85
H ISTOIRE DU D ROIT PENAL Dernière sauvegarde : mardi 1er juin 2010 Notes du cours de Mme KEIRNES

Histoire du droit pénal - cours 2009/2010

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Notes des 3h de cours du mardi, complètes.

Citation preview

H IS TO I R E DU D R O I T P E N A L Dernière sauvegarde : mardi 1er juin 2010

Notes du cours de Mme KEIRNES

Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts 2009-2010  

Chapitre I · Les sociétés sans État 2  

Informations pratiques

� Fond

Ø Ce ne sont que des notes de cours, se voulant retranscrire le cours de la manière plus fidèle possible. A l’impossible nul n’est tenu. Des fautes, coquilles, inexactitudes peuvent exister. Elles ne sauraient engager ni le professeur ni même moi, à la rigueur toi, honorable lecteur, qui aura pris le risque de te reporter sur le travail d’autrui pour combler tes lacunes, peu importe leur origine.

Ø Ce ne sont que des notes de cours, gratuites. Elles ne doivent en aucun cas être vendues, revendues, bref monnayées d’une quelconque façon.

Ø Ce ne sont que des notes de cours, perfectibles. La critique est donc toujours la bienvenue, si tant est qu’elle soit constructive.

� Forme

Ø C’est pour des raisons de compatibilité, et d’affichage uniforme, que le fichier est en PDF.

Ø Par conséquent, et c’est ballo, d’une part, les niveaux de texte (partie, sous-partie, titre et compagnie) ne sont pas utilisables dans la version PDF. Il faudra donc le faire soi-même comme un grand si le besoin s’en ressent. D’autre part, les liens hypertextes ne sont pas disponibles dans la version PDF, et il en est de même pour les notes de bas de page.

� Annotations

Ø Un (x) signifie qu’un morceau manque à l’appel. Un –x–, --x– ou –x-- signifie que le morceau qui manque à l’appel est plus gros, probablement un cours en moins.

Ø Un (≈⋲) signifie que le morceau est à prendre avec des pincettes car éventuellement avarié. C’est pareil lorsque le texte est écrit en rouge.

Ø Un (!) signifie quant à lui une information d’une importance toute particulière, genre actualité, allusion suspecte au partiel…

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts  

3 Chapitre I · Les sociétés sans État  

Prologue : les sociétés primitives et la délinquance

Les sociétés primitives posent un problème d’identification. Leur spécificité, c’est en tout cas le fait qu’il n’y ait pas d’État, non pas qu’elles en soient incapables, car certaines y ont été au contraire en contact, mais qui l’ont refusé, développant des mécanismes tangents.

Ces sociétés sans État sont fréquentes aux époques anciennes. Aux frontières de Rome, on en retrouvait des brochettes. Les anciens francs, alamans, wisigoths ne sont que des exemples parmi tant d’autres. Aujourd'hui encore, on arrive à en retrouver en Amazonie.

Ces sociétés sans État ont développé des processus de régulation des conflits qui peuvent avoir un intérêt encore aujourd'hui. La résolution des conflits peut s’avérer plus efficace par un mécanisme de pacification de la communauté. Le conflit était finalement utile à la communauté dans la mesure où cela permet à la communauté de se rassembler. Le conflit amène la communauté à se rencontrer, discuter, et à tenter de trouver une solution.

Chapitre I Les sociétés sans État

Les sociétés sans État sont en principe traitées sous l’angle de l’anthropologie. Leur élément caractéristique, c’est le fait qu’il n’y ait pas de pouvoir central, pas d’instance disposant du pouvoir, du monopole de la force, ou de l’édiction de la norme, bref de contrainte les autres. On parle ainsi de sociétés horizontales, des sociétés gentilices. Gentilice, de gens, famille au sens large. La cellule familiale est alors la structure de base. Chez les Écossais, on parle ainsi de clans. Le père y dispose généralement un rôle important, la mère beaucoup moins souvent. Les pères ont un pouvoir qu’ils exercent sous le regard des autres. Il y a un phénomène de régulation. Ce pouvoir s’exerce sur un plan religieux, « juridique », ce dernier terme étant pourtant propre aux sociétés.

Qui dit société sans État suppose-t-il qu’il n’y ait pas de Droit ?

Si l’on pense au Droit en tant que rassemblement de normes édictées par un État, bah alors non. Mais dans les sociétés sans État, s’il n’y a pas de Droit, il y a de la norme. Elle est même envahissante, saturante, oppressante. Elle n’est pas l’office d’un État, mais d’un mythe, le récit des origines qui raconte comment les premiers Hommes sont arrivés sur Terre. Ce mythe a pour fonction essentielle d’énoncer ce qu’il faut faire et ne pas faire. Ces normes ressassent les actions des ancêtres, les coutumes, afin qu’elles soient répétées. Ces sociétés sont obsédées par le passé. L’avenir n’est que la répétition du passé. Le mythe est ramasse-miette. Il traite de tout domaine. Lieux sacrés, Mariage, nourriture, adultère, inceste. L’inceste ne concerne pas seulement le père, la mère et les enfants, mais toute une catégorie de population. La sanction coûte cher.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts 2009-2010  

Chapitre II · La sanction des interdits 4  

Chapitre II La sanction des interdits

Il faut distinguer deux catégories d’infraction.

1 · La transgression des interdits exprimés par le mythe

Cette catégorie relève grosso modo de l’ordre public. Il est fondamental, et en dépend la perpétuité de l’équilibre de la société. Coucher avec tout ce qui bouge, se nourrir de certains mets sont purs sacrilèges.

Il y a un mécanisme qu’on retrouve de manière récurrente. Celui qui transgresse, volontairement ou non, bref le simple fait que le délit soit constitué, entraîne une sanction. Le coupable est exposé à la sacerte. Les Germains préfèrent eux la notion de bannissement. Le coupable devient forban.

Sacerte suppose que l’individu ne relève dorénavant plus des lois humaines. Brrr. Il ne bénéficie plus de la protection des règles humaines. Il est remis entre les mains du ou des dieux offensés. Moralité. Il peut ou doit être mis à mort, et par n’importe qui. Au sacrilège on répond le sacrifice.

Le forban est lui hors du pouvoir royal. Il est lui aussi offert en sacrifice et advienne que pourra.

Les Germaniques évoquent le wergas. Il est comme un loup. Un animal malfaisant, nuisible pour les humains. Bon de toute manière pour lui aussi, le gros lot, c’est la mise à mort par n’importe qui.

Oui, car dans ces sociétés, il n’y a pas une personne qui est chargée de mettre à mort le sacerte. Tout le monde le fait. La communauté, enfin les anciens, se rassemble pour discuter, vérifier et décider. Chez les aborigènes d’Australie, une Femme qui voit certains objets qu’elle ne devait pas voir, lorsqu’elle n’est pas mise à mort, et bah elle est violée par tout le monde.

2 · La transgression d’interdits moins graves

Une dispute qui dégénère, sans préméditation, entraîne un mécanisme récurrent. La vengeance. Mais elle aussi obéit à des normes. À la base, c’est un principe structurant des sociétés traditionnelles. Il doit y avoir un équilibre entre les groupes. L’infraction, le préjudice subi par une parentèle est interprété comme une rupture d’équilibre. On doit rétablir l’équilibre et donc faire couler la même quantité de sang. L’honneur est entaché, il faut le nettoyer. Cette réparation s’opère solidairement au sein du groupe. Chaque membre doit réparer l’affront fait contre le groupe, la famille. Cette vengeance va être poursuivie non pas seulement contre le coupable, mais n’importe quel membre du groupe auquel appartient ce coupable. Exit la responsabilité personnelle. Exit l’élément intentionnel. Celui qui ne venge pas les siens est déshonoré à son tour. Il n’est plus un Homme, il devient une Femme. Oui, car seuls les Hommes ont le droit de se venger. Les Femmes rappellent aux Hommes leurs obligations. Jojo, tu n’es toujours pas allé me venger, attention !

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts  

5 Chapitre II · La sanction des interdits  

La vengeance ne doit pas dégénérer. Il y a droit de se venger, obligation de se venger, mais il ne faut pas en abuser. Ce serait fausser l’équilibre. Celui qui abuse est considéré comme dangereux. Alors lui aussi il devient un loup, une bête. Il perd le contrôle de lui-même, donc, on s’en débarrasse. Il devient sacerte, forban, tout ça. Allez ouste.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts 2009-2010  

Chapitre II · La sanction des interdits 6  

PARTIE I • La répression à ses débuts

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts  

7 Chapitre I · La Grèce & l’invention de la peine  

Chapitre I La Grèce & l’invention de la peine

Qui dit Grèce suppose un bon millénaire et demi. 3 périodes. L’époque archaïque qui va du début du deuxième millénaire jusqu’au septième siècle av. J.-C. L’époque classique du septième au quatrième siècle. Enfin, l’époque hellénistique, de la fin du quatrième au premier siècle av. J.-C.

Ce sont les Grecs qui ont inventé la peine, au travers du concept Poiné, et la Loi.

Section 1 L’époque archaïque

L’époque archaïque a été difficile à dépoussiérer. Les poèmes homériques ont eu ici un intérêt particulier.

Paragraphe 1er Les structures politiques Chez Homère, vague ancêtre d’Homer, il y avait un Roi. Donc, le pouvoir avait été

donné par les Dieux. Il tient le symbole du pouvoir, le sceptre. Ce Roi a une dimension religieuse. Il est l’intermédiaire entre les Dieux et le peuple. Il descend directement de Zeus. Il a aussi une dimension guerrière. Il conduit les guerriers au combat. En matière juridique, il n’a pas beaucoup de pouvoirs. À côté de ce Roi, d’autres personnages importants, chefs de grande famille, nobles, également d’ascendance divine, constituent le conseil du Roi, quitte au passage à s’octroyer le terme de Roi. Ils entendent empêcher ce Roi de dévier en Tyran. Ce conseil a une importance juridique toute particulière. Enfin, il y a le peuple, le démos, défini comme la masse de ceux qui n’ont pas pris part au conseil. À l’époque archaïque, son rôle est très limité. Il ne parle pas, ne s’exprime pas, ne décide pas. Il témoigne. Passif.

Paragraphe 2e La sanction des infractions L’hubris, hybris, c’est l’acte de violence, l’infraction, l’acte contraire à la morale,

bref l’acte contraire à la Thémis, la Loi divine. Celui qui fait l’hubris le fait de manière impulsive. L’hybris s’empare d’une personne, l’aveugle, le rend fou, le faisant oublier norme et mesure. Encore un coup des Dieux. Les Hommes restent les jouets des Dieux. L’Homme perd sa raison. Le Roi sanctionne, entouré de ses conseils. Tenant son sceptre d’or, il rend la sentence tel un Oracle. La sanction peut aller jusque la mise à mort. Avec pour particularité ici que les Hommes ne sont pas toujours sûrs d’avoir bien comprise la décision transmise par les dieux via le Roi. C’est la raison pour laquelle le rituel de la mise à mort permet au coupable d’en réchapper… Si les dieux le souhaitent. La sanction prend la forme d’une ordalie.

La sanction et la peine sont différentes selon que le coupable soit un Homme ou une Femme. Lorsque c’est un Homme, le Roi administre la sentence devant le démos. Lorsque c’est une Femme, puisque ce n’est pas un être public, puisqu’elle relève d’une forme de juridiction domestique, c’est dans la maison qu’elle est jugée par l’homme qui a

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts 2009-2010  

Chapitre I · La Grèce & l’invention de la peine 8  

pouvoir sur elle. La sanction ne peut entraîner le sang à couler. Bon, rassurons-nous, on pourra la murer, l’empoisonner, etc.

Paragraphe 3e La vengeance La Justice qui en découle n’a court que pour des transgressions jugées comme

graves, contraire à la Thémis. Cette justice ne s’applique pas pour des infractions considérées comme banales, justifiées par la vengeance. Dans la Grèce archaïque, on se venge, on doit se venger. Le noble qui ne se venge pas perd sa noblesse. Le meurtre pour laver un affront reste légitime, ne donne pas lieu à la justice royale. Cette vengeance peut être menée de deux façons, par les armes avec donc un peu de sauce tomate, ou par négociation, conciliation après avoir vu se rencontrer les deux groupes ou familles. L’auteur du trouble donnera quelque chose, ce quelque chose portant le nom de Poiné. La peine, mais surtout la compensation pour recouvrer l’honneur.

Section 2 Le Droit pénal de la Cité

Paragraphe 1er Le contrôle de la vengeance Bref, les premières lois.

C’est en Grande Grèce que commence le grand mouvement qui va pousser à la promulgation de lois. Les plus connues, ce sont celles de Dracon, de Solon, parmi tout un tas. Elles se fixent pour but d’en finir avec la vengeance, tout au moins, de la limiter. Parallèlement, elles voulaient mettre au cœur de la Cité le citoyen, sujet de Droit responsable individuellement de ses droits.

1 · Le commencement de l’individualisme a · Les racines pénales de l’individualisme

Cela va de pair avec l’émiettement des pouvoirs du Roi. Il est concurrencé par les grands. De grandes familles, les eupatrides, les biens nés, entendent juger eux-mêmes les infractions de leurs concitoyens. Pour ce faire, ils mettent en place l’aréopage, ayant compétence pour les grandes infractions.

Ce faisant, pour la première fois s’impose l’idée que des hommes puissent juger d’autres hommes sans en passer par la justice divine.

Afin de donner une transparence à la Justice des Hommes, Dracon publia une Loi, essentiellement pénale, révélant les droits du citoyen.

C’est dans ce contexte que s’opère la prise de conscience de la distinction entre volontaire et involontaire. La notion d’individu prend racine dans le Droit pénal. Les grandes structures familiales, parentèles, perdent des tours.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts  

9 Chapitre I · La Grèce & l’invention de la peine  

À partir du moment où l’on recherche l’intention, le meurtre ne se confond plus avec l’assassinat, la sanction du crime est modulée par la gravité de l’intention. Une Loi déterminera quelles sont les différentes sanctions pour les différentes infractions commises.

b · Les Lois distinguent différentes catégories d’infraction

On va ainsi distinguer selon que l’homicide est prémédité ou non. Si oui, et bah la sanction, c’est la mort. S’il est involontaire, la peine, c’est l’exil. À côté de ces deux types d’homicide, des circonstances peuvent justifier l’homicide, ce sont les meurtres légitimes. Le meurtre involontaire de l’adversaire au cours d’une compétition sportive, le meurtre d’un compagnon d’armes lors d’un combat, le meurtre d’un briguant suite à une embuscade, le meurtre de la personne prise en flagrance d’inceste… dans tous ces cas-là, on peut tuer sans sourciller.

2 · Le procès a · La procédure est accusatoire

Elle est opérée à l’initiative des parents de la victime, qui doivent accomplir deux actes solennels. Le premier, c’est le fait de se rendre auprès du magistrat responsable des organisations des procès. L’Archonte Roi. Ensuite, ils doivent se rendre auprès de la sépulture de la victime pour y planter une lance.

b · Le temps du procès et les compromis de la sanction

Il commence par une proclamation solennelle où l’archonte Roi ordonne à l’accusé de se tenir éloigné des lieux publics. On pouvait ainsi en profiter pour jeter le discrédit sur des adversaires politiques, tout au moins les écarter. L’accusé est infâme.

L’instruction du procès s’opère au cours de trois audiences, au cours desquelles les parties exposent, se justifient. L’archonte roi administre ces phases, et qualifie le fait pour saisir la juridiction. Une fois la juridiction saisie, une audience solennelle, commençant par un serment, voit les parties prêter serment, sous peine de malédiction sur lui, les siens, et sa maison. Accusation et défense prononcent chacun deux discours. Il est entendu qu’au cas où l’accusé, à l’issue du premier discours, peut choisir pour l’exil histoire d’éviter d’être condamné. C’est lié à l’idée du fait que le citoyen soit un être libre.

Les parties peuvent faire appel à des avocats, les logographes, qui ne plaident pas, qui ne parlent pas, mais qui écrivent les défenses. La procédure, accusatoire, suppose que les parties elles-mêmes prennent en main leur défense.

Ces procédures vont être perverties peu à peu avec les sycophantes, accusateurs professionnels.

La Loi prévoit la sanction. La sanction peut aller jusque la peine de mort, mais peut se limiter à une peine, la Poiné. Cette peine est fixée par la Loi. On ne négocie plus. La peine devient légale. La vengeance est désormais interdite. En cas d’infraction, les parties doivent se présenter devant l’Archonte Roi.

En ce qui concerne la peine de mort, ce qui est possible dans plusieurs cas déterminés, il n’y a toujours pas de bourreau. Qui aura ce bon plaisir ? L’exécution appartient au « vengeur du sang ». L’exécution est déléguée.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts 2009-2010  

Chapitre II · Les Gaulois & le châtiment des dieux 1 0  

Chapitre II Les Gaulois & le châtiment des dieux

Les Celtiques n’auraient été que très relativement romanisés. Les anciens Gaulois avaient pour manie de ne rien écrire. Pour César, c’était dans le but de renforcer le poids de la mémoire. Le savoir était transmis auprès des druides, bardes. Essentiellement la généalogie, histoire de justifier la noblesse des familles, et les coutumes. Les Gaulois ont été en contact avec l’écriture, mais la cantonnent à la seule comptabilité, employant alors des caractères grecs.

Grâce aux découvertes archéologiques, on a pu se défaire des seules sources grecques ou romaines. Des fouilles ont ainsi été menées en Picardie, permettant de mieux comprendre le fonctionnement de la justice chez les anciens Gaulois. On a finalement retrouvé des tuiles écrites, même un calendrier, mais aussi des plats, des tablettes magiques écrites en langue gauloise. Ces écrits datent de la période gallo-romaine.

Section 1 Les druides

Ce terme pourrait faire allusion à la sagesse. D’après César ou Strabon, les druides étaient on ne peut plus influents. Religion, astronomie, mais aussi conflits. Les druides sont chargés d’écouter les parties et de résoudre les conflits qui peuvent les opposer. D’où une position primordiale dans la société. À côté d’eux, on retrouve les chevaliers, les equites, les nobles. Ce sont les deux grandes catégories hautes de la société.

Les druides justifient leur pouvoir des Dieux.

Section 2 Justice divine & vengeance

Les Gaulois auraient un goût prononcé pour la vengeance. C’est la coutume. Il faut défendre l’honneur de la famille. Dès les infractions banales. Mais pour d’autres infractions, plus graves, comme le sacré, la propriété foncière, ou le règlement des dettes, on n’en passe pas par la vengeance. Là, on emploie une procédure qui justifie la compétence du Druide. Il y a ainsi une sorte de calendrier judiciaire pendant lequel sont présentées les affaires. Le Druide entend les parties, sans que l’on sache encore aujourd'hui réellement comment se déroulent les procédures. Le Druide écoute et juge en interrogeant éventuellement les Dieux pour les affaires les plus graves, notamment lorsque la peine capitale est en jeu. Celui qui n’exécute pas un jugement rendu par les druides est exclu des cultes. Qui dit exclusion des cultes suppose mise au ban de la société. Ces jugements peuvent condamner à des indemnités, comme à la peine de mort. Le rituel de la mise à mort diffère semble-t-il selon les cas. Dans certains cas, la peine et bah c’est le feu. Autant faire simple. On utilise des mannequins en osier à l’intérieur desquels le coupable était cuit à point. Dans d’autres cas, on ouvre le coupable. Dans d’autres cas encore, on les enfermait dans des cages jusqu'à ce

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts  

1 1 Chapitre III · La Rome ancienne  

que mort s'ensuive. Toujours est-il qu’il y avait plusieurs modes d’admission de la mort pour révéler l’interprétation de la volonté des Dieux. Le coupable offense les dieux, et devra donc périr en fonction de la personnalité du Dieu. La sentence capitale est toujours justifiée par la volonté des Dieux.

Chapitre III La Rome ancienne

Trois grandes phases. La Rome royale, la Rome républicaine et la Rome impériale.

La Royauté va de 753 et des brouettes à 509 av. J.-C. S’en suit la République jusque 27 apr. J.-C., à partir de quoi débute l’Empire.

Dans la période ancienne, peu de sources ne sont parvenues jusqu’à nous. Les sources sont postérieures. La question juridique est approchée par le mythe, ce dès la création de Rome, Remulus, Romus et compagnie.

Il y a eu deux phases distinctes.

La première, la royauté fédérale latine, la plus ancienne, et ensuite, avec l’arrivée des Étrusques. Il en résulte deux appréciations différentes de résolution des conflits.

Section 1 La représentation du pouvoir royal

Dans un premier temps, sous la royauté fédérale latine, le système est la société gentilice, ou le pouvoir appartient au chef des grandes familles, les patres. Ces patres sont les gardiens des mores, les mœurs, bref, les coutumes. Ces patres se réunissent en assemblée lorsque se présentent des questions sensibles. Cette assemblée prend le nom de Sénat, prototype du futur sénat romain. Sénat dérive de senus, vieux. Cette époque marquée par la royauté. Le rex dirige, donne l’impulsion. Le Roi n’a pas encore de pouvoir de contrainte. Il évoque davantage un Roi de société primitive, traditionnelle. On parle ainsi de royauté magique. Les rois sont à l’écart. Il ne se coupe pas les cheveux, ne mange pas n’importe quoi. Il est l’intermédiaire entre les dieux et le peuple. Pèse sur lui une « responsabilité » objective. De sa bonne conduite dépend la prospérité de la communauté. S’il déconne, tout le monde morfle. Dans un tel cas, la communauté met à mort le Roi. Alors, il est d’abord chassé, et ensuite mis à mort. On retrouvera cette royauté magique durant le Haut Moyen-Age.

Sous la royauté archaïque de Rome, ça marchait un peu pareil. Mais tout cela va changer avec les Étrusques. Venus d’Asie, ceux-ci introduisent une nouvelle manière de penser la société, de penser le pouvoir, un pouvoir qui est dorénavant vu contraignant. Le Roi a désormais des symboles de ce pouvoir. Un sceptre, un fauteuil curule. Des appariteurs –les licteurs– le précèdent, d’autres l’accompagnent, et eux aussi disposent d’instruments, les faisceaux de verges entourant une hache pour décapiter, au cas où hein.

D’où une façon différente de penser la répression des infractions.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal La répression à ses débuts 2009-2010  

Chapitre III · La Rome ancienne 1 2  

Section 2 La répression des infractions

Dans la royauté fédérale latine, la répression était traditionnelle. Pour les infractions… normales, banales, bon bah on se venge. On rétablit l’honneur de la famille. La vengeance permet d’éviter qu’une famille prenne l’ascendant sur une autre. La vengeance doit être adaptée, proportionnée à l’infraction subie. La vengeance peut permettre la mise à mort de l’offenseur ou d’un de ses parents si aucune conciliation n’a été trouvée. Enfin un, pas vingt, il faut adéquation.

Si l’infraction est… anormale, si bien que toute la Communauté peut se sentir menacée, les patres sont consultés sur ce degré d’anormalité, et l’individu est exclu, banni, chassé, pourchassé, et tout le monde peut le buter.

À partir du moment où un Roi exerce un pouvoir de contrainte, le pouvoir repose de plus en plus sur une seule autorité, qui se place peu à peu au-dessus des patres. Ce Roi entend être la source de ce qui prendra plus tard le nom de justice. Il va ainsi limiter la vengeance, au profit de sa justice, pouvant aller jusqu’à la mise à mort du coupable.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance  

1 3 Chapitre III · La Rome ancienne  

PARTIE II • Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance 2009-2010  

Chapitre I · La Loi des douze tableaux & les débuts de la pénalité 1 4  

La royauté prend fin en 509 av. J.-C. Les Rois étrusques auraient été chassés après que les Tarquin aient eu une tentation un peu trop prononcée pour la tyrannie. Pour preuve, le dernier des Tarquin se serait amusé à violer une matrone, avant de passer avec son char sur son corps, poussant les patres à réagir. Enfin tout ça hein, c’est selon l’Histoire traditionnelle. En réalité, les Rois étrusques auraient été tentés de s’appuyer plus sur le peuple, sur la Plèbe, pour limiter le pouvoir des grandes familles patriciennes. Et du coup, les rois auraient voulu sauver les meubles.

Bon enfin toujours est-il que la royauté, c’est fini. La res publica prend le relai. Avec la République ne correspond pas l’avènement d’un système démocratique. La première res publica est oligarchique. Bizarrement, les patriciens tirent leurs marrons du feu. Dans les années 450, la république donne une place un peu plus importante au peuple. Sénat, magistrats et peuple se partagent la société. C’est la Cité républicaine. Tous trois collaborent pour légiférer, mais aussi rendre la justice. En -27, la République chute. L’époque impériale point le bout de son nez. Le pouvoir redevient personnel, la méfiance est grande, car on redoute le penchant tyrannique. Le Prince va peu à peu émerger, s’imposer comme la source de la norme, comme le détenteur, l’administrateur de la Justice. Lui seul fait triompher l’équité. Enfin, en réalité, il va, à partir du IVème siècle, l’empereur sera toujours plus cruel.

Chapitre I La Loi des douze tableaux & les débuts de la pénalité

En 509, le régime qui s’impose est de type oligarchique. Le pouvoir est désormais entre les mains des patriciens, chefs de grande famille. Ils s’appellent patres car eux peuvent désigner leurs pères, donner une importance certaine à leur généalogie. Ces patriciens, en vertu d’un prestige qu’eux-mêmes déterminent, s’accaparent le pouvoir. À l’époque, il n’y a pas de Loi. Il y a bien une lex, des leges, mais tout ça ne désigne que ce qui a été dit solennellement. La parole a une valeur performative. Le fait de dire donne une efficacité à ce qui est dit. Cette parole, on la retrouve tant sur un plan public que privé. La société reste coutumière.

Les gardiens de la coutume, ce sont les pères au niveau de la Famille ou les pontifes au niveau de la Cité, des prêtres, eux aussi patriciens. Désormais, il y a des magistrats, macstarnats à l’origine du terme magistratus, celui qui est au-dessus des autres citoyens. Qui dit magistrat suppose autorité, auctoritas. L’auctoritas vient du mot augere, qui signifie augmenter. Le magistrat dispose de l’autorité et d’un pouvoir, c’est l’imperium. Les magistrats ne peuvent être que des patriciens. Le consul ou le préteur sont deux exemples de magistrature supérieure. L’imperium permet au magistrat de mener les armées au combat, mais encore de contraindre, permettant la mise à mort de celui qui n’obéit pas à la contrainte.

L’autre composante de la Cité, et bah ce sont les plébéiens, de pletos, la masse inorganisée, la masse confuse. Eux ne peuvent pas faire remonter suffisamment loin leur généalogie. Les plébéiens sont les perdants du nouveau régime mis en place. En effet, les magistrats s’accaparent l’ensemble des pouvoirs et les plébéiens s’y soumettent. Les plébéiens répondent aux obligations de partir en campagne. Allez mon coco, tu vas défendre Rome là-bas. Et l’effort de guerre, de mars à octobre, pèse sur leurs activités essentiellement agricoles. En retour, les plébéiens pourraient espérer les terres prises à l’ennemi. Et bah non. Les commissions qui gèrent les profits de guerre sont dirigées par des patriciens qui s’arrogent toutes les richesses. Pas bien. Les plébéiens, contraints de s’endetter, qui plus est auprès des patriciens. Beaucoup d’entre eux finissent par devenir insolvables. Et alors, un procès s’ouvre, le créancier poursuit le débiteur devant un magistrat… évidemment patricien. Or, la coutume est à l’époque que l’obligation est

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance  

1 5 Chapitre I · La Loi des douze tableaux & les débuts de la pénalité  

personnelle, et quand on dit personnelle, c’est même physiquement. Celui qui ne paye pas ses dettes se remet entre les mains de son créancier. Le plébéien se retrouve dans une situation de dépendance extrême. Le créancier peut ainsi… l’enchaîner chez lui. Soit le créancier se fait rembourser en faisant travailler le débiteur, soit il le vend, au cours de trois marchés successifs, pour éventuellement permettre qu’un proche rachète la dette. Dans le cas contraire, le débiteur insolvable est… lâché par la communauté, si bien que le créancier peut le vendre alors en tant qu’esclave à l’extérieur de Rome. Rassurons-nous, il peut sinon le mettre à mort. Et s’il y a plusieurs créanciers sur un même débiteur, la coutume prévoyait que le corps du débiteur était partagé en autant de créances. Bon alors les plébéiens n’ont aucun accès à la vie politique, à la vie religieuse, et ils doivent répondre aux obligations militaires sans en tirer profit si ce n’est le risque d’être insolvable. Donc tout ça dure un temps, jusqu’au moment où les plébéiens décident de se révolter. Ils décident de se barrer de la Cité, et décident quelque temps plus tard de fonder une autre Cité. Ils vont squatter l’Aventin. Ils vont se doter d’un certain nombre d’institutions, d’un magistrat, le tribun de la Plèbe, leur porte-parole. Quand bien même, pour les patriciens, la plèbe n’a pas de droit à la parole. En outre, ils décident de former des assemblées, au cours desquelles ils peuvent prendre des dispositions qui les obligent, ce sont les plebiscites. Ces assemblées, ce sont les concilium, les conciles. Ils se créent également une forme de justice. Le cadre démocratique mis en place par la Plèbe est révolutionnaire, il ne tient pas compte de la généalogie, et les plébéiens peuvent malgré tout avoir un pouvoir politique. Les patriciens en étaient restés au pouvoir accaparé, alors pour eux, pas question d’assemblée ou de parole au peuple. Mais ils vont être obligés de lâcher du lest. Cette période s’écoule de 480 à 450 av. J.-C. En 450, il y a accord. Les patriciens reconnaissent le Tribun de la Plèbe. Il est légitime et a droit de parole. Les plébéiens obtiennent également le Droit d’organiser des assemblées du peuple à Rome même. En outre, le principe de la promulgation d’une Loi est admis. Exit l’arbitraire des magistrats. Le procès relevait de l’arbitraire, du pouvoir discrétionnaire du magistrat, non encadré par la Loi. Désormais, le magistrat juge en vertu non pas de son pouvoir, mais d’une Loi. Les plébéiens entendent reprendre ce qui se passe à Athènes. À ce moment-là commence la république patricio-plébéienne.

