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 HIS T OIRE RELIGIEUSE,  POLITIQUE E T LITTERAIRE D E L A COMPOSEE S U R L E S DOCUME NTS INÉDITS  E T AUTHENTIQU ES Par J. Crétineau-Joly  . OUVRAGE ORNÉ DE PORTRAITS ET DE FAC-SIMILE. TOME QUATRIÈME. BRUXELLES, SOCIÉTÉ D E S BONNES LECTURES, RU E D U COMMERCE, 15. 1845 COMPAGNIE 

Histoire Religieuse Politique Et Litter a Ire de La Compagnie de Jesus (Tome 4)

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H I S T O I R ERELIGIEUSE, POLITIQUE ET LITTERAIRE

DE LA

COMPAGNIECOMPOSEE SUR L E S DOCUMENTS INDITS ET AUTHENTIQUES

Par

J.

Crtineau-Joly.FAC-SIMILE.

O U V R A G E O R N D E P O R T R A I T S E T DE

TOME

QUATRIME.

BRUXELLES,SOCIT D E S BONNESRUE DU COMMERCE,

LECTURES,15.

1845

Biblio!que Saint Librehttp://www.liberius.net Bibliothque Saint Libre 2008. Toute reproduction but non lucratif est autorise.

HISTOIRERELIGIEUSE, POLITIQUE ET LITTRAIREDB LA

COMPAGNIE DE J S U S .

Gnvcd de la Corapmpde de, c/wu.v, ne J3rit, relias; leJJuillet j.0'8 2.

DE LA

COMPAGNIE DE J S U S .

CHAPITRE PREMIER.Le jansnisme. Jansnius et Duvcrgier de Haurnnne, abb de Sant-Cyran. Leurs caractres. Intrigues de Saint* Cyran. Causes de leur haine contre les Jsuites. Saint* Cyran cherche attirer clans son parti le cardinal deBrulle et Vincent de Paul, esOratoriens et les Lazaristes, pour les opposer la Compagnie de Jsus. Sur leur refus, il gagne sa cause les religieuses de Port-Royal-clcs-Champs. La mre Anglique et le chapelet secret du Saint-Sacrement. Les Jsuites l'attaquent. Saint-Cyran se porte leur dfenseur. Saint-Cyran compose le Petrus Aurelius, et Jansnius le Mars Gallicus. Mort de Pvcque d'Ypres. II soumet son trait indit de VAugusttnus au jugement de Rome. Politique de Saint-Cyran pour accrotre le nombre de ses proslytes. Les femmes et les grands seigneurs. Les premiers solitaires de Port-Royal. Antoine Le Matre et son humilit. Les constitutions de Port-Royal. SaintCyran mis au donjon de Vincennes.Antoine Arnauld et Sacy. Les Jsuites se procurent des preuves de VAugusthnts. Ils demandentque ce livre soit supprim avant sa publication. Pense fondamentale de VAugustinus, Les Jsuites belges et franais attaquent l'ouvrage. Les jansnistes le dfendent. 11 est condamn par le Saint-Sige. Antoine Arnauld entre en lice. * Le pre de Scsmaisons et la princesse de Gumen. Le livre de la Frquente Communion. Le prePetau et Arnauld. Le jsuite Nouet et sa rtraction. Dclaration de saint Vincent de Paul. Mort de Suint-C\ran. SingHn le remplace. L e jansnisme devient la mode. Mthode d'enseigner des juitsnistes. Leurs livres l mentaires. Leurs grands hommes. Quelques vqnes sduits par eux. Portrait des jansnistes. Le cadiial de Retz se fait leur disciple. Les jansnistes prennent pat Jlist. de la Comp. de 3csns. T. i v . 1

HISTOIRE a la Fronde. f/nnivcrsU devient jansnuic. LedooUiir Cornet et les cinq propositions. La Sorbonne fait alliance avec les Jsuites, M. OJier et Vincent de Paul. Le jansnisme confondu et le pre Brisacicr. Condamnation du jsuite par lo coadjutcur. Olicr et Abtlly refusent de lire eu chaire l'acte du coadjulcur. Lesjansenist.es envoient Home trois des leurs. Dputation du clerg de Franco. Le jansnisme est condamn.La mre Anglique et les jansnistes prennent sons la protection de leur vertu les V C C H fin cardinal de Retz. Par lui ils sont matres du diocse de Paris. Arnauld et la Sorbonne* Arnauld provoque la premire Provinciale. Portrait de Pascal. Les Provinciales* Enthousiasme qu'elles produisent. Silence des Jsuites, et causes de ce silence. Habilet de Pascal. Le prohabilisme et le probabiliorisme. Consquences des deux opinions. Thophilo de Coric et Alphonse de Liguori, prohahilistes.Les jansnistesconseillent tour tour la coquetterie, l'assassinat et la direction d'intention. Le Parlement condamne les Provinciales, et le pre Daniel y rpond par les Entretiens de Clanthe et d'Eudoxe, Cration du conseil de conscience. Le pre Annat. Le surintendant Fouquet jansniste. Hardouin de Pcrfixe, archevque de Paris, et Dossnet veulent dtourner les religieuses de Port-Royal de leurs ides. Les pres Annat et Fcrrier ngocient avec Gilbert de Choiseol, voque do Cominges. Lettres de ce dernier Henri Arnauld, voque d'Angers. La paix, donne par les Jsuites, est rompue par le grand Arnauld.Les religieuses et les Solitaires de Port-Royal sont disperses. Blai ion de la mre Anglique de Saint-Jean. Nicole et le chancelier Lclellier. L'archevque de Sens et l'vque de rhlons, pacificateurs. Arnauld consent la paix, parce qu'elle ne vient pas des Jsuites. Taix de Clment IX. La Morale pratique des Jsuites. L'abb de Pontchatcau et Arnauld. La Perptuit de la Foi et les Essais de morale, Arnauld et Nicole. Causes de division entre les voques ot les Jsuites. L'archevque de Sens les excommunie. Le cardinal Lecamus les poursuit' Grenoble. L'vque de Pamiers les accuse. Leur diffrend avec dom Juan de P aal'ox. voque d'Angclopolis. Les jansnistes et Pal a fox. ~ La lettre do Pnlafox au pape. Pourquoi Palafox ne fut-il pas ranonis ?Le cardinal Ca*ini devant le consistoire, en 1777.

La Socit do Jsus vient d'avoir combattre m Europe contre le luthranisme et le calvinisme, tflic n'a pu qu'affaiblir celle formidable hrsie qui, partage en mille sectes, qui marchant sous (tes (Ira-

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peaux diffrents, fait taire ses haines ou ses ambitions lorsqu'il s'agit d'attaquer l'Eglise. Les armes de Gustave- Adolphe et de Bernard de Weimar, secondes par la politique du cardinal de Richelieu, lui ont conquis droit de cit en Allemagne. Du sein de tant de passions mises en mouvement il surgilunc innovation religieuse. Luther, Calvin et leurs adeptes .s'taient spars avec violence de la communion romaine : ils avaient bris le joug de la Foi catholique pour inaugurer la libert d'examen et le triomphe de la pense individuelle. Tout avait t mis e n j e u :\RR de dvelopper celle crise. Il n'tait plus possible de provoquer un pareil clat. Il se prsenta d'autres hommes qui, avec des maximes moins absolues, essayrent de se placer entre les deux camps et de vivifier pard'terne lies discussions les systmes Ihologiques touffs par la guerre de Trente Ans, sous la grande voix des batailles. Ces hommes furent appels jansnistes, du nom mme de l'vque flamand qui, par son livre de YAugi(iiniis donna naissance la .secte. Jansnius, n Ackoi en Hollande, dans Tanne tudiait au collge des Jsuites de Louvain. II .sollicita son admission dans leur Socit; ses dsirs ne furent pas exaucs. Les chefs de l'institut refusaient d'avoir Jansnius pour frre : il se dclara leur ennemi. De l'cole des Jsuites il accourut celle de Jacques Baus, qui, dans sa chaire l'universit de Louvain, ressuscitait les doctrines de son oncle. Les ides sont comme les passions : elles se modifient, elles se transforment, mais elles ne se voient condamnes au silence que lorsqu'elles sont devenues impuissantes. Bellarmin et Tolet avaient amen Michel Bains une rlraclalion> Cette rtractation,y

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obtenue par deux Jsuites, fut pour les disciples du chancelier universitaire un nouveau motif de dfiance et d'animosite contre l'Institut de Jsus. L'amour des discussions fit cause commune avec l'orgueil froiss, et dubaanisme mort au berceau naquit une autre erreur. A Louvain, Jansnius avait pour condisciple, pour ami, Jean Duvcrgicr de Hauranne, n Bayonne en 1581, et plus connu dans l'histoire sous le nom de l'abb de Saint-Cyran. Forms par Jacques Baus et par le chancelier Janson l'interprtation des uvres de saint Augustin, servant de champ-clos tous les novateurs, ces deux jeunes gens se prirent d'enthousiasme pour le docteur d'Hippone, qui semblait fournir des arguments leur haine contre les thories scolasliques de l'Ordre de Jsus. Les commencements de leur carrire furent difficiles. Ils voyagrent, ils tudirent, ils vcurent tantt spars, tantt runis; mais, dans leurs entretiens ou dans leurs correspondances, ils ne perdirent jamais de vue le but qu'ils se proposaient. Jansnius le suivait avec ce flegme germanique qui recle souvent une opinitret invincible. Duvcrgier de Hauranne, ardent, toujours prt au combat, ne laissait jamais reposer son esprit tracassier et les inquitudes de son imagination. L'un fut la tte et l'autre le bras. Jansnius, dialecticien plus serr, se chargea d'laborer la doctrine qu'ils allaient rpandre. Saint-Cyran dut accepter le rle qui convenait a son caractre remuant. La pense de l'uvre appartint Jansnius, l'autre la dveloppa : il lui chercha, il lui trouva des adeptes. YJ/Juguziinm n'avait pas encore paru, et dj Saint-Cyran en avait si bien su faire ressortir la beaut que, dans les cnacies d'intimes, on procla-

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niait avec admiration et sur parole ce livre tout resplendissant de gnie. Ce n'est qu'un commentaire aride de saint Augustin, une thse sur la grce et sur la prdestination; thse mille fois agite, mille fois rsolue. Mais Duvergier de Hauranne avait besoin de l'imposer comme un chef-d'uvre. Il y russit mme avant sa publication. Plusieurs personnes distingues par leur pit et leur rudition, sculiers et rguliers, dit Libert Fromond dans la Fie de JansnhtSy son matre, ranimaient ce travail, do peur que, si la mort abrgeait les jours de l'auteur, ce livre, qu'ils comparaient la Vnus d'Apcllcs, ne demeurt imparfait. Ainsi que toutes les doctrines dont le dernier mot est un mystre, celle du futur vque dTpres, exalte par Saint-Cyran, voqua des proslytes. Il les choisit de prfrence dans les hautes classes de la socit, et, afin de triompher plus srement, il contraignit son visage svre grimacer des flatteries dont sa rputation d'austrit doublait le prix. Il se fit de ses louanges intresses un appui auprs des grands et des prlats. Sans divulguer ses desseins, il eut l'art de se prparer la cour, dans (e clerg et au fond des provinces plusieurs apologistes, auxquels il recommandait la discrtion, comme s'il leur et confi ses plans. Occult, propter metam Judorum> du secret; car nous avons les juifs redouter, fut son mot d'ordre (1). Les juifs auxquels il fait allusion, ce sont les catholiques, et surtout les Jsuites. Un merveilleux travail s'oprait alors en France.(1) Interrogatoire subi Fincennes par Pabb do Cyran, et publi on 1740 par un jansniste. Saint-

