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 HISTOIRE RELIGIEUSE, POLITIQUE ET LITTÉRAIRE DE  la COMPOSE!! SU R LES DOCUMENTS INÉDITS ET AUTHENTIQU ES Par J. Crétineau-Joly. OUVRAGE ORNE DE PORTRAITS ET DE FAC-SIMILE. TOME TROISIEME. h: BRUXELLES, SOCIÉTÉ D E S BONNES L EC TURES, R If S DU COHUBRCI, 13. 1845 COMPAGNIE DE JÉSUS

Histoire Religieuse Politique Et Litter a Ire de La Compagnie de Jesus (Tome 3)

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HISTOIRERELIGIEUSE, POLITIQUE ET LITTRAIRE

DE

la

COMPAGNIE DE JSUSCOMPOSE!!

SUR LES DOCUMENTS INDITS ET AUTHENTIQUES

Par

J.

Crtineau-Joly.

OUVRAGE ORNE DE PORTRAITS ET DE F A C - S I M I L E .

TOME T R O I S I E M E .

h:

BRUXELLES, SOCIT DES BONNESR If S DU C O H U B R C I ,

LECTURES,13.

1845

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HISTOIRERELIGIEUSE, POLITIQUE ET LITTRAIREDE LA.

C O M P A G N I E DE J S U S

DE LA

C O M P A G N I E DE J S U S .

CHAPITRE PREMIKR.Situation de la Compagnie de Jsus eu Europe. Clment VIII pape. Agitations et troubles dans l'intrieur do la Compagnie en Espagne. L'inquisition favorise ces troubles. Innovations que demandent les Pres espagnols et portugais. Mariana et Henriquez, chefs secrets de l'insurrection. Le pre Joseph Acosta et Philippe J.. On exige une c o n grgation gnrale.Eul diplomatique de Claude Aquaviva Parme. Le pre Sirmond,secrtaire de l'Ordre de Jsus.Le pape ordonne d'assembler la congrgation gnrale. A q u a ma obit. Ses travaux.Aquaviva est justifi et approuv. Elle maintiennes constitutions Complot trame pour rendre Aquaviva prisonnier des Espagnols.Le pteBellarmin est cr cardinal Doctrine des thomistes et dos molinistes. Molina et Banney, La prdestination et la grce. La science moyenne et la prdtermination physique.Congrgations De aux Mis* Lettres du cardinal Du Perron ce sujet. Dcision du SaintSige. Succs des Jsuites aux Pays-Bas. Los evques d'Arrasctdc Tonrnay opposs la Compagnie. 51 .m ri ce de Nassau. Jean de Smet provoque la mission do Hollande. Les pres Lon et Dnyst en Hollande. Attentat contre Maurice de Nassau. Pierre Panne el les Jsuites. Achille de Harlay et le Parlement de Paris poursuivent les Jsuites proscrits. L'avocat gnral Mai ion et los familles franaises. L'universit et le Parlement. Les Parlements de Toulouse et de Bordeaux protestent contre l'expulsion des Jsuites. Ils les conservent. Lettre du cardinal d'Ossat. Le pre H'tst, de la Comp. rie Jsus. T. m . 1

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HISTOIRE Coton dans le Dauphin. Edit de Nantes. Le pre Maggio et Henri IV. Runions du conseil Blois et Parts pour fixer le sort des Jsuites* Sguier et Servit. Les Jsuites Met* devant Henri IV. Le pre Coton appel par le roi. Henri IV et Sully. dit de rtablissement. Henri IV et Aquaviva. Le Parlement et l'universit s'opposent au rtablissement Achille de Harlay fait au roi les remontrances de son Parlement.Rponse de Henri IV.Amiti d'Henri IV pour le pre Coton,Le roi ordonne d'enregistrer ses lettres* patentes. Lo Parlement obit. La pyramide de Jean Chaste! est abattue par ordre du roi. Le roi cre de nouveaux collge s.Il donne aux Jsuites sa maison de La Flche. Le pre Armand et Henri IV. Coton, confesseur du rot* Attentat contre le pre Coton. Henri IV et le pre Oonthier. Henri IV veut nommer Coton cardinal. Il ouvre le Barn aux Jsuites. Il les envoie Constantinople et au Canada.

Jamais la Compagnie de Jsus ne s'tait vu soumise tant d'actions contraires et une telle masse d'adversaires sortis de tous les camps, et mme de celui de l'Institut. L'universit de Paris triomphait des Jsuites sur les dbris d'une guerre qu'elle avait organise avec eux. Les allis de la Ligue s'taient transforms en ennemis, et le bannissement fulmin par le Parlement contre l'Ordre de Jsus tait une expiation des dcrets rgicides rendus par l'universit. Le calme rgnait en Allemagne; mais dans la Pninsule, mais Rome, ce n'tait point par des proscriptions que Ton agitait la Compagnie. Des dissentions intestines y avaient clat depuis longtemps; la fermet d'Aquaviva put les comprimer dans le principe; ds 1591, elles offrirent plus de dangers que les arrts d'exil et que la perscution. Le protestantisme, en essayant de renverser la Socit de Jsus, la consolidait : le vaisseau tait construit de

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telle sorte qu'il rsistait aisment h la fureur des flots. Il avait assez d'habiles pilotes pour ne pas se jeter sur les rcifs; mais ce que ses adversaires n'auraient pas os tenter, ses amis, ses enfants allaient l'accomplir. Elle tait menace de dissolution, elle pouvait prir, parce que la discorde germait dans son sein. L'avnement du cardinal Hippolite Aldobrandini au Pontificat compliqua la situation; le 50 janvier 1592, il fut lu pape et prit le nom de Clment VIII. Les Jsuites espagnols lui souponnaient des prventions contre Aquaviva; ils avaient un protecteur dans Henri de Gusman, comte d'Olivars, ambassadeur d'Espagne Rome, et Philippe II leur tait favorable. Les inquisiteurs affectaient d'tre jaloux des privilges de l'Institut; e t , pour achever de les rendre hostiles, Clment VIII, la demande d'Aquaviva, fit une dclaration concernant te sacrement de pnitence, dclaration qui fut, aux yeux du Saint-Office, un empitement sur ses droits. Les novateurs, que le gnral avait vaincus une premire fois, formrent un faisceau de tous ces incidents , ils se mirent en guerre ouverte. Les quatre chefs de cette opposition taient les pres Jrme Acosta et Carillo, Espagnols, Gaspard Colho et Louis Carvalho, Portugais. Ils n'avaient ni assez de talent ni assez de consistance pour jouer un pareil rle; derrire eux se cachaient le pre Henri Henriquez et le fameux Jean Mariana, l'historien de l'Espagne, l'crivain le plus hardi de son sicle. Mariana avait des vertus religieuses; mais, turbulent et d'un caractre inquiet il aimait semer le trouble afin de se procurer l'occasion de combattre. L'Ordre de Jsus comptait dans son sein quatre frres du nom

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d'Acosta : le pre Joseph, le pun, tait le plus remarquable par l'tendue de ses connaissances et par une aptitude pour les affaires qui lui avait gagn la confiance du monarque. Joseph Acosla tait son favori; on le lit entrer dans le complot, on l'en improvisa mme l'arc-houtant, afin de s'assurer par lui la bonne volont de Philippe I I . Joseph Acosta exerait de l'influence sur le roi d'Espagne; Rome, le pre Tolet tait l'ami de Clment VIII ; les Jsuites espagnols cherchrent s'entourer de la bienveillance ou tout au moins de la neutralit de leur compatriote. Lorsque leurs batteries furent dresses, on ne songea plus qu' dtruire l'autorit suprme du gnral. Pour arriver ce point il fallait briser Aquaviva; car, appuy sur l'immense majorit des membres de l'Institut, il se proposait de maintenir les constitutions telles qu'Ignace de Loyola et ses successeurs lui en avaient lgu le dpt. Son caractre inflexible dans le devoir ne se dguisait point; on savait que jamais il ne transigerait avec l'insubordination. Les Pres espagnols commencrent donc par des attaques souterraines ; on rveilla les anciennes prtentions du pre Vasquez; Jrme Acosta remit au roi un mmoire accusateur contre l'Institut et contre le gnral. Ce mmoire concluait demander qu'au moins les Jsuites espagnols fussent gouverns par un commissaire spcial. A la prire d'Aquaviva, Philippe II chargea un des hommes les plus doctes de sa cour d'examiner l'affaire; le choix du prince tomba sur don Garcias Loyasa, prcepteur de l'infant. Don Garcias interroge Jrme Acosta, qui veut lui prouver que la Compagnie sera plus florissante et mieux gouverne lorsqu'elle aura modifi quelques-unes de ses constitutions. Je ne partage

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pas votre avis, rpond Loyasa , et je tiens pour certain qu'Ignace, aussi bien que saint Dominique et saint Franois, fut inspir dans la fondation de son Ordre. Un seul vicaire de Jsus-Christ suffit pour diriger l'Eglise universelle; pourquoi un seul gnral ne suffirait-il pas au gouvernement de la Compagnie Jrme Acosta, Carillo, Colho et Carvalho se voyaient depuis quelques annes sous le coup d'une dsobissance qui ne prenait plus la peine de se cacher. Carillo. cirasse de la Compagnie, tait interdit par l'vquede Sgovie comme prdicateur sditieux. Colho et Carvalho avaient trouv un appui auprs du cardinal Albert d'Autriche, grand inquisiteur; mais cet appui leur manqua bientt, le pre Fonseca, visiteur des provinces d'Espagne, lui ayant fait connatre leurs projets. Ces quatre Pres avaient cependant si bien su. force d'intrigues brouiller les affaires et chauffer les susceptibilits nationales* que tout en les blmant on s'attachait au plan qu'ils traaient. Aquaviva avait ajourn la congrgation gnrale; ses adversaires. le pre Joseph Acosta leur tte, persuadrent Philippe II que le moyen le plus propre paralyser les dchirements intrieurs tait de soumettre toutes les difficults au jugement d'une assemble Le roi avait peu de penchant pour une pareille mesure; il savait que du choc des oppositions et des ambitions la vrit ne sort gure que meurtrie ou dfigure ; mais, comptant sur l'exprience de Joseph Acosta, il rsolut de forcer la main au gnral. Afin de l'amener convoquer les profs, il tait indispensable de mettre le pape dans l'intrt des Espagnols. Joseph Acosta fut dpch Home

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pour gagner Clment VIII et pour obtenir de lui l'loignement d'Aquaviva pendant que les Pres se runiraient au Gsu. Un diffrend assez grave s'tait manifest entre les ducs de Parme et de Mantoue; le pape, conseill, dit-on, par Tolet, profile du prtexte : il commande au gnral de la Socit de partir, toute affaire cessante, et de se porter mdiateur au nom du SaintSige. Aquaviva obit, mais la rconciliation qu'il allait tenter sous d'aussi tristes auspices ne put s'oprer ;, il sollicite l'autorisation de revenir Rome, o, par la correspondance'du pre Jacques Sirmond qu'il a choisi pour secrtaire, il sait que sa prsence est plus ncessaire que jamais. Clment VIII la refuse. Trois mois s'coulent dans cette espce d'exil pour le pre Claude; une fivre intense s'empare de lui, il est rappel par ses frres ; alors il apprend de la bouche mme d'Acosta tout ce qui a t tram en son absence. Le pape, Philippe II et une partie des profs exigent une congrgation gnrale; elle doit mettre un terme aux divisions. En dehors de son neveu le cardinal Octave Aquaviva , le pre Claude avait de nombreux soutiens dans le Sacr Collge et dans l'Ordre dont il tait le chef. Ces appuis ne contrebalanaient point l'omnipotence pontificale et l'influence que, par Philippe I I , exeraient le comte d'Olivars et le pre Acosta. Le provincial d'Espagne, Alphonse Sanchez. plaidait bien auprs du roi la cause de l'autorit compromise; mais ce n'tait dj plus Madrid que l'on pouvait agir avec succs. Clment VIII avait tellement pris cur cette affaire que, sans couter les raisons allgus par Aquaviva, il chargea le pre Tolet de lui intimer sa volont. Le pape souhaitait que la con-

