HISTOIRE GENERALE DE LA TUNISIE TOME 3 : temps modernes

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    HISTOIRE GNRALE DE LA TUNISIE

    Tome III

    L e s

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    Parus chez le mme diteur

    HISTOIRE GNRALE DE LA TUNISIE

    Tome I : L'AntiquitHdi Slim, Ammar Mahjoubi

    Khaled Belkhodja, Abdelmajid Ennabli

    Tome II : Le Moyen-AgeHichem Djat, Mohamed Talbi, Farhat Dachraoui,

    Abdelmajid Dhouib, M'hamed AJi M'rabet,

    Faouzi Mahfoudh

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    H I S T O I R E G N R A L E D E L A T U N I S

    TOME II I

    Les T e m p s M o d e r n e s

    Azzedine GUELLOUZ Abdelkader MASMOUDI

    Mongi SMIDA

    31 plans, cartes et gravures, 135 documents

    ph ot ogra phiques run is et commen ts pa r

    Ahmed SAADAOUI

    Sud Editions - Tunis

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    Sud Editions - Tunis Mars 2010

    sud .dition @ wa na do o .tn

    Tous droits de reproduction, de traduction

    et d'adaptation sont rservs

    pour toutes les langues et tous les pays

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    Avant-propos de l'diteur

    Aprs les deux volumes consacrs l'Antiquit et au Moyen Age,nous poursuivons la publication de l'HISTOIRE GNRALE DE LATUNISIE avec ce troisime volume qui commence avec la crise de1534-35 au cours de laquelle Khaireddine Barberousse prend la

    place de Tunis-La Goulette mais est oblig de la cder Charles-

    Quint, et s'achve trois sicles et demi plus tard avec la conclusion, Kasr-Sad, du trait du 12 mai 1881 instaurant le Protectorat dela France sur la Rgence de Tunis. Une poque essentielle au coursde laquelle la Tunisie, aprs avoir t dans le giron de l'EmpireOttoman et essay de prserver sa personnalit, s'est trouveinexorablement prise dans l'tau de la puissance des europens. Cesont des sicles dramatiques. Certes ils n'ont pas manqu de grandeur

    par moments ; mais travers des crises politiques et traversd'extrmes difficults conomiques et sociales, le pays est tomb dansla pire des dpendances, son destin a cess de lui appartenir.

    Pourtant c'est pendant ces temps difficiles que sont semes lesgraines de l'avenir. C'est en Tunisie qu'est promulgu Ahd al-Aman,une dclaration des droits de l'homme avant la lettre, ainsi qu'une

    Constitution dont la totalit des articles sont reproduits en annexe la fin de ce volume. La Tunisie a aussi introduit un noyaud'enseignement moderne ; plus tard et pendant longtemps on

    parlera du Collge Sadiki.

    Les trois auteurs du prsent ouvrage apportent sur ces siclesd'histoire une information abondante et des clairages prcieux.Chacun d'eux a repris son texte de l'dition originelle et l'a mis

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    Avant-propos de l'diteur

    Aprs les deux volumes consacrs l'Antiquit et au Moyen Age,nous poursuivons la publication de l'HlSTOIRE GNRALE DE LATUNISIE avec ce troisime volume qui commence avec la crise de1534-35 au cours de laquelle Khaireddine Barberousse prend la

    place de Tunis-La Goulette mais est oblig de la cder Charles-Quint, et s'achve trois sicles et demi plus tard avec la conclusion,

    Kasr-Sad, du trait du 12 mai 1881 instaurant le Protectorat dela France sur la Rgence de Tunis. Une poque essentielle au coursde laquelle la Tunisie, aprs avoir t dans le giron de l'EmpireOttoman et essay de prserver sa personnalit, s'est trouveinexorablement prise dans l'tau de la puissance des europens. Cesont des sicles dramatiques. Certes ils n'ont pas manqu de grandeurpar moments ; mais travers des crises politiques et travers

    d'extrmes difficults conomiques et sociales, le pays est tomb dansla pire des dpendances, son destin a cess de lui appartenir.

    Pourtant c'est pendant ces temps difficiles que sont semes lesgraines de l'avenir. C'est en Tunisie qu'est promulgu Ahd al-Aman,une dclaration des droits de l'homme avant la lettre, ainsi qu'uneConstitution dont la totalit des articles sont reproduits en annexe

    la fin de ce volume. La Tunisie a aussi introduit un noyaud'enseignement moderne ; plus tard et pendant longtemps onparlera du Collge Sadiki.

    Les trois auteurs du prsent ouvrage apportent sur ces siclesd'histoire une information abondante et des clairages prcieux.Chacun d'eux a repris son texte de l'dition originelle et l'a mis

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    jour en y incluant les lments nouveaux et les correctifs quepermettent les nouvelles publications des chercheurs. Les

    orientations bibliographiques proposes par les auteurs rendent biencompte de l'importance de ces travaux.

    Comme nous l'avons fait pour les deux premiers volumes de cetteHistoire Gnrale de la Tunisie, nous publions une importantedocumentation qui accompagne les exposs historiques. Leprofesseur Ahmed Saadaoui, en collaboration avec le service dedocumentation et l'quipe de rdaction de Sud Editions a runi etcomment ces documents.

    Il nous a paru utile d'apporter un supplment d'information surcertains vnements majeurs, comme la prise d'Alger le 5 juillet1830, ou sur certaines communauts comme la communaut juiveou la communaut noire, ou sur des faits de socit rests dansl'ombre comme la prostitution.

    Signalons enfin, comme nous l'avons fait dans le second volumede cette Histoire, que les dates ayant t donnes en gnrai par lesauteurs dans l're chrtienne, le lecteur peut se reporter la table desconcordances (tome II p. 439) pour retrouver les dates hgiriennescorrespondantes.

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    D E L A C H U T E D E S H A F S I D E S

    L ' I N S T A L L A T I O N D E S T U R C S

    Par Abdelkader Masmoudi et Mongi Smida

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    Introduction

    Ds le dbut du xvr sicle, l'Ifrqiya se trouve confronte de

    graves problmes d'ordre intrieur et extrieur. D'une part, un

    phnomne de dsagrgation achve de ruiner l'autorit des

    Hafsides et, d'autre part, l'indpendance du pays est menace par la

    volont d'hgmonie des grandes puissances maritimes.En effet, des luttes dynastiques dressant les princes les uns contre

    les autres, un dmembrement territorial miettant le domaine de lasouverainet hafside et en dtachant des provinces entires et un reculde la puissance militaire, aboutissent la faillite de l'Etat. D'autrepart, l 'affrontement hispano-turc pour la domination de la

    Mditerrane rvle la vulnrabilit de l'Ifrqiya dont la positiongographique suscite la convoitise des puissances maritimes.

    Le xvf sicle est ainsi une longue priode d'instabilit et de

    conflits militaires terrestres et maritimes. Pratiquement, toutes les

    villes de l'Ifrqiya ont eu subir les consquences de ces troubles et

    les mfaits de l'occupation trangre. Par contre, l'intrieur du pays

    sauvegarde son autonomie.

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    Profitant de ces troubles, les tribus de la steppe ont tent de

    constituer un Etat maraboutique , tentative phmre dontl'chec ouvre dfinitivement l'Ifrqiya l'influence de la mer. Carl'installation dfinitive des Turcs, en mme temps qu'elle met fin aupouvoir hafside, sauve le pays de la domination espagnole et marquepour les sicles venir le destin mditerranen de la Tunisie.

    I

    La dsagrgation du royaume hafside

    l'origine des vnements qui allaient aboutir la conquteottomane de l'Ifrqiya, il y a d'abord la dsagrgation du royaumehafside.

    Les luttes dynastiquesDepuis la mort du sultan Othman en 1488, des luttes dynastiques

    secouent les fondements de l'Etat. Ainsi, Abou Zakaria Yahia petit-fils et successeur d'Othman ne peut se maintenir sur le trne qu'encrevant les yeux de l'un de ses frres et en excutant son oncle. Sonrgne n'en fut pas moins de courte dure. Son cousin Abdel Mun'im

    qui le dtrna fut son tour empoisonn (1490). Ds lors, le cycle dela violence empche la transmission rgulire du pouvoir et engendreune re d'instabilit et de troubles.

    Tunis, les princes se dressent les uns contre les autres, divisantla cour en clans opposs et le pays en sos ennemis. Les luttesdynastiques sont entretenues et exploites par des puissances qui ontun intrt direct la dissolution de l'Etat. Les Turcs, tout autant que

    les Espagnols, ont su raviver les querelles dynastiques, dresser lesprtendants l'un contre l'autre et encourager la dissidence soustoutes ses formes. Aussi, la querelle dynastique a-t-elle assombri lesrgnes de Moulay Hassan (1525-43) et d'Ahmed Soltane (1543-69),sans parler des deux rgnes phmres de Moulay Abdelmalek et deMoulay Muhammad (1543). En 1543, Moulay Hassan tait

    Naples lorsque son fils Ahmed Soltane s'empare du pouvoir et

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    attend le retour de son pre pour le jeter en prison aprs l'avoir

    aveugl, Privs de l'appui de la cour et en butte aux intrigues dupalais, les derniers princes hafsides ont d, pour se maintenir aupouvoir, accepter la protection de l'tranger. Il est clair que ces luttesintestines ont amoindri l'autorit de l'Etat, ouvert la voie l'ingrencetrangre dans les affaires intrieures, aggrav la dsaffection de lapopulation vis--vis de ses princes et provoqu en dfinitive ledmembrement du royaume.

    Les troubles dynastiques se rpercutent sur la situation intrieure.L'inscurit rgne dans les campagnes. Les impts rentrent de plus en

    plus difficilement et les finances de l'Etat en sont obres. Dans cesconditions, les souverains hafsides du XVIe sicle ne sont plus enmesure d'entretenir une arme qui soit digne de ce nom. En effet,les forces militaires, sur le plan du recrutement, sont htroclites

    (chrtiens, nomades, jound, andalous...) et l'armement est aussiarchaque qu'insuffisant. L'usage des flches et des armes blanchesprdomine ; l'organisation mme de l'arme, l'encadrement,l'quipement et la tactique, ne sauraient tenir la comparaison avecles armes europennes ou ottomanes.

    Ce retard sur le plan technique est aggrav par le peu de souci desderniers souverains hafsides de fortifier les villes et de les protger desattaques maritimes au moment prcisment o l'Ifrqiya souffre del'absence d'une flotte de guerre en mesure de protger les les et le littoral.