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Le calvinisme tait vaincu : l'Eglise marchait rapide ment de glorieuses destines. Saint-Cyran comprit que l seulement il rencontrerait, soit dans les Instituts religieux, soit parmi les prtres de science et d'nergie, des hommes assez forts pour donner ses systmes une conscration publique. Jansnius et lui ne songeaient sans doute pas rompre avec l'unit. Ils n'avaient ni dans la tte ni dans le cur la pense arrte d'une hrsie ou d'un schisme. Ils n'aspiraient qu' rveiller des disputes que la sagesse des Pontifes, que la prudence des Jsuites et celle des Dominicains avaient assoupies dans les congrgations de Auiliis. Mais, comme tous ceux qui se laissent emporter par une ide, Jansnius et Saint-Cyran devaient aller beaucoup plus loin que leurs prvi-' sions. Ils cdaient d'abord un entranement scolaslique, au dsir de se poser en doctes adversaires de thologiens de la Compagnie de Jsus, Ce dsir que l'lude autorisait et que l'rudition jointe la Foi pouvait renfermer dans de justes limites, devint peu peu une passion. L'orgueil s'empara de ces vigoureuses natures, et la haine pour les disciples de saintlgnacc de Loyola leur ft toucher le point auquel ils n'avaient jamais cru qu'ils aboutiraient.7

Le cardinal de Bertille et Vincent de Paul avaient fond deux congrgations o le talent, associ de pieux dvouements, enfantait des miracles. SaintCyran s'imagina qu'un sentiment d'mulation, de jalousie peut-tre, devait germer au fond de ces curs de prtres, et qu'en sachant le faire vibrer i! parviendrait leur inculquer ses doctrines. Duvergicr de Hauranneavait dj ces affinits scientifiques avec Richelieu, vque de Luon, dont il pressentait la haute fortune. Il tenta de s'en crer de plu?

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plus quitable que beaucoup de catholiques ri), un ouvrage de parti, o la mauvaise foi attribuait aux Jsuitesdes opinions suspectes que depuis longtemps ils avaient blmes, et qui mit sur le compte de toute la Socit certaines extravagances de quelques Pres espagnols et flamands. Les points dogmatiques traits par Pascal ont t dcids contre lui par l'Eglise universelle ; mais, en jouteurs prvoyants, les jansnistes s'occupaient beaucoup moins de justifier leur thologie que d e crascr leurs ennemis. Ils avaient sous la main un levier qui battait en brche la Compagnie de Jsus ; ils renoncrent la poursuivre sur les hauteurs toujours ardues et souvent inaccessible* do la grce; ils l'attaqurent dans les uvres vives de la morale. En grossissant les rves scolastiques des uns, en dnaturant les systmes crs par d'autres, on poussa Pascal mettre en suspicion tous les enfants de saint Ignace de Loyola. Le gnie est indulgent comme la force: les jansnistes le dpouillrent de ce caractre pour le rendre l'interprte de leur animosit. Alors Pascal, oubliant le respect d a sa gloire, cacha les virulences de Port-Royal sous une gaiet flexible et enjoue. II prodigua, dans les questions les plus difficiles, le charme d'une vive satire et l'austrit des principes les plus absolus. La cour, la ville et la France furent attentives avecerreur dans la conclusion, erreur de droit, erreur de fait .surtout. Nous n'avons pas cru devoir pousser plus loin dons cet ouvrage les recherches sur de pareilles matires; nous Pavons entrepris pour la satisfaction de notre conscience, et souvent les mmes abus d'altration se sont prsents. (1) Tours d'histoire des tats europens, L XXXVIII, p. 79.

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l'Europe au eri d'alarme qui s'lanait de la solitude, e t , par un prodige d'esprit, Pascal eut l'art de faire accepter aux hommes du monde une thorie qui n'allait ni leur got nia leurs murs. Pascal opposait la rigueur l'indulgence ; il dnaturait la logique de l'vangile, pour contraindre les chrtiens se rfugier dans le dsespoir. Il rendait Dieu inabordable , afin de rendre impossibles les Jsuites, qui avaient essay de raliser une transaction entre la perfection infinie et les vices de l'humanit. Les Jsuites, profondment verss dans la connaissance du cur de l'homme, pensaient que l'extrme svrit enfantait l'extrme relchement, et qu'un sage temprament relevait les dfaillances. Ils respectaient la mystrieuse majest du dogme, et ne cherchaient qu' populariser la religion en combinant quelques pratiques dans la seizime Provinciale Pascal porte encore

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plus loin la colre. Ce n'est plus cette ironie des premires lettres, celte dlicatesse dans la raillerie qui assura son ternel succs. Il se sentait attaqu par la raison, et ce gnie si audacieux, tout en sachant trs-bien que le public n'accepterait pas les raisons concluantes opposes par les Jsuites ses sarcasmes, s'avouait cependant part lui qu'il tait battu, moins par l'esprit que par la raison. Tout le monde le proclamait vainqueur ; mais en face de sa conscience il ne se dguisait point sa dfaite. Cette pense dsenchantait le triomphe ; elle donnait de l'amertume son esprit ; souvent elle lui arrachait de ces paroles qui sont un mensonge et une honte : ainsi il s'criait(1): Qui le croira? le croirez-vous vousmmes, misrables que vous tes? Et ces paroles tombaient sur le pre Annat, dont les jansnistes eux-mmes ont lou la modration; sur le pre Denis Petau, le plus savant homme de son temps, et dont la seule rcration consistait former la vertu les enfants les plus pauvres et les plus grossiers ; sur Vincent de Paul et sur tous ceux qui, leur exemple, rpudiaient la doctrine de Jansnius. Ces misrables, ainsi interpells par Pascal, et qui se faisaient, disait-il, les corrupteurs publics de la morale, taient depuis cent ans la lumire et les colonnes de l'Eglise universelle. Les papes, les rois les vques, les saints, comme Charles Borrome, Franois de Sales et Vincent de Paul, se laissaient diriger par eux dans les voies du salut, ou marchaient avec eux dans les uvres de la charit. Ils devaient sacrifier leur ambition et leur politique l'Evangile, la morale, l'honneur du Saint-Sige, la paix de l'Europe et celle des consciences. Nanmoins la mme estime( 1 ) Seizime "Provinciale.

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leur tait tmoigne ; Pascal les dmasquait, et les pontifes et les rois et les peuples n'ouvraient point les yeux la vrit. Sans connatre autrement que par prescience la tactique des partis, le Solitaire se posa en victime; d'une main il saisit la plume qui tuait les Jsuites, de l'autre il montra la palme du martyre qu'il ne subissait qu'en imagination. On le crut sur parole. Comme il avait pris tche de tout dnigrer, de tout confondre; comme son art de prsenter les choses tait irrsistible, l'opinion publique se laissa dominer par cet homme qui, d'un jeu d'esprit, faisait une rvolution dans les ides. Pascal incriminait le passe et l'avenir des Jsuites; il mettait sur la sellette leurs docteurs et leurs principes. Afin de leur faire la partie plus belle, on altrait les textes de Vasquez, de Sa, de Tolet, de San chez et d'Escobar; on exhumait les ouvrages inconnus destins la mme torture. Pascal crut aux citations que ses amis lui arrangeaient. Il frappa sur la Corngagnic de Jsus avec une massue dont il n'avait pas prouv la trempe. Cette massue porta de rudes coups; elle rendit odieuses ou ridicules des opinions oublies, mais il en est une qui surnage encore. C'est celle-l que l'historien doit s'arrter, car d'elle dcoulent, selon les Provinciales, tous les relchements et tous les dsordres dont la morale et l'Eglise ont t affliges. Cette doctrine fut fltrie par Pascal, par Arnauld , par Nicole et par les adversaires de l'Institut, sous le nom de probabilisme. Etudions donc un systme, qui, par ses consquences, a t , au dire des jansnistes, et pourrait tre encore si funeste. Tout homme de quelque exprience sait que, malgr la prcision et la clart des lois divines et hu-

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maines, il s'offre nanmoins une multitude de cas o leur application est difficile dterminer : ici c'est une collision de -devoirs dont on ne peut tablir la prfrence ; l c'est un concours de circonstances imprvues qui empche d'apprcier fond la volont du lgislateur. Les traits de morale et de jurisprudence, anciens ou modernes, offrent a chacune de nos obligations une infinit de cas sur lesquels les opinions des plus savants sont partages. Ces opinions s'entouraient de motifs tellement graves que, depuis plusieurs sicles, elles se maintiennent au mme degr de vraisemblance. Si l'on juge de l'avenir par le pass, cette divergence durera jusqu' la fin du monde, moins que l'Eglise n'intervienne, et que, par une solution dcisive, elle ne termine des controverses s'assonpissant parfois sous la lassitude, et se rveillant tout coup, selon les passions ou les besoins du moment. On ne peut pas toujours s'abstenir, et il est dfendu d'agir avec un doute pratique de la moralit de son acte. Que faire donc lorsqu'il n'y a pas de loi certaine, lorsque les avis sont plus ou moins favorables, soit la libert, soit une loi prsume existante? Les uns soutiennent qu'on peut en sret de conscience adopter une opinion qui n'a contre elle aucun devoir certain et de graves motifs en sa faveur. On appelle probabilistes ces thologiens, parce que le caractre essentiel d'une opinion probable consiste n'avoir rien de certain contre elle et de puissantes raisons pour elle. Les autres prtendent qu'il n'est pas permis de suivre une opinion probable; ils n'accordent d'extension la libert que dans le cas o les motifs sur les quels elle s'appuie paraissent beaucoup plus

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fonds en raison que ceux du systme favorable la loi. On les dsigne comme probabilioristes, parce qu'ils sont censs, approuver aprs avoir compar. Il fallait rprimer les abus qui pouvaient se glisser dans ces manires diffrentes de penser, et se prmunir contre l'excs de deux extrmes. La sagesse de l'Eglise obvia ce double danger. Elle interdit de se prvaloir d'opinions probables eeux qui par tat doivent procurer un effet par des moyens srs : aux prtres, dans la forme et dans la matire des sacrements; aux mdecins, dans le choix des remdes; aux magistrats, dans le jugement des causes eiviles; tous les hommes, quand il s'agit d'viter quelque dommage au prochain. L'Eglise condamne ceux qui affirment qu'on n'est jamais autoris embrasser une opinion favorisant la libert, ft-elle la plus probable parmi toutes les probables; et elle fltrit ceux qui enseignent qu'il suffit d'une probabilit quelconque, mme lgre. Si on s'en tient la lecture du systme, le probabiiiorisme rclame une tude et un discernement que l'on ne peut exiger de la majorit des confesseurs ordinaires. Ils doivent examiner tous les sentiments* approfondir les motifs sur lesquels ils s'appuient, se constituer juges, et adopter l'avis qui leur parat le plus probable. Us dcident ainsi par eux-mmes, ou ils placent leur conscience sous la sauvegarde du matre dont ils auront suivi les leons. De simples magistrats ecclsiastiques qu'ils taient, ils s'rigent en lgislateurs, rendant le joug facile ou pesant, selon les eapriecs de leur pense. Le probabilisme, au contraire, se montre inexorable sur les exigences de la loi ; il se renferme dans les limites du conseil pour