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grgation ft indique dans le plus bref dlai. L'Ordre tait positif, le gnral s'y soumit. Nous sommes des enfants d'obissance, dit-il Tolet; le souverain Pontife sera satisfait. Le jour mme, il fixa le 4 novembre 1593 pour la congrgation, et il dclara dans sa lettre de convocation qu'outre le bon plaisir du Saint-Pre, l'assemble tait runie pour affermir le corps de la Compagnie et rduire certaines provinces la tranquillit. * Ce fut dans ce moment que Clment VIII revtit de la pourpre romaine le pre Tolet; il ne songeait sans doute point donner un rivai Aquaviva et couvrir le jsuite d'une dignit qui allait compliquer les embarras en faisant natre au cur des Espagnols mille penses ambitieuses. Celte promotion rendait cependant la position plus difficile que jamais; peine fut-elle connue que les conjurs supplirent le Pontife d'autoriser Acosta et quelques Jsuites prendre part la congrgation sans autre droit que celui dont le Saint-Sige les investirait. Leurs vux s'tendaient plus loin : ils dsiraient que la congrgation ft prside par un cardinal : c'tait dsigner Tolet et exclure Aquaviva. La cinquime congrgation gnrale s'ouvrit au jour annonc; soixante-trois profs y assistrent. C'est la premire qui se soit tenue du vivant d'un gnral, et Claude Aquaviva la dirigea. Laurent Maggio en fut lu secrtaire, et on lui adjoignit les pres Bellarmin et Fabio de Pabiis. Le gnral tait en face de ses subordonns, e t , par un singulier concours de circonstances, il se voyait en mme temps inculp devant celle assemble dont il tait le prsident n. Une commission de cinq membres fut nomme pour prparer les discussions; elle se com-

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posa des pres Hoffe, Paimio, Tyrius, Gil Gonzals et Pierre de Fonseca. peine ces travaux prliminaires taient-ils tracs qu'Aquaviva demande qu'on fasse des informations sur sa conduite. Paul Hoffe peut lui tre contraire, il le met le premier au nombre de ses juges; et, malgr les rclamations de la plupart des profes, Aquaviva s'obstine ce que toutes les plaintes soient entendues librement, et qu'ensuite on les expose au souverain Pontife. Ces plaintes s'appuyaient plutt sur de secrtes rpugnances que sur. des motife avouables. Ainsi que cela arrive partout, il s'tait rencontr des hommes crdules ou prvenus parmi les Jsuites, et de loin ils avaient grossi outre mesure le fait le moins accusateur. Ils s'taient cr une arme, d'un roseau qui se brisait entre leurs mains, quand il fallait le diriger sur la cuirasse de l'ennemi. Les Pres franais, allemands et italiens ne comprenaient pas que l'on pt chafauder tout un systme d'imputations sur des actes aussi futiles, et lorsque, encore indigns de voir la paix compromise par tant de petitesses, ils se prsentrent devant le souverain Pontife, Clment VIII s'cria : Oa a voulu chercher un coupable, on a fait apparatre un saint. Selon la dcision de ses infrieurs devenus, par sa volont, magistrats temporaires et chargs de prononcer sur la manire dont il exerait le pouvoir, Aquaviva tait innocent ; il avait gouvern la Compagnie avec autant de maturit que de courage. II ne restait plus qu' discuter les changements que les Espagnols proposaient. Ces changements ne tendaient rien moins qu' dtruire l'Institut; on rvait d'abolir ou de corriger le mode et le temps de la profession, la diversit des degrs et la manire de ren-

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voyer les sujets de la Socit; on sollicitait un nouveaux choix de cas rservs et l'usage libre de la Bulle Cruciat (J). Les Espagnols ne s'arrtaient pas l; ils voulaient un suprieur pour la Pninsule, et des assembles auxquelles eux seuls auraient le droit d'assister. Pour affaiblir l'autorit du gnral, ils dsiraient qu'il ne ft pas nomm perptuit, et que le choix des provinciaux et autres suprieurs ne lui appartint plus. La congrgation gnrale avait donc statuer pour ou contre l'Institut; elle rpondit en blmant svrement les dtracteurs des constitutions d'Ignace. Elle les maintint dans leur intgrit, et elle dclara qu'aucune innovation ne serait admise. Aquaviva avait longtemps combattu pour obtenir ce rsultat; ce fut sa persvrance qui dfendit l'uvre et qui conserva l'hritage d'Ignace. Le roi d'Espagne et l'inquisition avaient pris fait et cause contre la Socit, parce que certains de ses privilges taient hostiles aux droits du Saint-Office espagnol ; la demande de Philippe I I , la congrgation renona ces privilges par son 2 1 dcret. Le pape exigeait que les assistants fussent changs, on s'empressa d'obir. Des accusations de plus d'une sorte taient adresses quelques membres de l'Ordre qui, au milieu des conflits politiques, s'immisaient dans les ngociations sculires, et qui parfois mme les drim c

( I ) La Cruciat on la Cruciada tait une bulle accorde par le Saint-Sige aux rois d'Espagne et de Portugal, en fureur de ceux qui contribuaient aux croisades contre les Maures. Elle concdait plusieurs privilges, la dispense de l'abstinence ecclsiastique, la permission de se confesser tout prtre ap* prouv, etc. 1.

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geaieat. Le dcret 4 9 fut rdig pour prvenir de semblables infractions la loi, et approuv sous le titre du 7 9 . En vertu de la sainte obissance, y est-il dit, et avec peine d'inhabilit toutes les charges, dignits ou supriorits, de privation de voix active ou passive, l'observation du 4 7 dcret, dont voici la teneur, est enjointe tous les ntres : que personne, pour quelque raison que ce soit, ne se mle des affaires publiques ou sculires des princes qui ont rapport au gouvernement de l'Etat. Quels que soient ceux qui voudraient les en prier et les y engager, qu'ils ne prennent jamais la libert de s'occuper des intrts ou choses politiques. On recommande instamment aux suprieurs de ne pas permettre qu'aucun des ntres soit engag dans ces sortes d'affaires ; et s'ils s'apercevaient que quelquesuns y fussent trop enclins. ils devraient en avertir le provincial, afin qu'il les loignt du lieu o ils se trouvent, s'il y avait pour eux occasion ou danger. La tranquillit tait rtablie par la congrgation mme que les perturbateurs appelaient leur secours; il restait punir les coupables. Le pre Henri Henriquez fut cit devant les profs. Henriquez , n Porto en 1536. tait vers dans la thologie ; il avait compos un ouvrage dont les doctrines , soumises la rvision de trois jsuites, ne furent pas approuves. Les troubles survenus dans la Socit, et auxquels il prit une part active en Portugal, l'enhardirent; malgr la dfense d'Aquaviva, il ft paratre le premier volume de sa Thologie morale et continua l'uvre sans se proccuper de l'autorisation ncessaire. Le conseil du roi et l'inquisition favorisaient sa dsobissance. Henriquezme e

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cependant se vit forc de partir et il comparut devant les Pres assembls. On mania avec douceur cet esprit indocile et lger, on chercha le faire renoncer des erreurs dont la responsabilit ne tombait que sur lui. Henriquez persista dans son insubordination ; puis il rclama la libert d'entrer dans l'Ordre de saint Dominique ; cette facult lui fut accorde, et le 18 janvier 1594 la congrgation termina ses sances. Elle aurait d mettre un terme aux troubles ; mais les agitateurs, se sentant appuys Rome et l'Escurial, revinrent leur premier dessein d'loigner Aquaviva du centre de la catholicit, puis de le dpouiller de ses fonctions de gnral. Le cardinal de Gapoue, archevque de Naples, tant mort sur ces entrefaites, ils circonviennent Clment V I I I , ils le contraignent moralement nommer le pre Claude ce sige. Le duc de Sussa, ambassadeur de Philippe II, fait la mme demande au nom de son roi. Aquaviva djoue ce complot dans lequel on avait espr que son ambition ou son amour-propre allait se mettre en tiers. On ne pouvait en faire un archevque malgr lui, le jsuite Ferdinand de Mendoa forme le projet de le livrer Philippe III d'Espagne, qui venait de succder son pre (1). Le gnral de(1) Philippe II mourut le 13septembre 1598. ge do soixantedouze ans. Sa maladie eut quelque chose d'extraordinaire, mais qui fit clater tonte la force de caractre dont oc prince tait dou. Un crivain anglican, le docteur Robert Waison, dans son Histoire du rgne de PhilippeII, s'est fait l'ennemi le plus acharn du roi espagnol, et il rend cependant justice ses derniers moments : c On lut procurait, dit-il, quelque soulagement en tenant ses abcs ouverts; mais d'un autre ct il en rsultait un mal plus insupportable; il dcoulait des plaies une matire

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ia Compagnie de Jsus tait pour l'Espagne un adversaire indirect; l'Espagne le croyait oppos sa politique, et le duc de Lerne conseillait au jeune r o i , dont il tait le ministre et le favori, d'entrer dans cette conjuration. Philippe III s'y prta : il crivit, il fit crire au pape que, pour remdier aux abus signals par quelques jsuites et rtablir la concorde entre les diverses Socits religieuses, il fallait qu'Aquaviva entreprit un voyage dans la Pninsule. Le but rel de cette visite tait trop bien marqu pour que le gnral et les assistants pussent prendre le change. Clment VIII cependant se laissa tromper; il avait, le 5 mars 1599, dcor de la pourpre romaine le pre Bellarmin, son ami, et. en le nommant cardinal, il avait dit (1) : J'ai choisi celui-ci < parce que l'Eglise de Dieu n'a pas son pareil en doctrine. Aquaviva et Bellarmin s'taient jets aux pieds du souverain Pontife pour le supplier de dtourner de la Compagnie une diguit laquelle tous ses membres renonaient solennellement. Ces loquentes protestations, les paroles mme de Bellarmin qui, les larmes aux yeux, s'criait (2) en regrettant sa cellule du Gsu : Ne m'appelez plus JVoemi;purulente dans laquelle s'engendra une quantit tonnante de vermines qui, malgr tous les soins, ne pttre dtruite. Philippe resta dans cet tat dplorable plus de cinquante jours, ayant sans cesse les yeux fixs vers le ciel* Pendant celte affreuse maladie, il fit paratre la plus grande patience, une vigueur d'esprit admirable, et surtout upc rsignation peu ordinaire la volont de Dieu. Tout ce qu'il fit durant ce temps prouva c o m bien taient sincres et vrais ses sentiments de religion. (1) Hune elegimus, quia non habet parem Ecclesia Dei, quoad doctrinam (Cardinales Bandini in sua depositione.) (2) Ruth, h 20.

