Upload
phamtruc
View
226
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
Histoire Thème 1 : L’historien et les mémoires de la Deuxième Guerre mondiale
Introduction : analyse du sujet « Historien » ? Savant qui analyse les sources, les confronte et explique une période historique de la manière la plus objective possible. « Les mémoires » ? Souvenirs individuels ou collectifs. La mémoire est subjective puisqu’elle est de l’ordre de l’affectif et de l’émotionnel. Elle repose sur le souvenir vécu, présuppose la sélection et donc l’oubli… … et elle est très variable en fonction de ce que l’on a fait (ou pas fait) pendant cette période : On comprend aisément que la mémoire des combattants de 1940, battus, démobilisés ou prisonniers dans un stalag pendant toute la guerre… … n’est pas la même que celle, auréolée de gloire, des combattants des FFL débarquant en Normandie ou en Provence et participant à la libération.
« et » ? Relation entre l’historien et les mémoires De quelles mémoires parle-t-on si on évoque les mémoires de la 2e Guerre mondiale ? Eventail très large : résistants, maquisards, FFL, battus de 40, collaborateurs, miliciens, pétainistes, déportés politiques, déportés juifs, enfants cachés, malgré-nous, républicains espagnols, victimes des bombardements alliés, requis du STO, femmes tondues à la libération, combattants nord-africains dont la reconnaissance officielle comme soldats à égalité des français de métropole ne date que de 2006…
Quelles ruptures cet historien voient-il
dans l’évolution des mémoires de la
Deuxième Guerre mondiale ?
NB. Le syncrétisme est un système de pensée qui
tend à faire fusionner plusieurs doctrines
différentes voire contradictoire aboutissant à une
perception globale et confuse des différents
éléments.
Problématique du thème : Comment sont nées les mémoires de la Deuxième Guerre mondiale et quel rôle les historiens ont-ils joué dans l’évolution de ces mémoires ?
Plan du cours Introduction Séance 1 : Le temps du refoulement et de la mémoire sélective qui suit la guerre Séance 2 : Les mémoires face aux historiens depuis le début des années 70
Séance 1 :
Le temps de la mémoire sélective et du refoulement qui suit la guerre
1°) Après la guerre, un objectif : retrouver au plus vite la légalité républicaine
Après la libération de Paris le 25 août 1944, De Gaulle s’impose comme chef du
Gouvernement Provisoire de la République Française. (GPRF)
Son soucis, comme celui de l’ensemble des forces issues de la résistance est de restaurer la
République et l’unité nationale.
Pour De gaulle, Vichy est « nul et non avenu ».
Il s’agit donc de faire oublier la défaite de 1940 et le régime de Vichy, une fois que ses
principaux responsables ont été condamnés.
Condamné à mort, par la Haute Cour de Justice de la république le 15 aout 1945, Pétain voit
sa peine commuée à l’emprisonnement à perpétuité par De Gaulle.
Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, que l’on voit ici témoigner au procès de Pétain
est lui fusillé le 15 octobre 1945.
De quelle façon cette affiche illustre-t-elle la
politique mémorielle de l’immédiat après-guerre
?
2°) Le mythe du résistancialisme
Le terme est né sous la plume de l’historien Henry Rousso dans son ouvrage « Le syndrome
de Vichy » paru en 1987.
Il désigne le mythe développé surtout par les gaullistes et communistes, selon lequel les
Français auraient unanimement et naturellement résistés à l ’occupant.
En réalité on estime que 200 à 300 000 personnes ont résisté activement, alors que les
estimations des historiens font état de 50 000 personnes engagées activement et/ou
idéologiquement dans la collaboration.
Ne sont pas compris dans ces estimations sur les « collaborateurs » les fonctionnaires,
employés d’administrations, policiers, qui appliquaient les directives données.
Ce résistancialisme se manifeste surtout par l’inauguration de nombreux « lieux de mémoire »,
selon l’expression de l’historien Pierre Nora et par la mise en avant de figures et de martyrs de
la résistance.
Le 18 juin 1960 (date ô combien
symbolique), De gaulle inaugure
le mémorial de la France
combattante sur le mont
Valérien, à l’ouest de Paris.
Le fort du mont Valérien fut le
principal lieu d’exécution de
résistants par les Allemands en
France.
C’est là en particulier que les
membres du groupe
Manouchian, ceux de l’Affiche
rouge furent exécutés.