    En somme le royaume hafside, ds le rgne de Moulay Hassan(1525-43), est pratiquement incapable de maintenir l'unit du payset de faire face une invasion trangre. A la faveur des querellesdynastiques et de l'affaiblissement de la puissance militaire, un

    processus de dsagrgation n'allait pas tarder apparatre.La rvolte des Chebbia de Kairouan

    Jusqu'au XVIe sicle, l'unit territoriale du royaume hafside taittant bien que mal maintenue. Mais partir de cette date et par suitede l'affaiblissement de l'Etat, certaines provinces excentriques onttendance rejeter l'autorit de Tunis. Ainsi, ds le dbut du sicle, les

    princes qui gouvernent Bougie et Bne entrent en dissidence. De

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    nombreuses villes du Sud proclament leur autonomie. Au Sahel, les citsde Sousse, Mahdia, Sfx, deviennent des petites rpubliques autonomeset mettent sur pied des conseils de notables appels Djema palliantainsi la carence de l'administration. Le mme phnomne s'tendaux les et notamment Djerba. Ce qui fut le royaume hafside n'taitplus gure qu'une mosaque de principauts et de rpubliques l. Lessouverains de Tunis n'exercent plus sur le pays qu'une autoritnominale. Occups par les luttes intestines, n'entretenant presque

    plus de forces armes rgulires et incapables de protger lesprovinces excentriques, ils assistent impuissants l'miettement duterritoire. Tant que la dissidence n'affecte que les cits du sud et del'ouest, les hafsides n'y voient gure un danger immdiat ; mais sittla constitution autour de Kairouan d'un vaste Etat maraboutiqueenglobant le centre et le sud de l'Ifrqiya sous l'emblme de laconfrrie des Chebbia, la raction de Tunis se fait plus vive. Contre

    ce danger qui menace directement le trne, les hafsides eurent undernier sursaut d'nergie.

    Parmi les principauts qui se constituent en Ifrqiya dans lapremire moiti du XVIe sicle, celle de Kairouan est de loin la plusimportante. C'est autour de la ville sainte de Kairouan que cristallisel'opposition aux hafsides. Ce n'tait pas seulement une raction

    contre la carence du gouvernement de Tunis, mais aussi et surtoutune riposte la collusion entre Moulay Hassan et ses protecteurschrtiens. De fait, Moulay Hassan avait sollicit le concours del'Empereur d'Espagne pour refaire l'unit de son royaume et se

    protger des corsaires turcs.

    Une telle attitude de la part d'un prince musulman choque lessentiments religieux des tribus maraboutiques. La puissanteconfrrie des Chebbi dont l'obdience s'tend jusqu'au sud du payslve l'tendard de la rvolte et devient le dfenseur de la foi contreles menes d'un prince irresponsable.

    C'est ainsi que, de 1525 1557, les souverains hafsides MoulayHassan et Ahmed Soltane n'eurent pas l'intrieur du royaumed'adversaires plus acharns les combattre que les chefs de la confrrie

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    Chebbia tablis Kairouan, Ces chefs, Sidi Arfa ben Makhlouf

    (jusqu'en 1542) puis son neveu Mohamed ben Abi Taeb (jusqu'en1558) ont men une intense propagande politico-religieuse parmi lestribus du centre, du sud et de l'ouest de l'ifrqiya. Ils russissent dtacher de Tunis une large partie du territoire, crant une puissanteprincipaut maraboutique dont le centre politique se constitue dansla cit de Okba. Contrlant les routes du commerce caravanier avecle Fezzan d'un ct et le Maghreb central de l'autre, disposant des

    ressources fiscales alimentant nagure les caisses des souverainslgitimes, ayant sous la main la cavalerie bdouine, les chefs Chebbiaont pu s'organiser en vue de combattre les Hafsides et les chasserd'Ifrqiya. La lutte prend plus d'ampleur lorsqu'en 1535 MoulayHassan reconnat la suzerainet de l'Empereur espagnol Charles-Quint. Le Chebbi Sidi Arfa apparat alors comme le seul dfenseur

    de la communaut musulmane face aux envahisseurs chrtiens.Moulay Hassan monte trois expditions contre Kairouan (1535, 1536et 1540). La plus importante, celle de 1540, se droule prs de Jammalopposant les troupes du Sidi Arfa celles du hafside soutenues par lesEspagnols. La victoire des Chebbia sauve dfinitivement Kairouan duhafside. A la mort de Sidi Arfa en 1542, la principaut Chebbia estbien tablie et toute une tendue de l'Ifrqiya prend ses directivesauprs du chef chebbi : la basse steppe, le Djrid, Tripoli, l'Aurs etle Constantinois. C'est une principaut de steppe qui compte de rares

    points fixes et qui est forme d'une multitude de peuplades qui oscillent

    dans un large rayon et dont les aires de migration runies vont des abords

    de Tripoli ceux de Constantine. Tribus mouvantes, groupement sanscohsion..., btisse aux assises mal jointes, laquelle sert de ciment une

    vnration commune pour un saint personnage , crit Ch.Monchicourt 2.

    Mais cette principaut ne peut s'tendre l'intrieur du Sahel : lapropagande chebbi ne peut mordre sur une rgion sdentarise etqui, de surcrot, avait ses propres marabouts tels Sidi Abdelmoula Sialaet Sidi Mohamed Karra. Aussi, malgr ses succs, l'Etat Chebbia qui

    manquait d'ouverture sur la mer et dont les structures politiques n'avaient

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    jamais t bien tablies, allait-il disparatre sous les coups de Dragut,Pacha de Tripoli qui, le 27 dcembre 1557, a pu occuper Kairouan et

    confisquer les biens chebbias. La ville de Okba fut certes reprise par lesarabes de la steppe en 1560, mais c'tait une reprise phmre car lesTurcs s'y rinstallent dfinitivement en 1573. L'exprience d'un Etatmaraboutique et steppique en Ifrqiya n'tait pas aussi heureuse quecelle des Mrinides au Maghrib al Aqa au XIIIe sicle. Son seul rsultatfut d'affaiblir davantage le royaume hafside au moment o ce royaume

    traversait une priode de grave crise politique du fait des querellesdynastiques, du dmembrement territorial et des convoitises trangres.

    De fait, la dsagrgation gnralise du royaume hafside etl'incapacit de ses dirigeants, dont la meilleure illustration tait leprince Moulay Hassan, suscitent les convoitises des Empires espagnolet ottoman, fortement intresss par la position go-politique de

    l'Ifrqiya. De toute vidence, la matrise de la Mditerrane et lecontrle du dtroit de Sicile rendaient ncessaire l'occupation des portsifrqiyens. Aussi, dans le courant du 2e tiers du XVIe sicle, Espagne etTurquie allaient-elles s'affronter en une lutte implacable dont l'Ifrqiya, son dtriment, tait l'un des principaux champs de bataille.

    IIL'affrontement hispano-turc en Ifrqiya

    Ds les premires annes du sicle, des navires turcs arms pourla course choisissent comme abris et bases d'opration les ports del'Ifrqiya. Leur apparition concide avec les dbuts de l'affrontement

    turco-espagnol pour la prpondrance en Mditerrane. Les ctes del'est tunisien prsentent un abri maritime particulirementfavorable, bien dfendu par les hauts fonds constituant le relief sous-marin et la prsence de nombreuses les au large des ctes.

    Ds 1500, l'le de Djerba qui commande le golfe de la petite Syrte,devient une base importante entre les mains de corsaires levantins,parmi lesquels se signalent particulirement les frres Barberousse

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    (Aroudj et Khareddine)3. Puis d'autres points de la cte entre Tripoli etTunis deviennent leur tour des bases de corsaires 4. Cette installation

    ne semble pas avoir provoqu une srieuse opposition de la part de lapopulation locale. Cela s'explique par trois raisons : l'appartenance lamme religion, la lutte contre le mme ennemi chrtien et les bnficesque l'entreprise maritime rapporte aux autochtones. Ainsi, par exemple,dans les ports du sahel, les populations sont d'autant moinsrcalcitrantes accepter l'tablissement des corsaires turcs qu'elles ont eu

    souffrir des dprdations des corsaires chrtiens. Et du reste, l'exception de Djerba, il s'agit moins d'une occupation permanente desvilles que de visites saisonnires au cours desquelles les corsaires seravitaillent en hommes, en matriel (bois, cordes, goudron) et en vivres,et dversent les produits des prises qu'ils effectuent sur les navires deschrtiens. Ces visites ont tendance cependant devenir de plus en pluslongues et rgulires ds lors que l'affrontement turco-espagnol

    transforme les donnes de la course en faisant des corsaires levantins dessoldats du grand Sultan. La course prend alors un aspect de guerre dereligion entre chrtiens et musulmans.

    Alors que, du ct chrtien, les oprations sont commandites parl'Espagne, premire puissance maritime europenne, c'est laTurquie qui, du ct musulman, dirige la guerre.

    Les raisons de l'interventionhispano-turque en Ifrqiya

    Au cours du XVIe sicle, les deux grandes puissances mditerranennesont chacune de srieux motifs de dominer les ctes maghrbines etnotamment l'Ifrqiya. Ainsi, du ct espagnol, l'intervention militaireen Afrique s'explique par diffrentes raisons.

    Il y a d'abord la continuation de la lutte contre les mauresd'Espagne. Lorsqu'en 1492 la ville de Grenade est reconquise, lesEspagnols pensent avoir rejet outre mer le danger musulman. Ildoivent rapidement dchanter. Car, chasss de la pninsule ibrique,les maures ne continuent pas moins entretenir partir du Maghrebla lutte contre le mouvement de reconquista en cherchant d'une part alimenter la rvolte des musulmans non encore expatris, et d'autre

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    part intresser les dynasties maghrbines un retour offensif en

    Espagne. Sous le coup de l'exil forc, ils mettent au service de la luttecontre les chrtiens tout ce dont ils disposent, commanditantnotamment les expditions maritimes des corsaires,

    Pour contenir ce nouveau danger, le gouvernement espagnolencore anim par l'nergie de la reconquista allait trouver en Afriquedu Nord un thtre d'expansion et d'aventure 5. Pour que leMaghreb ne soit plus un danger pour l'Espagne, il fallait qu'elle s'y

    assure la possession d'un certain nombre de bases stratgiques. Lalutte contre les musulmans d'Afrique du Nord a du reste la faveur dela population espagnole qui est alors puissamment imprgne del'esprit de croisade. Le terme mme de croisade est officiellementemploy : Charles-Quint et Philippe II peroivent avant touteexpdition contre le Maghreb l'impt dit de cruzada 6. Une

    ventuelle conversion des populations maghrbines au christianismeest l'un des premiers buts de l'glise puisque le chef de cette glise,l'archevque Ximens, avance l'argent ncessaire l'quipement desarmadas ; le pape donne sa bndiction l'entreprise et encourage lesrois d'Espagne la poursuivre en leur accordant d'avance l'investituredes royaumes conqurir en Afrique (Bulle pontificale de 1495).

    L'intervention espagnole au Maghreb s'explique encore par desconsidrations de politique extrieure. L'expansion territoriale des Turcsen direction de l'Europe orientale et centrale ainsi que leurs tentativesd'hgmonie maritime en Mditerrane menacent directementl'Empire espagnol. En raction, celui-ci cherche interdire aux turcsl'accs du bassin occidental de la Mditerrane. Cela suppose lamatrise du dtroit de Sicile et par consquent le contrle des ctes

    ifrqiyennes, ce qui mettrait du mme coup l'abri les possessionsitaliennes de l'empire de Charles-Quint.

