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ZAKARIA TAHA 2 e édition

Histoire, société, politique, économie, religion et …...Histoire, société, politique, économie, religion et culture… L’ouvrage clé pour Sous la direction du comprendre

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Histoire, société, politique, économie, religion et culture… L’ouvrage clé pour comprendre l’actualité de la SYRIE.Sous la direction du

spécialiste en islamologieMathieu Guidère, la collection fait découvrirau lecteur le monde arabe et musulman évoluant aux portes de l’Europe : 57 pays musulmans, dont 22 pays arabes, touchés à des degrés divers depuis les soulèvements populairesde 2011 qui ont profondément modifié leur situationgéopolitique.

Monde musulmanmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm

ISBN : 978-2-8073-0647-9

SYRIE

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ZAKARIA TAHA

2e édition

Monde arabe /

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ée du partage de l’Empire ottoman entre la France et la Grande-Bretagne, mosaïque ethnique et confessionnelle attachée à ses traditions, la Syrie a subi jusqu’en 1970 de nombreux coups d’État.

Les Assad y instaurent un régime autoritaire dont le discours panarabe et officiellement « laïque » dissimule une instrumentalisation communautaire. Bien que jouissant de ressources diversifiées, la Syrie vit essentiellement de ses revenus pétroliers, en baisse constante. En mars 2011, le pays prend part aux mouvements du Printemps arabe. Le déni par le régime des revendications de liberté, leur répression sanglante ainsi que la division et l’impuissance de la communauté internationale favorisent la montée en visibilité des groupes islamistes radicaux. Cinq ans plus tard, le conflit syrien catalyse les tensions et subit les jeux d’influences régionales et internationales. Dans un contexte de guerre civile et dans un Proche-Orient fragilisé et traversé par les dynamiques identitaires et communautaires, la Syrie peut-elle conserver son intégrité territoriale et son unité nationale ?

Zakaria Taha est docteur en Études Politiques de l’EHESS-Paris. Spécialiste de la Syrie, il est actuellement maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes.

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La collection présente des ouvrages de synthèse, faciles d’accès et ac tualisés sur les pays arabes et musulmans. Elle se veut une collection d’initiation et de réflexion sur un monde en mutation. Chaque volume est centré sur un pays et traite des principales questions le concernant : histoire, géographie, société, politique, économie et culture. Le directeur de collection, Mathieu Guidère, agrégé d’arabe et professeur des uni-versités en islamologie, est spécialiste de géopolitique et d’histoire immédiate du monde musulman.

Tous les ouvrages publiés dans la collection « Monde arabe – Monde musulman » sont soumis à un processus rigoureux et anonyme de sélection et de révision, sous l’autorité du directeur de collection.

Déjà parus :AfghanistanAlgérieDjiboutiÉgypteÉmirats arabes unisIran (2e édition)LibanMaliNigériaPakistanPalestineQatarSyrie (2e édition)Tunisie

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ZAKARIATAHA

2E ÉDITION

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© De Boeck Supérieur s.a., 2016 2e édition Rue du Bosquet, 7 – B-1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays.Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique

Dépôt légal : Bibliothèque nationale, Paris : septembre 2016 ISSN 2295-2810 Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2016/13647/148 ISBN 978-2-8073-0647-9

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

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Introduction 5

Introduction

Depuis mars  2011, la Syrie est en plein chaos. Pourtant, elle a longtemps été considérée comme l’un des pays les plus stables de la région. Cette stabilité, dont le « mérite » revient à Hafez al- Assad, s’est faite au prix d’un immobilisme à tous les niveaux  : politique, économique, social et culturel. Les trente ans de règne de Hafez al- Assad ont été marqués par un pouvoir répressif, auto-ritaire et ultra- sécuritaire que Michel Seurat avait surnommé « L’État de barbarie ». La succession de Bachar al- Assad, alors âgé de 34  ans, à son père en juin  2000 est interprétée comme un signe de renouveau et d’ouverture dans une Syrie longtemps fermée et dans un monde arabe gouverné par des autocrates vieillissants. Mais le jeune président abandonne vite ses promesses de réformes politiques (discours d’investiture du 17  juillet 2000) au profit d’ouvertures économiques aboutissant surtout à l’enrichissement des membres de la famille présidentielle et des cercles de confiance. Sa politique intérieure s’inscrit dans la continuité de celle de son père (aspect familial, clientélisme, emprisonnement d’opposants, violation des droits de l’homme, corruption…).

Croyant être à l’abri du printemps arabe déclenché en Tunisie en décembre 2010, Bachar al- Assad déclarait, lors d’un entretien avec le Wall Street Journal le 31  janvier 2011, soit quarante- cinq jours avant le soulèvement syrien, que les vagues de contestation qui submergeaient la région n’atteindraient pas la Syrie. Son régime jouit, dit- il, d’une large popularité, en raison de son opposition à l’impérialisme américain et sioniste et du soutien aux mouvements de la résistance palestinienne et libanaise du Hamas et du Hezbollah1.

1. Interview du président syrien Bachar al- Assad. http://www.wsj.com/articles/SB10001424052748703833204576114712441122894 (consulté le 20  mai 2016).

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En mars 2011, des Syriens issus de toutes les composantes de la société mani-festent et réclament la liberté et la dignité. La révolution syrienne se voulait pacifique. Mais le régime refuse de considérer les protestations populaires comme un retentissement du « printemps arabe ». Dans le but de discréditer et délégitimer la contestation, Bachar al- Assad accuse les manifestants de vouloir instaurer des « émirats salafistes » soutenus par l’étranger, notamment par les monarchies du Golfe comme le Qatar et l’Arabie Saoudite. L’État syrien est confronté, selon lui, à une agression extérieure, « un complot planétaire » ourdi par des pays occidentaux comme les États- Unis et dont le but serait la déstabilisation du régime et la partition du pays. Au lieu d’annihiler les aspi-rations légitimes d’une population bafouée, la violence et la répression impi-toyables du régime ont largement contribué à la militarisation et à la radicalisation de la révolution syrienne. Celle- ci, éclatée, est ensuite rattrapée par le sectarisme (massacres de caractère confessionnel, milices chiites, groupes islamistes et salafistes, Daech, Front al- Nousra, milices kurdes, milices chré-tiennes…).

À la différence des régimes égyptien ou tunisien qui tombent relativement vite, le régime syrien résiste. Il parvient à une capacité de nuisance inédite, monopolisant l’État, modulant la société et tirant profit des divisions et des enjeux des puissances régionales et internationales. Le régime syrien joue toutes les cartes pour brouiller les pistes (la laïcité et la protection des minorités, la lutte contre le terrorisme islamiste, les divisions communautaires…).

La montée en force de l’État islamique (Daech) en Syrie, en Irak, en Lybie et au Sahel ainsi que la menace djihadiste en Europe (attentats du 13 novembre 2015 à Paris et du 22 mars 2016 à Bruxelles), aux États- Unis (fusillade d’Orlando le 11  juin 2016) et au Moyen- Orient font de la guerre contre le terrorisme une priorité pour les puissances internationales. Une coalition « arabo- occidentale » conduite par les États- Unis est formée en septembre 2014 pour combattre militairement Daech. Le régime de Bachar al- Assad, qui a misé sur la carte du terrorisme islamiste dès mars 2011, tire profit de ce contexte pour améliorer son image et se faire passer pour un moindre mal (reprise médiatique de Palmyre –  tombée aux mains de Daech le 21  mai 2015  – par l’armée syrienne le 27  mars 2016 et appuyée par l’aviation russe). Ainsi, il peut pour-suivre sa guerre contre l’opposition (largage de barils de TNT, blocus de villes rebelles, famines, perturbation de l’aide humanitaire, destruction d’hôpitaux

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Introduction 7

et d’écoles, utilisation d’armes interdites…), ciblant en premier lieu les plus modérés et les civils dans des zones qui se trouvent hors de son contrôle.

Si, sur le plan diplomatique, les négociations sur un processus de transition politique restent sans issues, les Occidentaux et les « Amis du peuple syrien » tergiversent, sceptiques vis- à- vis de l’opposition et inquiets sur l’après- Assad, ce qui n’a eu pour effet que de prolonger le conflit et aggraver la situation humanitaire. Le soutien diplomatique (discours de Poutine devant l’Assemblée nationale de l’ONU le 28  septembre 2015) et militaire (appui aérien) de la Russie et de l’Iran dans le conflit (fournisseur de milices chiites et soutien économique) renforce un régime aux abois qui ne semble pas disposé à céder à une opposition de plus en plus affaiblie et à une rébellion fragmentée et discréditée.