Mémorial du mont Valérien, prés de Paris.
Quelques membres du groupe
Manouchian quelques instants avant
leur exécution, au fort du mont
Valérien le 21 février 1944.
Sur ce sujet, vous pouvez voir
utilement le très beau film de
Robert Guédiguian : l’Armée du
crime.
Bande annonce
La aussi il s’agit d’une mémoire
particulière, celle de groupes, les FTP MOI
(Main d’Œuvre Immigrée) composés
d’arméniens, italiens, espagnols… qui ont
immigré en France avant la guerre et qui
sont pour la plupart communistes.
Leur mise en avant est souvent le fait de
militants ou sympathisants communistes
ou socialistes.
Robert Guédiguian en est un, tout comme
Léo Ferré qui met en musique le poéme
d’Aragon « L’affiche rouge » inspiré de
cette affiche mais aussi de la dernière
lettre de Missak manouchian à sa femme
Mélinée, écrite peu avant d’être fusillé.
Le 19 décembre 1964, les Cendres de
Jean Moulin sont transférées au Panthéon.
Dans un discours fameux André Malraux,
ministre de la culture de De gaulle, fait
entrer Jean Moulin en grande pompe dans
le temple des Grands Hommes de la
République, et avec lui tous ceux qui ont
résisté, de près ou de loin. Unissant la
nation dans cette commémoration, le
temps est à l’oubli des autres mémoires de
guerre.
Le PCF, très puissant dans la France d’après-
guerre met lui aussi en scène ses héros, comme
ceux de l’Affiche rouge. Se déclarant « parti des
fusillés » il prétend compter 75 000 résistants
fusillés pendant l’occupation.
Au lendemain de la guerre le PCF avec 27% des voix est le parti qui a le plus de députés à
l’AN après les premières élections législatives du 21 octobre 1945
Mais selon le ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, 77 615 résistants ont
été tués, fusillés, sont morts sous la torture ou en déportation… et tous n’étaient pas
communistes.
Les estimations des historiens tournent plutôt autour de 10 000 à 20 000 ce qui est déjà
énorme en soi et traduit de toute façon un engagement très forts des membres du PCF dans la
résistance…
… au moins après le 22 juin 1941
En effet, si cette mise en avant de la mémoire résistante communiste a des fins politiques, il
s’agit aussi peut-être de faire oublier que le PCF a mis du temps à entrer en résistance :
depuis le 23 aout1939 et la signature du pacte de non agression Germano-soviétique, le PCF
a ordre de ne rien faire contre l’Allemagne.
Ce n’est que le 22 juin 1941, quand Hitler lance l’invasion en URSS que le PCF rentre,
massivement il est vrai, en résistance.
Ce tract du PCF appelle les
gouvernements occidentaux à
suivre l’exemple russe et à
signer un pacte avec Hitler.
En 1953, le procès de Bordeaux
jugeant les crimes commis à Oradour-
sur-Glane met en lumière une
mémoire oubliée, celle des « Malgré-
Nous » qui s’oppose de façon
dramatique à celle des victimes du
massacre et de leurs familles.
En effet, sur les 20 personnes qui
sont jugés, seulement 7 sont des
allemands, les 13 autres sont
français. Ce sont des alsaciens
incorporés de force dans la
Wehrmacht.
Ces treize « Malgré-Nous » sont dans
un premier temps condamnés avant
d’être graciés par une loi d’amnistie
votée par le Parlement…
… provoquant la colère des familles
de victimes et du limousin tout entier !
C’est ce qu’on peut appeler une
confrontation mémorielle.
Pour en savoir plus : ICI
3°) Des mémoires concurrentes et oubliées
Par ailleurs, une grande partie de
l’opinion n’adhère pas à l’image
exaltante de la France héroïque et
résistante.
Certains cherchent à réhabiliter Pétain
en affirmant qu’il a mené un double jeu
vis à vis de l’occupant pour protéger les
français. C’est ce que défend Robert
Aron dans « Histoire de Vichy » paru en
1954 et qui fait autorité jusqu’aux
années 70.
C’est dans les milieux d’extrême droite
que ces thèses sont le plus ardemment
défendues, certains allant même
jusqu’à parler « du glaive et du
bouclier » : Le glaive porté par De
gaulle a pu être efficace car Pétain
protégeait la population, ce qui ferait de
lui un résistant…
Ces thèses ont été réfutées par les
historiens !