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ce nom, que j'ai port dans mes jours de bonheur, ne me convient plus dans ls temps de ma disgrce; donnez-moi celui de Mara, fidle expression de l'amertume dans laquelle je me vois plong ; rien ne put faire changer Clment VIII de pense. Bellarmin tait la gloire de la Compagnie de Jsus et le bouclier de la catholicit; il voulut qu'il devint l'honneur du Sacr Collge, esprant, par cette lvation , prsenter le voyage du pre Aquaviva sous un jour plus favorable. Personne ne se dissimulait la gravit d'une pareille exigence : le gnral des Jsuites semblait abandonn par le pape; Henri IV. Sigismond, roi de Pologne, les archiducs Malhias et Ferdinand, de concert avec la plupart des princes catholiques, ne l'abandonnrent pas. La politique espagnole se faisait un triomphe de la captivit future d'Aquaviva; les autres souverains s'y opposrent par un sentiment de justice et par un calcul. Il ne fallut pas moins que la mort de Clment VIII, arrive en 1605, pour rduire nant tous ces projets. Les Jsuites sortaient d'une crise intrieure dans la Pninsule et Rome. Vers le mme temps, leurs docteurs espagnols commenaient contre les frres Prcheurs le clbre duel thoiogique auquel purent seules mettre fin les congrgations Teauilris. Il n'entre pas dans notre plan de ressusciter ces grandes controverses de la science scolastique; nous n'avons point descendre dans l'arne o thomistes et molinisles, enfants de Dominique et de Loyola, dployrent tant d'rudition. Les tournois thologiques ne vont pas l'historien ; il doit se contenter d'exposer le fond de la querelle et les motifs que firent valoir les deux antagonistes. Ce fut l'ouvrage

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intitul De Comordia grati et liberi arbilrii qui la provoqua. Le pre Louis Molina, jsuite espagnol, n en J535 Cuena, en tait l'auteur. Son livre trouva presque autant d'admirateurs que de critiques; les juges les plus comptents furent partags d'avis : il y eut dsaeeord pare q u e , des deux cts, c'tait plutt une thorie qu'un principe de Foi. Il ne nous appartient donc que de rsumer ces savants dbats qui, pendant onze annes, tinrent attentifs tous les esprits d'lite, et qui se rveillent encore parfois, car la question ne sera jamais puise. Pour mieux la faire comprendre^ nous prsenterons dans toute sa force la doctrine des thomistes, ensuite nous analyserons celle des molinistes. A peine les membres de la Compagnie de Jsus eurent-ils mis le pied dans les coles thologiques, disaient les thomistes, qu'ils y excitrent des dissensions par la tmrit de leur enseignement, par la nouveaut de leurs systmes. La perte d'un temps prcieux ne fut que te moindre danger de ces innovations ; elles compromirent en mme temps et les mystres les plus redoutables de la Foi, et les maximes les plus incontestes de la morale vanrglique. Les Jsuites semblaient avoir pris le parti detoutsacrifier leur ambition ; ils s'attachrent montrer la religion moins inaccessible l'intelligence humaine, moins majestueuse dans ses dogmes, moins austre dans ses prceptes ; ils en firent un culte plus appropri la faiblesse de l'homme et aux exigences du monde. Dans le but de capter les fa* veurs de la multitude, des riches de la terre et des femmes surtout, ils inventrent une morale relche. Cette marche vers les accommodements et les capitulations de conscience parut d'autant plus ton-

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nante qu'Ignace de Loyola avait prescrit de suivre la doctrine de saint Thomas et d'adopter toujours les opinions les plus communes et les moins hasardes. Ce fut vers 1580 que ce changement s'opra parmi les thologiens de la Compagnie. A la mme poque, le pre Montemajor Salamanquc, le pre Lessius Louvain, le pre Molina Combre, entreprirent de mieux expliquer l'action de Dieu sur la libert de l'homme, c'est--dire l'accord du libre arbitre avec la grce et la prdestination. Molina eut plus d'audace encore, et. dans son fameux trait de la Concorde, il soumit une nouvelle analyse la nature et les attributs de la Divinit. Il y dcouvrit la science moyenne ou la connaissance des choses conditionnelles; il l'appela ainsi parce qu'elle tient le milieu entre la science des objets purement possibles et celle des objets rellement existants ou devant avoir, n'importe quand, une existence relle. A l'aide de ce principe nouveau, Molina prtendait rpondre aux erreurs des anciens fatalistes et celles des hrtiques qui niaient la libert. A l'entendre, rien de plus ais que de concilier l'action omnipotente de la volont divine avec l'action parfaitement libre de la volont humaine, Molina parle comme s'il et t admis aux conseils du Trs-Haut; il ne place pas la raison de l'infaillible effet de la grce dans sa force intrinsque, de sorte que l'homme ne puisse pas y rsister, mais dans la connaissance possde par Dieu que l'homme ne rsistera pas telle grce. De son ct, le pre Lessius ne dploya pas moins d'activit pour faire triompher son systme sur la prdestination. Sous prtexte de fortifier contre le dsespoir, il poussaitla prsomption; il abandonnait l'enseignement de la prdestination gratuite, uni ver-

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sellement adopt, pour la faire dpendre de la prvision des uvres mritoires de l'homme. Jusqu'alors on avait toujours cru que c'est Dieu qui spare les lus de la masse de perdition ; selon les molinistes, c'est l'homme qui s'en spare en voulant bien se rendre la grce. Si non es prdestinatus, fac ut prdestineris devint leur maxime, ils l'attriburent saint Augustin. Les Universits dcLouvain et de Douai censurrent la doctrine de Lessius; la grande cole de saint Thomas d'Aquin, cette sauvegarde de l'orthodoxie, prit fait et cause en faveur des vieux principes, et, sous le drapeau du pre Sannez, de l'Ordre de saint Dominique, elle marcha contre les Jsuites novateurs. La Concorde de Molina enfantait la guerre; le livre fut dnonc Rome. Une commission spciale est nomme par Clment V I I I ; elle dcide en faveur des thomistes; mais les molinistes refusent de se soumettre, et ils demandent exposer leurs thories devant le souverain Pontife en personne. Le pape condescend leur vu. Sous Paul Y la discussion est reprise, et, aprs dix sances, la congrgation formula enfin une dcision : elle ne fut pas favorable aux molinistes. Les thomistes conviennent que le systme de Molina dcle un rare gnie, et que la Compagnie de Jsus a fait preuve d'un vaste savoir dans les ouvrages publis sur ce sujet ; mais, ajoutent-ils, tant de vaines subtilits, tant d'inutiles disputes sont une bien faible compensation pour deux sicles de guerre intestine entre les prtres dune mme Eglise. Tels sont les motifs thologiques et pour ainsi dire politiques sur lesquels s'appuyaient les thomistes. On attaquait la droiture des intentions de la Corn-

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pagnie de Jsus, on suspectait la puret de ses doctrines, on mettait en oubli les prceptes de son fondateur. Elle rpondit de vive voix dans les congrgations De auiliis, elle publia sa pense dans de volumineux ouvrages : c'est celte pense dont nous allons produire le sommaire. Le concile de Trente ayant dcid que l'homme n'a pas perdu la libert par le pch originel, et qu'il reste en son pouvoir de consentir ou de ne pas consentir la grce, ce principe devint l'objet des tudes de tous les savants qui s'occupaient de ces matires. Prouver la foi constante de l'Eglise n'tait pas difficile, l'Ecriture Sainte et la tradition se chargeaient de la dmonstration ; mais, pour rduire au silence le luthranisme et le calvinisme, il fallait montrer l'accord parfait des dogmes entre eux. L'ternelle question de la libert humaine se conciliant avec la toute-puissante volont de Dieu se renouvelait; on devait conserver la Divinit le pouvoir absolu sur le cur de l'homme, et n mme temps laisser l'homme son libre arbitre sous l'action de la grce. Deux crivains dous des plus hautes facults intellectuelles conurenteit mme temps deux systmes propres, ils le croyaenldu moins, rsoudre ces insolubles problmes : c'taient Louis Molina et Dominique Bannez. Molina ne plaa point l'infaillible connexion du consentement humain la grce dans sa force intrinsque; en assurant ainsi l'irrsistible pouvoir de Dieu il parut craindre avec raison de sacrifier la libert et de ne pas assez s'loigner de la grce ncessitante de Calvin. Il pensa qu'il rencontrerait dans la science de Dieu le moyen de concilier des dogmes si opposs en apparence; car la science

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ou la connaissance n'influe pas sur ia nature de son objet, mais le suppose tei qu'elle Ta peroit. La science divine est de sa nature une et indivisible comme la divine essence elle-mme ; nanmoins, afin d'tablir plus d'ordre et de jeter plus de clart dans la discussion, les matres de l'cole l'ont distingue selon les objets. De l est ne la division de la science divine en celle des choses simplement possible et celle des choses existantes ou devant exister. Cette division ne sembla point assez logique Molina, puisqu'il reste une troisime espce de choses trs-distincta des deux premires, mais qui participe de l'une ou de l'autre : ce sont les choses qui existeront sous telle ou telle condition donne. Le jsuite l'appela science des choses conditionnelle ou science moyenne. On ne peut nier que, de mme que Dieu sait tout ce qui peut exister ou arriver, tout ce qui existe ou existera, tout ce qui arrive ou arrivera, il connat aussi parfaitement ce qui existerait ou arriverait dans une hypothse quelconque. C'est l le fondement de la science moyenne, traite d'abord par les thomistes de semi-plagianisme, et ensuite adopte par les thologiens augustiniens. Dieu, dans sa sagesse infinie, continue Molina. possde une infinit de grces, de lumires, d'inspirations propres toute sorte de caractres, de dispositions, de circonstances possibles. Dieu voit d'une manire ne pas pouvoir s'abuser quelle est., parmi toutes ces grces, celle laquelle un homme consentirait de bon gr et sans aucune contrainte : il est donc vident dans ce systme que, sous quelque grce que ce soit, la libert humaine demeure intacte parce qu'elle n'y consent que lorsqu'elle veut y consentir. Il est galement vident que la toute-puissante

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et invincible volont de Dieu peut infailliblement atteindre ses fins de misricorde, parce qu'il est impossible qu'elle erre dans ses prvisions. Il n'y a rien ici de commun avec le semi-plagianisme car Molina n'attribue rien la volont humaine dans l'ordre du salut, pas mme le premier pas, sans une grce prvenante. Bannez, de son ct, proccup de la crainte de dtruire la toute-puissante et invincible volont de Dieu en essayant de sauver la libert humaine, chercha dans la force intrinsque de (a grce la raison de son immanquable connexion avec le consentement de Thomme. Il enseigna que, quand Dieu veut efficacement porter l'homme faire des actes salutaires, il donne cet homme une grce, ou il imprime cette grce une force qui le dtermine physiquement et infailliblement y consentir. Cette forc, il la nomme prmotion ou prdtermination physique (1). Avec celte prmotion, dit Bannez, toute grce est infailliblement et effectivement efficace; sans elle, toute grce quelconque demeure ncessairement sans effet. Dans ce systme la toute-puissante volont et le domaine absolu de Dieu sur le cur humain est assurment hors d'atteinte; mais il est bien malais de comprendre comment la volont de l'homme peut tre appele libre sous l'action d'une

(1) Ou lit dans Y Histoire de l'Eglise, par Hrautt*BercasieIf t. XX) page 14 (dition de 1785) : II est certain que Du P e r ron donna un jour fortement penser Clment VIII, en lui d i sant que, si l'on faisait un dcret en faveur de la prdestination physique, il se faisait fort d'y faire souscrire tous les protestants de l'Europe. Le cardinal Jacques Du Perron avait t calviniste.