La Syrie est saisie ici à travers l’analyse synthétique de thèmes aussi divers et inextricablement liés que l’histoire, la géographie ou la structure d’une société. C’est dans ce creuset d’identités multiples que la Syrie, caractérisée par une diversité originelle et constitutive, fonde l’État moderne. La question de l’appar-tenance identitaire, prégnante aujourd’hui plus encore, est présente dès la naissance de cet État, construction humaine susceptible de mutations profondes dans la crise actuelle. Ainsi les dynamiques identitaires se multiplient tandis que le Baath, le parti qui exerce son monopole depuis 1963, érige l’arabisme en culture et identité nationales, tout en menant une politique ambiguë à l’égard des communautés ethniques et confessionnelles. Enfin, il convient d’appréhender la nature (communautaire et autoritaire) du régime syrien tout en considérant le poids de l’islam, le rôle de l’économie et la place de la société civile, ainsi que celle du contexte géopolitique dans le maintien du pouvoir qui s’adapte en fonction de ses besoins de légitimation propre. Après un demi- siècle de règne sur la Syrie, le régime Assad continue de manipuler les références tantôt religieuses tantôt laïques dans une région où le poids des communautés reste fort afin de se maintenir au pouvoir.

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c h a p i t r e 1Histoire et géographie

Jusqu’au début du xxe  siècle, le nom de « Syrie », sourya en arabe, désignait un vaste territoire délimité à l’est par la Haute Mésopotamie, à l’ouest par la Méditerranée, au sud par le désert d’Arabie et le Sinaï et au nord par les montagnes du Taurus. Ce territoire, connu par les Arabes sous le nom de Bilad al- Cham « Pays de Damas », englobait la Syrie actuelle, le Liban, la Jor-danie et la Palestine. Si, dans ses frontières actuelles, la Syrie ne constitue qu’un territoire réduit de ce vaste espace, elle a été dès l’Antiquité au cœur des ambitions et des convoitises des différents peuples qui s’y sont succédé. Des convoitises que la géopolitique moderne perpétue sur un territoire aux enjeux régionaux et internationaux. Dans une région fragilisée par le sectarisme et le communautarisme, la crise –  transformée en guerre civile  – que traverse la Syrie depuis 2011 menace l’intégrité territoriale de l’État syrien.

1 DE L’ANTIQUITÉ À LA MODERNITÉ  : CARREFOUR DE PEUPLES ET DE CIVILISATIONS

Dès l’Antiquité, la Syrie est le théâtre de luttes et d’influences entre différents peuples qui y ont laissé leurs empreintes. Les Cités- États des IIIe et IIe millénaires comme Mari (2900-1760 av. J.- C.), Ougarit (2400 av. J.- C.) et Ebla (2400-1600 av. J.- C.) témoignent de l’existence de brillantes civilisations anciennes. Ebla, découverte en 1964 à Tal Mardikh, à 60 km au sud d’Alep, est restée en dehors de l’influence mésopotamienne ou égyptienne. Elle est de ce fait la première capitale de Syrie de l’époque ancienne avant d’être dévastée par les Hittites, 1 600 ans av. J.- C. Ougarit, la cité cananéenne du iie millénaire av.  J.- C.,

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découverte par une mission archéologique française en 1928 à Ras Chamra à 16 km au nord de Lattaquié, offre à l’humanité son premier alphabet. Les tablettes d’argile qui y sont découvertes utilisent un système d’écriture pré-sentant une certaine similitude avec nos alphabets modernes à travers une écriture alphabétique et des consonnes.

Les Araméens, peuple sémite semi- nomade, s’implantent en Syrie à partir de 1200 av. J.- C. et forment une confédération de royaumes au nord et au centre de la Syrie. Au xe  siècle av.  J.- C., ils fondent le royaume de Damas pour la première fois dans l’histoire. L’araméen sera la langue de la majorité des Syriens, et cela pendant plus d’un millénaire. Aujourd’hui encore le syriaque, dialecte sémitique issu de l’araméen utilisé par le Christ, est parlé par un certain nombre de chrétiens du village de Maaloula, situé à 56 km au nord- est de Damas dans le plateau du Qalamoun. La Syrie araméenne attire les peuples qui cherchent un accès à la Méditerranée. Aussi est- elle envahie à tour de rôle par les Assy-riens à l’époque de Téglath- Phalasar III et Sargon  II (744-727 av. J.- C.), par les Chaldéens sous le règne de Nabuchodonosor (604-562 av. J.- C.), les Babyloniens sous Nabuchodonosor II (597-586 av. J.- C). Enfin, les Perses prennent le contrôle de la Syrie après la victoire de Cyrus le Grand en 539 av. J.- C. Celui- ci étendra son royaume à la plupart des territoires de Syrie pendant deux siècles.

Avec la victoire d’Alexandre le Grand sur la Perse en 333 av.  J.- C., la Syrie est annexée à l’Empire grec. Séleucos Ier Nicator, général d’Alexandre et fondateur de la dynastie des Séleucides (312-64 av. J.- C.), se proclame roi de Syrie en 305 av. J.- C. La Syrie s’ouvre sur le monde hellénistique. Les Séleucides construisent des cités comme Lattaquié, Apamée, Doura- Europos et Antioche (Antakya en arabe, a été cédée à la Turquie par les autorités mandataires françaises en 1939). Cette dernière, un des foyers de la culture grecque, devient la capitale du royaume séleucide jusqu’à la défaite de son dernier roi Antiochos XIII face au Romain Pompée en 64 av. J.- C. Sous l’Empire romain, la Syrie connait une période de paix et de prospérité ; elle offre plusieurs gouverneurs à l’Empire romain, le plus célèbre étant Philippe l’Arabe (244-249) originaire de Chahba dans la plaine du Hauran. À la mort de l’empereur Théodose  Ier en 395 et lors de la division de l’Empire romain, la Syrie devient une province de l’Empire romain d’Orient qui prend le nom d’Empire byzantin, dont le centre du pouvoir est Constantinople. La domination byzantine sur la Syrie dure près de 240 années jusqu’à la conquête arabe en 634.

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C’est toutefois sous la dynastie omeyyade (661-750) que la Syrie devient le centre de gravité du nouvel État. Damas s’affirme alors comme la capitale d’un immense empire dont les frontières s’étendent de l’Asie centrale à l’Espagne. Si les Califes omeyyades se préoccupent notamment de l’expansion territoriale, ils introduisent des réformes politiques, économiques et sociales qui contribuent à l’essor de l’État musulman. Le Dinar (en or) et le Dirham (en argent) rem-placent les monnaies byzantine et sassanide utilisées jusqu’alors. Les écoles, les hôpitaux et les asiles, bimaristan, se multiplient. Sous le 5e  calife omeyyade Abdel Malik Ben Marwan (685-705) débute le mouvement de traduction du grec et du persan vers l’arabe, qui devient langue officielle. La grande mosquée des Omeyyades de Damas, dont la construction s’achève en 715 à la demande du 6e  calife al- Walid Ben Abdel- Malik (705-715), devient un modèle d’archi-tecture qui sera reproduit à Alep, à Médine, à Kairouan et à Cordoue en Andalousie. Si la montée des Abbassides (750-1258) venus d’Irak et le transfert du centre du pouvoir à Bagdad contribuent à la marginalisation politique de Damas, les Omeyyades prospèrent en Espagne.

L’éclatement de l’État musulman vers le xe  siècle favorise l’apparition de princi-pautés rivales et indépendantes. La Syrie devient un champ de batailles et d’influences. Les Croisés fondent le Royaume latin d’Orient sur la côte méditer-ranéenne (1099-1291), les Hamdanides forment leur émirat à Alep de 945 à 1002  puis les Fatimides conquièrent la Syrie en 978 et la dominent pendant près de deux cents ans (969-1171), avant que leur califat ne soit aboli par Sala-din en 1171. Enfin les Mamelouks d’Égypte (1250-1516) et leur sultan Baybars prennent le contrôle de Damas en 1260 après avoir freiné l’avancée des Mongols.

