terrestres (Kepler - 1600) � Distance Terre-étoiles 10 fois plus grande (Kepler - 1600) � Distance Terre-Soleil≈ 75 000 000 km (Cassini & Flamsteed - 1672) � Distance Soleil-étoiles ≈ 10 000 à 100 000 fois plus grande (Huygens &

Newton 1650/1700) � Distance Soleil-étoiles > 200 000 unités astronomiques (Struve, Bessell &

Henderson - 1838) � Distance des autres galaxies est 300 000 à 3 000 000 années-lumière

(Hubble - 1925)

8 - Les objets célestes naissent et meurent

� Loi de conservation de l'énergie (Kelvin & Helmholtz - 1850) � Évolution stellaire (Russell - 1910) � Source d'énergie nucléaire (Eddington & Bethe - 1940) � évolution des galaxies (Tinsley - 1967)

9 - Développement du concept de "profondeur du temps"

� Échelle astronomique � Échelle biologique � Échelle sociologique

10 -La multiplication des fenêtres astronomiques (visible, infrarouge, radio, ultraviolet, etc.; 1930/2000) montre différents aspects de l'Univers

Pour en savoir plus: http://www.hao.ucar.edu/public/education/education.html#history Est un excellent site sur l'histoire des sciences (anglais) http://www-groups.dcs.st-and.ac.uk/~history/Indexes/Full_Alph.html Base de données sur tous les scientifiques du monde, toutes époques confondues (anglais)

Yannick Dupont V2.0, été 2001

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