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tout ce qui est plus utile, mais d'une obligation non reconnue. Quand la Compagnie de Jsus fut cre, son fondateur lui enjoignit de s'attacher toujours et partout la doctrine la plus commune, la plus approuve, la plus saine, la plus sre, la plus solide, la meilleure et la plus convenable. Le probabilisme n'tait pas n avec les Jsuites, il est destin leur survivre; il ne se lie leur existence que parce que le plus grand nombre des thologiens de l'Institut l'adopta, et que ses rivaux en firent une arme contre les Pres, arme que tout le monde a voulu manier. Au moment o les Jsuites naissaient, en 1540, le probabilisme rgnait dans l'cole. Le dominicain Barthlmy Mdina, dans son ouvrage intitul : Des Expositions dores, avait dj coordonn en systme les ternelles maximes d'quit rgissant les codes du monde civilis. Il parut tout naturel de n'tre pas plus svre dans la rpartition des misricordes clestes que dans Tin* terprtalion des lois civiles, ou dans l'administration de la justice criminelle. C'tait le sicle de la thologie; les plus clbres casuistes y enseignaient les principes du probabilisme. Nider, Fieras. Hacquet, Mercado, Lopez, Victoria, Ildcfonse, Alvarez, Duval, Gamaches, Isambert, Bonacina, Maldre, Bail et Du Metz le professaient, soit avant les Pres de la Compagnie, soit en mme temps qu'eux. U trouva des antagonistes, et un jsuite italien, Paul Comitolo, passe pour tre le premier qui le combattit ; mais la querelle engage ne sortait pas de l'enceinte des universits catholiques. Ce furent Pascal et Nicole, aprs lui, sous le pseudonyme de Wendrok, qui s'emparrent des arguments de Comitolo. Ils les tournrent contre la Socit religieuse

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dont il fut l'un des membres. Les enfants de saint Ignace avaient embrass la doctrine du probabilisme : Pascal la flagellait avec des sarcasmes si lincelanls de malice et d'originalit, Nicole l'attaquait avec une si savante confusion de texte altrs et de dilemmes menteurs, que toute rfutation, d'avance rduit la vrit la plus sche, ne devait jamais contrebalancer les effets d'une aussi terrible agression. De l'Ecole la dispute tait transporte dans les salons et dans les boudoirs. Selon la parole de Voltaire, Pasc.;l divertissait le public Une partie du clerg ne tarda point regarder comme perdue la cause du probabilisme. Un rigoureux probabiliorisme, mis en opposition par les sectateurs de Jansnius, s'infiltra partout; il devint le systme peu prs exclusif des coles franaises. Cet enseignement prit le nom de morale exacte : son triomphe pourtant ne fut point universel. Le Jsuites ne renoncrent pas leur manire dpenser, la plupart des autres Instituts et des universits marchrent sur leurs tra ces. Nous n'avons point rechercher les invectives et les raisons que jetaient la foule les deux camps, essayant de faire prvaloir leurs ides. Ce n'est pas nous demander si, depuis que le probabilisme fut regard en France comme la base de tout dsordre, les murs ont t plus pures et si les hommes sont devenus meilleurs. Nous ne voulons mme pas savoir si les Solitaires de Port-Royal, mcontents de Pascal qui les avait vengs, ne lui ont point reproch les variations de son esprit, et s'ils n'ont pas publi contre lui des accusations qui les accusent eux-mmes. Peu importe, en effet, que les jansnistes, dvors intrieurement par la guerre civile ou par les en-

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vieuses colres qui la provoquent, aient mis en doute la solidit de son jugement, et qu'ils aient crit de cet immortel polmiste (1) : On ne peut gure compter sur son tmoignage, soit au regard des faits qu'il rapporte, parce qu'il en tait peu instruit, soit au regard des consquences qu'il en lire et des intentions qu'il attribue ses adversaires, parce que sur des fondements faux ou incertains il faisait des systmes qui ne subsistaient que dans son esprit. La question pour nous n'est ni avec Pascal ni avec les Jsuites; c'est une thse que ne peuvent juger les pigrammesdes uns et les syllogismes des autres. Elle importe la morale chrtienne; l'Eglise seule a le droit de prononcer. Quand elle eut pour pontife l'un des hommes les plus minents de son sicle, quand l'Ordre de Jsus allait disparatre sous les incessantes hostilits des jansnistes etde philosophes runis par une communaut de haines, la plus grande gloire laquelle puisse prtendre une ide fut mnage au probabilisme. En 1740, mourut dans la Toscane le pre Thophile deCorte, religieux de l'Etroite-Observance de SaintFranois. Le renom de ses vertus, les grces obtenues par son intercession portrent les suprieurs de son Ordre et plusieurs voques solliciter du Saint-Sige sa batification. Un des premiers soins de l'Eglise en de telles circonstances et l'examen des doctrines professes dans les ouvrages imprims ou dans les manuscrits. Le pre Thophile avait enseign le probabilisme; il avait pouss si loin ce systme qu'on lisait dans sa thologie indite : Les confesseurs doivent connatre toutes les opinions( I ) Lettres d'un ecclsiastique un de ses amis.

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pour s'en servir avec prudence, et, quand cela se peut, avec probabilit, afin de ne pas imposer aux fidles des charges qu'ils ne veulent ou ne peuvent pas porter. cet axiome aussi clairement formul, le promoteur de la Foi refuse d'introduire la cause de batification. Thophile ne se contentait pas d'appuyer ses dmonstrations sur lescasuistesdel Compagnie de Jsus; il invoquait dans ses manuscrits l'autorit de Diana, l'un des plus clbres docteurs de l'Ordre des Thatins. Dans le mme temps toute l'Italie retentissait des clameurs que Concina et Patrizzi levaient contre Alphonse dcLiguori, vque de Sainte-Agathe, qui dj saint aux yeux du monde avant d'tre offert par l'Eglise la vnration des fidles, soutenait le probabilisme par l'loquence de ses vertus et par la puret de sa morale. Le refus du promoteur de la Foi n'arrta point la marche des vnements, et, dans les actes du procs, dposs aux archives de la congrgation des Rites, on lit que, le probabilisme n'ayant jamais t censur, ne saurait nuire au succs d'une batification. La cour de Rome le dcidait ainsi en 1766 ; le procs suivit son cours, et les vertus de Thophile furent plus tard approuves au degr hroque. De semblables difficults s'levrent aprs la mort d'Alphonse de Liguori : elles s'vanouirentdevant les mmes motifs. De cette exposition des faits il rsulte qu'un systme mis en pratique par des saints dont le talent ne fait pas plus doute que l'exprience en thologie, et jug exempt de tout reproche par le Sige apostolique, dans des circonstances o il dploie la plus minutieuse, la plus svre circonspection, ne saurait jamais tre le principe d'une morale relche. Ce n'est plus la repu ta! ion scolaslique des Jsuites qui

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se trouve en jeu, c'est l'honneur, c'est l'autorit de Rome. Malgr l'anathme dont Pascal et Nicole frapprent le probabilisme, il faut bien convenir que des plaisanteries plus ou moins acres ne doivent jamais prvaloir sur la sagesse de l'Eglise. Par l'organe de Pascal, les jansnistes blmaient les prtres de la Compagnie de Jsus de leur condescendance, et, au mme moment, Singlin, le chef des Solitaires de Port-Royal, couvrant de leur silencieuse approbation les dportements du cardinal de Retz, Singlin disait la galante duchesse de Longueville(1): Les personnes de votre condition doivent se contenter d'tre sobres dans leur vivre, sans se porter des abstinences ou des austrits qui seraient aussi dangereuses l'esprit qu'au corps. Pascal, Arnauld et Nicole accusaient les Jsuites d'avoir toujours leur disposition les arguments les plus tranges pour lgitimer un attentat, et dans une lettre que l'abb de Saint-Germain, aumnier de la reine Marie de Mdicis, adressait Chamontel, on lit (2) : Ce qui est ma connoissance, c'est que par l'avis et permission de Jansnius un nomm Alpheston entreprit de massacrer le cardinal de Richelieu, et aussi le coup de mousqueton fut tir dans le palais de Bruxelles contre feu M. d e P u y Laurens, duquel coup on pouvoit tuer plusieurs personnes, si l'outil duquel on se servoit n'et perdu dix-sept balles de vingt, les trois restantes ayant bless trois hommes la tte. Singlin conseillait la coquetterie, Jansnius l'assassinat, Saint-Cyran la direction d'intention: avec(1) Mmoires de Fontaine, |,2) Uislaire de Duchcsne. t III.

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te moyen d'appliquer les maximes vangliques de telle sorte que, selon le reproche adress par Pascal aux Jsuites, elles pussent satisfaire tout le monde. J'ai ou dire M. de Saint-Cyran, crivait Vincent de Paul(1) d'Origny, le 10 septembre 1648, que s'il avoit dit des vrits dans une chambre des personnes qui en seraient capables, que, passant dans une autre, o il en trouverait d'autres qui ne le seraient pas, il leur diroit le contraire. De pareils aveux, sortis de la bouche des fondateurs de la secte, mritent d'tre enregistrs. Pascal, Arnauld, Sacy et Nicole, contempteurs de la morale relche, des quivoques et des restrictions mentales, taient battus avec leurs propres armes. Ces armes, les Jsuites ne surent pas les tourner contre le jansnisme. Ils ngligrent leur dfense, et quand, plusieurs annes aprs la mort de Pascal, le pre Daniel l'entreprit dans ses Entretiens d'Eudoe et de Glanthe, il eut pour lui la froide raison, mais jamais les rieurs. Le talent inimitable, la verve comique de l'auteur des Provinciales, manqurent aux crivains qui s'efforaient de le rfuter. II tait facile de prouver les erreurs dans lesquelles il tombait, le pre Daniel les dmontra victorieusement); mais l'homme qui, dans une vie de trente-neuf annes, toujours frle, toujours maladive, a pu tout (1) Journal de Trvoux, mars 1726. (2) Le succs de co livre fut j;rand cependant, s'il faut s'en rapporter Baylc. Dans ses OEuvres diverses, t IV, p. 7J1, il crivait, la date du 26 aot 1694 : a La rponse du P. Daniel aux Vrovinciales a disparu quasi avant de paroitre. Elle ne c o toit que 50 sols, et l'on dit qu'on a offert d'en rendre un louis d'or de 24 francs ceux q; l'avoient achete, s'ils vouloient la rendre. On croit qu'on n'a pas voulu la laisser paroitre c h o quante, comme pour M. >.ico!o.

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la fois tre le rival d'Archimde et de Galile, le prcurseur de Molire et de Boileau, l'gal de Dmosthne et de Bossuet, rmule de Tertullien dans l'apologie de la religion chrtienne, et qui, selon une judicieuse remarque de Nicole, semble plutt tre n pour inventer que pour apprendre, cet homme devait difficilement trouver des antagonistes sa taille. Le pre Daniel succomba dans cette lutte ingale. L'impression produite par Pascal tait ineffaable. Ee Parlement d'Aix fut brler ces Lettres, les vques les censurrent, le pape les condamna le 14 mars 1658; le 14 octobre 1660, elles furent encore brles sur la place de Grve, par arrt du conseil. Les jansnistes devenaient redoutables; la perscution les grandissait, comme elle a toujours vivifi les minorits. Pierre de Marca, l'un des plus savants jurisconsultes de son temps, rdigea un formulaire qui, adopt par l'assemble gnrale du clerg, dut tre propos la signature des dissidents. Les jansnistes rsistrent avec quatre prlats : Henri Arnauld, vque d'Angers; Pavillon, vque d'Alelh : Buzarival, vque de Beauvais: etCaulet, vque de Pamicrs. Louis XIV gouvernait enfin par lui-mme. Un des premiers soins du roi, dit Schll (1), fut d'tablir, sous le nom de Conseil de conscience, un comit charg d'examiner les sujets prsents pour les grands bnfices ecclsiastiques qui seraient vacants. Ce conseil se composa de Pierre de Marca. archevque de Toulouse : d'Hardouin de Prfixe. vque de Rhodez. qui avait t le prcepteur du roi, et du pre Annat jsuite, son confesseur, un(1 ) Cours d'histoire des tals europens, t. XXVIII, p. 22.