    Du ct turc, l'intervention en Mditerrane occidentale a aussises justifications. Sous le rgne de Soliman II 7, les turcs sont enpleine expansion, cherchant tendre vers l'Europe et l'Afrique lesfrontires de l'empire. Or les Habsbourg d'Espagne et d'Autriche

    reprsentent le principal obstacle cette expansion. Aussi, les Turcs

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    cherchent-ils transposer la lutte contre l'empire espagnol l'intrieur du bassin occidental de la Mditerrane. D'une partSoliman II s'allie la France ennemie des Habsbourg et d'autre partil cherche s'implanter sur les ctes du Maghreb. Cetteimplantation est d'autant plus ncessaire que les points d'attache dela flotte turque sont trop loigns des rivages espagnols. La matrisede l'Ifrqiya est donc un atout de premire importance.

    D'ailleurs, l'entreprise turque s'est trouve facilite du fait que les

    populations maghrbines voient dans le grand sultan le dfenseur dela foi musulmane contre le danger chrtien. Cet tat de chosespermet au sultan de servir les intrts propres de l'Empire ottomantout en prservant le Maghreb de la domination chrtienne.

    Les phases de l'affrontementhispano-turc en Ifrqiya

    Dans l'affrontement militaire hispano-turc, les corsaires levantinsjouent, au dbut, le rle principal. Alors que les chrtiens forment degrandes expditions navales, leurs adversaires font plutt la guerre decourse. Celle-ci se droule notamment au large des ctes et autour desles de l'Ifrqiya (Djerba). Quatre grandes phases peuvent tredistingues :

    - De 1500 1534 : la priode est domine par l'action descorsaires qui s'emparent de nombreux ports et les sur les ctes est etnord du Maghreb 8. En 1519, Khareddine 9 est investi par le sultancomme Beylerbey d'Afrique et ses entreprises militaires sont depuislors ouvertement appuyes par la Turquie. De leur ct, les Espagnolsmnent des campagnes retentissantes qui ne visent pas seulement dtruire les flottes des corsaires musulmans, mais aussi constituer

    des tablissements permanents et fortifis : Prsids.En 1509, l'expdition de Pedro Navarro se solde par la prise des

    Penons de Velez et d'Alger et des ports de Bougie et de Tripoli.Pedro Navarro qui avait appris le mtier de corsaire en courantimpartialement sus aux navires musulmans et chrtiens, enleva Orano le cardinal (Ximens) prsida au massacre de 4000 musulmans,

    la capture de 8000 prisonniers et la conscration catholique de

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    deux mosques . (Ch. A. Julien). En 1520, une autre expdition

    victorieuse est mene contre Djerba par Hugo de Moncada.Cependant, grce l'appui financier et militaire du sultan,Khareddine beylerbey d'Afrique reprend le dessus et occupe Tunis(18 aot 1534), la Goulette, Bizerte et Kairouan. Chass de sontrne, Moulay Hassan appelle son secours l'Empereur d'Espagne.

    La conqute de Tunis par Charles-Quint (1535)

    La victoire de Khareddine convainc le gouvernement espagnolqu'il n'avait plus affaire de simples corsaires mais, bien plutt, l'implication la puisance ottomane. L'intervention de Charles-Quint, ds lors, est d'autant plus justifie qu'il tait sollicit parMoulay Hassan, chass de son trne par les Turcs. L'Empereur metsur pied une expdition groupant la plupart des Etats

    mditerranens : Portugal, Naples, le Saint-sige, Toscane, Gnes, laSicile, Malte. Runie Barcelone puis Cagliari, cette armada de300 vaisseaux et 90 galres avec un effectif de 35.000 hommes, tientsa puissance de l'esprit de croisade qui anime ses hommes et de laprsence de l'empereur Charles-Quint en personne. Arrive le 16juin 1535 dans la rade de Tunis, l'arme des chrtiens ne russit s'emparer de la Goulette qu'un mois plus tard (14 juillet). Il restait

    cependant prendre Tunis qui refusait de recevoir les Espagnols endpit de la prsence du sultan Moulay Hassan dans ses rangs.

    Charles-Quint dut ainsi combattre mi-chemin de la capitaleune arme turco-tunisienne conduite par Khareddine. Vaincu,celui-ci se replie sur le Djebel Ressas. Tunis conquise est livre lasoldatesque pendant trois jours. 70.000 personnes tombent victimes

    de cet horrible forfait 10. En dpit de la rticence de la population,Moulay Hassan, alli des chrtiens, est rtabli sur le trne.

    - De 1535 1571 : la priode est domine sur le plan militaire

    par une grande confusion. Jusque l Turcs et Espagnols ont

    remport respectivement de grandes victoires, mais il s'est vite avr

    qu'aucune n'a t dcisive. Apparemment, la prpondrance

    espagnole tait consacre en Ifrqiya ds 1535. D'une part, Moulay

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    L'Empereur Charles

    Charles-Quint, l'homme qui, en juillet1535, aborda les ctes tunisiennes la tted'une flotte de 400 voiles portant 30 000hommes, prit La Goulette le 14 juillet etTunis le 20 juillet et qui livra la villemeurtrie la soldatesque, tait la tte del'Empire le plus vaste que l'histoire aitconnu. Une politique matrimonialesavamment mise en place par trois

    gnrations de monarques a runi dansl'Empire des Habsbourg les possessionsde la Maison de Bourgogne (Pays-Bas,Franche Comt), celles de la Maison desHabsbourg d'Autriche f Augsbourg,Styrie, auxquels Charles-Quint devaitajouter La Bohme, La Moldavie et la

    Hongrie), le Royaume d'Espagne(Castille, Aragon et Portugal), les

    Royaumes de Naples et de Sicile. A cetensemble impressionnant de possessions enEurope et en Mditerrane, il faut ajouterles immenses colonies espagnoles en Amrique. Charles-Quint portera toutes cescouronnes ; en 1519 son lection la tte du Saint Empire Romain et Germaniqueconsacrera sa totale suprmatie.

    Il ne manque pas, cependant, des ombres au tableau. L'Empire, trop vaste ethtrogne est difficile grer et manque de cohsion. Les Corts espagnols, lesPrinces Allemands et les Pays-Bas exigent le respect de leurs privilges et

    rclament des liberts. Tout au long de son rgne Charles-Quint doit aussi se battresur trois fronts.

    A l'intrieur de l'Empire, la Rforme luthrienne gagne du terrain soutenue par lesprinces allemands. Catholique fervent l'Empereur ne peut le tolrer. Pourtant ilsera bien oblig de rechercher des accords et d'accepter par la Paix d'Augsbourg(1552) que chaque tat a le droit d'imposer ses ressortissants la religion du

    prince .Sur le continent, le roi de France lui dispute des territoires dans l'Italie du nord etdans l'est de son royaume. Franois 1er est d'autant plus redoutable qu'il a

    engag une alliance contre nature avec l'Empire Ottoman.S'appuyant sur ses Royaumes de Naples et de Sicile et anim par un esprit decroisade Charles-Quint veut dominer l'espace mditerranen. Le choc sera violentavec l'autre grande puissance de l'poque, l'Empire Ottoman, qui nourrit lesmmes ambitions en Mditerrane. Ici encore, Charles-Quint n'obtiendra que dessuccs ponctuels et phmres.

    En 1556, ruin par la maladie, puis et visiblement dcourag il dcide de seretirer au monastre de Yuste dans l'Estrmadure. Il abdique au profit de son frreet de son Fils. Il meurt deux ans plus tard, le 21 septembre 1558.

    21

    -Quint 1500-1558

    Portrait de Charles-Quint

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    22 - - - LES TEMPS MODERNES

    Hassan restaur sur le trne est un alli de Charles-Quint, d'autre

    part des garnisons espagnoles sont installes la Kasbah de Tunis etdans les principales villes de la cte (Hammamet, Monastir,

    Mahdia). En fait, on assiste de 1541 1571 de multiples prises et

    reprises de villes de la cte au bnfice tantt des Turcs, tantt des

    Espagnols. Vers le milieu du sicle, le corsaire Dragut s'installe sur

    le littoral Est de la Tunisie, faisant de Djerba sa principale base.

    Nomm par le sultan Soliman II gouverneur de Tripoli, Dragut

    (Darghouth) largit ses possessions africaines en reprenant Kairouan

    aux Chabbia (3 janvier 1558). Bientt il devient une puissance

    mditerranenne (Braudel). Une expdition navale chrtienne

    contre Djerba se termine par la victoire de Dragut (mars 1560) ; la

    garnison chrtienne de l'le est passe par les armes et ses ossements

    amoncels pour constituer la clbre tour des crnes (burj ar-Rous)

    qui devait subsister jusqu'en 1846 (Monchicourt - R.T. 1917).

    - De 1571 1574 : durant cette priode, la lutte hispano-turque

    se fixe autour de Tunis. Les deux forces s'affrontent pour une

    installation dfinitive dans la capitale de l'Ifrqiya. Ainsi, en 1569,

    les Turcs commands par Eulj Ali occupent Tunis. Mais au

    lendemain de la bataille navale de Lpante (1571), gris par sa

    victoire sur la flotte ottomane, Don Juan d'Autriche voulut chasserdfinitivement les Turcs d'Ifrqiya. Il s'empare de la capitale le 10

    octobre 1573 puis quitte le pays, laissant de fortes garnisons Tunis

    et la Goulette. Le Sultan Selim II ne peut en rester sur ce double

    chec. Une expdition maritime dirige par le Pacha Euldj Ali et

    l'Amiral Sinan Pacha bloque Tunis par mer (juillet 1574) alors que

    les garnisons d'Alger et de Tripoli la bloquent par terre. Le 23 aot1 574, la Goulette est prise et le 13 septembre ce fut le tour de Tunis.

    Les chefs des garnisons espagnoles Porto Carrero et Serbelloni sont

    envoys, chargs de fer, Constantinople.

    Cette victoire met fin l'affrontement militaire hispano-turc et

    l'autorit hafside en Ifrqiya. Il reste connatre les ressorts de

    l'alliance hispano-hafside.

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    DES HAFSIDES A UX TURCS _ 23

    La politique d'alliance entre les Espagnols

    et Moulay HassanErs vrit, pour contrecarrer les vises ottomanes sur l'Ifrqiya,

    l'Espagne a mis sur l'alliance intresse de certains princes hafsideset singulirement de Moulay Hassan (1525-1543). L'empereurCharles-Quint a su exploiter la situation difficile dans laquelle setrouvait ce prince pour tenter d'tablir son protectorat sur Tunis et

    en dloger dfinitivement les Turcs.L'alliance politique entre les Espagnols et Moulay Hassancommence en 1534. A cette date, de connivence avec le jeune princehafside Rached, les Turcs conduits par Khareddine russissent occuper Tunis. Moulay Hassan s'enfuit en Europe qumander lesecours de Charles-Quint. C'tait pour celui-ci une occasioninespre pour intervenir en Ifrqiya et, sous le couvert de rtablir le

    prince lgitime, briser la menace turque et occuper certains pointsstratgiques de la cte tunisienne. De fait, Charles-Quint s'emparede Tunis en 1535, rtablit Moulay Hassan sur son trne et le lie parun trait dont les principales clauses sont le paiement d'un tributcniiuel, la cession de la base de la Goulette et de certains ports de lacte Est.