En 1955, Alain Resnais sort son film « Nuit et brouillard » sur le
système concentrationnaire.
On peut y voir cette image, fugace mais censurée, montrant une vue
du camp de Pithiviers en 1941. Ce camp servait de camp de
concentration et de transit avant la déportation vers l’Est, en particulier
vers Auschwitz.
Voici la véritable image
non censurée.
Comprenez-vous la
raison de cette censure ?
Le film est l’objet de nombreuses polémiques,
en particulier de ne pas faire référence
explicite au génocide des juifs. Le mot n’est
d’ailleurs prononcé qu’une seule fois au cours
des 32 minutes du film.
Pour quelles raisons le retour de
déportation est-il terrible pour les rescapés
de la Shoah comme Simone Veil qui
témoigne ici ?
En 1961 a lieu à Jérusalem le procès
Eichmann, jugeant un des plus hauts
responsables de la Solution Finale, Adolf
Eichmann, capturé en Argentine par le
Mossad (Services secrets israéliens) l’année
pécédente.
Ce procès marque un tournant dans
l’expression de la mémoire des juifs déportés
: il fait en effet appel à de très nombreux
témoignages et il est diffusé en grande partie
à la télévision.
Ce procès a donc pour effet de commencer à
libérer la parole des rescapés juifs des
camps et à mettre cette mémoire jusque là
nié, sur le devant de la scène.
Pour en savoir (un peu) plus sur Eichmann,
sur son rôle dans la solution finale, son
évasion en Argentine et son arrestation, voir
la diapo suivante.
Eichmann en 1942, secrétaire de la conférence de Wansee, responsable du transport pour la solution finale. Envoyé en Hongrie en 1944, il déporte 430 000 juifs à Auschwitz.
Des faux papiers du CICR au nom de Riccardo Klement qu’il utilise en 1950 pour fuir en Argentine.
Dans la cage en verre lors du procès de Jérusalem en 1961.
En mai 1960, Eichmann qui a
été auparavant identifié en
Argentine par les services
secrets israéliens, est
capturé par un commando du
Mossad et exfiltré vers Israël.
Voir ce reportage de l’AFP de
2011 à l’occasion des 50 ans
de son procès à Jérusalem.
Malgré ces mémoires plurielles et parfois contradictoires, l’histoire de la 2e GM reste
profondément marquée par une mémoire officielle Gaulliste, inhibant la recherche historique.
Robert Paxton en témoigne dans son livre « La France de Vichy, 1940-1944 » :
« A l’automne 1960, étudiant de Harvard, j’arrivai à Paris pour entamer ma thèse sur le corps
des officiers dans la France de Vichy. (…) Je croyais naïvement qu’un historien pouvait étudier
la France sous l’occupation avec la même liberté que la guerre de Sécession. (…) Il a suffit
d’une visite au Service Historique de l’Armée de Terre pour que la réalité me rattrape
brutalement.(…) On m’informa que les archives françaises devaient rester closes 50 ans. »
Peut-être a-t-il fallu le retrait de De Gaulle, puis son décès pour que les historiens puissent se
remettre au travail sans tabou sur cette période ?
Séance 2
Le temps des archives :
les mémoires face à l’histoire depuis les début des années 1970
1°) La fin du résitancialisme et l’émergence de la mémoire juive
Tourné en 1969, Le Chagrin et la Pitié est un film
documentaire de marcel Ophuls qui chronique la vie de
Clermont-Ferrand pendant l’occupation à partir de
témoignages et d’images des actualités durant l’occupation.
Il sort sur les écrans en 1971.
Il dépeint une France majoritairement pétainiste, très peu
concernée par la résistance, surtout préoccupée à survivre,
avec parfois des attitudes très ambigues face à l’occupant.
En 1981, Marcel Ophuls parle de son « interdiction » à la
télévision :
« Le directeur général de l'ORTF était allé voir le Général à
Colombey, pour lui demander ce qu'il devait faire de ce film
qui évoquait des vérités désagréables ». De Gaulle lui aurait
répondu : « La France n'a pas besoin de vérités ; la France
a besoin d'espoir. » D'une certaine manière, je trouve cette
réponse magnifique et d'une très grande classe. Mais on ne
faisait pas le même métier, le Général et moi ».
En 1973 sort un livre clé de l’historien américain
Robert Paxton : « La France de Vichy, 1940-1944 »
En quoi ce livre est-il une
révolution concernant les
mémoires de la 2e GM ?