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des membres les plus illustres de l'Ordre. On ne pouvait pas, ajouta l'historien protestant, runir trois hommes plus vertueux, plus dsintresss, plus exempts de prvention. C'tait tuer le jansnisme dans l'avenir que d'exclurc ses adeptes de toutes les dignits clricales ; mais il fallait encore pourvoir aux besoins du prsent. Le monarque ordonna de fermer les coles de Port-Royal. L'opposition des Solitaires envahissait la politique par les affaires religieuses. Le surintendant Fouquet, grce l'entremise de Simon de Pomponne, fils d'Arnauld d'Andiliy, entretenait de mystrieuses relations avec les chefs des jansnistes ; Fouquet est arrt Nantes, le 5 septembre 1661. Le cardinal de Retz, qui, dans Louis XIV vingt ans, pressent le grand roi, ne juge pas opportun de continuer la lutte qu'il a si longtemps soutenue : il se dmet de l'archevch deParis,etHardouin de Prfixe, aprs la mort de Marca, lui est choisi pour successeur. Prfixe rsolut d'apaiser les troubles que Paul de Gondi avait entretenus dans le diocse, et il chargea Hossuet de vaincre l'obstination des religieuses de Port-Royal. La logique du futur vque de Meaux choua devant ces femmes de vertu, que la vanit aveuglait. Elles se crurent plus savantes thologiennes que lui, et se rfugiant dans leur ambition du martyre, elles repoussrent la main que le gnie leur tendait. Le prlat ne fut pas plus heureux que Bossuet, e t , pour les caractriser, il s'cria en leur prsence : Vous tes, il est vrai, pures comme des anges, mais orgueilleuses comme des dmons. Tandis que l'archevque de Paris et Bossuet, d'un ct, essayaient, force d'indulgence, de ramener au bercail de l'Eglise ces religieuses, dont les jans-

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nistes avaient form leur avant-garde, de l'autre, le pre Annat, que Racine, dans son Histoire du Port-Royal, a peint sous les traits d'un perscuteur acharn des Solitaires, cherchait quelque expdient pour mettre un terme tant de divisions. Gilbert de Choisenl, vque de Cominges, et partisan de Jansnius, reut, au mois d'aot 1662, ordre du roi de travailler cet accommodement, de concert avec Annat et le jsuite Ferrier. Le 20 mars 1663, il crivait Henri Arnauld, vque d'Angers (1) : Les auteurs anglicans font en d'autres termes le tableau de la rgence de don Pedro : Il s'appliqua, disent-ils (2), avec toute l'ardeur et la vigilance possibles, se mettre en tat de bien gouverner le royaume, et faire de son autorit un usage propre l'honorer. Il diminua les dpenses de l'Etal, il licencia la plus forte partie des troupes, mit le meilleur ordre qu'il put dans les finances, et offrit lui-mme dans cette cour l'exemple de l'conomie, dont il jugeait l'imitation ncessaire ses sujets, afin qu'ils pussent rparer jusqu' un certain point les maux et les dsastres auxquels ils taient exposs, aprs avoir vcu pendant si longtemps sous une domination trangre. Le continuateur de Faria-y-Souza, ajoute(3): Il chrissait ses sujets ; tous clbraient son administration; preuve qu'elle tait bonne, car autrement les Portugais, nobles et plbiens, ne manquent pas de murmurer. Ces historiens, qui appartiennent diverses nations, mais qui sont tous, dans leurs ouvrages, des adversaires de la Compagnie de Jsus, s'accordent (1) De La Clde, ibid,, p. 778. (2) Histoire universelle, t. LXXIII,p. 523. (3) Historia del regno de Portugal, ibid.

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louer les mesures que prit le rgent don Pedro ; et quand il s'agira de prononcer sur les vertus d'un roi, nous prfrerons toujours le tmoignage d'crivains impartiaux celui d'un rgicide. Ce ne sont pas les Jsuites qui ont dcern la rgence l'Infant et provoqu l'abdication force d'Alphonse; c'est l'accord nnanime de tous les ordres de l'Etat. S'ils outrepassrent leurs droits constituants, il est juste d'avouer que les Jsuites n'avaient point autorit pour les rappeler leur devoir. Le pre de Ville tait le guide spirituel de Marie de Nemours; il recevait ses confidences : il a d ncessairement tre consult par elle sur l'affreuse position que le roi Alphonse lui faisait. Les avis qu'il suggra cette princesse furent-ils toujours exempts d'arrire-penses politiques? nous ne le croyons pas; mais, la mme poque et dans le mme pays, le gnral de la Compagnie trouva une occasion de manifester l'opinion de l'Institut sur les pres qui se mlaient activement aux dbats politiques, et il la saisit. Le pre Antoine Fonseca tait donn pour confesseur don Alphonse, relgu l'le Tercre, puis ramen au chteau de Cintra, o il mourut en 1685. Don Pedro se proposa de rcompenser les Jsuites des services qu'ils lui avaient rendus, et le pre Emmanuel Fernandez fut nomm directeur de sa conscience. Le rgent n'avait qu'un parti en Portugal, car, aux yeux de plusieurs, le pacte fondamental venait d'tre viol dans son essence. Il lui importait donc de s'entourer d'hommes de tte et de talent. A ces deux titres, il fit nommer, en 1677, le jsuite son confesseur dput aux Cortez. Celte dignit tait en opposition avec les vux des Jsuites, avec les constitutions de saint Ignace et avec tous les prc-

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dents. Elle l'entranait dans le mouvement des affaires politiques; le gnral de l'Ordre est averti de cette infraction la discipline de l'Institut, et, le 8 janvier 1678, il adresse de Rome, au pre Antoine Barrads, provincial de Portugal, la lettre suivante : Vous tiez absent de Lisbonne, mon Rvrend Pre, lorsque tout rcemment le pre Emmanuel Fernandez a donn l'exemple d'accepter une place dans l'assemble des trois Ordres du royaume, au milieu des hommes les plus qualifis du Portugal. Cette manire d'agir, outre qu'elle est contraire celle qui a toujours t suivie dans les cours de l'empereur, du roi de France et en Pologne, ne peut se concilier avec le troisime vu simple qu'ajoutent les Profs leurs vux solennels, et dont je ne puis moi-mme accorder dispense, surtout depuis la dclaration d'Urbain VIII, rendue, en forme de bref, le 16 mars, commenant par ces mots : Vota qu Deo. Elle est incompatible avec nos constitutions, avec le dcret 7 9 de la cinquime assemble gnrale, avec les monitoires gnraux et avec la quatrime rgle prescrite aux confesseurs prcisment sur de semblables affaires. Je ne puis me taire en prsence d'un tel vnement, et j'attendrai avec une impatiente sollicitude la lettre de Votre Rvrence, qui m'attestera votre vigueur dfendre nos lois, et laver la Compagnie de la tache dont cette faiblesse commence ternir son nom. Les suprieurs sont strictement obligs, et cette obligation charge gravement notre conscience, de prendre, sans admettre ni retard ni excuse, des mesures efficaces pour dtourner le pre Fernandez de siger aux Cortez. Dans ce but, je sollicite, j'implore le patronage du prince srnissime, le concours de son directeur, lee

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zle de Votre Rvrenceel de plusieurs aulresPres. Si Son Altesse Royale accorde aux prires du pre Fernandez la permission de se dmettre d'une dignit en opposition ses vux, que Votre Rvrence lui en rende de trs-humbles actions de grces, en votre nom, en mon nom, au nom de toute la Compagnie. Si, ce qui me parait incroyable, le confesseur refusait de faire cette demande, ou, ce que je ne puis croire non plu?, le prince refusait de l'exaucer, Votre Rvrence devra renouveler peu prs la dmarche digne d'loges que fit auprs d'Urbain VITI le pre Mutio de pieuse mmoire. Pour dtourner le souverain Pontife du dsir qu'il manifestait de confrer la dignit piscopale au pre Ferdinand Salazar, le gnral de l'Ordre, accompagn de tous les profs rsidant Rome, alla se jeter aux pieds de Sa Saintet, et la conjura avec supplications et avee larmes de maintenir et notre humilit et notre discipline. De mme. Votre Rvrence, accompagne des trois recteurs du collge de San-Antonio. du sminaire des Irlandais et du noviciat, des quatre consulteurs de la province, le pre Antoine Vieira, qu'il faudra mander absolument en quelque lieu qu'il puisse tre, les pres Carvalho, Andr Vaz, Georges Acosta;des quatre procureurs de diffrentes provinces, Jean d'Almeida, de celle de Portugal; Jean Zugarte, de celle du Japon, Adrien Pedro, de celle de Goa et de la Chine ; Franois de Mallos, de celle du Brsil ; se jettera ainsi escort au pied du trne l'ombre duquel la Compagnie se fait gloire d'tre ne, d'avoir grandi et de s'tre propage jusqu'aux extrmits des deux mondes. Vous rappellerez au prince les bienfaits dont nous lui sommes redevables ainsi qu'aux rois ses anctres. Vous le conjurerez au nomHial.de la Comp. de Jetas. T. IV. 0

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de cette bienveillance passe d'ajouter tant de prrogatives dont cette royale famille nous a combls la grce de nous laisser la plus prcieuse de toutes, qui consiste dans la fuite des dignits comme des affaires temporelles et dans l'observation stricte de notre Institut. Vous lui rappellerez, vous lui exposerez les lois de la Compagnie dont je parlais tout l'heure et les dcrets qui la rgissent, dcrets sanctionns par les censures ecclsiastiques, que peut-tre le pre Fernandez n'a pas encore encourues, parce que dans sa conduite il aura suivi l'opinion errone de quelque conseiller ignorant plutt qu'une malicieuse prmditation. Mais dites-lui que dsormais Userait inexcusable s'il restait encore au conseil aprs avoir t dtromp par le lgitime interprte de l'Institut Auparavant vous reprsenterez de ma part les mmes choses au Pre ; et, si, comme j'en ai l'espr rance, il se montre docile et rsigne aussitt cette dignit, je regarderai le mal comme guri en grande partie, et je prendrai des mesures pleines de douceur pour remdier tout. Mais, si, ce qu' Dieu ne plaise! il se montrait sourd mes ordres, et continuait siger aux Cortez et s'occuper d'affaires politiques, il sera de votre devoir de le dclarer infidle son vu et nos prceptes, atteint par les censures qui les sanctionnent, dpouill de la charge de prpos de la maison professe et de celle du consultcur de la province, priv de toute voix active et passive. Cependant que Votre Rvrence, avant d'aborder le prince et la suite de l'audience, prvoie et dispose toutes choses de concert avec les r e G t e u r s , consulteurs et procureurs dont j'ai parl plus haut. Vous les runirez d'avance en consultai ion; vous les obligerez-, en vertu de la sainte obissance, la loi du secret

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absolu, et leur ordonnerez dem'crircdans des lettres spares ce que chacun d'eux jugera convenable. Si, pour quelque raison que je ne puis prvoir vous tiez absent de Lisbonne quand y arrivera ma lettre, elle sera remise pour tre ouverte et lue au pre Yieira, le premier des consuiteurs de la province par l'anciennet de la profession et par la connaissance du sens de nos rgles et de nos usages en ces matires. Runis ainsi au nom du Seigneur, puissiez-vous tous recevoir de sa clmence un cur bien dispos pour accomplir sa volont et des paroles droites qui plaisent au prince, mais, avant tout, Dieu, que vous voudrez bien aussi prier pour moi, votre serviteur en Jsus-Christ. PAUL OLIVA.