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grce dont la force intrinsque emporte infailliblement son consentement. Les deux systmes diffrent l'un de l'autre en ce que Molina fonde l'infaillible effet de la grce sur la prvision divine qui ne peut se tromper, tandis que Bannez dduit l'infaillibilit de cet effet de la nature mme de la grce prdterminante. Le systme del prdtermination physique est ncessairement li celui del prdestination gratuite ou antcdente toute prvision de mrites. Il n'en est pas ainsi du systme de la science moyenne : on s'en sert poar concilier la libert avec le don de la prdestination, mais elle est indpendante de la question si celle-ci est antcdente ou consquente la prvision des mrites : en effet, plusieurs molinistes ont adopt la prdestination gratuite. Bannez et ses disciples soutiennent que saint Thomas a enseign ta prmotion physique; non-seulement les molinistes, mais encore toutes les autres coles, affirment le contraire. Il en est de mme pour les systmes de la prdestination; chacun prtend avoir le docteur Anglique de son ct. lre thomiste ou disciple de saint Thomas n'est donc pas la mme chose, et de ce que les Jsuites ont rejet la prdlermination physique, il ne s'ensuit pas qu'ils aient abandonn saint Thomas. Voil les deux systmes en parallle; il reste dire ce que dcidrent les congrgations De anilus. A peine le dominicain Bannez eut-il connaissance de l'ouvrage du jsuite Molina (1) qu'il le dfra au SaintOffice. La Concorde avait t publie avec les plus amples approbations du cardinal Albert d'Autriche,(1) Ce livre parut Cotmbre en 1588.

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grand-inquisiteur, et du pre Barthlmy Ferreira, de l'Ordre de Saint-Dominique. Ces approbations n'arrtrent point Bannez, qui connaissait les dissensions dont la Socit de Jsus tait alors travaille. L'universit d'Avila se joignit au grand-inquisiteur pour proclamer l'ouvrage de Molina exempt de toute erreur; mais Bannez le dnonce Rome. Clment VIII nomme une commission de thologiens afin de procder l'examen du molinisme. Aprs trois mois de travail il fut dclar contraire la doctrine de saint Augustin et de saint Thomas, et offert comme une nouveaut dangereuse. Dans cette commission figuraient deux cardinaux de l'Ordre de Saint Dominique. Au dire des thomistes, les Jsuites refusrent d'accepter la sentence. Selon les Jsuites, le pape, se dfiant de la prcipitation apporte dans cet examen, rsolut d'voquer l'affaire; il ordonna aux gnraux des deux Socits religieuses de choisir des thologiens qui soutiendraient en sa prsence les deux systmes controverss, et la discussion dura quatre ans sous Clment VIII, qui se montrait favorable aux thomistes, ainsi que la cour d'Espagne. Les questions ecclsiastiques taient dans ce tempsl des questions politiques : l'Espagne avait embrass le parti des Dominicains. la France se rangea du ct des Jsuites. La mort de Clment VIII fit suspendre ces savantes congrgations, auxquelles s'associaient toutes les universits de l'Europe. Paul V, qui, sous le nom de cardinal Borghse, y avait pris part, dsira de mettre un terme la discussion ; mais alors les choses changrent de face. Les molinistes se placrent sur l'offensive, et ils forcrent les thomistes d'expliquer leur enseignement. Le cardinal Du Perron assista ces

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dernires luttes, et, dans sa correspondance avec Henri IV, on trouve la trace des affections ou des rpugnances que montraient les cours de Paris et de Madrid. Le7fvrier 1605, Du Perron crivait au roi de France (1) : Je finirai cette lettre aprs avoir dit Votre Majest que le pape m'a colloque en trois congrgations, de deux desquelles j'ai estim dmon devoir de rendre compte Votre Majest. L'une est celle De auiliis, en laquelle se traite la dispute d'entre les Pres Jsuites et les Jacobins ; sur quoi, outre l'intrest du diffrend de la religion, Votre Majest pourra juger par les avis qu'elle aura d'Espagne s'il n'y aura point quelque raison d'Estat qui fasse qu'on sollicite de del si vivement contre lesdits Pres Jsuites. Le 25 janvier 1606, le mme ngociateur mandait Henri IV (2) : Et pour le regard de la dispute des Pres Jacobins et Jsuites, j'asseurerai Vostre ditte Majest, que si tost que le pape en aura fait quelque dcision, je ne failliray lui en donner conte. Les Espagnols font profession ouverte de protger les Jacobins, en haine, comme je croy, de l'affection que le pre gnral des Jsuites, et presque tous ceux de son Ordre (except ceux qui dpendent des pres Mendozze et Personius. comme particulirement les Jsuites anglois) ont montre de porter Vostre Majest; et semble que d'une dispute de religion ils en veuillent faire une querelle d'Estat; mais Sa Sainctet saura bien discerner l'un intrest

(1.) Les Ambassades et Ngociations p . 283. (Paris 1823). (2) Idem^ page 450.

du cardinal

DuPerron,

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d'avec l'autre, et adjuger la vrit qui elle appartiendra. Les prvisions du cardinal franais ne se ralisrent pas. Le souverain Pontife proclama, le 26 aot 1606, qu'il tait libre chacune des deux coles de professer son systme, et il enjoignit de s'abstenir de toute censure jusqu' ce que le Saint-Sige en et autrement statu.. Les choses restrent donc dans la mme position; mais quand les jansnistes eurent paru, il n'en fut plus ainsi. Pour accuser les Pres de la Compagnie de Jsus, ils inventrent une bulle de Paul Y, et ils falsifirent l'histoire au profit de leurs opinions (1). La prdestination consquente la prvision des mrites, enseigne par le pre Lessius, n'tait pas un systme nouveau; plusieurs universits le soutenaient avec saint Bonaventure; mais Lessius et les(1) Ce furent l'abb de Saint*Amour et autres dputs jansnistes a Rome, qui affirmrent avoir une copie de cette bulle projete. Mais en 1654, InnocentX dclara qu'on ne devait ajouter aucune foi une prtendue bulle de Paul Ven cette affaire ni aux actes des congrgations de auxiliis, publis sur les mmoires et sous les noms dePegna, de Goronelli, de Lemos,etc. Ce furent encoreles jansnistes, et principalement le pre Quesnel qui se chargrent d'imprimer l'Histoire des Congrgations de auxilUs, par le pre Scrry, sous le nom d'Augustin Le Blanc.Il y a de trscuriem et trs-importants dtails sur cette affaire dans les papiers saisis chez le pre Quesnel lors de son arrestation Bruxelles. Voyct Causa Quesnelliana ( Bruxellis, 1706, page 486, au 22* chef d'accusation). On y trouvera les efforts des jansnistes pour se cacher sous le manteau des thomistes, afin d'engager c e u x ci faire cause commune contre les molinistes, qu'ils appellent leur ennemi commun. On y trouvera aussi les nergiques rclamations des docteurs thomistes contre toute ide de communaut d'opinions avec ces sectaires.

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thologiens de la Compagnie le popularisrent, comme plus conforme la tradition des saints Pres, plus en harmonie avec les autres dogmes, et rsolvant plus facilement des difficults qui paraissent insolubles dans celui de la'prdestination antcdente. On ne peut, en effet, admettre la prdestination antcdente sans accepter la rprobation ngative, et alors comment accorder cette non-destination avec la volont sincre de Dieu de sauver tous les hommes, sans exception, avec le sang du Christ offert pour tous, avec le prcepte de l'esprance obligatoire pour tous? L'universit de Louvain censura la thse des Jsuites; Sixte-Quint blma ces censures, et saint Franois de Sales, qui avait profess la mme doctrine dans son trait de XAmour de Dieu, crivit Lessius le 28 aot 1613. Dans cette lettre, il le flicite, il le remercie d'avoir si loquemment dfendu ses principes. Mais, dit-on. les Jsuites ont compromis et mme dtruit les mystres. Nous croyons qu'une cole, quelle qu'elle soit, n'a pas le droit d'imposer des mystres l'intelligence humaine ; c'est l'Eglise seule qui jouit de ce privilge. Tout ce qui est mystre et reconnu te! par l'Eglise reste galement mystre dans les systmes de Lessius et de Molina; l'ingalit de la distribution des dons de la grce y apparat toujours comme un impntrable secret. Ces subtilits de la scolasliquc, devenues arides pour nos esprits qui se passionnent en faveur de subtilits plus dangereuses et moins instructives, ces imposantes controverses n'entravaient point la marche de la Compagnie. Ce fut dans les Pays-Bas qu' cette poque elle prit, sous la protextion d'lexan-

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jutnJL LtruUa^m. %^^rxbvrn. ii ncrrH-esiejux- 1-uurrL, mx. 7*re Porsan, jsuite scularis. Ces remontrances des Lyonnais proclamant l'aptitude de la Compagnie de Jsus pour l'ducation murent l'universit. Elle jugea que le coup port n'tait pas mortel, et l'avocat-gnral Marion repoussa la demande du corps de ville de Lyon, parce que, disait-il, les Pres conservent un dsir de vengeance ardent et furieux de la honte et opprobre; de sorte qu' prsent tout leur soin, tude et industrie,, toutes leurs ruses, cautles et finesses et quelles gens au monde en ont de plus subtiles? , bref tout leur souhait et auquel ils rfrent tout leurs artifices, est de rentrer en France pour y faire pis que par le pass. Marion tait l'homme de la justice, l'organe de la loi, et il s'improvisait l'avocat des passions universitaires. Comme la voix publique se prononait en faveur de la Compagnie, il mettait en suspicion ce mme peuple dont chacun, selon les besoins de sa cause, flatte les instincts ou blme les sentiments. Il est vrai, ajoutait-il que le peuple s'est imagin que les Jsuites sont propres lever la jeunesse; mais le public juge-t-il sainement des choses? En effet, sur quel fondement ce prjug s'appuie-t-il? De nouveaux arrts, en date du 21 aot et du 16 oc2.

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tobre 1597, confirmrent celui du 29 dcembre 1594; mais les familles ne s'accommodaient pas aussi facilement que l'universit de l'interdit lanc contre les Jsuites. A Pont--Mousson, Tournon, au Puy, Verdun, Dote, Besanon, Auch, Rhodezet dans plusieurs autres villes, ils avaient, sous la protection des magistrats, continu d'ouvrir leurs maisons; elles se remplirent bientt d'enfants partis de tous les points du royaume. Les collges ne suffisant pas pour recevoir ceux qui dsiraient y entrer, on fit mifrer la jeunesse; elle alla en Suisse, en Allemagne, en Flandre et en Lorraine chercher les matres qui avaient son amour et la confiance des parents. Alors, comme toujours, la perscution prparait la raction : l'universit mit ordre cet tat de choses qui ruinait son crdit. Le 18 aot 1598, sur les rquisitoires de Marion et de Servin. le Parlement inhiba et dfendit, inhibe et dfend toutes personnes d'envoyer coliers aux collges de la dite prtendue Socit, en quelques lieux et endroits qu'ils soient, pour y tre instruits ; et ds prsent a ordonn et ordonne que tous les sujets du roi instruits et enseigns aux collges des dits prtendus de la dite Socit, dedans ou dehors ce royaume, ne jouiront des privilges de l'universit comme incapables des degrs d'icelle. Acette atteinte porte la libert et aux droits les plus sacrs de la famille, les Etats du Languedoc s'indignrent, et, par leur syndic, ils sollicitrent, ils obtinrent du Parlement de Toulouse un arrt du 23 septembre 1598 qui dfendait de troubler dans leur ministre et dans la jouissance de leurs biens les prtres et coliers del Compagnie de Jsus. Partout o il n'y avait pas d'universit aussi envahissante que celle de Paris, Bordeaux comme Toulouse,

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Limoges ainsi qu' Lyon, Rouen et Dijon, la Compagnie de Jsus n'tait pas juge avec autant de svrit. Loin du foyer de l'action universitaire, et n'apprciant que les effets sans remonter au* causes, les provinces ne consentaient pas sacrifier l'avenir de leurs enfants et de la France de jalouses colres. Les Parlements protestaient en maintenant les Jsuites malgr le Parlement de Paris; leurs protestations, que le clerg et la noblesse catholique appuyaient la cour, firent une vive impression sur l'esprit de Henri IV. Dans le mme temps, le cardinal d'Ossat crivait Villeroi une lettre qui accrut cette impression. Si, ds son enfance, il (Henri IV) et t catholique, disait d'Ossat la date du 5 mars 1598 (1), on ne seroit pas si prompt souponner et mal interprter ses actions en matire de religion; mais, pour ce qu'il est venu tard, on prend l'alarme de toutes choses qui puissent faire souvenir du pass; encore qu'elles ne soient faites mauvaise intention, et principalement d'entendre qu'on veut chasser du royaume pour la seconde fois indiffremment ceux qui sont tenus pour les plus minents qui soient aujourd'hui en doctrine et instruction de la jeunesse, et confession et administration des sacrements, en la prdication et dfense de la religion catholique et de l'autorit du Saint-Sige, et qu'on les veut chasser de sang-froid, sans qu'ils en aient donn aucune nouvelle occasion. Tant y a, continue le cardinal-ambassadeur, que, quoique ils (les Jsuites) aient fait et dit par le pass, ils l'ont fait parce que le roi n'toit pas encore catho(I) Lettres du eardmal d'Ossat, Tir. IV, n* 119.