La Loi des Douze Tables en finit avec l'activité discrétionnaire du magistrat. Ce n’est plus la fête du slip pour le magistrat. Il est lié par cette Loi qui limite donc son imperium. De cette Loi dépend le jus. Le magistrat dispose toujours de l’imperium, mais plus dans le cadre du procès. Cette Loi a été promulguée et est affichée publiquement sur le Forum. Quiconque peut la consulter. Cette Loi des Douze Tables est ancrée et pour longtemps.

Section 1 Les infractions

Ces lois ne touchent pas à la matière publique, ni à la matière propre au domus. La patria potestas s’y oppose. Le Père exerce sur ce domus, ses clients, ses enfants, ses petits-enfants, ses esclaves et bien sûr sur les femmes. La Femme est toujours placée sous la puissance d’un Homme. Quand elle est jeune fille, c’est sous l’autorité de son père qu’elle vit, et ensuite, après son mariage, il n’y a que transfert de filiation, elle se retrouve sous la coupe de son mari. Moralité, la Femme n’est pour la Cité qu’un… ventre fécond. Alors, la Femme n’a aucun pouvoir politique, elle ne peut même pas y être présente physiquement. Les cultes publics lui sont aussi interdits. Bon alors l’indépendance financière, il n’y en a pas non plus.

Les enfants, on les distingue selon qu’ils sont filles ou garçons. Jusque-là, ça a l’air normal. Le père disposait d’un droit de vie et de mort sur ses fils, discrétionnairement. Cette mise à mort ne devait cependant pas être sanglante. La mise à mort sanglante reste le privilège de la Cité. Le Père reste parallèlement soumis au regard des autres citoyens. Trancher tout ce qui bouge pourrait le voir contraint de s’en expliquer auprès du Censeur qui, tous les 5 ans, recensait la population, donc posait des questions, et le cas échéant

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance 2009-2010  

Chapitre I · La Loi des douze tableaux & les débuts de la pénalité 1 6  

sanctionner l’honneur du père qui aurait été un peu trop déviant. Pour les filles, le Père a aussi le pouvoir de la mettre à mort, de même pour son épouse qui est considérée comme une fille, mais ce pouvoir est subordonné au constat d’une infraction. Deux cas de figure. L’adultère dans la maison est un premier cas. L’autre cas, c’est la consommation de vin. A priori, c’est dû à la faiblesse du beau sexe, elles deviennent pompettes un peu trop rapidement. Bon et puis surtout, le vin est la boisson des dieux. La mise à mort de la fille ne doit en aucun cas être sanglante.

Vu le jus gentium, les esclaves peuvent être mis à mort de manière totalement arbitraire. Chaque père dispose de ses clients. Par la suite, il devra les assister.

Le père est… père, mais non pas parce qu’il a des enfants. La notion de paternité est une notion juridique. Le père exerce un pouvoir viager. Tant qu’il est vivant, c’est lui le pater. Il n’est pas tenu d’avoir des enfants de manière naturelle. Il peut adopter. Au IIIème siècle, le célibat est à la mode. Pour transmettre les noms, cultes familiaux, l’adoption est une solution. Un fils demeure soumis à son père tant que celui-ci est vivant. Le fils a une majorité politique, mais au sein du domus, il est soumis au pouvoir de son père. Il n’a pas de capacité juridique. La société est fondamentalement patriarcale et la Loi des Douze Tables n’y touche pas.

(≈⋲) Loi des Douze Tables. Elle reprend la forme « si… alors », bref le syllogisme judiciaire. En outre, elle revêt un caractère subsidiaire. L’action judiciaire n’intervient qu’à défaut de conciliation, qui reste préférée. Le recours devant le Juge était perçu comme infamant, du moins chez les aristocrates. Le seul fait de se ramasser un procès ternit l’image. La Loi des Douze Tables s’intéresse tout particulièrement à l’intention. On distingue le fait volontaire du fait involontaire. Il faut tuer dolo sciens, en pleine connaissance de cause. La Loi des Douze Tables prend en compte la folie. Le dégivré, le furiosus, n’est pas pénalement responsable. L’injure, à l’époque, c’est tout acte contraire au Droit. Il a aussi un sens restreint, vise l’outrage à la personne pour différents délits. Ces injures recouvrent trois cas, le membre rompu, l’amputation, ou toute lésion définitive à un membre, l’os fracturé ou l’injure en tant qu’outrage à la personne. Pour ces trois infractions, la peine du Talion intervient, mais là encore, à défaut d’accord. Œil pour œil, tout ça… mais contrairement à la vengeance basique, ici la limite, c’est que seul le coupable est visé, pas toute sa famille. Pour l’os rompu, la compensation est financière. Il y a une poeina, une amende, fixe, 300 as pour un homme libre, 150 au profit du maître si la victime est un esclave. En cas d’injure, l’amende, c’est 25 as. Une autre infraction, c’est le vol, le furtum, qui a donné furtif. Bon, si le vol est commis la nuit, brrr, la Loi des Douze Tables prévoit pour la victime qu’elle puisse mettre à mort le voleur qui s’introduit de nuit chez elle. Justice privée ? Non, car dès le lendemain, il faudra aller voir le préteur, pour lui dire que y a un cadavre chez lui, et s’en expliquer. Légitime défense ? Non plus, car ce sera théorisé plus tard, vers la fin de la République. Si le volume est opéré de jour et avec l’aide d’une arme, alors là aussi, pas de souci, on peut le mettre à mort. La Loi des Douze Tables distingue vol manifeste et vol non manifeste. Dans le cas du vol manifeste, pas de droit à mettre à mort. Le voleur est présenté devant le préteur. C’est à la victime de le présenter. Le demandeur doit rencontrer sur la place publique son adversaire, lui sortir des paroles solennelles, en présence donc du public, et si le défendeur refuse, et bah il est saisi par la manus injectio, bref physiquement, et trainé devant le préteur. Si le vol est bien manifeste, le préteur remet le voleur à sa victime, qui en fait ce qu’il veut, y compris le mettre à mort. Pour le vol non manifeste, la peine est la composition au double de l’objet volé. En cas de vol flagrant, le volé peut perquisitionner chez le voleur. Le volé doit se présenter au domicile de celui dont il pense qu’il lui a taxé. Il y va en petite tenue pour éviter qu’il ne s’amuse à cacher dans ses vêtements l’objet qu’il dit volé.

Outre ces délits privés, il existe des délits plus graves, genre l’affectatio regni, le putsch quoi. Un citoyen convaincu de tenter de s’accaparer le pouvoir risque tout bonnement la mort. Autre délit public, c’est le parricide. À l’époque, ce n’est pas le meurtre d’un père, mais celui d’un pair. Il va falloir une intention coupable, une dolo sciens. La

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance  

1 7 Chapitre I · La Loi des douze tableaux & les débuts de la pénalité  

peine, c’est le sac, le culleus. Le parricide est d’abord fouetté jusqu’au sang, ce qui est le cas pour toute exécution. Il est ensuite enveloppé d’une peau de loup, on lui met des chaussures de bois, on le met dans un sac, avec les 4 animaux les moins bien vus, un singe, un chien, un coq et une vipère. De nuit, on l’amène dans un char tiré par des bœufs noirs et on le jette au Tibre. Bon voyage. Cette peine a été relativement abandonnée, mais ressuscitée sous Constantin au IVème siècle après JC pour châtier les parricides au sens alors plus actuel. Celui qui s’amuse à mettre le feu est, quant à lui, brûlé vif.

La Loi des Douze Tables s’intéresse également au malum carmem, le mauvais chant, bref l’incantation maléfique. On tape là dans la sorcellerie. Ce qui est plus étonnant, mais la raison est que beaucoup soient persuadés qu’un malheur arrive à cause d’un voisin, d’un concurrent. La Cité doit donc y répondre, la réglementer et finalement la banaliser pour écarter l’impact de la magie. Le châtiment est spécifique. Pour une incantation maléfique, le coupable est pendu à un arbre stérile. Pas d’effusion de sang. Ses biens sont attribués à Cérès, déesse de la fécondité. Celui qui fait un faux témoignage est jeté du haut de la roche tarpéienne. Le Juge qui se laisse corrompre est lui exécuté.

Moralité, la Loi des Douze Tables met un terme à la solidarité familiale. La vengeance est dorénavant interdite. La première démarche, c’est la conciliation. La deuxième, c’est l’action judiciaire devant un préteur qui est tenu par la Loi, sans pouvoir arbitraire. En outre, cette Loi est faite par et pour les Hommes. Ce n’est plus Dieu. On laïcise un peu le Droit. De là va être permis l’avènement d’une science juridique. Cette Loi entend garantir l’égalité des droits, des mêmes droits entre citoyens. Avec cette Loi, une certaine cohésion, réconciliation est retrouvée. C’est un facteur de paix. Par la suite, lorsque des problèmes similaires surviendront, genre les barbares, on allouera de nouveaux droits pour assurer la paix.

La Loi des Douze Tables n’est pas pour autant un code. Ce n’est pas un codex. A Rome, le codex, c’est le support de l’écriture non pérenne. C’est la petite tablette de cire. Le papyrus (x)

Section 2 La procédure

(x)

L’haruspicine, spécialité étrusque, permettait de lire la volonté des dieux dans la bête sacrifiée, et particulièrement dans son foie. Le procès va peu à peu se laïciser. Avec l’affermissement de la res publica, les Hommes conquièrent la gestion du Droit. On date cela autour du IV et du III. Le procès se déroule alors en deux phases. Le préteur, magistrat, a la tâche de vérifier si l’on se place bien dans une des catégories prévues par la Loi des douze des tables. Il le fait en principe de manière stricte. Si ce n’est pas le cas, il déboute et sinon, il écoute les parties et nomme un Juge. Ce magistrat examine en Droit l’affaire, mais ne juge pas. Le judex, alors lui, c’est un citoyen, une personne privée, mais pas n’importe quel clodo. C’est un notable, qui est nommé ad hoc, avec pour tâche de juger l’affaire. Le jugement est rendu par un citoyen. Lui va s’occuper des faits. Il va donc s’intéresser aux preuves, en fonction desquelles il va rendre une sentence, sententia. Cette sententia remonte au sentiment qu’a le Juge que les preuves sont ou non bien rapportées.

Cette sentence peut aller jusqu’à la peine de mort hein quand même. L’exécution capitale, jusque dans les années 300, est laissée à la victime ou à sa famille au sein de la cité romaine. L’exécution est déléguée. La Cité délègue à des personnes privées le soin d’administrer la sanction capitale. C’est une manière de calmer les pulsions vindicatives.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance 2009-2010  

Chapitre II · Les transformations du Droit en matière pénale 1 8  

Chapitre II Les transformations du Droit en matière pénale

La procédure était purement accusatoire. Le procès n’avait cours que si la victime déclenchait l’accusation. Mais quelques changements vont intervenir à partir des années 300 av. J.-C.

Tout ça partirait d’un fait divers. La Cité est alors en prise à une épidémie, qui ne toucherait les hommes, mais pas n’importe lesquels, pas mal de magistrats passent à la trappe. Jusqu’au jour où une servante va voir le Consul pour révéler ce pour quoi tout ça arrive. Elle demande donc quelques garanties, à commencer par la vie, et ensuite la liberté. Le Consul se tâte. Il en réfère au Sénat où on accepte de donner Droit à sa requête. En fait, ce serait les propres épouses qui s’amuseraient à empoisonner leurs maris. À cette époque, la pression des Hommes sur les Femmes augmente. L’esclave emmène des magistrats dans la demeure d’une de ses matrones, révèle l’endroit où étaient confectionnées ces potions. À partir de ce moment-là, une évolution va avoir lieu, notamment sur l’intérêt à agir.

Dorénavant, certaines affaires sont si importantes qu’elles mettent en jeu une notion nouvelle, l’intérêt public de la Cité. Il faut donc y adjoindre une procédure spécifique. Il faut permettre à tout accusateur d’ouvrir l’action. Cela va passer par des jurys spécifiques.

Section 1 Voies judiciaires

Certaines affaires sont suffisamment graves pour justifier la mise en œuvre d’une procédure spéciale. La Cité va se doter d’une personne à laquelle va être confiée l’exécution de la peine de mort, c’est le carnifex, le bourreau.

Un certain nombre d’affaires vont voir des magistrats abuser de leurs fonctions, faisant preuve de concussion, de fraude, surévaluant l’impôt. Ces magistrats sont poursuivis. C’est tellement grave que n’importe quel citoyen peut agir. Un autre type d’affaires jugées particulièrement graves et intéressant la Cité tout entière, ce sont les affaires visant les mœurs, qui vient de mores, les coutumes familiales, dont le père est supposé être le gardien. Le problème, c’est que ces mœurs vont évoluer, surtout à partir du IIème siècle av. J.-C. Le pater perd des tours. Une tension entre le père et les fils prend de l’importance au sein du domus. L’emprise paternelle est trop importante. Cette aggravation va aller jusqu’à la commission de parricides. Certains crimes familiaux, jusqu’alors couverts par le père, genre le viol, l’inceste, sont de plus en plus ébruités. Elles vont faire l’objet de poursuites. D’où la nécessité de mettre en place une nouvelle procédure.

La procédure des quaestiones, des jurys d’accusation populaire est mise en place. Cette procédure, pénale, voit l’accusation laissée à tout citoyen. Il n’y a pas de ministère public à Rome. Il appartient à tout citoyen de défendre l’intérêt public. Ce faisant, il fait œuvre civique. Les sources révèlent que le « bon » citoyen est délateur. La delatio, la délation, provient du premier acte de la procédure qui consiste à porter le nom de l’accusé. C’est le deferre nomen. Le magistrat s’assure que le délateur a bien capacité à agir. Il mène ensuite une très rapide enquête pour savoir si c’est du pipo ou non. Si les charges apparaissent fondées, le magistrat inscrit sur un tableau blanc, un album, le reus, le nom de l’accusé avec les charges qui pèsent sur lui. Le fait d’y figurer, c’est stigmatisant, infamant. Celui qui est procès doit se retirer de toute vie politique. L’accusation devient une arme politique. Le magistrat va ensuite confier à l’accusateur le soin de mener l’enquête pour

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance  

1 9 Chapitre II · Les transformations du Droit en matière pénale  

ramener les preuves nécessaires. Le magistrat lui délègue un certain nombre de pouvoirs pour enquêter au nom de la Cité. Si c’est ouvert à tout citoyen, en réalité, c’est fermé aux seules personnes disposant de suffisamment de ressources. Le magistrat va ensuite fixer le jour de l’audience, et l’inscrit sur son album. Ce procès aura lieu dorénavant en public, sur la place publique, sur le forum. Ce type devient un événement politique, public.

Ceux qui jugent se trouvent sur une estrade. Le magistrat, qui préside la séance. Mais ce n’est toujours pas lui qui juge. Ceux qui jugent, ce sont les jurés. Eux, ce ne sont pas non plus de simples badauds clodos. Ce sont des sénateurs. Pour chaque infraction, une Loi qui détermine le cours de procédure, donc qui seront les jurés. Les jurés jugent… mais après avoir entendu les parties. Ni l’accusé, ni l’accusateur ne viennent sans biscuits. Ils viennent accompagnés d’amis, de clients, qui sont réputés démontrer combien le groupe auquel appartient l’accusé ou l’accusateur, est fort. Le marginal, c’est le mal. Les avocats sont ceux qu’on appelle à ce titre. Ils ne plaident pas. Avocat vient de advocati, et de vocare, appeler. Ceux qui plaident, qui défendent, sont des orateurs, des oratores. Ces orateurs vont acquérir un rôle de plus en plus important. Dans l’ancienne procédure des actions de la Loi, la parole est solennelle, performative. Elle est formaliste, donc pas libre. Dorénavant, à partir du IIIème et surtout du IIème siècle, on comprend l’importance de la parole. D’un bon usage, la parole est redoutable. C’est une arme de persuasion massive. Bon alors en réalité, faut dire merci aux grecs qui ont pondu la rhétorique. D’où la création d’écoles de rhétorique, qui enseignent en grec. Ce doit rester un art étranger. Les orateurs, ce ne sont pas des juristes. S’il y a des écoles de rhétorique, il n’y a pas encore d’école de Droit. Il faudra attendre l’Empire pour cela. Des citoyens d’origine généralement modeste apprennent l’art de convaincre.

Le Droit est une chose si sainte qu’on ne peut l’estimer en argent. De cet adage, on en déduit que les consultations juridiques ne peuvent pas faire l’objet en principe d’une rémunération. Alors, on leur permet de demander de l’argent malgré tout, mais on ne leur octroie aucune action pour obtenir recouvrement, payement de ce que l’on considère non estimable en argent.

L’accusé se présente au public dans une tenue négligée. Il doit faire acte de contrition, émouvoir, se consterner. Bref, c’est le spectacle. À l’issue de ce procès, une décision est rendue par les jurés. Le président l’énonce au nom des jurés.

Avec le temps, le nombre d’infractions jugées selon ce type augmente. À la fin de la République, la grande majorité des délits devient publique.

Pour lutter contre les délations un peu trop légères, on va demander à l’accusateur de souscrire à son accusation. On lui demande d’en prendre responsabilité, de s’engager à ce que, dans le cas où il ne prouverait pas ce qu’il accuse, il subisse la peine qu’il recherchait.

Section 2 L’appel au peuple

La Loi des Douze Tables n’a pas apporté de limites au pouvoir coercitif du magistrat. Ce pouvoir peut aller jusqu’à la mise à mort. Une protection existait malgré tout, c’était la protection du tribun de la plèbe. Ce magistrat, plébéien, défendait ses camarades des excès d’un magistrat. Résultat des courses, les portes de sa maison devaient toujours être ouvertes, il devait pouvoir défendre en toute heure. Mais peu à peu, la distinction entre patricien et plébéien s’estompe. En conséquence de cette mixité sociale, le tribun de la plèbe en a eu finalement un peu marre de défendre des bouseux, hésitant à prendre parti pour un plébéien de base quand son parent était visé. Une Loi est alors votée. Lorsqu’un citoyen se voit visé par l’imperium d’un magistrat, son pouvoir de coercition, si l’atteinte est grave, il a possibilité d’appeler le peuple, la provocatio ad populum. Le magistrat doit alors convoquer

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance 2009-2010  

Chapitre III · Le pouvoir impérial 20  

une assemblée centuriate, présenter les faits au peuple pour que celui-ci vote ensuite. Résultat des courses, son efficacité a été telle que plus aucun magistrat n’a osé condamner à mort un citoyen sur la base de son pouvoir de coercition. A partir de ce moment-là, les magistrats, traditionnellement suivis par les licteurs et leurs faisceaux avec des haches, rangent ces dernières.

Chapitre III Le pouvoir impérial

Avant, on était dans la Cité, où la res publica est toute entière tournée vers le citoyen, afin de garantir leur liberté. Du moins en théorie. Son corps est en principe inviolable. On le torture pas. On va se tourner plutôt vers les esclaves. Lorsqu’un maître est tué, on va ainsi tourmenter tous les esclaves du domus. La mise à mort du citoyen doit rester exceptionnelle. Avec la fin de la République, vu la guerre civile, les rivalités politiques, la mise à mort revient au goût du jour. On la rend parfois infamante, et on déshonore le corps. On soumet les corps aux gémonies. Le bourreau traine le corps par un croc planté dans la tête jusqu’aux gémonies endroit où le peuple pouvait ensuite s’en donner à cœur joie. En principe, le gars qui passe à la trappe doit trouver le repos éternel, le corps étant un Corpus religiosus. Avec les gémonies, c’est pas possible.

Avec l’Empire, le pouvoir personnel s’impose peu à peu, au détriment des citoyens, toujours plus considérés comme des sujets. Le Droit pénal va devenir toujours plus prescriptif. Les Lois pénales vont devenir toujours plus nombreuses, quand, sous la République, elles étaient somme toute assez peu nombreuses. Le prince leur dit ce qu’il faut et ne faut pas faire.

L’empire commence à -27 avec le principat. L’Empereur est alors princeps. C’est le premier des citoyens. Dans un premier temps, officiellement, il a à cœur de sauver les meubles, de sauver la République, de sauver les libertés des citoyens. Les Lois sont alors rares, rarement prescriptives, relevant rarement du Droit pénal. On les appelle d’ailleurs non pas des lois, mais des senatus consultes. Avec le IIème siècle, les lois – lex – gagnent en importance. Leur nombre augmente régulièrement. Alors au IIIème siècle, l’Empereur se fait plaisir, ce qui est influence par les monarques hellénistiques. Avec le IVème siècle, on passe dans le dominat, et l’Empereur est dominus. Il règne en maître sur ses sujets.

En 212, CARACALLA prend un édit où il proclame que, désormais, tous les ressortissants de l’Empire ont la citoyenneté romaine. Youhou. La citoyenneté perd en importance. Tous sont citoyens, et cette généralisation les asservit au statut de sujet de l’Empereur, un empereur capable de les contraindre dans leur ensemble.

Section 1 L’emprise de la majesté impériale

La majestas, c’est un superlatif. Sous la république, on en parle à propos des dieux. Alors sous l’Empire, l’Empereur est le plus grand. Il se fait appeler majestas. Il participe même de la nature divine au cours des IV et Vème siècles.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance  

2 1 Chapitre III · Le pouvoir impérial  

Paragraphe 1er La place croissante de la lèse-majesté La lèse-majesté, c’est le fait d’en vouloir à la personne du Prince, moralement ou

physiquement sa personne physique, ses biens, sa famille, son pouvoir, ses intérêts. Le simple fait d’aller voir des astrologues, privilège de la majestas, c’est le mal. Alors bon généralement, il est mis au parfum par la délation. Dès le début de l’Empire, la délation devient monnaie courante. Il faut bien se faire voir, donc il faut dénoncer.

Celui qui a la chance d’être accusé de lèse-majesté comparaît devant l’Empereur. Étant donné la gravité de l’infraction, un traitement extraordinaire peut être administré. On va pouvoir enfin le torturer. Les citoyens, même nobles, peuvent prendre cher. On les soumet à la questio, la question. Un jeu amusant à l’époque, c’est pour les bourreaux de prendre des ongles en fer pour lacérer le supplicier. Mais on ne cherche qu’à arracher la vérité alors… le jugement doit révéler une vérité. C’est plus qu’un sentiment, plus qu’une sententia. Le jugement montre la vérité judiciaire. Il a autorité. L’autorité de la chose jugée est affirmée. Elle existait déjà sous la République, mais ne s’attachait non pas à la sentence, mais à la décision prise par le préteur de renvoyer l’affaire devant un Juge. Sous l’Empire, l’autorité de la chose jugée vise le jugement. Ce jugement est supposé exprimer une vérité judiciaire. Quoi de plus utile que la torture pour récolter les aveux, les confessions. De la souffrance transpire la vérité. Sympa. La torture devient courante. Aux IV et Vème, dès lors qu’il y a des indices, on recourt au supplice.

Paragraphe 2e L’Empereur grand justicier Grosso modo, c’est un peu Zorro.

À la fin de la République, l’empereur partage le pouvoir avec le Sénat. L’Empereur n’a pas encore le pouvoir de faire la Loi. Sous la république, Sénat, magistrats et peuple permettent l’adoption d’une Loi. Le magistrat rédige un projet, projet ratifié par le Sénat, un projet ensuite soumis au vote des assemblées du peuple. Dans un premier temps, c’est pourquoi on en passe par les sénatus-consultes. Les lois sont donc assez rares, d’autant plus en matière pénale, aux Ier et IIème siècles.

L’Empereur va passer par l’idée de justice pour augmenter son pouvoir. Il va s’appuyer sur une doctrine sans doute d’origine orientale, en vertu de laquelle le Roi, le Chef a pour devoir de rendre la justice. Les sujets doivent toujours pouvoir s’adresser à l’Empereur pour lui demander justice. « Summum ius summa iniuria ». Au droit le plus strict, les plus grandes injustices. Alors, Cicéron, un rhéteur, en serait l’auteur. Si l’on applique strictement le Droit, on aboutit à de grandes injustices. La justice, pour les Romains, c’est rendre à chacun ce qui lui revient pour que ses droits soient rétablis. L’Empereur doit la justice, remplace le préteur, et les parties peuvent l’appeler pour qu’il les juge en équité. L’Empereur s’en donne les moyens.

C’est du moins le cas pendant les trois premiers siècles. L’Empereur incarne l’équité. Durant les deux siècles suivants, l’Empereur écoute ses sujets, mais bon il en raz la casquette. Son pouvoir est, il est vrai, maintenant bien établi. Son pouvoir personnel est dorénavant bien ancré, alors l’idéal de justice, il s’en tape. Il préfère prescrire à ses sujets un certain type de comportements. Si bien que se produit finalement une évolution. C’est à mettre en relation avec l’avènement du christianisme. Le décalogue est passé par là. La norme chrétienne, et / ou la norme impériale règlent le comportement de chacun. La Loi pénale devient plus gourmande. Nul n’étant censé ignorer la Loi, mais les lois devenant

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance 2009-2010  

Chapitre III · Le pouvoir impérial 22  

toujours plus nombreuses, on va codifier tout ça. En 438, le Droit est compilé dans le Code Théodosien. Il y a désormais un livre de droits.

Section 2 La peine : un châtiment toujours plus cruel

Paragraphe 1er Le supplice des corps Les Lois pénales sont bien plus nombreuses, toujours plus savoureuses, la

justification étant que la peine doit être exemplaire et publique.

Pour Sénèque, la peine a trois fonctions. Corriger, rendre meilleur par l’exemple du châtiment et assurer l’Ordre public par l’élimination de ceux qui le troublent.

Celui qui est dangereux pour ses congénères, qui représente une menace, doit être purgé. La prison n’existe pas. Bon le carcer existe malgré tout dès la République. Ce lieu n’est autre que celui où on attend parfois longtemps son jugement, son exécution. Sous l’Empire, il y a toujours ce carcer, mais on n’y purge pas la peine. Sous l’influence de l’Église, de certains pères qui considèrent que le fait d’enfermer une personne puisse l’inciter à méditer pour communiquer avec Dieu, l’emprisonnement en tant que lieu où est purgée la peine, prend une importance à la fin de l’Empire. Le châtiment doit être le plus cruel possible pour être le plus exemplaire. Les assassins de grand chemin subissent le supplice de la croix là où ils ont perpétué leurs crimes, histoire de dissuader les prochains, mais encore que les parents, proches des victimes soient consolés. On pourra se partager le corps en chaque endroit où a été commis un crime. On coupe la main, l’oreille, on coule du plomb fondu dans la bouche, on tatoue. Les récidivistes, on les marque, mais à un endroit visible, genre au front. Bon alors cette façon de faire est quand même un peu trop trash pour Dieu, d’où un débat. Les esclaves fugitifs portaient des colliers les dénonçant comme tels, ce qui était une alternative au tatouage d’un « F » sur une partie visible du corps. Bref, on laisse des traces.

Sous l’influence de l’Église, la croix est peu à peu abandonnée pour arrêter de faire un amalgame avec le Christ. Sous le Bas Empire, Constantin ressuscite la peine du sac et l’applique aux parricides stricto sensu.

Au IV et Vème siècles, dans le champ privé, lorsqu’un créancier apprend que son débiteur est à l’article de la mort ou venait de passer à trépas, il se rendait au domicile du défunt pour empêcher la tenue des funérailles, pour empêcher au corps de trouver le repos éternel, de devenir corpus religiosus. Le moyen étant d’obtenir réparation, mais encore d’obtenir vengeance si personne ne paye sa créance. L’évêque de Milan, Saint Ambroise trouvait cela bien normal.

Paragraphe 2e La grâce impériale Clémence, indulgence, c’est pareil. Ius vitæ necisque, c’est le Droit de vie et de

mort. Mais on peut redonner la vie après avoir donné la mort. C’est la prérogative du Roi. Il peut passer outre les jugements rendus. Il peut gracier. L’origine apparaît ancienne, renvoyant aux régions orientales et au pouvoir absolu. Ce Droit de gracier n’existe pas sous la République. Il n’y a pas un pouvoir qui dispose entre ses mains de la totalité de ces pouvoirs. Certaines formes permettent d’échapper à la peine. Le condamné à mort qui

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance  

23 Chapitre III · Le pouvoir impérial  

marche vers son exécution peut rencontrer une vestale. A la bonne heure, il est exempté de sa peine.

L’Empereur en fait grand usage au Bas Empire. C’est un moyen de propagande. Pour que la clémence soit acquise, ce peut être demandé par la victime elle-même, par les évêques, de manière plus fréquente à Pâques, à certains anniversaires, etc.

Outre la grâce, il y a l’asile. L’asile existait déjà sous la Rome païenne. Les temples, statues, sont lieux d’asiles. Dans l’Empire chrétien, les églises deviennent lieux d’asile. La fréquence de l’asile va pousser les empereurs à légiférer, quand ils ne vont pas malgré tout chercher les condamnés dans l’Église.

Section 3 La résurgence de la vengeance

Paragraphe 1er Le discours du Prince Depuis le début de la Cité, le Droit s’emploie à repousser la vengeance sur le bas

côté. Mais la vengeance persiste. On y retrouve même une certaine empathie. Le vocable des constitutions permet de se venger par l’Empereur. On parle du glaive vengeur de l’Empereur… L’Empereur qui interdit toujours aux parties de se venger, mais le vocabulaire entend finalement valider au travers de l’Empereur la vengeance.