En 1516, Damas tombe aux mains des Ottomans. La Syrie devient l’une des provinces d’un vaste empire hétéroclite par les origines ethniques et confes-sionnelles de ses populations. Les réformes lancées par les lois des Tanzimat (1839-1878) constituent les premiers pas vers un processus de sécularisation visant à diminuer le monopole de la religion sur la sphère juridique et édu-cative. Elles aboutissent à la promulgation en 1876 d’une Constitution inspirée des Constitutions française et belge, qui reconnaît la liberté religieuse ainsi que de nombreux droits civils et politiques aux Ottomans quelle que soit leur religion, limite le pouvoir des tribunaux religieux contrôlés par  les grands Muftis en créant des tribunaux séculiers appelés nizamiya, et introduit des codes civils. L’importance du mouvement des Tanzimat dans l’histoire moderne

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de la Syrie, ex- province de l’Empire ottoman, réside dans les empreintes qu’il a laissées et qui ont persisté même après le démantèlement du pouvoir cen-tral de l’Empire. Les premiers nationalistes syriens ayant mené la lutte contre les Ottomans puis les Français, ensuite devenus dirigeants ou hommes d’État, étaient hauts fonctionnaires civils et militaires à Istanbul, héritiers du mouve-ment des Tanzimat et anciens militants du Comité Union et Progrès contre le régime despotique du Sultan Abdul Hamid.

L’expansion des idées nationalistes venues d’Europe dans l’Empire ottoman à la fin du xixe siècle, l’autoritarisme et la tyrannie ottomane encouragent l’émer-gence des revendications autonomistes annonçant l’effondrement de l’Empire ottoman et la consommation du lien entre Arabes et Turcs unis jusqu’alors par l’islam. C’est la Nahda ou « renaissance arabe ». Celle- ci marque une période riche de productions littéraire et linguistique, elle jette les bases idéo-logiques des deux principaux courants de la pensée arabe moderne  : le cou-rant réformateur religieux et le courant moderniste laïque. Des intellectuels et écrivains syriens tels que Farah Antoun (1874-1922), Adib Ishaq (1856-1884), Abdelrahman al- Kawakibi (1854-1902), Sati‘ al- Houssari (1880-1968) et bien d’autres ont été parmi les précurseurs de la Nahda.

Dans les centres urbains syriens fleurissent les associations scientifiques et culturelles, le mouvement de la presse et de la traduction pendant les années 1908-1914. Damas compte une vingtaine de journaux dont le plus important est al- muqtabas, un journal à tendance arabiste fondé par Mohammad Kurd Ali. Se forment également des sociétés secrètes panarabes, parfois à caractère littéraire, s’intéressant aux affaires politiques des Arabes comme jam‘îyat al- umma al- ‘arabîya al- fatât « société de la jeune nation arabe » créée à Paris en 1911. Si la Nahda a permis aux Arabes d’avoir une certaine conscience de l’identité nationale qu’ils formaient, la conception d’une identité au sens poli-tique était pratiquement absente jusqu’au début du xxe siècle. Les idées natio-nalistes de cette période- là restent ambiguës, oscillant entre revendications de décentralisation de la gouvernance des provinces arabes et réformes politique et administrative sans séparation politique de l’Empire ottoman. Le 1er Congrès arabe tenu à Paris entre les 18 et 24  juin 1913, réaffirme les revendications relatives à l’usage officiel de la langue arabe et à la décentralisation adminis-trative, en même temps qu’il appelle à l’union de tous les Arabes, au- delà des distinctions confessionnelles dans le cadre de l’Empire ottoman. La Syrie reste

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pendant quatre siècles sous domination ottomane jusqu’au démembrement de l’Empire ottoman par les puissances coloniales européennes –  l’Angleterre et la France  – en 1918.

U N R E F U G E P O U R L E S M I N O R I T É S

La Syrie constitue une terre d’asile pour les groupes religieux hétérodoxes apparus entre les viiie et ixe  siècles en raison notamment des divisions au sein du chiisme. Ainsi, les ismaélites trouvent refuge vers le milieu du ixe  siècle à Salamiyeh au sud- est de Hama, leur berceau en Syrie, après la répression qu’ils subissent à Bagdad du fait de leur activisme prosélyte. L’ismaélisme est une ramification ésotérique née de la divergence avec les chiites duodécimains au sujet de la succession du 6e imam Ja‘far al- Sadiq (mort en 765). Alors que les chiites duodécimains choisissent Moussa al- Kazim comme suc-cesseur au 6e  imam, les ismaélites considèrent Ismaïl comme le véritable successeur, duquel vient leur nom. Les ismaélites seront à l’origine de l’État Fatimide (969-1171) qui fonde Le  Caire, « la Victorieuse », centre de leur État. Les druzes se réfugient en Syrie où ils se replient dans le mont Hermon, dans le Golan et dans la montagne du sud de la Syrie qui portera leur nom, pour échapper à la persécution en Égypte après la mort du calife fatimide al- Hakim en 1021. L’origine des druzes remonte à Mohammad al- Darrazi qui vénérait le calife fatimide al- Hakim (996-1021). Les enseignements de la doctrine druze, également ésotérique et secrète, sont exclusivement réservés aux initiés appelés uqqal « sages » par opposition à tous les autres membres de la communauté appelés juhhal « ignorants ». Quant aux alaouites (historiquement appelés nusaîyrî) repliés dans les montagnes du nord de la Syrie, ils ont été violemment réprimés par les Mamelouks après la rébellion de 1317. La doctrine alaouite est née d’une scission avec les chiites duodécimains lorsque Mohammad ibn Nusaiyr, le fondateur de la communauté au ixe  siècle et disciple du 10e  imam chiite Ali al- Hadi (mort en 868) prêchait la divinité des Imams. C’est toutefois al- Khassibi (mort en 957) qui a propagé sa doctrine à Alep avant que son petit- fils Sourour al- Tabarani (mort en 1035) s’installe à Lattaquié en 1032 et contribue à la conversion des populations locales de la montagne qui prendra leur nom. Tous ces groupes dissidents de l’islam, pourchassés à cause de leur hétérodoxie, conservaient leurs cultes et traditions.

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2 IDENTITÉS ET CONSTRUCTION TERRITORIALE  : L’ARABISME COMME DOCTRINE OFFICIELLE DE L’ÉTAT

Le partage territorial des provinces arabes de l’Empire ottoman par les accords secrets Sykes- Picot du 16 mai 1916, vient avorter le projet de royaume arabe unifié, avec Damas pour capitale, promis par les puissances européennes au chérif Hussein, prince de la dynastie hachémite, en contrepartie de son sou-lèvement contre les Ottomans. La Société des Nations confie à la France le 25 avril 1920 à San Remo un mandat « A » sur la Syrie et le Liban, le même type de mandat ayant été confié à la Grande- Bretagne sur la Palestine et l’Irak.

La politique mandataire française en Syrie s’attache à défendre les particula-rismes locaux en s’appuyant sur les minorités pour décourager toute velléité de ralliement au panarabisme nationaliste  laïque. Ainsi la France octroie aux minorités dès 1920 une autonomie politique et juridique en divisant la Syrie en quatre mini- États (Territoire autonome des alaouites, État druze, État sun-nite d’Alep, État sunnite de Damas et Sandjak d’Alexandrette)1.

La Syrie sous mandat français voit ses élites concentrer leurs efforts dans la lutte nationale pour l’indépendance et poser la question de l’appartenance identitaire. Trois grands courants de pensée, idéologiquement opposés, émergent pendant les années d’entre- deux- guerres et approfondissent la réflexion doc-trinale autour de l’idée nationale dans une Syrie alors à la recherche de nou-veaux modèles. Le « syrianisme » suppose l’existence d’une « nation syrienne » antérieure à l’islam et au christianisme et dont les origines remontent aux peuples qui se sont succédé dans la Grande Syrie depuis l’Antiquité (Cananéens, Acadiens, Assyriens, Araméens, Hittites…). Ainsi le Parti Syrien National Social,

1. Créé en septembre  1920, le « Territoire autonome des alaouites » devient le 12  juil-let 1922 un État dans la Fédération des États de Syrie qui comprend l’État d’Alep et l’État de Damas, fédération éclatée en décembre  1924 au profit d’un « État indépendant des alaouites », puis d’un « Gouvernement de Lattaquié », composé par les Français. L’État d’Alep et l’État de Damas seront regroupés en 1925 dans l’État de Syrie. Gérard D. Khoury, Une tutelle coloniale. Le mandat français en Syrie et au Liban  : écrits politiques de Robert de Caix, Paris, Belin, 2006, p.  231-238.