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lique ou n'avoit point t absous par le pape ; or, ces occasions sont cesses, longtemps y a, par la conversion et l'absolution de Sa Majest. Cet ordre fait profession particulire d'obir au pape et dpendre de ses commandements; ils n'ont garde de faire contre celui que le pape reconnott ponr roi; d'ailleurs, ils sont prudents et accorts, aimant leur sret et profit, et sachant trs-bien connoltre o il gtt, et se garderont de faire une escapade ou extravagance, ou chose hasardeuse, beaucoup mieux que ne feroient d'autres qui ont moins de sens et de prudence et de politique qu'eux; et de fait Jacques Clment n'toit pas jsuite. Chasser donc aujourd'hui ce qui reste de ces gens en France ne seroit pas ter les ennemis du roi, mais faire infinis ennemis au roi, et hors et dedans son royaume, comme il a t montr ci-dessus ; et non-seulement on ne froitpointde dplaiser ou dommage au roi d'Espagne, mais au contraire on lui feroit choses agrables ou profitables, en ce que le roi seroit, par ce moyen, affoibli, demeurant priv de la bonne opinion et affection des plus grands catholiques, et qui lui pourraient plus profiter et nuire. Et seroit bien plus utile au roi et plus convenable la clmence et gnreuse procdure dont Sa Majest a us ci-devant envers tous autres, de laisser en paix ces gens-ci qui sont chapps la fortune et l'orage de l'arrt du mois de dcembre 1594 et se les gagner et acqurir. Aussi ont-ils bien eux seuls plus d'industrie et dextrit et de moyen pour contenir les peuples en obissance et dvotion que les sujets doivent leur roi que n'ont possible tous les autres Ordres et religions ensemble ; et si on savoit bien user par del, ils le feroient tant par devoir que pour effacer

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la note du pass, et pour l'esprance qu'ils auroient d'obtenir un jour par ce moyen la restitution de ceux qui furent chasss du ressort du Parlement de Paris; outre que Sa Majest, en ne passant outre l'excution dudit arrt, retiendra la bonne opinion et affection du pape, de toute cette cour, et de tous les catholiques hors et dedans la France : ce qui ne peut tourner sinon dplaiser et dommage des Espagnols et de tous autres ennemis du roi et de la France. L'expulsion des Jsuites, ces nouveaux arrts rendus coup sur coup et l'attitude impartiale du roi dans ces conflits de juridiction firent comprendre Aquaviva que l'heure d'agir avait sonn. Clment VIII venait de mnager la paix de Vervins entre Henri IV et Philippe II, et le cardinal de Mdicis, son lgat, faisait connatre au roi de France le vu du souverain Pontife pour le rtablissement de la Compagnie. Le Barnais tait trop sagace pour ne pas apprcier l'importance que cet Ordre religieux avait acquise en Europe, importance, que son ministre Rome, que le cardinal d'Ossat lui signalait en termes si pleins de finesse diplomatique. Il tait trop vritablement roi pour ne pas s'en emparer au profit de son pays ; mais il avait des satisfactions accorder la turbulence des dvoys. L'dit de Nantes, rendu le 50 avril 1598, et q u i . par ses quatre-vingt-onze articles publics et ses cinquante-six autres dcrets, leur accordait l'indpendance et la scurit, ne les empchait pas de faire entendre des plaintes, et quelquefois mme des menaces. Amis de Henri IV jusqu'au jour o il avait abjur, les huguenots se rvlaient si exigeants qu'ils effrayaient la reconnaissance royale. Les Jsuites

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taient leurs ennemis de toutes les heures ; quoique proscrits, ils luttaient encore contre eux : Nmes, Moiitlimart, Grenoble, ils avaient vu le pre Colon tenir tte leurs docteurs, e t , soit en prsence du cardinal de Sourdis, soit devant le Parlement dauphinois, vaincre leur fameux ministre Charnier. Ces souvenirs vivaient dans leurs curs, et lorsque le cardinal de Mdicis fut de retour Rome, il expliqua si nettement les difficults de la situation, que le pape et Aquaviva sentirent qu'il ne fallait rien prcipiter. Le pre Jean Bordse, envoy auprs du gnral par les Jsuites de France, confirma les rapports du lgat. Aprs un mr examen, le Saint-Sige venait, du consentement des deux parties, de casser le mariage de Henri IV et de Marguerite de Valois; Aquaviva crut le moment opportun pour obtenir du roi lajacult de faire plaider au tribunal de sa justice le procs de la Compagnie, procs qui avait t jug, mais qui n'avait jamais t examin. Horatio del Monte, archevque nomm d'Arles, et le pre Maggio furent chargs de cette ngociation. Laurent Maggio tait un homme vers dans la connaissance des affaires ; souple, ferme et insinuant, son esprit fcond en ressources avait plus d'un point de ressemblance avec celui de Henri IV. Aquaviva esprait que les reparties spirituelles du jsuite vnitien ne seraient pas sans attrait pour le monarque dont l'Europe admirait la verve barnaise (1); Maggio avait dj paru (1) Le pre Maggio avait presque autant d'esprit vnitien que Henri IV de reparties gasconnes. Dans la Seconde apologie de l'universit de Paris, chap. x v m , page 1 8 9 , on Ht que Maggio disait un jour au roi, en riant: S i r e , les Jsuites vous seront aussi fidles qu'a Philippe d'Espagne, lorsqu'ils

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la cour de Henri 111, et plus d'une fois le jeune roi de Navarre s'tait montr charm de la conversation du Pre. Maggio plut au monarque autant habile qu'homme de son royaume, dit l'historien Dupleix, pour juger de l'humeur et du mrite des personnes. Bans le courant de septembre 1599, il fit commencer devant lui Blois l'instruction de cette affaire. Le nonce du pape et l'archevque d'Arles reprsentaient le Saint-Sige; Maggio parlait au nom de sa Compagnie. Rien ne pouvait s'y dcider; mais pour les Jsuites, dont le pre Richeome publiait l'apologie Bordeaux et Limoges, c'tait un acheminement. Dans ces confrences d'tat, Henri couta les raisons pour et contre, et se contenta de tmoigner qu'il savait gr Claude Aquaviva de n'avoir point accept sans son agrment les collges de Bziers et de Limoges. Le I janvier 1600, il fit runir chez le chancelier de Bellivre les prsidents du Parlement, le ministre d'tat Villeroi, le procureur-gnral de La Guesle et les avocats-gnraux Marion et Servin. Le chancelier et Villeroi dclarrent que les archevques de Modne et d'Arles, venus en France pour ngocier l'union du roi avec Marie de Mdicis, avaient encore mission de solliciter le rtablissement de la Socit de Jsus; le pape, ajoutaient-ils, se porte caution pour elle, et le pre Maggio rglera tout dans ce sens.e r

auront reu autant de bienfaits de l'un que de l'autre. A son retour de Guienne, le pre Maggio, voyant les choses dans l e mme tat, malgr les promesses de Henri IV, lui dit encore, et c'est le prsident de Thou qui raconte cette anecdote au 132* livre de son histoire : Sire, vous tes plus lent que les femmes, qui ne portent leurs fruits que pendant neuf mois. C'est vrai, reprend le prince sur le mme ton de plaisanterie; mais, pre Maggio, les rois n'accouchent pas si aisment que les femmes.

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Servin ne put se contenir, et, comme au palais, il fulmina un long rquisitoire, qu'interrompit l'austre parole du prsident Sguier. Ce n'tait plus en magistrat qu'il envisageait la cause, mais en homme politique; e t , afin de ne pas irriter les esprits , Sguier adopta un moyen terme. Il savait par cur son parlement ; il demanda que le roi fit connatre sa volont par lettres-patentes. peine cette orageuse sance fut-elle leve que Sguier, s'approchant de Bellivre et de Villeroi, leur conseilla de traiter directement l'affaire avec le monarque, et de ne pas s'en rapporter au Parlement prvenu. Henri IV tranait la chose en longueur, ne voulant user de son autorit royale qu' la dernire extrmit ; cependant, comme pour habituer le Parlement l'ide de la rintgration des Pres, il accordait Maggio, visiteur des provinces de France, la permission de se rendre avec son titre en Guienne et en Languedoc. Maggio obtint plusieurs audiences du prince, et, dans une de ses lettres Aquaviva, le jsuite raconte qu'Henri IV lui recommande beaucoup de douceur et d'gards pour la conversion des hrtiques. Evitez, lui dit-il, les discussions longues et pnibles, et dmontrez bien surtout o est la vritable glise. Je vous promets de veiller la sret de vos Pres et de faire revenir insensiblement tous (es autres. Trois annes s'coulrent ainsi ; mais au Synode de Gap, les dvoys ayant proclam que le pape tait vritablement l'antechrist, en mme temps, ajoute l'historiographe Dupleix (1), que les calvinistes franois bandoient tous leurs nerfs pour faire un dernier(1) Histoire de Henrle-Grand, page 345.

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effort contre le Saint-Sige, la Providence divine leur opposa derechef cette leste Compagnie de Jsuites qui avoient souvent terrass les troupes mises sus par Sathan. u mois d'avril 1603, le provincial Ignace Annand, accompagn des pres du Chatellier, Brossart et de La Tour, alla Metz, o le duc d'Epernon, FonquetdelaVarcnneet les secrtaires d'EtatVilleroi et de Gesvres leur avaient, de concert avec la reine, mnag une audience du prince. Armand justifia sa Compagnie des griefs accumuls contre elle; Henri IV rpondit : Je ne veux point de mal aux Jsuites, et le mal que je dsire l'homme qui vive rn'advienne. Ma cour du Parlement a fait quelque chose contre vous, ce n'a point t sans y bien songer. Armand n'ignorait pas les bonnes dispositions dn roi; il lui proposa de se rendre au Louvre avec les deux autres provinciaux de France pour recevoir ses Ordres son retour dans la capitale. Il n'en faut pas t a n t , dit le monarque, il suffit que vous et le pre Coton y veniez. Pierre Coton naquit le 7 mars 1564 Nronde dans le Forez ; il n'tait connu de Henri IV que par Son loquence et par l'estime que lui tmoignait un des plus vaillants compagnons d'armes du Barnais. Lesdiguires, calviniste, avait si souvent fait au roi l'loge du jsuite que ce prince voulut juger par luimme un homme dont la rputation tait si grande; il le reut Fontainebleau, il l'embrassa comme on embrasserait un ami longtemps attendu. II le prit en telle affection, selon Cayet (1), aussitt qu'il l'eut vu. qu'incontinent il ne se faisoit rien qu'il n'y ft appel. Quelques jours aprs, cette affection du roi(1) Chronique septnaire, anne 1604, p. 4 , 3 7 .