Ce document, ignor jusqu' ce jour, est un irrfragable tmoignage de cette ambition d'humilit dont la Compagnie de Jsus fut travaille. On les appelait aux honneurs parlementaires, on les faisait les arbitres suprmes des questions d'tat : ils pouvaient, en suivant cette impulsion, dominer leur pays ou se grandir dans l'opinion en popularisant par la tribune leurs talents et leur Institut. quaviva a exil le pre Claude Matthieu pour l'empcher d'tre le courrier de la Ligue, Oliva menace d'interdire Emmanuel Fernandez s'il continue siger dans une assemble politique. Matthieu accepta l'exil, Fernandez se soumet comme lui l'ordre du gnral des Jsuites : il abdique ses fonctions aux Cortez, il renonce la gloire qu'il s'est promise et aux esprances que le rgent don Pedro a conues. Son obissance fut si complte que le 16 avril 1678 Oliva crivait au provincial Barrads :

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Aprs un mr examen de toutes les dmarches que vous avez faites, j'ai la joie de couronner l'uvre en donnant au pre Fernandez les loges que mritent sa vertu et sa prompte soumission rsigner ces trop splendides emplois. Il m'a crit qu'il estimait plus pour lui-mme l'office du dernier frre coadjuteur de la Compagnie que les plus brillantes dignits dans le sicle. La consolation, l'espoir que ces sentiments inspirent mon cur paternel, je laisse Votre Rvrence le soin de les exprimer, en me recommandant ses saintes prires. Don Pedro avait consenti ce sacrifice; mais il lui tait impossible de se sparer de son ami. Fernandez dirigea sa conscience jusqu'en 1695, anne dans laquelle mourut lejsuite. Le rgent tait depuis longtemps devenu roi par le trpas deson frre Alphonse. Le pre Sbastien de Mageihas succda Fernandez dans les fonctions de confesseur du monarque. L'influence des Jsuites en Portugal, leurs riches tablissements et la confiance que les rois leur tmoignaient ont fait accuser les Pres d'avoir t la cause ou tout au moins l'occasion de la dcadence de cet empire. Les crivains irrflchis l'ont proclam; ceux qui s'efforaient d'tre hostiles la Socit de Jsus, sans vouloir nanmoins blesser trop au vif la vrit, se sont contents de l'insinuer. La ruine du Portugal comme Etat est un fait avr; mais faut-il l'imputer aux Jsuites directement ou indirectement? Sont-ils la cause plus ou moins loigne qui a produit cette dcadence? Telle est la question que la plupart des hommes ont rsolue avant mme de l'avoir srieusement examine Aprs avoir tudi les Jsuites dans leurs acles,

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daus leurs correspondances intimes et dans leurs relations soit avec les peuples, soit avec les princes, nous croyons qu'on leur a fait une part beaucoup trop large. On a voulu voir partout leur main dirigeante. Les uns leur ont attribu tout le bien qui se faisait, les autres tout le mal. On les a peints comme le mobile des mesures les plus opportunes ou les plus dsastreuses. Leur nom revient chaque page des annalistes, ici bni par des voix pieuses, l charg de maldictions. Pour rester dans le vrai, nous n'acceptons ni les apothoses ni les inculpations ('ont ils furent l'objet. On a accus les Jsuites de crimes qui sont enfin expliqus par l'histoire. On leur a prt une audace machiavlique, une profonde connaissance des passions humaines, un art merveilleux pour les mettre en jeu et une habilet traditionnelle que la gnration mourante lguait celle qui la remplaait comme un moyen assur de dominer les masses et d'touffer ses ennemis. C'est par l'expos des faits que nous avons rduit leur juste valeur ces reproches ou ces loges. U en sera de mme pour cette sagacit, pour ce systme d'intrigues si bien ourdies dont le rseau, dit-on, enveloppa le monde. A nos yeux, les Jsuites n'ont t qu'un accident dans les vnements politiques auxquels ils touchrent. Ils n'y ont pris par tque lorsque ces vnements se rattachaient de prs ou de loin la religion ; mais dans presque tous ils jourent un rle beaucoup plus passif qu'actif. Ils ont compt parmi eux des lgislateurs, des diplomates clbres, des hommes mme qui plus d'une fois triomphrent de la force par l'adresse. Mais ces exceptions, quelques nombreuses qu'elles puissent tre, ne feront jamais que la Compagnie de Jsus devienne pour un crivain impartial

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une agrgation d'ambitieux qui a grandi par l'astuce, et qui s'est maintenue par une prudence hypocritement consomme. Leur sagacit tant vante a cr un mot nouveau dans la langue franaise; mais ce jsuitisme, dont les partis ont abus, ne peut pas faire transiger avec la vrit. Les Pres de l'Institut furent bien plus souvent tromps qu'ils ne tromprent eux-mmes. Toutes les fois qu'un ennemi se dresse devant eux, on les voit faiblir ; partout o ils sont attaqus avec vigueur, ils se dfendent mollement. Ici on trouve ces hommes si verss dans l'intrigue servant de jouet des calomniateurs qui trahissent l'hospitalit ; l ils couvrent de la charit de leur protection quelques remords imposteurs, ils reoivent sous leur toit des vertus hypothtiques, ils accordent leur confiance tous ceux qui ont intrt en disposer, et, si la fortune leur sourit dans les cours, il est bien rare que ce sourire soit le fruit d'une combinaisson de la Socit de Jsus. La Socit n'est forte qu'en face des dangers qui menacent l'Eglise, elle n'est vraiment redoutable que lorsque la chrtient pousse un cri de dtresse. Alors le soldat catholique, rv par Ignace de Loyola, apparat pour combattre avec la plume, avec la parole, et pour offrir son sang en tmoignage de sa foi. C'est le martyre qu'il espre, et non pas les honneurs du triomphe. Mais l'Institut, pris ses poques les plus florissantes, n'a jamais su mriter la rputation de finesse rprhcnsible qui lui a t faite. En Allemagne, en France, en Italie, ainsi que dans leurs missions au del des mers, les Jsuites sont grands dans les combats de la F o i , ils succombent partout dans les luttes o l'intrigue remplace le

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dvouement, o l'intrt de corps est substitu l'intrt religieux. C'est principalement dans la Pninsule que ces faits ressortent avec le plus d'vidence. Ainsi on leurreproche d'avoir t les moteurs ou les tmoins de l'affaissement poliliquedu Portugal. Les Jsuites se sont condamns au silence; cependant l'histoire la main, ils pouvaient suivre pas pas et indiquer l'esprit le plus prvenu les causes de cette ruine. Ces causes, les voici. Le Portugal tait, sous le rgne de Jean IIL son plushautpointde prosprit. L'or du Nouveau-Monde affluait sur ses rivages. Les ambitions, les passions, les vices eux-mmes, qui rencontraient un nouveau mobile, cherchaient, dans une gloire aventureuse, des sources de richesses et de plus larges thtres, Lesplaisirs que ces ardentes imaginations voquaient sous des climats brlants, le luxe dont chacun s'efforait de jouir au milieu de prils inconnus, et sur une terre o la frocit prenait lche de s'abriter l'ombre de la croix, tout cela dut invitablement produire de tristes effets. La gnration d'Albuquerque avait assist un prodigieux enfantement d'ides. De ces ides, traduites en faits, il rsultait une corruption prcoce et un affaiblissement graduel dans les intelligences. Ce fut ce moment que les Jsuites entrrent dans le royaume. Leur apostolat, leur enseignement ne purent arrter la dcomposition dont le corps social tait travaill. Elle germait avec l'oisivet, elle grandissait avec le faste, elle devait clater avec les rvolutions. Les rvolutions vinrent. La minorit de don Sbastien, ses rves de conqurant catholique, ses dsastres de crois sur la rive africaine, prcipitrent la catastrophe. Le Portugal alors tomba la merci des

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Espagnols ; l ne fut plus qu'une province de l'empire de Philippe II. Des haines vivacesexistaiententreles deux nations. L'Espagne, dont le joug tait dtest, avait un intrt de patrie et d'amour-propre craser le peuple portugais; elle donna satisfaction ce double intrt. Elle puisa la fortune publique, elle chercha touffer le sentiment d'indpendance. Afin de porter un coup mortel la grandeur portugaise, ses rois et leurs ministres laissrent les anglais ainsi que les Hollandais s'emparer des plus riches colonies qu'Emmanuel avait lgues son pays. Quand l'Espagne, affaiblie elle-mme sous le poids des guerres, traitait avec les nouvelles puissances maritimes, elle persvrait dans son systme de ruiner le Portugal. Le bnfice de la paix n'tait pas applicable ses habitants ; et, pour achever de les affaiblir, dit La Clde (1), les Castillans firent, en 1C09, une trve peu honorable avec les Hollandais, dans laquelle ils comprirent tous les sujets et allis de l'Espagne, except les Portugais. La guerre continua donc; elle devait tre, elle fut dsastreuse. En face de ces intrpides Bataves, qui venaient de se crer une patrie en disant la mer : Tu ne seras pas plus forte que notre industrieuse activit, que pouvaient faire des hommes effmins, un peuple n'ayant pas mme sa nationalit dfendre? en 1640, la conspiration dirige par une femme et par un intrigant audacieux porta sur le trne la famille de Bragance. Les Espagnols, qui n'avaient pas prvu ce mouvement, essayrent de le conjurer par une guerre qui dura( 1 ) Histoire gnrale de Portugal, t. ?, p. 394.

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prs de trente ans, et que don Pedro termina en 1608. Ce roi. qui, selon l'abb Grgoire, fut donn au Portugal par les Jsuites, eiUrtabli lesaffaires de ce pays, si, comme le font observer les Anglais auteurs de l'Histoire universelle (1), elles eussent pu tre rtablies La prpondrance maritime de la Hollande etde l'Angleterre tait un fait accompli. Le Portugal, ainsi que tous les empires, avait eu ses jours de gloire; il allait, dans un vain souvenir de splendeur clipse, subir la condition des choses humaines: il tombait, tandis que d'autres nations s'levaient. Dans une pareille dcroissance, o chaque anne semble marque par une calamit au dehors, par des troubles au dedans, les Jsuites ont-ils, pu, au milieu du tumulte des armes et en prsence de ces murs corrompues, raliser un miracle? Disperss dans les missions, renferms au fond de leurs collges, ou admis la cour leur a-t- il t possible de comprimer les vnements et les tendances morales qui en dcoulaient? Par l'ducation, il leur fut permis peuttre de suspendre les progrs du mal : par le conseil, ils ont pu faire entrer dans le cur du monarque des ides de rforme; mais l durent s'arrter leurs esprances mme les plus ambitieuses. Ils disposaient en matres absolus de l'enseignement public; nanmoins le Portugal dclinait sans cesse, tandis que. la mme poque et sous le mme systme d'ducation, la France, l'Allemagne catholique, lllalie et la Pologne parvenaient leur apoge de gloire littraire, administrative ou militaire.(1) Histoire universelle, par une socit de gens e lettres angluls, t. LXXUI, p. 525. 6.