Paragraphe 2e Le permis de tuer James où es-tu ?! Le Droit pénal impérial autorise explicitement, sous certaines

conditions, les parties à se faire justice à elles-mêmes. On est là la fin du IVème siècle. L’époque est plus tendue. Les usurpations, invasions sont légions. Assurer l’Ordre public devient chaud. Les privatifs, les personnes privées vont être autorisées à se faire justice, à tuer de leurs propres mains leurs agresseurs. Le vol de grand chemin est un exemple, l’embuscade, celui qui voit sa vie menacée… Le vol de nuit aussi. Celui qui s’en prend aux moissons de nuit peut prendre aussi cher. La justification de ces mesures repose sur le fait que l’Empereur fait acte de contrition des lenteurs et de l’inefficacité de l’Administration. Ce qui ne dédouane pas d’aller s’en expliquer le lendemain hein.

C’est en tout cas de quoi satisfaire une pulsion vindicative.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance 2009-2010  

Chapitre III · Le pouvoir impérial 24  

Section 4 L’Église et le Droit pénal

L’Empire romain se christianise progressivement. Le premier à s’être converti, c’est Constantin, au IVème siècle, avec la vision du Pont Milvius le jour précédent une baston. En dessinant les initiales du christ sur les boucliers, et bah ça correspondait aussi aux païens germains (runes) et celtiques (ogam). Avec l’Édit de Milan en 313, la religion chrétienne est autorisée, licite, à égalité avec les autres cultes. C’en est fini de ces persécutions. Peu à peu, le christianisme va prendre l’ascendant. Mais bon, à cette époque, la religion chrétienne, c’est peu ramasser les miettes. En 380, l’Édit de Thessalonique fait du christianisme la religion officielle. En 390, le paganisme est interdit, détruit.

Mais est-ce que le Droit qui s’était construit dans la cité païenne pouvait continuer à régir une société dorénavant chrétienne ?

Certains auteurs chrétiens vont tenter de démontrer qu’il n’y avait pas de problème. Un d’entre eux a entendu comparer les commandements de Moïse avec le Droit romain. Mais bon, tout n’était pas clair. En matière matrimoniale, en matière de filiation, ça restait plus compliqué. Le mariage était ainsi un consentement à répéter. Le divorce était ainsi tout à fait licite. C’est déjà un petit tempérament. En matière de Droit pénal, l’influence de la christianisation est moins manifeste.

Paragraphe 1er La position des pères de l’Église Le problème, c’était de savoir si l’individu agissait librement, s’il disposait d’un libre

arbitre, ou si son action était déterminée par Dieu. Certains considéraient qu’un sujet pouvait agir de manière contrainte. Les pères de l’Église affirment le principe fondamental de la liberté. Chacun est responsable de ses actes, que l’on soit en matière spirituelle ou temporelle, le crime est un péché, volontaire. La simple tentative est punissable. La lucidité du sujet a une importance. Le furiosus, le fou, est toujours considéré irresponsable (Merci la Loi des Douze Tables).

La légitime défense, quant à elle, depuis la fin de la République, a été théorisée. Les juristes l’envisageaient dans certaines situations. Il faut permettre à qui est victime d’une agression de se défendre, proportionnellement à la gravité de l’acte. L’Ancien Testament l’admet aussi. Mais les pères de l’Église y sont bien plus opposés. Jusqu’au milieu du IXème siècle, ils y sont en général hostiles. Certains pères, genre Saint Ambroise, l’évêque de milan, y est favorable.

Pour les juristes, la peine doit servir à montrer l’exemple. C'est pourquoi il doit être public, intimidant, dissuasif. Plus c’est sévère, mieux c’est. La peine avait en outre une fonction sociale, écarter, voire éliminer, l’individu nuisible. Pour les pères de l’Église, la peine doit avoir une fonction spécifique. Ce doit être de permettre l’amendement du coupable. On entend lui permettre de méditer sur ses actes pour revenir sur le chemin de la raison. Bref, la peine doit permettre une rédemption. C’est pourquoi il faut isoler le coupable. La prison prend peu à peu son sens actuel. Jusqu’ici, c’était plus un lieu de détention, un lieu de passage avant l’exécution de la sanction, mais pas un lieu où s’exécute la sanction. Mais l’Église a horreur du sang. Enfin, en théorie. Seul Dieu aurait la maîtrise de la vie. En principe, les pères de l’Église sont donc opposés à la peine capitale. Saint Ambroise, évêque, mais aussi administrateur sous Rome, recommande au Juge qui agit comme bras de Rome de ne

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance  

25 Chapitre III · Le pouvoir impérial  

pas s’inquiéter et que, dans certains cas, lorsque le coupable est un peu trop dangereux, il est… « juste » de lui retirer la vie. On doit toujours permettre au coupable de s’amender. S’il s’obstine, et bah on s’en débarrasse. Le Juge est le porte-parole de Dieu. Il agit en son nom, exerce une mission divine. Certains textes assimilent même Juge et Dieu.

Le marquage, c’est pareil, Dieu crée l’Homme à son image et on ne saurait tolérer qu’il soit défiguré par un autre Homme. les pères de l’Église y sont donc généralement opposés. Alors bon, on évitera de marquer la face. Le marquage sera quand même conservé par la majorité des empereurs.

Quant au supplice de la Croix, que les pères de l’Église renvoient au supplice du Christ, et bah les autres ne doivent pas subir le même sort. Ce supplice sera donc abrogé.

La condamnation à la peine capitale perdure. Pareil pour la torture. L’Église est en prime ambiguë. Si dans un premier temps, les pères y étaient opposés parce que les premiers chrétiens avaient morflé, dans un deuxième temps, vu l’Ordre public, vu la nécessité de révéler la vérité, et bah il faut obtenir des aveux, sources de vérité. Autant accélérer tout ça et torturer à tout va.

Paragraphe 2e L’action des évêques en matière pénale Dans la société du Bas Empire, les évêques sont des notables qui disposent donc

d’une place sociale importante. Certains évêques sont même patrons. Ils sont aussi influents. Surtout qu’eux ont généralement un passé d’administrateur. Ils ont une culture notamment juridique. Les juges, si intègres et brillants dans les premiers temps de l’Empire, aux IVème et Vème siècles, nombreux sont ceux qui se laissent acheter. Les justiciables perdent toute confiance en la justice laïque. La Justice, décriée, est en prime onéreuse. La Justice, payante, est également lente.

Et à côté d’eux, il y a les évêques, en principe eux intègres. Deux pratiques se développent. La première, c’est d’essayer de recourir à la conciliation, passant par la transaction. Le Droit pénal interdit en principe la transaction. La pratique s’avère toute autre. La deuxième pratique, c’est l’arbitrage. Plutôt que d’en recourir au Juge, les parties peuvent faire des compromis d’arbitrage, prévoir qu’ils confiront leur litige à un arbitre en cas de soucis. Et très souvent, ce choix se portera sur un évêque. Cet arbitrage va grandement progresser aux IVème et Vème siècles. L’arbitrage est gratuit et toujours plus efficace.

L’action des évêques intervient aussi au travers de l’intercession, l’intercessio. L’intercession renvoyait à l’action du Tribun de la Plèbe, dont la fonction était de défendre la Plèbe sous l’Empire, ce terme vise l’action de l’évêque qui se veut le défendeur du peuple, comme en son temps le Tribun. Il intercède en faveur d’un sujet. Il va le faire d’abord en quémandant la grâce des condamnés. Cette grâce, à l’époque clémence, indulgence, indulgentia, est demandée à l’Empereur. Plus il est influent, plus il a de chances d’y parvenir. L’évêque s’efforce aussi d’améliorer le sort des détenus dans les prisons. L’évêque s’y rend également pour tenter de faire prendre conscience à l’auteur de l’acte récriminé la gravité de celui-ci.

L’esclavage existe parallèlement toujours. Les prisons étaient un bon filon. Certains barbares et trafiquants n’hésitaient pas à enlever pour revendre sur des marchés aux esclavages. Nombreux sont les évêques qui vont aller racheter la vie des captifs. Il ne s’agit pas de racheter la vie de barbares. Non eux, on s’en branle. Mais si le captif était au départ un Homme libre, là, ça vaut plus le coup.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance 2009-2010  

Chapitre IV · L’application particulière du procès pénal en Gaule et en île de Bretagne 26

 

L’Église n’est pas favorable à la christianisation des barbares. Oh, on va pas se les farcir même dans l’autre monde. L’Église d’Orient, sous l’influence de l’arianisme, est plus favorable à l’évangélisation des barbares. La Bible va ainsi être traduite en gothique. Yeah.

Les évêques ne sont pas aussi blancs comme neige. Saint Ambroise, toujours le même, se dit être témoin d’une scène qui n’est pas très chrétienne. Un créancier apprend la mort de son débiteur. Il se rend à son domicile. Mais pas pour y adresser ses condoléances. Il entend seulement interdire la sépulture. Si plusieurs créanciers s’y présentent, tous pourraient se partager le corps. Cette pratique perdure au IV et au Vème siècle. Et bah pour Saint Ambroise, c’est normal, c’est conforme au Droit funéraire de l’époque.

Chapitre IV L’application particulière du procès pénal en Gaule et en île de Bretagne

Les sources sont donc différentes. Ce sont des prières judiciaires. Ce sont au départ des defixiones, des tablettes contenant des demandes adressées à un Dieu. Elles sont généralement maléfiques, de la forme d’une carte postale, en plomb. Elles sont généralement déposées dans les lieux où opèrent les divinités invoquées. Tombe, puits, etc. cette pratique vient d’Orient. Alors bon, généralement, ça n’a pas grand-chose à faire avec le Droit. Le but, c’est de pourrir la vie. Amour, travail, courses, etc. cette pratique arrive d’Orient. Elle passe logiquement par Rome avant d’être répandue dans les régions romanisées. Et peu à peu, ces defixiones deviennent des prières judiciaires. Une autre variante, ce sont les ordalies.

Paragraphe 1er Les prières judiciaires Là, on est sur l’île de Bretagne, à Bath, station thermale réputée. Les archéologues

vont sortir de terre moult de ces tablettes de plomb. Elles sont datées entre le II et le IVème siècle apr. J.-C. Elles visent la restitution d’objets volés auprès de certaines divinités. Ces tablettes sont rédigées dans un latin… vulgaire, préfigurant le latin médiéval. Outre ce détail, les termes employés sont empruntés au vocable juridique romain.

Mais bon, dans tous les cas, pour le vol, une véritable procédure existe. Première étape, le demandeur, plutôt que de camper au tribunal, va au temple, expose son affaire aux prêtres, qui ont éventuellement le rôle de conciliateur. En cas d’échec, le demandeur va procéder à l’affichage de sa plainte. Le demandeur nomme son adversaire et il le menace de faire intervenir une divinité pour lui faire subir la pire géhenne. Brrr. L’adversaire s’entête. Pas de problème. Deuxième étape, le demandeur, éventuellement accompagné du suspect, mais en tout cas du prêtre, se rend à la source supposée habitée par la divinité, histoire que celle-ci rende justice. Si le suspect n’est pas identifié ou qu’il refuse, on en revient à la tablette maléfique. La justice laïque est moins appréciée que la justice divinisée. Les provinciaux sont encore très imprégnés du mode de réparation vindicatif. Et Rome laisse faire, espérant que ces provinciaux intègrent peu à peu le principe d’une justice verticale, mais encore qu’ils s’habituent à un vocabulaire juridique plus romain.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le droit pénal romain et le contrôle de la vengeance  

27 Chapitre IV · L’application particulière du procès pénal en Gaule et en île de Bretagne

 

Paragraphe 2e Les ordalies en Gaule Ici, on ne s’intéresse plus aux Bretons. Ça suffit. On s’intéresse aux barbares établis

sur le sol de l’Empire. Faut dire que l’Empire ne pouvait pas faire autrement. Rome va disséminer, répartir ces barbares un peu partout dans l’Empire pour s’assurer leur soutien. Qu’importe qu’ils soient païens, qu’ils ne soient pas citoyens. Pour eux, un autre Droit pénal s’applique.

Les sources qui ont une importance ici, c’est avant tout l’épigraphie, mais pas seulement. L’épigraphie envisage dans un premier temps le recours à l’ordalie. Alors ici, on ne fait pas de mixture entre une eau sacrée et quelques gouttes de sang du demandeur. Non, ici, on plonge une main dans un chaudron d’huile bouillante pour aller prendre un anneau. On laisse reposer quelques jours. Si la main cicatrise bien, on a raison. Sinon, et bah on est coupable. L’ordalie est supposée être un mode de résolution subsidiaire à la conciliation. L’ordalie commence par des prestations de serment. Alors le parjure, c’est le mal hein. Parjurer, c’est devenir sacer. L’ordalie, qui n’est pas d’origine romaine, mais plus d’origine celtique, est intégrée dans la procédure pour juger les barbares. C’est une forme de contrôle de l’accusation. En fonction des dires de la divinité intervient ensuite un Juge, en l’occurrence, un Juge militaire (les barbares sont des deditices, avant tout des soldats).

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal de l’époque franque aux temps féodaux 2009-2010  

Chapitre IV · L’application particulière du procès pénal en Gaule et en île de Bretagne 28

 

PARTIE III • Le Droit pénal de l’époque franque aux temps féodaux

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal de l’époque franque aux temps féodaux  

29 Chapitre I · L’époque franque : le système pénal du Royaume franc  

Exit l’Empire d’Occident. Pouf. On se retrouve au Haut Moyen Âge, avec les Mérovingiens et Carolingiens. Les Mérovingiens sont des Francs qui squattaient déjà l’Empire depuis un certain temps. Ils en ont même servi les rangs. Ils n’entendent pas rompre avec les acquis de l’Empire. Les Carolingiens se présentent comme les restaurateurs de l’Empire romain, rénovant la manière d’appréhender le pouvoir et le Droit. Ils entendent raser toutes les différences contreproductives, centraliser pouvoir et droit. Bon, manque de pot, les fils de Louis le Pieu vont se disputer l’Empire, explosant ce dernier, permettant aux princes territoriaux de morceler les volontés carolingiennes. Le pouvoir s’émiette à nouveau. La féodalité, de feo (qui donne fief, cadeau), commence.

Chapitre I L’époque franque : le système pénal du Royaume franc

Désormais prévaut le système de la personnalité des lois. L’origine permet d’appliquer la Loi propre à celle-ci. Cette personnalité des lois renvoie à l’agonie de l’Empire romain. Il en découle un cosmopolitisme, d’abord dans le Nord puis dans le sud de la Gaule. La France a donc des racines cosmopolites. Lapalissade ? La Loi transige entre les coutumes, les traditions et l’Ordre public. Pour beaucoup, ces premières lois trouvent leur origine à l’époque romaine. La Loi salique est un bon exemple. Tout cela, sans oublier l’Église, loin s’en faut.

Section 1 La prépondérance des compositions

Le système pénal du Royaume franc se caractérise par le fait que n’est laissée qu’une place réduite à la peine capitale. Au châtiment corporel, on préfère la compensation. On estime un prix de l’Homme, le wergeld. Ce prix varie, fonction du rang social, du sexe… la Loi le détermine. On ne le négocie pas. On entend éviter de retomber dans les travers propres à la vengeance. Le but premier des lois, c’est d’interdire la vengeance.

La composition, compensation, est perçue par la victime, ou sa famille, aux ⅔. Un tiers va au Roi. L’auteur de l’infraction trouble la paix du Roi, et doit donc également l’indemniser.

Le wergeld indemnise et sanctionne le trouble à l’Ordre public.

Si l’esclave continue à trinquer, l’Homme libre lui voit son intégrité physique dorénavant respectée. La société traditionnelle voit la liberté matérialisée par cette intégrité physique. Alors donc, on ne torture pas, sauf cas exceptionnel, genre lèse-majesté.

Loi salique, loi des Celtes, des Burgondes sont des exemples de ces lois personnalisées. Différentes, mais similaires dans leur forme, dans leur présentation. Les constitutions impériales étaient devenues peu à peu des discours de propagande. Le Code théodosien, en 438, ne disparaît pas dans les cendres de l’Empire. Mais il est un peu poussiéreux, indigeste. Les lois barbares se présentent comme de simples catalogues d’infraction. Les dispositions sont courtes, plus pratiques. Elles sont ainsi rédigées selon le modèle de la Loi des Douze Tables. Si… alors… Ces lois donnent une place importante au jugement précédent. Comme le Code théodosien finalement. Ces lois compilent les cas les plus critiques.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal de l’époque franque aux temps féodaux 2009-2010  

Chapitre I · L’époque franque : le système pénal du Royaume franc 30  

Les pénitentielles relèvent eux d’un genre particulier. Ce sont aussi des catalogues de faute, mais de faute religieuse. Là aussi, pas de peine physique ou alors le pénitent se l’administre lui-même. Prière, pèlerinage et compagnie sont à la mode. Entre le VI et le XIIème siècle, ces pénitentielles deviennent toujours plus nombreuses. L’évêque conserve son rôle d’arbitre.

Section 2 Les juridictions

Au sommet, il y a le tribunal du palais.

Paragraphe 1er Le Roi Lui, il se place dans la continuité de la juridiction exercée sous l’Empire par

l’Empereur. C’est un devoir pour rétablir chacun dans ses droits. Le Roi ne juge pas seul. Sinon, c’est un tyran. Il est donc aidé de conseillers. Mais bon, le choix de ces derniers est laissé à sa discrétion. Sa compétence n’est en tout cas pas limitée. Il peut agir d’office ou non. C’est surtout vrai sous les Mérovingiens. Charlemagne essaiera de réintroduire ce principe. Le Roi se garde les affaires les plus graves, celles où il a ou y a un intérêt. Il peut faire usage de la gratia, la grâce, sans doute sous l’influence de l’Église. Le Roi intervient généralement en première instance.

Il peut y avoir appel. De plus en plus, on confond la réformation d’une décision avec le procès intenté au Juge. La pratique qui se développe au Haut Moyen Âge vise le Juge.

Paragraphe 2e Le mallus Ça, c’est le tribunal ordinaire. À Rome, le siège du tribunal, c’était la Cité, ici, c’est

la centaine, aka le mallus.

La procédure se fait en plein air. Pas besoin de construire une basilique ou un temple. Bon, on espère quand même ne pas être trop éloigné de tombes pour bénéficier de leur aura. On entend aussi permettre à tous d’y assister. La justice est rendue au nom de tous. C’est même une obligation pour les hommes libres de s’y rendre, comme de répondre à l’appel militaire. Comme d’habitude, il y a un calendrier. Les séances sont fixées. La séance est présidée par un représentant du Roi, le Comte, le Centenier… Les acteurs du procès restent le peuple. Les parties se présentent, présentent leur cas. La procédure est accusatoire. Le peuple écoute. On y inclue les vieux, les garants de la coutume, les rachimbourgs ou boni homines. La Loi n’intervient qu’à titre subsidiaire. La première place reste celle relevant de la mémoire, de la tradition, bref de la coutume. Le dernier mot revient aux hommes libres présents. Eux énoncent la décision. Cette décision est ensuite consacrée par le Comte ou Centenier, qui donne force obligatoire à la décision.

La justice est donc populaire rendue par les hommes libres, en âge d’être en arme. Elle est par essence coutumière. Cette justice ne fait pas en principe l’objet de voies de recours. La possibilité étant de démontrer que le jugement a été rendu sous la pression du Comte, du Centenier, des rachimbourgs, etc. auquel cas, il y a nouveau procès.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal de l’époque franque aux temps féodaux  

3 1 Chapitre I · L’époque franque : le système pénal du Royaume franc  

Section 3 Les grands traits du procès

Paragraphe 1er La subsidiarité du procès pénal Le Droit franc ne dissocie pas civil, pénal, etc. La procédure reste la même, elle est

accusatoire, suite à la plainte de la victime ou de sa victime. Il n’y a pas de saisine d’office du mallus. La procédure ne tolère pas la représentation. Les parties doivent être physiquement présentes. Si l’accusé ne se présente pas, par deux fois, il est condamné par contumace, enfin par défaut. Le procès n’intervient qu’à titre subsidiaire. Le principe étant que la vengeance soit interdite. Petit détail, c’est la pratique. La société est à nouveau gentilice, articulée autour des grandes familles, où l’honneur à une place centrale. En cas de préjudice, il reste mieux vu de se venger que d’aller au procès. Du sang, du sang. Et avec la résurgence de la vengeance, la responsabilité familiale reprend du poil de la bête. On peut taper sur l’auteur ou n’importe quel membre de sa famille. Celui qui se venge, c’est la victime ou n’importe quel membre de sa famille. C’est un devoir qui lave l’affront fait à l’honneur familial. La vengeance se retrouve à tous les niveaux de la société. Le procès n’intervient donc qu’à défaut de vengeance ou en parallèle d’un processus prônant la vengeance.

Paragraphe 2e Le rôle du serment Devant Dieu, au besoin en touchant des reliques, le serment est purgatoire. Le plus

souvent, l’accusé ne jure pas seul. La société est à l’époque segmentaire, où les groupements priment sur l’individu. On attend du groupe auquel appartient l’accusé qu’il manifeste sa solidarité. Les cojureurs, témoins de moralité, des fidéjusseurs qui apportent leur foi, leurs fides. Le nombre de ces témoins est variable, fixé par la Loi et par le Juge selon la gravité de l’affaire. En cas de crime, le nombre de fidéjusseurs dépendra de la renommée de l’auteur présumé.

Le problème est qu’avec le temps, de plus en plus de faux serments vont être opérés. Malgré la christianisation, le paganisme perdure. Le serment perd des tours. Ressurgit alors l’ordalie.

Paragraphe 3e L’ordalie Cette charmante pratique existait déjà sous l’Empire romain. Elle a été appliquée

avec la Loi salique qui l’évoque à reculons. Buk. C’est une épreuve infamante. Les esclaves, ceux qui ne peuvent pas rapporter des témoins de moralité… ça dure comme ça jusqu’aux Carolingiens. Avec la rénovation de l’Empire voulue par les Carolingiens, Le Roi entend exercer une autorité bien plus forte sur ses sujets. Charlemagne entend assujettir ses sujets à l’ordalie dans un capitulaire autour de 800. L’ordalie, c’est l’épreuve et la preuve. Charlemagne veut en finir avec les faux serments. Qu’à cela ne tienne. Le rituel est magnifié, exalté, enrobé ? Dans la Loi salique, on parlait d’épreuve du chaudron. Maintenant, on l’entend comme le jugement de Dieu.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal de l’époque franque aux temps féodaux 2009-2010  

Chapitre II · L’époque féodale : la justice seigneuriale 32  

Cette épreuve n’a pour objectif que la quête de la vérité. Le procès s’inscrit dans ce cadre. Il doit exprimer la vérité.

Ce serait par le biais de lettrés irlandais que ce lien entre l’épreuve et la vérité aurait été établi.

L’ordalie passe par l’eau. On jette le suspect à l’eau, mais pieds et poings liés. Alors bon, s’il se noie, c’est qu’il est pur. S’il remonte à la surface, c’est que l’eau, symbole de pureté, le rejette. L’ordalie marche aussi avec le feu, ou eau et feu et on en repasse alors au chaudron. Mais ce n’est pas tout. L’ordalie fonctionne aussi avec la baguette. On étrangle le suspect avec des baguettes d’osier. Celui qui s’étrangle est coupable. L’ordalie se prépare aussi avec des aliments confectionnés par des prêtres et compagnie. L’ordalie se joue aussi en faisant la croix. Celle-ci ne serait pas d’origine chrétienne, remontant à des rituels établis par des druides. Mais cette dernière se rapprochant trop du sacrilège, elle a été rapidement abandonnée.

Avant l’épreuve, le… « patient » est dépouillé de ses vêtements. Nu, ou vêtu d’habits religieux, il passe son épreuve publiquement avec la collaboration des prêtres aux côtés du Juge.

Bon, mais l’ordalie n’intervient qu’en dernier recours. Avant, on va faire rencontrer les parties, les faire s’entretenir avec des prêtres, etc. pour concilier les parties. Le procès doit permettre le retour à la paix dans la communauté.

L’ordalie sera finalement interdite au début du XIIIème siècle par l’Église, qui considère que cette épreuve est sacrilège, car elle tenterait Dieu.

Paragraphe 4e Le duel judiciaire Ou ordalie bilatérale.

Il s’agit ici d’un combat entre l’accusateur et l’accusé. Alors bon, en théorie il n’y a pas de représentation, mais fonction des cas, il peut y avoir représentation par un champion.

C’est la Loi des burgondes, en 501, qui l’évoque pour la première fois. Relativement appliquée jusqu’au IXème siècle, l’épreuve se généralise ensuite, au grand dam de la papauté qui en 967 condamne le duel judiciaire et l’interdit à l’usage des clercs. Le duel répond à une aspiration populaire. On le préfère à l’ordalie. Les nobles surtout. Le duel va en principe jusqu’à la mort. Jusqu’au XIIème siècle, c’est le mode le plus répandu, malgré les tentatives d’interdit.

Chapitre II L’époque féodale : la justice seigneuriale

Le projet de rénovation carolingienne de l’Empire tourne cour courant du IXème siècle, pour des raisons notamment de succession après Louis le Pieux. Des cadeaux entourent les prestations de serment. Ce sont des dons, des feoh. À l’origine, le terme vise une rune. Le problème, c’est que ces dons vont être fonciers. D’où la création de principautés, où le pouvoir de ban est délégué. Dans leurs fiefs, les princes disposent de la capacité d’exiger la corvée, du pouvoir de contrainte, du pouvoir judiciaire. Ce sont des banalités, l’exercice d’un pouvoir au nom du ban.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal de l’époque franque aux temps féodaux  

33 Chapitre II · L’époque féodale : la justice seigneuriale  

Section 1 L’établissement des seigneurs

Les prérogatives sont très étendues. Elles sont voisines de la souveraineté. Cela permet de trancher les conflits, de prendre des mesures générales. Celui qui transgresse les injonctions issues de ces mesures générales peut être sanctionné par des amendes.

La Justice du seigneur peut revêtir deux formes. La justice est seigneuriale ou féodale.

Paragraphe 1er La justice seigneuriale C’est l’ancienne justice publique, celle qu’exerçait le comte au nom du Roi. Le

seigneur l’usurpe.

A · La Haute justice

Celle-ci vise tout domaine. Au civil, on vise essentiellement les personnes, au pénal, la justice de sang, bref, les crimes où le sang a été versé ou si la sanction encourue est la peine de mort. Meurtre, rapt, incendie, vol…

Le châtiment ne cherche plus seulement à être exemplaire. C’est du prestige. Le seigneur qui juge accroît son prestige. Les gibets, potences qu’il dresse dans sa seigneurie l’illustrent.

B · La Basse justice

Bah là, il ne faut pas qu’il y ait de sang.

Paragraphe 2e La justice féodale Elle ne s’exerce que sur les vassaux et les tenanciers du seigneur et qui a sa source

dans les liens de dépendance qui les relient.

La justice féodale implique pour le seigneur la possibilité de traiter les litiges afférents au lien de dépendance. La Justice féodale débouche pour les nobles le droit d’être jugé par leurs égaux, des pairs. Ce jugement par les pairs ne concerne que les nobles. Le seigneur juge entouré de ses vassaux, en se référant le plus souvent aux coutumes de la seigneurie.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal de l’époque franque aux temps féodaux 2009-2010  

Chapitre II · L’époque féodale : la justice seigneuriale 34  

Paragraphe 3e Les déviations de la justice

A · Les chevaliers

Ils s’estiment suffisamment puissants pour ne pas être tenus par la Justice. eux peuvent exercer en toute impunité la vengeance. L’honneur de la famille l’emporte. Dès le X et surtout le XIème, la pratique de la vengeance ressurgit, prend de l’importance. C’est un devoir, qui pèse sur l’ensemble du groupe auquel appartient la victime, et qui vise n’importe quel membre de la famille du coupable. Le risque étant que ça dégénère. Certains pairs vont intervenir pour concilier.

B · Une nouvelle interprétation de la justice

Cette justice étant accaparée, elle perd son caractère de service public, comme elle l’était naguère. Le seigneur se sert de la Justice comme d’un mode de prestige, de pouvoir, mais plus matériellement d’enrichissement. Les amendes qu’inflige le seigneur lui permettent d’accroître sa richesse. D’où une Justice inquisitoire, et une politique répressive. Et un recours aux prisons. Les peines sont pécuniaires. Elles peuvent être corporelles, mais convertibles en argent sauf cas exceptionnels.

Cette justice, oppressante, est en prime souvent arbitraire.

Section 2 Les tempéraments

Paragraphe 1er Les mouvements de paix Les pouvoirs publics tombent en déliquescence. L’Église prend le relai. Sa fonction

naturelle étant de protéger les faibles, les démunis, elle est dans une position suffisamment solide pour l’exercer.

L’Église considère que s’il y a un temps pour la guerre, il doit y avoir un temps pour la paix, ce par égard pour Dieu. Le mouvement de christianisation des chevaliers va le permettre. Pâques est un bon exemple. Le dimanche aussi. L’Église conçoit aussi la trêve, avec pénitences et pèlerinages à la clé.

Paragraphe 2e Les chartes de franchise Ici, on est dans le contexte d’une relation entre un seigneur et une communauté

voisine, rurale ou urbaine. Le seigneur n’est plus aussi fort. Avec la renaissance urbaine, les communautés urbaines en profitent pour tenter d’exhorter aux seigneurs des privilèges. Il en découle des lois particulières venant contenir l’arbitraire.