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pour le jsuite fut si clatante que le rtablissement de la Compagnie ne fit plus doute la cour. L'archevch d'Arles vaqua sur ces entrefaites ; dans la ferveur de son amiti nouvelle, Henri l'offre au pre Coton : le jsuite dclare qu'il a, par ses vux, renonc toutes les dignits ecclsiastiques. Ce refus tonne le r o i , il lui fait comprendre ce qu'il y a de force dans une Compagnie qui professe un pareil dsintressement. Ordre est donn au conseil de s'assembler et de dlibrer sur le rtablissement des Jsuites. Ce conseil tait compos du conntable Henri de Montmorency, du chancelier, de Sully, de Villeroi, de Chteauneuf, de Pontcarr, et des prsidents de Silleri, de Vie, Calignon, Caumart i n , Jeannin et de Thou. Sully tait protestant, et, au nom de ses co-religionnaires , il s'opposait sans merci la Socit de Jsus. Avec des motifs diffrents de ceux qu'Achille de Harlay faisait valoir, 8 grand homme d'Etat, domin par des prjugs de secte, n'envisageait le rappel des Jsuites qu'au point de vue du calvinisme. Le lendemain, il dveloppa devant Henri IV ses rpugnances ; il lui exposa que leur retour serait un signal de guerre contre les huguenots, et peut-tre une cause de mort pour lui. Dans ses Mmoires, dont Schll, crivain protestant lui-mme, a dit (1): Sully ne manquait pas de prventions ; l'esprit de parti l'entranait souvent; nous lui reprochons une haine aveugle pour les Jsuites ; dans ses Mmoires, le ministre de Henri IV prte au roi la rponse suivante (2) :(1) Cours d'histoire des tats europens, (2) Mmoires de Sully, t. Il, bap. m . t. XVII, p. 272.

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Par ncessit il me faut faire prsent de deux choses Tune : savoir, d'admettre les Jsuites purement et simplement, les dcharger des diffames et opprobres desquels ils ont t fltris, et les mettre l'preuve de leurs tant beaux serments et promesses excellentes ; ou bien, de les rejeter plus absolument que jamais, et leur user de toutes les rigueurs et durets dont l'on se pourra aviser, afin qu'ils n'approchent jamais ni de moi ni de mes Etats ; auquel cas il n'y a point de doute que ce ne soit les jeter dans le dernier dsespoir, et, par icelui, dans les desseins d'attenter ma vie ; ce qui la rendroit si misrable et langoureuse, demeurant ainsi toujours dans les dfiances d'tre empoisonn ou bien assassin (car ces gens-l ont des intelligences et des correspondances partout, et grande dextrit disposer les esprits ainsi qu'il leur plat), qu'il me vaudroit mieux tre dj mort, tant en cela de l'opinion de Csar, que la plus douce mort est la moins prvue et attendue. Ces paroles sont graves ; mais, aprs le jugement que Schll vient de porter sur la haine aveugle de Sully pour les Jsuites, il est au moins permis de douter que Henri IV les ait profres. Elles sont indignes en effet de son caractre et de son courage. Quoiqu'il en soit, Sully fut convaincu par les raisons que le roi lui allgua, raisons puissantes, car elles touchaient aux plus chers intrts de l'Etat, l'ducation surtout. Henri fit part au pre Coton de la conversion qu'il avait opre, e t , par ses ordres, le jsuite se rendit auprs du ministre, comme nar gure le roi l'avait envoy visiter le premier prsident. Au mois de septembre 1605, Henri IV, voyant

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que l'obstination du Parlement de Paris ne pourrait tre vaincue que par un acte d'autorit, signa Rouen un ditqui rtablissait lgalement les Jsuites dans le ressort des Parlements de Guienne, de Bourgogne et de Languedoc. Les villes deToulouse, d'Auch, d'Agen, de Rhodez, de Bordeaux, de Prigueux, de Limoges, de Tournon, d'Aubenas et de Bziers sont spcialement dsignes ; et dit le roi, outre les ditz lieux, nous leur avons, en faveur de Sa Saintet et pour la singulire affection que nous lui portons, accord et permis de se remettre et tablir en nos villes de Lyon, Dijon, et particulirement de se loger en notre maison de La Flche en Anjou, pour y continuerettablir leurs collges et rsidences, aux charges toutefois, et conditions qui s'ensuivent. Ces charges et conditions taient que les suprieurs seraient tous Franais, et que, sans la permission du roi, il ne pourrait jamais y avoir un tranger dans aucune des maisons de l'Ordre ; un Pre devait sjourner la cour en qualit de prdicateur du roi; et pour, ajoute l'dit, nous rpondre des actions de leurs compagnons aux occasions qui se prsenteront. Les Jsuites taient privs du droit de possder leurs biens ou d'hriter jusqu' la profession des vux solennels, droit dont ils jouissaient en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Pologne et dans les Pays-Bas ; mais s'ils sortaientde la Compagnie avant d'avoir fait ces vux, ils rentraient dans leur fortune prive. Ils taient remis en jouissance des biens et maisons eux appartenant avant leur bannissement. Aquaviva crivit Henri IV pour le remercier d'abord, pour lui soumettre ensuite quelques rflexions; le roi lui adressa la rponse suivante :

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Monsieur le gnral, j'ai embrass avec affection le restablissementennom royaume de vostre religion, meu de considrations dignes d'an prince trs-chrtien qui dsire l'advancement de la gloire de Dieu et de la prosprit de son Estt. J'ai en suite de cela pris en trs-bonne part ce que vous avez rprsent mon cousin le cardinal d'Ossat et mon ambassadeur sur aulcuns articles des conditions apposes la dite restitution, ensemble la lettre que vous m'avez escripte sur ce subjet le 2 1 du mois pass; et d'autant que l'un et l'autre vous feront entendremon intention sur cela, je m'en remettrai eulx, vous priant leur adjouter fby comme moi-mesme, et croire que j'ay si cur leur rtablissement que je ne seray content que je ne l'aye conduit sa perfection. Partant je dsire que vous vous en reposiez sur moy, qui ay, avec la bonne volont, meilleure cognoissance que personne de ce qui convient faire pour cet effect. Je prie Dieu, monsieur le Gnral, qu'il vous ayt en sa sainte et digne garde. Escript Fontainebleau le 19 novembre 1603.e

HENRY,

Un semblable dit tait une concession aussi bien faite la Compagnie de Jsus qu'au Parlement et l'universit de Paris. Chacun y trouvait son compte ; mais l'universit vit sans peine que, puisque Henri IV franchissait les premiers obtacles, le rappel dans la capitale du royaume ne serait plus qu'une affaire de forme ou de temps. Il lui restait un moyen de s'opposer la dtermination du prince : il fallait jeter le Parlement la traverse. Le Parlement accepta le rle qu'on lui destinait, et le 18 dcembre 1603. la Grand' Chambre, la Tournelle et la Chambre de

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FEdit assembles, ilfut ordonn que trs-humbles remontrances seraient faites au roi et mises par crit (1), Cette prcaution inusite offensa le r o i ; le 20 dcembre il fit signifier au Parlement par son conseiller d'Etat, Andr Hurault de Maisse, que le porteur des remontrances pourrait recevoir une honte et un affront dont la cour pourrait avoir regret. Le parlement annula sa rsolution, et, la veille de Nol, Achille de Harlay, la tte des magistrats, pronona devant le roi et la Reine ce discours : Sire, vostre cour du Parlement ayant dlibr sur vos lettres patentes du restablissement des prestres et escholiers du collge de Clermont en aucuns liens de son ressort,prenant le nom de Jsuites, a ordonn quetrshumblesremonstrancesseroient faictes Vostre Majest ; et nous a chargs de vous reprsenter quelques poincts que nous avons jug importer au bien de vos affaires et au salut public qui despend de vostre conservation, lesquels nous ont retenus de procder la vrification. Et avant que les particulariser vous rendre grces trs-humbles de l'honneur qu'il vous a pieu nous faire, d'avoir agrable que ces remonstrances vous soient faictes de vive voix, faisant paroistre vostre indulgence et bnignit envers nous; d'autant plus digne de louange qu'elle est esloigne de l'austrit des premiers empereurs romains, qui ne donnoient point d'accez leurs subjects vers eux, mais vouloient que toutes demandes et supplications leur fussent prsentes par escrit. L'establisscmentdeceusdecestOrdre soy-disans( I ) Registre du Parlement.

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jsuites, en ce royaume, fat jug si pernicicus cest Estt que touslesOrdres ecclsiastiques s'opposrent leur rception, et le dcret de la Sorbonne fut que oeste Socit estoit introduite pour destruction et non pour dification, et depuis, en l'assemble du clerg, en septembre 1561, oestoient les archevesques et vesques, et y prsidoit monsieur le cardinal de Tournon,elle fut approuve, mais avec tant de clauses et restriction que s'ils eussent t presss de les observer, il est vray-semblable qu'ils eussent bientost chang de demeure. Ils n'ont est receus que par provision, et par arrestde l'an 1564 dfenses leur furent faictes de prendre le nom de Jsuites ni de Socit de Jsus ; nonobstant ce, ils n'ont pas laiss de prendre ce nom illicite, et s'exempter de toutes puissances tant sculires qu'ecclsiastiques ; les restablissant, vous les auctorisez d'avantage, et rendez leur condition meilleure qu'elle ne fut oncques. Ce jugement fut d'autant plus digne de vostre cour de Parlement que vos gens et tous les Ordres estimrent ncessaire les retenir avec des cautions pour empcher la licence ds-lors trop grande en leurs actions, et dont ils prvoyoient l'accroissement fort dommageable au public; la prdiction est fort expresse au plaidoyer de vos gens, qui ne leur assistoient pas qu'il estoit besoing d'y pourveoir, afin qu'il n'advint pas pis que ce qu'ils voyaient ds-lors. Et comme le nom et le vu de leur Socit est universel, aussi les propositions en leurdoctrine sont uniformes, qu'ils ne recognoissent pour suprieurs que Nostre Saint-Pre le pape, auquel ils font serment de fidlit et d'obyssance en toutes choses, et tiennent pour maxime indubitable qu'il a puissance