    Pour Moulay Hassan, la reprise de Tunis ne reprsentait qu'unetape sur la voie de la restauration de son pouvoir sur l'ensemble del'Ifrqiya. Car, chasss de Tunis, les Turcs n'taient pas moinsprsents dans les principaux ports et, d'autre part, l' intrieur du payscontinuait obir Sidi Arfa, le chef des Chebbia. On peut mmedire que le retour de Moulay Hassan Tunis grce l'appui del'Espagnol l'avait discrdit aux yeux de ses sujets musulmans,augmentant par l-mme le prestige de ses ennemis Chebbi et Turcs.Aussi, Moulay Hassan devait-il signer ds 1 539 un nouveau pacteavec les Espagnols par lequel, en contrepartie de leur aide militaire,il s'engageait leur payer une somme d'argent dtermine chaquefois qu'une partie du territoire tait rcupre. Mais de cette allianceaucun des partenaires ne devait tirer profit. En 1540, Moulay

    Hassan est battu Jammal par l'arme de Sidi Arfa. Entre temps les

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    Turcs avaient, mieux que jamais, renforc leur position sur lelittoral, notamment aprs leur victoire sur la flotte de Charles-Quintdevant Alger en 1541. Ds lors, et quoiqu'elle ft rduite la rgionentourant la capitale,11 l'autorit de Moulay Hassan tait largementconteste, y compris par son propre fils Ahmed Soltane.

    En 1542, celui-ci se rebelle contre son pre, l'obligeant encoreune fois partir en Europe qumander de nouveaux secours auprsde ses allis espagnols. Aprs un bref sjour en Italie, il parvient

    recruter quelque deux mille Napolitains et revient Tunis dansl'espoir de battre son fils. Le sort des armes voulut que MoulayHassan ft vaincu, arrt et aveugl sur l'ordre de son propre fils.Malgr sa fuite la Goulette o il trouve refuge au milieu de lagarnison et malgr les tentatives terrestres et maritimes que par lasuite il fit aux cts de ses allis pour reprendre son trne, Moulay

    Hassan ne devait plus connatre que des checs jusqu' sa mortdevant Mahdia en juillet 1550.

    Avec lui, l'Espagne perd un alli docile en mme temps qu'unatout dans la lutte contre les Turcs. Il est vrai que ceux-ci n'avaientgure, non plus, tir profit de la mort du vieux prince. En effet,Ahmed Soltane, tout en se refusant tre l'alli des Espagnols, tentede restaurer pour son compte le pouvoir hafside avec ce que cela

    implique de lutte contre les Turcs et contre les Chebbia. Mais il nefut pas plus heureux que son pre et son impuissance runifier sonroyaume l'amne succomber sous les coups de l'arme turquecommande par le Pacha d'Alger Eulj Ali qui s'empare de Tunis en1569.

    Les vellits d'une restauration

    hafside (1581-1592)Ainsi en 1569, chass de Tunis par Eulj Ali, le hafside Ahmed se

    rfugie auprs de la garnison espagnole de la Goulette. Aprs quelquesannes, lorsque les Espagnols se dcident lancer une offensive contreTunis sous la direction de Don Juan d'Autriche (1573) et qu'ilsparviennent effectivement s'emparer de la ville, ce ne fut pas Ahmed

    Soltane qu'ils intronisent mais son frre Moulay Mohamed. En effet,

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    7 octobre 1571 : la bataille navale de Lpante,recul ou consolidation de l'espace ottoman en Mditerranne ?

    L'historiographie occidentale a fait grandcas de la victoire de Lpante(7 octobre 1571), o la coalition anime

    par le Pape Pie V et mobilisant 207galres commandes par Don Juand'Autriche, a inflig une lourde dfaiteaux 238 galres turques prs de l'led'Oxia, proche d'Ithaque, au large de la

    Grce. Or Venise, principal pourvoyeuren galres de la bataille, signa une paixspare avec les Ottomans et se rsigna

    perdre Chypre. En outre, Tunis et laGoulette seront repris par les Turcs troisans plus tard, mettant fin dfinitivement la prsence espagnole.

    Al Hassan al Hafsi, que cette gravurevnitienne, vraisemblablement fidle,

    prsente sous les traits d'un hommenergique, n'aura t que l'ultime mird'un Etat qui ne pesait plus d'aucun

    poids dans le duel de gants qui opposaiten Mditerranne Espagnols et Ottomans.

    Al Hassan dernier souverain de la

    dynastie hafside, alli malheureuxde l'Empire d'Espagne.

    Gravure de l'cole vnitienne. Muse d'Alger

    Lpante : Les deux flottes face faceavant les mouvements du 7 oct. 1571

    Lpante : Les galres turquesenveloppes par les galres chrtiennes

    Oxia 50/ j galres

    / j Golf e de Patras

    (| ' 62 ",, ! .

    J ga le resg39 galres l95 galres

    I83 galres ^

    Flottes :

    | Ottomane

    Chrtienne \30 galres

    en fuit e

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    Ahmed Soltane avait refus de souscrire aux clauses d'un trait quevoulait lui imposer Don Juan d'Autriche, Son refus lui valut d'treintern en Sicile jusqu' sa mort Termini (Sicile) en 1575 12.

    Par ailleurs, le rgne du dernier hafside, Moulay Mohamed, futde trs courte dure puisqu'en 1574 les Turcs s'tablissentdfinitivement Tunis, obligeant les derniers membres de la famillehafside migrer en Italie. Mais l'espoir des migrs de pouvoir denouveau se rinstaller Tunis, tout comme le dsir des Espagnols de

    reprendre pied en Ifrqiya ont conduit une ultime tentative derestauration hafside. Ainsi en 1581, le prtendant hafside Hamed(frre de Moulay Hassan) dbarque avec l'aide des Espagnols sur lacte Est entre Sfax et Zarzis. Avec la connivence de certaines tribusdu sud, il marche sur Tunis. Dfait la limite du Sahel par les Turcs,il est refoul vers le sud et erre durant de longues annes, jusqu' sa

    capture par les nouveaux matres de l'Ifrqiya en 1592.Du reste, le pays est solidement tenu en mains par les Turcs depuis

    1574 et, si l'intrusion du prince Hamed a quelque peu agit l'intrieur, elle n'a en rien interrompu Tunis l'exercice du pouvoir ottoman .

    III

    La Rgence de Tunis de 1574 1590 :structures et institutions

    Durant la priode qui va de l'arrive de Sinan Pacha en 1574 l'avnement des Deys (1590), deux phases se distinguent nettementdans l'organisation politique de la nouvelle province.

    En effet, pendant la premire dcennie (1574-1584), Tunis estrattache au Beylerbey d'Afrique sigeant Alger. Cela rsulte del'organisation conue par Sinan Pacha avant son dpart. Sousl'autorit de Haydar Pacha, une milice de 4.000 janissaires organiseen 40 sections devait affirmer l'autorit turque Tunis.

    A partir de 1584, Tunis forme une Rgence autonome au mme

    titre que les Rgences d'Alger et de Tripoli et relve directement de

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    Constantinople. Les autorits et institutions nouvelles apparaissent

    alors clairement, quoique progressivement.Le Pacha

    Reprsentant du Sultan la tte de la Rgence, le Pacha estnomm par Constantinople pour une dure de 3 ans. Il disposed'une garde personnelle, d'une Maison civile et de conseillersattitrs. Il est charg du paiement de la solde des militaires. Le

    premier, Haydar Pacha sera suivi par sept Pachas jusqu'en 1591.a) La garde personnelle comprend une escouade de 12 Chaouchs

    el Koursi ;

    b) La Maison civile est compose d'un lieutenant (Khalifa) quis'occupe de l'administration, d'un secrtaire (Bach Kateb) charg dela correspondance et d'un ambassadeur (Bach Sayar) qui s'occupedes messages importants ;

    c) Les conseillers, choisis au gr du Pacha, sont au nombre de cinq :- Oukil el Harj (intendant de la guerre et de la marine) ;- Khaznadar (trsorier) ;- Khoujet-el-Khil (directeur des Haras et des Domaines de l'Etat) ;- L'agha (chef de la milice turque et conseiller aux affaires trangres) ;- Bet-el-Melli (administrateur des Habous publics et des biens

    tombs en dshrence).Le Diwan

    C'est une assemble faisant office de conseil snatorial et groupant leschefs des sections de la milice qui dlibrent sur toutes les questionsd'ordre administratif, politique, judiciaire et militaire. Elle compte 120Oda-Bachi et 24 Bouloukbachi. Des notables du pays sont convis y

    participer afin d'obtenir leur appui au rgime (Ben Dhiaf).Le Diwan se runit, en principe, trois fois par semaine et joue un

    rle capital dans le gouvernement de la rgence.

    La Milice des Janissaires

    C'est une lgion de guerriers recruts au Levant parmi les turcs derace ou d'origine. A l'origine, leur nombre tait de 4000. Sinan

    Pacha les a organiss en 100 compagnies de 40 hommes chacune et

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    places sous l'autorit d'un Dey 13 ; la plupart d'entre elles tiennent

    garnison Tunis, les autres sont envoyes l'intrieur tour de rle(chacune assurant sa nouba), notamment dans les forteressesmaritimes de Tabarka Djerba.

    Deux fois l'an, une expdition parcourt le pays avec un tripleobjectif :

    a) Faire la relve des noubas ;

    b) Collecter les impts ;c) Rtablir l'ordre parmi les tribus. Cette expdition est place

    sous l'autorit d'un nouveau dignitaire, le bey.La milice est assez souvent un foyer d'agitation. Mcontente de

    ses chefs ou mal paye, elle intervient dans le gouvernement de faonviolente ; du reste, les vieux miliciens deviennent presque

    automatiquement de hauts fonctionnaires civils ; maris desfemmes du pays, leur descendance forme la classe des Kouloughlis.

    La Tafa des Ras

    On dsigne ainsi le groupe des capitaines de navires arms pourla course. Appel communment course, le combat des musulmanscontre les Chrtiens est rgl par des usages que la tradition a

    consacrs. Pratiquement peu de Ras sont propritaires de leursnavires ; en gnral, les expditions sont commandites par lesautorits civiles et militaires quand elles ne rsultent pas desouscription caractre collectif. Dans son organisation intrieure,la tafa des Ras forme une corporation qui rappelle les corps demtiers. Son rle consiste agrer les candidats la capitainerie,

    rgler les litiges opposant les capitaines et surveiller les usages de lacorporation. La solidarit unissant les Ras leur donne l'homognitd'un groupement social qui joua, au XVIe sicle, un rle importantdans la vie politique et conomique de la Rgence. La corporationdes capitaines (tafa des ras) ne comprend qu'une minorit de turcs.La plupart des membres sont des rengats d'origine grecque,italienne, corse, provenale qui, pour les besoins de la cause,

    deviennent Turcs de profession .