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Cette priode de l'histoire du Portugal n'a cependant pas manqu de Jsuites savants et de professeurs habiles. Elle a mme compt dans les rangs de l'Institut un homme que la Biblio'heca lusiiana, de Barbosa Machado, regarde comme un des personnages les plus illustres qu'ait produits le royaume: c'est le pre Antoine Vieira, n Lisbonne le 6 fvrier 1608. Reu dans la Compagnie de Jsus, le 5 mai 1 6 2 3 , Vieira s'tait vou aux missions transatlantiques. Thologien, pote, orateur, philosophe, historien, il unissait tous les dons de l'esprit la force de la volont et l'nergie de l'intelligence. Ambassadeur de Jean IV Paris, en Hollande et Rome, il savait tre tout la fois un profond diplomate, un lgant prdicateur et un docte controversiste. A Amsterdam, il triomphait, dans une discussion publique, du fameux rabbin ManasssBen-Isral ; il refusait Rome d'tre le confesseur de Christine de Sude, pour consacrer sa vie au service de son pays. Il cherchait, dans les missions au del des mers, dans les collges, la cour et dans les chaires, rveiller l'esprit national, dont l'assoupissement tait pour lui un supplice. D'autres Jsuites, moins clbres, mais aussi actifs, s'efforaient de secouer cette torpeur. Ils ne furent pas plus heureux que le pre Vieira, qui, le 18 juillet 1697, mourut au Brsil, l'ge de quatre-vingtneuf ans. A partir de cette poque, l'histoire politique de la Compagnie de Jsus se rsume en celle des confesseurs des rois. Quand les Jsuites ne prennent aucune part aux vnements, on les y mle malgr eux. On grossit ou on attnue leur influence; on les fait les inspira leurs de tontes les fautes commises.

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on les rend trangers toute pense populaire. L i n stitut de Loyola avait un pied dans les palais ; il tait une puissance, et une puissance d'autant plus formidable, que l'individu ne demandait r i e n , ne pouvait rien demander pour lui-mme. De son plein gr, il reportait la Compagnie tout entire l'ascendant priv dont ses vertus, ses talents ou l'amnit de son caractre le faisaient jouir auprs des princes. La force de l'Ordre se centuplait ainsi; mais en mme temps les Jsuites se craient dans chaque royaume de nouveaux ennemis, plus dangereux que les Parlements et les universits dont ils avaient enfin triomph. Leur protection ou leur amiti tait un titre la faveur, quelquefois une source de fortune. Ils savaient qu'aux jours du pril ces reconnaissances si expansives se transformeraient en ingratitude ou en trahison ; mais ils parurent ne pas vouloir apprendre que l'envie et l'ambition froisses, voquaient des hostilits de cour mille fois plus craindre que celles de l'cole. Placs sur un terrain glissant , devenus le point de mire des intrigues dont leur perspicacit monastiquement spirituelle ne saisissait pas toujours les fils, ils taient forc de faire des mcontents. Ces mcontents se trompaient dans leurs calculs : ils accusrent les Jsuites de les avoir desservis. Leurs vux n'taient pas satisfaits; laComp.ignic porta la peinedeces insuccs. Aux haines prcdentes, mais vivaces encore, se joignirent des auxiliaires qui ne pardonnent'jamais l'chec qu'ont souffert leur vanit personnelle et leur orgueil de famille. A la cour, o, pour perdre un rival, chacun fait arme de tout, o l'on prpare avec tant d'art, ici une perfidie, l une

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calomnie, on ne respecta pas, dans les Jsuites, ce que les disciples de Jansnius n'avaient jamais attaqu. On incrimina leurs murs. Quelques-uns d'entre eux se trouvaient en contact avec le monde ; le inonde leur fit expier cette position par des epigrammes menteuses, que la malignit publique accepta plus tard comme l'expression adoucie de la vrit. A Lisbonne, nous les avons vus mls une rvolution de palais que le peuple salua comme une re de rgnration. Ils travaillent avec le nouveau souverain rendre au Portugal son ancienne splendeur; Madrid, dans le mme temps, un autre jsuite gouverne l'Espagne; il se trouve tout la fois le premier ministre de la reine rgente et la cause d'une funeste division dans la famille royale. Philippe IV, malgr quelques heureuses qualits, est un prince dont le rgne fut aussi fatal l'Espagne que celui de Rodrigue le Golh. Il avait senti peu peu dcrotre sous sa main dbile la prpondrance de la maison d'Autriche. L'uvre de Charles-Quint et de Philippe II s'en allait par lambeaux. Le Ronssillon, la Cerdagne, la Jamaque, une partie des Pays-Bas et le Portugal, s'taient l'un aprs l'autre dtachs de la resplendissante couronne que les deux premiers rois de la branche autrichienne avaient pose sur la tte de leurs successeurs. Les vieilles bandes espagnoles perdaient leur prestige en Italie et en Belgique. La Catalogne s'insurgeait; Naples, Masaniello le pcheur rvlait la force populaire, et l'arme portugaise, instruite vaincre par Schomberg, frappait un coup dcisif dans les plaines de Villaviciosa. Philippe ressentit si cruellement ces revers, qu'il mourut en lGtio, laissant l'Espagne

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appauvrie, mutile, et au milieu des embarras d'une rgence. Son fils, g de quatre ans, lui succda sous le nom de Charles II. Par une mollesse et par une incurie encore plus dplorable, il fit descendre avec lui dans la tombe l'influence de l'Espagne. La mre du jeune roi, Marie-Anne d'Autriche, vit aussitt ses frontires menaces, d'un ct, par les armes de Louis XIV ; de l'autre, par les Portugais (1 ). Philippe IV avait laiss un fils naturel, un don Juan d'Autriche. Essayant de rattacher sa fortune les Espagnols, encore sduits par les souvenirs du glorieux btard de Charles-Quint, le nouveau don Juan croyait son bras assez vigoureux pour soutenir la monarchie expirante, et. afin de gouverner l'Etat, il s'tait cr un parti. Ce parti ne s'attaquait pas directement la reine-mre, il la frappait dans son confesseur, dans son ministre. Ce ministre tait le jsuite Evcrard Nithard, n le 8 dcembre 1007, au chteau de Falkenslein. Le pre Nithard, g de prs de soixante ans. s'tait, aprs avoir longtemps profess la morale et la philosophie l'universit de Gralz, vu choisi par l'empereur Ferdinand III pour diriger la conscience t les tudes de ses enfants. Il avait lev l'archiduc LopolU-Ignace, qui rgna aprs lui; et lorsque Marie-Anne d'Autriche pousa Philippe IV, Nithard la suivit en Espagne comme son confesseur. Dans cette cour que le funeste ministre d'Olivars avait corrompue et rapetisse. le jsuite parut un prodige aux yeux de ce pauvre monarque, accabl sous les murmures de son peuple, et vieilli dans les misres d'une royale tiquette. Nithard avait des ides du gouver(1) Ortie, ompendio de la kisloria de Etpana, t. VI.

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nement; il faisait entendre de sages conseils. Il parlait d'conomie et de vigilance un homme qui venait de voir fondre dans ses mains les trsors du Nouveau-Monde, et qui, la fin de son rgne, laissait l'Etat obr, la royaut avilie, et l'Espagne morte sous les richesses dont elle n'avait pas su profiler pour dvelopper l'industrie et l'agriculture. Enfant d'un pays dont le travail est la fortune, membre d'une socit religieuse qui a proscrit l'oisivet comme un crime, Nithard ne comprenait rien cet affaissement de la puissance publique. Philippe IV, qui jusqu'alors ne s'tait entour que de flatteurs, retrouvait assez d'nergie dans son me puise pour sourire aux plans de rforme du jsuite; la mort l'empcha de les excuter peut-tre. A peine au timon des affaires, Marie-Anne ne veut partager qu'avec son confesseur les soins du gouvernement; ce n'est pas d'une manire occulte qu'elle l'investit du pouvoir, mais la face du monde entier. Elle a confiance dans sa fermet, elle l'lve aux fonctions d'inquisiteur-gnral et de conseiller d'Etat. Nithard dcline ces honneurs; il allgue pour motif de son refus le vu d'abngation que font les profs de la Socit de Jsus. Le Saint-Sige peut en dlier; Marie-Anne supplie Alexandre VII d'ordonner Nithard de se soumettre son injonction. Le pontife commande, et le 26 septembre 1666 parut Madrid le dcret qui nommait le jsuite grand-inquisiteur. Ce dcret fait mention de la longue et opinitre rsistance du Pre. Dans la position des choses, Marie- Anne accumulait sur la tte de son confesseur toutes les violences du parti que Juan d'Autriche dirigeait. Elle s'exposait elle-mme des calomnies dont sa vertu n'eut plus

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souffrir que celle de Nithard; ces calomnies devaient la longue rendre impossible l'exercice de son autorit; c'tait ce but qu'elles tendaient. Le Pre se voyait dans une situation ayant plus d'une analogie avec celle de Mazarin en France; mais le jsuite allemand n'avait ni les ressources d'esprit, ni l'astuce, ni la flexible persistance du cardinal italien. Pour se maintenir, il ne s'appuyait que sur des moyens publiquement avous; au milieu d'une cour aussi fconde en intrigues, ee n'tait pas assez. Son pre et sa mre professaient le culte luthrien, ce qui, dit Amelotde la Houssaye dans ses Mmoires (1), choqua d'autant plus le clerg, que, d'aprs les lois du pays, nul ne pouvait tre admis aux moindres charges, si, dans sa famille paternelle ou maternelle, on trouvait une tache ou mme un soupon d'hrsie. Don Juan ne ddaigna pas d'exploiter cette circonstance. Il mit en jeu la susceptibilit espagnole; il accusa Nithard des calamits que la guerre avec la France faisait peser sur la Pninsule; il se prsenta eomme le seul homme capable de rparer tant de dsastres. Cette opposition devenait factieuse : don Juan est nomm gouverneur des Pays-Bas. Il n'accepte pas un ordre d'exil cach sous une dignit prcaire; il se met en route pour Madrid, afin de faire agrer son refus. Dfense lui est faite d'approcher plus de vingt lieues de la capitale. Il se relire Consuegra, et dans cette ville il trama, dit-on, un complot contre la vie du jsuite-ministre. Ce complot, auquel le caractre imptueux, mais plein de probit, de Juan aurait eu bien de la peine se prter, et dont personne n'a pu offrir le moindre indice(I) Mmoires d'Amelot de ta Houssaye, 1.1, P. 34%

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nous semble une de ces inventions que les partis mettent en avant pour perdre leurs antagonistes. Il fournit don Juan un prtexte d'action. Philippe IV avait, dans son testament, gard le plus profond silence sur lui. Don Juan devinait par cet oubli, la haine que lui avait voue Marie-Anne. Il ne lui tait pas possible de s'en venger directement; il s'en prit Nithard. Nithard possdait la confiance de la reine-rgente; le prince immola le jsuite ses ressentiments. L'ordre avait t donn d'arrter l'infant et de le renfermer dans l'Alcazar de Tolde. Il se rfugia sur l'Ebre, et, de la forteresse de Flix, il ft paratre un mmoire justificatif pour lui et accusateur contre la reine et contre le jsuite. Don Juan connaissait sa puissance; il savait que les grands et la plupart des moines taient ses auxiliaires : il ne craignit pas de rclamer le bannissement du Pre. Le 23 fvrier 100.9, la tte des milices qu'il a runies, il se pose eu agresseur. Ses emportements, ses menaces et les sourdes calomnies qu'il faisait circuler plaaient Nithard sur un terrain favorable; il en profite pour adresser au prince une lettre dans laquelle il rduit leur valeur les crimes qu'on lui impute. Le jsuite demande au prince, qui se constitue son rival, des preuves de ses allgations; il parle avec la dignit de l'innocence; mais ses paroles tombent sur des curs aigris, sur des hommes ambitieux et qui n'aperoivent dans Nithard qu'un obstacle leur fortune. Elles furent striles celte poque. Les historiens catholiques qui s'occuprent de ces vnements n'ont mme pas os faire allusion son mmoire. Un auteur protestant, l'Anglais Goxe, a seul t assez impartial pour l'tudier; seul il a rendu justice l'crit

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et au caractre du jsuite (1). C'est un ouvrage, dit-il, plein de sagesse, qui indique beaucoup de talent, et respire la bonne foi et la conviction de l'innocence. Le pre Nithard y rduit de justes proportions les accusations vagues et non prouves de don Juan, prince d'ailleurs estimable sous d'autres rapports, nanmoins ambitieux et emport, et qui, dans celte affaire, usa de moyens que condamnent l'honneur et la conscience. Ainsi que l'historien anglais, le prince espagnol n'ignorait sans doute pas toutes ces choses ; mais il aspirait devenir matre du royaume pendant la minorit d'un enfant maladif; il rvait peut-tre la couronne en cas de mort : il sacrifia la vrit une inimiti de famille et de vastes projets. Nithard n'avait pour appui que la reine, dont Tinstinctde mre devinait les esprances du btard de Phi plipelV, son poux; elle s'pouvantait de sa solitude au milieu d'une cour sans nergie et d'un peuple irrit de ses revers et de sa pompeuse misre. Nithard tait son conseil ; elle y tenait par affection, par estime et par opposition don J u a n ; mais le jsuite ne pouvait lutter contre les difficults qu'on lui suscitait de tous cts. Marie-Anne tait abandonne par les conseillers mme de la couronne dvous l'infant; elle essaya de capituler avec l u i . Don Juan dclare, ajoute Amelot (2), que si le pre Nithard ne sort pas sans dlai par une porte de Madrid, il en sortira par les fentres de sa maison. Un auteur contemporain a publi Paris, au mo( 1 ) LEspagneIntroc] , p 157.

sous les rois de la maison de Bourbon, t T,

(2) Mmoires d'Amelot de la Houssoyc, 1.1. p. 346.