En matière pénale, la ville va affirmer son autonomie par rapport à la juridiction du seigneur. Les bourgeois revendiquent le privilège d’être jugés par les bourgeois de la ville, et

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal de l’époque franque aux temps féodaux  

35 Chapitre II · L’époque féodale : la justice seigneuriale  

non par le seigneur. Les bourgeois vont mettre en place une procédure accusatoire, par opposition à la procédure inquisitoire. Pas d’accusation, pas de procès. Le Tribunal ne se saisit pas d’office. D’autres chartes établissent que les parties puissent recourir à des compromis d’arbitrage, à des transactions… la sauvegarde de la liberté est encore invoquée, éventuellement sous caution, jusqu’au jour du jugement. Est également réglementé le montant des amendes. La compensation légale est perçue comme une garantie, une protection pour le coupable.

Paragraphe 3e La renaissance d’un Droit pénal public La Justice seigneuriale est acide pour la Justice publique.

Aux XIème et XIIème siècles, avec la résurgence du Droit romain, colportée par l’Église concurremment avec le Roi, la justice est avancée comme la garante pour l’utilité commune. Il en découle la nécessité d’y mettre de l’ordre.

En matière pénale, les compilations de Justinien montrent un Droit pénal tourné vers la sécurité, où le jugement doit réaliser l’expression d’une vérité. Il est tourné vers l’utilité commune. Le Droit pénal met à l’écart ceux qui troublent l’ordre, des « méchants ». Dans les villes, au sein des juridictions municipales, les textes de Droit romain sont ressortis des étagères. Le mouvement part de l’Italie, passe en Provence, avec les justices des consulats, qui renouent avec des procédures inquisitoires. La procédure accusatoire reste réclamée par certaines villes du nord pour échapper à l’emprise d’un pouvoir seigneurial arbitraire. Lorsqu’il n’y pas ce risque, la procédure inquisitoire est préférée, avec pour objectif la sécurité de tous, l’utilité commune. A Arles, la charte de 1152 et 1160 voit les consuls corriger, châtier, punir les vols, les rapines, adultères, rapts, homicides, meurtres et autres méfaits et turpitudes. Le vol, c’est le pire. On ne peut lui faire confiance, alors ouste.

Sécurité commune et morale chrétienne sont à la mode. Et avec la morale chrétienne naît l’idée que l’argent ne suffise pas à expier les crimes. La sanction ne doit pas être simplement réparatrice. Il y a un intérêt public au procès pénal. La sanction doit être châtiment pour protéger la communauté. Même dans le cas d’un meurtre d’esclave.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre II · L’époque féodale : la justice seigneuriale 36  

PARTIE IV • Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

37 Chapitre II · L’organisation de la Justice  

Chapitre I La relation entre pouvoir et justice

Section 1 Justice des Hommes & Justice de Dieu

Le Mollah NASR-ED-DIN, qui rôde en Turquie, est un personnage légendaire, sage et paradoxal. Alors, il se promène et rencontre des enfants qui se disputent à propos de noix. Intervention de NASR-ED-DIN. Il prend les douze noix, en donne une à chacun des quatre enfants, et le reste au dernier. Il leur explique que c’était leur choix. Car il leur avait demandé de choisir entre la Justice divine et la justice des Hommes. Dans les religions monothéistes, la Justice de Dieu est incommensurable. Les hommes ne peuvent se faire les interprètes de la volonté de Dieu.

Outre la Justice de Dieu comme palliatif, l’Église interdit l’ordalie qui tente Dieu. Elle est interdite dans tout le territoire de la chrétienté. Même chez les grands Bretons. Mais la justice n’est pas appliquée de la même manière partout. Le Juge français revêt un caractère sacré.

Section 2 Le Juge français

Pour l’historien Robert Jacob considère que l’importance accordée au Juge au Moyen-Age et sous l’Ancien Régime, le fait qu’on l’appelle parfois Dieu, que le lieu de justice soit conçu comme un temple une église, qu’il juge sous un crucifix, dans un certain accoutrement, selon un certain rituel, démontre que le Juge décide au nom de Dieu. Le Juge qui peut jusqu’à mettre à mort doit exercer son pouvoir avec parcimonie, puisqu’il s’expose de son côté au jugement dernier, m’enfin dans l’autre monde.

Chapitre II L’organisation de la Justice

Le grand principe, c’est l’idée d’une justice déléguée, d’une justice retenue.

Le Roi considère qu’il est la source de toute justice. Le Roi tient son pouvoir de Dieu. Il a pour mission de rendre justice à ses sujets. Au Moyen-âge, pour ne pas être grandiloquent, on parle de fontaine de justice. Mais il ne peut pas rendre justice à l’ensemble de ses sujets. Fichtre. Il doit donc déléguer sa mission à des juges. Cette délégation n’est en rien définitive. Si le Juge rend au nom du roi la justice, le Roi peut à tout moment sur cette délégation, même intervenir dans le procès.

Cette conception voit le Roi l’imposer, non sans mal. Le Roi l’impose au fur et à mesure qu’il parvient à restaurer son autorité, son pouvoir. Alors évidemment, cela se fait au détriment des autres juridictions.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre II · L’organisation de la Justice 38  

Section 1 L’organigramme de la Justice

Paragraphe 1er La Justice déléguée A · La justice seigneuriale

Le roi a dû faire de l’ombre aux juridictions concurrentes, en tête desquelles les juridictions seigneuriales, qui s’estiment légitimes. À la fin de l’Ancien Régime persistaient des dizaines de milliers de juridictions seigneuriales, où le Roi conservait un Droit de Haute Justice.

Le Roi, par l’intermédiaire de ses juristes, de la propagande, répand l’idée que toute justice s’enracine sur la justice royale, prépondérante. Ce qui va avec l’idée d’une pyramide judiciaire qui remonte jusqu’à lui. Les fondations de cette pyramide reposent dans la terre, les fiefs. Le Roi rétablit avec l’aide de ses juristes le système de l’appel, né dans l’Empire romain. Ce que voient d’un très bon œil les seigneurs. D’où conflit. Il faudra attendre le XVIème pour que l’appel soit véritablement ancré. Il peut y avoir 5 ou 6 degrés d’appel sauf cas spécial avant d’arriver devant le Roi.

Le Roi enjoint aux seigneurs de s’entourer d’officiers « suffisants et capables ». L’ordonnance de 1561 l’exprime. Le seigneur doit juger dans un endroit convenable. Pas question de juger au macumba, enfin dans un cabaret. Pas question de juger sous un arbre, l’auditoire doit être décent. Les prisons doivent être « convenables », saines, et ne doivent faire l’objet que d’un usage « raisonnable ».

Le Roi s’efforce de supprimer ces justices seigneuriales. C’est avec l’appauvrissement des seigneurs, le passage d’une économie foncière à une économique plus monétaire, le développement des agglomérations urbaines, que le Roi va pouvoir racheter leur droit de justice.

Ce mouvement passe encore par un certain nombre d’amendes imposées par le roi au seigneur lorsque celui-ci a mal jugé.

Sous le règne de Louis croix bâton v, avant la grande réforme 1667 sur les procédures civiles, un juriste révèle que ces justices seigneuriales sont un corps sans contenance, quand un autre soutenait que le Roi pouvait le faire par droite justice. Mais Louis XIV s’arrêtera au fait de racheter les droits de justice. La fronde l’a marqué. Et malgré tout, ces justices seigneuriales fonctionnent tant bien que mal. Les juges seigneuriaux agissaient avec une certaine proximité, favorable à une meilleure résolution des litiges. Mouais.

B · La Justice ecclésiastique

L’Église avait grandement profité du dépècement du pouvoir royal pour asseoir sa compétence. Ce mouvement avait commencé dès les Carolingiens en matière matrimoniale. Le mariage est ainsi une chose sacrée. L’engagement est pris devant Dieu. C’est un sacrement.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

39 Chapitre II · L’organisation de la Justice  

Aux XIIIème et XIVème siècles, le Roi va s’efforcer de la limiter. L’obstacle est de taille. Cette Justice est en effet populaire car efficace, rapide, gratuite. Relativement moderne. MOUAIS. Très tôt, il va ainsi y avoir un greffier. Enfin, il y aura aussi l’inquisition.

Dès Philippe le Bel, le Roi va vouloir traiter de tout domaine. Dès lors que le temporel l’emporte sur le spirituel, il est compétent. Les justices d’Église perdent ainsi les affaires testamentaires… En matière de procédure, le moyen mis en œuvre passe par « l’appel comme d’abus ». À l’origine, c’est un recours à la justice laïque contre l’abus d’une sentence ou un acte provenant d’une juridiction ecclésiastique. Les Parlements vont faire de cette procédure une arme pour faire une queue de poisson aux juridictions ecclésiastiques.

C · Les juges délégués du Roi : les juges naturels

À la base, le premier et le plus bas degré de juridiction, c’est la prévôté.

Au sud du Royaume, on appelle ces tribunaux de prévôté les viguiers ou bayles. Ces tribunaux de prévôté sont également les plus anciens. Ils vont très vite être supplantés si ce n’est délaissés par les justiciables qui vont préférer les tribunaux de baillage et de sénéchaussée.

Le tribunal du prévôt a compétence pour toutes les causes simples, dès lors que la cause n’est pas dévolue à une autre juridiction. Dès lors que l’affaire n’intéresse pas un noble, ou un établissement ecclésiastique, le tribunal peut être compétent. Le prévôt peut intervenir en appel d’une décision rendue par un seigneur établi dans son ressort.

Peu à peu, leur compétence s’amenuise. Et finalement, il reste compétent pour le « petit criminel », les affaires qui n’entraînent pas de sanction corporelle.

Il aurait dû être supprimé avec les tribunaux de baillage et de sénéchaussée, mais finalement, on le garde, on va superposer les couches de juridiction.

Les tribunaux de baillage et de sénéchaussée sont à peu près équivalents au début du XVIème siècle. Les tribunaux du bailli sont itinérants. Dans un premier temps, ils tiennent des accises où ils jugent des appels formés contre les décisions rendues par les prévôts. Ils ont une lettre de mission, interviennent donc dans un temps déterminé pour une mission déterminée. Au siècle suivant, le bailli se fixe dans une circonscription au sein de quel il tient des plaids réguliers, de manière permanente.

Il juge de premier et deuxième degrés.

En matière criminelle, le bailli connaît de toutes les affaires considérées comme trop graves pour être laissées à la compétence du prévôt. En 1552, en première instance, ils jugent des causes des nobles. Les cas royaux sont soustraits aux juridictions seigneuriales. Ils interviennent également en appel contre les sentences rendues par le prévôt.

Mais lui aussi, petit à petit, il se fait dépouiller, par le lieutenant criminel. En 1522, dans chaque tribunal de baillage, un lieutenant criminel était instauré pour avoir connaissance, juger, et décider de tout cas, crime, délit et offense faits, commis et perpétrés aux baillages et sénéchaussées. Ce lieutenant criminel va être gourmand. Il va s’entourer d’accesseurs, formant peu à peu ses conseillers permanents, des officiers.

Niveau suivant, les présidiaux.

Les justiciables n’hésitent pas à faire appel des décisions des seigneurs, prévôt, baillis ou lieutenants criminels. Le Roi pond une instance entre les baillages et les parlements. On entend gérer le flux d’appels. Henri II constate déjà en 1552 que la plupart des sujets emploient leur temps et argent au procès. Derrière cet argument, le Roi y a toujours un

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre II · L’organisation de la Justice 40  

intérêt financier. En créant les présidiaux, il institue des offices, des charges, bien sûr payantes.

En principe, les présidiaux interviennent en appel. Ils peuvent cependant intervenir également en première instance pour les cas privilégiés, c'est-à-dire des cas mettant en cause des nobles, des officiers et compagnie.

Finalement, les Parlements vont faire les blaser. Les procès sont source d’enrichissement pour les juges, notamment en raison de payements en épices, ce que n’apprécient guère les parlementaires.

Dernier échelon, les juridictions souveraines, les parlements.

À cette époque, les Parlements ont un rôle multiple. Législatif, administratif, économique… À l’origine, les Parlements ont pour origine la curia regis, la cour royale, conseil du Roi, que celui-ci réunit selon son bon vouloir. Proches, vassaux, illustres inconnus, etc. Dès le XIIème siècle se produit une évolution. Certains pairs vont gagner en importance. À la fin de l’ancien régime, on n’en comptera ainsi que 38. Parallèlement, au sein de ce conseil apparaissent des personnes à raison de leurs compétences, du caractère technique de leur savoir. Ce sont en réalité les premiers légistes. Ces séances revêtent toujours plus ce caractère technique, ce qui donne la nausée aux vassaux et proches. Finalement, la curia regis se scinde en formations diverses, avec d’un côté le Conseil du Roi qui restera toujours proche du Roi, qui l’accompagne dans ses déplacements, qui vise l’administratif et le politique. De l’autre côté, le Parlement, qui s’occupe de tout ce qui est judiciaire.

Le Parlement, c’est l'Assemblée où l’on parle, où l’on délibère. C’est la curia in parlamento. Si, dans un premier temps, le Parlement fonctionnait de manière souple, peu à peu, le fondement devient permanent. Alors qui y trouve-t-on ? Peu de vassaux, donc toujours plus de juges professionnels, spécialistes en Droit. À la différence du Conseil du Roi, le Parlement, lui, ne se déplace pas. Il cuve à paris. Il forme un corps relativement fermé, souverain, qui n’an pas de contact avec les juridictions subalternes. Avec le temps, le nombre de procès augmentant, leur technicité, leur longueur s’aggravant, une véritable procédure apparaît. L’organisation de cette cour se perfectionne. Un calendrier se met en place. On passe de 4 séances chez Saint Louis à une session unique qui dure de la Toussaint au 15 août sous Philippe Le Bel. Les affaires vont être dissociées par leur nature. Des chambres vont donc apparaître au sein du Parlement, où les magistrats sont répartis en formations. On y retrouve ainsi la chambre des enquêtes, des requêtes, du premier, de dernier ressort, ou encore la grande chambre…

La chambre criminelle apparaît quant à elle fin du XIVème siècle. Elle ne rassemble que des conseillers laïcs. Il y a chaque année une rotation des conseillers, du personnel, affecté à cette chambre. Cela tient au fait que l’accoutumance à faire mourir et condamner les hommes altère la douceur naturelle du Juge, et le rend cruel et inhumain. On appelle la chambre criminelle la tournelle criminelle. Mais bon, ce pourrait être aussi dû au fait qu’elle siège dans une petite tour nommée la tournelle.

D’autres Parlements vont peu à peu se constituer. La reconquête par le roi du Royaume va le permettre dès le XVème siècle. Le souci de ménager le particularisme des provinces n’y est pas non plus étranger. Il y a ainsi un Parlement à Toulouse, Grenoble, Bordeaux, Dijon, Aix, Rouen, Rennes, Pau, Metz, Besançon… Dans un premier temps, le Parlement de paris entendait marquer son territoire. C’était lui le premier. Quand le Roi va entrer en conflit avec certains Parlements, le Parlement de Paris va essayer de les unir sur un plan d’égalité contre le pouvoir monarchique. L’ensemble des parlementaires serait les représentants de la Nation, gardiens des lois fondamentales contre les abus du Roi. Ils en viennent même à revendiquer la paternité des premiers plaids francs.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

4 1 Chapitre II · L’organisation de la Justice  

Le Parlement est une instance d’appel. Il peut être amené à intervenir en première instance dès lors que sont mis en cause des princes du sang, ducs, pairs, grands officiers de la Couronne et compagnie. Leurs décisions sont supposées rendues au nom du Roi, en vertu du principe de délégation permanente, et sans autre recours possible qu’un éventuel pourvoi en cassation.

D · Les juridictions d’exception

Ou juridictions d’attribution.

Sous l’ancien régime, et bah c’est pas pareil qu’aujourd'hui. Toute affaire particulière tend à disposer de sa juridiction. Ceci rend l’organisation judiciaire extrêmement complexe. Chaque organe administratif particulier a une compétence juridictionnelle qui lui permet de sanctionner, juger les affaires qui se sont développées sous son autorité. C’est la théorie de l’administrateur Juge. Ce à quoi s’ajoute une certaine vénalité. La charge de juge s’achète. Plus il y a de juges, plus il y a de recettes. Moralité, il y a plein de juridictions.

Les juges des greniers à sel visent la gabelle. Le commerce maritime est visé par les tribunaux du siège de l’amirauté. Les juges des eaux et forêts s’intéressent eux aux cours d’eau, forêts, à la chasse, à la pêche. Le faux monnayage est traité par les cours des monnaies. Une autre juridiction importante, c’est la juridiction consulaire. Ces juridictions consulaires ont leur origine qui remonte aux foires, notamment les grandes foires de Champagne ou de Saint-Denis. Elles traitent des litiges commerciaux. Ces dernières juridictions ne duraient que le temps de ces grandes foires, et vont acquérir un rôle institutionnel au XVIème siècle, devenant donc des juridictions consulaires. En 1563, un Édit étend les tribunaux des juges et consuls à toute ville qui le souhaite. À la fin du XVIIème siècle, ces juridictions sont définitives. Les juges sont élus. C’est peut-être bien pourquoi ils ne seront pas touchés par les affres de la révolution.

La juridiction du prévôt des maréchaux vise quant à elle la criminalité courante. Leur origine remonte également au moyen-âge. Les maréchaux avaient avec eux des prévôts qui avaient pour tâche de juger toutes les infractions qui pouvaient être commises par les gens de guerre, bref, les soldats. Avec la Guerre de Cent Ans, il devient permanent. Sa compétence est donc déterminée, par rapport aux lieutenants criminels des tribunaux de baillage et de sénéchaussée. D’où une certaine concurrence. Le critère retenu, c’est le lieu de commission de l’infraction. Dès lors que l’infraction est commise en dehors de la ville, c’est le prévôt des maréchaux qui est compétent. Avec pour nuance le cas des infractions commises par les vagabonds. Là, même si l’infraction est commise à l’intérieur de la ville, le prévôt des maréchaux reste compétent. Le prévôt des maréchaux est supposé sans cesse faire des chevauchées pour traquer le gibier de potence. Ils sont aux aguets, un peu comme des radars automatiques. Une fois les coquins arrêtés, ils ont compétence pour les juger, sommairement, de manière expéditive. Condamnation à mort, aux galères, etc. ses sentences sont exécutoires, sur le champ, sans appel possible, du moins dès lors que le prévôt des maréchaux juge avec 7 officiers royaux. Cette juridiction est en tout cas efficace, d’où sa popularité. Les cahiers de doléance demanderont ainsi régulièrement leur augmentation.

Les commissaires du châtelet ont pendant longtemps été en charge de la police dans la capitale. Ils poursuivent et appréhendent toute sorte de délinquants à Paris. Alors bon, avec plus ou moins d’efficacité, d’une part pour des raisons intestines, mais aussi parce qu’il existait des seigneuries justicières particulières. Elles constituaient autant d’entraves au sein desquelles pouvaient se réfugier des malfaiteurs soucieux d’éviter la tarte royale. Les seigneuries justicières vont être peu à peu rachetées. Elles vont être réunies au châtelet, où est créé l’office du lieutenant de police de paris. Ce personnage a des pouvoirs judiciaires et administratifs. En tant que Juge, il tient audience. Une fois par semaine. Au cours de cette audience, il « expédie » le petit criminel. En tant qu’administrateur, il exerce aussi une justice administrative et politique. pour l’aider, il a avec lui un certain nombre de personnages au

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre II · L’organisation de la Justice 42  

rang de commissaire, nommés eux ad hoc, commis pour une fonction, eux-mêmes aidés des sergents, huissiers, inspecteurs, mouches, etc.

E · Le Ministère public

C’est un corps d’officiers chargé de représenter le Roi auprès des diverses juridictions. Ces officiers ne sont pas des juges. Ils ne font pas partie des tribunaux. Ils sont simplement établis auprès d’eux. Le ministère public regroupe les gens du Roi, ou le Parquet.

Ce ministère public n’existe pas à Rome, ni au Haut Moyen-Age. Il apparaît à l’époque médiévale. À Rome, il n’y avait pas de ministère public, car il appartenait à chaque citoyen de défendre l’utilité commune en se portant accusateur. Le Ministère public apparaît véritablement au XIVème siècle.

Son origine est encore controversée. L’expression même de Parquet désigne le lieu, le parc, où les gens du Roi se rassemblent pour entendre les rapports qui leur sont adressés, ou pour prendre des conclusions. Parfois aussi parce qu’ils se tiennent debout. Bref, le parquet trouve son origine dans la nécessité qu’a le Roi de défendre ses intérêts d’abord fiscaux. Ainsi, en France, nul ne plaide par procureur, hormis le Roi. Le Roi, et ben il est Roi. Il intervient au nom d’un intérêt supérieur, en tant que souverain. Le passage de la suzeraineté à la souveraineté n’y est pas pour rien. Le Roi se voit reconnaître la possibilité d’avoir des gens spécialement affectés. Petit à petit s’affirme la notion d’intérêt public. Les gens du roi doivent aussi avoir pour mission de défendre l’intérêt public, de promouvoir, d’inciter à poursuivre tout ce qui attrait à l’Ordre public. C’est au XVème que cela a lieu. Au XVIème siècle ils deviennent de véritables officiers. Il y a désormais des gens du Roi auprès de toute juridiction royale, qu’elle soit ordinaire ou d’exception. Il y a toujours au moins un procureur et un avocat. En revanche, pas de gens du Roi au Conseil du Roi. Tout simplement parce que le Roi est toujours censé y être présent. Ces gens du Roi forment un collège indivisible, le parquet.

Le procureur établit les actes de la procédure. Il tient la plume et porte rarement la parole. Cette parole relève davantage de l’avocat.

La plume est serve. La parole est libre.

Quand il tient la plume, le procureur doit suivre les injonctions du souverain. En revanche, lorsque l’avocat prend la parole, il peut donner ses conclusions en toute indépendance. Le Parquet s’intéresse à ce qui touche l’Ordre public, la société, mais aussi les incapables supposés être sous la tutelle du Roi. Les informations, interrogatoires, doivent leur être communiqués. Une ordonnance de 1579 de Blois enjoint au Procureur de faire diligente poursuite et recherche des crimes. Il leur appartient d’intervenir d’office. Une fois la sentence rendue, les gens du Roi veillent à l’exécution de la sentence, mais encore à ce que les parties ne s’entendent pas pour transiger ou éviter l’exécution de cette sentence.

Paragraphe 2e La Justice retenue En principe, toute la Justice relève du Roi. Du Roi jaillit la Justice. Il est l’image, le

dépositaire de la justice grâce à Dieu. Alors forcément, il rend un bon jugement. C’est du moins ce qu’on pense jusqu’au XVIème siècle. Ensuite, on s’oriente plus vers une Monarchie plus administrative, moins sacrée.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

43 Chapitre II · L’organisation de la Justice  

Le Roi peut à tout moment intervenir dans une juridiction, alors même qu’une affaire est en train d’être examinée, que le Juge est en train de juger. Dès lors qu’il est physiquement là, sa présence suspend la délégation qu’il a faite de son pouvoir judiciaire. De même, en matière pénale, alors même qu’une juridiction a prononcé une décision, le Roi peut revenir sur cette sentence et prononcer une condamnation. Louis XIV déclare que c’est une erreur grossière que de penser qu’il ne peut pas juger qui et où bon lui semble.

Les lettres de cachet se distinguent des lettres patentes, forme plus ordinaire et ouverte. Les lettres de cachet sont closes, cachetées par le sceau du Roi. Les lettres de cachet permettent au Roi d’exercer une Justice confidentielle, personnelle. Alors là, pas besoin de procès. Ces lettres de cachet ont été très fréquentes sous l’Ancien Régime. Entre 1740 et 1750, on compte ainsi 18000 lettres contre des laïcs, 6000 contre des clercs. Certaines sont prises à l’initiative du Roi lui-même, genre pour l’affaire des colliers de la Reine, ou contre Voltaire, Diderot, etc. Dès lors que la sécurité publique, que l’intérêt public est spécial, le roi peut prendre la liberté de juger lui-même l’affaire. Mais il arrive encore des cas où les familles les demandent. Par exemple lorsqu’une famille entendait étouffer certaines frasques… Forcément, ces lettres plaisent… c’est l’expression d’un pouvoir tyrannique dénonçaient les anciens. Les cahiers de doléance les dénoncent. Il faudra attendre 1789 pour les voir disparaître. Il serait à la mode de réhabiliter les lettres de cachet. Ce ne seraient finalement pas l’expression d’un absolutisme royal, mais plus le moyen pour des familles de sauver les meubles, leur honneur.

Le jugement des placets est la possibilité pour le Roi de répondre personnellement aux demandes de justice que ses sujets peuvent lui présenter. Cela rappelle les rescrits. Cette demande peut être orale, au cours par exemple des déplacements du Roi dans son Royaume. La demande peut encore être par écrit, par des placets. Cette justice est bien plus populaire. En 1584, il est ainsi demandé au Roi de recevoir un jour durant ses sujets. Plus tard, Louis XIV réservait certaines matinées à l’audition de ses sujets. Le Roi écoute, en compagnie de ses conseillers, en compagnie de ses sujets. Les requêtes dont est fait droit peut entraîner la condamnation de son administration.

Avec l’évocation, le Roi modifie la délégation de juridiction. Eu égard aux intérêts en cause, le Roi peut décider d’attribuer la connaissance de l’affaire à une autre juridiction.

Les lettres de committimus sont elles accordées à de grands personnages, grands officiers, qui leur permettent de passer outre les règles normales de procédure.

Le Roi peut enfin modifier la délégation avec la pratique du Jugement par commissaire. Là, le tribunal est extraordinaire. Ce tribunal est composé par le roi lui-même. Il choisit des personnes de confiance, et les nomme par voie de lettre comme Juge de l’affaire en question. Ce sera le cas lorsque l’affaire est particulièrement délicate. En 1579, cette pratique finit par être interdite avec une Ordonnance de Blois. Mais malgré tout, la pratique perdure, surtout en matière criminelle. Fouquet, arrêté en 1661 par D’Artagnan, est jugé par une Chambre réunie par voie de lettre de commission. L’affaire des poisons est réglée sur le même modèle. Généralement, les membres ne sont pas choisis pour leur magnanimité.

Le Roi peut intervenir dans un jugement pour atténuer une règle de Droit particulièrement rigoureuse. Il le fait par la voie des lettres de justice. Le Roi est ainsi intervenu fréquemment en faveur de débiteurs malheureux. Le Droit romain permettait d’éluder la force obligatoire d’un contrat affecté par une lésion ou un vice du consentement. Le contrat étant annulé, le débiteur échappait à la sanction qu’il encourait.

Enfin, le Roi peut intervenir par voie de lettre, pour accorder sa grâce. Cette grâce n’efface pas le crime, mais épargne la peine. Ces grâces ont été fréquentes au Moyen Âge, sous l’ancien régime. Elles dépendent un peu du calendrier, d’un anniversaire, du beau temps, d’une bonne baston, etc. Les lettres de grâce sont accordées moyennant finance et certains crimes ne peuvent pas en faire l’objet, comme le duel.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre II · L’organisation de la Justice 44  

À la différence de la grâce, l’amnistie fait tomber le crime. Lettre d’aboli, lettre de pardon, lettre de rémission… cette dernière vise l’homicide. Au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, on considère que la peine est la mort. Le Juge n’a pas à examiner les circonstances dans lesquelles l’homicide a eu lieu. La légitime défense, connaît pas, imprudence, connaît pas. Il est donc admis que le condamné fasse valoir des circonstances particulières, ce qu’il peut faire, mais en demandant au Roi. Après examen, cette lettre de rémission évite le couperet. Ces lettres de rémission étaient assez fréquentes. Ces lettres sont traitées par la chancellerie. Moyennant un coût relativement modique, la lettre de rémission était presque automatiquement envoyée.

Paragraphe 3e La Justice d’Église Les tribunaux d’Église sont les officialités. Ils ont profité des miettes du pouvoir

royal, dès les Carolingiens. Dès le XIIIème, c’est l’official qui préside ce tribunal ecclésiastique. Sa compétence criminelle est très étendue. Les clercs sont jugés vu le privilège du for. Pour être clerc, il faut être tonsuré. Certains en profiteront. Les pèlerins, les croisés, les étudiants (ahhh) aussi. L’Église a également prétendu connaître de toutes les infractions relatives à la discipline religieuse. Le blasphème, l’hérésie, la sorcellerie sont de bons exemples. Pour l’hérésie, une juridiction toute particulière est créée en 1231 en Italie et en Allemagne. En 1233 dans la France du Nord, 1234 pour la France du midi. C’est l’inquisition. Franciscains, dominicains la dirigeaient. Ils étaient directement rattachés au Pape. À la fin du XIIIème siècle, pour faire droit aux revendications de la population méridionale en proie aux abus des inquisiteurs, Phil, Philippe Le Bel, animé par la volonté de casser les genoux du Pape, place la répression de l’hérésie sous la responsabilité des évêques devant siéger avec l’inquisiteur ou son délégué.

Le Droit pénal canonique diffère sensiblement du Droit pénal laïc. On entend permettre au coupable le temps de méditer pour revenir dans le droit chemin. Il doit se repentir. Dans les cas les plus bénins, les juges ecclésiastiques vont avoir tendance à privilégier la pénitence, l’aumône, le pèlerinage, la mortification… dans les cas plus croustillants, on prononce le mur, bref, l’isolément, l’emprisonnement. Et dans les cas plus graves, quand l’Église est convaincue que le coupable est relaps, qu’il est perdu, alors, il est condamné à mort. Sarah Connor, pardon, Jeanne d'Arc fût ainsi considérée comme relapse. Du coup, on la crame comme sorcière.

Avec la théorie des cas privilégiés, le roi affirme la compétence des juridictions laïques, même lorsque le coupable est un clerc. On entend restreindre le privilège du for.

Section 2 Les sources du Droit pénal

Nullum crimen nulla sine. Pas de peine sans Loi.

La DDHC (Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen) proclame cela pour la première fois. Si l’on regarde le Moyen Âge et l’Ancien Régime, ce principe n’a pas d’existence. Les grandes ordonnances ne traitent en fin de compte que de la procédure. La grande ordonnance de 1670, aussi appelée Grand code criminel, vise ainsi essentiellement la procédure.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

45 Chapitre II · L’organisation de la Justice  

Pour autant, même si la justice pénale n’était pas la panacée, l’arbitraire n’était pas non plus omnipotent. Coutumes et règles constituaient un fond dans lequel puisaient les juges.

Le Roi intervient rarement en matière pénale. Durant les premiers temps des Carolingiens, des capitulaires, inspirés de modèles romains, étaient pris pour réglementer les comportements des sujets. Il en résultait nombre de prescriptions en matière pénale. Avec la féodalité, la Loi est délaissée. Chez les Capétiens, le Roi perd de fait son pouvoir législatif. Philippe le bel, conseillé par ses légistes, en même temps qu’il recompose son domaine, en même temps qu’il réaffirme sa souveraineté, va s’imposer peu à peu comme une source législative. La Loi doit être consentie, notamment par ses concurrents, les seigneurs. La Loi n’intervient alors que si elle est justifiée par l’utilité commune. Elle ne saurait être prise contre une coutume, le Roi en étant le gardien. Finalement, le Roi ne légifère que s’il crée une incrimination nouvelle, ou pour réglementer la procédure. L’essentiel des sources en matière pénale reste la coutume.

Paragraphe 1er Le Droit pénal coutumier Si l’on regarde la doctrine du XVIIIème siècle, les lois du Roi sont en haut de la

hiérarchie des sources. Mais bon, c’est plus alors le reflet d’un souhait que celui de la réalité.

Au Moyen Âge, il y a d’abord les chartes municipales, adoptées par les premières villes, souvent après négociation avec les seigneurs. Elles entendent mettre en place des normes fondamentalement différentes de la Justice appliquée par le seigneur. C’est une réaction à l’arbitraire du seigneur. Le plus souvent, ces chartes prévoient des peines fixes, pécuniaires, tarifées en fonction de l’importance de l’infraction. À la fin du Moyen Âge, ces sources tombent dans l’oubli.

Il y a en outre les coutumes territoriales. Ces coutumes sont, sauf celle de Bretagne, très laconiques en matière pénale. Elles s’intéressent aux méfaits. Les plus graves, au Moyen Âge, c’est le vol. Le Vol un signe de trahison. Le voleur trahit la confiance que chacun doit pouvoir avoir avec autrui. Celui qui vole se place en dehors de la communauté, et han tu vas avoir des problèmes toi ! Ensuite, il y a dans le même genre trahison. L’incendie coûte aussi cher. La peine sera, fonction des coutumes et des époques, la mutilation, d’un pied, d’une main, d’une oreille, ou plus simplement, la mort. Ces coutumes illustrent l’influence du Droit romain. C’en est ainsi lorsqu’elles se préoccupent de donner une définition, d’énoncer des catégories. La coutume du Beauvaisis définit ainsi le larcin comme le fait de prendre la chose d’autrui à l’insu de celui à qui elle appartient, dans l’intention d’en faire son profit au détriment du propriétaire. La coutume du Beauvaisis s’attache encore aux circonstances. Il y a le vol flagrant, le vol de nuit, avec escalade, entre proches parents… Complicité, recel sont également traités.

Les juristes entendent donner une place toujours plus importante à l’élément intentionnel. Le suicide est un crime capital. Il entraîne la mort. Dur… si le suicidé était en état de démence, puisque le fou ne sait pas ce qu’il fait, ça va, on ne tuera pas le suicidé.

Des circonstances peuvent atténuer ou aggraver les peines.

Voler soixante sous doit être plus sévèrement puni que de voler un oison. À délai égal, les paysans et autres gens rustres le seront moins que les autres parce qu’ils sont excusables d’ignorer le Droit.

L’erreur est également cernée.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre II · L’organisation de la Justice 46  

Bref, on entend définir, catégoriser l’élément matériel, l’élément intentionnel.

En même temps, la mentalité coutumière se dissocie sensiblement du Droit romain.

Paragraphe 2e Les lois du Roi & l’Ordonnance de 1670

A · Création d’incriminations depuis la fin du XIIIème siècle à la fin du XVIIIème siècle

La pénétration du Droit en matière pénale s’est faite sous couvert de l’Ordre public. Il visait des infractions supposées mettre en danger l’État ou le pouvoir.

1 · Les droits du Roi

Reconquis sous la Royauté médiévale, comme le monopole de la frappe, ces droits permettent au Roi de prévoir que celui ou ceux qui oseraient faire monnaie semblant à la monnaie du roi, bref faire de la fausse monnaie, tombe sous le coup d’une incrimination pénale. De même, la lèse-majesté, qui vise le roi, ses proches, ses biens, créée sous Rome, et tombée après les francs un peu dans l’oubli, est redécouverte dans la renaissance du Droit romain. La lèse-majesté va permettre la création de nouvelles infractions. Comme en témoigne le principe d’une armée permanente, affirmé suite à la guerre de Cent Ans. Le Roi prend une ordonnance courant XVème siècle par laquelle il qualifie de crime de lèse-majesté les agissements des particuliers qui oseraient lever, conduire, mener, et recevoir compagnie des gens d’armes.

L’Ordre public sert encore à légitimer la création de nouvelles infractions. L’Ordre public va permettre de poursuivre tous les trafiquants genre ceux du sel. Il va également se tinter de religion chrétienne pour sabrer ceux qui agissent de manière contraire à l’Ordre public chrétien. Nombreuses sont les ordonnances prises dès le XIIIème contre ceux qui avaient pour lubie de blasphémer. François Ier en prend une ainsi en 1523, contre les… mangeurs de peuple. Le blasphémateur irrite Dieu, Dieu qui va se venger et balancer moult calamités sur l’ensemble de la Nation française. Brrr. Fin XVIème on reconnaissait cependant le Royaume français par les clochers et les brochettes de blasphémateurs.

Le duel a aussi un effet quant à l’Ordre public. La pratique apparaît aux tous débuts du Moyen-âge, a priori chez les Burgondes. Il sert de jugement de Dieu. Le duel va finalement être perçu comme une menace pour le pouvoir. C’est une concurrence à l’usage de la force. Le duel va être considéré comme une forme d’opposition politique, si bien qu’en, 1579 il est devient une incrimination pénale comme un crime de lèse-majesté. Là, pas de grâce possible, et pas non plus de prescription.

Le port d’arme, longtemps licite, est finalement interdit courant XVIème. L’État se police peu à peu. Les vagabonds sont errants, dangereux, donc interdits. La mendicité aussi. Le Roi intervient par voie législative, envoie les Hommes aux galères à perpétuité, enferme dans les hôpitaux les Femmes.

Autre infraction créée en 1671, c’est l’interdiction de faire pèlerinage hors du Royaume sans autorisation d’un évêque, sans autorisation des autorités laïques, et sans l’autorisation des proches parents.

Tout ce qui menace l’Ordre public entraîne à la première infraction le carcan. En cas de récidive, c’est le fouet. Pas celui de Paul Prédeau. S’il récidive une nouvelle fois, là, il

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

47 Chapitre II · L’organisation de la Justice  

est condamné comme vagabond et s’exposera par exemple à un voyage en galère sans limitation de durée.

Les bohémiens, égyptiens prennent ainsi cher. En 1682, ils sont condamnés aux galères à perpétuité.

B · La fixation de la procédure et les débuts de la codification

Les premières transformations de la procédure criminelle ne sont pas du fait du pouvoir royal. Docteurs, jurisprudence l’ont permis. Mais dès la fin du XVème siècle, le Roi prend acte de ces évolutions et va entendre prendre en main la matière, de façon à fixer les règles, donner un cadre légal à cette procédure, l’unifier.

La première ordonnance en matière de procédure pénale remonte à 1498. Louis XII distingue deux sortes de procédure, la procédure ordinaire et la procédure extraordinaire. Dans tous les cas, il doit y avoir une information secrète dont le contenu doit être communiqué aux gens du Roi. Ensuite de quoi l’accusé est capturé ou cité. L’accusé est interrogé. C’est là que s’opère le choix entre voie ordinaire et voie extraordinaire. Dans le second cas, c’est ouvrir la porte au secret et à la torture.

Une autre ordonnance est elle prise en 1539, par François Ier, c’est celle de Villers-Cotterêts. Elle aborde de nombreux sujets, de la langue à la matière criminelle. La langue est donc plus accessible, les dispositions sont complétées, la procédure extraordinaire est alourdie, la présence du ministère public est affirmée dans tout procès. Toute instruction criminelle nécessite la participation conjointe de deux magistrats. Le procès est divisé en deux, instruction et jugement. L’instruction permet de rechercher toutes les preuves. Le Juge d’instruction y joue un rôle très important.

Ces deux ordonnances de 1498 et 1539 sont fondamentales dans l’histoire du Droit pénal. Pour la première fois, un Roi détermine avec méthode des règles régissant la procédure. Pour autant, à l’époque, bof. Les juristes consultes ne sont pas particulièrement excités. Le peuple, lui, y voit la garantie de la bonne tenue du procès.

L’ordonnance suivante, majeure en procédure pénale, à retenir, c’est celle de 1670. C’est cette ordonnance qui va réglementer le cours de la procédure jusque la Révolution, et va inspirer les règles modernes de la procédure criminelle. C’est Colbert qui la pond. Il demande aux principaux membres du Conseil d’État d’établir, en procédure pénale, ce qui est pourri et ce qui ne l’est pas. Le plus souvent, ce qui est critiqué, c’est la justice seigneuriale, la justice ecclésiastique, c’est aussi les épices. Mais bon, le Roi ne peut pas racheter toutes les justices ni se mettre à dos les Parlements.

Paragraphe 3e Le Code noir Brrr.

Oui alors non, le Code vise pas une matière obscure, mais s’intéresse aux esclaves…

Il y en a plusieurs. Le premier réglemente en 1685 la vie des esclaves noirs dans les colonies françaises. 60 articles, touchant au civil comme au pénal. L’Église est hostile à l’esclavage, de même que certains Parlements. Le Code noir, critiqué, représente malgré tout une certaine amélioration de leur condition, surtout en matière pénale. L’esclave reste certes une chose. Mais le Code affirme cependant que les esclaves doivent être baptisés. Leurs maîtres doivent les nourrir, vêtir correctement, leur donner des funérailles dignes de la religion chrétienne. Ils doivent être soignés. Quand ils sont vieux, leurs maîtres ne doivent

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre II · L’organisation de la Justice 48  

pas les délaisser. Et surtout, le maître ne peut plus se faire justice lui-même. La Justice est publique. Si le maître constate une infraction, ou s’il se fait buter par un esclave, le Juge statuera. De là à dire que la Justice, publique, soit indigente, peut-être pas non plus. Il est peut être torturé, supplicié…

Filiation, affranchissement sont également traités.

Mais bon, malgré le Code, les pratiques perdurent, de même que la torture ou les prisons privées.

Section 3 Les gens de Justice

Qu’elle soit déléguée, d’exception, ou droit commun, les justices sont composées dès la fin du Moyen-Âge par des officiers. L’officier, titulaire de sa charge, du fait du système de la patrimonialité des offices, va avoir tendance à… amortir son investissement. Le fait que les caisses royales soient toujours vides n’améliore pas tout ça. Le plaideur passe donc à la caisse.

La Justice est payante.

L’officier, titulaire de sa charge, est inamovible, sauf cas spécial genre la forfaiture.

L’officier est supposé indépendant.

Peu à peu, les corps judiciaires vont acquérir une certaine indépendance par rapport au Roi. Les membres des Parlements se regroupent et énoncent pour théorie celle des corps parlementaires, en vertu de laquelle les parlementaires se situent dans la mouvance des anciens plaids francs. Ce sont les représentants de la nation contre le Roi. Dès le XVIIème, Roi et Nation sont dissociés.

Paragraphe 1er Le recrutement et le statut des magistrats À la base, les magistrats sont des officiers, des officium, ce qui désigne toute

fonction publique remplie au nom du Roi et par délégation de son autorité.

Outre les officiers, on a les commissaires. Eux aussi sont délégués par le Roi. Eux reçoivent la délégation pour un temps déterminé, pour une tâche précise. La lettre de commission le précise. Les officiers, depuis 1467, sont inamovibles, contrairement au principe initial voulant que celui qui a reçu la délégation du Roi puisse voir ce dernier lui retirer comme bon lui semble. Les offices s’achètent, pour le plus grand bienfait des caisses royales. Dixit Louis XIV « la plus belle prérogative des rois de France est que lorsque le Roi crée une charge, Dieu crée aussitôt un sot pour l’acheter. Mais bon, certains offices permettent l’anoblissement. Sous Colbert, 70000 officiers de judicature. Un siècle plus tard, la savonnette à vilain marche à plein régime. Il y en a 90000 de plus. La fonction étant trop peu rémunératrice, les officiers vont se faire payer des épices.

À l’origine, les épices sont des cadeaux spontanément donnés par les plaideurs, a priori en remerciement. Traditionnellement, il s’agissait d’épices. Chemin faisant, la pratique perdure, s’institutionnalise, guise de travail accompli au cours d’un procès. Mais bon, les épices aiguisent la soif… pour les historiens, ces épices ne dépasseraient tout compte fait pas

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

49 Chapitre II · L’organisation de la Justice  

1 à 2 % de la charge. En réalité, ce seraient les autres frais connexes qui coûtaient finalement bonbon.

Une fois la charge achetée, il est quand même requis du magistrat qu’il dispose de certaines connaissances de la matière juridique. Il lui faut un diplôme de droit. Droit enseigné à l’époque en 3 années. Les deux premières années étaient consacrées le droit romain, quand la dernière visait plus précisément le Droit français (du moins à partir de 1679). L’enseignement du Droit est critiqué, d’abord parce que la part des coutumes y est faible, ensuite parce que les enseignants sont un peu des branquignols ou des poivrots. L’absentéisme était déjà fréquent. Bon, d’un autre côté, nombreux sont les étudiants qui payaient leurs camarades pour les représenter.

Age, diplôme, absence de parenté avec les magistrats déjà en place, le candidat doit ensuite se présenter. Sauf obstacle, il est installé dans sa charge. Il peut y rester jusqu’à sa mort. La retraite, connaît pas. Faut dire que la charge de magistrat confère un certain nombre de privilèges, genre celui de juridiction, genre des exemptions fiscales, sur la taille, sur les impôts indirects. Dispense d’hébergement des gens de guerre… généralement, les magistrats sont illustres. Généralement. Au criminel, les audiences ne pouvaient avoir lieu que le matin, de façon à s’assurer l’attention du magistrat.

Paragraphe 2e Les auxiliaires de justice

A · Les huissiers

Les huissiers gardent au départ la porte du tribunal.

À l’origine, c’est même un sergent, un militaire, lui aussi titulaire de sa charge. Il devient un officier de justice, représentant de la force publique.

L’huissier doit aussi avoir certaines compétences. Tout est relatif. Il doit savoir écrire. Avec le temps, ses fonctions sont diversifiées. L’huissier va être chargé de différents actes de procédure. Il sera chargé de la citation des parties. Ce sera encore lui qui sera chargé de l’exécution de la décision. Dans certaines situations, l’huissier allait même s’installer chez le débiteur condamné, aux frais du débiteur.

B · Les notaires

Le notaire apparaît dans l’Italie médiévale, dans le nord, dans les villes. Les relations commerciales y sont particulièrement florissantes et importantes. Elles requièrent une confiance réciproque, dont on attend parfois qu’elle soit renforcée. Les notaires sont supposés être les garants de la foi publique. Peu à peu, le notariat va se développer. Certains notaires vont se placer directement au service du Roi, notamment au Parlement, où il y a ainsi des notaires du Roi chargés de suivre et consigner par écrit ce qui se passe à l’audience.

C · Les greffiers

On les appelle les greffiers. Eux aussi sont titulaires d’un office. Il y a le greffier à la peau pour l’expédition des actes. Il y aussi le greffier… au sac, qui range dans ce sac tous les actes de la procédure. D’où… l’affaire est dans le sac ! Enfin, il y a le greffier des arbitrages. Mais lui, on en parle pas. Les greffes ont d’abord travaillé sur… un rouleau, où était reporté le texte de tous les arrêts d’une session. À partir de ce rouleau, on reportait le texte des arrêts

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre II · L’organisation de la Justice 50  

sur des cahiers, des registres. Au départ, il n’y avait qu’un seul rouleau, où mélangeait civil, pénal, etc. petit à petit, il y a eu un greffe par domaine.

D · Les avocats

Les avocats sont à l’origine ad vocati. Ce sont ceux qu’on appelle pour témoigner en sa faveur, pour témoigner de sa moralité. Ce sont à l’origine des amis, des clients, des parents. L’orateur, le rhéteur s’occupe de porter la parole de son client. Sous l’Empire, il y a glissement sémantique. Dorénavant, celui qui plaide est avocat. Il a pu suivre des études de droit, sans que ce soit nécessaire. Il lui faut en tout cas avoir suivi des études de rhétorique. Mais il ne reste pas très très bien vu, d’autant plus au vu de ses honoraires parfois exorbitants. Alors que le Droit est une chose si sainte qu’on n’est pas supposé estimer en argent. La profession s’organise sous l’Empire.

Au Moyen-Âge, l’avocat prend la poussière. Le procès est toujours plus solennel. On n’en a pas besoin pour passer l’ordalie ou dans le cadre d’un duel.

Ils ressurgissent avec la renaissance du Droit romain. L’avocat qui plaide d’un côté, le procureur qui mène la procédure d’un autre côté. La première ordonnance royale sur les avocats remonte à 1274. Ils prêtent alors serment une fois par an. Leurs honoraires sont plafonnés. Il n’est supposé plaider que des causes… justes. Les avocats ont en tout cas le monopole de la plaidoirie en matière civile. En matière criminelle, avec l’ordonnance de 1328 et plus tard avec l’ordonnance de 1670, les accusés doivent répondre seuls, sans en passer par le ministère d’avocat. L’avocat peut défendre son client, mais par voie écrite. On considérait que le but du procès était toujours d’obtenir la vérité. On ne veut pas que l’avocat fausse les propos de son client. En matière civile, on s’en tape. Même s’ils palabrent.

L’ordre des avocats remonte après la fronde parlementaire du XVIIème. Les avocats sont jusqu’alors sous la tutelle des magistrats. Il n’y a pas encore de corporation. Après la Fronde, les avocats instituent cet ordre. Le bâtonnier le dirige. Il tenait un bâton contenant les saintes reliques de Saint-Nicolas.

E · Les procureurs

Ce sont aussi des officiers. Ils sont les rivaux des avocats. Les procureurs se développent d’abord devant les officialités, les juridictions ecclésiastiques, au XIIème siècle. L’institution va être ensuite reprise par les juridictions laïques. L'activité du procureur est réglementée. Ils sont regroupés dans une corporation sous l’autorité ecclésiastique. Les procureurs prêtent serment, de respecter le client, d’éviter de prendre trop son pied à tartiner la procédure. La Monarchie va organiser le monopole de la postulation, sans cesse critiqué par les avocats et par les plaideurs.

F · Les lieux de justice

Des palais, d’abord conçus comme des temples. Le procès ressemblait fortement à une messe, en tout cas un moment solennel.

En pratique, au niveau inférieur, tout était bien plus relatif. Beaucoup d’ordonnances rendues à propos des justices seigneuriales demandaient au seigneur de ne pas juger dans un cabaret ou dans sa chambre. Chez les prévôts, certaines ordonnances leur demandent de sa calmer sur la bibine.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

5 1 Chapitre III · La Justice à l’œuvre  

Chapitre III La Justice à l’œuvre

Section 1 L’instance

Paragraphe 1er La procédure criminelle à l’époque médiévale Entre la fin du XIIIème et le XVème, la procédure subit un petit coup de tuyau

d’arrosage. On va passer d’une procédure accusatoire à une procédure inquisitoire. Par ailleurs, et de plus en plus, on va abandonner l’irrationnel. On va faire appel à des experts, des techniciens…

Ces transformations ont lieu en partie grâce à l’Église. Au XIIIème siècle, l’Église met au point une procédure mise au point sous l’Empire romain.

A · La procédure criminelle à la sauce ecclésiastique

Les officialités poursuivent les délits ecclésiastiques, non les péchés. Pendant longtemps, la procédure était purement accusatoire. Progressivement, un certain nombre de tempéraments ont été apportés à ce principe.

1 · Le flagrant délit

Pour le canoniste, c’est le délit manifeste, le délit notoire. Ça, c’est un crime su de tous. Puisque tout le monde le sait, l’Église considère que le Juge peut poursuivre d’office le coupable, sans pour autant avoir été saisi par un accusateur. Il devra faire la preuve du caractère évident, non la preuve du fait en question.

2 · La dénonciation

Première forme, la dénonciation évangélique. Ah, saint Matthieu. Elle s’appuie sur la déclaration « si ton frère vient à pécher, vas le trouver et reprends-le, seul à seul. « S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi un ou deux autres pour lui coller une bonne tarte, que toute affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse encore, dis-le à la communauté. S’il refuse même d’écouter la communauté, qu’il soit pour toi comme le païen et le publicain ». Han. Moralité, poursuite d’office, reposant sur la dénonciation basée sur la charité. Mais oui. Il faut le ramener sur le droit chemin pour que lui soit administré un juste châtiment canonique.

Deuxième forme, c’est la dénonciation judiciaire. Le Juge reçoit une dénonciation, soit publique, sur initiative ecclésiastique, soit privée dont les intérêts ont été lésés. Dans le premier cas, il est plutôt obligé de poursuivre, quand le second cas, il est plutôt libre de suivre ou pas.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre III · La Justice à l’œuvre 52  

3 · L’inquisition

L’inquisition a été instituée pour réprimer, du moins au départ, les délits imputables aux ecclésiastiques, genre simonie, le concubinage ou l’hérésie. SATAN Ahhh. Le Juge pouvait alors poursuivre d’office, sans attendre qu’un accusateur se présente. Cette procédure a été mise en place pour la première fois en 1198, consacrée en 1215.

Le Juge ne prendra l’initiative de poursuivre qu’en cas de diffamation. Finalement, pour les ecclésiastiques, c’est une sorte de manifestation de l’opinion publique. tant que ce n’est pas le cas, le Juge ne se saisit pas. Quand la rumeur mousse, genre pour de l’inceste, adultère, parjure, simonie, concubinage, et bah là, le Juge mène l’enquête. Le Juge peut aussi se saisir d’office lorsque le crime est certain. On retrouve un cadavre dans un lieu saint, forcément, ça fait brouillon.

Le Juge va s’efforcer de susciter des témoins, témoins qui vont déposer à charge, mais sans la présence de l’accusé. C’est plus simple comme ça.

Si l’accusé est reconnu coupable, la peine appliquée sera en général plus douce que celle prévue par le droit canonique, parce qu’il n’y a pas eu d’accusation préalable. Le Juge entend arbitre. Il modère la peine en fonction des circonstances.

La peine répond à une nécessité, ramener le coupable vers le droit chemin.

L’inquisition a été utilisée par l’Église pour débusquer les hérésies. En Espagne tout particulièrement, en France, du côté des albigeois du XIIIème au XVème siècle. La procédure commençait par une tournée dans les régions concernées. L’inquisiteur formule des harangues au cours desquelles il invite la population à dénoncer les hérétiques, et pousse les hérétiques à se dénoncer eux-mêmes avec la promesse de pardon. Grâce serait accordée à ceux qui se repentent. Gamin… allez viens… !

L’étape suivante, c’est la poursuite. Là on veut des dénonciations, et on les favorise. Celui qui se fait chopper est jugé. La procédure est solennelle. Le coupable est souvent vêtu de rouge et de jaune, où sont cousus des diables, des langues de feu. L’inquisiteur n’est pas non plus en reste.

Le plus souvent, les peines semblent être en réalité modérées. Là aussi… tout est relatif, car les sanctions allaient de la prison à la flagellation ou pouvaient toucher tout un groupe. On détruisait par exemple une maison. La mort pouvait être prononcée, mais plus rarement. Les relaps passaient eux au grill. D’après des chiffres rassemblés par des historiens, Bernard Gui, grand inquisiteur, entre 1307 et 1323, grand inquisiteur, a prononcé 42 condamnations à mort. Dans certains cas, l’inquisition a pu faire le procès d’hérétiques, mais déjà morts et enterrés en terre sainte. Bah là, on le déterre, on jette son cadavre sur la voierie.

B · Le développement de la procédure inquisitoire dans les cours laïques à la fin du XIIIème et au début du XIVème

Dès l’époque féodale, on relève des germes de procédure d’office. En cas de flagrant délit notamment. Le seigneur pouvait alors agir d’office.

Le développement des formes inquisitoires va passer par la dénonciation.

Lorsque le duel est interdit, par Saint Louis, la solution va être de recourir à un Juge. Le début de la procédure reposant sur la dénonciation. Avec le développement de la dénonciation, le Ministère public va enquêter.

Aux XIVème et XVème siècles, les formes inquisitoires sont fixées. La saisine du Juge peut se faire par dénonciation, plus rarement par accusation de partie formée (c'est-à-dire

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

53 Chapitre III · La Justice à l’œuvre  

lorsque le Juge saisi par un accusateur est obligé de poursuivre)… En cas de dénonciation, le Juge n’est pas tenu de poursuivre. Il doit s’assurer de la valeur des dénonciations. Une fois le crédit apporté à l’accusation, il va pouvoir enquêter. Lors du procès, l’accusateur devra redire à l’oral et en présence de l’accusé ce qu’il reproche… outre la dénonciation et l’accusation formée, le flagrant délit, la commune renommée, bref la rumeur permettent encore au Juge d’enquêter.

Pour des causes simples, c’est la voie ordinaire. Pour les crimes « énormes », pour les grands crimes, là c’est la voie extraordinaire. Secret et torture sont les maîtres mots. On soumet à la question l’accusé, jusqu’à cinq fois. C’est au Juge d’en décider. Le procès ayant toujours pour objectif de révéler la vérité, sous le regard de Dieu. On entend parvenir aux aveux, les arracher par la torture. Genre l’eau. Une fois les aveux obtenus, ils doivent être réitérés en dehors de la question. Si jamais l’accusé s’entête, qu’il s’était entraîné à résister, bah là, n’ayant pas avoué, il est lavé de toute accusation. M’enfin bon, faut réussir à résister. Le jour du jugement, il est mis devant ses juges, sur la sellette. L’accusé doit réitérer ses aveux, la sentence prononcée.

Paragraphe 2e L’ordonnance de 1670 Ø La procédure

La procédure est inquisitoire. Le Juge a un rôle actif. Son pouvoir se manifeste notamment au niveau de l’instruction. Il peut s’immiscer véritablement dans la vie des intéressés. Il peut se rendre sur place… le Juge peut se faire assister par des techniciens. Une grande importance est donnée aux rapports que peuvent rendre des experts, des experts médecins ou chirurgiens, des experts sanitaires… (cf. le boucher qui s’amuse à refourguer de la viande pourrie). Au-delà de cette volonté de rationaliser les modes de preuves, A l’époque apparaissent des modes de preuves beaucoup moins rationnels, genre la cruentatio. Un crime est commis, le Juge se rend sur place, fait checker le cadavre encore tout frais, l’expose et ordonne à toute la population du village de défiler devant le cadavre. Bon et en théorie, le cadavre est supposé identifier son coupable. Les plaies sont supposées saigner lorsque le vilain passe devant lui. Un autre mode de preuve consiste à attacher le suspect au cadavre. Si le vivant s’en sort indemne, c’est qu’il n’était pas coupable. Sinon, bon… pour le Parlement de Bretagne, la cruentatio est la preuve par excellence.

Une fois l’instruction rondement menée, le procès a lieu. L’accusé comparaît. Il est même interrogé. Il est sur la sellette, devant ses Juges. Seul. Du moins pour les crimes capitaux. Pour les autres, qui présentent un caractère technique, genre ceux relatifs aux banques, aux péculats, l’accusé peut bénéficier du concours de son avocat. L’interrogatoire reste bref. En fait, la religion du Juge est en général déjà acquise. Il a déjà pu se faire une opinion auparavant. Si le suspect a été torturé, et qu’il en est ressorti des aveux, ceux-ci doivent être réitérés. Le jugement est ensuite rendu.

Moralité, le Juge est le garant du procès. C’est lui qui prend l’ordonnance de corps, dont l’exécution est assurée par les sergents de la juridiction, qui doivent donc arrêter le suspect. C’est encore le Juge qui décide ou non le recours à la torture.

Ø L’affaire Julien et Marguerie de RAVALET.

Il s’agit d’une famille de petits nobles originaires de Normandie. Elle, mariée à 13 et demi, quand son mari en avait 43. Son tendre époux la battait à souhait. La jeune femme décide de se tailler. Elle rejoint la maison familiale et s’éprend… de son frère. Le couple quitte la maison familiale et opte pour Paris. C’est sans compter avec la rancune du mari, qui cherche, et les retrouve, et dépose plainte au châtelet. La Police se présente au domicile des jeunes gens pour les conduire donc au châtelet où ils sont interrogés. Le lendemain, le

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre III · La Justice à l’œuvre 54  

prévôt de la ville de paris prend une ordonnance par laquelle il entend retenir l’affaire. Il saisit alors son lieutenant criminel. Lui va les charger. Au regard de l’affaire, mais au regard de son bord religieux. L’affaire est instruite, mais en 8 jours. Le dossier est ensuite transmis aux messieurs du châtelet pour une audience publique. Petit détail, la jeune femme est enceinte. Le couple est retenu jusqu’à son accouchement. Le père des jeunes gens va quand même engager un certain nombre de démarches pour obtenir la grâce de ses enfants, tout au moins un peu d’adoucissant pour pas faire boulocher. Le jugement est rendu, adultère, inceste… mais on veut voir si la femme a dit vrai lorsqu’elle avançait que son enfant était issu d’un viol. Elle est donc soumise à la torture. Mais pour le mari et le père, ceux-ci font appel, notamment pour éviter l’accusation de viol, qui auquel cas, détruirait l’accusation d’adultère. On transmet le dossier à la tournelle, la chambre criminelle du Parlement de paris, qui décide de tout rejuger. Les accusés sont transférés et écroués à la conciergerie de Paris. Le procès s’ouvre quelques mois après. Lors de la première audience, la jeune femme est de nouveau interrogée. Lors d’une deuxième audience, l’interrogatoire se poursuit, avec l’audition des témoins. Le Père continuant de son côté à tenter d’obtenir une grâce. À la troisième audience, le jugement est rendu. Sentence capitale à la clé, exécutée quelques jours après sur la place de Greve.

Section 2 Le Jugement

En quelle langue déjà ? À partir de 1539, c’est en Français. Le Latin est dorénavant en tant que langue judiciaire. Tous les actes, lois doivent être rédigés en Français.

Paragraphe 1er Motivation ? Pas besoin. Le jugement, après un exposé relativement exhaustif de la procédure, le

jugement a recours à a la formule suivante selon laquelle « pour les faits résultant du procès, la Cour… »

Jusqu’en 1276 environ, le Roi siège en son conseil. Le Roi entend les parties, demande à ses conseillers de lui donner leur avis, en suite de quoi il rend sa sentence. Ces jugements relèvent des raisons. À partir de cette date, lorsque le Roi en a gros sur la patate, qu’il préfère aller chasser que jouer au Juge, la décision est prise à la majorité. L’absence du Roi modifie donc le mode de décision, mais aussi le mode de justification. Le Roi exige de ses conseillers qu’il ne dise pas le pourquoi de la décision. Le Roi exige seulement le dispositif. Le motif, qu’importe. La règle est consacrée aux alentours des années 1330. Ça va durer comme ça jusqu’à la Révolution. À la différence des Anglois, chez les fromages qui puent, pas de règle du précédent. L’arbitraire prime. Les juristes de l’époque invoquaient la théorie l’essence divine de la Justice, en vertu de quoi il est impossible de remettre en cause la décision du juge. Autre argument, c’est le fait que les voies de recours soient épuisées. Si tel est le cas, bah plus besoin de motiver, tout en sachant qu’il reste la possibilité du pourvoi.

Au premier degré, en matière criminelle, les décisions sont motivées. Elles sont susceptibles de voies de recours. Certaines décisions rendues par les présidiaux doivent être motivées, même si elles sont rendues en dernier ressort, mais du fait de l’importance des personnes visées.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

55 Chapitre III · La Justice à l’œuvre  

Paragraphe 2e Voies de recours ?

A · La version classique

À l’époque féodale, chaque seigneur s’estimait souverain au sein de sa seigneurie. Sa décision était réputée irrévocable s’il n’a de supérieur hiérarchique. Toute la politique du Roi a consisté à remettre en cause ce schéma, les seigneurs devant relever de lui.

L’appel, institution romaine, réapparait au Moyen Âge avec pour justification la pyramide féodale.

L’appel est hiérarchique et se développe petit à petit. Il doit remonter toute la hiérarchie. Il pourra donc y avoir autant d’appels qu’il existe de degrés de juridiction. Le léger inconvénient étant d’allonger les procès.

B · L’appel comme d’abus

L’appel est ouvert à tout homme de condition libre, noble ou roturier.

L’appel comme d’abus est une variante. La mode est au gallicanisme, qui incite le Roi à étendre sa compétence contre les officialités. Le Roi va considérer que les officialités font preuve d’abus pour certaines questions, qui relèvent par nature du laïc. Les officialités jugent donc de manière abusive. Le Roi sort donc cette carte de l’appel comme d’abus chaque fois qu’une autorité ecclésiastique est un peu trop gourmande. Moralité, cet appel comme d’abus se rapproche de la notion d’excès de pouvoir. Cette procédure va être consacrée à la fin du XVème siècle. L’appel comme d’abus est ouvert à tous, laïcs comme clercs. Le plaignant défère au Parlement ou au conseil du Roi l’acte qui est supposé abusif. La Liste des motifs fondant ainsi ce genre de recours ne cesse de s’élargir. Cette liste n’est pas limitative. Il suffit de prouver qu’il y a eu… abus. Les juges laïcs étant quant à eux indulgents quant à l’appréciation d’abus. Le Parlement ou le Conseil a donc pouvoir de casser la décision rendue par le tribunal ecclésiastique. C’est davantage une cassation. Dans le cas où il y a cassation de la décision, le tout est renvoyé à la juridiction ecclésiastique pour qu’elle réforme son jugement.

Reste le recours en cassation.

C · Le recours en cassation

Dans un premier temps, il est inenvisageable. Peu à peu émerge l’idée que le jugement rendu par la plus haute juridiction puisse être été mal rendu. L’idéal de bonne justice impose donc l’idée d’un recours contre la violation de la Loi. Au départ, on l’appelle proposition d’erreur. Au XIVème siècle du moins. Cette proposition d’erreur disparaît dans la première moitié du XV mais ressurgit. En 1579, l’ordonnance de Blois consacre ce qu’on appelle désormais la cassation, recours en révision, qui prend donc une nouvelle dimension. Les parties elles-mêmes agissent contre une décision définitive, et visent une erreur de droit, genre violation des ordonnances et coutumes, incompétence ou excès de pouvoir, violation d’une formalité essentielle…

Le Conseil s’occupe de ce recours. Le Conseil rend éventuellement un arrêt qui casse la décision, auquel cas l’affaire est renvoyée à un autre Parlement qui va donc rejuger l’affaire en fait et en droit.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre III · La Justice à l’œuvre 56  

Section 3 La peine

Paragraphe 1er Ça sert à quoi déjà ? La peine a un effet individuel, personnel, assure le châtiment du coupable, donne

satisfaction à la victime… C’est une compensation à hauteur du préjudice subi par la victime. Mais bon, la peine a aussi un effet social. Le coupable viole la paix publique.

La peine doit infliger une souffrance équivalente à ce que la victime a subi. Petit à petit, c’est la notion d’Ordre public qui a été mise en avant. La peine doit servir l’Ordre public, doit permettre de mettre à l’écart le coupable. La peine doit aussi servir à éviter la répétition de l’infraction. On s’intéresse alors à l’effet exemplaire de la peine. Le châtiment doit marquer les esprits, être publique. Bref, il doit être dissuasif.

Les fonctions de la peine varient selon que l’on se place du côté spirituel ou temporel. Le Droit pénal ecclésiastique s’attache d’abord à une répression rétributive et perfectionnelle. Petit problème pour les ecclésiastiques, c’est de savoir si l’Homme a la possibilité de juger son semblable. Pour les ecclésiastiques, la fonction fondamentale de la peine est l’amendement du coupable. Le reste, ça relève de Dieu. Les hommes peuvent essayer de remettre dans le droit chemin celui qui a péché. Mortification, pénitence corporelle, pèlerinage, aumône, emprisonnement doivent permettre à celui qui s’est égaré du périphérique à le reprendre à la bonne porte. Le droit pénal ecclésiastique a largement recours à la prison dès le XIIIème siècle, prison qui doit permettre la méditation. La prison, c’est le pain de tristesse et l’eau d’angoisse. Brrr. Finalement, la prison sert à ceux qui n’ont pas forcément été condamnés, mais qui souhaitent se retirer spontanément pour méditer. C’est la réclusion. Pour les pairs de l’église, il y a encore d’autres possibilités. Le coupable peut se voir interdire l’entrée dans l’église, l’interdiction de la communion. Han… l’officialité a horreur du sang et ne peut prononcer la peine de mort. C’est seulement dans les cas désespérés que c’est possible, lorsque le coupable erre dans l’erreur. Genre les relapses.

Pour le droit pénal laïc, là, on ne soucie guère de la guérison du délinquant. L’emprisonnement n’est pas prévu. Certains coutumiers, à la fin du Moyen Âge, utilisent la prison comme un lieu de purgation de la peine. C’est le cas pour des délits généralement mineurs. Le prisonnier y est enfermé à ses frais. La peine a une vertu essentiellement expiatoire et exemplaire. La peine frappe celui qui a péché. La peine doit aussi servir à éviter la commission de mêmes infractions. Le crime est apparu très tôt, dès que l’État est apparu comme une menace pour l’Ordre public. D’où la mise en place du recours à la force et à des sanctions cinglantes. « il faut contenir par la crainte des châtiments ceux qui ne sont pas retenus par la considération de leurs devoirs ». Domat affirme quant à lui que la Justice doit contenir par la vue et la crainte et des peines ceux qui ne s’abstiennent des crimes que par cette crainte ». La peine est moins tournée vers la victime que vers l’Ordre public. D’où d’ailleurs le pouvoir inquisitoire de la procédure.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

57 Chapitre III · La Justice à l’œuvre  

Paragraphe 2e Les modalités de la peine

A · Le Juge est un arbitre… arbitraire

Le Juge, au Moyen Âge et sous l’ancien régime, a le pouvoir d’arbitraire la peine. Son pouvoir d’appréciation est grand. Il apprécie les circonstances la personnalité du coupable. Il peut donc adoucir la peine. Dès lors que le coupable fait dans la sauce tomate, que ce soit pour de la légitime défense ou non, la peine est en principe la mort. Le Juge n’a en principe pas pouvoir de l’arbitrer. Le Juge doit la prononcer, étant entendu qu’il appartient au coupable de demander au Roi une lettre de rémission, voire de lui demander cawément la grâce.

B · L’échantillon des peines

Sous l’influence des lumières, on commence à s’intéresser à l’amendement du pouvoir… à l’amélioration de la situation du coupable, bref à sa réhabilitation, histoire de le réintégrer. Certains magistrats vont ainsi prononcer des peines d’emprisonnement en remplacement d’une sanction légale.

1 · La peine de mort

La peine de mort a fait couler beaucoup… d’encre. On a récemment compris que la peine de mort était relativement rarement prononcée. Vu les registres d’écrou du châtelet, à la fin du XVème, le nombre des criminels condamné à la mort ne dépassait 1 %, alors même que le prévôt de Paris était réputé pour être strict. À partir du XVème, et surtout lors du XVIème, la peine de mort prend de l’importance, mais reste minoritaire. Le rituel de la mise à mort n’y est pas indifférent. Le condamné qui marche au supplice qui rencontrer une jeune femme vierge qui le demande en mariage, le voilà gracié ipso facto. Sous la République romaine, celui qui marchait vers son triste sort qui rencontrait une vestale pouvait espérer la rémission. Le condamné, destiné à être pendu, dont la corde se rompt, est le signe d’une intervention divine, que le procès a donc été vicié, qu’il fallait au moins le gracier. De même, pour une décapitation, en cas d’erreur (genre ?!), et bah on peut gracier ou rejuger le condamné.

L’erreur judiciaire fait toujours un peu peur. On flippe que le condamné à mort injustement revienne d’entre les morts pour hanter ceux qui l’auront mal jugé. Si une sentence est mal rendue, mais qu’on s’en est rendu compte un peu trop tard, bon bah l’autorité judiciaire peut être contrainte à une sorte de procès inverse. Le Juge qui a condamné sera condamné à défendre le supplicier, quitte à exhumer la dépouille de la victime, et à lui donner un baiser de paix.

Concernant le supplice proprement dit, pour les faux monnayeurs, c’est cuisson à point. On le fait bouillir. Les roturiers, on les pend. Pour les voleurs de grand chemin, pour les parricides, pour les crimes d’une certaine ampleur, on les envoie à la roue. Briser bras et jambes à coup de barre de fer. Pour les plus chanceux, éviscérer. Ensuite, exposer le résultat sur la roue, jusqu’à ce qu’il crève. Le retentum est une mention apportée au jugement pour que le bourreau l’étrangle préalablement pour lui éviter le supplice, mais attention. Le fait discrètement, pour que la foule n’y voit que du feu. Foule qui apprécie en tout cas ce genre de spectacle. Pour les mères infanticides, les jeunes femmes doivent être exécutées sur le lieu même où elles ont commis leur crime, histoire de marquer les esprits. Pour les voleurs de grand chemin, les juges sont assez sévères et prévoient dans certains cas que le corps du mecton soit débité en autant de parties que de lieu où il avait volé.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre III · La Justice à l’œuvre 58  

2 · Les peines d’enfermement

Au nom de l’Ordre public, on peut encore recourir au grand renfermement des éléments marginaux, ceux qui n’ont pas domicile fixe, ceux dont les mœurs sont étranges. Mendiants, vagabonds, bohémiens, etc. traditionnellement, ces gens avaient un rôle. Le vagabond colportait les nouvelles par exemple. Au XVème siècle, ces éléments sont perçus comme dangereux. Eux ont donc généralement droit aux galères, pour les hommes, ou à l’internement dans des hôpitaux, pour les femmes.

La peine peut aussi servir à renflouer les caisses de l’État. On veut rentabiliser la peine. Les galères sont un bon moyen. La mise au travail des mendiants également, dans le bâtiment ou l’artisanat.

3 · Les peines infamantes

L’adultère est sanctionné de façon sévère. Comme on l’a d’ailleurs vu plus haut. Parfois, les femmes elles-mêmes s’en chargeaient. Elles lapidaient, noyait la femme adultérine. Jusqu’au XVIème, dans le sud, on pouvait faire… courir nu le convaincu d’adultère, dans toutes les rues de la ville. L’Homme porte à son cou un écriteau marqué adultère. Pour les excités du sexe, on les condamnait au plongeon, là aussi dans le plus simple appareil. Le mari, qui laisse sa femme tomber dans la débauche, peut être condamné à se promener derrière un âne dans toutes les rues de la ville. La même peine est appliquée au proxénète.

On peut aussi exposer au pilori avec un écriteau expliquant la raison pour laquelle la personne a été condamnée.

4 · Les peines spéciales

Pour le récidiviste, lui ouh, on l’aime pas. La peine ne l’a pas calmé. On va donc le marquer sur le corps, pour le stigmatiser. Le corps est souvent associé à la peine comme élément marqueur. Les galériens sont marqués GAL sur l’épaule. Le voleur, d’un V. le récidiviste, d’un R. Le tout, au fer rouge.

Le principe est la responsabilité individuelle pénale. En principe, il n’y a pas de responsabilité familiale. En cas de crime de lèse-majesté, la sanction retombe sur toute la famille. Les biens du coupable confisqués, sa maison rasée, la femme, les enfants, les ascendants, bannis. Et on fait disparaître son patronyme. Les villes qui s’amusent à la rébellion, à la violence collective, sont tenues pour responsables. La communauté dans son entier est sanctionnée.

Dans certains cas, on pouvait intenter des procès contre les animaux. La mère qui jette son enfant dans une porcherie voit la truie qui l’a bouffé être convoquée au procès et être condamnée à mort. On peut aussi les condamner pour hérésie. Une ânesse est jugée, mais meurt avant l’exécution de sa peine. Du coup, on rachète une ânesse pour qu’elle subisse la peine. Il ne semble pas que l’animal soit pour autant reconnu comme sujet de droit. Les animaux n’ont pas d’intention. Ce sont… des bêtes. Saint Augustin, à propos de ce « problème », évoquait que l’exécution des animaux devait se comprendre comme la nécessité de ne pas donner lieu au souvenir du crime. Une autre justification pouvait être de purifier le tout. Laisser survivre la truie qui a bouffé l’enfant serait lui permettre de récidiver.

Tel le fou, l’enfant est irresponsable. Enfin jusque 13 ans.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

59 Chapitre IV · L’infrajudiciaire ou les pratiques molles  

5 · Les condamnations pécuniaires

Elles sont la norme pendant un bon bout de temps. Les villes avaient tenu à mettre en place des peines fixes et condamnations par réaction au pouvoir arbitral des seigneurs. Ces peines demeurent sous l’Ancien Régime surtout pour de petites infractions.

Paragraphe 3e La réparation civile Elle est souvent identifiée à la compensation pécuniaire. La compensation sert à

compenser le dommage subi. Ce n’est qu’à la fin du Moyen Âge que la conception publiciste triomphe, que le dédommagement est accordé à la victime, accessoirement à la victime, prend un caractère civil. Il y a dès lors pour obligation au coupable, en plus d’être sanctionné, de réparer le préjudice que la victime a subi. Reste à en déterminer le montant. Généralement, c’est la coutume. Sinon, et c’est le cas de plus en plus, le Juge s’y colle, sur la base de l’évaluation de la partie lésée. Le plus souvent, c’est par voie d’arbitrage, qui précède la peine. L’influence du Droit romain est encore notable. La victime évalue elle-même le montant de son préjudice.

En cas d’homicide, forcément, c’est plus compliqué. Généralement, le gars qui fait l’homicide répare la famille du défunt. Mais là encore, comment concilier ce principe avec les textes de Droit romain, sachant que ceux-ci excluaient toute possibilité d’évaluer en argent la vie d’un Homme. Pour Gaius, au IIème siècle, « le corps d’un homme ne peut donner lieu à une estimation en argent », enfin pour un Homme libre. On a ainsi admis une réparation au titre des œuvres perdues, genre les gains dont le défunt aurait pu faire profiter sa famille. On entend indemniser la perte de chance. Finalement, pour l’homicide, il y a indemnisation non pas au titre de la vie elle-même, toujours inestimable, mais à raison des conséquences pécuniaires du décès.

Une autre manière de mettre à la charge du coupable l’indemnisation de la victime, c’est la messe. Pour assurer le repos perpétuel du défunt, le coupable passe à la caisse de l’Église. Frais d’obsèques, frais de dernière maladie, misère économique de la famille, quitte à piocher dans les biens du coupable.

Chapitre IV L’infrajudiciaire ou les pratiques molles

Section 1 L’importance la de conciliation aujourd'hui

C'est-à-dire les modes alternatifs de résolution des conflits (MARC, pour les intimes, ou ADR, alternative dispute resolution, pour les intimes bilingues).

Ces modes ont été introduits dans les années 1970. Ils sont désormais plus que bien ancrés. Ils tendent à mettre en place une justice qualifiée parfois de réparatrice, restauratrice. L’idée est que, plutôt que d’administrer une sanction par l’intermédiaire d’un Juge, la qualification, tout ça, bien vaut tenter de développer des solutions qui reposent sur la volonté des parties elles-mêmes. Ces solutions permettant de réparer le préjudice causé par l’infraction. Cette justice s’occupe davantage de rétablir du tissu social que de distribuer des coups de bâton. On a l’impression que l’opération de qualification est trop rigide. Ces

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle 2009-2010  

Chapitre IV · L’infrajudiciaire ou les pratiques molles 60  

termes sont étrangers aux parties, parties qui se sentent éloignées de la Justice. Le procès ne permet pas aux parties d’avoir le sentiment que Justice a été clairement rendue. Bon et l’autre problème, ce sont les dysfonctionnements du genre embouteillages, complexité et compagnie. D’où une certaine désillusion des justiciables, donnant parfois un peu trop de crédit à la vengeance…

Pour tenter de sauver les meubles, les pays de droit romain se sont tournés vers d’autres modes. Ça a été notamment le cas dans les pays de common law. La conciliation est un bon exemple. Les recours à la conciliation, à la médiation sont le reflet de solutions coutumières dans des sociétés traditionnelles, des solutions adoptées par la communauté. Alors quand les juristes vont décider de les appliquer, au civil, au pénal, pfioulala. Les instances européennes vont inciter ce mouvement. En 2005, en Belgique, une Loi pénale prévoit la médiation à toutes étapes de la procédure. Elle prévoit même qu’une fois le jugement rendu, il soit possible aux parties de se rencontrer. Bon tu m’as tué, mais finalement, hein, on doit pouvoir s’entendre. En France, en matière de droit du travail, en matière de droit de la consommation, de droit de la famille (…), la conciliation prend des galons. Un droit collaboratif apparaît pour éviter le procès. En droit pénal, la difficulté, c’est que la matière soit en principe indisponible. La médiation pénale tendrait plus vers l’oxymore.

Mais bon, toujours est-il qu’elle se développe. Son développement a forcément entraîné des critiques. Ne serait-ce qu’en matière pénale, les critiques fusent sur le rôle du parquet qui dépasserait alors un peu ses attributions. Et la présomption d’innocence en prend un coup. Et c’est peut-être aussi une tendance à s’intéresser d’affaires peu importantes qui, jusqu’ici, seraient passées au travers des filets de la justice. Et c’est peut-être instaurer une justice à deux vitesses, comme si ça ne l’était pas déjà.

Section 2 La plainte comme moyen de pression

On se base là aussi sur l’anthropologie. Leurs travaux ont incité les historiens à reconsidérer la question de la résolution des conflits dans le passé. Faut-il se fier aux seules sources officielles ou bien s’intéresser à d’autres sources ? Bah pour Rome, pour le Moyen âge, les historiens ont compris que se fier à une seule source, bah c’était pas futfute. Les registres du Parlement, au Moyen âge, montrent que peu de plaintes sont déposées. Mais on sait que la France du Moyen Âge et de l’Ancien Régime voit la baston être à la mode, entre hommes, entre femmes, et entre hommes et femmes.

La transaction, via un pacte de paix, est licite jusqu’au XIIème siècle. En matière pénale, ces pactes tendent à devenir illicites. Enfin en France, car en Castille par exemple, ces pactes restent licites. Ces pactes, bien qu’illicites, continuent d’être appliqués jusqu’au… XVIIIème siècle, avec le concours des notaires.

Un autre mode de résolution des conflits passe par la conciliation à l’échelle de la communauté, du village. La litigiosité dans les villages a été traitée par des anthropologues. Il y a ainsi une propension des communautés à gérer elles-mêmes leurs affaires. La communauté se rassemble autour du cas. Les affaires de violence spontanée, allant jusqu’à l’homicide, relativement à l’honneur, l’amour, etc, mais bref relativement excusable sont ainsi gérées par la communauté. Au lieu de saisir la Justice, bah on essaye de recoller les morceaux. T’as forniqué avec mon épouse, bon aller c’est pas grave, je t’explose ta chariote et on en parle plus. Cette justice vaut pour les membres du village ou la communauté. L’étranger qui habite à 15 bornes, on en veut pas. Pire encore pour le vagabond, celui qui a trahi la confiance de la communauté, genre le voleur, ou encore celui qui dessoude à tour de bras, bah là, la communauté se dessaisit et laisse le soin à la Justice de s’en charger.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Du XIIIème siècle au XVIIIème siècle  

6 1 Chapitre IV · L’infrajudiciaire ou les pratiques molles  

Enfin la justice au village, ce n’était pas non plus la fête au village. La justice populaire n’est pas la panacée. Elle permet plus facilement de restaurer la paix, mais ne protège moins également.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre IV · L’infrajudiciaire ou les pratiques molles 62  

PARTIE V • Le Droit pénal repensé

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

63 Chapitre I · Justice & réformes : une nécessaire redéfinition de la Justice  

Chapitre I Justice & réformes : une nécessaire redéfinition de la Justice

Cette Justice comporte un certain nombre de lacunes, régulièrement dénoncées dans les cahiers de doléance et plus tard par les lumières.

Un problème majeur, c’est celui consécutif au fait qu’a été empilé tout un tas de réformes sans jamais profondément ravaler l’ensemble.

Section 1 Les dysfonctionnements de la Justice

Paragraphe 1er Multiplication & enchevêtrement des juridictions Dixit LOYSEAU, « la justice royale n’est plus qu’une cascade de juridictions, qui de

chute en chute, traine les justiciables dans un gouffre où très peu ont le bonheur de ne pas être engloutis ».

Parallèlement, chaque administration a aussi son Juge. Toute administration a une Justice. L’administrateur est aussi Juge. Dans un même village, plusieurs juridictions sont compétentes. Malgré cette complexité de la procédure, les justiciables arrivent à s’en sortir ou à en tirer profit, histoire de faire durer le procès. Le XVIIème siècle voit un engouement pour la procédure.

A · La diversité des sources de droit

Il y a d’abord le droit commun, le jus commune, commun à toute la chrétienté médiévale, composé de droit romain et de principes canoniques, cuit dessus dessous par les commentaires des médiévaux, la doctrine de l’époque, la doctrine savante, le tout sur un lit de tribunaux.

Ce droit commun n’apparaît pas comme par enchantement. Il apparaît pendant le Moyen-Âge. Il serait un doux rêve de l’école de Droit de Bologne qui redécouvre les compilations de Justinien et qui voulait redorer le blason du droit romain. Mais bon, ce droit commun a eu finalement beaucoup de mal à s’implanter. Il sert les ambitions de l’Empire germanique, mais n’intervient que de manière subsidiaire, limitée. L’Angleterre y est ainsi délibérément restée à l’écart, préférant son droit commun, la common law.

La divergence entre les pays de coutume et les pays de droit écrit a une importance plus conséquente. On est plus dans une optique pratique. Le Royaume de France vit sous le règne de la coutume, mais il y a des coutumes, très différentes selon que l’on soit au Sud ou au nord du Royaume. Au Nord, et bah ce sont des pays de coutumes, par essence différentes selon les régions. Ces coutumes sont peu à peu couchées sur le papier, perdant de leur caractère coutumier. Au Sud, l’influence romaine est plus importante. On les appelle parfois pays de droit écrit. Enfin, bon, même s’il y a eu romanisation, même au Sud, ce droit romain

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre I · Justice & réformes : une nécessaire redéfinition de la Justice 64  

est devenu coutumier alors… Ainsi, le principe de la puissance paternelle demeure au sein de la structure familiale. Ce pouvoir va persister jusqu’à l’Ancien Régime. Au Nord, la structure familiale est sensiblement plus égalitaire.

La renaissance du Droit romain s’observe plus au Sud qu’au Nord, tout en restant notable dans celle-ci.

Outre les coutumes, il y a les ordonnances royales qui veulent favoriser une certaine unité, mais qui en rajoutent une couche.

Et l’octroi des privilèges, privilèges, de privata lex, la loi particulière, bref, l’Ancien Régime en est friand. Chaque groupe veut avoir son privilège. On a ainsi parlé de forêt de privilèges. Les pays – régions – en obtiennent à foison. Coutumes, fêtes, poids et mesures, usages, etc. les communautés de personne – les classes sociales, les corporations et Cie – en obtiennent également à tort et à travers.

Les voies de recours sont quant à elles proches de l’interminable.

B · Les personnels judiciaires

Les officiers sont les plus casses-genoux. Ils ont acheté leur charge, et entendent un retour sur investissement. D’où l’histoire des épices. Leur mission passe après. Il n’est pas rare qu’ils s’absentent un peu tout le temps. Il faut donc les remplacer. On en vient à permettre à des notaires ayant plus de 10 ans d’expérience de les remplacer.

Le prince de Monaco est sommé en 1754 par le Parlement de faire procéder sous 15 jours aux réparations des prisons et à la construction d’un véritable auditoire. Toute seigneurie judiciaire doit avoir un auditoire et des prisons décents, séparés du château.

Il a été prévu dans la deuxième moitié du XVIII de supprimer les officines. Mais bon, le projet a été avorté, d’une part pour les risques politiques, d’autre part pour le risque de devoir racheter toutes ces charges.

Paragraphe 2e La concurrence de pouvoirs vers un gouvernement des juges Les pouvoirs acquis par les parlementaires qui s’estiment dépositaires des droits de

la Nation, ensemble des personnes nées dans un même pays, sur un même sol. Bref la Nation, c’est l’origine commune. À l’origine, il désigne de petits groupes, les habitants d’une même province. Au Moyen Âge, on l’employait au niveau de l’université en regroupant des groupements d’étudiants en nations.

À partir du XVIIIème, le terme s’élargit. En 1750, Diderot la définit comme une quantité considérable de peuples qui habitent une certaine étendue de pays.

Le terme de Nation est, pendant le XVIIème, accaparé par les parlementaires dans leur quête de légitimité vis-à-vis du Roi. On oppose désormais aux droits du Roi ceux de la Nation. Les parlementaires sortent de leur chapeau un argumentaire historique quitte à broder au passage. Les nobles représentaient le peuple, la Nation, au moment des plaids, et portaient les désidératas du peuple à la connaissance du Roi. Pour les membres du Parlement, il y aura continuité historique entre les nobles francs et les parlementaires.

Résultat des courses, ces parlementaires ont un rôle politique, administratif et judiciaire. Ce qui nuit nécessairement à l’efficacité de la Justice et des réformes.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

65 Chapitre I · Justice & réformes : une nécessaire redéfinition de la Justice  

Section 2 La Justice & l’évolution des idées

Le XVIIIème est un siècle qui voit les nouvelles idées grouiller. Ce n’est pas le seul fait des élites, théoriciens, intellectuels, etc. la société dans son ensemble s’excite dans des cercles de réflexion, des journaux… le regard sur la société est voulu critique, voire comparatiste. L’Angleterre est alors présentée comme un modèle. La Justice va être un point de focalisation des critiques.

Paragraphe 1er Les Lumières Les idées développées ne le sont pas au xénon, juste à la bougie, sur un coin de

papier. Pamphlets, lettres, romans, écrits satiriques, cyniques sont autant d’armes disponibles.

Le But, améliorer la société.

Une fois les idées dégagées, elles sont développées, partagées.

L’origine divine du pouvoir est critiquée. Le Roi qui guérit, on n’y croit plus trop. L’histoire des écrouelles, ça ne marche plus.

Les critiques visent aussi sur la procédure criminelle, sur la peine de mort, la torture. Ces critiques remontent quand même au XVIème siècle avec la gestion du procès pénal. Au XVIIème siècle, la grande ordonnance de 1670 avait vu être posée la question de savoir s’il était intéressant ou non de maintenir la torture. En 1688, dixit LABRUYERE (≈⋲), la question est une invention merveilleuse et tout à fait sûre pour perdre un innocent qui a la complexion faible et sauver un coupable qui est né robuste. Jusqu’à la Régence, ces critiques restent inaudibles. L’opinion majoritaire privilégie l’horreur du crime, la crainte du désordre pour justifier la question. C’est le seul moyen pour parvenir à une Justice prompte et efficace. Avec les années 1720, le point de vue évolue. Il s’inscrit dans une remise en cause globale de la société. Désormais, on s’intéresse un peu plus à l’Homme, à son libre arbitre, en tout cas plus qu’à l’accusé.

La critique est aisée, l’art, plus compliqué.

L’Angleterre voit l’habeas corpus (1679) et le Jury ainsi mis en lumière. Un citoyen anglais arrêté devait voir lui être notifiée l’accusation sous 24 heures. Toute personne qui s’estime irrégulièrement détenue peut s’adresser au Juge d’une juridiction supérieure, et celui-ci demander au gardien de le représenter afin de vérifier le motif de sa détention. Sauf cas spéciaux, toute personne arrêtée pouvait obtenir sa remise en liberté sous caution. 20 jours après l’arrestation, le prévenu devait être traduit devant un premier jury, le grand jury, dont la mission est d’examiner si les charges sont suffisantes ou pas dans la justification des poursuites, sans quoi il devait être relaxé. Si les charges sont maintenues, le prévenu est déféré devant un second jury de jugement. Pendant tout ce laps de temps, pas de torture. La procédure est en tout cas considérée comme idéale. Notamment pour MONTESQUIEU qui s’en fait un des ardents défenseurs. Il la rapproche de plusieurs procédures, genre la procédure romaine républicaine, ou la procédure féodale. Dans ces cas, la procédure est accusatoire, largement orale, et publique. BECARIA (≈⋲) et d’autres s’y rallient. Une justice efficace doit être l’émanation du peuple. TURGOT, lui, exprime ses doutes.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre I · Justice & réformes : une nécessaire redéfinition de la Justice 66  

La procédure inquisitoire est considérée comme inique, liberticide. La procédure doit être publique, contrôlée par les citoyens, laissant toute liberté à l’accusé de se défendre. Exit la question, la preuve légale, etc. On s’en remet à la conscience des jurés, libres de former leur conviction par tout moyen de preuve.

La détention préventi ve doit quant à elle être réduite au minimum. La détention préventive aux frais du prévenu pour une période indéterminée, bah on en veut plus.

Le serment est jugé… absurde.

Et alors les lettres de cachet. Houlala tu vas avoir des problèmes toi. Malesherbes, en 1770, objurgue la mode des lettres de cachet, particulièrement celles en blanc. Après les chèques en blanc, les lettres de cachet en blanc permettaient de se faire plaisir.

Les incriminations et peines ont également été sous le feu de moult critiques. Pour les Lumières, les manquements à la religion ne devraient plus être sanctionnés par le Droit. MONTESQUIEU compare lois divines et humaines. Ces lois diffèrent par leur origine, par leur objet par leur nature. Ce sont deux ordres incompatibles. Il ne peut y avoir non plus de confusion. « Il faut donc éviter les lois pénales en fait de religion ». BECARIA considère lui que l’infraction est un dommage causé à la tranquillité ou sécurité publique et c’est à ce seul titre qu’elle doit être réprimée. Aucune considération morale n’est supposée intervenir dans l’appréciation de l’infraction. La peine n’est qu’une mesure dictée par l’utilité sociale de la peine. Il ne faut plus punir cuja pecatum, à cause du péché. Seule l’utilité sociale de la peine compte. On entend éviter que, dans le futur, il y ait récidive.

MONTESQUIEU est hostile à l’office de judicature, qui conduit à la confusion des pouvoirs.

Les sources du droit sont également fustigées. La Loi doit être la source de la Norme. Et la Loi, c’est ce qui est contenu dans un livre, un code. Il faut pour cela mettre à plat les droits pour en finir avec les disparités et donc imposer un modèle unique de droits.

À la question de savoir privilégier quoi entre les coutumes et le droit romain, l’École du Droit naturel entend permettre la mise en place d’un Droit favorisant la promotion de chacun au sein de la société, quand d’autres entendent défendre le Droit romain supposé plus efficace.

Paragraphe 2e L’élan brisé des réformes Le Roi, surtout Louis croix v bâton, aidé de ses conseillers, a tenté quelques

réformes. Il avait prévu la rédaction d’un code de droit privé. COLBERT le souhaitait. D’autres projets voient le jour, mais sont rejetés par les parlementaires. Toutes ces réformes sont perçues comme remettant en cause les privilèges acquis par chacun. Moralité, il aurait fallu en finir avec les parlementaires, les officiers, mais bon…

Malgré tout, en 1779, Un Édit supprime le servage. En 1787, les protestants ont libre pratique du commerce, artisanat, professions libérales, etc. leur est également assuré un état civil, laïc, car tenu par les officiers royaux de leur domicile. En 1788, le recours à la question est enfin dégagé. Depuis 1750 la censure est assouplie. Tout est relatif, mais en 1788, elle est supprimée, ce qui favorise une certaine liberté d’expression. Les physiocrates ont une importance sur le plan économique. Il en découle le libre passage, démantèlement de la police des grains…

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

67 Chapitre II · L’œuvre de la Constituante  

Chapitre II L’œuvre de la Constituante

Après 175 ans, les États généraux sont de nouveau réunis. Le Parlement décide de muter en Assemblée constituante, puis Assemblée nationale, renforçant un peu plus le statut de ses membres au passage. Il va en découler la DDHC du 26 août 1789 est le reflet des idées des Lumières. Exit la hiérarchie des ordres. Égalité devant la Loi, égalité devant l’impôt, égalité devant la fonction publique… le critère qui prime, c’est la capacité de chacun à exercer un emploi. La liberté est un droit naturel, imprescriptible, dont découle le droit à la sûreté. Nul homme ne peut être accusé, arrêté, détenu que dans les cas déterminés par la Loi et selon les formes qu’elle a prescrites. La liberté de conscience, d’expression, d’opinion est aussi pondue.

Section 1 Du terrible pouvoir de juger

Paragraphe 1er Du juge oracle de la loi au juge organe de la loi

A · La « révolution absolue » dans l’administration de la Justice

La Constituante a consacré un pouvoir judiciaire ou une fonction judiciaire ?

Mystère et boulettes de shit.

La Constitution de 1791 parle du pouvoir judiciaire qu’elle entend mettre au même plan que le pouvoir législatif ou exécutif, ce qui passe par la mise en œuvre de la séparation des pouvoirs.

Par pouvoir judiciaire, on entend uniquement la justice déléguée, car la justice retenue a fait l’objet de sévères critiques sous les Lumières.

Dès 1789, on évoque une « Révolution absolue » dans l'administration de la justice.

Les membres de la Constituante entendent redéfinir le pouvoir judiciaire, réorganiser l'administration de cette justice. Il faut régénérer la justice, et ça passe par la volonté de borner, de limiter le terrible pouvoir de juger, pouvoir qui avait montré de graves dysfonctionnements. Si peu…

Ainsi, interdiction doit être faite au juge d'empiéter sur le législatif ou sur les fonctions administratives. Désormais, le rôle du juge est pensé par rapport à la Loi. Le rôle du juge ne doit être que d’appliquer la Loi, expression de la volonté populaire, claire, limpide, ne laissant plus au juge que le soin d'appliquer cette Loi.

Cette façon de penser le rôle du juge va de pair avec une nouvelle manière de penser le jugement.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre II · L’œuvre de la Constituante 68  

B · Une nouvelle manière de penser le jugement 1 · Un Juge simple exécutant de la Loi

Le jugement est un syllogisme, dont la majeure est le fait, la mineure est la Loi, et dont le résultat est le jugement.

Si le jugement résulte de cette application mécanique de la loi, le Juge n’y a plus qu'un rôle d'exécutant. Le Juge doit être soumis à la loi, cette soumission se manifeste par l’interdiction des arrêts de règlement, critiqués sous l’Ancien Régime. Cette soumission à la Loi se manifeste aussi par l'obligation de motiver les décisions de justice. C’est la volonté de contrôler le juge, la méfiance vis-à-vis du juge qui va amener les constituants à admettre l'institution d'un tribunal de cassation. Mais il y a la crainte de voir ressusciter les Parlements, ces cours souveraines où ça fleure bon le privilège.

Dès lors, l’idée qui s'impose est celle d’un juge qui ne soit qu’une « bouche », une bouche qui prononce les paroles de la loi, pour plagier Montesquieu.

Ø Le juge doit se contenter de prononcer la loi.

D’où des conséquences très strictes tirées de cette primauté de la Loi, tel le principe en vertu duquel les délits et les peines doivent être strictement déterminés par les textes législatifs. Les mêmes délits doivent être punis par les mêmes peines. Le Code pénal déclare la fixité des peines, la loi n'établit pas un minimum et un maximum, mais prescrit, pour chaque infraction, une sanction déterminée, histoire que le juge n'ait aucun pouvoir d'appréciation en la matière.

Ø La Justice est un service public, une institution au service de la Nation.

Sous l’Ancien Régime, l’office du juge était exalté, jugeant sous le regard de Dieu. Pour les révolutionnaires, il faut envisager la justice de façon radicalement différente. Le juge n'est que l'exécuteur de la volonté populaire.

Ø Il est le garant des droits des citoyens.

C’est un arbitre des conflits. Cette fonction lui incombe à lui et à lui seul. Le pouvoir judiciaire a bénéficié de l’exaltation du principe de la séparation des pouvoirs. La DDHC met sur un même plan l’ensemble des pouvoirs. Le pouvoir judiciaire est le gardien des droits individuels. Le pouvoir judiciaire bénéficie aussi de la condamnation de la justice retenue. Cette justice retenue, trop liée au souverain, est désormais incompatible avec le principe de séparation des pouvoirs. Ça profite au juge, au pouvoir judiciaire.

Mais ce pouvoir judiciaire va par contrecoup se trouver affaibli avec le principe de la primauté de la Loi.

Ø On croit dur comme fer à la valeur absolue de la Loi.

La Loi est considérée comme n’étant rien de moins que parfaite, limpide, ou claire. Dans la mesure où elle émane du peuple, elle incarne et réalise cette volonté populaire. Il ne reste plus qu’au juge à l’appliquer de façon automatique, mécanique. Donc nul besoin de l’interpréter, ce qui lui est d’ailleurs interdit. Le Juge constate et qualifie les faits par l’intermédiaire du fameux syllogisme.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

69 Chapitre II · L’œuvre de la Constituante  

2 · La défiance de la Révolution à l’égard des Hommes de Loi

Bref, on se méfie de l’ensemble des hommes de loi. On se méfie aussi des avocats, qui ont fort mauvaise presse. Les constituants vont purement et simplement supprimer l'ordre des avocats. Comme ça c’est plus simple.

Ø Le principe de liberté de la défense est consacré

Il appartient au citoyen lui-même de se défendre. Il est interdit à quiconque de porter un costume particulier d’homme de loi.

Le citoyen doit par préférence se défendre lui-même, le procès lui appartient. On s'oriente vers une procédure de type accusatoire. Le procès n'est plus la chose des hommes de loi (exit le côté secret, le rôle minime de l'accusé...). Si le citoyen le souhaite, il peut toutefois confier sa défense à un défenseur officieux. Ce peut être un simple particulier, mais dans les faits, il est bien souvent un ancien avocat.

3 · Pas de crime ou de peine sans Loi

C’est une autre œuvre de la constituante qui voit les délits et les peines doivent être déterminés par la loi. Et ainsi naquit le premier Code pénal, avec la loi des 25 septembre et 6 octobre 1792. Ce code ne s’intéresse toutefois qu’aux crimes. Ce premier Code pénal entend en finir avec le ramassis de crimes à l’arrière-goût de religion (hérésie, homosexualité, adultère, sorcellerie...). Il n'envisage que les crimes vraiment nuisibles à la société.

Dans ce Code pénal, en revanche, on trouve une bonne brochette de crimes politiques. Oui, il faut sauvegarder les institutions de la république. L’œuvre des révolutionnaires est encore récente et fragile. On trouve aussi des infractions de nature économique, comme les infractions à la personne... Le principe est que ne sont considérées comme criminelles que les activités répertoriées dans ledit code.

Ø Fixité des peines

De ce principe, découle qu’il n’y ait ni de minimum ni de maximum, mais encore qu’il ne faille pas reconnaître au juge le pouvoir d'arbitrer la peine. Reste quand même la possibilité de reconnaître des circonstances aggravantes.

Beaucoup avaient entendu défendre l'interdiction de la peine de mort. Pour beaucoup, la peine de mort était l’illustration du passé, et son interdiction n’était qu’une réaction avec l’époque précédente. Ils n'ont pas été entendus et la peine de mort demeura. En revanche, la torture a été interdite.

Vu le principe d’égalité de l'ensemble des citoyens, c'est désormais le même rituel qui est appliqué à tous les citoyens. La peine de mort s’administre par décapitation, pour tous, quand, auparavant, il s’agissait d’un privilège conféré la noblesse).

Pr le reste, qu’on se rassure, les constituants utilisent à tour de bras l’emprisonnement, qui présente l'avantage d'amener le coupable à réfléchir sur ce qu'il a fait, donc à s'amender.

Ø On relève trois formes d’emprisonnement, fonction de la gravité des faits

� Le bagne, le gros lot en somme, c’est la déportation avec travaux forcés pour les crimes les plus graves.

� L’emprisonnement, avec fers et régime protéiné assuré. � Lʼemprisonnement classique, finalement, c’est un peu le cachot des lopettes.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre II · L’œuvre de la Constituante 70  

Les constituants insistent sur l'utilité sociale de la peine. Qui dit emprisonnement dit reploiement.

Par l'emprisonnement, le criminel réfléchit à ce qu'il a fait. En aucun cas, un coupable ne peut être condamné à perpétuité, car ça n’a pas d'utilité sociale. Au mieux, ça mène au désespoir qui émerge du noir, bref pas tellement à un amendement. Le coupable ne pourrait pas s'améliorer. L'emprisonnement ne peut dépasser 25 ans. Il était prévu que les prisons puissent être visitées par le public, les dissuadant ainsi de se livrer à des activités illicites. On entendait également favoriser le bien-être des prisonniers.

Vu le principe de responsabilité individuelle pénale, la peine ne doit pas affecter la famille du coupable. La confiscation des biens est ainsi interdite.

Ø L’adoption du jury populaire rompt aussi avec l’Ancien Régime.

En parallèle du principe de la procédure accusatoire est adopté celui de la publicité, ce tout au long de la procédure. Du moins au pénal, et non au civil. Il faut placer le juge sous le regard du peuple, sous le contrôle de l'opinion chaque fois que c'est possible. Tout citoyen se voit reconnaître le droit de se défendre lui-même, soit verbalement, soit par écrit.

Ø L’encouragement de la conciliation et l’arbitrage

La loi des 16 et 24 aout 1790 invoque la nécessité de simplifier les formes et raccourcir les procédures, encourageant la conciliation et l'arbitrage.

Certains avaient pourtant déjà prôné l'exemple anglais, dont il découlait un courant de pensée divergente, donnant un corps certain à la conciliation. Sous l’Ancien Régime, bon nombre d'affaires étaient en effet résolues par voie de conciliation. Cette voie-là perdure à notre époque, portée par l'idée que, dans la mesure du possible, il faille laisser la nature opérer. Mais bien sûr. Ce courant prône la sensiblerie, on croit en la bonté de la nature humaine. Le juge intervient de façon subsidiaire, car, dans un premier temps, mieux vaut tenter la conciliation. C’est une référence aux autres droits. En Hollande, Angleterre, une grande importance est donnée à la conciliation.

L'arbitrage est le moyen le plus raisonnable de mettre fin aux contestations entre les citoyens. Il n'est pas possible de faire appel des sentences arbitrales. D'une façon générale, si les affaires ne sont pas supérieures à 100 livres, avant d'aller devant un tribunal de district, les parties doivent tenter de se concilier devant un bureau de paix (composé du Juge de paix et ses assesseurs). En d’échec, il fallait produire un certificat de non-conciliation devant le tribunal de district.

Une autre application vise la matière familiale. La même Loi établit des tribunaux de famille, histoire de « prévenir les divisions et les haines qui s'élèvent souvent dans les familles pour des rasons d'intérêt ou pour la mauvaise conduite d'un de leurs membres ». Il en découle des tribunaux de familles qui traitent de tout litige entre les membres d'une même famille, mari versus femme, ascendants versus descendants... On y trouve des arbitres désignés parmi les parents, les amis ou voisins de la famille. Chaque partie peut désigner deux arbitres. Ce tribunal de famille rend un véritable jugement, une véritable décision de Bordeaux-chesnel susceptible d'appel devant le tribunal de district. Sous l'AR, un bon nombre d’affaires familiales était résolu de manière obscure, par le biais des lettres de cachet. Elles manifestaient ces jugements arbitraires. Ces lettres de cachet ont été interdites.

Les constituants avaient également eu le projet d'instituer des juges ambulants, afin de rapprocher juges et justiciables, et ainsi d’éviter la constitution de tribunaux. Mais ce projet a été finalement abandonné. Des tribunaux sédentaires ont été préférés pour des raisons tenant notamment de facilité.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

7 1 Chapitre II · L’œuvre de la Constituante  

Paragraphe 2e juge ou jury ? On entend promouvoir le système d’une défense faite par le citoyen lui-même, en

liquidant l'ordre des avocats. Et si on poussait le bouchon un peu plus loin, Hein Momo ?

Il en découle le principe de la souveraineté nationale, qui voit collaborer l’ensemble des citoyens à l'exercice de la justice. Et si les citoyens étaient eux-mêmes juges, tant qu’à faire ?

Cette solution pouvait exciper de l'exemple historique. L’Histoire proposait de tels exemples. Certains ont avancé que déjà, sous Rome, les fameux jurys – quaestionnes –existaient. Enfin bon, n’importe qui ne pouvait pas y participer, d’abord les seuls sénateurs puis les chevaliers. D’autres ont argué de l’exemple franc, avec l’histoire du mallus, qui avait mis en place un exercice populaire de la justice, où l’ensemble des Francs, libres, y participaient. On a également fait entendre le jugement par les pairs de l'époque médiévale.

A · L'exemple anglais sur les jurys

Ø L’idée est ici d’une collaboration directe des citoyens à la justice.

Le principe du syllogisme judiciaire conforte cette idée. Si le jugement consiste en une simple application de la loi, il est admis d'envisager une collaboration active du peuple.

Il est alors permis d'imaginer que les faits puissent être constatés par le peuple, si bien qu’on fait fi d’une quelconque compétence, quitte à laisser le sale boulot de l’opération de qualification pour le juge.

Sur ces bases, DUPORT et quelques autres constituants ont proposé l’organisation de tout un système judiciaire caractérisé par le fait que des jurys seraient appelés à statuer sur les faits, que l'on soit au civil ou au pénal, pour constater les faits. Ça lui permettait au passage de reprendre son idée de justice ambulante, quitte à ressortir des coffres à souvenir l’exemple carolingien avec les missi dominici qui allaient au-devant des justiciables...

DUPORT proposait qu'on organise des assises périodiques au cours desquelles on convoquerait les citoyens pour qu'ils se prononcent sur les faits du litige.

THOURET fait valoir, lui, les inconvénients de ce système, et prend l'exemple anglais. Il faut s'inspirer des expériences menées ailleurs, mais aussi savoir en tirer profit.

Les Jurés peuvent rencontrer des difficultés lors de certaines questions techniques et / ou complexes. Mis à part ça, une autre petite inconnue, c’est la passion. Les jurés peuvent en effet être choisis sur les lieux du litige, et on peut raisonnablement se demander si l’objectivité est de mise. Il pourrait arriver que certains jurés se trouvent bizarrement impliqués dans l’affaire qu’il traite, directement ou non. Une autre difficulté encore plus fondamentale est soulevée par TRONCHET, qui évoque que, quand bien même la distinction entre les faits et le droit serait séduisante intellectuellement, en pratique, il puisse apparaître bien plus tendu d'opérer cette distinction. Fait(s) et droit(s) st parfois si intimement liés que la distinction peut être artificielle.

Finalement, l’Assemblée est sensible aux critiques, et opte pour une solution de compromis. Il y aura des jurés en matière criminelle, mais pas en matière civile. Le 30 avril 1790, la Constituante établit des jurés en matière criminelle, histoire démarquer le juge pénal du juge civil. C’est en matière pénale que le peuple doit participer à l'exercice de la justice.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre II · L’œuvre de la Constituante 72  

En matière civile, les juges démêlent questions de fait et questions de droit, quand, en matière pénale, les juges des tribunaux criminels n'ont qu'à prononcer les peines fixes du code correspondant aux faits déclarés par le jury dans son verdict. La Constituante adopte un jury qui établit les faits par son verdict – verum dicere –, si bien qu’il ne reste au juge plus qu'à appliquer la loi telle qu'il peut la lire dans  le  Code  pénal.      

B · Des juges élus par le bon peuple ?

Hein, est-ce que les juges ne devraient-ils pas être élus par le peuple ? Ceci avait déjà été évoqué dans les cahiers de doléances. Il y aurait un intérêt à mettre en place en matière judiciaire un système déjà applicable à d'autres (législateurs...).

Se pose nécessairement l’argument de la spécialisation des juges, de la compétence qu’ils sont réputés posséder en matière juridique. Et bah alors. Pour certains, la réponse à ce problème repose sur le syllogisme. Le Juge n’est finalement qu’un automate. Un premier projet est proposé et consiste à faire élire les juges, mais une fois élus, ceux-ci devraient exercer leur fonction à vie, ce qui impliquerait tant inamovibilité qu’indépendance. Ce projet n’aboutit pas.

C’est un tout autre projet, de compromis, qui est adopté. Les juges seront toujours élus, mais au lieu que ce soit ad vitam æternam, c’est pour 6 ans, tout en sachant que la réélection est possible. Dans certains cas, les juges doivent effectivement avoir déjà exercé des fonctions judiciaires ou être au moins assimilées. Les premières élections judiciaires durant l'hiver 1790-91. Son succès est tel qu’elles n’auront lieu que cette fois-là. En 1802, plus rien de subsiste de ce choix.

Reste le problème de l'intervention du Roi. Les juges élus devraient-ils être investis par le Roi ? L'idée que toute justice vienne du roi est toujours répandue. D'autres font cependant valoir qu'il faille au contraire faire table rase du passé, que le Roi n'est en aucun cas un juge, qu’il n’a donc pas à participer au judiciaire.

Il faut ancre le pouvoir judiciaire et fonder son autonomie totale par rapport aux autres pouvoirs. Cette solution est compromise. On veut que les juges élus soient institués par lettre patente du Roi, qui ne pourrait les refuser.

À part les juges de paix, les candidats aux fonctions de juge doivent donc avoir exercé une fonction judiciaire ou parajudiciaire pendant au moins 5 ans, voire 10 ans pour les juges de cassation. Aucun diplôme de droit n'est exigé. Le rêve. Ou le cauchemar. Le lendemain même du jour où est adopté ce compromis, les constituants font des concessions importantes en décidant le maintien auprès des tribunaux d'officiers chargés du Ministère public. Ces agents, inamovibles, sont des commissaires du roi, nommés par le Roi. Le Ministère public avait fait l'objet de critiques, mais on entend le conforter avec cette solution de compromis.

Si nombreux ont été les projets menés à propos des juges par la suite, rares ont été ceux qui ont souhaité revenir à cette élection des juges. Cet épisode aura finalement été bref, alors même que les juges élus semblent avoir été de bons juges. Pauv’ bête.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

73 Chapitre II · L’œuvre de la Constituante  

Section 2 L’organisation de la Justice

Cette organisation est dominée par une distinction fondamentale entre justice civile et justice criminelle.

Cette distinction est accentuée de façon systématique. C'est ainsi qu’on va distinguer l'organisation judiciaire en spécialisant les organes qui sont chargés de la justice civile ou criminelle. Seul règne au sommet le tribunal de cassation qui contrôle l’une comme l’autre de ces organisations.

Paragraphe 1er La justice civile Les juridictions civiles sont ciblées par la loi des 16 et 24 aout 1790, qui distingue 3

sortes de juges.

Ø Les arbitres Ø Les juges de paix Ø Les juges ordinaires (juges des tribunaux de district)

A · Les arbitres

Ils s'imposent du fait de cette idée qu'il faut s'efforcer de promouvoir une justice naturelle.

Ces arbitres st considérés comme des juges. C’est dire la confiance que leur manifestent les parties. La solution aura valeur de sentence judiciaire. Ces arbitres peuvent être choisis pour tous les litiges civils.

Il peut y avoir un compromis d'arbitrage, et les parties peuvent choisir toute personne, du moment qu'elle dispose de son libre arbitre. Pour certaines affaires civiles, c'est même une obligation, l’arbitrage est imposé, par exemple pour les affaires de familles par exemple. Les procès entre proches parents doivent être jugés par des arbitres (chaque partie en choisit deux).

Cette institution a toutefois fort mal fonctionné en matière familiale. Les parties se st méfiées du manque d'objectivité de ces arbitres. La Loi précisait pourtant que ce devait être des parents, amis, voisins... Mais les familles ont tendance à choisir des gens extérieurs, souvent d'anciens juristes, quitte à leur accoler le titre de parents. On retourne vers un professionnalisme que la loi avait pourtant voulu éviter.

B · Les juges de paix

Ça sent le rosbif. Là aussi, il y a des inspirations anglaise et hollandaise, que les philosophes du XVIIIème ont vanté. C’est une institution découverte par les philosophes. L'activité des juges de paix compte moins que leur aptitude à ramener la paix entre les parties. Leur activité est moins occasionnelle que celle des arbitres.

Ces juges de paix sont des citoyens de bonne volonté.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre II · L’œuvre de la Constituante 74  

On ne leur demande aucune spécialisation. Ils entendent plus raccommoder le lien social, que d'appliquer le droit et d’être étymologiquement juge. Ce sont avant tt des conciliateurs, proches des parties. On leur demande de dénouer le litige.

Ces juges de paix remplacent les juges seigneuriaux, les prévôts de l'époque antérieure. Il y a au moins un juge de paix par canton. Ils st élus pour 2 ans, et reçoivent une faible indemnité. Ce sont souvent des notables, des bourgeois, qui st attirés par le prestige que peut octroyer cette fonction.

Globalement, c'est une institution qui a bien fonctionné.

C · Les juges communs : les tribunaux de district

C'est la base de l'organisation judiciaire.

C'est là qu'exercent ces juges élus pour 6 ans, à condition qu'ils aient déjà une expérience de 5 ans, et qu’ils aient aussi un certain âge (au moins 35 ans).

Ces juges exercent de façon collégiale (on se méfie toujours du juge unique). Il y a cinq juges par tribunal avec en prime un magistrat chargé du ministère public, lui, nommé par le Roi à vie, j’ai nommé, le commissaire du roi.

Il y a bizarrement une certaine suspicion envers le commissaire du roi. Mais le Roi a pris soin de choisir à chaque fois des personnes de compromis, après consultation avec les députés de chaque département.

Ce système a donné généralement de bons, au niveau du juge élu comme à celui du commissaire du roi.

D · Les auxiliaires de justice

En principe, ils sont abolis. C’est lié d'abord à l'abolition des privilèges, à l’anéantissement des anciennes organisations de procureurs, d'avocats, d'huissiers.

Mais bon, théorie… pratique…

La pratique, c'est quand ça marche, mais que l'on ne comprend pas. La théorie, c'est quand on comprend, mais que ça ne marche pas. Finalement, théorie et pratique se rejoignent souvent, rien ne marche et on n'y comprend rien.

Bref, en pratique, on constate que, très souvent, les parties ont tendance à s'adresser à d'anciens avocats pour leur défense. L’effet pervers est qu’il n'y a plus d'avocat, qu’il n'y a plus de corps, ni de réglementation, si bien qu’ils peuvent fixer eux-mêmes leur rémunération.

E · La procédure

Il y un souci qui s'impose. On a comme point d’orgue la simplification, en favorisant au maximum la conciliation préalable.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

75 Chapitre II · L’œuvre de la Constituante  

1 · conciliation

Au début de la procédure, la première étape obligatoire est l'essai de conciliation. Cette première étape se déroule devant le juge de paix. Ce n'est qu'en cas d'échec de la conciliation que l'affaire sera portée devant un juge.

2 · Appel

Là, problème était de savoir s’il était possible de maintenir l'institution de l'appel ?

Si les juges st élus par le peuple, comment admettre une erreur de la part d'un représentant du peuple ? Aie, contradiction.

On craint de voir ressusciter des cours souveraines. Les constituants ont décidé malgré tout d'admettre le principe de l'appel.

Bon, mais alors, devant qui porter l’appel ?

On craint aussi le retour des anciens parlements.

Pr éviter ce désagrément, les constituants ont institué comme deuxième degré de juridiction un système d'appel circulaire. On fait appel de la décision d’un tribunal de district devant un autre tribunal de district. On fait appel des décisions des juges de paix et tribunaux de famille devant un tribunal de district.

Et on le choisit comment ce tribunal ? Le choix revient au plaideur parmi les 7 tribunaux de district les plus proches de celui qui a rendu le jugement. Ce système a présenté un certain nb de difficultés d'ordre pratique. Ce système a également posé le problème de l'unité de la jurisprudence. Les juges étant de même rang, il y avait des problèmes de cohérence des décisions.

Reste que ce système s'est maintenu, la méfiance vis-à-vis d'une juridiction supérieure étant si grande.

Les causes commerciales ont, elles, toujours suivi un destin particulier : elles ont été soumises à des juges élus par les commerçants.

Les causes administratives ont fait jaser. Les administrateurs étaient souvent juges, d’où un problème, un problème qui n’a pas empêché ce système de perdurer.

Paragraphe 2e La justice pénale Celle-ci implique une distinction entre la police municipale, la police

correctionnelle et le criminel.

A · La police municipale

C’est le degré inférieur de la justice pénale, pour les petites affaires, genre les infractions aux arrêtés municipaux, et les petits délits entraînant une amende de 500 livres maxi, ou un emprisonnement de 8 jours au plus.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre II · L’œuvre de la Constituante 76  

Le tribunal est composé de 3 membres de l'administration municipale. Le principe de la séparation des pouvoirs est d’ailleurs ici écarté. Les décisions rendues par ce tribunal peuvent être frappées d'appel devant le tribunal de district.

B · La police correctionnelle

Les délits correctionnels punis d'amende et d'emprisonnement avec pour maximum de 2 ans sont de la compétence d'un tribunal de police correctionnelle.

Ce tribunal est formé dans le cadre du canton, par le juge de paix du canton, qui va être assisté de quelques citoyens, vu l’histoire de la justice populaire. Ces citoyens n'interviennent que comme accesseurs, et n’ont qu’un rôle consultatif.

La mise en œuvre de l'action publique est laissée aux citoyens. Les citoyens sont chargés de surveiller le respect de la loi, et sont chargés de dénoncer.

Le bon citoyen pratique la délation.

La dénonciation est encouragée, notamment par le procureur de la commune, sorte de cocktail raté entre administratif et judiciaire. Les décisions rendues par ce tribunal sont susceptibles d'appel devant le tribunal de district.

C · Le criminel

C'est au criminel que s'appliquent les principes de la nouvelle Justice pénale.

La loi du 7 février 1791 prévoit une procédure compliquée, censée protéger les libertés individuelles, garantir les droits de la défense.

Ça commence par une instruction préparatoire réalisée par le juge de paix, suivie par la procédure de mise en accusation, réalisée par un jury, censé être l’émanation directe du peuple.

Ce jury est composé de 8 membres, tirés au sort sur une liste de 200 citoyens dressée par les autorités départementales. Ils constituent le jury d'accusation, présidé par le juge du district. C'est à ce jury qu'il appartient de poursuivre ou non.

Si le jury d'accusation décide de poursuivre, le Président va décerner contre l'accusé une ordonnance de prise de corps et le procès sera alors porté devant le jury de jugement qui, lui, compte 12 membres.

En suite de quoi intervient la dernière phase de la procédure, qui aboutit au jugement, devant un tribunal criminel, établi dans le département, qui comprend des magistrats et un jury, appelé à délibérer sur les faits. Si son verdict est affirmatif, alors, la peine est fixée par le juge, Juge qui se contente d'appliquer la loi telle qu'elle apparaît dans le Code pénal.

Le président, 3 juges, le ministère public (le commissaire du roi qui requiert l'application de la loi) et l'accusateur public (qui soutient l'accusation et est élu par les électeurs du département) composent ce tribunal.

Le jugement du tribunal est souverain, sans appel, uniquement susceptible éventuellement d'un recours en cassation.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

77 Chapitre II · L’œuvre de la Constituante  

Ces tribunaux criminels se sont constitués avec quelques difficultés, si bien qu’il y a eu un peu de retard dans leur constitution. Les accusateurs publics sont élus, et on y trouve souvent des hommes de premier plan, genre Roro, Robespierre bien sûr tss. Les jurés ont souvent été des petits bourgeois, artisans, commerçants, mais surtout des gens des villes.

Ces tribunaux ont été confrontés à une grande charge de travail, et à beaucoup de délations abusives. Fallait pas.

C'est sans doute ce qui explique que les jurés ont souvent fait preuve d'une très gde indulgence. La sévérité du Code explique également leur indulgence aussi. Les peines prévues étaient sévères, si bien qu’ils pouvaient décider des faits non établis, alors qu’ils l’étaient à l’évidence.

Toujours est-il que, dans l’ensemble, le système a assez mal fonctionné, l’indulgence étant trop grande de la part de ces jurys.

Paragraphe 3e Le tribunal de cassation Alors là, on a toujours le spectre du parlement qui rôde. Mais prévalait également

un autre argument, à savoir nécessité d'unifier la jurisprudence, mais encore le souhait de contrôler l'activité de ce quarteron de juges.

La multiplicité des tribunaux de district, avec l’appel circulaire, et la nouveauté de cette administration l’ont finalement emporté et le tribunal de cassation, institué.

A · Ses fonctions

Une décision de justice ne peut être cassée que dans le cas où elle entachée d'une inobservation des formes ou d'une violation de la loi. Le tribunal de cassation est le « gardien suprême de la Loi ». Il doit donc surveiller l'application de la loi, et sanctionner son non-respect, sans oser interpréter cette loi. Oui, car sa compétence ne lui permet pas de broder sur la loi, ah ça, non et non. Tout juste doit-il se contenter de constater le non-respect à la Loi.

En théorie, le problème ne se pose pas, car la loi est censée être claire, limpide. Mais là aussi, bizarrement, en pratique, ça ne coule pas toujours de source. Quand on se tape une double cassation et un double renvoi, bon on peut commencer à se poser des questions, et on renvoie la loi à ceux qui l'ont faite, on demande au législateur d'élucider le problème. Alors là, magnifique. C’est le référé législatif, bonjour la séparation des pouvoirs. On demande au législateur un décret déclaratoire de la Loi.

B · composition

Qui trouve-t-on au tribunal de cassation ?

Tout un tas de trainées élues pour 4 ans, à raison d'un juge par département. Ont été généralement élus des hommes chevronnés, c'est-à-dire le plus souvent… des parlementaires qui ont été séduits par l’idée de la révolution, ou celle de ne pas perdre la tête, au choix. Bref, vive la fourberie.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre II · L’œuvre de la Constituante 78  

C · Procédure

C’est toujours celle fixée par l’ordonnance de 1667. C’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure crème. Bon je n’en profiterai pas pour faire une blague salace, mais ça me démange.

Toujours est-il que la recevabilité du pourvoi est en premier lieu examinée par une formation de quelques juges. Ensuite, une décision est rendue par le tribunal tout entier.

Paragraphe 4e Moralité Le bilan de « l’œuvre » de la constituante est des plus mitigés.

« On avait voulu supprimer la procédure, mais on ne supprimera pas les procès »

L'aspiration des constituants était de parvenir à une procédure plus rapide, plus simple, où participaient les citoyens, histoire d’en finir avec les obscurs procès, avec tout le secret qui va avec. Résultat, on a abouti à l’effet inverse, en multipliant les procès.

Les constituants avaient voulu instaurer le principe d’une justice gratuite, mais on a là aussi abouti à l’effet inverse. En effet, les défenseurs officieux se faisaient plaisir puisqu’aucune réglementation ne les encadrait eux ou leur rémunération.

Mais ce n’est pas tout. Les constituants ont voulu mettre le citoyen au cœur du procès. Bah là aussi, bonjour l’infarctus, les parties sont certes plus présentes qu’auparavant, mais les constituants n’ont pas réussi à débarrasser le procès des « parasites » de la justice que sont avocats, avoués qui pouvaient accabler les parties de frais de justice.

Concernant les juges, certes, beaucoup sont de bonne volonté, mais certains d'entre eux sont, disons, patauds. Dans l'appréciation des faits au civil, les magistrats sont parfois, bon ok, souvent béats devant la mauvaise foi des parties ou leur manque d’expérience. Finalement, il apparaît aux constituants que la mission du juge est bizarrement plus complexe qu'il n'y paraissait. Oh.

Cela dit, dans l’obligation de motiver, l’existence d'une codification pénale rend beaucoup plus facile la motivation des décisions, au pénal. Les jugements sont donc plus motivés. En revanche, au civil, la gaucherie des juges, qui ne disposent pas de code les voit motiver dans le plus grand flou artistique.

Il n’en demeure pas moins que la participation des citoyens à l'exercice de la justice contribue à rapprocher les citoyens de leur justice.

La Justice donne une image plus rassurante, ce qui est dû aux efforts des juges de paix, artisans d'une bonne justice, promoteurs d'une justice compréhensive et équitable. Le juge de paix est d’ailleurs parfois appelé homme des champs. Lui n’a pas obligation de motiver, car juge plutôt en équité.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

79 Chapitre III · La justice révolutionnaire  

Chapitre III La justice révolutionnaire

On se trouve là après Varenne, lorsque Louis croix v bâton perd des points dans les sondages, et sa popularité continue de s’effriter lorsqu’il abuse de son droit de véto, convainquant ainsi le peuple qu’il est contre la Constitution. Moralité, il faut le condamner.

Section 1 Le procès du Roi

Forcément, il débute par une instruction, qui dure 4 mois. Mais un premier problème, c’était de savoir si le Roi pouvait être jugé. Pour certains, la procédure normale n’a pas été respectée. Ce n’a pas été le cas en raison de la condition particulière du Roi. Il n’est pas un simple citoyen. L’instruction a été poursuivie par des commissions spéciales, nommées ad hoc. Une première Commission, dite commission des tuileries, a eu pour tâche de mettre sous la sauvegarde des lois les papiers trouvés au Château. Après que ce travail ait été effectué, la Commission des 24 a eu pour objectif de rassembler tous les problèmes juridiques qui pouvaient empêcher la tenue du procès. Son impact est relativement faible. Un comité de législation a rendu un rapport qui a eu plus d’effet. Moralité, le roi peut être jugé. La personne royale n’est pas inviolable. En effet, l’inviolabilité ne joue pas, car le Roi et le peuple sont étrangers l’un de l’autre. Le roi n’existe qu’en vertu de la Constitution. L’inviolabilité est donc constitutionnelle. La Nation, elle, existe sans le Roi. La Nation n’est pas liée par les règles constitutionnelles. Bon, le Roi peut être jugé, reste à savoir par qui, et qui s’y colle ? La Convention, naturellement, qui représente la Nation.

Ensuite, les débats s’ouvrent devant l'Assemblée, avec pour principe la légalité des délits et des peines, ce qui empêche que le roi soit donc condamné. Ce principe s’impose en effet à tous. Mais pour certains, le Roi, puisqu’il n’est pas un citoyen lambda, puisqu’il est étranger au pacte social, est sous le coup de la Loi naturelle antérieure à la création de la notion de citoyen. Moralité, il faut le faire passer à trappe. Le 11 décembre 1792, une première séance a lieu, durant laquelle le Roi ne se défend pas. Une deuxième séance a lieu. Les défenseurs du Roi arguent du fait que les députés ne sont pas juges. La séparation des pouvoirs n’y est pas étrangère. D’autres s’émeuvent de la peine de mort. D'autres encore critiquent la rétroactivité de lois pénales plus rigoureuses. Bref, les débats sont houleux. Le 7 janvier 1993, la Convention clôt les débats. La culpabilité est établie… par scrutin, le 15 janvier. Le Roi est déclaré coupable de conspiration contre la liberté de l’État, attentat contre la sécurité générale de l’État et allez, pour finir, trahison. Un autre vote a lieu sur l’opportunité de soumettre ce jugement à la ratification du peuple. Bizarrement, le vote est négatif, car la Convention redoute que le peuple soit trop clément. Les députés votent ensuite la condamnation à mort du Roi.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre III · La justice révolutionnaire 80  

Section 2 La Terreur

Le roi a été exécuté. Moralité, les insurrections, interventions étrangères vont de plus belle. La Convention passe à la vitesse supérieure. Il faut faire régner un climat de terreur pour que la Loi, la Nation soit protégée. Il en va de la révolution pour Roro. L'activité législative est importante, très souvent liée au domaine sécuritaire, intérieur ou extérieur. Tu touches à la nation, je t’éclate la gueule !! moralité, une « justice révolutionnaire » prend forme. Les principes de la défense se ramassent des tartes. En parallèle de quoi des tranches de citoyens sont distinguées. Ceux qui collaborent ont des bénéfices, genre la légalité des délits et peines. On doit se méfier d’autres, qui menacent la Nation. Eux n’ont pas les droits acquis par la Révolution. Droits de la défense par exemple. Ces mauvais citoyens, il faut s’en débarrasser.

Paragraphe 1er Les nouvelles tendances concernant les juges La Convention décide de renouveler les juges pourtant élus. Mais vu le climat…

délétère, la Convention décide qu’ils seront maintenant nommés par les administrations locales. L’entorse au principe de la séparation des pouvoirs est flagrante. La Convention intervient dans l’administration de la Justice, dans la nomination et même dans les jugements qu’elle peut casser. Cette emprise du politique va enserrer la société, permettant le classement des citoyens.

Des lois vont le permettre, genre les lois sur les immigrés, c'est-à-dire ceux qui sont sortis de France après le 1er juillet 1789 et qui ne sont pas rentrés avant mai 1792, ou tous ceux qui ne peuvent justifier d’une résidence ininterrompue en France depuis mai 1792. La sanction ? Le bannissement, la confiscation des biens, et s’ils se font arrêter, et bah c’est la peine de mort. Pour le prouver, rien de plus simple, une déclaration conjointe de deux personnes – des bons citoyens au « civisme certifié », habitant la commune de l’intéressé. Des listes vont ainsi établir de manière irréfragable la… « qualité » d’immigré, et donc le sympathique statut de mauvais citoyen. Si l’immigré est arrêté les armes à la main, oula, là, il est déferré devant une Commission militaire qui rassemble 3 à 5 juges militaires, assistés de l’accusateur public et d’un greffier. Ces commissions jugent naturellement de manière expéditive, extraordinaire. Leurs jugements ne sont bien entendu pas susceptibles d’appel. Si l’immigré n’est pas arrêté les armes à la main, il est envoyé devant la juridiction ordinaire, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit plus clémente ou laxiste. L’immigré est toujours mauvais citoyen. La procédure est donc simplifiée. Et l’immigré ne comparaît pas devant un jury. Puisqu’il est mauvais citoyen, il n’a pas à être jugé par les bons citoyens. L’immigré comparaît devant le tribunal criminel du département, devant des juges nommés. Le jugement n’est pas susceptible d’appel. Il est prévu que la peine soit exécutée… sous 24h chrono.

Les prêtres réfractaires sont aussi des mauvais citoyens. S’ils se font chopper, c’est aller simple pour la Guyane.

D’autres citoyens vont être peu à peu considérés comme mauvais. À partir du printemps 1793 notamment. Les auteurs de révolte, ceux qui y participent…

En parallèle est instaurée la mise hors la loi. Pour la Convention, certains citoyens doivent être mis hors la loi en raison du danger qu’ils représentent.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

8 1 Chapitre III · La justice révolutionnaire  

Paragraphe 2e Le tribunal révolutionnaire Les commissions militaires sont multipliées. Pour parachever le mouvement, une

Loi prévoit la création d’un tribunal révolutionnaire à Paris, un tribunal criminel extraordinaire. C’est la Loi du 10 mars 1793. Ce tribunal est constitué par 5 juges, 12 jurés et l’accusateur public. Les jurés vont apprécier la culpabilité de l’assuré. Les juges appliquent ensuite la Loi en prononçant la peine correspondant à l’incrimination retenue. La sentence rendue est définitive. Dès la Constitution de ce tribunal, juges et jurés sont nommés par la Convention. Le président du tribunal est lui aussi nommé par la Convention. Le plus généralement, ce sont des « créatures » de Robespierre.

La compétence de ce tribunal est comprise de manière on ne peut plus large. Ce tribunal a compétence pour « toute entreprise contre-révolutionnaire, tout attentat contre la liberté, l’égalité, l’unité, l’indivisibilité de la République, la sûreté intérieure et extérieure de l’État, tous les complots tendant à rétablir la Royauté », etc. Ce tribunal va avoir une activité importante. C’est par lui que commence la Terreur. Ce tribunal organise purement et simplement la suppression des droits de la défense. Il n’y avait déjà plus d’avocats, il n’y aura plus de défenseur officieux. L’Art. 8 dispose que la preuve nécessaire pour condamner les ennemis du peuple est « toute espèce de document ». La preuve peut donc être matérielle, morale, verbale, écrite, bref tout ce qui permet d’obtenir l’assentiment de tout esprit juste et raisonnable. Mais bien sûr.

Alors, l’instruction est toujours plus expéditive. Le tribunal préfère condamner qu’établir une quelconque vérité. Le tribunal a très peu recours au témoignage, sauf à trouver des témoins à charge.

La Terreur met également en place une nouvelle catégorie de citoyens, à côté des mauvais citoyens. Ce sont ceux qui sont douteux, à la moralité douteuse. Il faut donc les surveiller. La même Loi du 10 mars 1793 le prévoit. On les appelle suspects. Il faut les encadrer. On peut les arrêter provisoirement, perquisitionner à souhait… on entend par suspects les nobles, prêtres, réfractaires ou non, domestiques et allez tous ceux qui font l’objet de rumeurs.

Section 3 La Justice dans la Constitution de l’an III

Le 27 juillet 1794, la France dégage Robespierre et met un terme aux exécutions en série. La dictature régresse. Les membres du comité de salut public sont condamnés. Robespierre est exécuté. S’en suit un boxon politique. Est mise en place une nouvelle constitution, la Constitution de l’an III, réagit à la précédente constitution, de 1793. Exit le suffrage universel. « Nous devons être gouvernés par les meilleurs. Les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois ». Bref, cette nouvelle constitution est antidémocratique. Plus de référendums, plus d’appels au peuple, la représentation est strictement parlementaire. La Constitution de l’an III entend également rétablir la séparation des pouvoirs. Le régime devient rigide, braque les pouvoirs.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre III · La justice révolutionnaire 82  

Paragraphe 1er Les principes

A · Le pouvoir judiciaire

Pouvoir judiciaire se dissocie des autres pouvoirs. Les fonctions judiciaires ne peuvent être exercées ni par le corps législatif, ni par le corps exécutif. Les juges ne peuvent pas s’immiscer dans le pouvoir législatif, ni faire aucun règlement, ne peuvent suspendre aucune loi (…).

Les juges sont à nouveau élus. En pratique, on constate toutefois que ce principe subit nombre de tempéraments. Les élections des juges ont lieu tous les 5 ans, par bloc. Si un Juge passe à trappe, le directoire est autorisé à nommer, au moins provisoirement, les places laissées vacantes. Le pouvoir ne se prive pas de confirmer les choix des électeurs. Le Juge est donc élu, mais une fois élu, il doit être désigné. La confirmation des juges est plus poussée que sous la Royauté. Le directoire peut en effet refuser la confirmation du Juge selon son bon vouloir. Moralité, en pratique, l’exécutif squatte toujours le judiciaire. Des commissaires du directoire, nommés par le directoire, révoqués par le directoire, rôdent dans les tribunaux.

B · L’organisation judiciaire

En haut existe un tribunal de cassation. 50 juges élus. Un commissaire du directoire et des substituts. Divisé en section, il a compétence pour les recours en cassation, les demandes de renvoi pour suspicion légitime ou sûreté publique, les règlements des juges et pris à partis. Bref, le tribunal de cassation régule les excès de pouvoir.

En dessous, on retrouve le tribunal criminel, composé d’un président, d’un accusateur public, 4 juges et d’un jury composé de 12 membres. Le président interroge l’accusé. Il appartient au jury de se prononcer. La procédure est décrite avec minutie et reprend en partie celle prévue en 1791. Le principe fondamental reste celui de l’oralité. L’accusé doit pouvoir se défendre, mais lui-même, oralement.

Le tribunal correctionnel comprend lui le directeur du jury, 2 juges de paix, un commissaire du pouvoir exécutif donc nommé par le directoire, et un greffier, lui nommé par le tribunal. Ce tribunal correctionnel gère les infractions punissables de 3 jours à 2 ans de prison. Il est prévu que les décisions rendues puissent être frappées d’appel, l’appel étant formé devant le tribunal criminel.

Le Juge de paix, mis en place en 1791, est repris. Il gère les infractions de police municipale, bref la vie quotidienne. Il est saisi sur requête de la partie lésée ou un commissaire du directoire.

C · Les traces de la Terreur

Nombre de dérogations existent, justifiées par le spectre de la sécurité. Il existe des juridictions d’exception jugeant sommairement. Beaucoup sont des commissions qui s’arrogent le titre de juridiction. Beaucoup sont composées de militaires, sont sévères. Ceux qui sont visés ne sont pas des mauvais citoyens, mais ceux qui s’amusent à mettre en péril la tranquillité et la sécurité des autres citoyens.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

83 Chapitre V · Le Droit pénal au XIXème siècle  

Chapitre IV Les codes napoléoniens

La Constitution de l’an III dure un peu plus de 4 ans. Elle devient peu à peu trop rigide. Les tentatives de renversement se multiplient. Le complot babouviste, du nom de Gracchus Babeuf, est une illustration, manifestée par la conjuration des égaux, mais réprimée dans le sang. Napoléon Bonaparte va aussi tenter son coup avec plus de succès.

Lui voulait au départ un seul code pour la matière pénale, criminel, correctionnel et de police. Pour lui, la matière pénale doit être marquée par la force, la sévérité.

Le code d’instruction criminelle fait disparaître le très critiqué jury d’accusation. La chambre des mises en accusation reprend ses compétences, mais les rend aux magistrats, évitant ainsi la case populaire. Un Juge, unique, procède à l’instruction préparatoire, secrète, et écrite.

Devant la Cour d’assises, dénomination de feu le tribunal criminel, les débats sont oraux, publics, contradictoires. L’accusé peut être défendu par un avocat.

On transige entre l’ancien et le nouveau droit.

Le code des peines entend intimider. On ne croit plus à la bonté naturelle de l’Homme. L’homme est foncièrement mauvais, il n’est pas perfectible. La peine n’améliore pas le coupable. Pour beaucoup, la peine doit sanctionner. L’homme peut recourir à la vengeance, qui doit être interdite. Il faut y renoncer et même au niveau de la peine. La peine doit écarter le coupable pour qu’il ne nuise plus aux autres citoyens. Le récidiviste sera de nouveau marqué au fer rouge. En cas de meurtre aggravé, on coupe le poing du condamné à mort, exécuté en suite en public. Les cadavres des suppliciers sont exposés, avec un écriteau expliquant les faits reprochés. La peine de mort est fréquente. Elle est conçue comme un mal nécessaire. Archaïque ? Inhumain ? penses-tu. La Loi prévoit également la grâce demandée au premier consul. La grâce est souvent accordée.

Le principe de légalité des délits et peines et confirmé, malgré l’hostilité de Napoléon, pour qui le modèle reste le décalogue. Pour lui, il faut être concis, ce qui laisse un pouvoir d’appréciation au Juge.

Chapitre V Le Droit pénal au XIXème siècle

Section 1 La pratique judiciaire

Le Droit pénal est trop sévère. Le Code de 1810 est même considéré comme rétrograde par certains. Les jurys ont tendance à rendre des verdicts d’acquittement alors que les preuves de culpabilité sont là. Les peines étant trop sévères, le Juge n’ayant pas le pouvoir d’arbitrer la peine, et bah les juges rendent des verdicts d’acquittement plus facilement. C’est vrai quoi, on va pas envoyer tout le monde en Guyane.

www.scrib

d.com/La Machine

Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé 2009-2010  

Chapitre VI · L’évolution du Droit pénal à l’époque moderne 84  

Les débats sont passionnés autour de l’organisation des prisons. L’idée est que la peine doive avoir une utilité sociale, qu’elle lui permette de s’amender de façon à ce qu’il retrouve sa place de parking dans la société.

Au XIXème siècle, on s’intéresse aux USA. Alexis de Tocqueville va y faire un tour pour voir notamment comment est organisé le système pénitentiaire. L’enfermement à la mode américaine, cellulaire, respectueux, est bien vu. Et il n’y a pas que lui. Nombreux sont ceux qui s’astiquent la caboche sur l’emprisonnement, sur la meilleure manière de sanctionner. Envoyer le coupable sur l’échafaud, c’est indigne du XIXème.

Section 2 Les pénalités

La grande Loi à retenir, c’est celle du 28 avril 1832. C’est l’aboutissement de ces méditations. Cette Loi entend couper court au carcan, à la marque du récidiviste, à la mutilation du poignet, etc.

Nombreux sont ceux qui souhaitaient l’abolissement de la peine de mort, sans succès encore. La peine de mort est donc maintenue, mais pour les crimes atroces. La peine de mort doit toujours permettre au condamné de quémander la grâce. De fait, elles sont souvent accordées.

La Loi du 28 avril 1832 prévoit également l’application de circonstances atténuantes ou aggravantes. C’est l’introduction un pouvoir d’appréciation du Juge. La fixité des peines montre ses limites. Il faut permettre au Juge d’arbitrer la peine, d’apprécier les circonstances de l’espèce. Bref, il modère la peine.

Chapitre VI L’évolution du Droit pénal à l’époque moderne

Section 1 Les solutions doctrinales

On pense différemment la répression. Exit l’élimination pure et simple du coupable. La peine doit avoir une fonction. L’emprisonnement est une solution exemplaire. Montesquieu, Rousseau, et notamment Beccaria (avec par exemple le Traité des délits et des peines, 1764), sont des auteurs dont les travaux sont appliqués lors de la Révolution. Pour ne prendre que l’exemple de Beccaria, ses travaux ont choqué. Pourquoi ? Le droit de punir n’est qu’un de défense cédé par chaque individu à l’État. La punition n’intervient que dans des proportions utiles et mesurées pour la société. En aucun cas la peine ne doit permettre une quelconque vengeance. La peine a pour objectif d’empêcher la récidive. Beccaria invite donc les législations à éjecter tout superflu. Genre les supplices, les peines trop sévères, qui conduisent à certain désespoir pouvant le pousser au pire. Il ne faut pas ruiner l’espoir du coupable. Alors la peine de mort… il ne sert à rien de sonder les intentions du coupable, car c’est attaquer et l’égalité des justiciables et l’objectivité du Juge, le tentant à s’égarer dans l’arbitraire.

www.scrib

d.com/La Machine

2009 - 2010 Histoire du Droit pénal Le Droit pénal repensé  

85 Chapitre VI · L’évolution du Droit pénal à l’époque moderne  

Section 2 Les solutions positives

La Révolution scientifique a vu le Droit pénal s’engager dans de nouvelles voies. Et ça part d’Italie. La criminologie positive apparaît. En 1876, « l’Homme criminel » naît. LOMBRESO est ainsi connu pour avoir dégagé l’idée de criminalité atavique. Il s’est ainsi intéressé au physique des criminels. Buk. Il y aurait des facteurs récurrents chez les criminels. Tous présenteraient des… particularités. Tous seraient porteurs d’anomalies anatomiques, biologiques, allez, psychologiques. Faut dire qu’à l’époque, on croit beaucoup à l’idée d’évolution des espèces. Moralité, les criminels seraient des attardés, des démoulés trop chauds. Mais bien sûr. Et LOMBRESEAU fait le portrait du criminel. Petit crane, front étroit pommettes saillantes, lèvres minces, mâchoires volumineuses, barbare rare, oreilles écartées, insensibilité, une prédisposition au tatouage… Bref, dès l’enfance, on pourrait reconnaître les prédispositions à la criminalité. Ses idées ont fait jaser. Même ses élèves trouvent qu’il faut y rajouter une pincée de sociologie. Le milieu social a donc une importance. De même qu’a une influence la géographie. Les régions méridionales seraient des lieux où on bute plus. L’Hiver, on vole plus. L’été, on viole plus. Le malfaiteur est finalement un « microbe » social qui menace l’intégrité de la communauté.

Le libre arbitre n’est donc qu’une illusion, la responsabilité, un non-sens. La science permet de prévoir qui sera nominé ce soir comme un criminel. Le délinquant n’agit pas consciemment, mais est conditionné. Le droit de punir s’analyse comme la défense du corps social.

D’autres auteurs privilégient le milieu social, l’intention coupable, le libre arbitre. Le Juge doit se fonder uniquement sur l’état dangereux, pour procéder à l’examen de l’intention coupable.

Au XXème siècle, des thèses ont mis en lumière le fait qu’il y ait un fétichisme juridique conduisant à n’envisager comme aboutissement du conflit que le seul procès, avec application de la Loi.

Restent les voies alternatives, émanant de la collectivité elle-même. Les pays de common law les ont sortis de terre. La justice est considérée comme restauratrice. Elle remet les choses en place. La femme décapitée par son époux un peu alcoolisé, bah on la remet en état, comme neuf. Cette remise en place passe par la conciliation, l'intervention de tiers, parents, amis, voire des juges. En Belgique, en 2005, une loi pénale donne une place importante à la conciliation, du début à la fin du procès, même quand le coupable purge sa peine de prison. A priori, les retours seraient positifs.

FOUCAULT, dans son ouvrage de 1975, Surveiller et punir, démontrait les dangers de la prison. Pour lui, la prison, révolutionnaire, puis républicaine, ne serait qu’une forme contemporaine et systématique du mouvement de grand renfermement des marginaux commencé dès le règne de Louis XIV. La prison ne serait que l’aboutissement d’une politique visant à écarter tout ce qui est altéré et/ou qui menace la société.

La conciliation, la réconciliation sont des voies alternatives ou complémentaires à l’idée de peine.

Écrit : deux sujets, de cours ou théorique

Oral : 1 sujet, préparé en 10 minutes, exposé, suivi de quelques questions.

www.scrib

d.com/La Machine