Histoire Du Droit S3

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Histoire du droit semestre 3 Histoire du droit semestre 3

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IntroductionL'objet de ce cours est une histoire politique juridique et institutionnelle du XIX sicle. XIX sicle : on n'entend pas ici la priode allant de 1801 1900, mais la majorit des historiens considrent que le XIX sicle dure de 1814 1914. Dcoupage qui a le mrite de s'articuler autour de deux grands vnements : rtablissement de la monarchie en 1814 et la premire guerre mondiale en 1914. Deux dates essentielles et que les historiens choisissent car ce sont de vritables tournants. 6 avril 1814 est donc le point de dpart, et le 3 aot 1914 pour le point d'arrive. Entretemps, on a des rebondissements politiques, des changements de rgime, de grandes rformes lgislatives. L'objet matriel du cours sera une histoire politique, juridique et

institutionnelle. On centrera les dveloppements sur le droit plutt que sur les faits qui relvent de l'histoire gnrale. L'intrt du cours est de faire dcouvrir un sicle mconnu par les tudiants, et il faut montrer qu'il s'est pass beaucoup de choses. Peu de bons manuels de synthse.

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PARTIE I :

LA RESTAURATION

(1814/1815 1830)Cette priode va de la chute des rgimes napoloniens jusqu' la rvolution de 1830. Ce mot de restauration a un double sens : Restauration de la monarchie lgitime, hrditaire, donc d'ancien

rgime.Tous les pouvoirs sont censs tre concentrs entre les mains du roi. Cette affirmation mrite d'tre nuance puisque finalement, le nouveau systme qui s'installe prvoit l'mergence de diffrentes institutions politiques qui peuvent contrebalancer le pouvoir royal, donc on assiste un certain libralisme de la monarchie. Il y a un dcalage important entre la thorie et la ralit. En effet, en thorie, on restaure rellement une monarchie " l'ancienne", comme l'poque de Louis XIV. Mais en ralit, les nouvelles institutions cres tiennent beaucoup compte de l'hritage de la rvolution, et ce systme va mme rtablir, recrer le systme reprsentatif (chambre etc.) qui avait totalement t mis mal par Napolon Bonaparte. Au fond, avec la restauration, on a une situation qui est l'exacte oppose de celle de l'poque napolonienne. En effet, Bonaparte avait fait semblant de garder les acquis de la rvolution, de prserver des reprsentants lus, et en ralit il exerait tout les pouvoirs. Les rois de cette priode vont faire le contraire, c'est--dire faire semblant de restaurer une monarchie ancienne, et vont en ralit renouer en moins en partie avec la pense librale. Les rois de la restauration vont se montrer moins autocrate et autoritaires que se montrait Napolon. Les rgimes napoloniens taient en ralit des monarchies sans le nom, la restauration va tre une monarchie de faade. Restauration d'une dynastie royale, une famille : les captiens laquelle appartient la famille des Bourbons. Cette famille pouvait s'enorgueillir d'avoir dj rgner sur la France durant plus de deux sicles, de l'avnement d'Henry IV (1589) jusqu' l'excution de Louis XVI (1793). En vrit, le droit rgner de cette famille date de plus longtemps, puisque les captiens commencent rgner a partie de 987 (Hugues Capet). Donc c'est le retour au pouvoir des monarques captiens, aprs 20 ans d'absence, et aprs 8 sicles de gouverne. Pour les bourbons et leurs partisans, la rvolution et les rgimes napoloniens ne sont rien~2~

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d'autre qu'un bref intermde, une sorte de parenthse qui s'insre au sein d'une longue chaine du temps, que la restauration de 1814 a pour but de refermer. On retrouve ici le sens commun du mot restauration. En vrit en effet, on restaure le monde politique comme on restaurerait une uvre, en essayant de lui rendre son aspect d'antan. C'est donc un retour au systme politique lgitime et de mettre fin au rgne des "usurpateurs", donc de retrouver un pouvoir qu'ils n'auraient, d'aprs eux, jamais du perdre. Comme le renvoie d'une dynastie usurpatrice et le rtablissement miraculeux de la vieille dynastie lgitime. Autre remarque : la restauration fait parie de ces priodes o les titulaires du pouvoir se trouvent contraints de faire des concessions contraires leurs souhaits les plus profonds. Les deux rois qui vont se succder rvaient d'un rtablissement pur et simple de la monarchie d'ancien rgime, mais le contexte politique de l'poque s'opposait la ralisation d'un tel souhait, puisqu'en l'espace de 25 ans, la rvolution et les rgimes napoloniens avaient provoqu en France des transformations irrversibles. Il a donc fallut assurer un certain quilibre, et finalement va se mettre ne place un systme intermdiaire quilibrer qui marie rtablissement de l'ordre ancien et prservation de l'ordre nouveau. Cette mentalit, cette configuration va finalement expliquer toutes les ambiguts et contradictions de cette priode.

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CHAPITRE I :Section I : la trame chronologique

LE CADRE HISTORIQUE

I.Les divisions internes de la priode Le rgime dure environ 15 ans, c'est--dire plus longtemps que l'ensemble de l'poque rvolutionnaire. Ce n'est pas un bloc homogne, car au sein de cette restauration, il faut distinguer une premire et une seconde restauration, ainsi que les deux rgnes diffrents par la personnalit de leur monarque. A)Deux restaurations pour un rgime politique La chute de Bonaparte et le retour au pouvoir des Bourbons sont lis la situation militaire franaise qui se dgrade. La coalition europenne mene par la Russie et la Grande-Bretagne remporte une victoire dcisive le 31 mars 1814 en s'emparant de Paris. Napolon est repli Fontainebleau et souhaiterait continuer les combats, mais n'a le soutient ni du snat ni de ses marchaux. 6 avril 1814 : napolon signe l'acte de capitulation. Ce jour mme, le snat dcide de rappeler les Bourbons sur le trne de France. Il va faire appel au comte de Provence, frre du dernier roi, qui rgnera sous le nom de Louis XVIII. En apparence, se rappel des Bourbons est le fruit du libre choix du snat imprial, comme manation de la volont nationale. En vrit, les choses sont plus compliques, car ce choix a t dict par les monarchies europennes. C'est Talleyrand qui a manuvr pour soutenir la cause des Bourbons. C'est uniquement parce que les Allis se sont rangs cette ide que les Bourbons sont revenus sur le trne de France. Cette premire restauration se terminera le 20 mars 1815. Au tout dpart, les Bourbons vont rencontrer une population franaise qui, dfaut d'tre enthousiaste, tait lasse par Napolon, et donc dispose par lassitude accepter le retour d'un roi. Problme : les nouveaux dirigeants vont commettre en un an des maladresses qui va forcer l'opinion publique se retourner contre eux. On peut citer le remplacement du drapeau bicolore par le drapeau blanc, le refus du rtablissement de la libert de la presse, le licenciement d'un grand nombre de fonctionnaires et militaires, ou encore la volont de revanche qui tait affiche,~4~

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revendique par les royalistes les plus intransigeants, qu'on appelait les migrs. Finalement, en fvrier 1815, Louis XVIII et le nouveau rgime sont devenus impopulaire. Bonaparte, en exil sur l'le d'Elbe, est inform de l'tat des choses et va tenter une nouvelle aventure. Le 28 fvrier 1815, il embarque pour la France avec une arme de 1200 soldats. Bonaparte est accueillie par la population avec ferveur. Louis XVIII doit prendre la fuite le 19 mars 1815, et le lendemain, napolon rentre triomphalement Paris. C'est la fin de la premire restauration. Premire phase de restauration monarchique qui est donc brve sur le plan chronologique, mais nanmoins trs importante sur le plan de l'histoire des institutions. En effet, c'est cette priode qu'a t adopt le texte constitutionnel qui va servir de base l'ensemble du rgime : la charte constitutionnelle du 4 juin 1814. Deuxime restauration : 18 juin 1815 29 juillet 1830. Bonaparte n'tait parvenu reprendre le pouvoir que pour une dure de 100 jours, car les monarchies europennes dcident rapidement de reprendre les armes et remportent une victoire dfinitive le 15 juin 1815 lors de la bataille de Waterloo. Les bourbons vont tre une nouvelle fois appels sur le trne de France. Talleyrand et Fouchet vont russir convaincre les allis remettre les bourbons sur le trne. Retour des bourbons Paris le 8 juillet 1815. Ils resteront au pouvoir jusqu'au 29 juillet 1830 (fin de la rvolution des 3 glorieuses). B)Deux rgnes successifs Deux rois se sont succds au pouvoir sous la restauration : Louis XVIII (6 avril 1814 20 mars 1815, puis 18 juin 1815 16 septembre 1824) et Charles X (16 septembre 1824 29 juillet 1830). Louis XVIII : comte de Provence, roi de 1814 1824. Il est n sous le nom de Louis Stanislas Xavier de Bourbon le 18 novembre 1755 Versailles. Il est le frre cadet du roi Louis XVI et porte d'abord sous l'ancien rgime le titre de comte de Provence. Il est trs attach la socit d'ancien rgime, et jusqu'en 1789, il va tre l'un des principaux opposants la politique de rforme, de modernisation mene par certains ministres de Louis XVI. Il est galement un opposant la rvolution puisqu'il va migrer et rejoindre le mouvement contre rvolutionnaire en 1791. Il va imaginer reprendre le trne par les armes, mais va abandonner aprs la victoire de Valmy.