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ment mme o les faits venaient de s'accomplir, une Relation de la sortie d'Espagne du pre Nithard (1), et cet vnement n'y est pas racont avec la crudit morose qui dpare les rcits de la Houssaye. Depuis longtemps, y lit-on, le jsuite sollicitait la permission de se retirer. Un dimanche, aprs avoir confess la reine, il se jette ses pieds et il la conjure de ne plus s'opposer son dpart. Marie-Anne fondit en larmes ; elle persistait dans son refus ; mais, le renvoi du Pre devenant une question d'Etat, elle se vit contrainte de cder l'empire des circonstances. En 1669, Nithard put enfin s'loigner. Don Juan avait pris les armes le 2o fvrier; deux jours aprs le 25, la reine-mre signait le dcret suivant : Jean-Everard Nithard, religieux de la Socit de Jsus, mon confesseur, conseiller d'Etat et inquisiteur gnral, m'ayant supplie de lui permettre de de se retirer hors du royaume, quoique trs-satis faite de sa vertu et de ses autres bonnes qualits, aussi bien que de son zle et de ses soins me rendre service, ayant gard l'instance qu'il ma faite et pour d'autres considrations, je lui ai accord la permission de se retirer o il voudra, en Allemagne ou Rome. Mais, pour tmoignage de mon contentement et de ma reconnaissance des services par lui rendus l'Etat, je veux qu'il conserve ses titres, ses charges et ses revenus. Je veux de plus qu'il parte, revtu du titre d'ambassadeur extraordinaire en Allemagne ou Rome. Moi, la Reine. Le pre Nithard faisait en s'loignant cesser un con(1) In 4% Paris, 1669. Imprime en espagnol el en franais.

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Ait dans lequel le nom d'un jsuite intervenait. Don Juan, heureux de sa victoire sur la reine-rgente, n'en demanda pas davantage pour le moment. Il aurait mme ratifi et au del toutes les dignits que Marie-Anne accumulait sur la tte de son confesseur ; mais Nithard, dont le ministre avait t si tristement clbre, ne voulut pas accepter les honneurs et les pensions qui compensaient un exil si dsir. Nous devons, ainsi s'exprime Coxc (1), dire la louange de ce ministre disgraci qu'il donna un singulier exemple de dsintressement. Il refusa les offres d'argent qui lui furent faites par plusieurs personnes, entre autres par le cardinal d'Arragon et le comte de Pennaranda. Il prfra, pour employer sa propre expression, quitter l'Espagne en pauvre prtre, comme il tait venu. Ce n'est pas sans peine qu'on put lui faire recevoir 200 pisloles de la part de sa protectrice pour son voyage de Rome, la place d'une pension de 2,000 piastres; mais il refusa l'ambassade qui lui fut alors propose, Don Juan s'tait flatt que son opposition au j suite le rendrait maftre des affaires, et qu'ainsi il saurait communiquer l'Espagne un sang nouveau. II succomba la peine ; il devint plus odieux que Nithard. A l'exemple de toutes les oppositions, il avait fait de magnifiques promesses, et la ralit l'crasa. Nithard n'tait pas un de ces favoris vulgaires que les princes oublient dans leur proscription. Il n'avait donn Marie-Anne que des sages conseils. Son souvenir lui tait cher; elle voulut lui accorder un tmoignage de son estime, en le forant recevoir le( 1 ) VEspagne inlro:!., p. 26, tout tes roi* de la maison de Bourbon, 1.1 ?

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titre de premier ministre. Le pape l'avait virtuelle ment rlev de ses vux; la reine-rgente le nomma ambassadeur d'Espagne prs le Saint-Sige; il fut sacr archevque d'Edesse; puis enfin, le 22 fvrier 1673, Clment X le dcora de la pourpre romaine. Le jsuite, prince de l'Eglise mourut en 1681. Pour secouer la torpeur dans laquelle les hritiers de Charles-Quint et de Philippe II avaient plong l'Espagne, il lui et fallu un roi la taille de ces monarques, ou tout au moins des ministres comme le cardinal Ximens. Les uns n'taient pas plus possibles que les autres; car, sous des princes sans volont, sans intelligence, l'nergie des hommes d'Etat s'use vite, ou elle est si prompteinent calomnie qu'on la condamne un perptuel exil. Les souverains de la maison d'Autriche avaient tous les lments de succs, un empire sur les terres duquel le soleil ne se couchait jamais, ainsi que le disaient les Espagnols avec un orgueil mtaphorique si bien appropri la fiert de leur langue ; des peuples fidles, et un respect religieux pour le culte des anctres. Il ne leur manquait qu'un Louis XIV ou un Sobiesk pour dvelopper tant de gnreuses qualits. De Philippe IV, ils tombrent dans l'ternelle enfance de Charles II, espce de roi fainant qui proscrivit sa mre, qui la rappela ; qui prit pour ministre don Juan d'Autriche, et qui l'abandonna la haine publique. Enfin aussi fatigu de rgner que de vivre, il se renferma tantt dans l'Escurial, tantt dans les bosquets del Prado, consumant sa languissante existence au milieu des femmes, des nains et des animaux rares que lui fournissaient ses provinces d'outre-mer. En face de cette prostration de la royaut, les Jsuites, ne rencontrant aucun appui sur le trne,

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tentrent, par une ducation nationale, de vaincre la lthargie du peuple. Mais le peuple se conformait aux gots de son roi; il tait triste de ses tristesses, malade des maux sous lesquels Charles II s'affaissait. Le peuple espagnol, patient comme la vritable force, semblait attendre que la mort du souverain mit un terme son agonie. Il pressentait, il invoquait peuttre des dchirements intrieurs pour le tirer de sa somnolence. Les Jsuites, soumis cette action dltre, suivirent l'exemple du peuple; ils attendirent comme lui une circonstance que la guerre de succession produisit. Pendant ce temps, les Pres de la Compagnie de Jsus prenaient dans d'autres contres de l'Europe un dveloppement ncessaire son existence. Us ne cessaient de s'tendre en Allemagne. En Pologne, sousl'pe victorieuse de Jean Sobieski, ils ralisaient dans les armes et dans les collges la fin de leur Institut. Pour que les Jsuites obtiennent sur les multitudes une influence prpondrante, il faut qu'ils trouvent la tte des affaires un prince nergique ou un pouvoir qui ne consente pas s'annihiler. Monarchie ou rpublique, lgitimit ou droit lectif, le mode de gouvernement leur importe peu, pourvu que ces gouvernements soient forts. Us ne se dploient leur aise qu' l'abri d'une autorit que les factieux ne viennent pas tirailler. Alors, renferms dans les attributions que saint Ignace de Loyola leur a traces, assurs d'avoir un lendemain, parce qu'ils connaissent la pense dirigeante, ils se livrent sans, prcipitation et sans crainte aux travaux de l'apostolat. Dans la dernire moiti du dix-septime sicle, nous les voyons en Espagne faibles et irrsolus comme le gouvernement. En Pologne, la mme

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poque, ils apparaissent aussi entreprenants qu'aux jours de leur fondation, ou lorsque le pre Jules Macinelli, qui passa soixante-deux ans de sa vie dans la Compagnie, rpandait sur le nord les lumires de sa foi et les ardeurs de sa charit. C'est que sur le trne de Pologne il se rencontrait un homme qui avait foi en leur mission comme eux avaient confiance en son gnie. Cet homme tait Jean Sobieski. La Pologne apprciait la Socit de Jsus ; elle avait vu les pres populariser la morale et l'esprit national sous ses rois Bathori,Sigismondet Ladislas. Pour rcompenser tant de sacrifices, elle appelait au trne Jean-Casimir qui, le 25 septembre 1615, avait pris l'habit de la Compagnie, et que, quatre ans aprs, Innocent X forait de recevoir le chapeau de cardinal. Casimir, roi et jsuite, apaisa les factions qui divisaient le royaume, et, quand il jugea que sa mission de souverain tait accomplie, il abdiqua en 1668. Son rgne fut celui de la paix et de l'ducation publique. Cette ducation tait puissante, parce qu'elle s'adressait 5 des natures vigoureuses, des curs qu'une civilisation trop hte n'amollissait pas. Les Jsuites formaient la vertu et la science (1) ces Franais du Nord, si amants de leur libert et de la gloire militaire. Ils s'en faisaient aimer dans les collges, ils les suivaient dans les camps ;(1) En 1065, le prince Ratkivill, chancelier de Lithuanie, ddiait la Compagnie de Jsus un livre qu'il avait crit sous le titre de : Ilistoria passioms ChrisH punctatim anim devotw per trs lihros et capiia exposita (Warsovi, 1665). Nous lisons dans l'cpitre ddicatoire : J'ai entendu, dit le chancelier, mon frre Radzivill, de glorieuse mmoire, palatin de Vilna et gn rai du grand-duch de Lithuanie, qui tait protestant, niefaire cet aveu : Quoique nous ayons, me disait-il, des personnes

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ils taient les orateurs de l'arme, les mdecins du bless, les aptres de la charit chrtienne au milieu des batailles ; les grandes familles et le peuple les acceptaient comme des guides. Ils arrivaient avec Jacques Sobieski sous les murs de Moscou, ils marchaient avec Zolkiewski contre les Turcs, avec Gzarneski contre Charles-Gustave de Sude. Dans une de ces invasions si frquentes en de semblables guerres, le pre Andr fiobola fut surpris Pinsk, le 16 mai 1657, par une troupe de Cosaques. Les Cosaques dtestaient tous les catholiques ; mais les Jsuites taient pour eux un objet spcial de haine. Bobola jouissait de la confiance des Polonais ; ils lui font subir tous les genres de martyre. Cette fraternit de dangers avait tabli entre les Pres de l'Institut et les enfants de la Pologne une alliance que le temps cimentait, et que le rgne de Jean Sobieski consacra. Fils de ses uvres, ainsi que cette noblesse si fire de sa rude indpendance, Sobieski tait dj le hros de la Pologne. Vaillant soldat, habile gnral, grand politique, il possdait encore les qualits de l'esprit et du cur. Le sabre pour lui n'tait pas le dernier effort de l'intelligence, et sa raison, mrie par l'exprience des Jsuites, lui donnait dans les Dites un ascendant presque souverain. Depuis vingt ans, les Polonais le regardaient comme le bouclier de leur libert; car, n en 1629, il n'avait cess de combattre pour la dfense ou pour l'honneur de son pays. En 1672 Mahomet IV et Coprogli, son visir, charges de dcouvrir et de noter les Taules des Religieux, s nous n'avons jamais pu rien trouver de rcprhensible dans la Socit de Jcsiis.D'npTs mon sentiment, je les dclare hommes de probilc.