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al- hizb al- qawmî al- sûrî al- ijtimâ‘î fondé en 1932 par Antoun Saadeh (1904-1949), chrétien libanais, considère que les Syriens ne sont pas descendants des Arabes, mais appartiennent à une nation aussi ancienne que son histoire. Toutefois, par son rejet de l’arabisme qui fédère l’immense majorité de la population syrienne, le « syrianisme » ne s’est pas répandu en Syrie. La branche syrienne du PSNS, dirigée par Issam Mahaiyri, n’a été autorisée en Syrie qu’en 2005 lorsqu’elle a accepté de rejoindre le Front National Progressiste, un rassem-blement de forces politiques alignées sur la politique du régime.

Le panislamisme, dont les origines remontent au mouvement réformiste reli-gieux de Jamal al- Din al- Afghani (1839-1897), Mohammad Abduh (1849-1905) et Rachid Rida (1865-1935), croit en l’existence d’une communauté qui dépasse dans ses dimensions les frontières de la langue et de l’ethnie  : la communauté musulmane, la « Umma ». Cette idéologie se cristallise en projet politique en Syrie avec le mouvement des Frères musulmans syriens fondé par Moustapha al- Siba‘i en 1944. La répression sanglante des années 1979-1982 contre les Frères musulmans syriens sous Hafez al- Assad entraine leur éradication, empri-sonnant et poussant à l’exil leurs leaders en Syrie.

C’est toutefois le panarabisme, dont les sources idéologiques s’inscrivent dans la pensée de la Nahda, qui domine le projet étatique en Syrie. Sati‘ al- Houssari, son principal théoricien en Syrie, fonde l’identité nationale sur les critères de la langue et de l’histoire. Pour al- Houssari, l’Arabe est celui qui « se rattache aux pays arabes et parle la langue arabe quel que soit le nom de l’État dont il est officiellement un ressortissant et un citoyen, quelle que soit la religion qu’il professe, quelle que soit la doctrine à laquelle il appartient…2 ». Al- Houssari voit dans l’expérience kémaliste du nationalisme turc un exemple à suivre et propose de dissocier le nationalisme de la religion. Selon lui, le facteur religieux ne suffit pas à former une unité nationale entre les peuples  : « L’Église n’a pas réussi à instaurer une unité politique entre les pays de tradition orthodoxe et ceux de tradition catholique3 ». L’arabité selon lui « concerne tout individu appartenant à un pays arabe et parlant l’arabe, qu’il soit égyptien, koweïtien ou marocain, qu’il soit musulman ou chrétien, qu’il soit sunnite, chiite ou

2. Anouar Abdel- Malek, La pensée politique arabe contemporaine, Paris, Seuil, 1970, p. 202.3. Sati‘ al- Housari, fi al- wataniya wa al- qawmiya (Du patriotisme et du nationalisme),

4e éd., Beyrouth, Dar al- Ilm li- l- malaiyn, 1961, p.  102.

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druze, qu’il soit catholique, orthodoxe ou protestant4 ». Les religions comme l’islam ou le christianisme, qui appellent à une unité basée sur des liens confessionnels, vont à l’encontre de l’unité nationale et provoquent la division des pays qui sont composés de communautés religieuses diverses. Si al- Houssari ne nie pas le rôle qu’a joué l’islam dans l’apogée des Arabes, l’islam selon lui, est l’une des composantes de la société arabe, un élément qui doit céder devant le nationalisme arabe. L’arabisme de Sati‘ al- Houssari a inspiré de nombreuses tendances et mouvements politiques arabes dans les années 1940. C’est toutefois le parti Baath qui prend le pouvoir en Syrie en mars  1963 et en Irak (1968-2003) et constitue l’incarnation politique des idées de l’arabisme développé par Sati‘ al- Houssari.

S Y K E S - P I C O T E T L A Q U E S T I O N D E S F R O N T I È R E S A U P R O C H E - O R I E N T

Le 29  juin 2014, l’État islamique (Daech) proclame l’établissement d’un califat sur des territoires à cheval entre l’Irak et la Syrie, mettant en scène la destruction des « fron-tières Sykes- Picot » qui les séparaient. Les Kurdes annoncent, le 17  mars 2016, la créa-tion d’une région fédérale au nord de la Syrie. Cette situation pose la question de la fragilité et de la légitimité des frontières au Proche- Orient, à tel point que certains observateurs voient la stabilité de la région conditionnée par une nouvelle cartographie. Le découpage territorial des provinces arabes de l’Empire ottoman par les puissances coloniales, la France et l’Angleterre, est mis en cause. Celui- ci n’a pas pris en considé-ration les réalités humaine, ethnique et religieuse ni les aspirations des populations concernées. Jusqu’au début du xxe  siècle, la wilayat « province » de Damas s’étendait jusqu’à la Jordanie, celle d’Alep comprenait des territoires turcs, et le Sandjak de Deir al- Zor faisait partie de la wilayat de Mossoul en Irak. Ainsi des groupes humains auparavant liés par des rapports économiques ou familiaux se sont trouvés séparés et dispersés sur plusieurs pays (de grandes tribus arabes sunnites de la région d’al- Jazzera comme al- Baqara et Chummar, les Kurdes, les Assyriens…). La légitimité des frontières étatiques du Proche- Orient sera mise en cause notamment par les Kurdes qui, avec le

4. Ibid., p.  108.

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démembrement de l’Empire ottoman, se trouvent partagés entre quatre pays  : l’Iran, l’Irak, la Turquie et la Syrie. Si le Traité de Sèvres du 10  août 1920 entre les Alliés prévoyait la création d’une région autonome kurde dans le sud- est de l’actuelle Turquie, les intérêts des grandes puissances d’alors –  l’Angleterre et la France  – ne permettent pas l’accomplissement de cette promesse. Le Traité de Sèvres est remplacé par le Traité de Lausanne en juillet  1923, qui permet au nouvel État turc d’annexer la majeure partie du Kurdistan.

3 LE BAATH ET LA MONTÉE DES MINORITÉS

La prise du pouvoir par le Baath le 8  mars 1963 met un terme à la domina-tion de la classe bourgeoise, représentée par les deux partis politiques tradi-tionnels (parti du Peuple et parti National), qui a largement occupé les postes politiques et administratifs les plus importants du pays entre 1942 et 1958 ; elle constitue une étape importante « en ce qui concerne la représentation des groupes religieux, régionaux, socio- économiques et politiques5 ». Les théo-riciens historiques du parti Baath, Michel Aflaq et Salah al- Bittar sont certes issus de la petite bourgeoisie citadine, mais les couches sociales défavorisées fournissent au Baath la plupart de ses adhérents. Sami al- Joundi, l’un des premiers baathistes, note que « le Baath s’est développé dès l’origine à la campagne en demeurant à l’état de squelette dans les villes, particulièrement à Damas6 ». Le Baath, qui offre aux classes pauvres issues de zones rurales la possibilité de s’exprimer sur la base d’une conscience politique plus large que celle des partis traditionnels, attire des partisans issus des communautés mino-ritaires notamment confessionnelles, chrétiennes, alaouites, druzes et ismaélites. L’origine minoritaire de ses théoriciens, Zaki al- Arsouzi alaouite et Michel Aflaq chrétien orthodoxe, exercerait une attraction sur les minorités. La vision laïque du Baath, qui voit l’islam comme un héritage culturel précieux et commun à

5. Nikolaos Van Dam, The Struggle for Power in Syria: Sectarianism, Regionalism and Tribalism in Politics 1961-1980, London, Croom Helm, 1979, p.  45.

6. Sami al- Joundi, Le Baath, Bayreuth, Dar al- Nahar, 1969, p.  39. (En arabe).

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tous les Arabes, musulmans comme chrétiens, constitue sans doute un facteur déterminant dans le ralliement d’éléments issus des communautés minoritaires. Il existait également une large base sunnite des  provinces  : le programme économique et social du Baath exprime les aspirations de la classe pauvre dont elle fait partie.

La forte présence dans le commandement militaire et civil du Baath de membres issus des campagnes longtemps délaissées, oriente son discours vers une rhétorique marxiste. Lors de son 6e Congrès national tenu à Damas entre les 3 et 25 octobre 1963, le Baath accorde une priorité à la promotion des masses populaires, ouvriers et paysans. Les années 1960 sont ainsi mar-quées par l’application de mesures socialistes (limitation de la propriété privée, nationalisations, redistribution des terres, réformes des législations agricoles…).