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    Les forces auxiliaires

    Pour maintenir la scurit intrieure et appuyer les expditionsannuelles, les Turcs de Tunis continuent la politique des hafsides enfaisant appel la cavalerie makhzen . Ainsi des forces auxiliaires,mobilises de faon saisonnire, sont souvent appeles appuyerl'autorit turque. Contre certaines faveurs telles que les exemptionsd'impts, certaines tribus de la steppe contractent ainsi une alliance

    permanente avec les Turcs, et deviennent des tribus makhzen.Les autorits religieuses

    En matire de justice charaque, la comptence revient desmagistrats religieux (cadis) qui jugent d'aprs la lgislationislamique. Dans les grands centres, les cadis sont assists par desmuftis. Les autorits religieuses, ou char', sont en principe

    indpendantes du pouvoir turc. Cependant, tant donnl'appartenance des Turcs au rite hanafite, il y eut bientt des cadis etmuftis reprsentant ce rite.

    Les autorits urbaines

    A Tunis comme dans les autres centres de l'intrieur, les servicesde police urbaine et d'dilit dpendent de fonctionnaires

    autochtones. A T'unis, le Cheikh al madna sige au Diwan entant assist dans sa tche par des collaborateurs dont les cheikhs dequartiers.

    Signalons, enfin, que la division administrative du pays quiprvalait avant la guerre n'a subi aucun changement : districtsterritoriaux et fractions de tribus sont administrs par les cads.

    Le nouveau rgime socio-conomiquePar suite de la conqute turque, l'ancienne Ifrqiya hafside subit

    des transformations tant sur le plan politique que sur les plansconomique et social. Aprs plus d'un demi-sicle d'agitationintrieure, de guerres et d'invasions trangres, les structures du payssont fortement prouves. Sur le plan politique, l'Ifrqiya perd sa

    souverainet ; le royaume hafside devient une province du vaste

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    empire ottoman. De nouvelles institutions (Pacha, Diwan...), encore

    mal dfinies, voient le jour, quoiqu'en fait le rgime se rduise, audpart, une oligarchie militaire qui monopolise le pouvoir.

    Mme transformation dans le domaine conomique : au lendemainde la conqute turque, de nouveaux rapports commerciaux sont nousavec l'Orient, notamment Constantinople.

    D'une faon plus gnrale, le dveloppement du commerceextrieur et la place prise par les ports dans l'conomie du pays vontcontribuer ouvrir davantage la Rgence l'conomiemditerranenne ; cet gard, la course, dont l'essor est rapideconstitue un vnement dcisif dans l'orientation conomique dupays. Car la course permet de dverser dans les ports de la Rgenceaussi bien les produits que les hommes originaires des rivages du Sudeuropen. C'est ainsi que la Tunisie littorale se distingue de plus en

    plus de la Tunisie steppique.Les conditions de la vie sociale elle-mme en sont transformes.

    Alors que l'intrieur du pays se replie de plus en plus sur lui-mme,tribus y menant une vie pratiquement autonome et gardant

    jalousement des traditions mdivales, la frange littorale s'urbanisedavantage et s'intgre progressivement aux courants conomiques et

    aux modes de vie mditerranens. C'est dans les villes de la cte ques'installent principalement les nouveaux venus. Il s'agit de nouvellesclasses sociales en gestation : aristocratie turque, rengats et

    parler du brassage entre turcs et autochtones d'odevait natre la classe des Kouloughlis.

    Sur le plan religieux, paralllement au rite malikite qui

    prdominait dans le pays, le rite hanafite voit le jour avec ce qu'ilimplique comme nouvelles instances charaques.

    Enfin l'implantation brutale de plusieurs milliers d'anatoliens setraduit par la propagation d'un nouveau mode de vie : habitudesvestimentaires, genres culinaires, musique... style architectural. Cemode de vie est d'autant plus irrsistible qu'il est prcisment celui

    de la classe dominantel4

    .

    mamlooks sans

    les

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    A n'en pas douter, la conqute turque donne un nouveau visage

    la Tunisie, dont cependant l'empreinte profonde et les traditionsne sombrent nullement avec la dynastie hafside. C'est prcismentcette empreinte qui oblige l'autorit turque a se couler dans le

    moule que l'Ifrqiya imposait ses matres depuis des sicles (Ch.A. julien). Les exigences proprement tunisiennes de continuit, destabilit et de paix expliquent la rapide transformation du rgime

    oligarchique install par Sinan Pacha en rgime hrditairequ'incarna au XVIIe s. la dynastie des beys mouradites.

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    Khareddine dit Barberousse (v. 1476 -1546)

    Khareddine devenu une figure illustredans l'Empire ottoman.

    Khareddine en pleine force de l'ge

    Au dbut du XVI' sicle, la Tunisie hafside conomiquement affaiblie etpolitiquement instable devient l'enjeu d'un duel entre l'empire des Habsbourg et

    l'Empire Ottoman pour le contrle de la Mditerrane occidentale. Du ct Ottoman,une collaboration indite s'tablit entre Istanbul et les corsaires musulmans, dont le

    reprsentant le plus remarquable tait le clbre Khareddine dit Barberousse.Khareddine commence sa longue carrire de corsaire l'ombre de son frre

    Arouj, tous deux turcs de mre grecque ns Mytilne (Lesbos). En 1510, lademande de l'mir Hafside de Tunis Ab Abdallah, les deux frres acceptent de

    diriger la dfense de Djerba contre les attaques rptes de la flotte espagnole djbase Tripoli. Ayant dfait l'attaque espagnole dirige par Pierre de Navarre, ils

    s'installent dans l'le et la transforment en centre de rsistance. Appels en 1516parl'mir zayanide d'Alger (Salem at-Tmi) pour librer le Penon d'Alger, forteresse

    occupe par les espagnols sur un lot au large de la ville, les deux frres montent uneexpdition et livrent bataille la garnison espagnole qui rsiste. Ils occupent

    nanmoins Alger, y prennent le pouvoir, chassent le souverain zayanide et continuent harceler les occupants espagnols tout en se livrant la course partir de cette

    nouvelle base. En 1519, aprs la mort de Arouj, Khareddine se place sous lasuzerainet ottomane. Le sultan Selim 1er lui confre le rang de Beylerbey d'Afrique

    et lui fournit 2.000 soldats et de l'artillerie. Il intensifie ainsi la lutte contre lesoccupants Espagnols : il reconquiert Bne et Bougie en 1522 et, en 1529, il libre

    enfin le Penon d'Alger qui devient une forteresse turque.

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    L'inscription arabe qui surmontel'entre de la turba du clbre Kaputan

    Pacha de la marine ottomane se lit : Ceci est le mausole du conqurant

    d'Alger et de Tunis, le dfunt, lecombattant et l'amiral Khareddine

    Pacha que Dieu lui accorde sa

    misricorde, l'anne 948/1541 .

    Ce monument qui se dresse sur lesrives du Bosphore tait salu l'occasion de chaque nouvelle

    investiture d'un grand amiral et dechaque dpart solennel de la flotte

    ottomane.

    En 1533, Khareddine est lev par le sultan Soliman au rang de grand amiral(kapudan Pacha) et charg de rformer la flotte de l'Empire. C'est ainsi qu'en 1534,

    il russit occuper Tunis, Bizerte et Kairouan en chassant le nouvel mir Hafside a-Hassan. Charles-Quint, l'appel de l'mir dchu, et surtout pour parer au dangerottoman qui contrle dsormais les ctes algriennes et tunisiennes ainsi que ledtroit de Sicile, russit former une puissante armada de 412 btiments et de

    35.000 hommes qui, sous son commandement personnel, dbarque le 16 juin 1535sur les ctes de Carthage et finit, le 14 juillet, par enlever le fort de La Goulette puis,au bout d'une semaine, par occuper Tunis. Il restaure l'mir al-Hassan et installe desgarnisons espagnoles dans des forts difis dans les principales villes du littoral. Le

    protectorat espagnol sur l'mirat hafside, bien que souvent branl par des

    harclements de la flotte ottomane, durera jusqu'en 1574, date laquelle SinanPacha libre dfinitivement la Tunisie qui devient Eyala Ottomane, l'instar d'Algeret de Tripoli. Les victoires successives de Khareddine lui valent la richesse et une

    grande clbrit dans la capitale de l'Empire. En reconnaissance de ses victoires et

    de la rnovation de la puissance navale qu'il a entreprise depuis 1534, l'amiralKhareddine Pacha a t dment honor par Soliman le Magnifique qui a ordonn

    d'difier un mausole son nom sur les rives du Bosphore.

    Le mausole de Khareddine

    Barberousse

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    Les batailles de Darghouth

    Mahdia

    Vue panoramique de la presqu'lede Mahdia rpute imprenable

    derrire ses remparts. On aperoitau premier plan Bb el-Fth(Skifa el-Kahla), au fond droitela mosque et plus loin lesfortifications et les

    bassins de l'anc ien port.

    En 1510, les Espagnols prolongent jusqu ' Tripoli le rseau de leursconqutes au Maghreb. Ils font diriger contre Djerba une expdition commandepar Pierre de Navarre qui choue lamentablement. Pour venger cette dfaite,

    Charles-Quint envoie contre Djerba une flotte importante qui russit conqurir l 'le et qui exige de sa population un tribut trs lourd.

    Succdant aux frres Barberousse, le lgendaire Darghouth reconquiertpeu peu partir de 1540 le littoral Est de la Tunisie, notamment

    Mahdia et Djerba qui deviennent ses principales bases en terre africaine. Pourmettre fin ses incursions sur les ctes italiennes et siciliennes, Charles-Quint

    ordonne en 1550 une expdition contre Mahdia. La villeest prise et Darghouth dbusqu. Cependant, l'occupation s'avre onreuse.

    Les Espagnols vacuent Mahdia en juin 1554 aprs avoir dmantelses fortifications afin que les Turcs ne puissent plus s'y rfugier. La ville

    reste ainsi inhabite pendant longtemps ; en 1591, le voyageurmarocain al-Tamgrouti n'y a vu que des ruines, des corbeaux

    et des chacals . Vers la fin du XVI' sicle, les Turcs roccupent la ville et enfont une ville-garnison. Mais au lieu de reconstruire l'ancienne enceinte, ils secontentent d'difier un nouveau fort, Burj al-Kbir, sur le point le plus lev de lapresqu'le. Darghouth se maintient nanmoins Djerba. Charles-Quint envoie

    en 1551 une flotte importante dirige par l'amiral Andr Doria pour en finiravec le terrible corsaire. L'expdition se termine par un dsastre et la flotte

    espagnole subit de lourdes pertes. Philippe II, succdant Charles-Quint, tente son tour en 1559 de dloger Darghouth et d'craser l'le rebelle.

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    Djerba

    Djerba : vue arienne de Burj al-Kbir

    A la tte d'une vritable armada, le vice-roi de Sicile Juan de la Cerda estcharg de l'expdition qui, aprs quelques succs, fut encercle et contrainte de

    capituler ; la flotte ottomane dirige par l'amiral Piali Pacha se porte ausecours de l'le et crase les forces chrtiennes. La dfaite de Djerba(1560) est considre, aprs la catastrophe d'Alger en 1541, comme undes plus grands dsastres navals espagnols du XVIe sicle. Sur les lieuxde la bataille, devant Burj al-Kbir (la grande forteresse), prs de 6 000

    crnes de chrtiens et leurs ossements servirent l'rection d'une tour de prsde 130 pieds de hauteur, dite Burj ar-Rous (la tour des crnes).

    Carte ancienne de Djerba.En mdaillon, plan de Burj Ghazi, v. 1560. Le Borj el-Kbir et la tour des crnes.