Le livre montre les liens
étroits entre Vichy et
l’Allemagne nazie ainsi
que le zèle avec lequel
Vichy a collaboré avec
l’occupant. La thèse du
double jeu et du bouclier
s’effondre, ainsi que la
mémoire résistancialiste.
Avec l’ouverture des archives d’autres documents viennent confirmer ce que dit Paxton sur la France de Vichy, comme celui-ci : Il s’agit du texte du projet de loi portant sur le statut des juifs (décrété le 3 octobre 1940) qui porte des annotations de la main même de Pétain. Ces annotations authentifiées renforcent encore l’exclusion des juifs de la société française, qu’ils soient étrangers ou français. La France n’est alors occupée que depuis 3 mois à peine et Pétain n’a pas encore rencontré Hitler à Montoire le 24 octobre 1940. Il s’agit bien d’une mesure spontanée et délibérée, sans qu’aucune pression allemande n’ait été faite dans ce sens. Pour en savoir plus, vous pouvez lire cet article de Libération et cette page du site du Mémorial de la Shoah à Paris qui publie les 5 feuillets du projet de loi annoté par Pétain.
Dans la foulée, des films de fiction
s’engouffrent dans la brèche de cette
nouvelle vision de l’histoire de l’occupation.
Le film de Louis Malle, Lacombe Lucien,
sorti en 1974 met en scène un jeune paysan
du sud-ouest qui en 1944 rejoint la gestapo
pour laquelle il dénonce, traque, torture et
tue.
Une (courte) analyse du film et un extrait :
ICI
Le procès Eichmann avait commencé à libérer la parole et favorisé l’expression des mémoires
du génocide.
Mais le danger représenté par les discours négationnistes qui apparaissent dans les médias
durant les années 70, finissent de convaincre les victimes du génocide de témoigner.
En 1978, le
magazine
L’express
publie une
interview de
Louis Darquier
de Pellepoix,
ancien
commissaire
aux questions
juives de Vichy.
Celui-ci nie
ouvertement
l’existence des
chambres à
gaz.
De tels propos négationnistes se retrouvent périodiquement sur le devant de la scène
publique. Ils sont essentiellement portés par des figures de l’extrême droite, dont
l’antisémitisme est un vieux fond de commerce politique. De puis peu, il est aussi employé par
les islamistes.
Jean-Marie Le Pen, l’historien négationniste Robert Faurisson, ou plus récemment le
« philosophe auto-proclamé » Alain Soral et son compère Dieudonné se sont illustrés par leurs
propos négationnistes et franchement antisémites.
On peut citer aussi le polémiste Eric Zemmour qui s’est dernièrement signalé par un livre au
contenu révisionniste, reprenant la vieille idée du « glaive et du bouclier » de Robert Aron pour
tenter de réhabiliter Pétain et le régime de Vichy qui aurait selon lui protégé les juifs français…
Le danger aujourd’hui est que bien qu’elles soient réfutées par les historiens, elles peuvent se
propager très largement par l’intermédiaire des réseaux sociaux et par des discours attractifs
mais qui font appel au mensonge, aux omissions, à la manipulation… Tout le contraire donc
d’un travail d’historien.
Pour apprendre à démonter le discours négationniste, vous pouvez écouter cette émission de
France Culture du 3 mars 2013 (un peu aride) ou lire cet excellent article, synthétique,
abordable et très éclairant publié sur le site Pratique de l’histoire et dévoiements
négationnistes : Les recettes des apprentis négationnistes.
Des associations d’anciens déportés ou
regroupant les enfants d’anciens déportés
victimes du génocide juif, militent ainsi pour que
la Shoah et la volonté d’extermination
systématique des juifs d’Europe, soit reconnue
comme un spécificité.
Cette revendication est appuyée par des
œuvres de plus en plus nombreuses, comme le
monumental (9 heures) film de Claude
Lanzmann, « Shoah » qui sort sur les écrans en
1985.
Basé sur des témoignages et des séquences
sur les lieux même de la déportation et des
camps, ne comprenant aucune image d’archive,
le film donne à voir et à entendre la mécanique
implacable du génocide. Une analyse (longue)
et la bande annonce.
Certains militants comme les époux Klarsfeld
participe à partir des années 60, à la suite du
procès Eichmann, à une véritable traque des
criminels nazis dans le monde entier, visant à
les faire traduire devant la justice.
C’est ce que raconte l’excellent documentaire de
Isabelle Clarcke et Daniel Costelle, La traque
des nazis.
Il raconte notamment la persévérance
extraordinaire des chasseurs de nazis comme
Simon Wiesenthal et les époux Serge et Beate
Klarsfeld dont le couple est en soi tout un
symbole : Les parents de Serge sont morts à
Auschwitz car ils étaient juifs alors que Beate
est allemande…
Voici un extrait. En suivant le lien vous
apprécierez la bêtise sans nom du commentaire
postée en dessous de la vidéo !
Ces associations militent également pour que
les autorités françaises reconnaissent
officiellement la complicité de l’administration
française dans l’exécution des crimes nazis.
Cette reconnaissance intervient officiellement
le 16 juillet 1995 par un discours de Jacques
Chirac commémorant la rafle dite du Vel d’Hiv
des 16 et 17 juillet 1942. Cette
reconnaissance est suivie de la mise en
chantier du Mémorial de la Shoah à Paris qui
est inauguré en 2005.
Cette libération de la mémoire de la
Shoah aboutit aussi à son inscription
en tant que question à part entière
dans les programmes d’histoire
A Paris, le mémorial de la Shoah ouvert en 2005 porte sur les murs du souvenir, les noms des 76000 juifs français morts en déportation
2°) Le temps des procès et des polémiques
Les procès des années 80 et 90, en particulier
celui de Maurice Papon, mettent de nouveau en
lumière le rôle de certains hauts fonctionnaires et
de l’administration de Vichy dans la déportation.
Le cas de Bousquet et de Papon mettent aussi en
évidence la volonté d’oubli des années d’après-
guerre :
Bousquet est peu inquiété à la libération alors
qu’en temps que Secrétaire général de la police
de Vichy il organise des arrestations massives de
juifs, comme la rafle du Vel d’hiv.
Après guerre, il poursuit paisiblement une carrière
d’homme d’affaire jusqu’à ce que son passé le
rattrape à la fin des années 80, éclaboussant
également le Président Mitterrand de qui il était un
proche. Le cas Maurice Papon met en lumière la volonté
des autorités de l’immédiat après-guerre de ne
pas aller au bout de l’épuration pour ne pas se
priver de hauts fonctionnaires compétents dans
un contexte ou la France et ses institutions sont à
reconstruire.
Maurice Papon est pourtant reconnu coupable en
1998 de crime contre l’humanité pour sa
responsabilité en tant que préfet de la Gironde
dans la déportation de 1600 juifs.
C’est le même Papon qui, en tant que Préfet de
Paris, est à l’origine de la répression sauvage
faisant plusieurs dizaines de victimes, de la
manifestation du 17 octobre 1961. Cette année-
là, et depuis 1958, De Gaulle était président de la
République, ce qui ne manque pas de sel !
Sur ce sujet du 17 octobre 1961 vous pouvez lire
ceci
Le cas Paul Touvier enfin, met lui en lumière les
complicité dont certains anciens responsables de
Vichy ont bénéficié pour échapper longtemps à la
justice, ici dans les milieux catholiques intégristes.
41
A propos de Klaus Barbie et sur le sujet
des criminels de guerre nazis qui ont
réussi à s’échapper, non sans de solides
complicités, vous pouvez voir l’excellent
film documentaire de Kevin Mc Donald,
« Mon meilleur ennemi ».
Ce film porte sur le parcours édifiant
pendant et surtout après la 2e Guerre
Mondiale de celui qui fut surnommé « le
boucher de Lyon » quand il y était chef
de la Gestapo.
Plus de détails et bande annonce du film
: ICI
3°) Les mémoires et la politique : du devoir de mémoire à la « commémorativite » ?
Dans les années 90, à la suite des grands procès Barbie ou Papon la classe politique
s’empare du devoir de mémoire et lève les ambiguités vis à vis de l’Etat Français de Vichy.
En 1992, François Mitterrand est le premier à se rendre à la cérémonie commémorant la rafle
du Vel d’Hiv, même s’il ne reconnaît pas la responsabilité de la République, « qui n’est pas
comptable des actes de Vichy ».
Voir ce reportage de France 2 le soir de la commémoration le 16 juillet 1992… 50 ans après le
sujet est toujours brulant !