Toutefois, depuis son arrivée au pouvoir en 1963 et jusqu’en 1970, le Baath est marqué par des luttes internes qui reflètent à la fois les divergences idéo-logiques (gauche/droite, civils/militaires) et l’hétérogénéité de l’origine sociale de ses leaders (villes/campagnes). À l’issue de ces luttes, Michel Aflaq cesse dès 1965 d’occuper le poste de secrétaire général du Baath en Syrie. Le coup d’État du 23  février 1966 conduit par Salah Jadid marque la montée en force des militaires et du commandement régional dont un bon nombre des membres est issu des minorités religieuses (alaouites notamment). Les membres du Commandement régional du Baath entre 1966 et 1970 étaient majoritairement originaires des provinces  : « 29,7 % venaient de Lattaquié, 20,3 % de Derr‘a et Sweida et 15,6 de Deir al- Zor7 ». Les nouveaux dirigeants se définissent comme des militants baathistes de gauche, se distinguant de la tendance historique de Michel Aflaq et Salah al- Bittar, dite de droite. Ces luttes intestines ne se terminent qu’en 1970 avec la prise du pouvoir par Hafez al- Assad. Celui- ci ouvre ainsi un nouveau chapitre de l’histoire du Baath en Syrie avec l’instau-ration d’un régime politique stable qui s’étend sur une période longue de 30  ans jusqu’à sa mort le 10  juin 2000 et perpétuée par la succession de son fils Bachar al- Assad.

7. Nikolaos Van Dam, op. cit., p.  78.

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Histoire et géographie 19

L E B A A T H E T L A N A T I O N A R A B E

Le terme « Baath » signifie littéralement « Résurrection ». Le Baath est officiellement né le 7 avril 19478 à Damas à l’initiative de deux professeurs de Lycée issus de la petite bourgeoisie damascène  : son principal théoricien, Michel Aflaq (1910-1989), chrétien, et Salah al- Bittar (1912-1980), sunnite. Ses origines idéologiques remontent au début des années 1940. L’émergence du parti Baath s’inscrit dans la continuité de la lutte nationale pour l’indépendance qui travaillait la Syrie dès le début du xxe siècle, et dans la lutte contre les réalités socio- économiques et la montée des classes intermédiaires au lendemain de l’indépendance. En 1953, la fusion avec le Parti Socialiste Arabe d’Akram al- Hourani (1915-1996) aboutit à la naissance du parti Baath Arabe Socialiste. Le Baath se présente comme un mouvement nationaliste arabe qui a pour projet politique la réalisation d’une nation arabe qui s’étend du Golfe arabe à l’Atlantique, et pour devise « Unité, Liberté, Socialisme ». Pour les fondateurs du Baath, la nation arabe possède une histoire et un patrimoine culturel et intellectuel qui lui permettent d’envisager son propre modèle politique et économique.

4 UNE URBANISATION DÉSÉQUILIBRÉE

Avec seulement 55 % de Syriens habitant les zones urbaines en 2011, le taux d’urbanisation (le rapport entre la population rurale et la population urbaine) en Syrie reste faible par rapport à celui des pays voisins comme le Liban à 87 % ou la Jordanie à 83 %. L’importance du secteur agricole dans l’économie syrienne qui employait jusqu’en 2002 près de 30 % de la population active

8. Le premier Congrès national du Baath, dit Congrès fondateur, a eu lieu dans le café al-Rachid à Damas, entre les 4 et 7  avril 1947 en présence de 217 participants venus de Palestine, du Liban, d’Irak, de Jordanie, de Tunisie et d’Algérie. Les résolutions al-Tawsiyat, une Constitution doustour et un règlement interne nizam dakhili ont été adoptés. Michel Aflak est élu doyen  du parti amid (titre qui sera remplacé par celui de Secrétaire général en 1954) et exercera cette fonction jusqu’en avril  1965, tandis que Salah al-Bittar, Jalal al-Saiyed et Wahib al-Ghanim sont élus au Comité exécutif chargé d’assister Michel Aflaq. Zaki al-Arsouzi n’y participera pas.

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peut expliquer cette faible urbanisation. Depuis les années 1960, la population urbaine ne cesse de croître (36,9 % en 1960, 47,1 % en 1981, 53,5 % en 2004 et 55 % en 2011). Le plus fort taux est enregistré entre 1995 et 2005, corres-pondant au recul de l’immigration du travail vers les pays du Golfe. Les habitants des Mohafazat de Damas, Damas- campagne et Alep représentent à eux seuls 44,3 % de la population totale en 2011 (soit 9,22  millions pour une population de 20,86 millions), répartis sur un territoire qui ne représente que 19,78 % de la superficie de la Syrie (185 180  km²) et 23,7 % des surfaces habitées (62 185 km²). Alep, ville la plus peuplée de Syrie, concentre avec son agglomération 4,868  millions d’habitants soit 22,8 % de la population totale en 2011. La densité de la population syrienne est alors de 113,38 habitants au kilomètre carré.

Toutefois, la croissance des centres urbains et des agglomérations ne résulte pas seulement de la croissance naturelle de la population urbaine. L’exode rural, la migration des provinciaux vers les grandes villes à la recherche d’un travail, l’afflux de populations poussées par les conflits régionaux (déplacés du Golan lors de la guerre des Six Jours de 1967, réfugiés palestiniens de 1948 et 1967, réfugiés irakiens de la chute de Bagdad en 2003) contribuent largement au déséquilibre urbain.

Le manque de planification et la mauvaise gestion du parc immobilier obligent ces populations à s’installer à la périphérie des villes, à construire leurs habitats dans des zones agricoles non constructibles ou à s’installer sur des terres qui appartiennent à l’État, formant des quartiers dits « informels » ou irréguliers qui contribuent à l’extension des villes. Apparus dans les années 1960, les quartiers informels s’intensifient à partir des années 1980 avec le développe-ment des villes et l’accroissement de l’appareil bureaucratique et de la cen-tralisation politique. Si certains quartiers informels disposent de services tels que l’électricité et l’eau, les règles d’urbanisme et les normes de construction n’y sont pas respectées. En 2005 et 2006, plusieurs immeubles se sont effondrés dans le quartier informel de Daf al- Chok (au sud de Damas) pour défaut de construction. Malgré l’interdiction de construire (démolition de l’habitat) et la pénalisation sévère (amande et prison), la corruption des fonctionnaires des municipalités qui ferment les yeux sur les contraventions moyennant pots- de- vin donne naissance à un véritable marché de l’immobilier dans les quar-tiers informels. Ces quartiers se situent autour des villes, voire même à leurs

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portes, marquant le paysage urbain syrien. Avant d’atteindre les deux grandes villes du pays, le mouvement de contestation syrienne est marqué par la mobilisation des populations issues de petites villes économiquement négligées9 et de quartiers périphériques dont une grande partie des habitants est issue de l’exode rural. À Damas ce sont les quartiers informels qui se rebellent les premiers, comme le quartier al- Tadamoun au sud de la capitale. Jusqu’en 2007, on compte en Syrie 156 quartiers informels qui concernent près de 15 % de la population et 20 % de l’habitat10. À Damas, il  existe 42 quartiers informels répartis à la périphérie et au sein même de la capitale, regroupant près de 40 % de sa population totale en 2010 (1,3  million sur 3  millions d’habitants) et représentant plus de 27 % de sa superficie11. Dans les années 1980-1990, la construction informelle représentait les trois quarts des nouveaux logements dans la ville d’Alep, les deux tiers à Damas. Si ces quartiers accusent une forte densité et un taux de chômage plus important que dans les quartiers réguliers, ils englobent aussi des habitants de la classe moyenne (juges, avocats, méde-cins…). Le prix exorbitant des logements dans les quartiers formels, y compris celui des loyers, et d’autre part l’incapacité des autorités publiques à répondre à une demande plus forte, avec notamment l’afflux des réfugiés irakiens lors de l’invasion de l’Irak en 2003, contribuent à l’accroissement des habitats informels12.

9. Fabrice Balanche, « Géographie de la révolution syrienne », in Outre- Terre, n°  29, mars  2011, p.  442.

10. Ayas al- Dayri, Zones de l’habitat informel en Syrie, Damas, 2007, p.  4. (En arabe).11. Rapport national prospectif de la Syrie 2025. (En arabe).12. Valérie Clerc, « L’habitat des pauvres à Damas  : de la crise du logement vide à la

recrudescence des quartiers informels », in Les Carnets de l’Ifpo. La recherche en train de se faire à l’Institut français du Proche- Orient. (Hypothèses.org), 31  octobre 2012. http://ifpo.hypotheses.org/4472 (consulté le 20  juin 2016).