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Quand Louis XVI est excut, le comte de Provence va estimer que le fils du dfunt roi lui a succd naturellement en application des lois fondamentales du royaume. Quand Louis XVI dcde, le fils serait devenu Louis XVII, et le comte de Provence se proclame rgent de Louis XVII et estime qu'il est en charge de dfendre les intrts de son neveu. Lorsque Louis XVII va mourir son tour en 1795, le comte de Provence va se proclamer roi sous le nom de Louis XVIII. Le 24 juin 1795, Vrone, il dicte un manifeste violent dans laquelle il raffirmait la totalit des principes d'ancien rgime. Dans cette dclaration de Vrone, il rejette en bloc les principes de 89 et se prsente comme le souverain lgitime de la France, mme si l'exil qui le frappe l'empche d'exercer son pouvoir. Il demeure nostalgique de l'ancien rgime, il n'a jamais t sduit par les ides des Lumires et celles rvolutionnaires, qui ne correspondent ni son ducation ni ses penchants naturels. En revanche, prs de 20 ans se sont couls entre le manifeste de Vrone et la restauration de 1814. Louis XVIII est alors g (60 ans) et n'a plus rien d'un jeune homme fougueux. Il est mr, pos, cultiv et dot sur le plan politique d'une certaine finesse qui fait qu'il a pris conscience immdiatement ds 1814 que les 25 dernires annes ne pouvaient pas tre rayes d'un trait. Il sait que la population est trs majoritairement attache aux acquis de 89 et n'accepterait jamais un retour pur et simple au systme antrieur. C'est pourquoi il est dcid oprer une concession entre la tradition monarchique et la tradition rvolutionnaire. Les contemporains de Louis XVIII ont dress gnralement un portrait plutt svre : homme goste, capricieux, imbu de sa personne, obsd par le protocole, l'tiquette, ingrat et galement manquant cruellement de franchise. Sur son physique, on le trouvait peu adapt son pouvoir. Obse et disgracieux, dpourvu de prestance, et dans les dernires annes, presque infirme, incapable de monter cheval et de se dplacer en marchant. Description donc cruelle, mais qui semble conforme la ralit et qui n'te rien l'intelligence politique de Louis XVIII qui a su faire une synthse. Il disait : "je ne veux pas tre le roi de deux peuples", ce qui signifie qu'il voulait rconcilier les partisans de la monarchie et les rvolutionnaires. Cette volont tait dlicate qui reposait sur un quilibre prcaire. En effet, Louis XVIII tait entour de royaliste beaucoup plus intransigeant que lui-mme, qui avaient rumin leur rancune et rvaient dsormais de revanche ou de vengeance pure et simple. Ils taient appels les ultras : plus royalistes que le roi. Ils ont exerc une influence nfaste sur le corps politique en forant le roi prendre des dcisions regrettables. Il manquait au roi la prestance ou la majest qu'on attend en principe d'un monarque, mais en revanche, il disposait d'un bon sens politique particulirement ncessaire l'poque, donc de nature assurer ou maintenir un quilibre indispensable. C'est l'inverse pour son frre, le comte d'Artois.~6~

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Le 16 septembre 1824, le comte d'Artois remplace Louis XVIII sous le nom de Charles X. Louis XVIII avait dit propos de son frre : "les franais se plaignent d'avoir un roi sans jambe. Il vont voir ce que c'est qu'un roi sans tte". Charles X : n le 9 octobre 1757. C'est le benjamin de la fratrie. Sous l'ancien rgime, il tait le chef du groupe le plus conservateur de la cour, celui qui s'opposait systmatiquement toutes les rformes pouvant porter atteinte la structure traditionnelle de la socit. Il se nommait le comte d'Artois et tait encore plus ferm aux ides nouvelles impermables aux Lumires que son frre Provence. Il va tre le premier migrer ds juillet 1789, aprs la prise de la Bastille. Il part car il est inquiet de la tournure des vnements et qu'il est du de la faiblesse de Louis XVI. Il va donc pass une grande partie de son exil en Grande-Bretagne et ne reviendra en France qu'en avril 1814. Sous le rgne de Louis XVIII, il fait mine d'tre retir de la vie politique. Cela ne trompe personne, car il est en vrit le chef occulte du groupe des ultras. Il constitue le premier opposant la politique de Louis XVIII car oppos la politique de modration que son frre essaye de mener bien. Le comte d'Artois est ses complices sont favorables au retour de l'absolutisme de la monarchie et au retour de la socit d'ancien rgime, avec les ordres et les privilges. Contrairement son prdcesseur, il est mince, distingu, avec une certaine prestance, une lgance aristocratique, et malgr son ge avanc (67), il est un vieux beau. Il dispose au dpart d'une excellente image et d'une bonne popularit qu'il va perdre rapidement en raison de sa politique dsastreuse. Il a cependant de grands dfauts : dans sa jeunesse, il s'tait comport comme un enfant gt, comme un prince cervel, coureur de jupons, dpensier, grossier, insolent, comme quelqu'un qui ne respectait rien. Il volue puisqu'il se rapproche de la religion catholique vers 50 ans. En effet, en 1804 il apprend le dcs de madame de Polastron, son ancienne maitresse, dont il tait amoureux depuis de nombreuses annes. Il en est si affect qu'il prononcera un vu de chastet perptuelle. Du jour au lendemain, il va se ranger, sa vie prive sera irrprochable, il va sombrer dans la dvotion religieuses la plus totale. Il va se rapprocher de la frange la plus conservatrice de la religion catholique franaise. Il deviendra leur protecteur une fois devenu monarque. Cette brusque conversion n'a pas modifi de fond en comble la personnalit du comte d'Artois. En effet, en 1824, le second roi de la restauration est encore aussi cervel et aussi inculte qu'il l'tait dans sa premire jeunesse. Inculte car dpourvu de culture classique, et cervel dans la mesure o il fait preuve au quotidien d'un manque d'intelligence et de bon sens qui surprend tous ses interlocuteurs. Il est~7~

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incapable de transiger, de comprendre les ralits politiques de son temps, du coup il reproche Louis XVIII et Louis XVI d'avoir fait preuve d'une trop grande faiblesse et de ne pas avoir suffisamment pris la dfense du systme d'ancien rgime. Charles X a dit : "j'aimerai mieux scier du bois que de vous gouverner la manire du roi d'Angleterre". Formule rvlatrice : Charles X refuse l'ide d'une monarchie limite ou qui laisserait aux chambres le soin de conduire la politique de la nation. Il n'est pas prt capituler, accepter le libralisme et les ides rvolutionnaires. C'est cette intransigeance idiote, incompatible avec l'volution des mentalits qui va provoquer la perte du rgime, l'effondrement de la restauration et le dclenchement de la rvolution des 3 glorieuses.

I.Les principaux vnements. L'alliance des anglais, des russes, des autrichiens et des prussiens est venue bout des rsistances franaises la fin de mars 1814. Le 2 avril, le snat a trahi Napolon et proclam sa dchance. Le snat montre ainsi qu'il faut toujours se mfier de ses propres cratures. Napolon abdique le 6 avril, et le mme jour le snat fait appel aux Bourbons en invitant le comte de Provence sur le trne. Dans sa dclaration du 6 avril, le snat, en invitant les bourbons sur le trne, affirmait que le comte de Provence tait "librement appel sur le trne par le peuple franais". On demandait ce comte de Provence d'accept de se soumettre une constitution prpare en grande hte par les snateurs. Ce jour mme du 6 avril, on prcise que le comte de Provence portera pour seul titre le titre de roi des franais qui tait port par Louis XVI entre 1789 et 1793. Le comte de Provence reste silencieux un moment et fini par refuser cette proposition le 2 mai 1814. Dans la ville de Saint-Ouen le comte de Provence fait une dclaration par laquelle il refuse toutes les propositions des snateurs. En refusant, il refuse toute ide de monarchie contractuelle, l'ide selon laquelle il aurait t rappel par le peuple souverain et qu'il se lierait avec ce peuple par un contrat. Il estime qu'il ne tient pas son pouvoir du peuple franais et encore moins du snat imprial, mais que sa lgitimit politique dcoule des liens du sang, de son hrdit, il est roi parce que Bourbon. Dans cette dclaration, il revendique le titre de roi de France et de Navarre, titre traditionnel des monarques franais. En revanche, il va annoncer qu'il consent volontiers donner la France une constitution librale. Elle sera adopte rapidement car promulgue le 4 juin 1814 et sera nomme charte constitutionnelle. Le bref retour de Napolon Bonaparte a eu des consquences importantes : ces 100 jours ont eu un coup important, d'abord en raison de l'attitude des allis. Ils~8~

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n'ont plus totalement confiance en la France et vont se montrer plus dur dans les conditions de paix qu'en 1814. En change de la paix, la France va devoir payer une indemnit de guerre de 700 millions de francs, et devra subir l'occupation de soldats allis (150 000) qui ne quitteront le pays qu'en novembre 1818. L'indemnit demande est norme, car elle reprsente le budget annuel de l'Etat. Deuxime consquence de ces 100jours : dclenchement de la terreur blanche, qui dure de 1815 1816. On va avoir des reprsailles qui vont s'organiser, essentiellement contre les anciens rvolutionnaires, contre les partisans de Bonaparte. En 1816, on a des mouvements spontans, beaucoup dans le midi de la France, galement dans la valle du Rhne, o les dfenseurs de l'empire vont tre molests, massacrs par le petit peuple royaliste. Il y a galement une rpression lgale organise par le gouvernement pour purer les fonctionnaires sou les militaires qui avaient trahis les Bourbons au profit de l'empereur. Exemple du marchal Ney condamn mort en dcembre 1815 pour avoir aid napolon. Climat entretenu par l'lection de la chambre introuvable (expression du Louis XVIII) en aout 1815, victoire pour le camp des ultras qui ont remport environ 350 siges sur 402. C'est la premire fois depuis la rvolution que la chambre des dputs est aussi rvolutionnaire, hostile aux ides librales de la rvolution. Au fond, sa philosophie (des ultras) est rsume par cette phrase du dput Franois de la Bourdonnaye : "des fers, des bourreaux et des supplices contre les ennemis de la monarchie". Phrase qui sort du discours du 11 novembre 1815. Le roi va s'effrayer des excs de cette chambre trop extrmiste. Il va prendre une dcision qui est une ide du Duc de Richelieu, chef du gouvernement de 1815 1818, et qui va convaincre le roi de provoquer la dissolution de cette chambre introuvable. Ordonnance du 5 septembre 1816 met en place cette dissolution. De 1816 1820, le rgime va s'orienter vers des options plus modres. On organise en octobre 1816 de nouvelles lections qui donne la majorit aux monarchistes modrs qui soutiennent la politique du duc de richelieu. Il est remplac le 30 dcembre 1818 par le comte Elie Decazes, qui va cumuler partir de 1818 les fonctions de chef du gouvernement et de ministre de l'intrieur. Louis XVIII le considre comme son homme de confiance. Sur le plan strictement politique, il est proche du duc de richelieu. Il fait partie du centre constitutionnel. Decazes est oppos aux ides des ultras et dsire prenniser les acquis de 1789 dans le cadre d'une sorte de monarchie de compromis. Il considre la charte constitutionnelle de 1814 comme un texte idal, car elle marque un quilibre russi et permet de sceller une sorte de pacte entre la nation et le roi. Decazes va tre confront deux difficults majeures :~9~