Les révélations sur le passé Vichyste du
président Mitterrand, ses liens avec René
Bousquet qu’il recevait à l’Elysée ainsi que
ses gerbes déposées sur la tombe de
Pétain ont alimenté sur un plan mémoriel,
les scandales de la fin de son 2e mandat.
(voir diapo suivante)
En 1994, le journaliste Pierre Péan publie un
livre sur François Mitterrand qui fait scandale :
l’opinion publique découvre que le Président de
la République socialiste avait un poste
subalterne à Vichy entre janvier et octobre 1942,
date à laquelle il reçoit même la Francisque
(décoration) des mains de Pétain.
Mitterrand a été « maréchaliste » comme
beaucoup de français de l’époque, tout en étant
résistant à partir de l’hiver 42-43.
Ce genre de comportement était pourtant bien
documenté par les historiens, mais il a fallu
cette affaire pour que cette mémoire s’exprime
publiquement.
A propos de ceux qui ont d’abord été Pétainistes
avant de rentrer en résistance, l’historien Jean-
Pierre Azéma a inventé le terme de « Vichysso-
résistant »
Pour approfondir cette question, on peut lire
cette interview de Pierre Péan publiée dans
Libération
3°) Les mémoires et la politique : du devoir de mémoire à la « commémorativite » ?
Dans les années 90, à la suite des grands procès Barbie ou Papon la classe politique
s’empare du devoir de mémoire et lève les ambiguités vis à vis de l’Etat Français de Vichy.
En 1992, François Mitterrand est le premier à se rendre à la cérémonie commémorant la rafle
du Vel d’Hiv, même s’il ne reconnaît pas la responsabilité de la République, « qui n’est pas
comptable des actes de Vichy ».
Voir ce reportage de France 2 le soir de la commémoration le 16 juillet 1992… 50 ans après le
sujet est toujours brulant !
Mais c’est Jacques Chirac, qui
dans un discours de 1995
reconnaît officiellement la
responsabilité des autorités
françaises dans l’exécution des
crimes nazis lors de la
cérémonie commémorant la
rafle du Vel d’hiv.
Mais il faut un film engagé de rachid
Bouchareb pour que la République
reconnaisse (enfin ?!) en 2006 le rôle
déterminant des combattants nord-africains et
qu’ils voient leurs pensions revalorisées à
égalité avec les anciens combattants de
métropole…
Reportage sur le film au journal de France 2
Et interview des acteurs le même soir.
On peut cependant regarder d’un œil critique les commémorations et le devoir de mémoire
dont s’emparent les politiques, qui ne sont pas toujours dénuées d’arrière pensées
politiciennes :
La lettre de Guy Môquet, jeune militant communiste fusillé comme otage, dont le président
Sarkozy souhaitait en 2007 qu’elle soit lue dans tous les lycées…
La boulimie commémorative du Président Hollande dans un « agenda mémoriel » chargé en
2014 (centenaire de la 1ere guerre mondiale et 60e anniversaire de 1944 et de son cortège de
débarquements, de libérations et de drames…)
Enfin, quelques mots sur les lois mémorielles qui on provoqué tant de débats entre les
historiens, soucieux de défendre leur liberté de recherche, et les politiques, préoccupés par la
défense de la mémoire.
La loi Gayssot de 1990, première des lois mémorielles, tendant à réprimer « tout acte raciste,
antisémite ou xénophobe », crée le délit de négationnisme du génocide des Juifs. Elle a été
adoptée dans un contexte de publicité des thèses du négationniste Robert Faurisson remettant
en cause le génocide des Juifs et de leur exploitation par l’extrême-droite. Son but était de
lutter contre ce négationnisme et de reconnaître la douleur des survivants et des descendants
des victimes face à ces remises en cause.
Les lois suivantes ont repris ces objectifs de lutte contre la négation de faits historiques avérés
(génocide arménien, esclavage, traite négrière) et de reconnaissance symbolique des
mémoires blessées (Arméniens, habitants des départements d’outre-mer, anciens colonisés,
rapatriés, Harkis).
La question de l’efficacité de ces dispositifs est en débat, en particulier depuis la loi de 2005
évoquant le "rôle positif de la présence française outre-mer".
Ces lois peuvent-elles établir une vérité historique ? N’incitent-elles pas à une "guerre des
mémoires" ? Ne remettent-elles pas en cause les frontières entre histoire et mémoire ?
Source : La Documentation Française
Mémorial du col du Pas (Gard) dédié aux
résistants et maquisards cévenols
52 52