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d'excommunier les roys, et qu'un roy excommuni n'est qu'un tyran, que son peuple se peut eslever contre luy, que tous demeurants en leur royaume ayant quelque Ordre, pour petit qu'il soit en l'Eglise, quelque crime qu'il commette., ne peut estre jug crime de lze-majest, parce qu'ils ne sont leurs subjects ne justiciables; tellement que tous ecclsiastiques sont exempts de la puissance sculire, et peuvent impunment jetter les mains sanglantes sur les personnes sacres : c'est ce qu'ils escrivent, et impugnent l'opinion de ceus qui tiennent les propositions contraires. Deus docteurs en droict espagnols ayans escrit que les clercs estoient subjects. la puissance des rois et des princes, l'un des premiers de la Socit a escrits contre eus, disant, entre autres raisons, q u e , comme les Lvites, au Vieil Testament, estoient exempts de toutes puissances sculires, aussi les clercs, par le Nouveau Testament, estoient exempts de la mesme puissance, et que les roys et les monarques n'ont aucune jurisdiction sur eus. Vostre Majest n'approuvera pas ces maximes, elles sont trop faulses et trop erronnes. Il faut donc que ceus qui les tiennent et veulent demeurer en vostre royaume les abjurent publiquement en leurs collges ; s'ils ne le font, permettrez-vous qu'ils y demeurent? Ils veulent subvertir les fondements de vostre puissance et autorit royale ; s'ils le font. croirez-vous qu'ils puissent avoir une doctrine faisant part de leur religion, bonne pour Rome et pour l'Espagne, et tout autre pour la France, qui rejette ce que les autres reoivent, et que, allants et retournants d'un lieu un autre, ils le puissent dposer et reprendre? S'ils disent le pouvoir faire par quelque

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dispence secrette, quelle asscurance prendrez-vous en des ames nourries en une profession qui, par la diversit et changement de lieu, se rend bonne et mauvaise? Geste doctrine est commune tous en quelque lieu qu'ils soient, et prend tels progrez en vostre royaume qu'elle se coulera enfin aux Compagnies les plus retenues. Lors de leur establissement, ils n'avoient point de plus grands adversaires que la Sorbonne, prsent elle leur est favorable, parce qu'un monde de jeunes thologiens ont fait leurs esludes en leurs collges. Les autres esclioliers eront le semblable, s'advancerontet pourront estre admis aus premires charges dedans vos Parlements, et, tenant la mesme doctrine, se soustrairont de votre obeyssance, laissant perdre tous les droicts de vostre couronne et libertez de l'Eglise de France, et ne jugeront aucun crime de leze majest punissable commis par un ecclsiastique. Nous avons est si malheureus en nos jours d'avoir veu les dtestables effects de leurs instructions en votre personne sacre. Barrire (je tremble, Sire, en prononant ce mot) avoit est instruit par Varade, et confessa avoir receu la communion sur le serment faict entre ses mains de vous assassiner. Ayant failly son entreprise, d'autres esleverent le courage au petit serpent qui acheva en partie ce qu'il avoit conjur. Guignard avoit fait les livres escrits de sa main, soustenant le parricide du feu roy justement commis et confirmant la proposition condamne au concile de Constance. * Que n'avons nous point craindre, nous souvent**, del Comp dy isun.t

T. n i .

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nants de ces meschantsetdloyaus actes, qui se peuvent facilement renouveller ! S'il nous faut passer nos jours sous une crainte perptuelle de voir vostre vie en hazard, quel repos trouverions nous aus vostres? Seroit-cc pas impit preuvoir le danger et le mal, et l'approcher si prs de vous? Seroit-ce pas se plonger en une profonde misre que dsirer survivre la ruine de cest Estt, lequel, comme nous vous avons autres fois dict, n'en est esloign que de la longueur de vostre vie? Louange Dieu (Sire) de la mutuelle bienveillance entre vous et nostre Sainct-Pre! Dieu vous maintienne longuement en vostre couronne et lui au Sainct-Siege ! Mais, si l'aage ou l'indisposition retranchoit ses jours, etsi son successeur, mal anim, desployoit son glaive spirituel sur vous, comme ses prdcesseurs sur les autres roys de France et de Navarre, quel regret vos subjects de veoir entre nous tant d'ennemis de cest Estt et de conjurateurs contre Vostre Majest, comme contre celle du feu roy d'heureuse mmoire, ayants est, de son rgne les aulheurs et principaux ministres de la rbellion, et non innocents de son parricide! lis disent leurs fautes passes ne devoir plus eslre releves . non plus que celles de tous les autres Ordres et Compagnies qui n'ont moins failly qu'eus. Il peut estre dict, leur prjudice, qu'encoresqu'il se trouve de la faute en tous les Ordres et Compagnies, toutes fois elle n'a pas est universelle. Les Compagnies estoient diverses. Tous ceus qui en font part ne se sont pas distraits de l'obeyssance deu Vostre Majest; mais ceus de leur Socit sont demeurez fort unis et resserrez en leurs rebellions;

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et non seulement aucun ne vous a suivi, mais eus seuls se sont rendus les plus parliaus pour les anciens ennemis de votre couronne qui fussent en ce royaume comme tels. Odo, l'un de leur Socit, fut choisi par les seize conjurez pour leur chef. Et, s'il nous est loisible entre-jetter quelque chose des affaires estrangeres dans les nostres, nous vous en dirons une pitoyable qui se voit en l'histoire de Portugal. Quand le roy d'Espagne entreprit l'usurpation de ce royaume, tons les Ordres de religieus furent fermes en la fidlit deu leur r o i , eus seuls en furent dserteurs pour advancer la domination d'Espagne, et furent cause de la mort de deus mil. tant de religieus qu'autres ecclsiastiques, dont il y a eu bulle d'absolution. Ils se plaignent par leurs escrits que toute la Compagnie ne devoit pas porter la faute de trois ou quatre; mais, quand ils eussent est rduits la condition des Frres Humiliez, ils n'eussent point eu d'occasion de se plaindre. L'assassinat du cardinal Borrome ayant est machin par un seul religieus de cet Ordre des Frres Humiliez, y a environ trente ans, tout l'Ordre fut aboly par le pape Pie Quint, suivant la rsolution de l'assemble des cardinaus, quelque instance que le roy d'Espagne fist au contraire. Nostre jugement n'est pas si svre. S'ils disent qu'il n'y a point de comparaison avec leur Ordre de l'Ordre des Humiliez, le leur estant beaucoup plus grand, nous leur dirons qu'il y a moins de comparaison d'un cardinal avec le plus grand roy du monde, plus hault eslev au dessus d'un cardinal que leur Ordre au dessus du plus petit; Que les Humiliez avoient moins failli qu'eus, car un seul estoit autheur de l'assassinat d'un car-

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dinal ; eus tous sont coupables de rostre parricide pour le moyen de leur instruction. Nous vous supplions trs-humblement q u e . comme vous avez eu agrable l'arrest justement donn, et lors ncessaire pour destourner tant de liaistres de conspirer contre vous, aussi il vous plaise conserver et vous redonner la souvenance du danger auquel nous fusmes lors de voir perdre la vie nostre pre commun, la vie duquel nous est plus chre que la nostre, et penserions encourir ce honteux reproche d'infidlit et ingratitude de n'en avoir point un soin perptuel, puis que vous nous avez rendu la nostre, nostre repos et nos biens. La mmoire du pass nous doit servir de prcaution pour donner ordre que ne demeurions, faute de prvoyance, ensevelis dans l'abysme d'un second naufrage. Nous ne pouvons obmettre quelque supplication particulire d'avoir compassion de l'universit. Les roys vos prdcesseurs ont eu soin de laisser cet ornement vostre bonne ville de Paris, dont ceste partie dedans peu de jours dserte, il ne se pourra faire que ne ressentiez la douleur de voir une quatriesme partie de la ville inhabite de tant de familles de libraires et d'autres qui vivent avec les escholiers, rduites l'aumosne, pour gratifier un petit nombre de nouveaux docteurs qui devroient estudier, lire, enseigner et servir au public avec les autres, sans faire un corps particulier compos d'un Ordre et religion nouvelle. Nous savons qu'elle a besoin d'estre rforme ; mais la rformation ne sera point par sa ruine, qui sera invitable, non par l'absence de ceus de la Socit, mais par la multitude des collges que von* permettez en diverses provinces, lesquelles, ayant

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la commodit prs d'eus, n'envoyront plus leurs enfans en cette ville, ce que vous jugerez de consquence, considrant que ceux qui y sont nourris s'accoustument en leur jeunesse voir recognoistre les roys et les marques de souverainet. Ceus qui sonteslevez es petites villes ne recevront cesle instruction. et n'auront le ressentiment semblable; et, en ce faisant, l'universit, autres fois si florissante, sera du tout ruine par Testablissement de dix ou douze collges de ceus dont la Socit sera toujours suspecte l'instruction de la jeunesse et trs-dangereuse. Ce sont les trs humbles remontrances et raison? sommaires qui nous ont retenu de faire publier les lettres, craignants qu'il ne nous fust justement reproch d'avoir trop facilement procd la vrification. Nous prions Dieu de cur et d'affection accroistre vos jours en tout heur et flicit, vous conserver, la royne et monsieur le Dauphin, et pour vous et pour vos subjects, et nous faire la grce de pouvoir, par la fidlit de nostre trs humble service, vous faire paroistre que ne desirons plus grand heur ne contentement plus honorable que d'estre tenus de vous tels que nous sommes. Vos trs-humbles, et trs-obeyssants, et trsfidles subjects et serviteurs. A ces paroles sorties d'une bouche austre, et qui empruntaient quelque chose de majestueusement accusateur la vertu mme d'Achille de Harlay, le roi rpliqua (1) :( I ) Ce discours d'Henri IV a t contest par les protestants et par les universitaires, rjui adoptaient avec passion les remoi.

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Je vous say bon gr du soing que vous avez eu de ma personne et de mon Estt, j'ai toutes vos conceptions en la mienne, mais vous n'avez pas la mienne en la vostre. Vous m'avez propos des difficults qui vous semblent grandes et fort considrables, et n'avez sceu considrer que tout ce que vous dictes a est pes et considr par moy il y a huict ou neuf ans. Vous faictes les entendus en matire d'Estat, et vous n'y entendes toiitesfois non plus que moi rapporter un procez. Je veux donc que vous sachiez touchant Poissy que si tous y eussent aussi bien fait comme un ou deux jsuites qui s'y trouvrent fort propos, les choses y fussent mieux alles pour les catholiques. On recogneut ds-lors non leur ambition, mais leur suffisance, et m'tonne sur quoi vous fondez l'opinion d'ambition en des personnes qui refusent les dignits et prlatures quand elles leur sont offertes, qui font vu Dieu de n'ytrances du premier prsident de Ilarlny II se trouve cependant en termes h peu prs identiques dans Pierre Mathieu, qui Henri IV fournissait lui-mme les matriaux de son histoire. D'autres contemporains le citent encore, et le prsident de Thou. qui l'a entendu prononcer, bien loin d'en nier l'authenticit, la confirme au contraire par l'analyse qu'il en donne* Schll, avec son esprit de judicieuse critique, s'est bien donn de garde de mettre en doute la rponse du roi Achille de Harlay. Il la publie intgralement dans son Cours d'Histoire des tats europens, t.XVII, page 2 0 5 , et le diplomate prussien ajoute : Tel est le discours prouonc par Henri IV , ou plutt le sommaire de ce discours, car il est vident qu'il n'a pas t crit d'avance. La version de Schll nous semble d'autant plus exacte, qu'elle est conforme celle de deux anciens manusciits de ce mme discours dposs dans les archives des Jsuites et sur lesquels nous avons coUationnc la version de l'crivain protestant.

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aspirer jamais et qui ne prtendent autre chose en ce monde que de servir sans rcompense tous ceux qui veulent bien service d'eux; que si ce mot de Jsuite vous desplaist, pourquoy ne reprenez-vous ceux qui se disent religieux de la Trinit V et si vous estimez d'estre aussi bien qu'eux de la Compagnie de Jsus, pourquoi ne dittes-vous que vos filles sont aussi bien religieuses que les Filles-Dieu Paris, et que vous estes autant de l'Ordre du Saint-Esprit que mes chevaliers? Pour moy J'aymerois mieux estre appel Jsuite que Jacobin ou Augustin. La Sorbonne, dont vous parlez, les a condamnez : mais a est comme vous, avant que de les cognoistre , et si l'ancienne Sorbonne n'en a point voulu par jalousie, la nouvelle y a faict ses tudes et s'en loue. S'ils n'ont est jusques prsent en France que par tolrance, Dieu me rservoit cette gloire que je tiens grce de les y establir ; et s'ils n'y estoient que par manire de provision, ils y seront dsormais et par ^dict et par arrest^ la volont de mes prdcesseurs les y retenait, ma volont est de les y establir. L'universit les a contrepoincts voirement, mais a est ou pour ce qu'ils faisoient mieux que les autres, tesmoin l'affluence des escholiers en leurs collges, ou parce qu'ils n'toient incorpors en l'universit . dont ils ne feront maintement refus quand je le leur commanderay, et quand, pour les remettre, vous serez conlraincls de me le demander. Vous dictes qu'en vostre Parlement les plus doctes n'ont rien appris chez eux; si les plus doctes sont les plus vieulx, il est vray, car ils avoient estudi avant que les Jsuites fussent cogneus en France ; maisj'ay ouy dire que les autres Parlements ne parlent pas ainsi, ni mesme tout le vostre ; et si on nV

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apprenoit mieux qu'ailleurs, d'o Tient que, par leur absence, vostre universit s'est rendue dserte, et qu'on les va chercher, nonobstant tous vos arrest, Oouay, Pont, et hors le royaume? De les appeller compagnie de factieux parce qu'ils ont est de la Ligue, c'a est l'injure du temps. Ils croioient de bien faire et y ont est tromps comme plusieurs autres, mais je veux croire que c'a est avec moins de malice que les autres, et tiens que la mesme conscience jointe aux grces que je leur feray me les affectionnera autant ou plus qu' la Ligue. Ils attirent, dites-vous, les enfants qui ont l'esprit bon et choisissent les meilleurs, et c'est de quoy je les estime; ne fesons-nous pas choix des meilleurs soldats pour la guerre ? et si les faveurs n'avoient place entre vous, et recevriez-vous aucun qui ne ft digne de votre compagnie et de seoir au Parlement? S'ils vous fournissoienl des prcepteurs ou des prdicateurs ignares vous les mespriseriez : ils ont de beaux esprits et vous les en reprenez. Quant aux biens que vous dites, c'est une calomnie : ils n'avoient en toute la France que douze ou quinze mille escus de revenu en tout, et say que de leurs revenus on n'a pas peu entretenir Bourges ou Lyon sept ou huict rgens, et ils y estoient en nombre de trente quarante ; et quand il y auroit de l'inconvnient de ce ct, j'y ay pourveu par mon dict. Le vu qu'ils font au pape ne les oblige pas plus suivre l'estranger que le serment de fidlit qu'ils me feront moi n'entreprendre rien contre leur prince naturel, mais ce vu-l n'est pas pour toutes choses. Ils ne le font que d'obir au pape quand il voudroit les envoyer la conversion des infidles ;

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et, de faict, c'est par eux que Dieu a converti les Indes, et c'est ce que je dis souvent : Si l'Espagnol s'en est servi, pourquoi ne s'en serviroit le Franois? Sommes-nous de pire condition que les autres? l'Espagne est-elle plus aimable que la France? et, si elle l'est aux siens, pourquoy ne le sera la France aux miens ? Vous dites : Ils entrent comme ils peuvent: aussi font bien les autres, et suis moy-mesnie entr comme j'ay peu en mon royaume; mais il faut advouer que leur patience est grande, et pour moy je l'admire, car avec patience et bonne vie ils viennent bout de toutes choses. El je ne les estime pas moins en ce que vous dictes qu'ils sont grands observateurs de leur Institut, c'est ce qui les maintiendra : aussi n'ai-je voulu changer en rien leurs rgles, ains les y veux maintenir. Que si je leur ay limit quelques conditions qui ne plairont aux estrangers, il vaut mieux que les estrangers prennent la loi de nous que si nous la prenions d'eux, quoy que s'en soit je suis d'accord avec mes subjets. Pour les ecclsiastiques qui se formalisent d'eux, c'est de tout temps que l'ignorance en a voulu la science, et j'ay cogneu que quand je parlois de les restablir, deux sortes de personnes s'y opposoient parliculi-. rement, ceux de la religion et les ecclsiastiques mal vivans, et c'est ce qui me les a faict estimer davantage. Touchant l'opinion qu'ils ont du pape, je say qu'ils le respectent fort : aussi fais-je ; mais vous ne me dictes pas qu'on a voulu censurer Rome les livres de M. Bellarmin pour ce qu'il ne vouloil donner tant d'autorit au Saint-Pre, comme font communment les autres. Vous ne dictes pas aussi que ces jours passs les Jsuites ont soutenu que le pape ne3.

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pouvoit errer, mais que Clment pouvoit faillir. En tout cas je m'asseure qu'ils ne disent rien davantage que les autres de l'autorit du pape, et croi-je que quand l'on voudroit faire le procs leurs opinions , il le faudroit faire celle de l'Eglise catholique. > Quant la doctrine d'manciper les ecclsiasti ques de mon obissance ou d'enseigner tuer les roys, il faut voir d'une part ce qu'ils disent et s'informer s'il est vray qu'ils enseignent ainsi la jeunesse. Une chose me fait croire qu'il n'en est rien : c'est que depuis trente ans en qu'ils enseignent la jeunesse en France, cent mille escoliers de toutes conditions sont sortis de leurs collges, ont vescu entre eux et avec eux, qu'on n'en trouve un seul de ce grand nombre qui soustienne de leur avoir ouy dire tel langage ni autre approchant de ce qu'on leur reproche. De plus il y a des ministres qui ont est jsuites longues annes ; qu'on s'informe de leur vie, il est prsumer qu'ils en diront le pire qu'ils pourront, ne ft que pour s'excuser d'estre sortis d'avec eux; or, je sais qu'on l'a faict, et n'a-t-on tir autre response, sinon que pour les murs il n'y a rien redire, et pour la doctrine chacun la cognoil assez ; peu de personnes se voudroient mettre celte preuve, et faut bien que la conscience soit asseure quand elle demeure au dire de son adversaire. Touchant Barrire, tant s'en faut qu'un jsuite l'ait confess, comme vous dictes, que je fus averti par un jsuite de son entreprise, et un autre lui dict qu'il seroit damn s'il l'osoit entreprendre. Quant Chastel, les tormens ne lui peurent arracher aucune accusation rencontre de Varade ou autre jsuile quelconque : et si autrement estoit, pourquoi les

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auriez-vous pargns? car celui qui fut excut le fut sur un autre subject, que Ton dict s'estre trouv dans ses escrits. Mais quand ainsi seroit qu'un jsuite auroit faict le coup, faut-il que tous les apostres ptissent pour Judas, ou que je responde de tous les larcins et de toutes les fautes que feront l'advenir ceux qui auront est mes soldats? Dieu me voulut alors humilier et sauver, et je luy en rends grces. Jsus-Christ m'enseigne de pardonner les offenses, et je le fais pour son amour volontiers, voire mesme que tous les jours je prie Dieu pour mes enncmys. Tant s'en faut que je veuille m'en resouvenir comme vous m'y conviez de faire peu chrcstiennement et ne vous en scay point de gr. Nous avons tous bcsoing de la grce de Dieu ; je l'accepterai si bon prix que de n'eslre eschars de la mienne. Pour la dispense ncessaire au mariage de ma sur, Sa Saintet l'a enfin accorde, et scay que les pres Jsuites nous y ont est favorables; que si un Espagnol jsuite et cardinal m'a aid obtenir la bndiction du Saint-Pre quand je me fis catholique, pourquoy voulez-vous mettre en ombrage les Franois, mes naturels subjects? Je satiray d'eux ce que je jugeray, et ne leur communiqueray que ce que je voudray; laissez-moi le maniement et la conduite de cette Compagnie ; j'en ay mani et gouvern de bien plus difficiles et mal aises conduire : obissez seulement ma volont. Henri IV, selon Sully, connaissait aux gestes seuls et l'air du visage de ceux qui lui parlaient tout ce qu'ils avaient dans le cur (1). Les paroles:

(l) Mmoires de Sully

y

t V. liv. XX, p . 349.

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tombes de sa bouche en prsence de la cour, o les Jsuites comptaient tant d'amis dvous, et du Parlement, o leur Socit avait toujours rencontr des adversaires si implacables, ne furent perdues ni pour les uns ni pour les autres. Le duc d'pernon, Villeroi, le chancelier de Bellivre, La Varenne, Sillery et tous ceux qui avaient pous la querelle de la Compagnie ou qui s'empressaient de saluer le soleil levant entouraient le pre Coton. Le Parlement, retranch dans ses difficults de greffe, se proposait de livrer bataille sur les modifications qu'il dsirait d'apporter ledit. Ces modifications furent soumises l'examen du chancelier, de Villeroi, de Sillery, de Chleauneuf, et des prsidents Jeannin et de Maisse. A l'unanimit il fut reconnu qu'elles taient inadmissibles, et Henri ordonna l'acceptation de l'dit. Le 2 janvier 1604 le Parlement l'enregistra ; l'anne suivante, la pyramide construite sur les dbris de la maison de Jean Chastel fut abattue, et bientt les Jsuites virent accrotre le nombre de leurs collges. Au mois de fvrier 1604, le comte de Saint'Paul, gouverneur de Picardie, les appelait Amiens. Le 28 du mme mois et de la mme anne, le Parlement et la chambre des comptes de Grenoble leur accordaient le droit d'enseigner Vienne en Dauphin. Dans le mme moment des lettres patentes du roi leur rendirent le collge de Rouen, et Henri IV y attacha six mille livres de revenu. Le 15 juillet 1606, il donnait la Compagnie le collge de Rennes. Ce ne fut pas assez pour lui. Au dire du chroniqueur Cayet (1), le roi augmenta de plus en plus les faveurs(I) Chronique aeplnare, sous l'anne 1604, page 437.

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qu'il faisait aux Jsuites : ainsi leur retour fut aussi plus heureux et glorieux pour eux que leur bannissement ne leur avoit apport d'incommodit en leurs affaires. Les Jsuites ne songeaient pas seulement rparer leurs dsastres, ils s'occupaient avec activit Paris et dans les provinces de crer ou d'encourager toutes les uvres que la pit ou la bienfaisance projetaient. A Bordeaux, les pres Bordes et Raymond engagent madame de Lestonnac, veuve du marquis de Montferrand, tablir une congrgation religieuse de vierges pour l'ducation des jeunes filles. Madame de Lestonnac devint la fondatrice du nouvel Ordre. Approuv le 7 mars 1606 par le cardinal de Sourdis, archevque de Bordeaux, et l'anne suivante par le pape, il prit le nom de congrgation de la bienheureuse et toujours vierge Mre de Dieu NotreDame (1). au mois de mars 1609, la reine obtint de Henri IV des lettres-patentes pour autoriser cet Institut : c'est le premier qui se soit engag par vu travailler l'instruction des filles. Quelques annes auparavant, en 1604, le pre Gontery et le recteur du noviciat de Paris avaient inspir une femme illustre dans les annales de la religion d'introduire en France les disciples d'Angle de Brescia, connues dans le monde sous le titre dUrsulines. Madeleine Lhuillier, dame de SainteBeuve, qui en 1612 fondera Paris une maison de novices de la Compagnie de Jsus, seconda les intentions de Gontery : elle offrit une maison rue Saint(1) Le peuple appelle ces religieuses Filles Notre-Dame. Ce