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franchissent le Danube la ttc de cent cinquante mille soldats. Ils investissent les murailles de Kaminicck, le boulevard de la Pologne. Cent mille Tartares, conduits par leur khan, Slim-Ghra, et d'innombrables hordes de Cosaques secondent, sur la Vis tu le, les mouvements de l'arme mahomtane. Le roi de Pologne, Michel Koribut-Wiecnowiecki, jaloux de Sobieski, vient de mettre sa lle prix, En face du pril, le prince cherche son salut dans la fuite. Mais le soldat ne dsespre ni de son courage ni de sa foi. Il a sous sa tente le pre Przeborowski, son confesseur et son ami. Le gnral et le jsuite ont pens que, devant celte irruption de barbares, il fallait que la croix triompht, ou que la Pologne ft rduite en cendres. Le 11 novembre 1673, anniversaire de la fte de saint Martin de Tours, Slave de nation, Sobieski parait la tte de son arme. La neige couvrait la terre; mais les Polonais demandent vaincre ou mourir. Sobieski et Jablonowski,qui, avec leurs tats-majors, ont pass une partie de la nuit en prires, ne veulent pas comprimer cet hroque lan, Soldats de Pologne, s'crie Sobieski, vous allez combattre pour la patrie, et Jsus-Christ combat pour vous, ces mots, l'arme s'incline sous la main du jsuite, qui bnit tout la fois et ceux qui vont succomber et ceux qui vont triompher. Puis la bataille de Choczim commena. Elle fut terrible. Vingt mille Turcs restrent sur le terrain, un plus grand nombre prit dans les eaux du Dniester. Quand le canon eut cess de gronder sur celte plaine fumante de carnage, le pre Przeborowski, qui n'avait eu partager que les dangers de la bataille, dressa de ses mains un autel. II donna, dit M. de Salvandy, sa bndiction aux soldats de la croix ; et,

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enclines sur leurs armes, les yeux mouills des pleurs de la reconnaissance et de la joie, ils entonnrent avec lui l'hymne de louanges au Dieu qui prescrit la paix aux hommes, et qu'invoquent les armes (1). Sobieski inaugurait sa royaut future. Le roi Michel mourut le jour mme de cette victoire, qui en couronnait tant d'autres ; et, lorsque, dans la Dite de l'lection, chacun se demandait qui l'on confierait le soeptre, A elui qui l'a le plus vaillamment dfendu, s'cria Jablonowski, le frre d'armes et l'mule du vainqueur de Choczim. Vive Sobieski! Qu'il rgne sur nous ! Telle fut la rponse qui s'lana de tous les curs. Jean Sobieski tait roi. A force de victoires et dedexlril diplomatique, il contraignit les Turcs signer la paix. Alors il ne songea qu' faire fleurir dans son empire la religion et les belles-lettres. Les Jsuites l'avaient puissamment second ; ils trouvaient dans la reine de Pologne, Marie d'Arquien, une protectrice claire. Ils taient ies conseillers du roi ; le pre Vota vient encore augmenter le prestige de la Compagnie. Vota avait t charg par le pape d'ouvrir en Russie des ngociations relatives la runion des Grecs avec l'Eglise latine. Cette mission ne fut pas plus heureuse que celle du pre Possevin^ mais, arriv Varsovie, Vota, ptitions, aux disputes et l'usage de parler latin, par suite des circonstances de temps, de lieux et de personnes, on en laissera la dcision la sagesse du recteur. Pour favoriser le succs des tudes il serait bon de dsigner quelques lves d'gale force qui se pro?

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voquasscnt par une sainte mulation. Il sera bon aussi d'envoyer de temps en temps au provincial ou au gnral quelque chantillon de leurs travaux, tantt dans un genre, tantt dans un autre : par exemple, une composition s'ils sont humanistes, des dissertations s'ils tudient en philosophie ou en thologie. Aprs avoir achev le cours d'une Facult, il sera bon de revenir sur le mme sujet en particulier en lisant un auteur ou plusieurs, la volont du recteur. On pourra aussi, si le recteur le juge propos, rdiger sur ces matires un sommaire avec plus de nettet et de rigueur qu'on ne l'avait fait pendant son cours, alors qu'on tait moins savant qu'aprs avoir parcouru la carrire entire des tudes, Cesrdactions ne seront permises qu' ceux qui sont distingus par leur savoir, leur esprit et leur jugement. Les autres pourront.profiter de leur travail. Il conviendrait encore que ces crits fussent approuvs du matre. Pour faire usage de ces analyses, il sera commode de mettre des notes en marge et de faire une table des matires, afin de pouvoir trouver plus aisment ce qu'on cherche. Ils se prpareront pour soutenir leurs actes publics aux poques fixes, et ceux qui. aprs un examen diligent, en auront t jugs dignes pourront tre promus aux grades ordinaires, sans rien perdre de leur humilit et dans Tunique but d'tre plus utiles au prochain pour la gloire de Dieu. Ce code, olout est prvu, fut rdig spcialement en faveur des scolastiques del Compagnie de Jsus ; nanmoins, dans ses dispositions si larges, il convient tous les lves, car la fin du troisime chapitre, Loyola crit : Les tudiants doivent se conduire comme les scolastiques de la Socit pour

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la frquentation de la confession, pour les tudes et pour la faon de vivre, bien qu'ils portent un autre vtement et qu'ils aient dans le mme collge une habitation spare. Les lves externes doivent le suivre ainsi en ce qui les regarde, et ils ont des rgles particulires de conduite. > La pense d'Ignace n'est pas encore entirement j o u r ; il faut qu'elle se porte sur le mode d'instruction et qu'elle dtermine la vigilance qui prmunira contre la corruption. Dans le quatorzime chapitre, il s'occupe du choix des classiques mettre entre les mains de la jeunesse. On se servira en gnral, recommande-t-il, des livres qui, dans chaque matire, offrent le savoir le plus solide e t le moins de dangers. Il sait, avec Juvnal, que le plus grand respect est d l'enfant ; il ne veut pas que la science devienne un passeport pour une dpravation anticipe, et que les tableaux de volupt dont les potes ont rempli leurs chants, souillent ces imaginations ardentes et curieuses. Il aspire bien crer des savants, des orateurs et des hommes instruits ; mais pour lui ces considrations ne sont que secondaires. Il a reu de la famille un dpt sacr, des curs purs ; il s'efforce de les rendre au monde avec la mme virginit d'me et d'esprit. La virginit, dans les enfants, c'est l'esprance de la force dans l'homme : il la conserve comme un trsor; il repousse toute ide, toute image qui pourrait la souiller. A cet effet, il ordonne, par le quatorzime chapitre : Quant aux uvres de littrature latine et grecque, il faudra s'abstenir, autant que possible, dans les universits ainsi que dans les collges, de mettre entre les mains de la jeunesse les livres dans lesquels quelque chose pourrait nuire aux bonnes murs, si

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Ton n'a d'abord retranch les faits et les expressions dshonntes. S'il est absolument impossible d'expurger un auteur, comme Trence, il vaut mieux ne pas l'tudier. Ces prescriptions sont pleines de sagesse: elles soulevrent cependant de vives rcriminations. Loyola ne consent point. transiger avec la morale; mais, dans l'intrt de la science, il se montre toujours dispos accepter tous les perfectionnements que le temps et le gnie des hommes introduiront dans l'ducation publique. Il a recommand de suivre saint Thomas pour la thologie et Aristote pour la philosophie ; il ne conseille de s'attacher ces matres que jusqu'au jour o de nouvelles lumires viendront briller l'horizon de l'cole. Il pressent les amliorations utiles; il laisse aux siens la facult de les adopter aprs examen. lia pourvu aux biens de l'me et du corps, ce qui est d Dieu, au pays et la famille ; il pourvoit maintenant la sanction de ses lois universitaires. II ajoute, dans le seizime chapitre : Quant ceux qui manqueraient d'application leurs*devoirs, et ceux qui commettraient des fautes contre les bonnes murs, et l'gard desquels les paroles amicales et les exhortations ne suffiraient pas, un correcteur tranger la Socit sera tabli pour contenir les enfants et chtier ceux qui le mriteront et qui sont en ge de recevoir ce chtiment. Si les avis et la correction ne suffisaient pas, si le coupable ne laissait aucun espoir d'amendement et semblait nuisible aux autres, il vaut mieux le renvoyer des classes que de :1e retenir quand il profite peu pour lui et qu'il nuit aux autres. S'il se prsentait un cas o l'expulsion ne serait pas une rparation suffisante du scandale

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donn, le recteur verra ce qu'il convient de faire en outre; cependant, autant que possible, il faut agir dans un esprit de douceur, et sans violer la paix et la charit envers personne. Des reproches srieux ont t adresss celte gradation, qui commence par les avis et finit par le chtiment corporel. Dans nos murs actuelles, nous savons tout ce que cet usage a d'insolite ; mais comme la soumission est la premire vertu du citoyen, la docilit doit tre la premire vertu de l'enfance. Il faut s'appliquer assouplir de bonne heure sa volont, ou se rsigner la voir se roidir de telle sorte qu'elle ne supportera aucun joug et brisera toutes les entra ves. C'est h la famille qu'il appartient de commencer cette uvre, que le matre continuera. Ignace ne faisait point d'utopie humanitaire; dans les peines corporelles destines aux caractre* indomptables on aux natures invinciblement paresseuses, il usait du seul moyen conseill par la sagesse des proverbes et par l'exprience. Ce moyen tait employ dans les familles, dans les collges, et principalement au sein de l'universit de Paris (1). Ses historiens officiel(1) Ptron avait t lve des Jsuites, et au moment de la suppression de l'Ordre, il crivit l'un de ses amis une lettre dans laquelle il fait une allusion aussi juste que spirituelle oe mode de punition, qui a contenu tant d'coliers danslo devoir. Apres avoir dit que les Parlements se vengeaient des Jsuites, qui les avaient fait fouetter par leur maudit correcteur, le pot/ni>tff/nir de*ftisi'A pesantes qu'aux esprits vains et lgers. Je dirai dont aux philosophes : Ne vous agitez point contre ce?, mystres que la raison saurait percer. Attachez-von.* l'examen de ces vrits qui se laissent approcher, qui se laissent en quelque sorte toucher et manier, et qui vous rpondent de tous les autres. Ces vrits sont des faits clatants el sensibles dont la religion s'est comme enveloppe tout entire afin de frapper galement les esprits grossiers et subtils. On livre ces faits votre curiosit : voil les fondements de U% religion. Creuse/, donc autour de ces fondemeuU,

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essayez de les branler; descendez avec le flambeau de la philosophie jusqu' celte pierre antique tant de foisrejelc parles incrdules, et qui les a tous crass; mais, lorsque, arrivs une certaine profondeur, vous aurez trouv la main du Tout-Puissant, qui soutient depuis l'origine du monde ce grand et majestueux difice, toujours affermi par les orages mmes et le torrent des annes, arrtez-vous enfin, et m creusez pas jusqu'aux enfers ! La philosophie ne saurait vous mener plus loin s