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    Eulj Ali(v. 1508-1587)

    Eulj Ali passe pour tre, aprs Khareddine, le marin le plus habile ayantjamais navigu en Mditerrane . N vers 1508 dans un petitvillage de

    Calabre, Licasteli, dans une famille de pcheurs, il est enlev l'ge de 12 anspar des corsaires barbaresques et sert quatorze ans comme esclave de galion.Puis il passe au service des Ottomans, se convertit l'islam et participe aux

    guerres mditerranennes au ct de Darghouth. En 1560, lors de l'expditiondu vice-roi de Sicile contre Djerba, Darghouth l 'envoie Istanbul pour

    solliciter des renforts. Eulj Ali accompagne la flotte ottomane dirige parl'amiral Piali Pacha avec pour mission de dfendre Djerba et de chasser les

    forces chrtiennes. En 1565, lors du sige de Malte, il prend la succession deDarghouth tu au combat.

    Nomm en 1568 par Selim II Beylerbey d'Afrique, il russit reprendreTunis aux espagnols l'anne suivante. Il participe en 1571 la fameuse

    bataille de Lpante. Son courage dans la bataille le fait distinguer ; il reoitpar la suite le titre de Kilij (pe) et le haut grade de Kaputan Pacha. Ainsi, au

    lendemain de la dfaite, il est charg de reconstituer la flotte ottomane etreprend, en 1574, au ct de Sinan, La Goulette et Tunis aux Espagnols.

    Infatigable combattant, il guerroya en Perse, sur les frontires de Gorgie, etc.,

    jusqu' sa mort survenue le 27 juin 1587.Sa combativit et ses succs lui valent dans la capitale de l'Empire des

    richesses et des honneurs dont tmoigne la majestueuse mosque qui porte sonnom et qui est l'uvre du fameux architecte Sinan Mi'mr. La mosque fait

    partie d'un petit complexe religieux, Kulliye.

    Mosque Eulj Ali. Architecture puissante et massive.uvre de l'architecte Sinan.

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    La Goulette

    La Goulette est l'un des principaux thtres de la longue lutte que se livrent lesEspagnols et les Turcs pour le contrle de la Mditerrane. Le fameux port

    accueillit les frres Barberousse leurs dbuts. En 1534, La Goulette est prise parKhareddine, mais l'anne suivante Charles-Quint la lui reprend et la place-forte

    restera entre les mains des Espagnols jusqu'au 25 aot 1574.A cette date, Sinan l'occupe et fait raser ses fortifications.

    Aprs la cuisante dfaite des Espagnols le 13 septembre 1574 devantSinan Pacha, on rendit responsables don Juan d'Autriche et le cardinal Granvelle

    qui, l'poque, taient tous deux en Sicile, occups, l'un jouer la paume,

    l'autre courtiser les dames, d'o le mot qu'on rptait malicieusement Madrid : Don Juan par sa raquette et Granvelle par sa braguette ont perdu La Goulette

    Le plan reproduit ci-dessous, qui date de 1764, montre les fortifications de LaGoulette aux XVII' -XVIIIe sicles : seuls subsistent de l'ancienne forteresse du XVIe

    sicle les deux bastions sud et la courtine qui les relie ; ramnag, l'ensembleforme le fort de la Goulette dit al-Karraka (1). Le petit fort (2) a t difi par le

    dey Ahmad Khja vers 1640, suite une attaque particulirement nfaste desChevaliers de Malte. Il tait renforc par une srie de redoutes armes de batteries fleur d'eau. Les magasins, les citernes et le canal avec son pont levis sont

    clairement indiqus.

    Sur cette photo arienne on voit nettement au Relev datant de 1764 sur lequel onpremier plan les deux bast ions sud et la peut voi r les fo rt ifications de lacourtine qui les relie et qui sont reprsents Goulette aux XVII e et XVIIIe sicles,

    sur le dessin de 1764.(JM. BeUin, Le Petit Atlas Maritime, Paris 1764).

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    La conqute de Tunis par Sinan Pacha en 1574

    Gravure reprsentant le sige de la Goulette et de Tunis par Sinan Pacha et Eulj Ali(Atlas de Braun et Hoggenberg, Thtre des cits du monde, Cologne 1574, planche 58)

    Cette gravure qui reprsente le sige de La Goulette et de Tunis par les troupes

    de Sinan Pacha et de Eulj Ali (t 1574) donne le tableau complet desfortifications de la ville et du port. Flanque de six bastions et de forme toile,la forteresse espagnole de la Goulette (Guleta Arx) apparat bloque du ct de

    la mer par la flotte turque. Etablis sur la terre ferme, les campements turcs(castra turcica) assigent la forteresse de deux cts. Les Ottomans ont dj

    enlev le fort de l'Eau (Turris Aquae) aux Espagnols. Non loin du fort, un secondchenal (fossa transitus) relie la mer au lac de Tunis.

    Le lac est dsign par le nom Stagnum ; le canal qui va jusqu ' Tunis le diviseen deux parties ; l'le de Chikly avec son fort dit de Saint Jacques (Sicli insula S.

    Iacobi) apparat au milieu de la partie nord du plan d'eau.Nova Arx, la nouvelle forteresse espagnole, dform toile, se dploie entre

    la ville et le lac. Elle est enceinte d'un foss et relie la ville par deux murs.Dfendue par ses remparts, la cit de Tunis est reprsente dans la partie

    suprieure du plan avec l'inscription Tunes Urbs. Telle est l'apparence de Tunisau moment de l'expdition de Sinan et de Eulj Ali. Aprs la prise de la ville etl'expulsion des Habsbourg, les deux places fortes de La Goulette et de Tunis

    seront rases et l'aspect des fortifications de Tunis change radicalement.

    (Source : Nji Djelloul)

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    La Nova Arx

    Dop par la mmorable victoire deLpante en 1571, Don Juan d'Autrichedirige une expdition qui russit reprendre Tunis aux Turcs le 10 octobre1573. Peu aprs sa victoire, Don Juanquitte Tunis mais il y laisse une garnisonde huit mille hommes placs sous lecommandement du gnral milanais

    Gabrio Serbelloni qui il donne l'ordrede construire une nouvelle citadelle - laNova Arx - entre les murailles de la villeet le lac. Le chantier commence le 11novembre 1573 et la construction

    progresse rapidement. Cependant, avantmme l'achvement des travaux, uneimportante flotte turque dirige par

    Sinan Pacha et Eulj Ali surgit le 11juillet 1574 devant Tunis. Le 17 juillet,Tunis tombe entre les mains des Turcs,suivie le 23 aot de La Goulette.Serbelloni et ses hommes se retranchentdans la gigantesque forteresse mais ils

    finissent par se rendre ; leur capture le13 septembre scelle la fin de la prsenceespagnole dans le pays. Elle marque aussi la fin de la dynastie Hafside et le dbut

    de l're Ottomane.La nouvelle forteresse a la forme d'une toile six pointes ; elle est flanque de

    six bastions : au sud, le bastion Doria ; au sud-ouest, le bastion Serbelloni ; l'ouest, le bastion Salazaris ; au nord, le bastion S. lacobi ; l'est, le bastion

    Austria et, au sud-est, le bastion S. Ioannis. On distingue nettement sur le plan lessix courtines qui les runissent, les fosss et les demi-lunes qui les dfendent.Vaste, la citadelle se dploie sur tout le terrain qui s'tend entre la ville et le lac.

    La ville ferme d'une muraille continue est reprsente dans la partie suprieure

    du plan avec l'inscription Tunes Urbs et le lac est dsign par le nom Stagno. Enoutre, la forteresse est relie la ville par deux retranchements (ou deux murs).Couvrant plus de dix hectares, la Nova Arx peut tre considre au XVIe siclecomme une ville europenne jouxtant la mdina ; le chroniqueur tunisois Ibn Ab

    Dinar la donne pour telle. Dvastes, les ruines de cette forteresse subsistentjusqu'en 1640. A cette date, le dey Ahmad Khja ordonne de dmolir ce qui restaitde l'ancien difice, tout en pargnant la chapelle de Saint-Antonio (emplacementde la Cathdrale actuelle de Tunis) et le petit cimetire chrtien du mme nom.

    (Plan de la BNP, publi parMonchicourt et P. Sebag).

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    L'Amiral Sinan Pacha conclut l're hafside,met un terme l'emprise espagnole et ouvre l're

    de la Tunisie ottomaneMilanais de la famille des Visconti et lev dans le palais du sultan, Sinan

    accde au poste d'amiral de la marine ottomane et de ministre. Second parEulj Ali, il est le commandant de l'expdition navale envoye d'Istanbul qui, aucours de l't 1574, russit reprendre La Goulette et Tunis aux Espagnols et mettre fin au rgne des Hafsides. La mise en place de la nouvelle administration

    ottomane dans la Rgence est son uvre. Sinan parachve l'entreprise de laSublime Porte au Maghreb. Aprs la reconqute de Tunis, se substituent aux

    pays morcels d'autrefois les quatre blocs politiques des temps modernes : lestrois rgences de Tripoli, Tunis et Alger et le royaume chrifen du Maroc.

    A Istanbul, la mosque Sinan sur les bords du Bosphore, non loin du mausolede Khareddine, tmoigne de la notorit du grand amiral ottoman ; le

    monument est l'uvre de l'architecte Sinan.

    Situe sur les rives du Bosphore non loin des monuments consacrs aux grandsamiraux de l'Empire, la mosque Sinan Pacha fonde par Soliman le Magnifique estralise par le grand architecte de l'Empire Sinan Mi'mr.

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    Notes

    1. El-Kairaouani : a1-Mu'nis Fi akhbar Ifrqiya wa Tunis (Chronique de l'Ifrqiyaet de Tunis Trad. par Pelissier, Paris, 1845). Hamouda ben Abdelaziz :Tarikh al-Bashi, B. N. ms.

    2. Ch. Monchicourt : Kairouan et les Chebbia, Tunis 1939, p. 86.

    3. El-Kairaouani : op. cit., p. 153 et sqq.

    4. Organise avec le consentement des Etats et sous leur contrle, la course taitun moyen de guerre lgitime et rgulier consistant enrler des naviresvolontaires et les armer en vue de courir sus aux btiments ennemis. Lecorsaire, la diffrence du pirate, faisait donc lgitimement la guerre Cf.Larousse encyc. XXe s. art. Course.

    5. F. Braudel : Les Espagnols et l'Afrique du Nord in R. T., 1928, p. 184.

    6. F. Braudel : op. cit., p. 184 et sqq.

    7. Soliman II al Qanouni (1495-1566) Grand conqurant, il soumit d'immensesterritoires en Afrique, en Asie mineure et en Europe. Il fut l'alli du roi deFiance Franois 1er, alliance contre l'ennemi commun, l'empereur espagnolCharles-Quint.