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L E S E C T E U R D U L O G E M E N T À L A M E R C I D E L A G U E R R E

Le secteur du logement est parmi les plus touchés par le conflit et les dégâts repré-sentent plus de 65 % des dommages causés par la guerre fin 201413. Les combats dans les zones urbaines à fortes densités de population provoquant la destruction des habitats et le déplacement de millions de personnes à l’extérieur et à l’intérieur du pays. On estime à 400 000 le nombre de logements entièrement détruits en 2012. Ce chiffre monte fin 2014 pour atteindre 791 352 logements14. La ville la plus touchée est Alep, la plus grande ville du pays avec une population d’avant- guerre de près de 3 mil-lions de personnes. Cette situation a créé une crise du logement dans les zones gou-vernementales en raison du déplacement des populations.

Évaluation des dommages des villes en % fin 2014

Alep

2,370,08

Homs

Hama

Idleb

Deraa

Lattaquié

58,120,5

12,92

6,03

Source  : Banque mondiale, 2016.

13. Banque mondiale, Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA, janvier  2016. http://www.banquemondiale.org/fr/region/mena/publication/mena-quarterly-economic-brief-january-2016 (consulté le 2  juin 2016).

14. Rémi Baudouï et Roula Maya, «  L’impact du conflit syrien sur les secteurs du logement et des villes  », in Grotius international. Géopolitiques de l’humanitaire, 2015.

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5 RESSOURCES HYDRAULIQUES LIMITÉES

L’aridité caractérise le paysage territorial syrien. Le désert syrien qui est une steppe Badiya se situe au sud, à la frontière jordano- irakienne et s’étend jusqu’à la région de la Jazira sur la rive de l’Euphrate ; il constitue près de 58 % de la superficie totale du territoire syrien. Si cette région est impropre à l’agriculture en raison de précipitations inférieures à 200 mm par an, elle sert de pâturage aux bédouins éleveurs de moutons. Considérant le nomadisme comme arriéré, le Baath a mis en place une politique de sédentarisation et d’intégration des nomades en facilitant l’accès à l’éducation, à la propriété agricole (dans la région de la Jazira notamment), mais aussi au parti lui- même.

La Syrie présente, selon les régions, une certaine diversité géographique et climatique. La région côtière,  qui s’étend de la frontière turque au nord à la frontière libanaise au sud, constitue environ 12 % du pays (la perte d’Alexan-drette, cédée à la Turquie par les autorités mandataires françaises en 1939, réduit la façade maritime syrienne à 183 km). Cette région jouit d’un climat méditerranéen, pluvieux en hiver, chaud et humide en été, ainsi favorable aux cultures maraîchères et fruitières, notamment aux agrumes. Avec 800 mm de précipitations sur les plaines littorales et 1 400 mm sur les montagnes, la région côtière reste la région la plus arrosée et la plus densément peuplée de Syrie. Elle est séparée des terres de l’intérieur par une barrière naturelle formée par les montagnes des Alaouites au nord- ouest, officiellement appelées montagnes littorales parce qu’elles s’étendent le long du littoral, larges d’une trentaine de kilomètres et hautes de 1 562  m, dominant la vallée d’al- Ghab que traverse l’Oronte avec des forêts de pins et de chênes enneigées l’hiver. À l’est de cette vallée se dresse la montagne de Zawiyah dont l’altitude ne dépasse pas 1 000 m. Au sud, le Mont Hermon (Jabal al- Cheikh) est le plus haut sommet du pays avec 2 814 m d’altitude. Enfin à la frontière jordanienne, le massif volcanique de la montagne druze culmine à 1 736  m.

La région intérieure se présente sous l’aspect de plaines propices à l’agriculture. Sous forme de croissant, elle s’étend de la plaine du Hauran au sud à la région de la Jazira au nord- est et comprend al- Ghouta « oasis de Damas », les régions

http://www.grotius.fr/limpact-du-conflit-syrien-sur-les-secteurs-du-logement-et-des-villes/ (consulté le 2  juin 2016).

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de Homs et Hama traversées par l’Oronte et les plaines d’Alep arrosées par le Qoweiq. Les cultures les plus importantes sont les céréales dans le Hauran, le blé, l’orge et le coton dans la Jazira, les fruits, légumes et betterave à sucre dans la région de Homs et Hama le long de l’Oronte, les vignes, oliviers et pistachiers autour d’Alep. Ce qui caractérise ce vaste intérieur est son climat continental, chaud et sec en été, froid en hiver. Les chaînes montagneuses qui s’étendent du nord au sud empêchent l’influence de la méditerranée et ses précipitations sur l’intérieur du pays (entre 250-500  mm par an). Cette zone souffre de la sécheresse estivale entre avril et octobre, rendant l’agri culture syrienne fortement dépendante de l’irrigation.

Selon les estimations de l’Agence Française de Développement, la Syrie dis-posait en 2008 de 17 milliards de m3 de réserves d’eau  : 11 milliards d’origine fluviale et 6 milliards provenant des sources souterraines renouvelables15. Parmi les 20 fleuves dont dispose la Syrie, l’Euphrate, qui constitue près de 86 % des réserves hydrauliques syriennes, reste le plus important en termes d’apport hydraulique. Il traverse les territoires syriens sur 675 km et constitue la prin-cipale source d’électricité pour la Syrie. Al- Khabour, deuxième fleuve et affluent de l’Euphrate, parcourt la région de la Jazira sur 460 km. L’Oronte, avec un débit annuel de 400  millions de m3 et un lit de 325 km, est le nerf principal de la zone agricole de la plaine d’al- Ghab. D’autres rivières plus modestes contribuent à augmenter l’apport annuel d’eau en Syrie comme le Qoweiq dans la région d’Alep, le Tigre qui forme la frontière syro- turco- irakienne à l’extrême nord- est de la Syrie sur 50 km, Nahr al- Kabir al- Chamali dans la région côtière, et enfin le Yarmouk près des frontières jordaniennes au sud, dont le débit est de 450  millions de m3 annuels.

Dès les années 1960, le gouvernement syrien a mis en place une politique d’aménagement sur ses fleuves en construisant des barrages et des lacs. La Syrie compte aujourd’hui 60 barrages et 8 lacs de rétention. Le barrage al- Tabqa, achevé en juillet  1973 avec le lac de retenue al- Assad, est le plus important barrage de Syrie. Avec une superficie de 674  km², le lac al- Assad emmagasine près de 11,9  milliards de m3 d’eau, et permet l’irrigation de

15. Agence Française de Développement, « Le secteur de l’eau en Syrie : enjeu et enseigne-ments ». http://www.afd.fr/webdav/shared/PORTAILS/SECTEURS/EAU_ET_ASSAINISSEMENT/pdf/Actions%20AFD%20Eau%20en%20Syrie.pdf (consulté le 3  mars 2013).

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Histoire et géographie 25

640 000 ha de terre. D’autres lacs beaucoup moins importants sont également construits comme le lac Jabboul (239 km²) près d’Alep ou Qouttina (61 km²) près de Homs.

Toutefois les besoins en eau de la Syrie se font de plus en plus sentir. La part annuelle d’eau par habitant, estimée à 1 791  m3 en 1995 et à 1 249  m3

en 2000, serait aujourd’hui entre 1 300 m3 et 900 m3, soit en dessous du seuil de pénurie fixé à 1 000  m3 par an. La croissance démographique, l’urbanisa-tion, les conditions climatiques et les précipitations irrégulières (la pluvio-métrie moyenne entre 2001 et 2010 est de 344 mm16) accentuent le manque d’eau. Aussi la Syrie ne contrôle- t-elle pas ses ressources hydrauliques, qui proviennent à 80 % de l’extérieur de ses territoires, notamment de Turquie à 50 % et du Liban à 20 %. L’Euphrate, le Tigre, al- Khabour, le Qweiq, prennent leur source en Turquie. L’Oronte provient du Liban. Cette position en aval place le pays dans une situation de dépendance vis- à- vis des pays voisins, notamment de la Turquie. En 1990, les terres de Syrie et d’Irak avaient souffert de l’assèchement de l’Euphrate par des aménagements turcs sur le fleuve et le remplissage du barrage Atatürk17. Jusqu’au Projet d’Anatolie du Sud- Est en Turquie (Güneydogu Anadolu Projesi), le débit hydrique de l’Euphrate en Syrie était de 26,2  milliards de m3. Les deux pays signaient en 1987 un accord engageant la Turquie à un débit de 500 m3/seconde soit 15,75  milliards de  m3.