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La monte en puissance des libraux, qui lors des lections de 1819, parviennent avoir 45 nouveaux siges. Ces libraux sont reprsents par des hommes comme La Fayette, benjamin Constant, hommes fidles au drapeau tricolore. Ils sont globalement plutt hostiles aux Bourbons, ainsi qu' l'glise de France. Ils souhaitent que le roi s'abstienne d'intervenir dans la vie politique. Il devait tre une sorte de puissance neutre au dessus des partis. Ces libraux sigent gauche de l'assemble sous la restauration, mais ce ne sont pas des hommes de gauche au sens contemporain. Decazes va devoir composer avec cette force montante. Assassinat du duc de Berry, vnement essentiel qui va bouleverser l'histoire de la restauration et va provoquer un retournement politique irrversible. En effet, il tait le fils du comte d'Artois, donc un des hritiers potentiel du trne de France. Le 13 fvier 1820, le duc de Berry est poignard la sortie de l'opra par Louis Louvel, admirateur de Bonaparte, et qui esprait par l mettre fin la royaut des Bourbons. Les ultras vont profiter de cet vnement pour demander un durcissement de la vie politique, et en premier lieu le renvoi du duc de Decazes. Louis XVIII va cder cette requte dans une priode de fatigue et de maladie, pour faire plaisir sa famille. Aprs le renvoi de Decazes le 20 fvrier 1820, l'influence des ultras se fera sentir sous tous les ministres de Louis XVIII et de Charles X. Du 20 fvrier 1820 dcembre 1821, le duc de richelieu dirige un nouveau gouvernement qui comporte encore des ministres modrs, mais le contexte politique a chang. Il agi donc dsormais sous la pression des ultras. Il va notamment tre oblig d'adopter une srie de lois liberticide, la demande des ultras. Il faut savoir que grce une habile modification de la lgislation lectorale, les lections lgislatives de novembre 1820 vont tre un succs clatant pour les royalistes. Sur 172 siges, 156 sont royalistes. La victoire est si importante que l'opposition librale est de 19 siges. On va nommer cette chambre la chambre "retrouve". Consquences : en dcembre 1821, le duc de richelieu est renvoy car on considre qu'il ne gouverne plus assez droite par rapport l'assemble. Louis XVIII va alors faire appel au comte Joseph de Villle qui va rester la tte du gouvernement de dcembre 1821 janvier 1828. Il est l'un des chefs des ultras et est membres d'une socit secrte (les chevaliers de la foi) fonde en 1810 pour dfendre le lgitimisme et la religion catholique. Cette nomination est un acte important car c'est la premire fois de notre histoire que le gouvernement est dirig par un ultra royaliste. Il va~ 10 ~

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survivre politiquement 7 ans, au changement de monarque qui va renforcer Villle car Charles X est proche des ultras. Entre 1825 et 1828n, on assiste au triomphe politique des ultras. Va tre adopt cette priode un grand nombre de lois de raction, retour en arrire. Fin de Villle : novembre 1827, il est us par le pouvoir et fini par tre contest par tout le monde. Il dcide d'en appel aux lecteurs, et en novembre 1827 : lection lgislative anticip qui sont un chec pour le gouvernement, ce qui provoque la dissolution. Il est remplac par Martignac, ancien avocat bordelais qui appartient la droite modre. Il ne sera jamais soutenu par Charles X qui le nomme chef du gouvernement dans l'unique but de faire perdre les centristes. Il tente une ouverture gauche, mais sa politique va chouer. Il sera renvoy en aout 1829. A sa place arrive jules de Polignac : ami d'enfance de Charles X et son compagnon de route lors de son migration. C'est quelqu'un de dtest, considr comme l'un des plus extrmistes des ultras. Polignac est un homme d'intelligence moyenne, trs port au mysticisme et qui prtend tirer son inspiration politique par la sainte vierge. Le ministre de polignac est un vritable ministre de combat, compos de nostalgiques de l'ancien rgime. Il regroupe en une seule chambre tous les hommes impopulaires de l'poque. Avec le roi, ils vont essayer de gouverner alors qu'ils ne disposent pas de la majorit la chambre. L'assemble va ragir en votant le 15 mars 1830 l'adresse des 221 qui est une dclaration par laquelle les dputs s'attaquent au gouvernement Polignac en affirmant que celui-ci ne correspond pas aux demandes de la nation. Le roi rplique en dissolvant la chambre des dputs le 16 mai 1830. De nouvelles lections en juillet qui sont un nouvel chec pour Charles X : 274 siges l'opposition, 143 pour les partisans de Polignac. Au lieu de s'incliner face aux vnements, Charles X tente un coup de force : 25 juillet 1830, il adopte autoritairement 4 ordonnances qui visent museler l'opposition mais surtout contourner purement et simplement la dcision des lecteurs. La premire met fin la libert de la presse rtablie entretemps, les autres prononcent la dissolution de la chambre des dputs qui n'a donc jamais siger, modifie la lgislation lectorale et annonce la tenue de nouvelles lections. Les ordonnances sont connues paris le 26 juillet et provoque la rvolution des 3 glorieuses. 27/28/29 juillet 1830 : journes au cours de laquelle paris se couvre de Barricades. Charles X est contraint abdiquer et c'est la fin de la restauration et le dbut de la monarchie de juillet. Cf. tableau d'Eugne Delacroix.

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SECTION II :

LES DONNES CONOMIQUES ET SOCIALES.

Faible dveloppement conomique, ni une grande volution au niveau social. Cela distingue la France de la Grande-Bretagne, car celle-ci est entre bien avant dans l're de la rvolution industrielle ( partir du dernier quart du XVIII). La rvolution industrielle est une transformation de grande envergure intervenue dans tous les pays europens mais des dates bien diffrentes. Elle produit ou conduit au passage d'une conomie base sur l'artisanat et l'agriculture une conomie dsormais fonde sur la grande industrie et la concentration des moyens de production. Une mutation de ce type est intressante, car cela produit des rpercussions sociales considrables : dsertification des campagnes, entassement des ouvriers dans certains quartiers/villes, dveloppement d'une certaine misre ouvrire, un dveloppement parallle de trs grandes fortunes financires d'un cot et une grande misre de l'autre cot. Cela ne se produit pas en France alors. Elle est pargne cette poque, alors qu'elle se dveloppe depuis plusieurs dcennies en grande Bretagne. Entre 1814 et 1830, l'conomie franaise continue a tre base sur l'agriculture qui a du mal a intgrer les progrs techniques dans ses modes de production. Le poids de l'industrie reste minoritaire. Ce n'est que sous la monarchie de juillet que l'industrie va connaitre en France une ascension spectaculaire. Il n'y a que certaines villes qui vont connaitre un essor. Exemple : les manufactures de coton qui prosprent Rouen, Basse Normandie, Lyon (Soyaux). La priode de la restauration est la priode du dveloppement des petites entreprises. On assiste ni une urbanisation massive, ni une dsertification des campagnes. En 1830, la population urbaine reprsente 30% de la population franaise, alors qu'elle est de 70% en Angleterre. Consquence : la priode 1814-1830 n'est pas frappe par le phnomne de concentration ouvrire qu'on verra dans les dcennies qui suivent. En France, sous la restauration, on a tendance sous traiter les activits la campagne, par des particuliers ou micro entreprise. Pourquoi cette diffrence ? Le facteur principal est technologique : la rvolution industrielle doit beaucoup la machine vapeur invente en Angleterre au dbut du XVIII et amliore en 1869 par James Watt. Cela a permis de mcaniser l'industrialisation. En 1830, environ 600 machines vapeur en France contre 3000 en grande Bretagne. Les industriels franais ont donc t beaucoup plus lents prendre~ 12 ~

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conscience de l'importance de cette invention. Retard du en partie la rticence qu'avaient les franais qui ne voulaient pas bouleverser leur industrie, mais galement du l'absence de banque d'affaire (systme qui permet de produire aux industriels des capitaux en masse).il faut attendre 1837 pour que la premire banque d'affaire fasse son apparition en France. Il faut savoir que pendant longtemps, l'Angleterre a voulu garder son secret de fabrication. Elle a bloque galement l'exportation des machines vapeur. Il faut attendre la monarchie de juillet pour que toutes les rglementations restrictives disparaissent et que le dveloppement des machines vapeur commence. Entre 1833 et 1838, le nombre de machine a doubl. On a donc une relative stagnation de l'conomie franaise qui a pour mrite de permettre une certaine paix sociale durant la restauration. Les annes 1814-1830 sont le triomphe de l'aristocratie et des grands propritaires fonciers qui vont exercer sous la restauration une influence politique plus importante que jamais. La bourgeoisie n'est pas pour autant affecte par les volutions rcentes puisqu'elle conserve l'ensemble des acquis de la rvolution et de l'empire, tant sur le plan politique qu'conomique. Les masses populaires semblent de 1814 1830 la fois endormies et peu politises. Elles ne disposent d'aucune conscience de classe, elles ne cherchent donc pas s'organiser pour dfendre leur intrt. Le monde ouvrier est trs divis gographiquement, donc il ne parvient pas crer une relle unit. Il faudra attendre le second empire ou les dbuts de la III rpublique pour assiste la naissance d'une vraie conscience de classe. Le manifeste du parti communiste de Marx n'est publi qu'en janvier 1848. Les quelques troubles observs sous la restauration ne sont pas des rvoltes de nature politiques. Les troubles principaux se produisent en 1816 et 1817, mais ce sont des meutes de la faim, provoques par l'augmentation brutale des prix. Apparition de conflits sociaux ou politique la monarchie de juillet. Pour le moment, le monde ouvrier est la rsignation et l'acceptation silencieuse de la situation. La rvolution de juillet 1830 ne peut pas tre considre comme l'uvre des masses populaires. Les ouvriers parisiens ont contribu au succs de cette rvolte, mais sans disposer de leur propre mot d'ordre et sans ide politique. Rvolution mene par la bourgeoisie librale qui a su jouer un rle moteur et profiter de la rvolution. Le petit peuple parisien a t flou puisqu'appel sur les barricades au nom de la concorde nationale, de la libert retrouv, mais il n'en a lui-mme tir aucun fruit politique, car la monarchie de Charles X a t remplace par la monarchie de Louis Philippe d'Orlans qui marquera le triomphe de la bourgeoisie librale.~ 13 ~

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SECTION III :

LES TRACES MMORIELLES.

D'une manire gnrale, cette priode n'a pas laiss beaucoup de trace dans la mmoire collective. Tout comme le rgime de la monarchie de Juillet. Toutes deux semblent projetes dans l'ombre par l'pope napolonienne d'un cot, et de l'autre la rvolution de 1848. Ces priodes (1814-1848) apparaissent comme ternes, dpourvues d'vnements marquant, dnues de tout hritage. Cette image n'est pas la ralit historique. Ces priodes sont plus riches, plus fondatrices qu'on le croit. Elles nous ont marqu de faon plus importante qu'on le croit, notamment dans le domaine public. C'est entre 1814 et 1848 que le pays va faire connaissance du parlementarisme qui s'est donc cre en France dans deux rgimes monarchiques. L'autre hritage de cette priode est de matire du droit montaire, qui nous vient principalement de la restauration. Ce phnomne d'oubli comporte deux exceptions importantes : Au sein des milieux royalistes franais : conserve aujourd'hui encore un souvenir vivace de la restauration. Le personnage de Louis XVIII est trs prsent dans la mmoire des royalistes et fascine en gnral les monarchismes modrs, ceux qui prnent une alliance entre le libralisme politique et la tradition hrditaire. Charles X en revanche est le modle des monarchistes les plus extrmistes, les nostalgiques de l'ancien rgime et qui rejettent les acquis de la rvolution de 1789. Sympathie de tous les lgitimistes, alors qu'ils vouent une haine viscrale Louis Philippe d'Orlans. Les amoureux de la littrature raliste franaise : connaissent mieux que quiconque la socit du XIX (les misrables de Victor Hugo, la comdie humaine de Balzac etc.). La comdie humaine dcrit l'ensemble des milieux, des couches sociales de cette poque.

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CHAPITRE II :

LES ASPECTS POLITIQUES ET

CONSTITUTIONNELS

Restauration sous l'angle du droit public, notamment du droit constitutionnel. Etude qui prsente deux intrts : Permet de mieux cerner les paradoxes des nouveaux rgimes, qui hsitent choisir entre modernit et archasme, entre rupture et continuit. Nous verrons leur concrtisation constitutionnelle. Dgager les points solides, les legs durables de la restauration sur le plan juridique. Etude importante qui montrera que nous devons la restauration des lments centraux dans les rgimes politiques contemporains : les mcanismes du parlementarisme et celui du contrle budgtaire.

Section I : rupture ou continuit : les paradoxes politiques du nouveau rgime.

I.Dclaration de Saint-Ouen du 2 mai 1814 : annonce des futurs paradoxes. C'est une rponse faite par le comte de Provence aux membres du snat imprial qui lui proposaient depuis le 6 avril d'accepter une constitution rdige par leur soin et de prter serment cette constitution en qualit de roi des franais. Le comte de Provence avait refus cette proposition par cette dclaration de SaintOuen, montrant qu'il ne se soumettrait pas politiquement au snat. A)Une grande fermet de principe. L'enjeu essentiel de cette dclaration est celui de la souverainet politique, ou de la lgitimit du pouvoir. Nous sommes dans une priode de transition constitutionnelle, de vacances gouvernementales, par consquent le problme fondamental en 1814 est de savoir qui a comptence pour dicter une nouvelle constitution, pour fixer, par un acte de volont, les nouvelles rgles de la vie politique. Chacun sait que l'ide de constitution est lie l'ide de souverainet depuis la~ 16 ~

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rvolution franaise. C'est donc au souverain que revient le pouvoir d'adopter le texte de la constitution. cet acte est mme le premier signe de l'autorit du souverain. Dans ce contexte, la premire phrase de la dclaration donne une ide assez prcise de l'intention du comte : "Louis, par la grce de dieu, roi de France et de Navarre". C'est donc une rponse ngative la demande du snat, car il se considre dj comme roi, il n'accepte donc pas la manire dont le snat peroit les choses : un simple particulier invit monter sur le trne en se soumettant aux ides des snateurs. Louis XVIII estime que son titre, son droit rgner est plus ancien et trs antrieure la proposition snatoriale. C'est cohrent avec les dclarations passes du comte de Provence puisqu'il s'est proclam roi ds 1795 dans la dclaration de Vrone. Il utilise la formule roi de France et de Navarre alors que le snat voulait qu'il soit roi des franais. C'est une diffrence lourde de signification. L'expression roi des franais est une invention des rvolutionnaires de 1789 qui voulaient par cette expression signifier que Louis XVI ne rgnait plus qu'en vertu de la seule volont des franais. Accepter ce titre reviendrait accepter le principe de souverainet nationale. C'est pour cela qu'en 1814, Louis XVIII prfre faire retour au titre port par ses anctres. En agissant ainsi, il indique clairement qu'il refuse toute ide de monarchie contractuelle. Le peuple ou la nation ne sont donc en aucun cas souverain. "Par la grce de dieu" : rfrence de Dieu, trs explicite donc au droit divin. Cette notion renoue avec la tradition d'ancien rgime, puisqu'avec cette seule formule, Louis XVIII affirme qu'il tient ses pouvoirs de dieu lui-mme. Cette formule suffit comprendre la position de principe du comte de Provence, qui dnie toute lgitimit politique aux snateurs ou la nation. Cette phrase est la plus claire et la plus ferme. Le reste de la dclaration est l pour dulcorer la position, de la rendre plus acceptable aux snateurs et la population. Pour la faire accepter, Louis XVIII va d'abord donner des lments d'explication et faire des promesses. Les premiers lments d'explication portent sur les circonstances de l'arrive au pouvoir de Louis XVIII : "rappel par l'amour de notre peuple au trne de notre pre,

clair par les malheurs de la nation que nous sommes destin gouverner".Rfrence la nation. Le roi explique qu'il est ramen sur le trne par l'amour de son peuple. Cette formule ne signifie pas qu'il s'estime choisit par la population, en raison de la tonalit gnrale du document (premire phrase notamment). Il ne dit pas qu'il est appel mais qu'il est rappel. Le choix du verbe rappeler sous entend que le trne tait dj occup antrieurement par la mme personne, et qu'il y a donc seulement rtablissement d'une situation antrieure. Il y a un droit antrieur rgner.~ 17 ~

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"Le trne est celui de ses pres" : formule qui rfre la tradition historique et l'hrdit royale. Il se situe dans la continuit de ses anctres. "La nation que nous sommes destin gouverner" : il s'estime destin rgner, ce qui sous entend qu'il tait ds sa naissance destin devenir roi. La rfrence l'amour du peuple pour les Bourbons est une formule purement rhtorique, qui n'a pas de ralit historique et dnu de notion politique, puisqu'il fait rfrence l'autorit royale. Explication sur les motifs de son refus aux snateurs : elles sont sommaires et masques les vritables raisons du refus du monarque. C'est sur le fait que, malgr de bonnes bases, des articles sont empreint de prcipitation, que Louis XVIII refuse la constitution. s'il ne rentre pas davantage sur les dtails des dfauts supposs de la constitution snatoriale, c'est parce qu'en vrit, ce n'est pas le contenu du projet snatorial qui le chagrine, mais le principe et sa procdure d'adoption. Le projet des snateurs prvoyait la mise en place d'une monarchie limite avec un lgislatif bicamral sur le modle anglais et une prservation des acquis de 89. Louis XVIII adopte a peu prs la mme chose. Cette constitution snatoriale correspond fortement la charte de 1814. C'est une question de principe que le refus du roi. Il ne s'entendait pas laisser dicter la constitution du nouveau rgime par une ancienne assemble du dfunt empire. Il entendait imposer lui-mme le nouveau texte constitutionnel, quitte s'inspirer largement des propositions des snateurs. Louis XVIII a donc une volont de jouer un rle actif dans le processus constituant, volont illustre par une phrase : il se dit "rsolu adopter une constitution librale". S'il revendique un pouvoir d'adoption, il dcide donc d'avoir le pouvoir constituant. La suite de la dclaration va prciser le rle que le roi compte laisser aux assembles dans le processus constituant. Rle minime : "nous convoquons le snat et le corps lgislatif en mettant sous leurs yeux le travail que nous aurons fait". Remarque : La dclaration de Saint-Ouen ne dit pas que le texte doit tre soumis l'acceptation par les dputs. Il dit simplement que le texte doit tre sous leurs yeux, donc les deux chambres ne disposeront d'aucun pouvoir d'acceptation ou de rejet. Elles seront simplement informes du travail. Le processus de rdaction de la constitution : "le travail que nous aurons fait avec une commission choisie dans le sein de ces deux corps". Il associe donc le snat et le corps lgislatif. Mais cette promesse a t respecte dans ces~ 18 ~

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grandes lignes, car la commission va comporter 9 dputs et 9 snateurs, cependant ces reprsentants ont jou un rle mineur en pratique. Louis XVIII a dcid d'adjoindre ces 18 personnes 3 commissaires royaux : le comte Beugnot (ancien prfet de napolon, directeur de la police en mai 1814), le comte Ferrand (nomm par le roi la direction des postes), l'abb de Montesquiou (dont le roi s'est attach ses services comme ministre de l'intrieur). Cette commission est prside par Charles-Henry Dambray, ministre de la justice de Louis XVIII. Beugnot, Ferrand et Montesquiou taient des proches du roi, ce sont eux qui ont exerc l'essentiel du travail de rdaction. Louis XVIII entendait contrler le travail de rdaction pour ne pas tre considre (la charte) comme uvre des chambres. Intransigeance sur le plan des principes : raffirme que le roi est de France et de Navarre, raffirme sa filiation hrditaire, que le roi n'a pas adopter le texte snatorial, mais que c'est au monarque qu'appartient le droit d'adopter une constitution pour le pays, mme si rien ne l'empche d'en adopter une qui soit d'inspiration librale, ce que va promettre Louis XVIII dans la deuxime partie de la dclaration. A)L'existence de concessions importantes. La grande particularit de la restauration est de chercher renouer la chaine des temps, c'est--dire qu'il cherche se raccrocher la priode de l'ancien rgime tout en occultant la priode de la rvolution et les rgimes napoloniens. Au-del de cette volont affiche, la restauration va se situer sur bien des points dans la continuit de la rvolution et de l'empire. La rupture historique de 1814 n'est pas complte, puisque le nouveau rgime va conserver certains legs des rgimes prcdents. La dclaration de Saint-Ouen contient une liste assez concise de ces lments prservs, qui sont prsents par Louis XVIII comme tant des garanties, des moyens de rassurer tous ceux qu'une restauration monarchique pure et simple n'aurait pas manqu d'effrayer. Ces principes constituent des concessions en faveur de l'esprit du XVIII sicle. Ils forment les bases de la future constitution, c'est sous ce titre (base de la future constitution) que la dclaration de Saint-Ouen sera publie dans les tables du bulletin des lois (= JO).

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1)Les concessions touchant l'organisation des pouvoirs publics. "Le gouvernement reprsentatif sera maintenu tel qu'il existe, divis en deux corps : le snat et la chambre compose des dputs des dpartements". Il y a un flottement terminologique. En 1814, dans la charte, la chambre basse s'appellera bien chambre des dputs, mais la chambre haute ne sera pas le snat mais la chambre des pairs. Il y a une volont de rupture avec le vocabulaire imprial. Ce passage minimise la porte des innovations apportes par la future charte. La dclaration est sur ce point assez modeste. Les constitutions napoloniennes avaient totalement mis mal le systme reprsentatif de la rvolution. Le fameux systme des listes de confiance taient des simulacres d'lections. Les rformes ultrieures de l'an X et XII ont rduit encore le pouvoir de la chambre basse. e n'est pas au maintient mais la restauration des lections que l'on assiste. C Les chambres sont dotes de vrais pouvoir, ce qui n'existait plus sous Napolon. En restaurant de vraies lections, la restauration fait preuve d'une incontestable modernisation politique. "Les juges seront inamovibles, et le pouvoir judiciaire indpendant". Ici encore, il y a la volont de tenir compte de l'exprience des 25 annes coules puisqu'on n'opre pas de retour au systme de l'ancien rgime. La dclaration de Saint-Ouen laisse certaines questions importantes en suspens : Responsabilit des ministres devant les chambres : responsabilit politique ou pnale ? Cette solution conditionne le parlementarisme. C'est la charte de 1814 et la pratique politique qui compltent les silences et lacunes de la dclaration de SaintOuen. 2)Les concessions touchant aux liberts individuelles. Dans cette dclaration Louis XVIII annonce : La protection de la libert publique et individuelle Le respect de la volont de la presse La garantie de la libert de culte Le caractre inviolable et sacr du droit de proprit

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Tous ces points rappellent la DDHC de 1789 et constituent des concessions assez nettes en faveur des ides librales issues de la rvolution, plus prcisment des Lumires. On peut faire la mme remarque au sujet de deux principes : le consentement l'impt et l'gale admissibilit aux emplois civils et militaires. La particularit de ces deux droits est d'tre des droits rservs aux seuls titulaires de la citoyennet. Ils sont expressment repris dans le texte de la dclaration de SaintOuen. La seule prcision est que la distinction entre individu et citoyen tend s'obscurcir sous la restauration, dans la mesure o tous les habitants du royaume sont officiellement considrs comme des sujets. Cette liste de droits garantis par le nouveau rgime sera reprise et commente dans la charte constitutionnelle du 4 juin 1814. La confirmation de ces droits en 1814 n'est pas dpourvue d'une certaine ambigut. 1)Les concessions touchant aux acquis conomiques et sociaux. Il va confirmer ds mai 1814 diffrents acquis conomiques ou sociaux issus de la rvolution et de l'poque impriale. Il fait ici preuve d'une certaine clairvoyance politique, puisque cette attitude va lui permettre de rassurer un grand nombre de franais qui n'entendaient pas perdre ce qu'ils avaient acquis ou gagn durant les deux dernires dcennies. Il rassure la petite et moyenne bourgeoisie en proclamant que " la vente des

biens nationaux restera irrvocable". C'est un argument essentiel, car on aurait pucraindre qu'un retour des Bourbons s'accompagne d'une restitution des biens confisqus l'Eglise et certains nobles migrs. "La dette publique sera garantie", ce qui signifie que l'Etat assumera les dettes de la rvolution et de l'empire au nom de la continuit de l'Etat. Promettre d'assumer les dettes est le moyen de rassurer les nombreux cranciers de l'Etat. L'attitude contraire se serait rvle conomique financirement, mais coteuse politiquement. Louis XVIII a su faire un choix judicieux. La dclaration de Saint-Ouen mentionne aussi le maintien des distinctions militaires ou honorifiques, et promet de conserver la lgion d'honneur et la noblesse impriale. On annonce aussi le rtablissement de la noblesse d'ancien rgime, mais uniquement titre honorifique. Cette volont de maintenir toutes les distinctions honorifiques signifie que l'heure est l'apaisement et la rconciliation nationale.

I.Le paradoxe concrtis : la charte constitutionnelle du 4 juin 1814.~ 21 ~

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C'est un texte important. Unique texte constitutionnel de la restauration, il va donc rgir le mcanisme des pouvoirs publics, de 1814-1815 1830. C'est un texte paradoxal, mais qui en vrit sa propre logique. Cette charte est un compromis qui vise satisfaire deux groupes importants mais adverses : celui des hritiers de l'ancien rgime et celui des hritiers idologiques de la rvolution. Ce sont les ultras royalistes qui se montreront les plus critiques vis--vis du nouveau texte constitutionnel. Ils estimeront que ce texte fait une part trop belle aux acquis de 1789. En revanche, elle va devenir le modle des monarchistes modrs et de certains libraux, qui vont tre sduits par l'quilibre constitutionnel subtil instaur par ce texte. En vrit, la seule partie de la charte de nature satisfaire les ultras est son prambule, rdig dans ce but, pour prserver les apparences monarchistes. Mais ce prambule ne suffit pas compenser le contenu mme de la charte qui comporte de grandes concessions en faveur des ides du XVIII.cette charte s'inscrit rsolument dans la modernit politique. Elle instaure une monarchie limite d'inspiration librale, malgr les formules passistes qui figurent en prambule.

A)Le prambule : un retour apparent l'Ancien Rgime. C'est un document assez long, rdig par le comte Beugnot la demande de Louis XVIII. La charte commence par la mme phrase que la dclaration de Saint-Ouen, dans le pur style de l'ancien rgime, mention utilise par la suite dans tous les actes royaux sous la restauration. Clture du prambule : l'objectif est de montrer que la charte dpend uniquement de l'autorit royale, lui seul est comptent pour adopter un tel texte. Mcanisme invoqu est celui de l'octroi qui existait sous l'ancien rgime, quand le roi accordait des privilges certaines villes par les chartes de franchise. D'o le nom du nouveau texte : charte constitutionnelle. Cela prserve l'apparence de la souverainet du roi, car tout ce qui suivra sera considr comme des concessions volontaires et unilatrales, rien d'autre qu'une autolimitation du pouvoir royal. "La divine providence, en nous rappelant dans nos Etats aprs une si longue

absence", rfrence au droit divin. Cette formule montre que Louis XVIII prtendrgner par la volont de Dieu lui-mme.

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"L'autorit toute entire rside en France dans la personne du roi", expressionqui vise renouer avec les traditions d'ancien rgime, elles s'apparentent des fanfaronnades, puisque le roi annonce en mme temps l'autolimitation de ses propres pouvoirs. Ce dsir de retour symbolique l'ancien rgime est illustr par le fait que la charte est date de la 19me anne du rgne de Louis XVIII. Cette datation permet de faire comme si Louis XVIII tait roi depuis 1795 : dclaration de Vrone et mort de Louis XVII. Ce procd instaure la fiction de la continuit monarchique, c'est--dire qu'en droit, les Bourbons sont censs n'avoir jamais perdu leur droit lgitime rgner. Le prambule prsente les vnements rvolutionnaires comme de simples lments de pur fait ayant empch le rgne des Bourbons. "En cherchant renouer

la chaine du temps, que de funestes carts avaient interrompue, nous avons effac de notre souvenir, comme nous voudrions qu'on put les effacer de l'histoire, tous les maux qui ont afflig la patrie durant notre absence.".Le prambule contient une nouveaut : essaie de justifier les concessions faites par le roi dans la suite de la charte. "Nos prdcesseurs n'avaient point hsit

modifier l'exercice de l'autorit royale suivant la diffrence des temps". Il souligneque certains rois ont limits leur pouvoir avec un ordre judiciaire indpendant ou des franchises faites aux communes. Cette attitude lui permet de donner une image positive de la monarchie des sicles couls, pour donner l'image d'une monarchie rformatrice, ouverte aux volutions de la socit et prte limiter ses propres pouvoirs s'il le faut. Louis XVIII va dire que lui aussi, comme ses anctres, est dcid rformer les institutions de l'poque. Louis XVIII idalise le pass monarchique. Les rformes prcdentes n'ont jamais concernes la sphre politique au sens stricte, c'est pour cela en partie que l'ancien rgime s'est effondr. Louis XVIII fait rfrence l'volution des esprits "depuis un demi-sicle, et

les grandes altrations qui en sont rsult", donc on remonte jusqu'aux annes 1760.C'est habile, car c'est un moyen de dtacher la modernit politique de la rvolution, moyen qui permet au roi de se dsolidariser de l'volution qui a suivie. Cela va permettre Louis XVIII de se prsenter comme un moderne, tout en refusant les idologies de la rvolution. Le prambule insiste beaucoup sur le besoin de rconciliation des franais. Le but de ce prambule est donc de sauvegarder les apparences. Le vocabulaire employ est celui de l'ancien rgime. Officiellement, le roi modernise le pays volontairement. Mais il faut comprendre que cette posture est totalement artificielle,~ 23 ~

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hypocrite. En effet, le contexte politique du moment interdit videmment un retour pur et simple l'ancien rgime.

B)Le texte constitutionnel : l'instauration d'une monarchie librale. Cette charte constitutionnelle du 4 juin 1814 comporte 76 articles rpartis en 8 titres. 1)Le "droit public des franais" (titre 1). Ce titre constitue une sorte de dclaration des droits. Il comporte au total 12 articles qui vont reprendre l'essentiel des acquis de la rvolution. Mais l'lment important est que les droits qui sont mentionns en 1814 n'ont pas le mme statut qu'en 1789. En effet, la dclaration des droits de l'homme de 1789 prtendait uniquement rappeler des droits prexistants. Elle reposait sur l'ide de droits naturels et affirmait que ces droits appartenaient aux individus en raison mme de leur appartenance au genre humain. L'Etat d'esprit est compltement diffrent en 1814 : on ne trouve aucune trace de cette philosophie des droits naturels. Donc les droits mentionns par la charte sont des droits octroys, concds, accords par le roi ses sujets par le libre exercice de son autorit royale. Ils ne sont donc protgs que dans la mesure o le roi les veut bien. La charte de 1814 reprend, confirme cependant la majeure partie des droits proclams en 1789. Elle apparait cet gard comme plus librale que les constitutions de l'empire et de 1795. Les trois premiers articles confirment le maintient de l'galit civile. Article 1er : "les franais sont gaux devant la loi, quelque soit leurs titres et leurs rangs". Il est en quelque sorte complt par l'article 71 : "la noblesse ancienne reprend ses titres.

La nouvelle conserve les siens. Le Roi fait des nobles volont, mais il ne leur accorde que des rangs et des honneurs, sans aucune exemption des charges et des devoirs de la socit". Donc il n'y a pas rtablissement des privilges, donc il y a galit civile.Cette proclamation de l'galit civile est un point essentiel, car signifie que la charte refuse de faire retour la socit d'ancien rgime. Cet article premier a suscit la colre des plus extrmistes des ultras. Ce principe est appliqu par les articles 2 et 3 : "les franais contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux

charges de l'Etat" (galit devant l'impt) et "ils sont tous galement admissibles aux emplois civils et militaires" (galit d'admissibilit aux emplois publics). Il n'y a pas de~ 24 ~

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rtablissement des privilges fiscaux et des emplois rservs, donc on tient compte de l'opinion publique de l'poque. La protection des liberts individuelles (articles 4 8). Article 4 : sret (interdiction des arrestations arbitraires). Le seul article relatif la sret interdit seulement les arrestations arbitraires. Elle est traite rapidement par la charte, alors que la DDHC en tait trs riche. Le problme de la libert religieuse est traite par les articles 5 7, qui proposent une solution originale, surprenants, puisqu'ils indiquent d'abord que la religion catholique redevient religion d'Etat, que les ministres du culte vont percevoir un traitement de la puissance publique, donc on a un retour de l'engagement de l'Etat sur le plan confessionnel. Mais l'article 5 de la charte prcise que "chacun professe sa religion avec une gale libert et que chacun

obtient pour son culte la mme protection".L'article 8 est consacr la libert d'expression, plus prcisment par voie de presse. On proclame la libert de la presse et libert d'expression, tout en mentionnant la possibilit de limiter cette libert par voie lgislative. Cette lgislation sur la presse variera beaucoup sous le rgime de la Restauration. La presse va en effet contribuer au dveloppement du mcontentement populaire en 1815 et en juillet 1830. La proprit prive : voque par les articles 9 et 10 et est dclare par ces articles comme inviolable. Article 9 :"toutes les proprits sont inviolables, sans exception de celles qu'on appelle nationales, la loi ne mettant aucune diffrence entre elles". Donc les biens nationaux sont galement inviolables. Toutefois, l'article 10 prvoit des possibilits d'expropriation pour cause d'utilit publique. Il fait penser la DDHC puisqu'il dit qu'on peut exproprier mais avec une indemnit pralable et pour des raisons d'intrts public lgalement constats. Les articles 11 et 12 sont des mesures d'apaisement, pour rassurer les franais. Ils interdisent dans l'article 11 de tenir compte des opinions ou des votes mis avant la restauration, et par l'article 12 ils abolissent la conscription militaire. Ces mesures visent rassurer les membres des anciennes assembles rvolutionnaires (article 11), en particulier ceux qui ont vot la mort du roi. L'article 12 abolie la conscription, le service militaire, ce qui rassurait toutes les familles qui ont perdu des fils durant les guerres rvolutionnaires et surtout de l'empire. Donc retour une arme de mtier. 2)L'organisation des pouvoirs publics (titres 2 8) Le texte de la charte fait intervenir 4 grands acteurs : le roi, les ministres du roi, la chambre des pairs, la chambre des dputs des dpartements.

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a)Le roi Il est la cl de voute du nouvel difice constitutionnel. Il est prsent par la charte comme le chef suprme de l'Etat et l'article 13 prcise que "la personne du roi

est inviolable et sacre []". Dire que la personne du roi est inviolable signifie que leroi dispose d'une immunit juridique, et d'autre part que sa responsabilit politique ne peut pas tre mise en cause par les deux chambres. Ce systme tait dj prvu par la constitution de 1791 et deviendra un attribue traditionnel du chef de l'Etat franais partir de la loi constitutionnelle du 25 fvrier 1875. Le caractre sacr du roi est beaucoup plus problmatique dans le contexte de la restauration, puisqu'implique la crmonie du sacre. Louis XVIII aura l'intelligence de ne jamais se faire sacrer, de toujours repousser la date de son sacre. En vrit, sa sant n'tait pas en cause. Il savait simplement que se faire sacrer en plein XIX sicle tait de nature drouter les franais. Son frre se fera sacr Reims le 29 mai 1825 (dernier sacre de l'histoire de France), acte qui contribuera discrditer Charles X. Les chansonniers de l'poque ne manqueront pas de se moquer en parlant du sacre de Charles le simple. La charte est muette sur un point essentiel : elle ne dit rien sur les modalits de dsignation du roi. On retourne aux lois fondamentales du royaume. Cela signifie donc que la couronne se transmet de mle en mle et par ordre de primogniture dans la ligne des Bourbons. C'est grce cette rgle non crite que Charles X va succder Louis XVIII en septembre 1824, succession qui aura lieu automatiquement, sans dlai, en application du vieil adage : le roi est mort, vive le roi. La charte du 15 juin 1814 donne des pouvoirs trs importants au monarque. Il va jouir d'abord des prrogatives traditionnelles d'un chef de l'excutif, mais galement rcuprer des attributions qu'on avait confies aux chambres dans les constitutions rvolutionnaires. Ces pouvoirs sont mentionns par l'article 14 : droits essentiels du roi : Il est le chef des armes Dclare la guerre et fait les traits d'alliances et de commerce Il nomme tous les emplois d'administration publique Fait les rglements et les ordonnances ncessaires pour l'excution des lois et la sret de l'Etat. Lees ordonnances ncessaires pour la sret de l'Etat : cela permet au roi de lgifrer par voie d'ordonnance, si le roi estime que la sret de l'Etat est menace. Cela est important car Charles X utilisera cette disposition en juillet 1830 pour tenter de briser l'opposition qu'il rencontrera cette poque.~ 26 ~

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Les pouvoirs du roi dans le domaine lgislatif : cela est trs officiel. Article 15 : "la puissance lgislative s'exerce collectivement par le roi, la chambre des pairs et la

chambre des dputs des dpartements". Comment le roi participe-t-il : il bnficiedu roi d'initiative lgislative, il jouit mme d'un monopole en la matire, puisqu'avec les articles 16 et 19, la seule possibilit aux chambres est de supplier le roi de proposer une loi. C'est la situation inverse de la constitution de 1791. C'est important car la charte donne ainsi au roi un instrument qui lui permet de jouer un rle actif. Celui qui a l'initiative lgislative est en principe le seul pouvoir mener une politique. En revanche, la charte autorise quand mme le dveloppement d'un rle dynamique des chambres, condition que le roi consente lui-mme un tel dveloppement. Une fois que le texte a t propos par le roi, le projet de loi devait tre discut et vot par la majorit des deux chambres. L'article 46, toutefois, indiquait que seuls les amendements accepts par le roi pouvaient tre pris en compte dans le texte final. De plus, le texte final (article 22) ne pouvait entrer en vigueur qu'avec l'assentiment du monarque, puisque "le roi sanctionne et promulgue la loi", donc il disposait d'un vto absolu. Ce vto absolu est une innovation. Les moyens de contrle du roi sur le pouvoir lgislatif : Le roi tait totalement maitre de la composition de la chambre des pairs. (article 27). Le roi nommait galement le prsident de chaque chambre (articles 29 et 43). Il a un pouvoir de convocation des deux assembles (article 25). Cela donnait au roi une certaine maitrise du pouvoir lgislatif. Article 50 : permet au roi de dcider de la dissolution de la chambre des dputs. Cela est trs important, car va jouer un rle dans le dveloppement du parlementarisme. La charte donnait donc des pouvoirs importants au roi, qu'il tait associ au processus lgislatif et disposait de processus de contrle direct sur les chambres. Par consquent, il tait mme s'il le souhaitait de jouer un rle politique actif. Le roi pouvait aussi dcider de s'effacer derrire le gouvernement ou de laisser les chambres jouer leur influence. a)Les ministres du roi Dans l'exercice de son pouvoir excutif, le roi tait assist de ministres qu'il choisit en principe librement. L'article 13 indique que ces ministres sont responsables. Mais il ne mentionne pas la nature de cette responsabilit ni devant qui elle s'exerce. Toutefois, les articles 55 et 56 prcisent que ces ministres ne peuvent tre accuss et jugs par les deux chambres qu'en cas de trahison ou de corruption, donc qu'en cas d'infractions pnales prcises. En droit, juridiquement, d'aprs la charte, les chambres ne peuvent pas renverser un gouvernement dont la politique lui semblerait~ 27 ~

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mauvaise. Seul le roi dispose du pouvoir de renvoyer des ministres qui ne donnent pas satisfaction. Toutefois, la charte contient des dispositions de nature renforcer les liens entre les ministres et les deux chambres. L'article important est l'article 54 : "les ministres peuvent tre membres de la chambre des pairs ou de la chambre des

dputs ; ils ont leur accs dans l'une et l'autre chambre et doivent tre entendus lorsqu'ils en font la demande". Cet article est important car il instaure une obligationde collaboration entre les chambres et les ministres. Cela va inciter le roi choisir son ministre en fonction de la majorit qui se dgage dans les chambres. En effet, agir autrement reviendrait prendre le risque de bloquer entirement le systme dans la mesure o les chambres ont toujours le pouvoir de repousser les projets de l'excutif. Une ordonnance du 9 juillet 1815 a modifi le statut des ministres en prvoyant que ceux-ci formeraient dsormais un cabinet unitaire et solidaire qui est plac sous l'autorit d'un personnage qu'on appelle le prsident du conseil. Cela a permis au gouvernement de prendre une certaine autonomie vis--vis du monarque, et a jou un rle dans le dveloppement du parlementarisme. b)La chambre des pairs C'est une adaptation franaise de la chambre des lords britannique. C'est donc une chambre d'inspiration aristocratique qui a une particularit, puisqu'elle regroupe la fois les dignitaires de l'empire rattachs au Bourbons, et les fidles partisans de la monarchie lgitime. Cette chambre des pairs constitue l'instrument de fusion des anciennes et des nouvelles lites. Les membres de la chambre des pairs ne sont pas lus mais nomms par le roi en application de l'article 27 de la charte. Le nombre des pairs est illimit, cela signifie que le roi peut en nommer autant qu'il le souhaite, et peut donc bouleverser sa guise la majorit politique de cette chambre en nommant des fournes de pairs. Cette technique sera utilise trois reprises sous la restauration : en 1819, en 1823 et 1827. Les membres de la famille royale sont membres de droit de cette chambre. Ils acquirent cette qualit de pair ds la naissance, mais n'ont droit dlibratif qu' partir de 25 ans. Ils ne peuvent participer aux sances que sur ordre express du roi. L'article 27 indique que les autres membres sont nomms la chambre des pairs soit titre hrditaire soit titre viager. Cette distinction n'a eu aucune porte pratique puisqu'une ordonnance de Louis XVIII du 19 aout 1815 a supprim la pairie (=systme des pairs) viagre. A partir de 1815 tous les pairs de France seront donc nomm titre hrditaire. La nomination la chambre des pairs tait

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accompagne par la dlivrance d'un titre de noblesse qui allait de celui de Baron jusqu'au titre de Duc. Selon l'article 28, il fallait avoir au minimum 25 ans pour pouvoir tre nomm pair de France. Il fallait galement avoir 30 ans pour avoir une voix dlibrative. Systme qui permettait d'accueillir la chambre des pairs des individus plus jeunes qu' la chambre des dputs. A la chambre des dputs, il fallait avoir au minimum 40 ans pour pouvoir tre lu. Le rle institutionnel de la chambre des pairs et le mme que la chambre des dputs, puisqu'il consiste discuter et voter la loi (article 18). La charte prcise que les propositions de lois peuvent tre dposes indiffremment sur la chambre des pairs ou chambre des dputs, sauf en matire budgtaire o les dputs ont la primaut de l'examen du projet. C'est le dbut d'une longue tradition franaise. Les dlibrations de cette chambre taient secrtes. Il n'y avait pas de compte rendu publi, ce qui explique le dficit de notorit de cette chambre. c)La chambre des dputs des dpartements Ce qui est important est l'existence mme de cette chambre, qui est dj un symbole. En effet, la charte reprend l un des principaux acquis de la rvolution en matire constitutionnelle. C'est le principe reprsentatif qui implique l'existence de dputs lus librement par la nation et investit de la totalit ou d'une partie du pouvoir lgislatif. C'est un principe qui avait t mis mal par napolon Bonaparte, transformant les lections en simulacre. Ce principe reprsentatif fut restaur en 1814 en mme temps que la monarchie lgitime. Fonctionnement : d'aprs l'article 37, les dputs sont lus pour 5 ans mais la chambre se renouvelle chaque anne par 1/5me. Cette disposition vise viter les changements trop brutaux de majorit politique. Ce systme n'a eu toutefois aucune efficacit sous la restauration pour 2 raisons : D'abord en raison des modifications intempestives de la lgislation lectorale, Ensuite en raison des dissolutions nombreuses sous la restauration (6 en 15 ans). L'article 38 fixe les conditions pour tre dput, il dispose qu'aucun dput ne peut tre lu s'il n'a pas 40 ans et s'il n'a pas pay une contribution directe de 1000 francs (= pour tre ligible le montant annuel imposable de la personne doit tre de + de 1000 francs). = > Conditions pour pouvoir tre lu dput leves. On a en tout et pour tout 17000 ligibles au poste de dputs cause de cette condition financire (sur 30 millions d'habitants). C'est donc un systme qui a t critiqu l'poque par les dputs~ 29 ~

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libraux, qui ont dnonc le divorce entre le pays rel et le pays lgal. Le rgime de la restauration se situe sur ce point dans le droit prolongement de la monarchie de 1791 et du rgime du directoire, car ces deux rgimes reposaient sur un systme censitaire et la thorie de l'lectorat fonction. Le nombre des ligibles tait plus restreint en 1791 (10 000) qu'en 1814 (17 000). Pour tre lecteur : les conditions requises sont sommaires dans la charte. Il fallait avoir au minimum 30 ans (vite que des gens ns sous la rvolution soient lecteurs) et payer un impt direct d'au moins 300 francs. La charte renvoyait ensuite la lgislation pour fixer les dtails de l'lecteur. Le nombre total d'lecteur ne dpassera jamais 100 000 quelque soit le montant de l'impt direct. La restauration a t une priode d'intense manipulation en matire de lgislation lectorale. Les gouvernements de la restauration ont eu un libre champ d'action puisque la charte ne fixait pas le nombre de dputs. La lgislation lectorale : les lections d'aout 1815 ont t organises dans la prcipitation sur la base des collges lectoraux lgus par l'empire. Sur ces bases, les lections ont t un succs pour les ultras royalistes (350 siges sur 402). Une ordonnance du 5 septembre 1816 va avoir pour principal objet est de ramener le nombre de dputs de 402 258. Cela n'aura gure d'incidence sur les modalits concrtes de l'organisation. On va essayer de bidouiller les modes lectoraux, cf 2 exemples suivants. La loi Lan du 5 fvrier 1817 institue un collge lectoral unique qui sige au chef lieu du dpartement. On a fait cette rforme pour privilgier les citadins, donc la bourgeoisie librale, alors que le systme antrieure hrit de l'empire favorisait les ruraux et surtout les grands propritaires fonciers. La Loi Lan est propos par le ministre de l'intrieur de l'poque et est adopt par des monarchistes modres. L'ide tait d'essayer de dtruire l'influence de l'aristocratie foncire qui est le principal soutient politique des ultras et dont on imagine qu'une partie d'entre eux ne se dplacera pas pour voter. La loi n'a pas eu l'objectif escompt, puisqu'elle a favoris les libraux qui vont progresss en 1817, et surtout en 1818/1819. Rforme du 29 juin 1820 : loi du double vote. Cette loi modifie le nombre de dputs (258 430) et l'objectif est de renforcer le poids des lecteurs les plus fortuns. La loi ne se dissimule mme pas puisque le quart de la population le plus fortun va tre appele voter 2 fois (arrondissement et dpartement). Cette rforme a t adopte la suite de l'assassinat du duc de Berry et avait pour but de favoriser les ultras. Rforme qui fut efficace, puisque les lections de novembre 18250 ont vu une victoire crasante des ultras.

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Ceux-ci vont modifier une dernire fois le systme lectoral avec la loi du 9 juin 1824 : va porter le mandat des dputs de 5 7 ans et supprime tout renouvellement partiel. Cette loi porte atteinte aux principes de la charte. Ces manipulations ternissent l'image politique, le bilan politique de la restauration. Elles donnent une image d'arbitraire et de corruption qui parait peu compatible avec un vrai systme parlementarisme. Malgr ces manipulations, l'exigit du corps lectoral, c'est sous la restauration que va se dvelopper le parlementarisme. Section II : des pratiques fondatrices : l'amorce du parlementarisme et la mise en place du contrle budgtaire. La charte accordait des pouvoirs importants au monarque, mais rien n'interdisait au roi de faire une interprtation librale de ces dispositions, de se placer davantage en retrait de la vie politique, et donc de laisser le gouvernement et les chambres jouer un rle actif. De loin, le bilan final de la restauration est positif, car le rgime a permis la fois le dveloppement du parlementarisme et le dveloppement du contrle budgtaire, lments qui encrent la France dans la modernit politique. Ces annes laissent un legs certains, positif. Terminologie : le parlementarisme et le contrle budgtaire sont des phnomnes qui sont lis l'un l'autre, mais ne se dveloppent pas la mme vitesse sous la restauration. Le parlementarisme est dans sa phase d'amorce dans les annes 1814/1815. Par contre, le contrle budgtaire s'panouit, se met en place la mme priode. I.L'amorce du parlementarisme En premire approche, le parlementarisme peut se dfinir comme un systme qui conduit une collaboration et un contrle rciproque de l'excutif et du lgislatif. Ce systme est n en Angleterre de manire coutumire et s'y est impos vers le milieu du XVIII. Il y a trois lments essentiels pour caractriser le phnomne parlementarisme : il faut un effacement relatif du chef de l'Etat (arbitre irresponsable), l'existence d'un gouvernement unitaire et solidaire, responsable devant une chambre lue, et enfin il faut un droit de dissolution qu'on confie au monarque qui doit s'engager en faire un usage raisonn. A)L'effacement relatif du chef de l'Etat

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La position des deux monarques de la restauration n'a pas t identique. Louis XVIII avait pass une partie de son exil en Angleterre et avait pu observer les divers avantages du systme parlementaire anglais. Une fois de retour en France, il est dcid ne pas tre le roi de deux peuples. Parce que cela, il va laisser se dvelopper une certaine dose de parlementarisme, car il est persuad que c'est un excellent moyen de canaliser et d'amortir les diffrentes oppositions politiques. Il va accepter de s'effacer quelque peu, par calcul, par rsignation, car il estime que le libre jeu parlementaire peut tre l'instrument de la rconciliation nationale qu'il cherche favoriser. Toutefois, il ne deviendra jamais un simple monarque l'anglaise. Il ne pouvait pas se contenter d'abandonner tout rle sur le banc politique. Il va renoncer gouverner par lui-mme mais va conserver une influence personnelle dcisive en intervenant priodiquement sur son propre ministre. Louis XVIII va utiliser le parlementarisme par calcul politique en allant y puiser des instruments de nature raliser ses projets. Charles X a eu une attitude diffrente. Il entendait pour sa part gouverner. Il a refus de se placer en retrait politique. La fin de son rgne est marque par une rgression du parlementarisme. C'est sa volont de contourner le jeu parlementaire qui va provoquer la rvolution des trois glorieuses. Cette rvolution est le signe de l'importance prise par les parties et l'opinion. Les monarques de la restauration ne pouvaient ignorer l'influence de la presse pou des diffrents groupes politiques. Ils devaient composer avec l'opinion et les partis et tenir compte de leurs opinions. Les opinions des groupes politiques convergent vers une lecture parlementaire de la charte. Il existait trois grandes familles politiques : A gauche, les libraux ou indpendants qui ont toujours t favorables la thse parlementaire. Leur volont tait de mettre en place un authentique quilibre des pouvoirs, qui vise viter les risques de drive autoritaire. Ils pensaient que le roi devait s'effacer de la vie politique dans un rle d'arbitre et devenir une puissance neutre. Ils ont t les seuls soutenir ce point de vue de manire constante tout au long de la restauration. Le point de vue tait variable selon les annes et culmine entre 1817 et 1819. Le positionnement des autres partis volue selon les circonstances. Au dbut de la seconde restauration, quand les ultras sont majoritaires la chambre (Aout 1815-Septembre 1816), ils dfendent avec acharnement la thse parlementaire et rclament un effacement total du monarque. Ils revendiquent~ 32 ~

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le dveloppement du droit d'initiative, du droit d'amendement pour les parlementaires, et soutiennent que la chambre lue doit tre prpondrante dans le vote de la loi et dans le choix des membres du gouvernement. cette poque, les ultras soutiennent l'ide que le roi ne peut rien faire politiquement, et qu'il ne peut gouverner car irresponsable. Ces ides sont des raisons stratgiques. Louis XVIII, que les ultras jugeaient trop timor, force de rsistance, de freinage par rapport aux ambitions de la majorit parlementaire. Preuve que cette thorie est base sur l'intrt : quand Charles X succde, ils dfendent les prrogatives royales en critiquant les liberts parlementaires. Les membres du centre constitutionnel (monarchistes modrs) : chemin inverse. Au dbut du rgime, ils sont rassurs par le caractre assez temporisateur de Louis XVIII et militent donc pour une intervention active de ce roi en niant l'indpendance politique des deux chambres. Mme chose, quand Charles X succde, ils dfendront l'ide que le roi doit jouer un rle limit. Ils vont devenir les champions de la dfense des prrogatives parlementaires. Sur le long terme, ces lments produisent une sorte de convergence des forces politiques en faveur de l'interprtation parlementaire de la charte. L'ide que le roi n'est pas l pour gouverner directement et que les chambres doivent jouer un rle actif la prise va s'imposer dans toutes les tendances politiques, puisque les de pouvoir. Aucun des partis n'a su rsister l'attrait du parlementaires vont se rendre compte que c'est la meilleure thse pour lutter contre parlementarisme. Le roi seul ne pouvait faire fit des mouvements d'opinion qui se dcidait l'intrieur des partis.

A)L'affirmation de la responsabilit politique des ministres Cette affirmation est le complment logique de l'irresponsabilit du chef de l'Etat. Puisqu'il n'est pas responsable, qu'il ne gouverne pas/plus, la fonction de gouvernement va tre confie des ministres responsables eux de leurs actions. Un pouvoir rel ne se conoit pas sans la responsabilit qui va avec. Toutefois, il existe plusieurs formes de responsabilit. Celle qui nous intresse est la responsabilit issue du parlementarisme avec deux caractristiques : Etre de nature politique et devant la chambre lue reprsentative de la nation.