    8. Djerba, Tripoli, Bougie.

    9. Khareddine Barberousse (1476? - 1546) fils d'un rengat grec de l'le de Lesbos,il s'est mis avec son frre an Aroudj au service du sultan Selim I. Charg demener la guerre de course contre les Espagnols, il fut nomm Capoudan pacha

    (grand amiral) par Selim 1er et remporta des victoires maritimes (bataille de

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    Candie). Il vint Marseille comme alli de Franois 1er et mourut Constantinople en 1546, : Khair al Din in E. I. vol. II, pp. 923 -925, Julien

    Ch. A. : Histoire de l'Afrique du Nord, Paris - Payot 1961, T. II, pp. 254 et sqq.10. Enferm dans sa capitale, sous la pro tec tion de sa garde chrtienne, le sultan

    hafside dut renoncer se hasarder jusqu'au Djebel Ressas pourtant situseulement 28 kms de Tunis cf. Julien, op. cit., p. 250.

    11. L. Mouillard : Etablissement des Turcs en Afrique et en Tunis , Rev. Tunis,1895, p. 362.

    12. Ramen Tunis quelques jours aprs sa mort, il fut inhum dans la zaouiade Sidi Qsim al-Jalz.

    13. Les diffrents grades militaires dans la milice taient les suivants :

    Dey (commandant de section ou compagnie) ;

    Agha bachi (off icier supr ieur) ;

    Bouloukbachi (capitaine) ;

    Oda-Bachi (lieutenant chef de chambre) ;

    Yahia-Bachi (prvt) ;

    Oukil Hardj i (fourrier m ajor) ; Bach-Oldach (Chef de tente ou d'escouade) ;

    Askri Oldach (vieux soldat ou soldat de l e r e classe).

    14. Djat H. Influences ottomanes sur les institutions, la civilisation et la culturetunisienne in R. H. M. n 6 - 1976.

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    L A T U N I S I E M O U R A D I T E

    AU XVIIE S I C L E

    Par Abdelkader Masmoud

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    C'est dans le cadre gnral d'une confrontation gostratgique entre

    les deux plus importantes puissances de l'poque que vont se drouler les

    principaux vnements dont l'enjeu tait essentiellement la matrise du

    bassin occidental de la Mditerrane. Le duel qui va durer plus d'un

    demi sicle oppose l'imprialisme espagnol, porte tendard de la

    chrtient, l'Empire turc protecteur de ".Dar al Islam" et nouveauvenu sur la scne mditerranenne.

    A l'origine, quelques audaces individuelles dans le cadre d'activits

    corsaires vont tre couronnes de succs et donner lieu des implantations

    ponctuelles, mais combien stratgiques, le long des ctes maghrbines. Ces

    initiatives vont trs vite dboucher sur une confrontation directe entre les

    deux empires. L'pilogue de ce choc avantagera en dfinitive l'EmpireOttoman et scellera pour longtemps l'avenir du Maghreb central et

    oriental, A partir de l'anne 1574, c'est dans le cadre de l'Empire

    Ottoman que les deux Rgences d'Alger et de Tunis vont devoir voluer

    dornavant.

    L'histoire de la Tunisie dans les premires dcennies du XVIIe sicle est

    celle de son volution progressive vers un rgime hrditaire de typedynastique. Cette volution se fera au terme d'une priode agite,

    marque par des luttes de pouvoir opposant entre elles les nouvelles

    autorits turques installes par Sinan Pacha. D'abord, ce fit la lutte des

    deys, chefs de la milice, contre les pachas, gouverneurs rsidents ; ensuite

    la lutte des beys commandant les expditions annuelles de la mahalla,

    contre les deys.

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    Dans la trame de ces vnements, il ne s'agissait de rien moins que de

    l'effacement progressif de l'oligarchie militaire turque et, travers elle,de l'autorit directe du Sultan sur le pays, ouvrant ainsi la voie un

    rgime autonome, inspir et appuy par des forces locales et prenant la

    forme d'un pouvoir dynastique caractris,

    Ce nouveau rgime politique est celui des beys mouradites qui,

    nonobstant certaines priodes troubles, exerceront en fait le pouvoir

    jusqu a l'ore du xvmc s.

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    PREMIERE PARTIE

    L'volution

    L'organisation du pachalik de Tunis par Sinan Pacha, avant sonretour en Turquie, n'a pas dur longtemps (1574-90). L'quilibreentre les diffrents pouvoirs mis en place : pacha, dey, diwan, milicedes janissaires, a t rapidement rompu. C'est l'intrieur de lamilice des janissaires qu'clata le conflit, dbouchant sur unevritable rvolution en 1590-91.

    L'abus de pouvoir des pachas d'une part et les nombreuses exactionsde toutes sortes de certains hauts dignitaires d'autre part provoquentde nombreuses plaintes de la part de la population dont certainesparviennent jusqu' Istanbul sans entraner, du reste, aucune raction.

    Ces abus atteignent la milice dans ses intrts propres et c'est deconnivence avec certaines personnalits haut places de la capitaleTunis que les janissaires s'insurgent contre leurs officiers et leurarbitraire et les massacrent presque tous. Ils dlguent ensuite la ralitdu pouvoir leurs chefs directs, les deys, qui doivent discuter ettraiter en commun des affaires publiques.

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    Les Deys de Tunis1590-1705

    1-Brahim Dey Rodesli : 1590 - 1592

    2- Moussa Dey : 1592 - 1593*3- Othman Dey : 1598 - 9 septembre 1610

    4- Youssef Dey : septembre 1610 - dcembre 1637

    5- Osta Mourad : dcembre 1637 - juillet 16406- Al Hj Muhammad Khja .-juillet 1640 - juillet 1647

    7- Al Hj Muhammad Lz : juillet 1647 - septembre 1653

    8- Al Hj Mustapha Lz : septembre 1653 - juin 1665

    9- Qra Kz : juin 1665 - juin 1666

    10- Al Hj Ughli : juin 1666 - juillet 1669

    11- Cha'bn Khja : juillet 1669 -avril 1672

    12- Mantachli Dey : avril 1672 - mars 1673

    13- Al Hj Ali Lz : mars 1673 - juin 1673

    14- Al Hj Mmi Jamal : juin 1673 - mars 1677

    15- Muhammad Bichra : mars 1677 - avril/mai 1677

    16- Al Hj Mmi Jamal : avril / mai 1677 -juin 1677

    17- Uzn Ahmad : 27 juin - 1 juillet 1677

    18- Muhammad Tbq : 1 juillet 1677 - octobre 1682

    19- Ahmad Chalabi : octobre 1682 - mai 1686

    20- Baqtch Dey : mai 1686 - 1688

    21- Ali Ras Dey : 1688 - juillet 1691

    22- Brahim Khja : juillet 1691 - novembre 1691-novembre 1691

    23- Mahmoud Khja : novembre 1694

    24- Muhammad Ttr : novembre 1694 - juillet 1695

    25- Ya'qb Dey : juillet ~ octobre 1695

    26- Muhammad Khja : octobre 1695 - mars 1699

    27- Dali Muhammad : mars 1699 - mars 1701

    28- Qahwji Muhammad : mars 1701 - juillet 1702

    29- Qra Mustapha : juillet - octobre 1702

    30- Barazli Dey : octobre 170231- Brahim Chrif : octobre 1702 -juillet 1705

    D'aprs Andr Raymond. Une liste des Deys de Tunis de 1590 1832. Cahiers de Tunisie

    N 32 (i960).

    * 1! y eut un hiatus de sept ans entre Moussa Dey et Othman Dey.

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    CHAPITRE PREMIER

    La domination des deys1591-1631 1

    Cette premire transformation du rgime de la Rgence qui s'estdroule sans aucune intervention de la Porte, ne permet gurel'instauration d'une organisation viable ni stable ; l'accord entre les

    deys, au nombre de trois cents, s'avre quasi impossible. Il s'ensuitune longue priode d'instabilit qui durera jusqu'en 1598.

    C'est vers cette date que s'impose effectivement le dey Othman,aprs les deux rgnes bien phemres de Brahim Rodesli 1590-92et de son successeurMoussa Dey (1593). La democratia militare laquelle aspirait le corps de la milice voluera rapidement vers un

    rgime typiquement despotique, engendrant de nouveaux rapportsde force entre les diffrents prtendants au pouvoir.

    C'est avec Othman Dey (1598-1610), un officier de la milice,qu'eut lieu le transfert effectif du pouvoir du pacha au dey. Doud'une forte personnalit, Othman Dey russit s'imposer au Diwanqui devient une sorte de conseil consultatif, et la turbulente milice

    des janissaires qu'il dbarrasse de ses lments les plus durs. Il use de

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    50 - - - LES TEMPS MODERNES

    la mme politique vis--vis de la Ta'fa des Ras et de son chef, le

    Ca.pta.ti, qu'il soumet son autorit directe. Par ailleurs, il redonneplus d'importance l'ancienne institution hafside de bey al mahalla.En plaant la tte de cette colonne charge de percevoir les impts l'intrieur du pays des hommes qui lui sont dvous et de surcrottrs dynamiques, tel le gorgien Romdhane, il russit draner plusd'argent vers les caisses de la Rgence. Il n'hsite pas montrer lavoie dans ce domaine en dirigeant en personne la mahalla,

    notamment vers le sud (Seddada) et le djebel Oueslat, l o lapacification turque rencontrait de srieuses rsistances.

    L'adoption par Othman Dey d'une sorte de code de droit publicappel al mizan (ou livre rouge) permet de codifier certainescoutumes en vigueur dans le pays et d'amliorer les relations entregouvernants allognes et gouverns autochtones. De mme, lertablissement de la scurit dans les campagnes, la construction etl'entretien des ponts - pont de Bizerte - et des routes, permettent deretrouver une certaine prosprit conomique que la Rgence avaitoublie depuis bien longtemps. Cette prosprit sera encore plus relleet plus effective avec l'installation dans le pays de nombreux andalous.En effet, c'est partir de 1609 que Tunis accueille plusieurs milliersd'andalous chasss d'Espagne par Philippe III. Le dey les aide

    s'installer, selon leurs spcialits, Tunis, autour de la capitale et dansles rgions les plus riches du pays : la rgion de Bizerte, la valle de laMedjerda, le Cap Bon. Ces immigrants contribueront au relvementde l'conomie rurale, de l'artisanat, du commerce et de l'urbanisme.Cette immigration entrane, par ailleurs, l'introduction de la piastreespagnole qui finira par dominer la monnaie tunisienne.

    La guerre de course se dveloppe au cours de cette priode. Le Dey

    y prend une part importante. Des captifs anglais tels Joseph Ward etSamson participent la modernisation de la navigation tunisienne.Tunis russit aligner six galres bien armes, douze grands vaisseauxet trois frgates, soit une vritable flotte pouvant rivaliser avec lesautres flottes rgnant sur la Mditerrane.

    Le Dey arme pour son propre compte deux galres, six gros vaisseaux

    et deux potaches. Il en tait de mme pour les autres puissances de

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    Intervention turque dans la mosque de la Kasbah de Tunis

    Dtail de l'inscriptionbi lingue, turque etarabe, scelle droitedu mihrab.

    Le nouveau minbar en marbre construit par les Turcs.