La mauvaise gestion de l’eau constitue l’un des facteurs de risque de pénurie. Le secteur agricole, un des plus importants secteurs de l’économie nationale, représente pas moins de 82,3 % de la consommation d’eau. Les cultures gour-mandes en eau comme le coton et les systèmes d’irrigation traditionnelle ne favorisent pas une gestion raisonnée de l’eau, d’autant plus que les sècheresses entrainent une surexploitation des eaux souterraines. Ainsi, pour irriguer les cultures dites stratégiques, subventionnées et destinées à l’exportation comme le coton et le blé, le nombre de puits creusés de manière illégale a considé-rablement augmenté. En 2001, il existait 95 548 puits illégaux contre 130 997 en 2010. Pour la même année, ce nombre dépasse largement les puits légaux,

16. Bureau Central des Statistiques, Damas, 2001-2010.17. Georges Mutin, « De l’eau pour tous ? », in Documentation photographique, La

documentation Française, n°  8014, avril  2000, p.  48-49.

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au nombre de 98 88418. Ceci contribue à la destruction des nappes phréatiques mettant en danger leur renouvellement.

E A U , E N J E U X E T C O N F L I T S

La question de la répartition des ressources hydrauliques au Proche- Orient est l’une des sources de conflits et de tensions entre les États de la région. Dans les années 1980 et 1990, la Turquie n’hésite pas à réduire le débit hydrique de l’Euphrate pour faire pression sur le régime syrien qui apporte un soutien politique et militaire aux indépendantistes kurdes du PKK. La question de l’eau a été un sujet de discorde lors des négociations de paix entre Syriens et Israéliens. Le plateau du Golan, véritable château d’eau occupé par Israël depuis 1967, fournit les ressources hydrauliques nécessaires à Israël. L’accès aux rives du lac de Tibériade et au bassin du Jourdain est alors un point litigieux entre les deux pays. Israël n’accepte pas que les Syriens contrôlent les sources du Jourdain de peur qu’ils ne détournent les eaux du lac de Tibériade au détriment d’Israël. Ainsi en 1996, pour une vingtaine de kilomètres carrés, les négociations de paix entre les deux pays ont été bloquées. La question de l’eau est devenue l’une des clés de la paix dans la région du Proche- Orient, particulièrement entre la Syrie et Israël.

6 LES FRÈRES MUSULMANS SYRIENS, LE RETOUR DIFFICILE

Si les Frères musulmans représentent aujourd’hui une large composante de l’opposition syrienne, notamment au sein du Conseil national syrien CNS, ils étaient totalement absents sur le terrain et n’ont joué aucun rôle dans le déclenchement du soulèvement syrien à la mi- mars 2011. La politique coer-citive et la répression féroce menées par le régime du Baath syrien en 1982 mettent un terme à l’insurrection des Frères musulmans dans la ville de Hama. La prescription de la peine de mort à toute personne appartenant aux Frères

18. Bureau Central des Statistiques, Damas, 2001-2010.

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Histoire et géographie 27

musulmans19 a poussé leurs leaders à l’exil et les a privés de toute structure et de relais à l’intérieur du pays.

Le premier noyau des Frères musulmans en Syrie se forme sous le mandat français avec l’émergence de nombreuses associations à caractère culturel et religieux, peu politisées au départ comme « L’Association honorable » fondée au début des années 1920 ou « L’Association de la civilisation islamique » fondée en 1932. Ce n’est qu’en 1944 que les islamistes syriens fondent leur mouvement appelé « Association des Frères musulmans en Syrie ». Moustapha al- Siba‘i est élu « contrôleur général », titre qui souligne son allégeance au « dirigeant général » du mouvement égyptien de Hassan al- Banna. Suite à la  dissolution de la République arabe unie en 1961, ils se regroupent sous la direction de Issam al- Attar20 et obtiennent dix sièges au Parlement lors des élections de décembre  1961. Si cette courte période est considérée comme le retour des Frères musulmans sur la scène politique, avec la montée du Baath au pouvoir en 1963 les Frères musulmans représentent une force de contestation. Le Baath exerce une forte pression pour déstabiliser le mouve-ment ; Isam al- Attar est interdit d’entrée en Syrie lors de son retour de pèle-rinage en 1964.

Il est certain que l’arrivée de Hafez al- Assad au pouvoir en novembre  1970 était vue comme un soulagement par les islamistes en ce que celui- là repré-sentait une rupture avec la politique radicale de ses prédécesseurs à l’égard de l’islam. Néanmoins, le projet de Constitution de 1973 qui ne mentionnait pas la religion de l’État a suscité l’opposition des dignitaires religieux musul-mans. Des manifestations éclatent le 21  février à Hama, puis s’étendent à Homs et Alep. Les manifestants demandent l’introduction de la formule « l’islam religion d’État » et appellent au boycott du référendum constitution-nel du 12  mars 1973. Le président est alors contraint d’inclure un article établissant que « la religion du président est l’islam ».

La répression et l’emprisonnement des leaders islamistes comme Marwan Hadid (mort en prison en 1975) contribuent à l’émergence d’un courant radical au sein du mouvement des Frères musulmans, « l’Avant- garde combattante »  ; son discours n’hésite pas à mettre l’accent sur l’appartenance alaouite du

19. Loi n°  49 adoptée par le Parlement le 7  juillet 1980.20. Né en 1927, à Damas, député en 1961.

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Syrie28

président et à l’interpréter comme une domination. Dès 1976, elle commet des attentats contre de hauts dignitaires de l’État et militaires issus de la communauté alaouite. Le plus sanglant sera perpétré contre l’École d’artillerie d’Alep le 16  juin 1979 faisant plusieurs dizaines de morts. Cet attentat a été revendiqué par Adnan Uqla, alors chef de « l’Avant- garde combattante ». Bien que les Frères musulmans nient dans un communiqué publié le 24  juin 1979, toute responsabilité dans les actes de violence commis par l’Avant- garde combattante, le régime de Hafez al- Assad déclare la guerre aux Frères musul-mans. Toutefois, l’exécution à la prison de Palmyre de près de 600 prisonniers appartenant aux Frères musulmans par les brigades de Rif  ‘at al- Assad, en réaction à la tentative d’assassinat contre le président lui- même le 26 juin 1980, reflète un esprit de vengeance et un certain aspect confessionnel du conflit.

La confrontation avec les islamistes se termine en février 1982 par le massacre de Hama, qui outre la destruction d’une partie du centre historique de la ville, a fait 10 000 à 15 000 morts. Hafez al- Assad fait adopter par le Parlement le 7  juillet 1980 la loi n° 49 qui condamne à la peine capitale toute personne appartenant à l’organisation des Frères musulmans. Si Hafez al- Assad met fin à l’insurrection islamiste et annonce l’effondrement de la structure des Frères musulmans syriens à l’intérieur du pays, il encourage un islam officiel qui ne conteste pas la légitimité de son pouvoir, mais contribue à l’islamisation de la société.

Avec la succession de Bachar al- Assad en 2000, les Frères musulmans mani-festent une volonté d’ouverture à l’égard du nouveau régime. Lors du « pre-mier congrès du dialogue national » qui rassemble différentes formations politiques d’opposition le 3 mai 2002 à Londres, les Frères musulmans annoncent à travers « la Charte nationale d’honneur » leur vision de la Syrie, d’un État fondé sur une constitution civile respectueuse des droits du peuple et expri-mant sa pluralité. Se détachant d’une littérature traditionnelle illustrée par la formule « l’islam pour solution », les Frères musulmans envisagent dans leur « projet politique pour la Syrie de l’avenir » en 2004 une réforme qui inclut un « État civil », sans mentionner le terme « laïque » mais celui de liberté d’opinion et de liberté de la pratique religieuse. Aussi le contrôleur général des Frères musulmans syriens, alors Ali Sadr al- Din al- Bayanouni, manifeste- t-il la volonté de se réconcilier avec le jeune président et déclare ne pas le tenir pour responsable du passé et des massacres commis par son père dans les

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Histoire et géographie 29

années 1980. Cependant l’effort de médiation mené par le député islamiste Mohammad Habach en 2004 est un échec  : les islamistes restent interdits en Syrie et la loi n°  49 est toujours en vigueur.