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Elle doit toucher un gouvernement la fois solidaire et homogne, qui se dtache structurellement du monarque. 1)Unit et solidarit du Cabinet Il ne peut y avoir de rgime parlementaire que s'il existe un gouvernement structurellement distinct du roi Autrement dit un gouvernement autonome. La Charte de 1814 n'allait pas dans ce sens ; les article 54 et 56 voquaient les ministres de manire individuelle, sans prvoir l'existence d'un organe gouvernemental collgial. La pratique et la lgislation sont venues corriger cette absence d'unit et de solidarit ministrielle. Evnement important : le premier gouvernement solidaire de la restauration fut le gouvernement Talleyrand, nomm par une ordonnance royale du 9 juillet 1815. Dans ce texte, Talleyrand hrite des fonctions de chef du gouvernement sous le titre de prsident du conseil. Il se trouve investit par ce titre d'une fonction de direction et de coordination ministrielle. Louis XVIII cre ce poste pour donner un caractre d'unit et de solidarit au gouvernement. Malgr quelques vicissitudes, cette unit et cette solidarit vont tre maintenues tout au long de la restauration. Le titre de prsident du conseil va tre port successivement par Talleyrand, Richelieu, Decazes, Villle et Polignac. Martignac sera un chef de gouvernement sans le titre, uniquement ministre de l'intrieur. Il n'est pas aim par le roi. C'est une innovation considrable, puisqu' cot du chef de l'Etat politiquement irresponsable, on trouve dsormais un chef de gouvernement directement impliqu dans l'action politique. Cette ordonnance instaure une distinction entre le chef de l'Etat et le chef du gouvernement qui deviendra classique. C'est la naissance du premier ministre franais, mme si le mot premier ministre n'est pas employ l'poque, pour ne pas froisser la susceptibilit du roi. Le gouvernement devient alors un vritable organe collgial. A partir de l, le gouvernement a son existence propre, indpendante de la personne du monarque. Le chef de gouvernement peut provoquer des runions. Ces runions seront diriges par le prsident du conseil et prendront le nom de conseil du cabinet. Principe de solidarit ministrielle apparat : on considre dsormais que le gouvernement forme un tout cohrent, c'est--dire que ses membres sont tenus pour politiquement responsable de la politique qu'ils mnent. Les ministres doivent se retirer tous ensemble en cas de crise politique. Cette rgle de la solidarit ministrielle sera globalement respecte dans la restauration, mme s'il y a eu quelque cas de dmission individuelle.

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2)La mise en jeu de cette responsabilit politique La charte de 1814 ne prvoyait pas de responsabilit politique des ministres. En effet, le fait de prvoir un contrle de ce type reviendrait reconnaitre une dpendance de l'excutif vis--vis du lgislatif, ce qui n'est gure concevable dans le cadre d'une restauration monarchique. La doctrine officielle sera toujours celle-ci : les ministres ne sont en thorie politiquement responsables que devant le roi, donc le roi les nomme et les rvoque librement. Est-ce que le roi peut se dsintresser de l'opinion des dputs, prendre le risque de nommer un ministre contraire au dsir des chambres ? Peut-il prendre le risque de maintenir la fonction des ministres qui auraient cess de plaire aux chambres ? Rponse de Chateaubriand, membre de la chambre des pairs (ultras), dans son ouvrage la monarchie selon la charte : il exprime une ralit dont les monarques de la restauration seront obligs de tenir compte ; la composition des chambres. Un gouvernement non soutenu par les chambres ne pourra pas gouverner. La chambre des pairs, surtout celle des dputs, disposaient d'une facult d'empcher considrable, puisque les articles 18 et 48 de la charte indiquaient qu'aucune loi et qu'aucun impt ne pouvait tre adopt sans le consentement des deux chambres. Les chambres vont utiliser les pouvoirs des articles 18 et 48 plusieurs reprises pendant la restauration pour montrer leur mcontentement face au roi. C'est la chambre des dputs qui exercera le mieux ce rle de contrle, car c'est la plus active et la plus reprsentative de la nation. Ds lors les chambres ont dvelopp diverses techniques pour montrer leur mcontentement : L'adresse parlementaire : rponse faite par la chambre la suite du discours du trne, par laquelle le roi ouvre chaque session parlementaire. L'adresse vote tait un moyen de manifester l'opposition politique de la chambre, quand ils taient mcontents. Exemple : adresse des dputs de novembre 1821 qui critique la politique trangre mene par le roi et ses ministres, ainsi que l'adresse des 221 de mars 1830 prise contre le gouvernement Polignac qui explique que ce dernier ne dispose pas de l'appui de la nation. Les dbats qui avaient lieu l'occasion de l'examen des ptitions : la charte (art 52) avait donn aux sujets du roi la possibilit de former des ptitions ou des plaintes au pouvoir lgislatif. Une seule condition tait prvue par la charte~ 35 ~

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: il fallait que ces ptitions soient envoyes par crit. L'examen de ces ptitions conduisait des dbats publics, au cours desquels les parlementaires pouvaient demander aux ministres des explications. C'tait donc un moyen de contrler l'activit des ministres et leur gestion, puisqu' la fin des dbats, les parlementaires se prononaient par un vote qui pouvait donner raison l'auteur de la ptition, et donc dsavouer les ministres. Ce moyen est plus efficace que l'adresse parlementaire, car ce dbat peut avoir lieu toute l'anne, alors que l'adresse une seule fois par an. Examen du budget et des lois ordinaires : articles 18 et 48 : tche essentielle des parlementaires. Ils peuvent monter la tribune l'occasion du vote des lois, critiquer le gouvernement, et l'interroger sur sa politique. En cas d'opposition grave, le gouvernement s'exposait des refus de vote. Rsultat de l'utilisation de ces techniques : les ministres de la restauration ont-ils t chasss pour cause de dsaccord avec les chambres, ou bien parce qu'ils avaient cess de plaire au monarque ? vnements de septembre 1815 : chute du gouvernement Talleyrand qui s'effondre en raison d'une srie de facteurs : oTalleyrand s'entend mal avec certains membres de l'entourage du roi oIl est dtest par le tsar de Russie (qui fait pression sur Louis XVIII) oVictoire des ultras aux lections d'aout 1815, donc perte des lections par le gouvernement. Villle aura une formule intressante : ces messieurs ont calcul qu'il valait mieux avoir l'air de s'en aller plutt que de se faire renvoyer. Chute du gouvernement Richelieu en dcembre 1818 : dmissionne aprs avoir t mis en minorit sur un projet de loi. Donc ici, victoire apparente du parlementarisme, mais les historiens notent que d'autres facteurs ont jou un rle : composition du gouvernement (pas cohrent, pas viable long terme), Decazes manuvrait pour prendre sa place. La chute du gouvernement Decazes en 1820 ne doit rien au parlementarisme (assassinat du duc de Berry). Premier cas authentique de responsabilit politique : chute du second gouvernement Richelieu en 1821 : dsavou la chambre 4 reprises en l'espace d'un mois. A ce~ 36 ~

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moment l, Louis XVIII va dcider de retirer son soutient Richelieu en dcembre 1821. Il doit faire appel un ultra, Villle, pour le remplacer. Le roi a donn raison la chambre contre le gouvernement, en renvoyant pour la premire fois un gouvernement que rien d'autre ne condamnait (rien d'autre que l'hostilit de la chambre). Chute du ministre Villle en janvier 1828 : autre illustration de la responsabilit politique d'un gouvernement. Villle avait dcid d'organiser des lections anticipes la fin de l'anne 1827, et il les perd. Le cabinet va devoir alors dmissionner, puisque Charles X lui-mme dcide de retirer sa confiance au gouvernement. Ministre Martignac qui tombe en aout 1829 : mme schma que le second gouvernement Richelieu. Le gouvernement chute aprs avoir t mis en minorit plusieurs reprises devant les chambres. Seule diffrence : Charles X est content de virer le gouvernement Martignac.

Conclusion : Sous la restauration, les gouvernements ne s'estiment dsavous que dans deux cas bien prcis : Lorsqu'ils subissent une lection lgislative dfavorable (ministre Villle, gouvernement Talleyrand) Lorsqu'il rencontre des difficults insolubles la chambre. Ils ne proposent leur dmission au roi que s'ils n'arrivent plus gouverner. Dcision de renvoi du gouvernement appartient toujours en droit au roi. C'est donc lui qui retire ou non sa confiance au gouvernement, ce qu'il fait en fonction du contexte politique et de l'interprtation qu'il fait de la charte. Le roi n'tait pas oblig de renvoyer les ministres, mme ne cas de conflit (il pouvait dissoudre). A)L'usage raisonn du droit de dissolution

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Dans un authentique rgime parlementaire, l'usage du droit de dissolution est une contrepartie de la responsabilit des ministres. a n'est toutefois pas ce schma qu'on retrouve dans la charte, puisqu'elle ne prvoyait pas de responsabilit des ministres devant les chambres. Le droit de dissolution, prvu l'article 50, quand il est cr, c'est tout simplement un moyen d'assurer la suprmatie du monarque, qui lui permet de frapper la chambre basse en cas de conflit politique. L'volution vers le parlementarisme va conduire une rinterprtation des dispositions de la charte. Au fur et mesure o l'ide parlementarisme s'implante dans le pays, on va considrer que le roi doit faire un usage raisonn, raisonnable, du droit que la charte lui donne. Cela signifie que le roi ne doit pas faire un usage absolutiste de la dissolution, c'est--dire qu'il ne doit jamais l'utiliser pour passer en force. La dissolution sera donc utilise en cas de conflit entre le gouvernement et la chambre des dputs, mais elle sera utilise uniquement pour en appeler l'opinion, qui tranchera librement et dfinitivement le litige. Cela signifie que le roi devra s'incliner devant le verdict des urnes si l'opposition remporte les lections. Le roi est libre du moment qu'il respecte ce principe, d'utiliser son droit de dissolution au moment le plus opportun. C'est une arme qui aura t utile plusieurs reprises sous la restauration. Exemples de dissolutions russies : Septembre 1816 : a permis Louis XVIII de se dbarrasser de la chambre introuvable. Dcembre 1823 : Charles X et Villle dcident de dissoudre et remportent les lections. On observe l'impact du parlementarisme en cas de dissolution malheureuse, qui ne marchent pas (lections perdues). Exemples : Novembre 1827 : Villle perd une lection qu'il a provoque. Charles X s'est rang au verdict des urnes et a nomm Martignac pour former un ministre. Il a fait un usage raisonn de son droit de dissolution. C'est justement en s'cartant de cette interprtation librale, parlementaire, que Charles X provoquera la rvolution des trois glorieuses. Il y avait un conflit entre le gouvernement et les dputs. Il prononce une dissolution le 16 mai 1830 : arbitrage des urnes, lections qui sont un chec pour lui. Problme : il ne va pas accepter de tenir compte du rsultat des lections. Par les ordonnances du 25 juillet 1830, il va ordonner une nouvelle dissolution de la chambre des dputs. Seconde dissolution qui tait rgulire juridiquement (au regard de l'article 50 de la charte), mais elle rompait avec l'interprtation parlementariste qui s'tait impose au fil des annes. Dcision de Charles X a t considre comme u