    Suite au rattachement de la Tunisie l'Empireottoman, le rite hanafite se propage aux dpens du ritemalikite qui prdominait dans le pays. Dans un premiertemps, les nouveaux gouvernants de la Rgence affectentquelques anciennes mosques au rite hanafite, telle quela mosque de la Kasbah. La mosque hafside est l'objet

    de quelques amnagements pour la rendre approprieau nouveau rite, ainsi le minbar maonn en marbre

    remplace-t-il l'ancienne chaire en bois. Une inscriptionbilingue, turque et arabe, commmore l'vnement ; elle

    est scelle au mur de la qibla, droite du mihrab.

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    T'unis. L'activit de cette flotte multiplie les prises de captifs

    entranant de nombreux rachats, mais aussi de nombreusesconversions.

    Telle fut l'uvre de Othman Dey qui aboutit une certaine stabilitet un dbut de prosprit dans la Rgence. Il appartiendra sonsuccesseur Youssef Dey de consolider encore davantage le pouvoirdeylical.

    Youssef Dey : 1610-1637Simple janissaire ses dbuts, comme son prdcesseur Othman,

    Youssef Dey russit accder aux plus hautes fonctions de l'Etat. Safidlit son matre fut sans tche tel point que ce dernier dcide dele marier sa propre fille et le dsigne comme son ventuel successeur.Cette succession se droule d'une faon pacifique mais non sansintrigues. Aprs avoir limin son principal adversaire Ajem Dey,Youssef Dey a pu se maintenir longtemps au pouvoir et continuerl'uvre de Othman Dey. La premire tche qui incombait au nouveaudey tait la consolidation des frontires du pays, notamment dans sesconfins ouest et sud-est.

    Au sud-est, Tunis reprend l'le de Djerba qui avait t rattachependant quelque temps au pachalik de Tripoli . Du ct occidental,

    la frontire n'a pas t dlimite sans peine : il fallait compter avecles prtentions de l'udjakd'Alger et ses ambitions vouloir exercerson influence sur certaines tribus du nord-ouest.

    La premire dlimitation date de 1614 : l'oued Serrt est choisicomme frontire de part et: d'autre. Mais cette dlimitation s'avreprovisoire. Les empitements des tribus limitrophes et la volont de

    l'udjalc d'Alger de s'tendre aux dpens de Tunis vont provoquer denouveau la guerre entre les deux Rgences. Les Turcs d'Algercherchent s'emparer de quelques places fortes (qal'at Senam, qal'atArkou, Le Kef...) qui serviraient de positions-cls pour uneventuelle invasion du pays.

    Fort de l'appui des Beni Chennouf et des Ouled Sad, YoussefDey triomphe d'abord des forces d'Alger, mais ces dernires ont su

    exploiter certaines dissensions dans les rangs de l'arme auxiliaire du

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    La mosque Youssef Dey : noyau d'un complexearchitectural (kiilliye)

    Cette mosque est construite en 1615 par Youssef Dey qui est considr parmi lesplus comptents gouvernants de la priode des deys. Il ajoute sa mosque

    plusieurs units diffrentes par leur fonction et leur architecture, mais qui formentun ensemble architectural intgr, kiilliye. Le chroniqueur al-Wazr as-Sarrj crit

    propos de ce complexe : Le dey difia sa mosque et la fit entourer de huitbtiments importants : la mosque elle-mme, la madrasa, la salle d'ablutions

    (mdha), le caf, le hammam, lefondouk, le souk al-Birka et le moulin. Les

    constructions sont accoles et forment un sorte de village autonome .Cette mosque a constitu un prototype pour une srie de grandes mosquesconstruites ultrieurement Tunis par les Mouradites et les Husseinites.

    Sur cette vueancienne on voit

    successivement lagalerie infrieure quidonne sur la rue

    et qui abritait deschoppes d'artisans,le mausole Youssef

    Dey, le minaret.

    Au fond apparat leminaret de la

    mosque de laKasbah.

    Texte de l'inscription de fondation de la mosque Youssef Dey 1023-1024/1614-1615.

    1- Que la paix soit avec vous! Vous avez tvertueux ; entrez dans le paradis pour y

    demeurer ternellement (Coran XXXIX, 73, trad. Kazimirski).

    2- Les travaux dbutrent le dix du mois illustrede shawwl

    3- de l'anne mil vingt-trois ; la premire prireprne

    4- (dans cette mosque) fut la prire du vendredivingt-deuxime jour du

    5- ramadan bni de l'anne mil vingt-quatre.

    crit par Hasan ibn Sulaymn.

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    dey de Tunis et acheter trs cher la dfection du cheikh Thabet ben

    Chennouf ainsi que celle de la tribu Ouled Sad, ce qui leur permetd'envahir de nouveau le territoire tunisien. L'arme de Youssef Deyest battue Essetara le 17 mai 1628,

    La dfaite est suivie d'un trait de paix aux termes duquel Tunisdoit verser un tribut et une indemnit Alger ; en outre, la frontireentre les deux Rgences est fixe l'oued Serrt et l'oued Mellgueainsi qu' une ligne reliant certains points biens prcis : le djebel El

    Hairech, Quloub Thirn, le sommet du djebel Hafa jusqu' la mer.La qal'a d'Arkou devra tre dtruite et vacue aussi bien par Algerque par Tunis.

    Ce trak met fin l'hostilit dclare d'Alger et confirme leprincipe de la territorialit des diffrentes tribus et populations,d'aprs lequel l'autorit deylicale s'exerant sur un territoire donn

    doit automatiquement englober toutes les populations installes surledit territoire. Ainsi, certaines tribus des frontires occidentalesinstalles sur le territoire dpendant de la souverainet de Tunisdevront dsormais leurs impts au dey de Tunis. Cependant, Algerprofitera de toutes les occasions pour intervenir dans la Rgencelimitrophe et pcher en eau trouble, mais la frontire occidentale nesera plus conteste.

    A l'intrieur de ces frontires plus ou moins prcises, l'insoumissiondes tribus et de certaines villes de la cte l'autorit deylicalereprsentait pour Youssef Dey une menace aussi srieuse, sinon plus,que les problmes frontaliers. C'est pourquoi il s'emploie, durant toutson rgne , les soumettre son autorit. Il concentre ses effortscontre la tribu des Chenenfa et leur fait payer durement leur dfection

    lors du conflit frontalier avec Alger, en 1628, en les dlogeant de largion du Kef o ils vivaient dans une quasi-indpendance. Il agit demme contre la turbulente tribu des Ouled Sad qui prtendait tenir enfief de l'ancien gouvernement hafside toute la rgion du Sahel. Durantsept annes conscutives, il assige la ville d'EI-Hamma qui finit par serendre. Ainsi l'ordre turc est impos partout dans la Rgence,

    permettant l'conomie de connatre une certaine prosprit.

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    Souks crs par Youssef Dey

    Youssef Dey difia prs de sa mosque quatre souks : un soukconcd aux marchands Djerbiens (souk al-Laffa), un autre rserv la vente des esclaves et aux produits de la course (souk al-Birka) et

    les deux derniers spcialiss dans la confection de nouveaux modlesde mule (souk al-Bchmqiya) et d'accoutrement la turque (souk des

    Turcs). L'amnagement de tels souks entre dans le cadre d'uncomplexe architectural intgr : les boutiques, les entrepts, lesfondouks et les hammams qui se trouvent dans les souks sont

    constitus en waqf au profit des fondations religieuses : la mosque,la madrasa, le kuttb et la turba.

    Le souk des Turcs est l'un des plus imposants souks de la mdina deTunis. Long d'une centaine de mtres, il relie la Zaytna la mosqueYoussef Dey. Une centaine de boutiques bordent une rue pave largede 6 m et dote d'un caniveau mdian. Les boutiques sont occupes

    par des tailleurs, trziya, s'employant la confection de pantalons etde gilets la mode orientale, richement brods et soutachs. A

    l'poque de sa fondation, le souk tait abrit par une sorte de tresseen jonc. A l'poque des Mouradites, le dey Chabne Khja (1669-

    1672) dcide de le couvrir d'une charpente en bois. Cette couvertureconnue d'aprs des illustrations a t remplace rcemment par des

    votes en berceau.

    Souk at-truk (des Turcs) (peinture de Yahia)

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    Pour mieux affirmer son autorit, Youssef Dey s'est appuy surd'excellents collaborateurs, tel son favori et ami Ali Thabet et surtout

    des beys de grande valeur, notamment Mourad Bey et son fils etsuccesseur Hamouda, ce qui lui a permis d'augmenter les ressourcesde l'Etat au fur et mesure que l'assise fiscale s'tendait, Mais malgrleur importance, les ressources qu'a fournies le pays vont s'avrer bieninfrieures aux profits considrables que va drainer la coursemditerranenne au cours du premier tiers du XVIIe sicle.

    La conjoncture mditerranenne est relativement favorable sur leplan conomique et les autorits de Tunis n'hsitent pas en tirerprofit. L'impulsion vient d'en haut. D'intrpides ras, d'originechrtienne pour la plupart mais convertis l'Islam (Ras Samson,Ouardia), font la course pour le compte du dey et pour d'autresmembres de la caste dirigeante. Quinze gros btiments tunisienssillonnent la Mditerrane et drainent vers les ports de la Rgence

    d'importantes richesses dont profitera la frange maritime du pays.Mais cela n'a pas t sans inconvnient sur les relations de la Rgenceavec l'extrieur, comme nous aurons l'occasion de le voir. Profits dela course et produits de l'impt permettent Youssef Deyd'entretenir les forces armes ncessaires pour consolider son uvre,assurer la prosprit du pays et marquer son rgne par de

    nombreuses constructions d'difices publics. La capitale Tuniss'agrandit. Youssef Dey y multiplie les constructions, entre autres lamosque hanafite et la mdersa Youssoufia, les nombreux scuks :souk du coton, souk des Djerbiens, souk des esclaves (Birka), soukdes Bchamqia, de nombreuses mdhas (salles d'ablution) et sabls(fontaines publiques). Il relve de ses ruines le quartier Bab Benat etrestaure l'ancien acqueduc hafside pour mieux alimenter en eau le

    nouveau quartier rsidentiel turc.

    Osta Mourad : 1637-16402

    C'est un autre personnage d'origine allogne et de grande valeurqu'choit le pouvoir deylical la mort de Youssef Dey en 1637. Osta

    Moratto Genovese appartenait, comme son nom l'indique, unefamille trangre au pays rcemment convertie l'Islam (Osta

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    LA TUNISIE MOURADITE A U X V I I ' SIECLE 59

    Moratto ibn Abdallah el Eulj). Simple janissaire avant 1605, OstaMourad frquente le monde des affaires, domin l'poque par lescommerants chrtiens et les autorits turques. Il se distingue dans lesfonctions de ras et s'impose pendant plus de vingt ans en tant que Capitaine Gnral des galres de Bizerte , poste bien en vue cettepoque. Sa connaissance profonde du milieu commerant tranger etses multiples relations lui permettent de couronner sa brillantecarrire et d'accder la plus haute charge de l'Etat la mort de

    Youssef Dey dont il tait du reste un des principaux conseillers. Safortune, de essentiellement sa haute fonction de captan, tait djbien assise et lui permettait d'entretenir une importante clientle. Parailleurs, ses origines chrtiennes, bien qu'assez lointaines, le fontbnficier de la sympathie, voire de l'amiti de certaines puissanceseurop