Le soulèvement syrien a permis l’émergence d’autres acteurs qui se revendiquent de l’islam, mais qui ne se reconnaissent pas forcément dans le mouvement des Frères musulmans ou dans l’islam officiel contrôlé par l’État. Des person-nalités comme Haitham al- Malih, Radwan Ziyadeh (militants des droits de l’homme) se présentent comme des islamistes indépendants à tendance moder-niste pour se démarquer des Frères musulmans jugés trop idéologiques. Ils en contestent le monopole sur le discours de registre religieux et prétendent tirer leur légitimité de l’intérieur, du cœur même des fidèles et de la popula-tion avec laquelle ils entretiennent une certaine proximité, par opposition aux Frères musulmans en exil.

L’intensification de la répression par le régime sur les villes et les populations majoritairement sunnites ainsi que la libération par le régime au printemps 2011 des djihadistes syriens ayant mené leur jihad contre les Américains en Irak ont favorisé l’islamisation du discours révolutionnaire et permis la montée en force de groupes combattants islamistes divers (Ahrar al- Cham, Jabhat al- Nosra, Liwa al- Tawhid, Jaysh al- Islam, Liwa Al- Haq, Liwa al- Fath, Soqour al- Cham…), dont certains sont liés aux Frères musulmans (Liwa al- Tawhid, Dou-rou‘ al- Thawra « boucliers de la révolution »).

L E S G R O U P E S I S L A M I S T E SC O M B A T T A N T S E T L A R É V O L U T I O N

Si la majorité des groupes armés qui se revendiquent de l’islam comme identité ou comme idéologie luttent pour la chute du régime de Bachar al- Assad, leurs intérêts et leur projet politique divergent. Sur le plan politique, le paysage islamiste syrien peut être divisé en deux catégories : les islamistes nationalistes, dont le combat s’inscrit dans une perspective syrienne en vue de renverser le régime syrien, et les djihadistes inter-nationalistes (Daech) qui visent l’instauration d’un État qui dépasse dans ses frontières le cadre syrien et se trouvent de ce fait en confrontation avec tous les groupes de

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Syrie30

l’opposition, y compris le Front al- Nosra, branche syrienne d’al- Qaïda21. Les islamistes nationalistes (Front de libération islamique syrien, Front islamique) fédèrent des éléments modérés dont certains sont affiliés à l’ASL ou le reconnaissent, et des salafistes qui appellent à créer en Syrie un « État islamique juste » et à appliquer la charia (Ahrar al- Cham). Toutefois, ce qui caractérise le paysage de la rébellion islamiste en Syrie est sa fluidité et sa viscosité. Les divergences idéologiques entre les brigades combattantes n’empêchent pas les alliances et les coopérations militaires. D’autant plus que la colla-boration avec des radicaux ou djihadistes (plus expérimentés, mieux armés et bénéficiant d’un meilleur financement) est devenue une nécessité pour les plus modérés (de plus en plus marginalisés) afin de faire face au régime. Aussi le passage de combattants d’un groupe à un autre intervient- il plus par opportunisme (meilleur salaire, financement…) que par conviction idéologique. Cette ambivalence explique en partie la réticence des États- Unis à livrer des armes létales aux rebelles syriens.

21. Dans un enregistrement vidéo diffusé le 29  juillet 2016 sur la chaîne Al Jazeera, le chef du Front al-Nosra, Abou Mohammad al-Jolani, annonce la rupture des liens avec al-Qaïda et le changement de nom de son groupe, désormais Jabhat Fateh al-Cham « Front de la conquête de la Syrie ». http://bcove.me/fybm11li (consulté le 27/07/2016).

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Histoire et géographie 31

LA SYRIE DANS SES FRONTIÈRES ACTUELLES

La carte montre les frontières tracées selon les accords Sykes-Picot du 16 mai 1916 signés entre Britanniques et Français (Alexandrette a été cédée à la Turquie en 1939 par les Français) ainsi que le découpage administratif des gouvernorats syriens en vigueur depuis 1972. En 2012, le régime annonce la création de trois nouveaux gouvernorats (Palmyre, Alep-campagne et Qamichli).

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Table des matières 135

Table des matières

Introduction ................................................................................................................................................................... 5

Chapitre 1 : Histoire et géographie ........................................................................................................ 9

1. De l’Antiquité à la modernité  : carrefour de peuples et de civilisations ................................................................................. 9

2. Identités et construction territoriale  : l’arabisme comme doctrine officielle de l’État ................................................................ 14

3. Le Baath et la montée des minorités ...................................................................................... 17

4. Une urbanisation déséquilibrée .................................................................................................... 19

5. Ressources hydrauliques limitées ................................................................................................. 23

6. Les frères musulmans syriens, le retour difficile ............................................................ 26

Carte : Le découpage administratif syrien en 2011 .................................................................. 31

Résumé ...................................................................................................................................................................... 32

Pour aller plus loin ........................................................................................................................................... 32

Chapitre 2 : Peuples et société.................................................................................................................... 35

1. Population diversifiée, le fait minoritaire ............................................................................. 36

2. Vers la transition démographique .............................................................................................. 40

3. Les Assad et l’islam sunnite  : entre recherche de légitimation et volonté de contrôle ......................................... 44

4. Les Alaouites, otages des Assad .................................................................................................... 47

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Syrie136

5. Les Kurdes, du système al- Assad à la scène internationale .................................. 50

Carte : La répartition territoriale des communautés en Syrie .......................................... 55

Résumé ...................................................................................................................................................................... 56

Pour aller plus loin ........................................................................................................................................... 57

Chapitre 3 : Pouvoir et politique .............................................................................................................. 59

1. La Syrie d’al- Assad  : République héréditaire et régime autoritaire ............... 59

2. Partis politiques et opposition hétérogène ......................................................................... 63

3. Bachar al- Assad face au printemps syrien : le pari de la radicalisation ..... 67

4. L’alliance avec l’Iran  : le confessionnel au service du politique ........................ 70

5. La laïcité, une question d’instrumentalisation ................................................................. 73

6. Le Golan, pomme de discorde ....................................................................................................... 77

Carte : Le Golan occupé .............................................................................................................................. 82

Résumé ...................................................................................................................................................................... 80

Pour aller plus loin ........................................................................................................................................... 80

Chapitre 4 : Économie et développement....................................................................................... 83

1. L’ouverture économique, corruption et clientélisme .................................................. 84

2. L’agriculture, un secteur en difficulté...................................................................................... 88

3. Tourisme et instabilité politique ................................................................................................. 92

4. Le pétrole, facteur de croissance et risque de dépendance .................................. 95

5. L’armée  : piliers du régime Assad ............................................................................................... 98

Carte : Les principales ressources économiques en Syrie..................................................... 103

Résumé ...................................................................................................................................................................... 104

Pour aller plus loin ........................................................................................................................................... 104

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Table des matières 137

Chapitre 5 : Éducation et culture............................................................................................................. 107

1. L’information et la presse verrouillée ...................................................................................... 107

2. Enseignement et système éducatif baathisé ....................................................................... 110

3. La Société civile, une mainmise surveillée ............................................................................ 113

4. La femme, une émancipation inachevée ............................................................................... 117

Résumé ...................................................................................................................................................................... 119

Pour aller plus loin ........................................................................................................................................... 119

Conclusion ........................................................................................................................................................................ 121

Bibliographie et webographie .................................................................................................................... 125

Index des noms propres et des lieux .................................................................................................. 131

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ée du partage de l’Empire ottoman entre la France et la Grande-Bretagne, mosaïque ethnique et confessionnelle attachée à ses traditions, la Syrie a subi jusqu’en 1970 de nombreux coups d’État.

Les Assad y instaurent un régime autoritaire dont le discours panarabe et officiellement « laïque » dissimule une instrumentalisation communautaire. Bien que jouissant de ressources diversifiées, la Syrie vit essentiellement de ses revenus pétroliers, en baisse constante. En mars 2011, le pays prend part aux mouvements du Printemps arabe. Le déni par le régime des revendications de liberté, leur répression sanglante ainsi que la division et l’impuissance de la communauté internationale favorisent la montée en visibilité des groupes islamistes radicaux. Cinq ans plus tard, le conflit syrien catalyse les tensions et subit les jeux d’influences régionales et internationales. Dans un contexte de guerre civile et dans un Proche-Orient fragilisé et traversé par les dynamiques identitaires et communautaires, la Syrie peut-elle conserver son intégrité territoriale et son unité nationale ?

Zakaria Taha est docteur en Études Politiques de l’EHESS-Paris. Spécialiste de la Syrie, il est actuellement maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes.