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Histoire de l’art mise en page : Med Arafet Ben Abderrahmen www.histoiredelart.net Les courants artistiques de la peinture

Histoires de l'art

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Histoires de l'art, les courants artistiques de la peinture

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Histoire de l’art

mise en page :Med Arafet Ben Abderrahmenwww.histoiredelart.net

Les courants artistiques de la peinture

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2 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

L’art est avant tout un langage

Parole de la forme, de la matière et de la couleur. Pour en raconter l’histoire il est impossible et même inutile de rechercher la première oeuvre. Cela reviendrait à enfermer l’Art dans le carcan trop étroit de la définition.

Langage, il l’est à part entière : décoratif, narratif, politique, expression d’un sentiment, que cela soit volontaire ou non, il a depuis toujours été le reflet des moeurs et des sentiments d’une époque ou d’une civilisation. Le changement social s’est traduit essentielement par l’évolution technique et idéologique du système de représentation. Devenu, avec le temps, une science au niveau théorique aussi bien que pratique, l’image s’est dirigée dans de multiples directions, celles que l’artiste a décidé d’explorer.

La notion d’art englobe un vaste ensemble de points de vue : que l’on cherche à idéaliser pour rendre beau ou au contraire à déranger pour exprimer des sentiments liés à la peur ou à l’angoisse, la représentation picturale a su s’adapter à la pensée humaine dans toute sa diversité et sa complexité.

Depuis la Préhistoire jusqu’au début du XXeme siècle, l’art a toujours été figuratif, c’est à dire que l’image créée cherche à imiter ce que l’on voit que ce soit d’une manière réaliste ou pas, selon le propos que l’artiste cherche à faire passer. Les sentiments de révolte et d’insatisfaction nés des grands bouleversements sociaux ont modifié cette figuration qui finalement s’écroulera sous les coups de la science.

La découverte des notions d’infiniment grand et d’infiniment petit imposera au peintre le problème de

représenter une réalité que l’on sait mais que l’on ne voit pas.

Après des siècles de recherches sur la figuration, s’est imposée la nécessité de mettre en image l’idée subjective, invisible.

Si l’on considère que l’art est né avec l’homme il y a plus d’un million d’années, l’abstraction, elle, n’a que 100 ans. Les deux systèmes de représentation, figuration et abstraction, sont divisés en styles que l’on n’utilisera pas pour emprisoner l’oeuvre dans une classification mais simplement pour aider à mieux comprendre l’évolution de ce langage qu’est l’image fabriquée, fragment de l’histoire des civilisations : l’histoire de l’art.

L’art est anarchiste car il s’est toujours créé des règles afin de mieux pouvoir s’en libérer. C’est d’ailleurs la raison de sa perpétuelle évolution, de son changement, en douceur ou avec violence.

La société contemporaine, devenue société de consommation, à fait naître de l’Art, l’art appliqué. De l’artiste est né le graphiste, du dessinateur l’illustrateur. Leur travail est parallèle mais l’influence est réciproque et va quelquefois jusqu’à la fusion des genres. Les moyens modernes liés au numérique n’ont fait que rebondir sur un débat artistique dont l’expression n’est pas prêt de trouver un terme.

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3 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

— Les courants artistiques de la peinture —

Même si tous les artistes ne se sont pas toujours exprimés conformément aux canons des mouvements picturaux de leur époque, la notion de “courant”, à

prendre avec précaution et avec distance, permet de regrouper d’une manière schématique les différents langages visuels à travers leurs époques et de distinguer

d’une manière générale, les grandes étapes de l’histoire de la peinture.

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Le GothiqueLe mouvement gothique commence à s’étendre en

Europe durant la première moitié du XIIeme siècle. Les dimensions colossales de l’architecture religieuse s’épanouissent sur tout le monde chrétien dans un style commun appelé gothique international.

La sculpture et la peinture, systématiquement porteuses d’un message eschatologique, évoquent en permanence la présence de la mort imminente (au moyen âge l’espérance de vie était d’une trentaine d’années environ). L’image a avant tout pour vocation d’éduquer le fidèle, qui ne sait alors ni lire ni écrire, en lui transmettant un ensemble de règles civiques et morales qui maintiennent l’équilibre social dans une société où le pouvoir est souvent du côté du plus fort.

UN LANGAGE AU SERVICE DE LA RELIGION

Les sujets traités sont tirés de la Bible et des évangiles. Les supports sont les livres enluminés, les retables des églises et les vitraux des édifices religieux. Les couleurs sont vives et fortement contrastées, souvent sur fond doré abstrait, cela créant un effet impressionnant chez le spectateur pour qui la couleur est quasiment absente du quotidien. Pour les habitants des villes, la vie au moyen âge se déroule dans un environnement brun, marron, gris... Les seules touches de bleu, de jaune ou de rouges qu’il pourrait croiser se trouvent dans les vêtements réservés aux nobles et à l’intérieur des églises.

La narration évoquée dans l’image doit être simple et accessible à tous. Le fidèle habitué à la symbolique des motifs utilisés à l’époque, reconnaît aisément l’objet du tableau. La mise en page se prête même quelquefois à la disposition en cases dans lesquelles le personnage principal est représenté à divers moments importants

de son existence. L’unité de lieu et de temps n’apparaîtra dans les tableaux qu’avec la renaissance et l’invention de la perspective linéaire.

Le réalisme dans le traité des personnages n’est pas le souci du peintre gothique. La ressemblance à un individu particulier est considérée par l’Eglise comme un signe d’orgueil et de vanité, ce qui explique qu’aucun portrait avant celui de Jean II le bon vers 1360 n’est été retrouvé. Les symboles utilisés suffisent souvent à identifier les figures auxquelles sont attachés les sujets : la croix ou les stigmates pour le Christ, l’auréole pour les saints, les clefs pour Saint-Pierre, etc... Leur taille dépend de leur importance sociale ou spirituelle. Le Christ, la vierge ou le saint qui font généralement le sujet principal de l’oeuvre sont représentés plus grands que les autres personnages de second ordre.

L’absence d’éclairage ne permet pas au volume d’exister, les personnages semblent plats et mal intégrés à l’arrière-plan. Néanmoins le style gothique apporte une attention particulière au détail décoratif et offre une image au langage doux et agréable à contempler.

LA REVOLUTION GIOTTO

Avec le XIVeme siècle apparaissent les premières recherches sur la profondeur mais l’illusion perspective reste fausse. La découverte des règles mathématiques nécessaires à sa construction rigoureuse sera à l’origine du grand bouleversement artistique encore à venir mais qui s’annonce déjà dans la nouveauté stylistique du peintre Giotto : il humanise les personnages en leur donnant un visage expressif. L’utilisation d’ombres dégradées lui permet d’apporter un certain volume qui

Simone Martini - Annonciation 1333

Matteo Di pacino - Apparition de la Vierge - 1360

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rend ses figures plus réalistes et plus présentes. En Italie, le courant laisse place au style renaissance dès le premier quart du XVème siècle alors que le gothique continu son expression jusqu’en 1500 environ en France et dans les pays du nord de l’europe où la peinture se tourne en douceur vers un style résolument nouveau tout en conservant certains aspects du mouvement finissant.

Le contexte politique

France

Philippe IV le bel 1285 - 1314

Louis X 1314 - 1316

Philippe V 1316 - 1322

Charles IV le bel 1322 - 1328

Philippe VI 1328 - 1350

Jean II le bon 1350 - 1364

Charles V 1364 - 1380

Charles VI 1380 - 1422

Début de la guerre de 100 ans en 1336. Les Papes s’installent à Avignon à partir de 1309, ce qui conduit au Grand Schisme en 1418

Musique

Le moyen-âge voit l’apparition de la musique vocale polyphonique avec le chant grégorien, le motet et le chant courtois. Les instruments les plus courants sont la vièle, la cornumuse, les flûte, la harpe, la lyre et le psaltérion.

Littérature

La littérature médiévale est marquée par la chanson de geste et la poésie lyrique. Les auteurs les plus célèbres : Chrétiens de Troyes (Roman de la Rose, Lancelot, Perceval), Rutebeuf, Dante.

Œuvres anonymes : Tristan et Iseult, Romans de la Table Ronde, Chanson de Roland, Roman de Renart…

Giotto - Christ mort - 1305

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Duccio -Vierge à l’enfant - 1285Giatto -Vierge à l’enfant - 1310

Giovanni del Biondo - Saint Jean - Baptiste - 1365 Paolo Veneziano - Naissance de Saint Nicolas - 1346

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Anonyme - Vie de Sainte Madeleine - vers 1285

Mise en Tambeau - fin du XIII siècle Portrait de Jean II le bon - vers 1360

Lorenzo Monaco - Couronnement de la Vierge - 1413

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La renaissance Le courant renaissance couvre une période longue de deux siècles durant lesquels la peinture s’exprime différemment selon la région, l’école picturale ou encore le contexte politico-social. Ce vaste mouvement est généralement divisé en trois périodes : la première renaissance (1400 - 1500), la renaissance classique (1500 - 1520) et le maniérisme (1520 - 1600).

Le nouveau style s’impose d’abord en Italie dès le XVe

siècle. Dans le reste de l’Europe le gothique international continu de prospérer mais les grands bouleversements sociaux, politiques et scientifiques obligeront l’art à proposer de nouveaux moyens d’expression afin d’établir un langage pictural représentatif d’une époque où les mentalités et les points de vue ont radicalement évolué par rapport au moyen âge : la prise de Constantinople en 1453 annonce le recul du pouvoir absolu du christianisme sur le monde occidental et la philosophie humaniste naissante amène peu à peu l’Homme au centre des préoccupations à la défaveur de la figure divine qui occupait jusqu’alors la place la plus importante. Cela ne signifie pas que l’homme de la renaissance s’éloigna de la foi catholique, bien au contraire, mais un changement de valeurs est incontestable dans son rapport vis-à-vis de Dieu.

La découverte de l’Amérique en 1492 dévoile un monde beaucoup plus vaste que ce que l’on croyait et excite la convoitise et l’ambition des monarques des grands Etats européens, devenus titulaires d’un pouvoir de plus

en plus centralisé. Le pape n’est plus le chef spirituel auquel on vouait une allégeance aveugle mais devient un concurrent que l’on cherche à s’allier ou au contraire à soumettre. Enfin, l’invention de l’imprimerie par Gutenberg vers 1440 va diffuser le savoir jusqu’alors jalousement gardé par le clergé et surtout permettre l’essor de nouvelles idées ou de points de vue

Fra Angelico - Annonciation - 1432

Andrea Mantegna - Saint Sébastien - 1455

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scientifiques sans que cela ne soit systématiquement soumis à l’autorité ecclésiastique. Libérés du mode de vie féodal, les Européens voyagent de cours en cours, marchands et banquiers investissent des marchés à dimensions internationales. Les artistes, entraînés dans ce mouvement qu’ils servent par le prestige qu’ils apportent à leurs commanditaires, se rencontrent, s’influencent, échangent, et reviennent chez eux riches de nouveaux acquis. Les plus doués se voient accorder une gloire et un statut social considérable, ce qui était impensable pour un artisan du moyen-âge.

LA PREMIERE RENAISSANCE

Dès le premier quart du siècle, la fracture avec l’ancien système est annoncée, d’abord avec l’invention de la perspective qui propose un schéma de lecture inédit puis avec la redécouverte de l’art antique que l’on cherchera à imiter et à intégrer dans l’architecture, la sculpture et la peinture. Le volume est créé en utilisant des dégradés en clair-obscur et l’ombre portée va ajouter à la mise en place des éléments au sein du décor. L’évolution de la technique permettant un mimétisme fidèle du motif vient encore ajouter au réalisme de la nouvelle composition. La soif de savoir apportée par l’humanisme va faire entrer les artistes dans une compétition pour une idéalisation de la beauté en tenant compte des connaissances mathématiques, littéraires, mythologiques et scientifiques. Néanmoins, si les italiens développent un style particulier dès le début du siècle, l’influence septentrionale se fait rapidement sentir. Les marchands italiens ou Brugeois participent à la diffusion des oeuvres nordiques au sud ainsi que les voyages des maîtres flamands appelés dans les cours italiennes. Les studiolos (cabinets privés destinés à réunir des collections d’oeuvres d’art) que possèdent les grandes familles au pouvoir dans les cités-Etats de la péninsule favorisent également l’ascendant nordique dans la peinture italienne.

La renaissance, avec l’apparition de la perspective linéaire, va révolutionner la composition picturale et poser les bases de la représentation pour les 5 siècles à venir, jusqu’à ce qu’au XXe siècle le cubisme et l’abstraction mettent à bas ce système et permettent à l’art d’explorer de nouveaux horizons.

Après Giotto, les artistes européens se sont posé le problème de représenter l’illusion de la profondeur et de la troisième dimension dans l’espace bidimensionnel du tableau afin de créer des images dont le rendu serait au plus proche de la vision humaine.

C’est dans ce contexte que les efforts combinés du peintre Masaccio, du sculpteur Donatello et de l’architecte Brunelleschi ont abouti à la mise en place d’un système mathématique précis : la perspective monofocale centralisée. Dès lors la scène possède une unité de lieu, de temps et d’action. La composition gothique devint du

coup inutile et l’image s’exprima à travers un nouveau langage capable de traduire le nouveau mode de pensée dans lequel l’homme, en accord avec la philosophie humaniste, se trouvait non seulement au centre de la composition grâce aux lignes de construction convergeant toutes vers un point de fuite unique mais aussi sujet central, exclusif et absolu du tableau.

L’invention de la perspective, même si l’on peut la dater avec précision de la fin de la première moitié du XVe siècle à Florence, est le fruit d’un travail commencé un siècle plus tôt. Plusieurs systèmes ont été essayé avant l’adoption de la méthode monofocale centralisée pour les raisons décrites ci-dessus. Perspective bifocale centralisée (deux points de fuite au centre du tableau) ou latéralisée (deux points de fuite à gauche et à droite du tableau) et perspective tournante (augmentation de la taille du sujet vers le centre du tableau, basée sur la vision que l’on a dans un miroir convexe et qui produit un fort effet de mouvement) ont été étudiés au début du siècle avant d’être abandonnées en partie à cause de la difficulté de réalisation qu’elles présentaient.

La perspective atmosphérique, qui utilise le dégradé de tons colorés chauds/froids combinés à un aspect vaporeux de plus en plus prononcé vers l’arrière-plan, est favorisée dans la peinture septentrionale mais aussi chez les peintres italiens à partir de la génération de Léonard de Vinci qui

Masaccio - Saint-Pierre - 1426

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ont subi l’influence du mouvement flamand.

L’humanisme permet également au portrait d’apparaître, genre jusqu’alors prohibé par le pouvoir religieux pour lequel l’individu n’avait pas d’importance en soi. Il côtoie la peinture d’histoire (scènes religieuses et mythologiques) chez les grandi désireux de laisser derrière eux une trace de leur existence. D’abord présenté de profil avec un cadrage aux épaules, le portrait se verra ajouté un paysage dans l’arrière-plan puis, grâce à l’influence flamande, se montrera au spectateur de trois-quarts face.

Enfin, la première renaissance est marquée par la mode de l’antique que l’on retrouve aussi bien dans l’architecture, la sculpture et la peinture. Les artistes, souvent érudits, étudient la philosophie ainsi que les vestiges greco-romains afin d’en imiter le style qu’ils intègrent dans leur travail. Ce rapprochement de l’art païen et de la religion chrétienne témoigne d’une volonté particulière de l’homme de la renaissance, conscient de vivre une époque nouvelle, de rompre totalement avec le moyen âge en se parant d’une image rappelant la grandeur passée de l’empire romain. Dès la seconde génération de peintres de la haute renaissance italienne, tels que Mantegna ou Botticelli, les artistes n’auront de cesse d’imiter et d’assimiler le style all’antica.

Les canons énoncés dans la philosophie d’Aristote et de Platon amèneront la peinture italienne à une idéalisation de la beauté que ce soit dans la représentation des paysages, du portrait ou dans les proportions mathématiques du corps dont témoigne l’homme de Vitruve que Léonard de Vinci mis en image d’après les écrits de l’architecte romain. Cette recherche du beau idéal et de la représentation de la dignité humaine marque la différence fondamentale entre le style italien et la peinture d’Europe du nord.

Si les italiens proposent une peinture intellectuelle, réfléchie et philosophique, les flamands traduisent avant

tout les sentiments intérieurs à travers un dessin expressif et poétique. Leur version de la beauté se ressent dans des oeuvres dont les figures semblent vivantes tant le souci du détail est travaillé avec une virtuosité que l’on retrouve dans les objets, les matières, l’éclairage et les effets lumineux. Les portraits ne sont pas idéalisés comme le font les peintres italiens. Rides, taches de la peau, boutons, cicatrices ne sont pas épargnés à leurs modèles. Ce réalisme si particulier rend le sujet animé, l’âme est présente sous l’image où le beau s’exprime dans l’authentique.

Admiratifs d’une telle habileté, des peintres italiens de la seconde moitié du XVe siècle l’intégreront à leur manière de peindre sans toutefois renoncer à l’idéal esthétique propre à la peinture méridionale.

L’influence flamande (van Eyck en particulier) se retrouve également dans la peinture italienne au niveau de la composition du tableau d’autel où la scène religieuse est peinte dans le même espace que celui des donateurs alors que la tradition voulait qu’ils soient placés sur les panneaux latéraux. La peinture à l’huile, issue elle aussi de l’atelier de Jan van Eyck, apportera aux artistes de l’Europe entière une technique leur permettant de retoucher à plusieurs reprises les tableaux qui, jusqu’alors, étaient faits avec de la tempera dont le liant principal issu du jaune d’oeuf séchait très rapidement. Dès lors, la complexité d’exécution des dessins se trouvait libérée de toute contrainte.

LE XVe SIECLE ITALIEN

Durant la première moitié du XVe siècle, c’est à Florence que se font sentir les premiers changements avec les styles monumentaux de Masaccio et de Fra Angelico. Si les influences gothiques sont encore présentes au début, la maîtrise mathématique du traité perspectif va donner au mouvement son identité propre.

A Urbino, la peinture est dominée par la personne de Piero della Francesca. Mathématicien hors pair, il s’exprime à travers une peinture au traité scientifique où la perspective et l’étude la lumière vont faire l’admiration de ses contemporains.

Successeur de Masaccio, Fra Filippo Lippi va donner une place privilégiée à la femme dans ses oeuvres et modifier l’ordre des éléments dans la composition du tableau. La deuxième moitié du XVe siècle est marquée par son élève : Sandro Botticelli. Attaché à l’humanisme en vogue, il est l’un des premiers à intégrer des motifs antiques dans des scènes quelquefois tirées directement de la mythologie classique. A son image mais avec un traité différent, Andrea Mantegna apporte le nouveau style à la cour de Mantoue et le fera rayonner jusqu’à Ferrare. Les grandes familles dirigeantes des cités-Etats adoptent très vite le mouvement moderne et mettent en place un mécénat qui entretient les plus grands peintres de l’époque.

Andrea Mantegna - Christ mort - vers 1480

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Filippino Lippi, après avoir étudié sous la férule de Botticelli, acquière un style personnel et devient un artiste réputé de son vivant. Il garde néanmoins de son maître un dessin aux contours harmonieux et la douceur de ses figures.

Parmi les peintres de cette génération, Domenico Ghirlandaio est sans conteste celui qui est considéré comme le plus grand des maîtres florentins. Son influence sur les peintres de la génération suivante, dont Léonard de Vinci, est incontestable. Comme Botticelli il sera appelé à Rome pour participer à la rénovation de la chapelle sixtine.

Pérugin, se caractérise par une peinture empreinte d’une douceur particulière ainsi qu’une expression des sentiments chez ses sujets qu’il semble être le seul à réussir à mettre en image dans une extraordinaire tonalité. De son atelier sortiront de prestigieux acteurs de la renaissance classique du début du siècle suivant : Pinturicchio et Raphaël.

Enfin, à Venise, l’art est marqué de l’empreinte de la famille Bellini dont le plus célèbre, Giovanni, annonce déjà un style beaucoup plus gai et coloré que celui des florentins et qui fera l’identité propre de la peinture vénitienne.

LA RENAISSANCE DU NORD ET L’ECOLE FLAMANDE

Si les primitifs flamands ont largement inspiré les italiens, l’influence est beaucoup moins flagrante dans l’autre sens. Toutefois les peintres des pays du nord empruntent à leurs homologues du sud la représentation de sujets antiques ou mythologiques. Le renouveau flamand se fait sentir beaucoup plus lentement qu’en Italie et s’installe d’abord dans la finesse des détails apportés à la nature et aux matières. La peinture ne présente pas de rupture radicale avec le moyen âge dont elle s’approprie des visions souvent fantastiques.

Les fondateurs du courant renaissant en Flandre sont les frères van Eyck et Rogier van der Weyden. Jan van Eyck après un début d’activité à Maastricht s’installe à Bruges, à la mort de son frère, alors pôle économique central des pays du nord. Il sert principalement les cours princières de la région et jouit d’un statut social important. Alors inégalé dans le réalisme qu’il apporte aux portraits et à la nature, ses oeuvres, austères et doucement pieuses à la fois, sont à considérer comme le moteur d’un style pictural qui sera approfondi par les peintres des générations suivantes, qu’ils soient flamands ou bien italiens.

L’évolution stylistique néerlandaise est palpable dans le travail de Rogier van der Weyden actif à Bruxelles et à Louvain. En fondant l’école du Brabant il pose les bases qui influenceront les artistes majeurs qui sortent de son atelier. Le plus célèbre d’entre eux, Hans Memling, laisse

Antonella de Messine - Saint Jérôme dans son cabinet de travail - 1460

Fra Filippo Lippi - Vierge à l’enfant avec deux anges - 1465

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une importante production ou la virtuosité technique l’emporte sur le caractère sous-jacent de ses sujets, contrairement à van Eyck.

Mais le plus énigmatique des peintres de la renaissance flamande reste sans aucun doute Jérôme Bosch dont une grande partie de son oeuvre est constituée d’images hors du commun dans lesquelles l’imagination débordante du peintre vient se mélanger à un langage métaphorique, mystérieux et occulte. Marqué par le contexte d’austérité religieuse qui marque les régions les plus au nord de la Hollande, il exprime un sentiment de piété personnelle au travers d’une critique acerbe de son époque et de ses contemporains.

Son style particulier influencera au siècle suivant des peintres tels que Bruegel l’ancien qui, hormis quelques peintures religieuses, laisse un témoignage captivant de la vie quotidienne du monde rural flamand au début du XVIe siècle.

En Allemagne Albrecht Dürer propose à ses débuts une peinture fortement influencée par le style gothique mais il fait évoluer la composition en créant des scènes dans lesquelles sont ordonnés de nombreux personnages. Ses voyages en Italie le font progresser vers un style plus épuré et coloré. Hormis des peintures à l’huile et à l’aquarelle il produit également de nombreuses gravures sur cuivre et sur bois ainsi que des eaux-fortes.

Parmi les grands maîtres allemands du XVe et XVIe siècles, il faut citer Cranach l’ancien dont une grande partie de son oeuvre sert les idées luthériennes de l’époque

et Hans Holbein le jeune. Celui-ci adopte très vite un style libéré de l’esprit gothique encore présent chez ses contemporains. Il atteint l’excellence dans l’imitation de la nature et intègre une dimension psychologique dans les portraits qu’il réalise. Sa passion pour l’art antique le rapproche, d’une certaine manière, des peintres italiens même s’il conserve un traité propre au style septentrional.

En France, à l’image de la Bourgogne et de la Flandres, la peinture ne subit pas l’influence italienne. Les artistes majeurs y sont peu nombreux et le style renaissance ne s’affirme réellement vis-à-vis du gothique qu’à partir de la seconde moitié du XVe siècle. Les peintres les plus représentatifs sont Jean Fouquet, Jean Clouet puis son fils

François au début du XVIe siècle qui continuera à peindre à la façon flamande, très attaché au mimétisme de la nature, avant que le maniérisme ne répande son influence sur l’Europe entière.

LA RENAISSANCE CLASSIQUE

La période appelée classique correspond à la période d’activité de Raphaël (1500 - 1520) qui impose à son époque un style adopté par tous comme modèle du langage figuratif pictural. Bien entendu le style classique n’est pas une invention du seul Raphaël mais un aboutissement artistique, fruit des recherches commencées un siècle plus tôt par tous les acteurs du quattrocento.

Généralités

Les grandes questions philosophiques soulevées par le siècle précédent et les réponses apportées par les recherches sur la perspective trouvent aux alentours de 1500 une codification stylistique que l’on observe chez la grande majorité des peintres de l’époque, qu’ils y soient arrivés à leur période de maturité comme le Pérugin ou de Vinci, ou qu’ils l’aient utilisée comme base de leur apprentissage artistique.

Totalement intégrée à la culture humaniste, la peinture, devenue savante, propose désormais une figure originale de

Léonard Da Vinci & Andrea del Verrocchio - Le baptême de Christ - 1475

Pierro della Francesca - Portraits du duc et de la duchesse - d’Urbino - 1465

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l’être humain dans un souci de cohérence entre le résultat visuel de l’oeuvre et le sens de ce qui y est représenté. Le peintre doit maîtriser les techniques qui lui permettent un mimétisme proche de la réalité ainsi que posséder une érudition particulière afin d’intégrer des motifs en accord avec le sujet : les épisodes religieux ou mythologiques, par exemple, sont représentés dans un décor d’époque et les personnages sont vêtus à la mode de la Rome antique.

Si les motifs sont tous issus de la réalité, l’objet du tableau reste néanmoins au service du message, qu’il soit politique ou religieux. Les éléments sont assemblés dans l’espace de manière à créer la narration voulue. L’organisation de la scène utilise la symétrie et la composition en triangles imbriqués.

La place accordée à l’Homme est essentielle. Les artistes italiens et leur expression caractéristique de la beauté idéale, proposent un personnage modèle, digne, qui maîtrise ses passions pour servir une cause religieuse, philosophique ou politique.

FLORENCE ET ROME

Au début du XVIeme siècle Rome est devenu le nouveau centre artistique italien. Les peintres florentins y sont appelés à travailler pour le compte des papes. Seul Léonard de Vinci reste éloigné du faste et de l’opulence que connaissent les grands peintres de son époque. La modernité qui lui était reprochée durant ses années de jeunesse est enfin accueillie à sa juste valeur. Il apporte une dynamique nouvelle dans ses représentations de groupes

aux seins desquelles les personnages participent tous à une même action. Sa technique du sfumato lui permet d’intégrer parfaitement les figures aux paysages, qu’il aime insolites et mystérieux. Il laisse des oeuvres magistrales à Milan avant d’être appelé en France, à la fin de sa vie, à la cour du roi. François Ier qui avait reconnu en Léonard le génie, sut tirer profit de ses talents de peintre mais aussi d’architecte et d’ingénieur.

Au Vatican s’affrontent Michel-Ange et Raphaël. Le premier, sculpteur avant tout, s’attache en peinture à un style aux contours prononcés et à une plastique des corps qui rappelle le volume de la sculpture. A l’opposé de Léonard il ne s’attarde pas à faire ressortir l’âme de ses personnages. Pour lui seul compte l’aspect spirituel qu’il cherche à exprimer dans le message pictural. Raphaël, contrairement à son rival, dont il adopte néanmoins le mouvement et la profondeur, s’exprime dans un style doux aux nuances subtiles qu’il a hérité du Pérugin et du sfumato de Léonard de Vinci. Il atteint la perfection dans le dessin et est reconnu de son vivant comme le plus grand des peintres.

Ces trois génies ont laissé une impression si forte sur leurs contemporains que les artistes de la génération suivante devront chercher une nouvelle expression picturale afin de pouvoir s’affirmer. C’est dans ce contexte que le style classique s’effacera pour laisser place au maniérisme.

L’ECOLE DE VENISE

Alors que la peinture florentine persévère à offrir un rendu

Sandro Botticelli - Le printemps - 1478

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lisse, le style vénitien s’en démarque par un travail original de la couleur et de la matière. A la fin du quattrocento, Venise possède un genre pictural personnel caractérisé par une tonalité et une utilisation particulière de la nuance et du contraste coloré. Située au carrefour des cultures italienne, flamande et bizantine, la Sérenissime s’approprie les tendances et grâce au talent de ses artistes, des Bellini à Titien, explore des voies nouvelles en terme de composition et d’éclairage. La symétrie autour d’une figure centrale est brisée pour une construction plus décalée mais tout aussi harmonieuse.

Dans la seconde moitié du XVIe siècle, l’école de Venise cède aux tentations du maniérisme avec Tintoret et Véronèse.

Giovanni Bellini rend possible la présence d’une lumière diffuse accompagnée de couleurs fortement contrastées. Giorgione de son côté, met en place un clair-obscur qui provoque un éclairage très lumineux dans des paysages mystérieux et secrets. A l’image du reste de l’Italie, la peinture vénitienne amalgame les motifs réels et imaginaires au sein d’une représentation à la beauté idéalisée.

Avec Titien c’est la victoire de la couleur sur le dessin. C’est elle qui constitue le rendu des matières, l’atmosphère et même l’expression du sujet. Reconnu comme le plus grand portraitiste de son temps il affronte sur la scène artistique Lorenzo Lotto et le Tintoret. Ce dernier, déjà engagé sur les chemins du maniérisme, utilise une tonalité

dorée faite de contraste d’ombre et de lumière. Il compose ses éléments selon une construction souvent inclinée. A l’opposé, Véronèse s’attache à un certain classicisme qu’il associe à une mise en scène explosive et surprenante.

Sandro Botticelli - La Naissance de Vénus - 1484

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15 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Léonard Da Vinci - Annonciation - 1475

Léonard Da Vinci - Portrait de Mona Lisa «La Jocande» - 1513

Léonard Da Vinci - Vierge aux rochers - 1485 Pieter Bruegel l’ancien - Les noces campganardes - 1568

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16 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Léonard Da Vinci - La dame à l’hermine - 1490

Véronèse - Les noces de Cana - 1571

Léonard Da Vinci - Homme de Vitruve

Titien - Vénus d’Urbin - 1538

Michel-Ange - Jugement dernier Chapelle Sixtine - 1541

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17 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Léobard Da Vinci - La Cène - 1497

Raphaël - Madone Sixtine - 1514Le Perugin - Le mariage de la Vierge - 1504

Domenico Ghirlandaio - Adoration des mages 1487

Michel Ange - Plafond de la chapelle Sixtine 1512

Piero di Casimp - Portrait de Simonetta Vespucci 1485

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18 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Domenico Ghirlandaio - Portrait d’un vieil homme et son petit fils - 1490

Raphaël - Madone Bridgewater - 1507 Raphaël - Portrait du Pape Jean II- 1512

Philippino Lippi - Vierge à l’enfant avec St jean-Baptiste, St Victor, St Bernard et St Zenobe - 1486

Page 19: Histoires de l'art

19 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Raphaël - Portrait du Pape Jean II- 1512

Giorgione - La tempète - 1507

Raphaël - L’Ecole d’Athène - 1510

Tintoret - La découverte du corps de St Marc - 1562

Giovanni Bellini - Portrait du doge Leonardo Leredan - 1504

Andrea del Sarto -Vierge à l’enfant avec St François et St jean-Baptiste - 1517

Corrège - l’Assoption de la Vierge vers 1526

Page 20: Histoires de l'art

20 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Véronèse - Le repas chez Levi - 1573

Lorenzo Lotto - Portrait de Lucrezia Vallier - 1533

Hubert & Jan Van Eyck - Retable de l’Agneau Mystique - 1432

Hans Baldung Grien - Les trois âges et la mort - 1440Jan Van Eyck - Portrait des époux Arnolfini - 1434 Pieter Bruegel l’ancien - la tour de Babel - 1563

Copie d’après Jan Van Eyck - l’Homme à l’oeillet - 1475Tetien - Retable Pesaro - 1526

Rogier van der Weyden - Crucifixion

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21 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Hans Holbein le jeune - Les Ambassadeurs - 1533

Rogier van der Weyden - Jugement dernier - 1449

Jérôme Boche - Le jardins des Délices vers 1504

Jean Fouquet - Vierge à l’enfant - 1450

Jan van Eyck - La Vierge au chancelier Rolin - 1435 Mathias Grünwald - Crucifixion Retable d’Issenheim - 1515

Jean Clouet - Portrait de François 1er - 1525 Titien - Flora - 1514

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22 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Le ManiérismeRaphaël est reconnu comme celui ayant réussi à atteindre la perfection en peinture. Les artistes de la génération suivante vont devoir trouver une nouvelle manière de s’exprimer. C’est dans le développement de leurs styles personnels qu’ils vont pouvoir proposer un langage pictural différent du classicisme et adapté à une époque où l’ordre religieux se dirige vers le schisme entre catholiques et protestants.

La période qui suit les années 1520 connaît une transformation complexe des mentalités. L’art s’y adapte et les peintres, s’ils continuent à copier la nature d’après les bases classiques, s’occupent à réaliser des images dans lesquelles ils intègrent un esprit «artificiel», tant au niveau de la gestuelle des personnages que dans l’insertion de motifs quelquefois insolites.

Certains de ne pouvoir faire mieux que Raphaël, les artistes cherchent à s’en démarquer par une manière de peindre qu’ils trouvent dans un déploiement d’artifices de leur invention. Chaque peintre trouve un style qui lui est propre, qui le différencie des autres et qui lui assure ainsi sa légitimité artistique. Le courant, paradoxal, combine l’invention personnelle de l’artiste avec des codes précis à respecter pour être en accord avec la manière officielle. Il faut imaginer le maniérisme comme une langue commune que chacun parlerait avec son propre accent.

La disparition du «plus grand des peintres» n’est pas la seule raison de ce changement. Le maniérisme traduit également les interrogations d’une société qui commence à mettre en place des éléments de réponse au problème religieux qui remet en question l’autorité papale. Cela conduira à la fin du siècle à la contre-réforme et au profond bouleversement social qui s’étendra à toute l’Europe.

Un goût commun commence à se faire sentir dès la moitié du XVe siècle : les proportions mathématiques sont délaissées au profit d’une déformation des corps en hauteur. Michel-Ange et ses rythmes déliés sont repris. La réponse que Botticelli avait apportée avec sa Naissance de Vénus au problème d’équilibre et d’harmonie est appliquée au sujet, quelquefois jusqu’à l’exagération. Cela permet l’apparition d’une ligne «serpentine» (ligne de construction de forme sinueuse) qui devient vite l’identité de la «grande manière». Les couleurs sont souvent froides et les corps s’exposent en contrapposto (torsion du corps selon deux axes opposés) dans une pâleur minérale. Les gestes sont éloquents, figés dans des postures théâtrales. L’éclairage peut perdre son aspect jusqu’alors uniforme

pour des effets nocturnes ou orageux. Une attention particulière est apportée au rendu des matières et aux objets décoratifs.

Dès la première génération maniériste, les florentins s’illustrent par des oeuvres à la plastique résolument tournée vers le nouveau style. Pontormo, élève d’Andrea del Sarto utilise la déformation anatomique dans des peintures où les couleurs acides se côtoient dans des contrastes provocants.

Bronzino, peintre à la cour de Florence, intègre aux portraits sa passion pour l’allégorie à travers un style pur au rendu soigné. Avec Parmesan ce sont les déformations d’échelles qui apparaissent pour servir une ambiance aux allures quelquefois surréalistes.

La manière italienne rejoint ensuite le nord de l’Europe pour trouver une existence harmonieuse au sein de la tradition picturale flamande. Mabuse, Abraham Bloemaert et les peintres moins connus aujourd’hui de l’école de Haarlem en sont les principaux représentants.

En France, François Ier fait appel à des peintres italiens dont l’influence va donner naissance à l’Ecole

Pontormo - La déposition de croix - 1526

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23 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

de Fontainebleau et à son style caractérisé par une préciosité hors du commun.

Enfin, c’est à Prague que s’illustre Arcimboldo. Peintre originaire de Milan, il est appelé à la cour du saint empire où il devient l’artiste privilégié des empereurs Ferdinand, Maximilien et Rodolphe II. Ses créations originales composées d’éléments divers proposent une double lecture de l’image. Son exubérance ouvre la voie à de nouvelles possibilités dont les effets se retrouveront d’une certaine manière dans le baroque et même jusque chez les surréalistes du XXe siècle.

Le contexte politique

FranceLouis XII 1498 - 1515François Ier 1515 - 1547Henri II 1547 - 1559François II 1559 - 1560Charles IX 1560 - 1574Henri III 1574 - 1589Henri IV 1589 - 1610

Saint EmpireDynastie des Habsbourg dontCharles Quint 1519 - 1556

AngleterreDynastie des TudorHenri VIII 1509 - 1547Edouard VI 1547 - 1553Marie I 1553 - 1558Elisabeth I 1558 - 1603FlorenceFamille Médicis

Rome / VaticanDomination papale dontJules II 1503 - 1513Léon X 1513 - 1521Clément VII 1523 - 1534Paul III 1534 - 15491527 : sac de Rome par l’empereur Charles Quint1540 : fondation de l’ordre des jésuites servant la cause anti-luthérienne

MusiqueGiovanni Pierluigi da PalestrinaMonteverdi

LittératureFrançois RabelaisClément MarotJoachim du BellayPierre de RonsardMichel de MontaigneLouise LabbéLe TasseMachiavelMiguel de CervantesWilliam ShakespeareChristopher MarloweThomas MoreErasme

Véronèse - Annonciation - 1578

Parmesan - Autoportrait dans un miroire convexe - 1524 Agnolo Bronzino - Portrait de Lucerzia Pucci Panciatichi - 1540

Page 24: Histoires de l'art

24 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Le Tintoret - Léda et le cygne1578

Lucas Cranach l’ancien

Adam et Eve 1528

Ecole de FontainebleauGabrielle d’Estrée et sa soeur la duchesse de Villard - 1595

Agnolo BronzinoAllégorie de la victoire de Vénus

1546

CorrgèeLo1530

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25 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Pontormo - La vistation - 1529

Parmesan - Madone au long cou - 1540 Le Greco - L’ouverture du cinquième sceau - 1614

Giuseppe Arcimboldo - l’Hiver - 1573

Giuseppe Arcimboldo - l’été - 1573 Giuseppe Arcimboldo - l’automne - 1573

Giuseppe Arcimboldo - l’e Printemps - 1573

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26 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Le CaravagismeLe caravagisme n’est pas réellement un mouvement

pictural à part entière mais plutôt une inspiration du style du peintre Michelangelo Merisi dit le Caravage que l’on retrouve chez divers artistes appartenant à des courants différents, notamment baroque et classique.

Au tournant des XVIeme et XVIIeme siècles, Caravage révolutionne le système de représentation dont les origines remontent au quattrocento jusqu’à son évolution maniériste.

Le changement majeur apparaît dans l’expression du sentiment de beauté contenu dans l’oeuvre. Caravage ne reconnaît pas la réalité dans la recherche du beau idéal jusqu’alors utilisé durant toute la renaissance. Si les générations précédentes s’appliquaient à recopier la nature le plus vraisemblablement possible, le résultat était toujours empreint d’un imaginaire destiné à servir un modèle héroïque issu de la pensée néoplatonicienne. Le nouveau sentiment de réalité proposé par Caravage est lié à la représentation fidèle de ce que voit l’artiste : ce qui était suggéré devient clairement identifiable dans l’image. Les corps sont ceux de leurs modèles qu’ils soient beaux ou laids, les sentiments ceux des personnages, même s’ils ne maîtrisent plus leurs passions comme à l’époque de la renaissance classique. Les

canons esthétiques sont rejetés au profit d’un réalisme sans failles, non pas dans l’attachement au détail à la manière flamande mais à celui de la vie quotidienne, avec sa douleur, sa violence et pourquoi pas sa laideur... C’est une autre conception de la beauté qui voit le jour et s’impose à l’art en lui ouvrant ainsi de nouvelles possibilités.

La scène est traitée, elle aussi, avec le regard du quotidien : le récit, qu’il soit historique, mythologique ou religieux, est transposé à l’époque contemporaine, intégré à l’architecture, au mobilier et à la mode vestimentaire du XVIIe siècle. Le contenu sacré rejoint la scène de genre et se fond sans difficulté au décor de la vie de tous les jours.

L’existence décousue et insociable de Caravage ne lui permit pas de créer une véritable école. Néanmoins la portée considérable de son oeuvre eut un retentissement important sur les peintres du XVIIe siècle, qu’ils soient attachés au style baroque européen ou au classicisme français.

Les caractéristiques principales que l’on retrouve dans l’influence caravagiste sont l’utilisation du clair-obscur et l’organisation spatiale qui réduit à rien la distance séparant le spectateur de la scène du tableau. Le premier plan semble venir toucher la surface du tableau, limite du monde de l’image et de celui du spectateur.

L’expression baroque naissante trouvera son origine dans l’exhibition des sentiments non dissimulés ainsi que dans l’attitude des personnages, figés au cours d’un mouvement ; instant choisi par le peintre pour apporter l’intensité dramatique à la scène.

Le Guerchin - Le retour du fils prodigue - 1619

Artemisia Gentileschi - Judith et Holopherne - 1620

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27 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

L’éclairage, lorsqu’il ne provient pas d’une source difficilement identifiable à l’intérieur même de la composition, est latéral et participe avec violence au modelé des corps. Il crée la profondeur sans avoir recours aux artifices de la perspective linéaire. Le fond sombre et l’absence d’arrière-plan rend la scène particulièrement intimiste tout en produisant une ambiance dans laquelle l’être humain est porteur d’une destinée ombrageuse aux accents souvent pessimistes.

Grâce à son habileté à représenter le quotidien de son époque à travers un langage nouveau, le caravagisme aura contribué à redonner ses lettres de noblesse à la peinture de genre, jusqu’alors quasi absente du répertoire italien, et à mettre en place un système résolument tourné vers une époque bien troublée, si on la compare à la période pleine d’optimisme que fut la renaissance.

Les peintres les plus célèbres du courant

ITALIELe CaravageArtemisia Gentileschi

Orazio GentileschiBartolomeo ManfrediJosé de RiberaLe Guerchin

FRANCEGeorges de La TourValentin de Boulogne

EUROPE DU NORDAntoon van DyckJacob JordaensGerrit van HonthorstRembrandt

ESPAGNEFrancisco de ZurbaranDiego VelasquezBartolomeo MurilloJusepe de Ribera

Le contexte politique

FranceHenri IV 1589 - 1610Louis XIII 1610 - 1643

Saint empireLe conflit entre l’Union Protestante qui ne reconnaît plus l’autorité de l’empereur et la Ligue Catholique provoque la guerre de trente ans. La guerre des religions s’étend sur toute l’europe.

Rodolphe II 1576 - 1612mathias Ier 1612 - 1619Ferdinand II 1619 - 1637

VaticanGrégoire XIV 1590 - 1591Innocent IX 1591 - 1591Clément VIII 1592 - 1605Léon XI 1605 - 1605Paul V 1605 - 1621Grégoire XV 1621 - 1623

MusiqueMonteverdi

LittératureMiguel de CervantesWilliam ShakespeareFrancis Bacon

Jusepe di Ribera- Vierge de pitié - 1637

Caravage - Le sacrifice d’Isaac - 1603Francisco de Zurbaran - Les tentations de saint Jérôme - 1639

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28 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Diego Velasquez - Le marchand d’eau de Seville - 1619 Georges de la Tour - Saint Sébastien soigné par Irène1649

Caravage - La mort de la Vierge - 1606

Caravage - La crène à Emmaüs - 1601

Caravage - Judith et Holopherne - 1599 Gerrit Van Honthorst - Jésus devant le grand prêtre 1618

Valentin de Boulogne - Le concert - 1620

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29 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Caravage - La Méduse - 1597

Caravage - Le crucifiement de St Pierre1601

Georges de la Tour - Joseph charpentier 1640

Rembrandt van Rijin - La Leçon d’anatomie du docteur Tulp - 1632

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30 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Le BaroqueIdentité artistique d’une époque, le courant

baroque réunit des styles différents, souvent propres aux artistes et à leur origine. La remise en question du langage maniériste trouve sa réponse à travers un message essentiellement religieux au sein de l’Europe catholique ou, au contraire, dans un style qui réussit à s’adapter à l’iconoclasme protestant.

GENERALITES

Le terme baroque qui signifie bizarre ou grossier est un mot péjoratif qui sera utilisé par les artistes du XIXe siècle pour désigner l’art qui évolua entre 1600 et 1720 environ. Si le langage pictural propose une nouvelle syntaxe visuelle ce n’est pas une rupture radicale par rapport au siècle passé mais plutôt une évolution des codes de représentations à travers une mise en page innovante et un vocabulaire original.

Les libertés prises au XVIe siècle dans la déformation des corps et l’aspect superficiel dans le rendu des sujets provoquent une réaction des artistes à contresens du maniérisme. Néanmoins, le ton annoncé par Corrège et Barocci à travers une peinture qui se veut plus convaincante que purement esthétique est repris jusqu’à devenir la base de l’expression nouvelle.

A cela vient s’ajouter le naturalisme du Caravage qui connut dès le début du XVIIe siècle un très vif succès pour son éclairage, ses cadrages insolites et son réalisme mordant.

A contrario, les Carrache reviennent à une peinture au contenu idéalisé inspirée par les maîtres de la renaissance classique.

La fusion de ces tendances devient, selon la sensibilité des artistes et leur attachement plus ou moins marqué à l’un de ces styles particuliers, le mouvement baroque. La diagonale remplace la construction en triangles imbriqués et l’équilibre sage de l’horizontale et de la verticale de la renaissance. L’éclairage se veut changeant. Des percées lumineuses sur fond de ciel sombre font leur apparition dans le paysage pour provoquer des zones contrastées entre ombre et lumière. Les personnages sont dorénavant en mouvement, pris dans le vif d’une action. Du coup la narration se fait au présent et ne contient plus l’exhaustivité d’un message compris dans le regroupement de symboles comme par le passé. Les états de l’âme s’affichent sur les personnages, le divin reste mystérieux et invite à la réflexion. Cela correspond

bien aux mentalités du siècle où, avec la disparition de l’humanisme, l’homme se pose à nouveau les questions quant à son existence et sa relation à Dieu. La mort, la souffrance, l’humilité de la vie quotidienne sont les sujets de prédilection du baroque.

Partout en Europe l’art utilise le nouveau langage en s’adaptant au contexte social et religieux : l’Italie et l’Espagne servent la contre-reforme, l’Europe du nord s’applique à plaire à une société bourgeoise qui pose les bases du capitalisme moderne et la France trouve l’image qui correspond à l’étatisme absolu de ses rois dans la diffusion du classicisme.

LE BAROQUE EN ITALIE

La vocation religieuse de l’art baroque en Italie s’appuie sur des événements qui eurent lieu au siècle précédent avec pour objectif de servir la contre-réforme dans sa lutte contre le protestantisme : le Concile de Trente (1542 - 1563) qui définit pour les arts plastiques la charge d’exprimer la foi catholique et la création de l’ordre Jésuite dont la mission est de reconvertir à la fois romaine les adeptes de la religion réformée. A contre pied de la pensée luthérienne qui prône la sévérité et la sobriété, la peinture italienne doit dès lors convaincre le fidèle de la grandeur de Dieu par des

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31 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

effets impressionnants, éblouissants, bouleversants... Les expressions et attitudes des personnages montrent les sentiments intérieurs, les passions de l’âme, l’extase religieuse exacerbée. Cette peinture théâtrale est servie notamment par le Guerchin, Pierre de Cortone ou encore Andrea Pozzo. Triomphante, l’image jaillit de son cadre et vient se fondre à la sculpture et à l’architecture sur les

plafonds des édifices religieux. La technique du trompe-l’oeil se développe et atteint une précision saisissante.

Rome est devenue la capitale européenne de l’art où se côtoient des artistes de tous les horizons.

L’apparition des premières académies de peinture va contribuer à la création et la diffusion des styles et des techniques. A Rome, vont apparaître les tendances qui vont influencer l’art de tout le monde occidental.

En premier lieu c’est le passage du Caravage qui va permettre au langage pictural de se tourner vers une grammaire inédite : réalisme dans le traité comme dans l’action représentée, utilisation d’une lumière en diagonale capable d’envelopper le sujet en créant le volume à partir de l’ombre et surtout sa contribution à donner à la scène de genre ses lettres de noblesse. Paradoxalement, à cela vient s’ajouter le travail d’Annibal Carrache et de Guido Reni qui s’oppose farouchement aux nouveautés caravagesques. Leur style revient à un certain intellectualisme avec le retour au modèle antique et à la maîtrise technique de Raphaël et de Michel-Ange. De cet aspect stylistique naît le classicisme qui sera surtout exploité par les peintres français tels que Nicolas Poussin ou Claude Lorrain.

LE BAROQUE EN ESPAGNE

Après l’abdication de Charles Quint en 1556 l’Empire espagnol perd ses territoires d’Europe centrale. L’Espagne connaît alors une période de déclin qui s’accentuera au XVIIe siècle avec la révolte des Pays-Bas. Si le royaume continue de briller sur ses territoires italiens de Milan et Naples ainsi qu’à travers ses colonies d’Amérique, la puissance espagnole se désagrège peu à peu.

Paradoxalement, pour l’art, c’est un véritable âge d’or aussi bien en peinture qu’en architecture. Comme en Italie, la religion lui impose le ton de la contre-réforme. Les tableaux sont de plus en plus appréciés par la noblesse et la bourgeoisie qui, plus encore qu’à la renaissance, réunissent de véritables collections. En résulte l’essor des marchands d’art qui participent activement à l’économie européenne. Le baroque permet aux peintres d’exprimer l’extraordinaire sentiment religieux qui débuta avec la voix d’Ignace de Loyola, fondateur de l’ordre Jésuite. La spiritualité du Greco évolue vers un langage pictural porté par Diego Vélasquez, Jusepe de Ribera ou encore Francisco de Zurbaran. L’angoisse du déclin de l’empire le plus puissant de la seconde renaissance se fait sentir dans une peinture mystique et passionnée. Si l’influence du Caravage et de Titien est extrêmement présente dans la peinture, les espagnols ont su trouver un style personnel qui donnera une véritable identité nationale à l’art du XVIIe siècle.

LE BAROQUE EN EUROPE DU NORD

Les Pays-Bas, découpés en 7 provinces, ont déclaré leur indépendance vis-à-vis de l’Espagne en 1579. Cela provoque le début d’une guerre qui durera jusqu’en 1648. Le pouvoir se met en place sous forme de républiques et pose les bases de ce qui deviendra le capitalisme moderne. La société, dénuée de noblesse, est dirigée par la bourgeoisie et par diverses corporations de marchands et de négociateurs. Leur rôle devient particulièrement

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important pour l’art puisqu’ils vont permettre sa diffusion à grande échelle. De plus, le goût grandissant des bourgeois pour la peinture va permettre aux artistes de ne plus peindre en fonction d’une commande précise mais de préparer leurs tableaux «à l’avance» et de les confier à des marchands d’art de plus en plus nombreux.

Seule la province du sud (la Belgique actuelle) dont la population est à majorité catholique, contrairement aux autres provinces des Pays-Bas, reste sous le contrôle de l’Empire espagnol. L’art ne rencontre donc pas la résistance de l’iconoclasme protestant et la peinture est largement influencée par l’Italie, tout en conservant son identité propre, développée par l’école flamande depuis deux siècles. La peinture de genre devient vite le style dominant même s’il s’agit de représenter des scènes à caractère religieux ou mythologique dans lesquelles s’insèrent harmonieusement natures mortes et objets du quotidien. Anvers, centre économique de la région, devient la capitale artistique où se côtoient les grands maîtres du baroque flamand ainsi que de nombreux artistes étrangers attirés par la renommée internationale de la ville.

La peinture y est dominée par la personnalité de Pierre Paul Rubens. Des maîtres italiens, auprès desquels il reçoit sa formation, il utilise la lumière, le mouvement et les couleurs vives qu’il intègre avec génie au réalisme flamand. Il devient le peintre le plus demandé auprès des cours européennes et son succès lui permet de développer un atelier où travaillent près d’une centaine de collaborateurs dont, parmi les plus prestigieux, Jan Bruegel, Jacob Jordaens et Anton van Dyck qui deviendra l’un des plus grands portraitistes de son temps.

A la mort de Rubens en 1640, la virtuosité de la peinture flamande commence lentement à décliner et cède la place à la peinture hollandaise.

Hormis la ville d’Utrecht qui reste majoritairement catholique et où naît la première école hollandaise de peinture, la Hollande est entièrement convertie au calvinisme. L’iconoclasme de la religion réformée oblige les peintres à s’exprimer à travers des sujets différents de leurs homonymes européens. Dénués d’influence italienne et d’intérêt pour l’antiquité, les peintres hollandais répondent au goût du public par la scène de genre, le portrait, la nature morte qui atteint un degré de réalisme exceptionnel et le paysage. Certains deviennent même de véritables spécialistes d’un genre particulier auquel ils resteront fidèles toute leur carrière.

C’est avec la seconde génération de peintres qu’apparaissent les grands maîtres néerlandais : Frans Hals pour le genre du portait, Jan Steen et Jan Vermeer pour la représentation de la vie quotidienne, Willem kalf pour la nature morte et Jacob von Ruisdael pour la peinture de paysage. Mais c’est surtout avec la figure

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de Rembrandt van Rijn que se dessine le génie hollandais. Son talent s’étend à tous les genres. La parfaite maîtrise de l’éclairage, du dessin, de la couleur, de l’anatomie et de l’expression dont il affuble ses personnages font de Rembrandt un des acteurs les plus illustres de l’histoire de l’art, à la hauteur de Léonard de Vinci, Raphaël, Titien ou encore Caravage.

Les peintres les plus célèbres du courant

ITALIEAnnibal CarracheGuido ReniCaravageGuerchinMattia PretiBernardo StrozziPierre de CortoneDomenico FettiLuca GiordanoAndrea PozzoOrazio Gentileschi

ESPAGNEDiego VélasquezJusepe de RiberaFrancisco de ZurbaranBartolomé Esteban Murillo

FLANDREJan Bruegel «de velours»Pierre Paul RubensAnton van DyckJacob Jordaens

HOLLANDEGerrit van HonthorstFrans HalsRembrandtJan SteenJan VermeerWillem KalfJacob van Ruisdael

Le contexte politique

ItalieLe duché de Milan et la partie sud de l’Italie sont sous domination espagnole.Les états pontificaux et les états du nord restent indépendants mais sont soumis politiquement à l’Espagne.

EspagnePerte des Pays-Bas espagnols, des territoires du sud de la France et du Portugal.Philippe III 1598 - 1621Philippe IV 1621 - 1665Charles II 1665 - 1700

Europe du nordLa guerre de 80 ans (1581 - 1648) donne aux septs provinces des Pays-Bas à majorité protestantes leur indépendance face à l’Espagne.Seul les Pays-Bas du sud (Belgique actuelle) à dominance catholique restent liés à la politique espagnole jusqu’au début du XVIIIeme siècle.

AllemagneLes états allemands, avec le soutien du roi de Suède et de la France, se soulèvent contre la puissance des Habsbourg.Plus de la moitiée du XVIIeme siècle est marqué par la guerre contre l’empereur catholique qui perd peu à peu ses territoires au profits des princes protestants.

FranceHenri IV 1589 - 1610Louis XIII 1610 - 1643Louis XIV 1643 - 1715

MusiqueMonteverdi

BiberLullyCharpentierCouperinCorelliPurcellHaendelTelemannBachPergolèseVivaldi

LittératureDescartesPascalLockeSpinozaMolièreCorneilleRacineLa FontainePerraultCervantes

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Le classicismeLe classicisme caractérise l’école de peinture française du XVIIeme siècle. En réponse aux extravagances du baroque, le mouvement s’inspire des maîtres de la renaissance classique et devient un langage pictural au service de la monarchie absolue.

Le classicisme puise ses racines en Italie dans le travail d’Annibal Carrache qui, à l’opposé de Caravage, renoue avec la tradition classique de la renaissance. Désireux de revenir à une peinture débarrassée des futilités de l’épisode maniériste, Carrache revient aux influences de l’antiquité et à une conception idéalisée de la beauté qu’il étend au genre du paysage. Son style est repris par ses élèves Guido Reni et le Guerchin qui sauront l’utiliser dans des oeuvres éclectiques où se mêlent la sagesse classique et le mouvement baroque.

Contrairement au baroque qui recherche le débordement et le mouvement, le classicisme offre une composition claire et ordonnée dans laquelle le massage s’énonce de manière évidente et sans détour.

La composition est souvent fermée, c’est-à-dire que la scène est entièrement contenue à l’intérieur du cadre, contrairement à la composition ouverte du style baroque dans laquelle motifs et personnages sortent de la surface de la toile. La mise en page préfère la construction selon des lignes verticales ou horizontales, ce qui donne à l’image un aspect serein et rigoureux.

La politique de contre-réforme menée par les jésuites ayant trouvé son expression avec le baroque, c’est en France que va pouvoir s’épanouir et se développer le style initié par Annibal Carrache.

La monarchie absolue mise en place par Louis XIII et Louis XIV a permis à la France de devenir l’état le plus puissant d’Europe. Pour garder son influence sur le peuple et les souverains étrangers, le pouvoir français choisit de s’afficher à travers une image qui le présente au sommet de sa puissance, droit et tout en mesure. Le paraître devient l’élément primordial dans la communication et l’attitude de la société de cours. Versailles en est le meilleur exemple : les caisses de l’Etat sont vides et le peuple s’appauvrit mais le roi se présente aux yeux du monde entier dans le luxe et la magnificence. Le classicisme, par sa rigueur et sa capacité à exalter les valeurs morales, répond parfaitement aux besoins de représentation de la politique française et devient par là même le «grand goût» imposé par l’académisme.

Nicolas Poussin est la figure majeure du courant. il commence très jeune sa carrière de peintre et s’installe à Rome à partir de 1624. Au contact du travail des italiens il développe son propre style caractérisé par

une grande rigueur dans la composition et des sujets, souvent inspirés de la mythologie et de l’histoire romaine et chrétienne, dans lesquels il apporte une réflexion sur l’homme, la morale héroïque et la nature.

Comme Poussin, Claude Lorrain fait carrière à Rome. Il contribue à donner ses lettres de noblesse à la peinture de paysage. L’univers idéalisé qu’il propose est construit à partir d’éléments empruntés à la réalité. La lumière donne les valeurs colorées, chaudes ou froides, à l’ensemble de l’œuvre selon l’atmosphère et le climat ambiant. Cet apport influencera plus tard les peintres

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de paysages romantiques ainsi que les impressionnistes qui feront de la lumière la donnée principale de leur système de représentation.

En France, Charles Le Brun est le peintre officiel de la cour de Louis XIV. Elève de Simon Vouet et fortement influencé par le travail de Nicolas Poussin il exprime dans sa peinture des sentiments héroïques et dramatiques. Chargé de décorer le Louvre et les châteaux de Vaux-le-Vicomte et de Versailles, il met son art au service de la monarchie en exaltant la grandeur du roi.

Dans un classicisme très différent, Louis Le Nain représente la vie des paysans français du XVIIe siècle. Là encore l’idéalisation classique fait de ses modèles des personnages dignes et empreints de noblesse qui contraste avec une réalité bien moins reluisante concernant les gens du peuple, miséreux, hirsutes et fatigués par une existence souvent pénible à supporter.

Georges de La Tour s’exprime dans une peinture personnelle et affranchie des codes de ses contemporains français. Proche artistiquement du Caravage, il propose des images au contenu spirituel et moral. La simplification des formes qu’il recherche fait de ses peintures des oeuvres paisibles dont le relief jaillit d’un éclairage perçant au sein d’une ambiance nocturne.

Les peintres les plus célèbres du courant

ITALIEAnnibal CarracheGuido ReniLe Guerchin

FRANCESimon VouetCharles Le BrunNicolas PoussinClaude LorainHyacinthe RigaudLouis Le NainGeorges de La TourEustache Le Sueur

Pierre MignardValentin de BoulognePhilippe de ChampaigneLe contexte politiqueFranceMonarchie absolue.Age d’or de la France sur la scène européenne. Louis XIII 1610 - 1643Louis XIV 1643 - 1715

MusiqueContrairement à la peinture où le classicisme co-existe avec le baroque, la musique classique ne verra le jour qu’à partir de 1750 environ jusqu’à l’avènement de la musique romantique au début du XIXème siècle. Ses principaux représentants seront Mozart, Boccherini, Haydn… Durant la période picturale classique, la musique reste de style baroque.

LittératureDescartesPascalLockeSpinozaMolièreCorneilleRacineLa FontainePerraultCervantes

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Le rococoNé de la fusion du style rocaille français et du

baroque tardif italien, le courant rococo de diffuse à travers l’Europe entre 1725 environ et la révolution française. Langage d’une époque consciente de sa gloire à jamais passée et de son déclin, l’image rococo refoule les angoisses d’une société sous des apparences de légèreté, de gaieté, de lumière et de transparence. L’attention est à la fuite loin du réel devenu dérangeant, faute d’avenir certain. L’illusion est le maître mot du courant. A la fin du siècle le rococo s’effacera pour laisser place au néoclassicisme d’une part et au romantisme de l’autre.

FRANCE : LE STYLE ROCAILLE ET LA NAISSANCE DU ROCOCO

A la mort de Louis XIV, l’art se libère de la sévérité du classicisme pour évoluer vers des formes plus précieuses où le mouvement retrouve son importance. Encouragé sous la régence de Philippe d’Orléans puis sous le règne de Louis XV, le goût rocaille et le rococo se font les témoins d’une société devenue légère et libertine. Profitant d’un absolutisme déjà en place, le nouveau roi et sa cour s’abandonnent aux plaisirs du corps et de l’esprit : fêtes galantes et salons littéraires sont devenus les occupations quotidiennes d’une aristocratie consciente de son agonie mais qui refuse de regarder la réalité en face.

Le style rocaille s’applique au mobilier ainsi qu’à la décoration de l’architecture. Les éléments

d’ornementation reprennent les motifs des grotesques de la renaissance : masques, feuilles, coquilles, dragons, ailes de chauve-souris, dauphin etc... La composition générale reprend la ligne serpentine, la spirale et les effets d’enroulement.

La peinture abandonne l’ouverture et la fusion aux décors cher au baroque. Elle retrouve ainsi son identité propre où la fantaisie et le soin apporté à la mise en scène remplacent l’équilibre juste et fragile du siècle précédent.

L’influence du théâtre est extraordinairement présente dans la peinture rococo. Composition et mise en place des personnages, postures et déguisements : l’ensemble témoigne d’une volonté de montrer le monde non pas tel qu’il est, mais tel que l’on se persuade qu’il est. Le thème de l’Arcadie (lieu imaginaire idéal tiré de la mythologie latine où règnent sagesse, bonheur et justice) retrouve une place privilégiée ainsi que l’exotisme des pays lointains. Le goût des collectionneurs est aux sujets galants, érotiques et libertins dans lesquels on retrouve nymphes, dieux païens, satyres...

Les genres sont mélangés : la mythologie côtoie la religion, le tout intégré à l’époque contemporaine. Les peintres s’intéressent aussi bien à représenter l’aristocratie que le peuple avec un engouement particulier pour les représentations bourgeoises. Ce nouveau goût pour les sujets singuliers peut se

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comprendre comme une annonce de la future abolition de toute hiérarchie sociale.

Les fêtes galantes versaillaises sont les sujets principaux des peintres français. Watteau les peint tout en mélancolie. Boucher, influencé par la clarté du style italien, donne une ambiance érotique à ses peintures. Fragonard installe les sentiments amoureux aussi bien dans ses portraits que dans des scènes mythologiques ou des paysages.

Chardin préfère mettre une émotion intime dans des scènes de genre et des natures mortes, domaine dans lequel il atteint l’excellence.

Maurice Quentin de la Tour se spécialise dans le pastel, technique particulièrement appréciée par le public de l’époque en raison de son rendu d’une grande douceur et de son aspect vaporeux ainsi que de sa rapidité

d’exécution qui permet au trait de suggérer certaines expressions volées lors d’un instant au modèle.

Le pastel devient rapidement la marque de fabrique de nombreux artistes qui ne s’expriment quasiment plus que par cette technique : Liotard, Perronneau, Rosalba Carriera...

LA CRITIQUE : UN ACTEUR DESORMAIS INCONTOURNABLE

Au XVIIIe siècle le public peut rencontrer le travail des peintres qui ont la chance d’exposer au Salon. Avis et jugement des uns et des autres sont au centre des discussions. Lorsque certains se spécialisent dans ce domaine (le philosophe Denis Diderot par exemple), cela donne naissance à la critique d’art, institution qui depuis fait partie intégrante de la vie artistique.

La critique, porte-parole du goût du public, définit l’académisme et les directions à suivre. Compositions claires à la lecture simple et évidente sont de rigueur. La supériorité est donnée au dessin par rapport à la couleur. L’imitation de la nature se fait par l’étude de l’antiquité.

Les peintres peuvent choisir de s’y tenir et atteindre ainsi la reconnaissance de leur vivant, ou au contraire de s’y opposer et peindre en marge de la tendance imposée. Les premiers donneront naissance au style néoclassique, les seconds au romantisme.

LE ROCOCO EN ITALIE

L’Italie du XVIIIe siècle est démembrée en provinces que dominent les monarques européens : Savoie, Bourbon et Habsbourg se partagent la scène politique.

Si Rome, où s’exerce le mécénat du pape Benoît XIV en faveur de Donato Creti et de Gaetano Gandolfi, reste la capitale artistique, c’est à Venise que s’expriment les grands génies du siècle :

Tiepolo, qui à sa manière, réinvente la lumière à travers des scènes pleines de fantaisie aux couleurs vives. Là ou le baroque utilisait le clair obscur pour suggérer le mouvement, Tiepolo emploie des tonalités claires. Dans ses toiles et dans ses plafonds, le message, qu’il soit religieux ou mythologique, est mis en scène comme

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au théâtre. Du coup, le sens devient plus facilement compréhensible. Il influence toute une génération de peintres qui feront du rococo italien une peinture spectaculaire et toute en lumière : Sébastiano Ricci, Gian Battista Piazzetta, Giovan Battista Pittoni...

Canaletto, Bellotto et Guardi se spécialisent dans la peinture de paysages urbains appelés vedute. Ils font de Venise et des villes italiennes des descriptions d’une extraordinaire précision. Là encore la mise en scène théâtrale joue un rôle essentiel.

Hubert Robert, français installé à Rome, devient spécialiste de paysages urbains dans un traité tout à fait personnel. Les ruines antiques assemblées en constructions imaginaires qui habitent ses peintures feront de lui un des précurseurs du romantisme. Il reste célèbre dans l’histoire de l’art sous le pseudonyme de Hubert des Ruines.

Les scènes de genre trouvent également leur place dans le goût du public aux côtés de la peinture d’histoire. Pietro Longhi décrit les coutumes dans des scènes d’intérieur qui en disent long sur les moeurs de son époque. Giacomo Ceruti peint la misère, autre facette d’un siècle qui se veut brillant et éclairé.

A Florence, le rococo italien est porté par Crespi, Sagrestani, Ferretti...

En Italie du sud où règnent les Bourbons d’Espagne, c’est l’influence de Luca Giordano qui marque la génération rococo : Solimena, Traversi et Francesco de Mura dont le style conduira au néoclassicisme.

LA PEINTURE ANGLAISE DU XVIIIe SIECLE

Le concept d’individualité, donnée essentielle du siècle des lumières, fait du portrait un genre particulièrement apprécié. Là aussi se retrouve toute

la richesse du rococo, qui, loin de rassembler sous une manière de faire unique, va permettre l’expression de styles personnels et propre à chaque peintre.

L’Angleterre, à la recherche d’un style national en marge du rococo français et italien, donc plus éloignée de l’influence des critiques et de l’académisme, va donner naissance à toute une génération de portraitistes de génie:

William Hogarth qui met son talent au service de la satire pour représenter la société de son époque, Joshua Reynolds qui amène le portrait anglais à son paroxysme tout en posant les bases théoriques d’un beau idéal qui donnera naissance au néoclassicisme, et enfin Thomas Gainsborough qui, sous l’influence du style français, va diriger le portrait et la peinture de paysage vers le romantisme.

LE ROCOCO EN ALLEMAGNE

Le goût pour la surcharge et le motif superficiel du rococo allemand donnera la matière aux critiques du siècle suivant pour condamner le courant entier comme étant grossier, mièvre et attaché au déclin d’une époque.

Néanmoins, certains artistes tels que Asam, Troger ou Zimmermann vont réussir à transformer le sentiment religieux passionnel du baroque en joie et en poésie, où la légèreté amoureuse est accompagnée d’un formidable ballet de mouvements et de couleurs.

LE CAPRICE : L’IMAGINATION ET L’AUTRE REALITE

En peinture, lorsque l’on cherche à représenter la réalité à l’aide d’éléments figuratifs divers pris de part et d’autre afin de composer une scène purement imaginaire, cela s’appelle un caprice.

Ce genre rassemble aussi bien la peinture de ruines que les représentations imaginaires de l’Arcadie par exemple.

L’imaginaire propre au style rococo est en réalité une

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fuite hors du réel servant à refouler les angoisses d’une société consciente d’être perdu.

A la fin du siècle, un peintre va alors, en ayant recours aux caprices, changer radicalement les choses en appliquant l’imaginaire à la réalité : Francisco Goya. Dès lors le merveilleux est remplacé par le cauchemar. Ce qu’il montre ne pourrait être peint de manière imitative. La fuite n’est plus possible, le spectateur est plongé dans le tourment d’une réalité qu’il ne peut plus nier. En cela, Goya influencera des peintres tels que Ensor, Francis Bacon ainsi que le mouvement expressionniste au XXe siècle.

Cette nouvelle expression du vrai par le cauchemar et le psychisme de l’inconscient sera également le terrain de recherche des anglais Johann Heinrich Füssli et William Blake. Dès lors la vérité n’apparaît plus sublimée et ne peut plus se satisfaire de l’allégorie, mais ce nouveau langage appartient désormais au romantisme...

Les peintres les plus célèbres du courant

FRANCEJean-Antoine WatteauFrançois BoucherJean-Honoré FragonnardJean-Baptiste-Siméon ChardinMaurice Quentin de La TourNicolas de LargillièreNicolas LancretJean-Etienne LiotardJean-Marc NattierElisabeth Vigée-Lebrun

ITALIEGiovanni Battista TiepoloCanalettoGiovanniBattista PiazzettaFrancesco GuardiBernardo BellottoGiovan Battista PittoniSebastiano RicciPietro LonghiRosalba CarrieraGiovanni Battista CrosatoGiuseppe Maria Crespi

Donato CretiGaetano GandolfiGiocomo CerutiFrancesco SolimenaFrancesco de MuraGiandomenico Tiepolo

ESPAGNEFrancisco José de GoyaFrancisco Bayeu y SubiasRamon Bayeu y Subias

ANGLETERREWilliam HogarthJohn Singleton CopleyJoshua ReynoldsThomas GainsboroughRichard WilsonJoseph WrightBanjamin West

ALLEMAGNE / AUTRICHEJohann Baptist ZimmermannCosmas Damain AsamPaul TrogerAnton Raphaël MengsFranz Anton Maulbertsch

Le contexte politique

FranceRégence de Philippe d’Orléans 1715 - 1723Louis XV 1723 - 1774Louis XVI 1774 - 1793Révolution française 1789

ItalieVenise : républiquePiemont : domination du duc de Savoie Italie septentrionale et centrel : domination des HabsbourgItalie du sud : domination des Bourbon d’Espagne

EspagnePériode de déclin économiquePhilippe V 1700 - 1746Ferdinand VI 1746 - 1759Charles III 1759 - 1788Charles IV 1788 - 1808Ferdinand VII 1808

AngleterreActe d’Union entre l’Ecosse et l’Angleterre qui forme la Grande Bretagne 1707George I 1714 - 1727Geroge II 1727 - 1760George III 1760 - 1820Saint Empire

Séparation de la Prusse et de l’Autriche 1740Dynastie des Habsbourg jusqu’en 1742 puis des Habsbourg-Lorraine

MusiqueAprès la mort de Bach en 1750, la musique devient de style classique.MozartAlbinoniHaydnBoccheriniBeethoven

LittératureVoltaireMontesquieuRousseauDiderotMarivauxBeaumarchais

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Le néoclassicismeImage d’un nouveau pouvoir, le néoclassicisme

réagit aux extravagances du rococo par un retour au modèle antique et au beau idéal. Fantaisies et imagination sont abolies au profit de la sévérité, de la vertu et du patriotisme.

Dès la moitié du XVIIIe siècle, la tendance au retour au style vrai se fait sentir. Les premiers critiques d’art s’élèvent face au rococo qui n’hésite pas à mélanger les canons classiques afin de représenter ce que les philosophes considèrent comme « perversions du coeur et de l’esprit ». En France, l’esprit festif du siècle de Louis XV entraîne pour certains une nostalgie du grand siècle de Louis XIV.

Partout en Europe l’ascension sociale de la bourgeoisie et du pouvoir économique qu’elle met en place favorise le goût pour un style dans lequel la rêverie et les sentiments poétiques n’ont plus leur place. La réflexion artistique et les discussions philosophiques appartiennent à un monde trop éloigné d’un quotidien fait de travail, d’effort et de spéculation.

Pour les bourgeois, faire réaliser son portrait n’a d’autre objectif que de s’affirmer socialement à l’égal d’une noblesse qu’ils exècrent. Ils s’y veulent débarrassés de sentiments humains liés à la passion, empreints d’un pouvoir qu’ils se sont forgés à la force de leur labeur : vertu, force morale, domination des émotions.

A cela s’ajoute un fort sentiment patriotique qui s’affirme en Angleterre, en France et en Allemagne. L’image doit proposer un message direct facilement compréhensible, sans artifices. Si la nature est copiée, elle est fortement idéalisée afin de servir la cause qu’elle a choisie de servir.

L’art antique est réinterprété avec les yeux des

lumières : la recherche de l’esprit de liberté et d’un modèle du vrai. La sculpture grecque est l’idéal esthétique à imiter.

Jacques-Louis David est le plus représentatif du néoclassicisme de la fin du XVIIIe siècle. Ses études académiques à Paris et à Rome lui donnent ce style rigoureux et intransigeant qui influence les artistes de son époque. Son langage n’a qu’un objectif : émouvoir la moralité publique à travers des messages ventant la noblesse d’âme, le stoïcisme et le patriotisme.

Le vocabulaire néoclassique se doit d’être compréhensible et à la portée de tout le monde. Pour cela, la mise en page privilégie l’économie de moyens, sans artifices.

Le premier plan suffit souvent à la lecture du message énoncé : l’imbrication de l’historia, au sens albertien du terme, dans les différents plans en profondeur et les imperceptibles transitions, comme le faisaient les grands génies de la renaissance ou du baroque, n’ont plus leur place dans cet esprit sévère qui préfère la morale à la spiritualité et qui du coup, suppriment tout rapport entre espace et valeur narrative.

Après David et les années de terreur post révolutionnaires, c’est son élève Jean-Auguste-Dominique Ingres qui donnera le ton à la tradition néoclassique en rendant la composition plus subtile tout en affirmant la supériorité du dessin sur la couleur. En cela, il exprime un langage totalement opposé à celui de Delacroix et des peintres romantiques.

La tradition classique évoluera pendant la première moitié du XIXe siècle sous le nom d’académisme, également appelé art pompier. Cependant la recherche inexorable d’un modèle vrai ne peut plus correspondre à

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une société qui va passer en quelques années aux temps modernes.

L’imitation du modèle antique a déjà exploré toutes les possibilités qui étaient les siennes au cours des 4 siècles précédents. L’académisme ne proposera plus rien d’autre que quelques soubresauts d’un style mourant, incapable d’émotion.

L’image va désormais laisser la place à un langage nouveau, ou plutôt à une multitude de langages nouveaux qui vont désormais tenir compte de l’imagination, de la science, de l’inconscient et des sentiments jusque-là absents de la peinture : la peur et l’angoisse, dont le romantisme a déjà commencé à en faire sa matière.

Les peintres les plus célèbres du courant

FRANCEJacques-Louis DavidJean Auguste Dominique IngresJean-Baptiste RegnaultAnne-Louis GirodetAntoine Jean GrosJean-Baptiste GreuzeFrançois Gérard

Pierre Paul Prud’honJoseph-Marie Vien

ANGLETERREBenjamin WestJohn Songleton CopleyJoseph Wright of DerbyGavin Hamilton

ALLEMAGNEAnton Raphaël Mengs

SUISSEAngelica Kauffmann

ITALIEPompeo BatoniAndrea Appiani

Le contexte politique

FranceLouis XVI 1774 - 1791Révolution française 1789Première république 1792 - 18041er empire 1804 - 1815RestaurationLouis XVIII 1815 - 1824Charles X 1824 - 1830Louis Philippe 1830 - 1848

MusiqueMozartAlbinoniHaydnBoccheriniBeethoven

LittératureLa philosophie des lumières est reprise et adaptée aux idées patriotiques républicaines.La littérature deviendra ensuite romantique.

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Le romantisme

L’art romantique est le langage artistique d’une société qui se cherche dans une pensée nouvelle après avoir tué l’ancienne, se reconstruit entre empires, monarchies et républiques, s’affole dans une révolution industrielle sans en maîtriser le développement. La passion du baroque et la frivolité du rococo ont laissé la place au doute et les artistes l’expriment chacun à leur manière, sans style commun, ou plutôt avec chacun son style. Certains privilégient le dessin, d’autres la matière et la touche, d’autres encore la couleur.

A contre-courant de l’académisme, le romantisme utilise un vocabulaire jusqu’alors inexploré : le rêve, la folie, le doute, la peur, l’angoisse de n’être rien face à une nature déchaînée, paradoxe d’une époque qui invente la machine pour mieux la dominer. Le peintre romantique ne cherche plus à répondre à une commande. Il peint. Son imagination et son besoin d’expression dirigent son travail, quitte à déplaire et à être rejeté par les officiels. Le mythe du peintre maudit naît à cette époque : le génie est incompris car en avance sur son monde, misérable mais libre.

LE PRE-ROMANTISME

Alors que le style néoclassique atteint son apogée à la fin du XVIIIe siècle, un artiste espagnol, Francisco Goya, décide de peindre de manière non académique afin d’exprimer sa vision personnelle du monde. Il annonce ainsi le courant romantique à venir.

Après avoir servi la cour d’Espagne comme peintre officiel, Goya atteint une maturité artistique dans l’expression des sentiments par la déformation des corps, une forte présence de la matière et une touche dont la force et la vigueur s’affranchissent de tout réalisme académique. Il représente la folie meurtrière, l’horreur de la guerre et la désillusion de la nature humaine. Et c’est justement grâce à son style non académique qu’il arrive à faire ressentir au spectateur toute la puissance de son message. L’angoisse et la peur, sujets nouveaux, n’auraient pu être représentées si brillamment avec les traits du réalisme ou de l’esthétique idéalisée façon Poussin ou Raphaël. Goya s’est appliqué à représenter des sujets que l’on ne peut pas voir mais qui sont pourtant bien réels tout en inventant un style qui rendait cela possible.

D’abord courant littéraire et musical, le romantisme apparaît en peinture comme mode d’expression de sentiments intérieurs, ceux-là même que le rococo s’appliquait tant à dissimuler, mais désormais assumés au point d’en devenir l’objectif principal de l’artiste, au point de surpasser si besoin l’aspect esthétique de l’oeuvre.

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L’ART ROMANTIQUE

A la suite de Goya, des artistes de toute l’Europe se tournent vers le style romantique, qui en réaction aux canons académiques néoclassiques, s’approprie des sujets nouveaux comme le fantastique, issu de la littérature populaire, dans une ambiance et une esthétique mêlant mélancolie, pathétisme et sentiment de nostalgie envers l’idée que l’on faisait alors de l’époque médiévale.

La première génération de peintres est marquée en Allemagne par Caspar David Friedrich et sa peinture aux paysages emplis d’intériorité et d’étrangeté d’où s’échappe un fort sentiment de solitude, du doute du croyant dans un monde qui semble abandonné de Dieu.

En Angleterre William Blake et Heinrich Füssli peignent des visions de leur univers intérieur en créant un monde visuel fantastique tant au niveau de la forme que du contenu.

La deuxième génération s’intéresse plus à la politique et la place de l’Homme dans ce XIXe siècle où l’industrie et la modernité s’opposent à une nature que l’on ne pouvait jusqu’alors dominer. C’est l’époque des grands paradoxes sociaux ; la spéculation des uns côtoie l’extrême pauvreté des autres, la volonté de progrès s’accompagne du doute, la piété religieuse sévère s’installe chez des bourgeois qui peuvent lire Nietzsche affirmant que Dieu est mort... Dès lors le style romantique s’affirme et s’affiche librement au Salon aux côtés, mais en opposition, aux tableaux fidèles au style officiel.

C’est d’Angleterre que renaîtra la peinture de paysage avec John Constable, qui fera de ce genre un égal de la peinture d’histoire considérée jusqu’alors comme supérieur. Il développe un style à la lecture simple et à la touche libre qui refuse le détail en profondeur mais qui excelle dans le rendu de l’ombre et de la lumière par le scintillement et les effets du soleil dans la végétation. Il recherche la vérité par la création d’une ambiance où la touche et la couleur prennent le pas sur le dessin. Ce sentiment palpable présent dans le rendu influencera les romantiques français et sera à partir de la moitié du siècle le propos pictural développé par l’Ecole de Barbizon.

Son contemporain William Turner ose plus encore déstructurer ses compositions. Il abandonne totalement la perspective linéaire pour laisser à la matière et aux couleurs le soin de suggérer les formes, de manière souvent impulsive et tourbillonnante. Ses tableaux montrent la nature, violente, souvent déchaînée, contre laquelle l’homme ne peut rien. Ces images à l’empâtement fougueux, rendues possible grâce à l’utilisation du couteau, ont été d’abord rejetées par les critiques conservateurs.

En France Théodore Géricault emploie un style réaliste qui recherche la beauté par l’inspiration des

maîtres anciens et la composition monumentale. Son Radeau de la Méduse dont le but est de dénoncer un des plus grands scandales de son temps annonce une des fonctions nouvelles de la peinture du XIXe siècle.

L’engagement politique républicain et l’influence de l’art classique tout en rejetant les principes académiques se retrouvent également chez celui qui deviendra le chef de file du romantisme français, Eugène Delacroix qui apparaît comme l’antithèse du courant néoclassique incarné en la personne de Jean Dominique Ingres, plus proche des Bourbons et de la restauration. De ses voyages en Afrique du nord il apporte à ses tableaux une lumière particulière et, de l’influence de Constable, une touche libérée qui annonce déjà les futurs impressionnistes.

Avec le style romantique, la peinture de la première moitié du XIXe siècle a su rebondir face à un académisme rigide et intransigeant en permettant à l’art de pouvoir penser différemment. Il annonce l’ère moderne et de nouvelles possibilités tant au niveau technique que dans sa réflexion et ses sujets à raconter. C’est d’ailleurs de ce mouvement que découleront naturellement les courants de la seconde moitié du siècle et notamment le plus important de tous : l’impressionnisme.

L’académisme connaîtra encore quelques sursauts qui ne seront en fait que la manifestation de son déclin et finalement s’éteindra de lui-même devant l’arrivée de la photographie et du grand séisme artistique qui accompagnera le grand XXe Siècle. Il ne faut pas oublier le rôle important joué par la critique d’art qui, par son essor au XIXe siècle, a contribué à faire du romantisme le courant majeur qu’il fut aux yeux de ses contemporains et des générations suivantes.

Les peintres

les plus célèbres du courant

FRANCEThéodore GéricaultAntoine-Jean GrosEugène Delacroix

Horace vernetJean-Baptiste Corot

ALLEMAGNECaspar David Friedrich

ANGLETERREJohann Heinrich FüssliWilliam BlakeJohn ConstableWilliam Turner

ESPAGNEFrancisco Goya

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Le contexte politiqueFrance

1er EmpireNapoléon Bonaparte 1805 - 1815RestaurationLouis XVIII 1814 - 1824Charles X 1824 - 1830Monarchie de JuilletLouis-Philippe 1830 - 1848Deuxième RépubliqueLouis Napoléon BonapartePrésident de 1848 - 1852

MusiqueBeethoven, Schubert, Berlioz, Mendelssohn, Schumann, Liszt, Brahms, Bizet, Tchaïkovski, Dvorak, Malher, Debussy, Verdi, Puccini, Wagner…

LittératureBalzac, Sand, Baudelaire, Byron, Chateaubriand, Dickens, Dostoïevski, Dumas, Flaubert, Hugo…

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L’orientalisme

Les thèmes représentent le monde arabe, Constantinople, le proche-orient. Les scènes s’attachent à l’exotisme de la vie intime des harems, aux guerriers héroïques, aux villes d’un monde mythique que l’on redécouvre alors. Tout cela interprété et idéalisé à travers la vision occidentale de l’époque.

Ce sont les campagnes napoléoniennes en Egypte qui ont ouvert à la voie à l’engouement occidental pour l’orient. L’idée que l’on s’en fait véhicule un imaginaire construit sur le mystère de cet autre monde que l’on souhaite merveilleux et luxueux. Les artistes sont séduits par cette culture nouvelle (à leurs yeux) et la racontent en peinture à l’aide de motifs inspirés de l’art arabe et de l’univers des Milles et une nuits.

Delacroix ramène de ses voyages au Maghreb un emploi nouveau de la couleur pour retranscrire la luminosité si particulière à l’Afrique du nord.

Il peint les guerriers et leurs chevaux dans des mouvements fougueux qu’il rend de manière éclatante par une touche emportée et une matière puissante, des paysages, des scènes de la vie quotidienne, des récits bibliques de l’histoire assyrienne, racontés avec l’imaginaire et les motifs de son époque.

Ingres et Chassériau interprètent l’orient à travers leur style néoclassique, avec idéalisation. Les femmes sont un sujet privilégiés et sont présentées tout en mystère et avec une sensualité allant jusqu’à l’érotisme.

L’inspiration de l’orient continuera encore longtemps dans la peinture occidentale sous d’autres formes mais l’enthousiasme du XIXe siècle s’effacera pour laisser place à des courants dont l’interrogation sera plus portée à la réalité sociale et politique avec le courant réaliste et purement picturale voire scientifique avec l’impressionnisme.

Les peintres les plus célèbres du courantEugène DelacroixJean-Auguste Dominique Ingres

Théodore ChasseriauJean-Léon GérômeRudolf ErnstPaul-Louis BouchardFrederik Arthur Brigdman

Le contexte politique1799 - Napoléon : Campagne d’Egypte1869 - Canal de Suez1er EmpireNapoléon Bonaparte 1805 - 1815RestaurationLouis XVIII 1814 - 1824Charles X 1825 - 1830Monarchie de JuilletLouis-Philippe 1814 - 1824Charles X 1830 - 1848Deuxième RépubliqueLouis Napoléon BonapartePrésident de 1848 - 1852Second EmpireLouis Napoléon BonapartePrésident de 1852 - 1870

MusiqueAucun style musical ne correspond spécialement à l’orientalisme.

LittératureVictor HugoPierre LotiThéophile Gauthier

L’orientalisme n’est pas un mouvement pictural proprement dit. C’est plus un sujet, une inspiration, qui regroupe au XIXe siècle des peintres aussi bien de style romantique que néoclassique.

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Les Préraphaélites

Le XIXe siècle anglais est dominé dans la peinture, par l’Académie Royale qui définit ce que doit être l’art et à quoi il doit ressembler. En 1848 un groupe de jeunes peintres remettent en question les principes enseignés et forment la Confrérie préraphaélite avec l’intention de revenir à une peinture plus proche de la nature, non formatée et en quête de perfection tant au niveau de la forme que de l’expression.

La peinture est enseignée sur le modèle classique italien dans lequel le peintre Raphaël fait figure de référence. Lorsque trois peintres décident de former un groupe portant le nom de préraphaélite, ils affirment leur volonté de revenir aux styles antérieurs à la renaissance classique : le gothique, pour sa pureté spirituelle qu’ils considèrent comme perdu à leur époque, et les styles primitifs flamand et italien de la première renaissance pour leur représentation réaliste de la nature.

Le groupe initial se forme autour des fondateurs John Everett Millais, William Hunt et Dante Gabriel Rossetti. Même si l’inspiration leur vient du passé, leur démarche est avant tout avant-gardiste et politiquement contestataire. La tradition et l’esprit victorien font figure de modèle à ne pas suivre. Leur style d’un extrême réalisme est souvent créé d’après nature, l’invention récente du tube de peinture leur permettant de sortir de l’atelier et de peindre en plein air. L’habitude de peindre en extérieur sera reprise par le groupe

français qui donnera bientôt naissance au mouvement impressionniste.

Le style préraphaélite est caractérisé par une abondance de motifs et de détails présents sur la totalité de la surface du tableau. Les couleurs sont vives, lumineuses et contrastées. La perspective n’est utilisée qu’avec parcimonie voire quasiment absente de certains tableaux et la représentation des corps s’autorise la liberté de ne pas respecter les strictes règles anatomiques si cela peut servir la composition générale.

Dès leur première exposition en 1849 à la Royale Académie l’accueil du public se fait plutôt favorable envers ce style nouveau mais néanmoins imprégné d’esprit médiéval. Même si les plus conservateurs rejettent le groupe de jeunes peintres, le succès se fait rapidement sentir et les préraphaélites acquièrent une première clientèle.

Le groupe se dissout dès 1852 mais se reforme presque aussitôt. Le mouvement entre alors dans sa deuxième phase et réunit toute une génération de peintres influencés par le premier préraphaélisme. Les principaux acteurs du nouveau groupe qui rejoignent Rossetti sont William Morris et Edward Burne-Jones. Les tableaux peints durant cette période s’éloignent de l’esprit originel de la première Confrérie Préraphaélite pour privilégier l’esthétisme où le motif purement décoratif prend le pas sur le réalisme si cher à l’idéal des

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premiers fondateurs.

En 1861 William Morris fonde une entreprise, La Firme, dont la production se concentre sur les arts décoratifs : peinture, illustration, vitrail, tapisserie, ferronnerie etc... Il est suivi par Burne-Jones, Rossetti et Brown dont les productions influenceront le graphisme anglais du début du XXe siècle.

Les peintres les plus célèbres du courantWilliam Holman HuntJohn Everett MillaisDante Gabriel RossettiFord Madox BrownEdward Coley Burne-JonesWilliam MorrisJohn BrettHenry WallisFrederick SandysJohn William Inchbold

John William WaterhouseSimeon SolomonArthur Hughes

Le contexte politiqueRoyaume-uniRègne de la reine Victoria de 1837 à 19011848 - Mouvement chartiste qui revendique le suffrage universel pour les hommes.

France1848 - Révolution qui met fin à la monarchie (Charles X) etproclamation dela deuxième république.1839 - Invention de la photographie1841 - Invention du tube de peinture en métal souple

MusiqueAucun style musical ne correspond spécialement au mouvement préraphaélite.

LittératureRevue The Germ créée par le premier groupe préraphaélite.

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L’Ecole de Barbizon

Théodore Rousseau s’installe dans les années 1830 à Barbizon avec l’objectif de peindre la nature directement sur le vif, telle qu’elle est, dont l’ambiance est donnée par la lumière et le climat et non plus par l’atmosphère intérieure et fantastique que les peintres romantiques mettaient en scène dans leurs tableaux. Ce rapprochement à la nature est une réaction du peintre face au développement de l’industrialisation de son époque.

Il est rejoint à Barbizon par des peintres comme Charles-François d’Aubigny, Constant Troyon, Narcisse Diaz de la Pena, Jules Dupré, Jean-François Millet… Camille Corot peut également être considéré comme étant proche de l’Ecole de Barbizon même s’il n’a pas réellement fait partie du groupe.

L’inspiration du groupe de Barbizon provient de la peinture de paysage anglaise, réinventée au début du XIXeme siècle par Turner et Constable. L’abandon de l’idéalisation que la tradition picturale préconisait jusqu’alors, au profit de la sensation face à la réalité d’une nature à la lumière changeante, a permis à Rousseau et à ses compagnons d’apporter à la peinture française une conception nouvelle qui influencera bientôt en profondeur le futur groupe des impressionnistes à partir des années 1870.

Les peintres les plus célèbres du courantThéodre RousseauCharles-François d’AubignyNarcisse Diaz de la PenaConstant TroyonJules Dupré

Armand CassagneCharles JacqueAlbert CharpinCharles Leroux

Le contexte politiqueCharles X 1830 - 1848Deuxième RépubliqueLouis Napoléon BonapartePrésident de 1848 - 1852Second EmpireLouis Napoléon BonapartePrésident de 1852 - 1870

MusiqueEpoque de : Berlioz, Offenbach, Debussy, Bizet, Fauré

LittératureFlaubertBalzacStendhalMaupassantZola

Comme pour les artistes réalistes, la volonté de représenter ce que l’on voit en débarrassant l’œuvre de toute référence liée à l’imaginaire romantique se fait sentir chez un groupe de peintres spécialisé dans la peinture de paysage.

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Le Réalisme

Alors que la contestation picturale est portée en Angleterre par les préraphaélites elle est, en France, exprimée par une génération d’artistes désireux de moderniser l’art, non pas en rejetant le passé, mais en redéfinissant sa culture, son style et ses objectifs. Pour la première fois l’idée de futur et le questionnement sur l’évolution de la société se font sentir dans l’image. La peinture d’histoire ne montre plus que de l’histoire contemporaine. Les références au monde intérieur et à la psyché chère aux génies romantiques sont abolies à la faveur d’une réalité uniquement visible. L’art est devenu le témoin d’une époque tiraillée entre nostalgie du passé, traditions, évolution sociale et progrès techniques que l’on ne peut plus arrêter.

Gustave Courbet dès 1850 s’exprime dans un style que l’on qualifie alors de réaliste. Il se détache, mais sans rejet radical non plus, du romantisme qu’il considère comme une frivole expression de «l’art pour l’art». Sa recherche s’oriente vers une peinture vivante dans laquelle l’homme redevient l’être humain d’une réalité qu’il oppose à l’imaginaire romantique.

Autodidacte des ateliers libres du Louvre Courbet s’écarte du style de Delacroix sans chercher à s’intégrer dans les courants de son époque. Son esprit traditionnel fait de lui un peintre parfaitement intégré à son époque mais sans être avant-gardiste même s’il rompt

volontairement avec ses contemporains. L’enterrement à Ornans qu’il présente en 1851 est, comme les œuvres romantiques, une toile aux dimensions impressionnantes (3,14 x 6,63 m) mais sa composition est plus désordonnée, les couleurs moins contrastées et le sujet, commun, ne possède rien de l’audace et de la vaillance propre au romantisme. Les paysans présents dans cette scène de la vie courante sont représentés tels qu’ils sont, sans interprétation artistique, parmi lesquels les membres de sa propre famille.

Courbet, socialiste de la deuxième république, est encore fortement rattaché à l’esprit catholique présent dans les campagnes françaises de l’époque mais après la commune de 1871 il deviendra profondément anticlérical et reniera l’esprit religieux qui flotte sur l’Enterrement à Ornans.

Si Courbet s’attache à peindre la bourgeoisie provinciale, Jean-François Millet préfère montrer la pauvreté des paysans sans aucun rattachement à une idéologie politique. Il fréquente à ses débuts l’Ecole de Barbizon puis trouve son style dans lequel l’esprit fataliste côtoie la délicatesse et la sentimentalité. Les hommes et les femmes de ses tableaux sont les derniers témoins d’une époque déjà révolue, transformée par la machine de la révolution industrielle.

En voulant être de son temps et en rejetant les sujets historiques, le réalisme représente la vie quotidienne en France sous la deuxième république et le second Empire. Animé par sa proximité aux idées socialistes de l’époque, le courant se veut une controverse tant idéologie qu’artistique.

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Manet propose une approche différente dans sa production liée au réalisme. Il a étudié les grands maîtres de la renaissance mais sa manière s’attache plus à une recherche de la sincérité du sens et du fond plutôt qu’à une perfection de la forme. Comme Courbet, l’engagement politique est chez lui un élément essentiel de sa production artistique. Dans son tableau l’Exécution de Maximilien, il s’en prend à Napoléon III qui censurera l’œuvre et interdira sa présentation.

Le courant s’exporte aux Etats-Unis à partir de 1865, après la guerre de Sécession. Là aussi, les peintres représentent la réalité de la vie quotidienne dominée par l’inquiétude liée à la formation d’une nouvelle identité nationale. L’importance donnée à certains objets anodins du quotidien deviendra une des caractéristiques de l’image américaine.

Les peintres les plus célèbres du courantGustave CourbetJean-François MilletEdouard ManetHonoré DaumierLe contexte politiqueDeuxième RépubliqueLouis Napoléon BonapartePrésident de 1848 - 1852Second EmpireLouis Napoléon BonapartePrésident de 1852 - 1870Guerre franco-allemande en 1870, défaite de la France et fin du second EmpireTroisième RépubliqueA partir de 1870MusiqueEpoque de : Berlioz, Offenbach, Debussy,

Bizet, FauréLittératureFlaubertBalzac

StendhalMaupassantZola

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L’impressionnismeAvec leur volonté de représenter le motif en fonction de la lumière et de ses effets, les impressionnistes

remettent en question les principes artistiques qui définissaient jusqu’alors la représentation picturale. L’impressionnisme ne cherche pas le sens mais la forme, qu’il réinvente en peignant l’instant selon les lois scientifiques de la perception visuelle, en utilisant la couleur comme seul outil de composition.

Un groupe dissident

Des artistes, en marge de l’art officiel de la seconde moitié du XIXeme siècle, créent en 1863 le Salon des refusés, qui rassemblent les peintures qui ne sont pas admises au salon officiel. Principal vecteur entre les artistes et le public, le Salon officiel permettait la célébrité et l’accès au marché de l’art aux peintres qui respectaient les conventions académiques de l’époque.

En plus du Salon des refusés, le groupe qui deviendra bientôt connu sous le terme d’impressionniste (nom attribué de manière péjorative par un critique d’art regardant le tableau de Monet Impression, soleil levant) décide d’organiser des expositions indépendantes. L’académie crie au scandale et les critiques attaquent avec violence le style présenté par le groupe. Néanmoins les cercles cultivés et intellectuels adhèrent rapidement à cette peinture nouvelle, à sa texture brute et épaisse, à son rendu “non fini“ qui s’attache à traduire une impression plutôt qu’à rechercher la perfection réaliste du dessin.

Si les impressionnistes sont en marge de l’art officiel et incarnent la révolte picturale de leur temps cela est

totalement indépendant de leur volonté. Ils font une peinture qui s’adresse à la bourgeoisie. Leur univers est calme, joyeux, léger, insouciant. Ils peignent des scènes de la vie quotidienne avec le souci de créer une «vérité visuelle» qui tient compte de la lumière et de ses effets sur les motifs qu’ils intègrent à leurs compositions. Le sens philosophique de la scène, les sentiments ou l’introspection ne sont pas leur propos.

C’est en fait une autre forme de réalisme que les premiers impressionnistes, Monet et Renoir en particulier, cherchent à mettre en place à la fin des années 1860, sans toutefois figer leurs innovations dans une quelconque théorie esthétique.

Les impressionnistes reprennent aux réalistes l’idée de ne peindre que des sujets contemporains et ils y ajoutent leur volonté de les représenter tels qu’ils les perçoivent à l’endroit et à l’instant où ils les réalisent leur tableau. Cela est rendu possible par l’apparition récente du tube de peinture souple qui permet aux artistes de sortir pour aller peindre hors de l’atelier.

L’invention de la photographie a également joué

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un rôle dans l’art du XIXeme siècle grâce la possibilité qu’elle offre pour imaginer de nouveaux cadrages mais surtout dans le fait que l’image fige le motif à un instant précis, gardant sur l’image les effets atmosphériques présents lors de la prise du cliché ; effets qui auraient été supprimés par la volonté d’idéalisation des peintres académiques.

Une peinture scientifique

Ils veulent montrer, influencés par les recherches scientifiques sur la couleur et la perception visuelle que l’on appelle positivisme, que la vision que nous avons de notre environnement se fait en fonction de nos sens. Un objet peut donc avoir un aspect différent selon le climat, l’éclairage, la position du spectateur. Par exemple un même arbre pourra être perçu, et donc vu, différemment tant au niveau de sa forme que de ses couleurs si on le regarde en pleine journée ou à la nuit tombante, avec le soleil derrière soi ou si l’on est ébloui avec la lumière dans les yeux… Ce sont ces principes, physiques et scientifiques, que les impressionnistes cherchent à représenter. Impossibles à rendre par un dessin lisse et conventionnel, ils utilisent la touche, la matière et la couleur pour rendre de manière fidèle l’instant fugitif où ils ont figé leur motif sur la toile. La lumière étant facteur principal de la peinture impressionniste et celle-ci étant matérialisée par la couleur dans le tableau, c’est celle-ci qui, dorénavant, va construire la composition et définir le dessin.

La peinture impressionniste, en cohérence avec sa volonté de représenter la lumière et ses effets, élimine s’il le faut la perspective pour pouvoir fusionner le premier et l’arrière-plan. Les formes, définies par les reflets lumineux renvoyés aux yeux du spectateur, se débarrassent des contours et n’existent que par la touche et la couleur.

L’influence de l’estampe japonaise

L’estampe japonaise a permis aux artistes de la seconde moitié du XIXe siècle de concevoir l’art d’une manière nouvelle, indifférente à la tradition picturale

occidentale. Elle a donné aux impressionnistes la possibilité de créer des mises en page moins conformistes et libérées des conventions académiques dans lesquelles se côtoient des couleurs brutes et contrastées. Le sujet principal du tableau peut devenir un motif parmi d’autres, soumis aux mêmes règles que les autres, fondu dans l’ensemble ou déplacé dans la fantaisie de la mise en page.

D’autre part, la présence de couleurs pures et vives les unes à côté des autres a permis aux impressionnistes de trouver une manière de rendre le relief des matières (comme l’eau par exemple) sur la surface plane du tableau.

En recherchant l’impression et la sensation visuelle de l’instant, et par la déformation due à la représentation des effets lumineux, les impressionnistes sont quasiment arrivés à l’annulation des formes. Débarrassé de la problématique liée à la perception visuelle de l’œil humain, quelques artistes du début du XXeme siècle s’inspireront de leur travail pour donner naissance à la plus grande fracture qu’ait connue l’histoire de l’art

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occidental depuis la renaissance : l’abstraction.

Les peintres les plus célèbres du courantClaude MonetPierre Auguste RenoirEdouard ManetGustave CaillebotteEdgar DegasEugène BoudinCamille PissarroAlfred SisleyBerthe MorisotJames Abbott WhistlerLe contexte politiqueSecond EmpireLouis Napoléon BonaparteEmpereur de 1852 - 1870Guerre franco-allemande en 1870, défaite de la France et fin du second Empire

MusiqueEpoque de :Bizet, Brahms, Liszt, Mendelssohn, Offenbach, Rossini, Saint-Saëns, Schumann, Tchaïkovski, Verdi, Wagner

LittératureEpoque de :Guy de Maupassant, Gustave Flaubert, Victor Hugo, Stéphane Mallarmé, Arthur Rimbaud,

Jules Verne, Émile Zola, Melville, Anton Tchekhov, Léon Tolstoï, Nietzsche

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Le cubismeL’inspiration première vient de l’œuvre de Cézanne qui transforme la vision en volumétrie concrète. Braque

et Picasso en créant le courant cubisme abolissent la perspective, principe fondamental de la peinture depuis la renaissance. Dès lors le spectateur est confronté à une image dont il peut faire le tour sans avoir à se déplacer : la troisième dimension entre dans l’espace bidimensionnel.

APRÈS CÉZANNE

Cézanne remet en question la perception en perspective issue de la Renaissance Italienne. Il déforme les volumes et les plans, quitte à créer de « fausses perspectives ». Dans ses natures mortes, on peut observer simultanément différents points de vue et des décalages de plans. Par exemple, la table est montrée vue du dessus, alors que les fruits sont représentés vus de face. Il n’hésite pas à s’éloigner de la « justesse » du dessin, et à déformer les choses, si cela peut servir sa composition et mettre en valeur tel ou tel contraste qui l’intéresse, ou s’il veut mettre en avant une forme particulière.

Il aboutit aussi dans ses compositions à une grande simplification des formes et des surfaces colorées, de plus en plus géométriques, qui s’éloignent de la représentation réaliste de la peinture classique.

REPRÉSENTER CE QUE L’ON SAIT

Suivant la voie ainsi ouverte Georges Braque et Pablo Picasso, les premiers, ont la volonté de représenter l’objet tel qu’il est, dans sa globalité, dans son intégralité, et non tel qu’on le voit de manière directe, c’est-à-dire du seul point de vue de notre oeil. Il y a donc une rupture radicale avec la représentation perspective à point de fuite de la Renaissance qui présente la scène de manière

réaliste à partir d’un point de vue unique qui correspond à celui de notre regard.

Les cubistes veulent montrer ce qui fait l’essence d’une chose, la montrer dans son intégralité. Ils veulent montrer tout ce qui peut caractériser une forme, même si dans la réalité, on ne peut pas le percevoir simultanément. Par exemple, ce qui caractérise une tasse, c’est l’anse que l’on voit quand on l’observe de face, l’ellipse qui se dessine quand on la regarde d’au-dessus, et la forme du récipient lui-même vu de profil.

Le cubiste, va chercher à montrer l’essentiel de ce qu’est une tasse, en représentant ses différentes caractéristiques, ses différents plans, simultanément sur le plan de la toile, même si cela ne correspond pas à ce que l’on peut observer dans la réalité. Ce principe est appliqué aux objets comme aux personnages.

Cela fait penser aux représentations égyptiennes dans les hiéroglyphes, qui, pour signifier la chose en montrent les éléments caractéristiques et essentiels, même s’ils ne se situent pas nécessairement sur un même plan dans la réalité : pour montrer une vache, on va en montrer le profil, et simultanément, les cornes qui la caractérisent, vues de face. Il en va de même pour les personnages qui sont représentés avec le corps vu de face et le visage de profil.

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On voit d’ailleurs à cette époque de nombreuses références à l’Afrique et à l’Egypte dans toute la culture, aussi bien littéraire, que théâtrale, au cinéma ou en musique. Le thème des momies est souvent emprunté ainsi que de nombreux thèmes orientaux et africains. C’est la mode de l’exotisme et de la fascination des autres continents que sont l’Asie, l’Inde et l’Afrique.

L’aspect géométrique des formes cubistes est aussi très inspiré des sculptures africaines. De nombreux artistes s’y intéressaient de très près. Certains portraits ressemblent en effet à s’y méprendre à des copies de masques africains.

Inspiré par ces types de représentations, le cubisme cherche à traduire la vérité de l’objet en l’analysant de manière concrète dans chacune de ses parties et à rendre compte de ses différents points de vue sur une même image. Mais l’analyse des formes et est de plus en plus complexe et les formes deviennent de plus en plus morcelées, fractionnées. À force de complexité, les cubistes finissent par perdre la lisibilité de l’image.

Face à cette perte de l’image, les artistes ressentent alors le besoin d’introduire des éléments rapportés pour permettre à nouveau la reconnaissance de l’objet. Ils introduisent alors dans leurs tableaux des éléments issus du réel, pour donner des indices et permettre à nouveau la reconnaissance de l’objet : lettres, chiffres, fragments de matériaux divers, échantillons prélevés dans le monde

réel.

LE CUBISME APRÈS LE CUBISME

Tous ces éléments donnent un certain volume à la peinture, créant de nouveaux formats aux œuvres (ovale…), ce qui est nouveau pour l’époque. Les artistes cherchent à se rapprocher de la sculpture et à faire une certaine forme de peinture-objet.

La géométrisation des formes, le passage par la déconstruction de la forme pour ensuite la restructurer dans le tableau de manière nouvelle, aboutit à une certaine abstraction visuelle. Parfois, la lisibilité de l’objet se perd dans la complexité des formes.

Cette évolution du cubisme qui tend parfois à la perte du sens de l’image d’un point de vue narratif, ouvre les portes après 1914 à une vision abstraite qui sera développée par de nombreux artistes du cavalier bleu et de l’art abstrait, mais sous une forme et avec une démarche bien différente. Robert Delaunay en créant le groupe de la section d’or cherchera à appliquer les principes cubistes à l’étude de la lumière et à ses effets.

Le principe de décomposition de la forme afin de l’analyser sous toutes ses possibilités et pour la reconstruire ensuite autrement sur la toile, propose aussi certaines expressions qui se rapprochent de celles du mouvement futuriste, mais là encore dans un objectif tout autre : l’étude du mouvement.

L’influence du cubisme se poursuit également dans le style figuratif. Fernand Léger, que l’on préfère qualifier de tubiste, met au point un style personnel qui échappe à l’histoire collective.

LES PÉRIODES DU CUBISME

- le cubisme cézannien, entre 1907 et 1909, avec la simplification des formes et la remise en question de la perspective,

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- le cubisme analytique, entre 1909 et 1912, qui décompose l’espace tridimensionnel jusqu’à atteindre une représentation quasi abstraite du sujet,

- le cubisme synthétique, entre 1912 et 1914, et l’apparition de collages et d’éléments rapportés.

Les peintres les plus célèbres du courantGeorges BraquePablo PicassoLyonel FeiningerFernand LegerJean Metzinger

Robert DelaunayJuan Gris

Le contexte politiqueFranceIIIeme République1914 - 1918Première guerre mondialeCrise industrielle à partir de 19311939 Début de la seconde guerre mondiale

MusiqueAucun style musical ne correspond spécialement au cubisme.

LittératureAucun style mlittéraire ne correspond spécialement au cubisme.

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Le fauvismeLa peinture fauve s’attache particulièrement au travail de la couleur. Les œuvres sont facilement

reconnaissables par l’emploi sur de larges surfaces de couleurs aux teintes éclatantes. Les images figuratives tendent, par la simplification des formes, à une certaine ébauche d’abstraction.

Le fauvisme apparaît en France à la même période que l’expressionnisme en Allemagne. Mais si l’expressionnisme allemand se caractérise par une atmosphère tourmentée, parfois violente, la forme d’expressivité du fauvisme est tout autre. La dynamique de ce groupe est beaucoup plus positive et pleine de vitalité.

Ce mouvement s’inscrit dans la continuité des recherches entamées par Cézanne à l’époque des impressionnistes. Si la préoccupation du moment était le questionnement autour du regard et une approche quasi scientifique de l’étude de la couleur et des différents effets d’optiques, Cézanne, lui, se situait un peu en retrait. Sa recherche était muée par les mêmes préoccupations, mais la forme de son expression était bien différente et le caractère très personnel de son œuvre reflète bien son tempérament solitaire face à son propre cheminement artistique.

Très vite, dans ses toiles, on peut observer une simplification des formes et un travail de la couleur par larges aplats de peinture. Sa volonté de trouver le

moyen d’exalter pleinement la couleur le pousse à épurer toujours davantage ses images.

Cette notion est poussée encore un peu plus loin par Gauguin. Au cours de son voyage à Tahiti, il découvre la splendeur des couleurs du pays. Cherchant lui aussi à exprimer l’éclatement et l’intensité de ces teintes et lumières magiques qu’il observe, il aboutit à une simplification du dessin.

Vers la fin de sa vie, Gauguin aboutit à des peintures où la couleur prend indéniablement le pas sur le dessin et s’exprime avec une intensité et une virulence encore jamais observées.

Les peintres fauves vont poursuivre cette voie ouverte et aller encore plus loin dans cette démarche. Le dessin tend alors à disparaître et laisse place à des taches colorées, surfaces posées en touches épaisses et larges de couleurs pures. Dès lors la forme se dessine directement par l’étendue colorée. C’est une expression sensuelle et spontanée.

Le terme « fauve » peut exprimer l’aspect nature, vif,

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spontané, presque sauvage de l’emploi de la couleur. Cela peut aussi évoquer un certain primitivisme, comme le proclamait Gauguin qui cherchait volontairement à se rapprocher de cet aspect primitif de la peinture en s’imprégnant du monde Tahitien. En effet, c’était pour lui un moyen de porter un nouveau regard (quasi vierge) sur la peinture, en dehors des références codées de la peinture académique du monde occidental de son époque.

Les œuvres du fauvisme vont ouvrir les portes à une abstraction de plus en plus marquée de l’image, jusqu’à aboutir plus tard à l’art abstrait. De nombreux artistes vont poursuivre les questionnements ouverts au sujet de la couleur et aller jusqu’à la création de peintures en monochromes, comme Malevitch ou Klein. D’autres vont travailler sur l’essence même de la couleur, chacun à leur manière, dans des voies très variées, de façon sensible comme dans le travail de Rothko par exemple, ou de manière plus scientifique, comme les artistes de l’Op’Art.

Les peintres les plus célèbres du courantGeorges BraqueAndré DerainHenri MatisseRaoul DufyGeorges RouaultMaurice de VlaminckAlbert MarquetKees van DongenHenri Charles Manguin

Le contexte politiqueFranceIIIeme RépubliqueLoi de 1901 qui permet la création de partis politiques1905 Séparation de l’Etat et de l’Eglise

MusiqueAucun style musical ne correspond spécialement au fauvisme.

LittératureAucun style littéraire ne correspond spécialement au fauvisme.

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Le futurismeLe futurisme, né en Italie en 1909, se caractérise par une recherche de l’expression picturale du mouvement.

S’inscrivant dans le prolongement du cubisme, on y voit parfois une certaine géométrisation des formes qui s’y apparente. Le mouvement est principalement fondé sur la fascination des machines, de la vitesse, et sur la décomposition du mouvement et sa représentation.

Le futurisme, créé suite à l’édition du Manifeste du futurisme par Filippo Marinetti, se place dans un contexte d’avant-guerre où le climat politique et social est particulièrement tendu. De nombreux jeunes veulent changer radicalement le monde et ne voient la révolution qu’à travers la destruction de toutes les valeurs du passé (musée, bibliothèques, villes historiques…) à la faveur de la machine et de la vitesse.

La guerre apparaît comme une solution pour repartir à zéro et recréer un monde fondé sur de nouvelles bases. Les futuristes proclament ce côté guerrier de manière assez virulente, certains allants même jusqu’à prôner les valeurs fascistes de manière radicale. Ils sont fascinés par le modernisme, la machine, et notamment les machines de guerre. C’est sur ces bases qu’ils entendent créer le monde nouveau, un monde moderne fondé sur la machine toute-puissante. L’esprit qui anime le mouvement est révolté et révolutionnaire.

Si les formes généralement géométriques peuvent

parfois rappeler celles du cubisme, il y a un désaccord avec son aspect statique. La recherche du futurisme est basée sur la dynamique et la vitesse. Ces deux thèmes sont d’ailleurs souvent exploités dans les tableaux.

Plus un corps bouge vite dans l’espace, plus sa perception est abstraite. Manet à son époque, se posant déjà des questions sur la perception (des couleurs, certes, mais aussi des formes en mouvement) avait tenté de représenter une course de chevaux. En observant de manière poussée, on se rend compte, que ce que l’on perçoit alors, c’est le mouvement lui-même et non l’objet.

Les futuristes vont pousser plus loin ces recherches. Les avancées technologiques dans le domaine de la photographie et du cinéma permettent enfin de donner à voir la décomposition du mouvement de manière précise. L’instantané photo donne enfin à voir un instant arrêté de ce mouvement. En effet, avant cette technique révolutionnaire dont Manet s’était sans doute servi, on

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ne pouvait représenter le cheval au galop que de manière intuitive, avec de grandes chances d’en avoir une vision erronée.

De nombreux artistes vont prendre comme support de recherche des études photographiques sur la décomposition du mouvement afin de réaliser leurs œuvres. C’est le cas du Nu descendant l’escalier de Marcel Duchamp (qui a fait scandale lors de sa présentation au public). À travers ce tableau, si Duchamp développe les formes plastiques et les thèmes de recherches futuristes, il ne partage pas les opinions politiques et idéologiques des italiens. Sa préoccupation majeure reste un questionnement purement artistique.

Si dans les formes radicales du futurisme on voit souvent apparaître le thème des machines de guerre, parfois, la représentation du mouvement est abordée avec plus de légèreté et un certain humour. C’est le cas de Balla avec la Dynamique d’un chien en laisse.

Dans la Dynamique d’une tête de femme de Boccioni, on voit aussi apparaître une forme d’expression dont Francis Bacon semble s’être inspiré quand on voit la similitude formelle de l’image.

Le futurisme proprement dit s’essoufflera avec l’arrivée du fascisme au pouvoir au cours des années 1920 mais le mouvement aura permis l’apparition du questionnement sur l’appréhension visuelle du mouvement.

Certains artistes à venir vont eux aussi développer la notion de mouvement dans l’oeuvre, mais de manière totalement différente. Par exemple Tinguely et ses œuvres composées de rouages qui s’animent quand elles sont actionnées de manière mécanique ; Calder qui crée des mobiles mis en mouvement par des forces «naturelles» comme le vent ou l’eau ; ou encore L’op art qui simule mouvement grâce à des effets d’optiques complexes.

Les peintres les plus célèbres du courantITALIEGiacomo BallaCarlo CarràGino SeveriniLuigi RussoloUmberto Boccioni

Le contexte politiqueFormation du royaume d’Italie à partir de 1861. L’intégration de Rome en 1866 provoquera la séparation de l’état et de l’Eglise en 1929 (accords du Latran).En 1915, l’Italie se range du côté des alliers et entre en guerre contre l’Allemagne.Le Traité de Versailles de 1919 ne tient pas ses promesses envers l’Italie. L’indignation des italiens permet au fascisme de s’installer à partir de 1922.

MusiqueThéorisation du bruitPierre SchaefferEdgard Varèse

LittératureEcriture de Manifestes et théories sur le mouvement, la vitesse, le bruit…Filippo Tommaso MarinettiLuigi RussoloFrancesco Balilla Pratella

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L’expressionnismeL’expressionnisme ne cherche pas à montrer le

monde tel qu’il est, mais à l’exprimer. Il s’inscrit dans les pas de Van Gogh qui avait déjà ouvert en son temps les portes d’une forme de peinture marquée par l’expression. Cet aspect est principalement exploité à travers le thème du corps ou du portrait, dans lesquels les artistes n’hésitent pas à aller jusqu’à la distorsion des traits.

L’EXPRESSIONNISME ALLEMAND ET DIE BRÜCKE

Au début du siècle, l’Allemagne traverse une période de crise profonde dans un climat social tendu avec l’approche de la Première Guerre mondiale, même si le peuple s’affiche dans une insousciance factice. Les expressionnistes sentant venir la guerre expriment leurs sentiments visionnaires dans des images particulièrement torturées. C’est dans ce contexte que se forme le groupe Die Brücke à Dresde en 1905 autours des personnalités de Fritz Bleyl, Karl Schmidt-Rottluf, Erich Heckel et Ernst Ludwig Kirchner. Viendrons plus tard s’y ajouter des artistes tels que Emil Nolde, George Grosz, Otto Mueller, Max Pechstein et Otto Dix. D’ailleurs, quand on observe les portraits photographiques de ce dernier, on voit que l’expression qui émane de son visage est loin d’être épanouie, primesautière et pleine de joie de vivre. Son expression grave, sévère et austère semble exprimer à elle seule l’atmosphère qui pouvait régner dans le pays à l’époque.

Dans ce monde hostile, présageant moult inquiétudes, les expressionnistes allemands cherchent une peinture capable d’exprimer les problèmes humains. Leur peinture est comme un cri de désespoir lancé en réaction à cette société qui n’offre qu’angoisse et peur de l’avenir. La forme expressionniste est brute, nerveuse et la déformation est utilisée à volonté pour faire rejaillir le sentiment intérieur sur la réalité figurative.

L’influence du style vient de précurseurs du siècle précédent comme James Ensor, Vincent van Gogh ou encore Edward Munch.

L’EXPRESSIONNISME VIENNOIS

A Vienne en Autriche, l’expressionnisme apparaît à travers le groupe de la Sécession créé par Gustav Klimt (bien que celui-ci reste principalement attaché au style Art nouveau), bientôt rejoint par Egon Schiele : dans son Autoportrait debout, il n’hésite pas à se montrer à nu,

dans toute sa vulnérabilité, sa fragilité d’être humain. Il ne cherche pas à embellir son corps ou son visage. La flatterie n’est pas son propos. Il ne cherche pas à se montrer, mais à exprimer ce qu’il ressent profondément. Il adopte une posture caractéristique de l’expressionnisme allemand, c’est-à-dire une pose antinaturelle au possible. Son corps est contraint dans un mouvement de torsion, où ses bras sont tordus dans une posture tourmentée à l’arrière de son corps. Les mains sont exagérément agrandies, de manière à renforcer l’aspect expressif. Le regard quant à lui semble très énigmatique. On ne parvient pas à savoir si ce que l’on voit sont les paupières de ses yeux fermés ou si le regard est volontairement absent, comme s’il n’avait pas fait les yeux pour éviter de voir les horreurs du monde. Toujours est-il que cette absence de regard déstabilise et renforce curieusement l’aspect expressif et dérangeant de l’image. Il y a une certaine violence à se mettre à nu, jusqu’à montrer son sexe, et à ne pas dévoiler son regard.

Dans son tableau Deux femmes, il peint deux corps enlacés dans une posture complexe où les corps se mélangent tant qu’ils semblent disloqués. On ne parvient plus à savoir à qui appartiennent les membres. Il y a à la fois une certaine fusion des corps, et en même temps une violence latente dans l’attitude. Il faut se rappeler qu’en

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cette période, dans certaines familles puritaines, le corps était encore si tabou qu’il était interdit de regarder ou de toucher son propre corps. Les attraits sexuels étaient apparentés au diabolique et au péché, si bien que même lors du bain, certaines familles utilisaient des draps spéciaux, recouvrant tout le corps pour le cacher au regard. Il va sans dire que dans un tel contexte, cette représentation du corps de la femme est plus qu’outragée. C’est sans doute le conflit intérieur entre le désir de montrer le corps et de se l’approprier, et les angoisses profondes que le fait de briser les tabous engendre, qui procure cette agressivité, cette violence et ce tourment palpables dans les représentations du corps.

LE COPRS COMME SUPPORT D’EXPRESSION TRAGIQUE

Quoi de mieux pour exprimer ces angoisses, les terreurs et la violence de ce monde, que le portrait ou le corps nu, sans carapace ni sans défense. Les portraits et corps présentent un aspect très expressif, parfois à la limite de la déformation ou de la monstruosité. Les images dégagent souvent une impression morbide, torturée, exaltant une certaine image de décadence et de déchéance.

C’est le cas du Portrait de la journaliste Sylvia Von Harden d’Otto Dix. Le visage pâle de la journaliste peint sur un fond rouge éclatant n’en semble que plus blafard. Les traits du visage sont exagérés, les mains disproportionnées par rapport au corps et leur déformation accentuent l’aspect expressif du personnage. Ici, la femme est présentée comme un personnage en pleine décadence : le peintre lui approprie les attraits de la déchéance, cigarette et alcool, surtout pour une femme, ce qui avait sans doute de quoi faire bondir la bourgeoisie bienséante de l’époque. La posture même du personnage accentue cet aspect décadent. Les jambes croisées (posture de séduction nonchalante très incorrecte pour

une jeune fille de bonne famille), exhibent un bas qui retombe légèrement plissé avec négligence. Ce détail évoque à la fois un certain laisser aller de la féminité que l’on voudrait voir lisse et pure, et d’une certaine manière aussi, comme un rappel de la dégradation du corps par le temps qui passe. En effet, les plis du bas évoquent une peau vieillie, ridée, les flétrissements inévitables des chairs par le temps qui passe.

Cette image est reprise dans de nombreux tableaux d’Otto Dix, où il montre des femmes âgées aux chairs vieillies. Elles se regardent dans des miroirs, souriantes, avec tous les atours des fraîches jeunes filles. Le contraste n’en est que plus saisissant et montre avec encore plus de cruauté le côté inéluctable de la décadence du corps et des beautés perdues. Cette vision est non sans rappeler le portrait de Dorian Gray, à travers le regard de ces vieilles femmes terrifiantes qui croient encore se voir sous les traits de la beauté de leur prime jeunesse.

Certains artistes du body art vont développer ce rapport violent et tourmenté au corps, mais de manière toute autre car celui-ci ne passe pas par le biais de la toile. Le corps devient le support direct de l’œuvre. Les artistes de ce mouvement dépassent l’aspect expressif du corps pour explorer les possibles et les limites qu’il offre.

Les peintres les plus célèbres du courant

ALLEMAGNEErich HeckelKarl Schmidt-RottlufErnst Ludwig KirchnerMax PechsteinEmil NoldeOtto MuellerGeorge GroszOtto DixWassily kandinskyAlexej von JawlenskyMarianne von Werefkin

AUTRICHEGustav KlimtEgon SchieleOscar Kokoschka

Le contexte politique1914 - 1918Première guerre mondiale1919 Traité de Versailles : dépeçage géographique de l’Allemagne et sévères sanctions économiques et militaires.Montée du nazisme en Allemagne et élection d’Adolf Hitler comme chancelier en 1933

MusiqueArnold Schönberg (musique dodécaphonique)Alan BergAnton von Webern

LittératureFranz KafkaFrank Wedekind

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La peinture métaphysiqueLa peinture métaphysique marque un retour à une peinture figurative qui évoque la tradition de la renaissance

italienne. La conception du temps et de l’espace y appartient plus à l’imaginaire qu’au réel. Cette peinture propose des sujets situés en dehors de notre contemporanéité pour nous poser des questionnements métaphysiques à travers des images énigmatiques.

Le courant est centré autour de son fondateur Giorgio De Chirico qui ne fera pas école ou presque mais qui laissera ouvert une voie qui sera reprise ensuite par les surréalistes. De Chirico pense que l’art ne doit pas avoir de rapport avec son propre temps, tant historique qu’idéologique ou social. Il ne doit pas participer aux idéologies du moment, aux valeurs sociales ou à l’histoire de son époque mais doit se situer en dehors de tout cela, dépasser ces valeurs pour s’élever au-dessus et poser des questionnements d’ordre supérieur… des questionnements métaphysiques.

Dans ses œuvres, De Chirico propose des énigmes, des images pleines de mystères et d’interrogations, sans pour autant y répondre. Il crée ainsi un univers étrange dans lequel l’espace et le temps sont en dehors de notre réalité. Si dans ses tableaux on peut observer un retour à la tradition figurative de la peinture de la renaissance Italienne, on voit aussi la volonté de franchir le temps et l’espace avec pour objectif de créer une peinture atemporelle, en dehors de l’histoire. Il cherche à créer une peinture méta-réelle, méta-historique, méta-physique avec une volonté d’atteindre une certaine universalité de la culture.

Dans ses images, le temps semble comme arrêté. Au milieu de décors inquiétants évoquant des vestiges antiques, tout semble immobile. Tout semble « entre-tout », donc en dehors de tout : la manière de structurer l’image fait que l’on ne parvient pas à savoir où et quand se situe la scène.

Entre l’intérieur et l’extérieur, entre le clos et l’ouvert, l’histoire paraît située dans un temps imaginaire, n’appartenant pas vraiment au passé, ni au futur et non plus au présent. Elle se situe en dehors du temps. Le traitement de la lumière aussi est étrange, si bien que l’on ne parvient pas à savoir s’il s’agit de l’aube, du soir, de la nuit ou du jour ou encore de la lumière artificielle d’un lieu clos.

Les personnages sont tout aussi inquiétants que le cadre qui les entoure. Entre humains et mannequins composites, ils semblent suspendus entre le vivant et l’objet. Chaque tableau est une sorte d’énigme poétique.

Le courant s’achève officiellement en 1921 avec la formation du groupe de peintres, dont entre autres Giorgio De Chirico, son frère Alberto Savinio, et le futuriste Carlo Carrà, autour de la revue italienne Valori Plastici qui prône le retour à un certain néoclassicisme en peinture.

Néanmoins De Chirico continuera par la suite à créer des œuvres selon son style personnel.

La peinture métaphysique annonce les prémices du surréalisme. En effet, si ce nouveau mouvement se rapproche du précédent par ses similitudes formelles, ses questionnements, eux, sont assez différents. Les théories surréalistes s’appuient principalement sur les études psychologiques et psychanalytiques de Freud. Le surréalisme n’évoque pas un pur imaginaire, mais se penche sur le monde de l’inconscient et du rêve.

Les peintres les plus célèbres du courantGiorgio de ChiricoCarlo Carrà

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Le contexte politiqueEn 1915, l’Italie se range du côté des alliers et entre en guerre contre l’Allemagne.Le Traité de Versailles de 1919 ne tient pas ses promesses envers l’Italie. L’indignation des italiens permet au fascisme de s’installer à partir de 1922.

Musique

Aucun style musical ne correspond spécialement à la peinture métaphysique.

LittératureAucun style littéraire ne correspond spécialement à la peinture métaphysique.

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Le surréalismeLe surréalisme s’inspire des théories psychanalytiques de Freud. À travers une exploration de l’inconscient et

l’interprétation des rêves, les surréalistes proposent des images de mondes poétiques empreintes d’une atmosphère énigmatique.

Au début du siècle, les nouvelles théories de Freud sur l’inconscient et l’analyse des rêves intéressent et fascine nombre d’intellectuels. Cette nouvelle approche de la personnalité de l’individu et de l’être ouvre de nouvelles perspectives aux artistes qui voient à travers la création artistique une excellente manière d’explorer davantage ce monde énigmatique et intérieur qu’est le MOI.

Mais les surréalistes ne cherchent pas à interpréter les rêves ou l’inconscient. Ils les révèlent esthétiquement. C’est une sorte de création du rêve à travers la peinture. D’ailleurs, les artistes de ce mouvement tentent de se mettre en état de rêve pour créer. Leurs tableaux sont une expression du fonctionnement de la pensée.

Max Ernst propose des mondes étranges peuplés d’êtres hybrides fantastiques qui évoquent les représentations du passé médiéval de Jérôme Bosch ou des Riches Heures du Duc de Berry.

Magritte crée des images fortement symboliques, énigmes et de non-sens linguistiques. L’artiste semble s’amuser de jeux de mots ou jeux de sens en composant

des images de mondes poétiques. C’est ainsi qu’il nous peint pas exemple le fameux tableau Ceci n’est pas une pipe (en effet, c’est la peinture d’une pipe), ou encore des visages sur lesquels se dessinent des nuages (on peut vraiment avoir la tête dans les nuages). Le style de ses tableaux est très net et a un caractère presque naïf comparé à celui de Dali.

En effet, la technique de Dali semble ancrée dans la pure tradition de la peinture de la Renaissance Italienne et du trompe l’oeil. La facture est extrêmement réaliste et les trompes l’oeil semblent si parfaits, que s’ils ne représentaient pas des images improbables, on croirait à leur réalité. Le rendu des textures est exceptionnel avec une précision incroyable dans le rendu tout en détails infimes des matières.

Si les images de Magritte peuvent parfois avoir un côté un peu naïf, fleur bleue (voir un peu mièvre à notre regard d’aujourd’hui), les œuvres de Dali sont beaucoup plus inquiétantes. Loin de l’aspect « premier degré » des images de Magritte, Dali nous ouvre des mondes plus complexes qui plongent vite le spectateur dans un abîme

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de pensées, un tourbillon de réflexions existentielles, voir presque métaphysiques.

Autant le sens des tableaux de Magritte semble relativement accessible à notre compréhension, autant les images de rêve de Dali sont plus intrigantes et il leur garde soigneusement cet aspect énigmatique sans nous en donner la clef. C’est sans doute pourquoi on ne se lasse pas de les observer, comme si on cherchait continuellement à trouver une réponse ou un sens, là où il n’y en a peut-être pas (ce qui est d’ailleurs parfois possible étant donné l’esprit facétieux de l’artiste).

Le surréalisme va aussi développer un nouveau style d’expression qui est l’écriture automatique. En littérature, les poètes écrivent des textes incongrus avec des mots sortis tout droit de leur inconscient, tels quels, sans queue ni tête, sans recherche particulière de sens.

Henri Michaux n’est pas seulement le grand poète écrivain que l’on connaît. Il est aussi adepte d’expérimentations en touts genres. Il développe une recherche graphique très riche dans laquelle il tente de trouver l’expression la plus profonde de l’inconscient. Il n’hésite pas pour cela à faire l’usage de drogues, notamment le mescal.

En effet, sous l’emprise de ces stupéfiants, la maîtrise de la conscience s’efface et l’artiste peut alors laisser librement sa main s’exprimer à travers des « dessins automatiques ». C’est d’ailleurs ces fameuses expériences qui donneront naissance à toute une série de dessins mescaliniens. Les images ne représentent rien de particulier, si ce n’est l’expression de la vibration et les sensations intenses du corps et de l’esprit lors de ces expériences.

Les oeuvres surréalistes sont bien sur très personnelles et intimes puisqu’elles parlent du MOI intérieur. Cet aspect très personnel se développera plus tard d’une manière peut-être moins psychanalytique mais tout aussi introspective à travers certaines œuvres du Body art. De fait, certaines œuvres du body-art semblent parler du vécu intérieur propre à l’artiste. Mais si les performances ne cherchent pas nécessairement à montrer le fonctionnement de l’inconscient comme le surréalisme, elles prennent parfois une forme d’ « art-thérapie ».

Les peintres les plus célèbres du courantAndré BretonRené MagritteMax ErnstSalvador DaliJoan MiroYves TanguyJean Arp

Le contexte politiqueCrise industrielle à partir de 19311939 - 1945 Seconde guerre mondialeLes membres du groupe surréaliste français adhèrent pour la plupart au Parti Communiste.

MusiqueAucun style musical ne correspond spécialement au surréalisme.

LittératureMarcel DuchampAndré BretonRobert DesnosPaul EluardLouis AragonJacques Prévert

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Le suprématismeLe suprématisme, fondé par Kazimir Malevitch, est un courant qui participe au mouvement plus large

de l’Avant-garde russe en nous plongeant dans une abstraction absolue. C’est une peinture libérée de toute représentation. Dans une recherche de sensibilité picturale pure, la couleur n’est travaillée que pour elle-même.

L’emblème le plus représentatif de ce mouvement est sans doute le fameux carré blanc sur fond blanc de Malevitch. Il tente de donner à la peinture une autonomie, tant spirituelle que sensible, par rapport au monde et à la réalité extérieure. Il y a une volonté de vivre la peinture pour ce qu’elle est et rien d’autre. En adaptant la philosophie nihiliste russe à l’art il rejette la peinture qui existant jusqu’alors et entame une recherche à partir de rien, comme si l’art n’avait jamais existé.

Il veut faire une peinture qui ne soit que pure sensation, pure sensibilité picturale. C’est dans cet esprit de recherche de pureté en tant que telle, qu’il la dépouille de tout ce qui n’est pas son essence même, afin de pouvoir exprimer et ressentir ce qu’elle est pleinement.

Ainsi ses œuvres présentent une forme d’abstraction totale, qui va encore beaucoup plus loin que l’art abstrait des débuts dans lequel on pouvait encore y lire une certaine référence à la réalité. Cette fois, la peinture n’a plus besoin de la réalité extérieure pour exister.

Dégagée de toute représentation figurative, l’image n’est plus que surface colorée. Elle n’est plus que sensation, pure sensibilité picturale et devient un art autonome, détaché de son environnement, de la réalité extérieure.

Malevitch travaille la couleur pour elle-même, si bien

qu’elle prend presque pour lui une allure d’icône. C’est d’ailleurs de cette manière qu’il présente certaines de ses œuvres, exaltant son côté presque mystique. Par ses recherches, il tente de trouver un état d’équilibre total. À travers des formes géométriques simples et des couleurs sobres, il joue avec le poids des couleurs et des formes, pour tenter de traduire dans ses compositions cet état d’équilibre total et parfait.

Les compositions et couleurs sont de plus en plus épurées. Si bien que Malevitch passe du carré noir sur fond blanc à un carré blanc sur fond blanc. Le monochrome ne semble plus très loin. À partir de cette période, comme il n’y a plus d’éléments concrets auxquels se rattacher, les œuvres semblent mystérieuses et opaques à la compréhension du public. Comprendre une œuvre devient plus complexe. Apparaît alors la distinction entre la notion d’Oeuvre (à comprendre comme la globalité du travail de l’artiste) par rapport à l’œuvre (à saisir comme une réalisation isolée), ce qui permet de saisir déjà mieux le sens de la recherche du peintre. Au-delà d’une émotivité directe au contact d’une toile en particulier, il n’est pas rare que celle-ci ne prenne que plus de sens et de profondeur, lorsqu’elle s’inscrit dans le Grand Œuvre de l’artiste.

Les recherches Malevitch seront poursuivies par des peintres tels que Piet Mondrian, Mark Rothko, Yves Klein et bien d’autres à travers des biais très variés que ce

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soit du monochrome sur toile, ou bien du pigment pur pose au sol.

Les peintres les plus célèbres du courantKazimir MalevitchIvan Vassilievitch KliouneEliazar Lissitzky

Le contexte politiqueRussie

1905 Première Révolution1914 - 1918Première guerre mondiale1917 Fin de l’empire des Tsars et début du régime socialiste soviétique

MusiqueAucun style musical ne correspond spécialement au suprématisme.

LittératureThéorie du suprématisme par Malevitch

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Dossier 1:

Berthe Morisot au bouquet de violettes

par Anita Coppet

Berthe Morisot au bouquet de violettes1872Huile sur toile55 x 38 cm

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C’est une jeune femme un peu échevelée, qui dans sa tenue sombre, ponctuée par un petit bouquet de violettes, dégage une certaine mélancolie. Cela vient aussi du chapeau, élégant mais sinistre, dont on devine qu’il fait partie des accessoires indispensables des dames de son époque. Elle est parisienne, on le jurerait et on aurait raison, car la belle n’est autre que Berthe Morisot, première femme peintre impressionniste, et pour le tableau qui nous occupe, modèle de Edouard Manet qui deviendra plus tard son beau frère.

Mais revenons à la toile, où l’on pourrait aussi discerner un brin de coquetterie dans le visage qu’elle nous offre. Peut-être à cause des mèches indomptées qui sortent du chapeau justement. Mais ce qui compte, ce sont ses yeux ou plus exactement son regard. Profond, intense, comme « ailleurs ». Que voulait donc le peintre ? On l’imagine lui disant « Berthe, regardez moi et videz votre jolie tête », ou bien au contraire « fixez ce point devant vous Berthe et pensez à quelques chose qui vous trouble, vous étonne ». Quelle que fut la demande, Mademoiselle Morizot obéit et l’artiste a su raconter l’histoire à coups de pinceau.

Comme au théâtre, tout est question d’éclairage. Manet s’amuse avec la profondeur des noirs, et met la jeune femme en lumière. L’arrière plan est d’une force solaire, donnant à son modèle une présence presque magique. On perçoit cependant une certaine fragilité. Est-ce ce qui a séduit l’artiste ? Ils se sont connus au Louvre, où les deux sœurs Morisot réalisaient des copies. Fantin Latour les présenta et dès qu’il le put Manet proposa à Berthe de poser pour lui. Nous sommes en 1868, les séances de travail vont commencer très vite. Les parisiens découvriront le résultat au Salon de l’année suivante, en 1869 avec Le Balcon, qui avant d’être célèbre fera scandale pour les uns tout en déclenchant un véritable enthousiasme chez les autres. En fait, l’œuvre choque ou ravit pour les mêmes raisons, sa construction, ses couleurs, et même ses personnages. « Aucun ne regarde l’autre, c’est insensé ! ». Du trio installé au balcon, Berthe assise est celle qui aura droit aux plus de commentaires. En ce qui la concerne, son image la laisse perplexe. « Je suis plus étrange que laide. Il semble que l’épithète de femme fatale circule parmi les curieux. » déclara t-elle.

Manet fera dix portraits de Berthe Morisot, entre 1868 et 1874. Celui du bouquet de violettes sera réalisé

en1972. Paul Valéry, le neveu de Berthe par alliance, en fit l’éloge comme seuls savent le faire les poètes. En préface du catalogue de l’exposition célébrant le centenaire de la naissance de Manet, voici ce qu’il écrit : « Je ne mets rien, dans l’œuvre de Manet, au-dessus d’un certain portrait de Berthe Morisot, daté de 1872. (…) Je puis dire à présent que le portrait dont je parle est poème. Par l’harmonie étrange des couleurs, par la dissonance de leurs forces ; par l’opposition du détail futile et éphémère d’une coiffure de jadis avec je ne sais quoi d’assez tragique dans l’expression de la figure. Manet fait résonner son œuvre, compose du mystère à la fermeté de son art. Il combine la ressemblance physique du modèle, l’accord unique qui convient à une personne singulière, et fixe fortement le charme distinct et abstrait de Berthe Morisot. »

On ne saurait mieux dire.

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Dossier 2:

Rhétorique de l’imagepar Thomas Greiss

L’art est avant tout un langage… L’image possède sa propre syntaxe, sa grammaire, son vocabulaire et ses figures de style. A l’instar du langage parlé, celui de l’image évolue avec le temps. Il suit son époque et s’en fait le miroir.

Si l’artiste décide de ce qu’il compose, il le fait en utilisant un langage dont l’évolution lui échappe. Il s’adresse exclusivement à ses contemporains, c’est pourquoi il est important de considérer le contexte social, culturel et politique dans lesquels se situe l’oeuvre au moment de sa création. Avec le recul, il est alors possible d’observer cette évolution et d’en discerner la construction.

L’artiste utilise les codes de communication de son époque, les développe, les sublimes quelquefois, les amène à évoluer. Le génie les réinvente. Insatisfait des expressions qu’il juge inadaptées à son idée, il détruit et reconstruit, ou alors tout simplement il donne naissance à une formule nouvelle. Rares ont été ces créateurs : Giotto, Caravage, Rembrandt, Cézanne. Ils ont inventé les bases qui ont permis aux grands talents d’atteindre des sommets, chacun à sa manière : De Vinci, Michel-Ange, Raphaël, Titien, Boucher, Picasso…

Leurs images peuvent être comparées aux langues orales. Différentes les unes des autres, elles ont cependant en commun une structure linguistique identique dont la matière première est la figure de style : la rhétorique.

Quelle que soit sa fonction, témoignage, argument, allégorie ou expression poétique, l’image possède un message qui doit être compris par celui qui la lit. L’art figuratif cherche systématiquement à exprimer une pensée. Sens caché derrière le symbolisme compliqué de la renaissance ou alors lecture évidente et immédiate de l’argumentation publicitaire moderne, les créateurs d’images ont toujours eu recours à la rhétorique pour atteindre leur objectif.

MÉTONYMIE, MÉTAPHORE, ELLIPSE OU HYPERBOLE ?

Les figures de style ne manquent pas. Pour l’image elles sont les mêmes qu’à l’oral.

L’artiste, comme l’écrivain, possède tout un panel d’outils linguistiques qui lui servent à se faire comprendre, et de belle manière si son talent le lui permet. Substituer, opposer, amplifier, jouer de la syntaxe

ou de l’analogie, la rhétorique permet tout, brutalement ou en finesse, de façon simple ou mystérieuse. L’artiste ne le fait toujours pas consciemment. Nous-même le faisons sans y prêter attention dans la vie de tous les jours, lorsque nous parlons ou écrivons. Avec la communication moderne, la rhétorique de l’image est devenu une science à part entière : les publicitaires l’utilisent avec soin afin de mettre en place le message qui touchera au plus juste l’imaginaire de son consommateur.

En se concentrant sur l’image, les figures de style apparaissent. Le langage iconique à cette faculté fascinante de pouvoir les imbriquer les unes dans les autres et ainsi de pouvoir proposer plusieurs niveaux de lecture. Au premier niveau, la métaphore et la métonymie. A celles-ci viennent s’ajouter toutes les autres figures de la rhétorique. En voici quelques exemples :

Holbein témoigne d’un évènement politique qui a eu lieu au XVIeme siècle. Il n’en montre que les protagonistes : c’est une synecdoque.

Les AmbassadeursHans Holbein le jeune - 1533

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Les nombreux objets posés sur les étagères sont là pour montrer l’étendue du savoir des deux personnages dans tous les domaines des sciences humanistes (mathématique, astronomie, musique etc...) : c’est une métaphore.

Les vêtements permettent de connaître la fonction des personnages, l’ambassadeur laïc et le religieux. L’habit faisant le moine : c’est une métonymie.

Le rideau en arrière-plan est une métaphore du mystère de la religion : il ne laisse apparaître que le Christ (en haut à gauche) et cache le monde divin. La figure du Christ fait office d’allégorie de la religion catholique.

L’anamorphose au premier plan est une anacoluthe qui finalement prend son sens lorsque le spectateur se déplace et découvre le motif caché par le peintre.

Le tableau représente la victoire de l’armée espagnole sur les Hollandais lors de la bataille de Breda qui eut lieu en 1625. Les figures de style employées ici servent à représenter d’une part la guerre et de l’autre la paix :

La guerre n’est pas représentée directement, c’est une ellipse. Elle est cependant suggérée par la métaphore de la fumée des incendies à l’arrière-plan et par diverses métonymies : armures, fusil, épées et lances des soldats.

Les lances dressées à la verticale et non pointées vers l’ennemi sont une métaphore de la paix. La clé tendue par le vaincu au vainqueur est à la fois une métaphore et une litote pour représenter la ville de Breda.

La soumission du Hollandais est représentée par son mouvement : son attention de s’agenouiller devant l’espagnol est une métaphore mais le geste de ce dernier, arrêtant son mouvement pour l’empêcher d’avoir à s’humilier est une litote (un simple geste pour une signification profonde, allant jusqu’à l’allégorie du respect entre combattants).

La représentation de la guerre et de la paix au sein de la même image est un oxymore.

Moins évidente car directement liée à la syntaxe et à la composition du tableau l’asyndète évoque par le désordre apparent le moment de transition entre la bataille et la victoire espagnole : position des personnages de dos, de profil, de face, de trois-quarts. Regards tantôt vers les généraux, tantôt vers le spectateur ou encore dirigés vers d’autres personnages de la scène, contraste de profondeur entre les groupes du premier plan et la ville très éloignée à l’arrière.

Ce tableau est une métaphore du patriotisme et du sacrifice comme idéal moral de l’homme. Pour cela David utilise un oxymore en mettant sur le même plan les forts et les faibles : d’un côté les hommes debout, fiers et résignés ; de l’autre les femmes assises, en larmes.

La répétition des soldats sur la gauche (au nombre de trois) est une anaphore et leurs bras de plus en plus tendu vers le haut de l’image, avec au sommet la main ouverte du père est une gradation qui se trouve encore accentuée, donc de l’ordre de l’hyperbole, par la perspective et la profondeur.

Enfin, l’idée de sacrifice héroïque utilise l’histoire romaine comme allégorie qui sert en même temps d’euphémisme à la mort, car l’on sait le destin tragique qui attend les trois frères.

LES FIGURES DE STYLE LES PLUS COURANTES :

Métaphore

C’est une comparaison sans outil de comparaison. Deux idées sont associées pour créer une correspondance impossible dans la réalité. L’idée A est remplacée par une idée B et la relation entre elles dépend de la manière de voir de l’auteur, de l’interprétation qu’il souhaite lui

La reddition de BredaDiego Velasquez - 1635

Le serment des HoracesJacques-Louis David - 1784

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101 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

donner, de la connotation de l’image choisie.

Métonymie

Une idée A est remplacée par une idée B, les deux idées ayant un rapport logique entre elles. A est un élément de B, un détail ou une partie. Il y a ici un déplacement visuel sur un concept «contenant» afin d’exprimer le «contenu».

Synecdoque

C’est une forme particulière de métonymie dans laquelle B est une partie de A. Le détail exprime l’ensemble.

Allégorie

C’est la représentation imagée d’une idée abstraite en utilisant des symboles et quelquefois la personnification.

Anacoluthe

L’anacoluthe est une transformation de la syntaxe qui survient de manière inattendue. Elle peut sembler être une erreur.

Litote

Cette figure de style consiste à dire peu pour exprimer beaucoup.

Euphémisme

C’est une manière d’atténuer la portée du message en remplaçant le motif par un autre moins choquant.

Hyperbole

Procédé inverse de l’euphémisme qui consiste à amplifier une idée pour la mettre en relief.

Anaphore

Répétition d’un motif qui permet d’insister sur l’idée énoncée.

Oxymore

C’est la mise en relation au sein d’un même visuel ou d’un même plan de construction de deux idées opposées.

Ellipse

L’ellipse consiste à ne pas représenter l’idée ou le sujet qui sont évoqués.

Gradation

Cette figure de style se caractérise par l’emploi successif de motifs de plus en plus tant au niveau de leur connotation que de leur disposition dans l’espace visuel.

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102 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Guernica Pablo Picasso - 1937 par Laurent Bayet

« La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements : c’est une arme offensive et défensive contre l’ennemi », s’exprime Pablo Picasso en dépeignant Guernica. Œuvre majeure du XXème siècle, elle s’inscrit dans un contexte historique particulier, qui retrace l’horrible tragédie du 26 avril 1937.

n effet, l’Espagne en proie à la guerre civile entre nationaliste et républicain depuis 1936, est à travers le monde dépeinte comme un conflit marqué par une violence sans précédent. La petite ville basque aux commandes d’un bastion républicain va s’illustrer de façon tragique, lorsque le dictateur nationaliste Franco, avec l’aide de l’aviation allemande, pilonne la ville. Né en Espagne, Pablo Picasso (1881-1972) dénonce ce bombardement qui fit près de 2000 victimes dont essentiellement des femmes et des enfants. Peintre engagé contre les états totalitaires alors en pleine expansion en Europe, il se met dès l’annonce de l’attaque, à la réalisation « d’un monument pictural » dans le but de dénoncer cette barbarie.

Ce tableau est avant tout marqué par sa dimension. Mesurant 7,52 m de long sur 3,51 m de hauteur, Guernica est une huile sur toile qui ne passe par inaperçue. La volonté de l’auteur réside essentiellement dans la volonté de marquer les esprits de l’horreur dont l’Homme est parfois capable, au travers d’une peinture gigantesque. Visible aux yeux de tous, Picasso a toujours refusé que son œuvre soit publiée en Espagne, tant que la

démocratie ne l’aura pas emporté. Il fut ainsi longtemps exposé au Musée d’art moderne de New York, avant de retourner au musée national de la Reine Sophie à Madrid en 1992.

La toile composée de couleur monochrome met en avant le choix de l’auteur d’accentuer la cruauté de l’événement, en ne laissant place qu’à la mort. Œuvre figurative, elle laisse place à des formes géométriques, dont le cubisme a toujours été l’apanage du peintre. Les couleurs sont mornes (noir, blanc et bleu) et démontre que l’auteur cherche à véhiculer un message fort : celui du deuil. C’est aussi la résultante d’une époque qui met en exergue l’actualité dans ses tons et on pourrait peut être distingué, une œuvre qui veut être vu, à l’exemple des photographies de journaux.

L’œuvre découpée en triangle, possède trois parties majeures. Dans une volonté d’immortaliser ce triste jour, il renverse les pratiques traditionnelles d’une lecture de toile, en invitant le spectateur, à commercer par la droite. En effet, tous les personnages regardent vers la gauche, excepté le taureau qui regarde vers le lecteur.

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103 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

L’œil du spectateur est d’abord attiré par la lampe au sommet, qui domine la pièce. Cette lampe est un « trompe l’œil », qui cherche à éclairer l’événement dans l’espoir d’un possible renouveau.

Sur le coté gauche, on y voit le symbole de l’oppresseur nationaliste caricaturé dans la plus virulente des icones espagnoles : le taureau. Juste en dessous, se profile une femme aux seins dénudés. Depuis la Renaissance, c’est le symbole de la fécondité qui est repris ici par Picasso pour exprimer l’effet inverse ; on a une femme la tête levée vers le ciel hurlant de douleur (langue pointue = cri strident et intense), dont les yeux ont la forme d’une larme. Elle porte dans ses bras un enfant mort, victime innocente de ce conflit. Le renouveau demeure impensable.

Sur la partie basse du tableau, figure un homme mort (les yeux ne sont plus alignés), démembré, dont il ne reste que la tête et un bras d’une part, et le deuxième bras de l’autre. Ce dernier tient dans sa main une épée brisée, témoignant de la différence du rapport de force qui était en quelques sortes inéluctables entre nationaliste et républicain. L’allégorie de la fleur montre la fragilité de la vie.

Sur la partie centrale, le cheval domine. Propre à Picasso, ce symbole représente le peuple républicain, et la victime innocente, comme l’enfant, de ce conflit. Devant la gueule de l’animal, se profile une colombe effacée dans l’ombre, donnant l’idée qu’un traité de paix n’est pas envisageable et que tout espoir est perdu. Entre la tête du cheval et le bras du républicain mort, on a une

image très nette du « no man’s land » qu’est devenue la ville, et encore plus loin l’Espagne, en désarticulant complètement le corps du pauvre animal.

Un peu plus à droite, une bougie et un fantôme étonné sorte d’une fenêtre. Témoin privilégié du conflit, la communauté internationale est symbolisée par son inaction dans la peau de ce spectre, tout en essayant de mettre en lumière ce qui se passe par une bougie, symbole d’espoir.

Entre espoir et horreur, se profile une femme en bas à droite, dont la jambe brisée démontre sa force de caractère en regardant vers la lumière, preuve que tout n’est pas perdu. La liberté se doit de triompher.

Enfin le dernier élément du tableau est cette maison en flamme en haut à droite. Une guerre n’est jamais propre, mais le bombardement de Guernica fut le théâtre d’opération visant à tester les nouvelles armes allemandes dont les fameuses bombes incendiaires, mis en scène par la maison en flamme sur cette toile. Le personnage essayant d’en sortir pris Dieu de venir l’aider en levant les mains vers le ciel.

Ce tableau est encore aujourd’hui un emblème contre la guerre, dont une reproduction existe toujours à New York au conseil des Nations Unis. C’est un véritable symbole, finalisé seulement un mois après la tragédie, mais qui demeure accessible à tous par des allégories simples à déchiffrer, qui en fait une œuvre universelle.

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104 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Les dieux et leurs attributs dans la peinture

par Marie-Gabrielle Pichon

La mythologie grecque et romaine a été une source d’inspiration inépuisable pour les peintres. Aussi est-il nécessaire de savoir identifier les attributs des dieux ainsi que leur rôle, pour pouvoir identifier la scène et le point de vue adopté par le peintre.

S’il existe une concordance des dieux grecs et romains, il ne faut pas oublier que certaines variations apparaissent dans les attributions des dieux selon leur origine grecque ou latine et selon les auteurs antiques. Il s’agit ici d’une tentative de synthèse de cette double origine et des différents textes fondateurs de la mythologie.

La liste des dieux variant d’une époque et d’une source à une autre, nous avons retenu ici les treize dieux les plus fréquemment représentés dans l’iconographie antique et moderne : Zeus, Héra, Athéna, Poséidon, Déméter, Hadès, Hermès, Arès, Apollon, Artémis, Aphrodite, Héphaïstos, et Dionysos.

Zeus (Jupiter)

Fils de Cronos (Saturne) et de Rhéa (Cybèle), il est le roi des dieux de l’Olympe. Il est l’époux d’Héra, mais il la trompe avec de nombreuses nymphes et mortelles avec lesquelles il a de nombreux enfants.

Rôle: En tant que dieu principal de l’Olympe, Zeus est l’arbitre et le juge suprême entre les dieux et les hommes. Il est aussi le garant de l’hospitalité et des lois. Le pouvoir principal de Zeus est de se métamorphoser pour séduire nymphes, déesses et mortelles.

Attributs: Plusieurs objets caractéristiques rappellent sa force et de sa puissance :

Zeus est généralement représenté sous la forme d’un homme à la barbe fournie et à la longue chevelure, tenant dans ses mains les attributs de sa puissance : le sceptre et le foudre.

Le foudre, offert par les Cyclopes, lui a permis de renverser son père Cronos et ainsi de libérer ses frères et sœurs qui avaient été mangés par leur père.

Le sceptre : symbole de pouvoir royal.

L’aigle : il fait référence au mythe selon lequel Zeus aurait lâché deux aigles aux points extrêmes du monde à l’Est et à l’Ouest. Le point où ils se rencontrèrent, marqua le nombril du monde, matérialisé par une pierre appelée Omphalos. Cet oiseau est aussi le rappel de la transformation de Zeus en aigle pour enlever Ganymède, qui devint l’échanson des dieux.

Zeus est également représenté suivant ses métamorphoses : en taureau, en cygne, en pluie d’or,…

IconographieLe Corrège : Jupiter et Io - 1530Jean-Honoré Fragonnard : Jupiter et Callisto - 1755Jean-Dominique Auguste Ingres : Jupiter et Thétis - 1811Gustave Moreau : Jupiter et Sémélé - 1895

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105 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Héra (Junon)

Fille de Cronos (Saturne) et de Rhéa, Héra est à la fois la sœur et l’épouse de Zeus. Elle est la mère d’Ilythie (protectrice des femmes en couches) et d’Hébé (déesse de l’éternelle jeunesse) et d’Arès (dieu de la guerre).

Rôle: Déesse du mariage et de la fidélité, elle est également la protectrice de la famille et des nouveaux-nés.

Attributs: Déesse principale de l’Olympe avec Zeus, elle peut être représentée portant un diadème et sceptre parfois surmonté d’un coucou.

Le coucou rappelle l’union de Zeus et d’Héra. En effet, pour la séduire, Zeus avait pris la forme d’un coucou transi de froid, qu’Héra pris contre son sein pour le réchauffer.

La grenade, qui est le symbole de la fécondité.

Le paon est un hommage à Argos, le géant aux cent yeux qu’Héra avait envoyé pour surveiller la nymphe Io séduite par Zeus. Pour délivrer Io, le roi de l’Olympe envoya alors Hermès tuer le géant. Par la suite, Héra décida de rendre hommage à la fidélité d’Argos en plaçant ses cent yeux dans la queue de son oiseau préféré, le paon.

IconographiePieter Pietersz Lastman - Junon découvrant Io et Jupiter - 1618Pierre Paul Rubens - Junon et Argus - 1611Rembrandt - Junon - 1658François Lemoyne - Junon, Iris et Flore

Athéna (Minerve)

Fille de Zeus et de Métis (déesse de la raison, de la sagesse et de la prudence), on ne lui connaît pas d’aventure amoureuse.

Rôle: Déesse éponyme d’Athènes, elle est la protectrice de la cité, mais aussi la déesse de la guerre et de l’intelligence.

Attributs: Née toute armée de la tête de Zeus, elle est généralement représentée portant une armure, un casque, un bouclier, et une lance.

Le Péplos, tunique brodée d’or qui est remise à la déesse lors de la cérémonie des Panathénées.

La chouette est le symbole de la sagesse.

IconographieAndrea Mantegna - Minerve chassant le vice du Jardin de la Vertu - XVe siècleJacques Stella - Minerve et les Muses - 1645J.L David -Le combat de Minerve contre Mars - 1771J.H Fragonard -Le combat de Minerve contre Mars - 1773

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106 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Poséidon (Neptune)

Fils de Rhéa et Cronos (Saturne), il reçoit la souveraineté sur les mers lors du partage du monde entre les dieux olympiens.

Rôle: Dieux des mers et des eaux en furie, il est aussi le protecteur des chevaux et des navigateurs.

Attributs: Le trident, symbole de la domination du dieu sur les eaux lui a été offert par les Cyclopes.

Les poissons et les dauphins sont les symboles de la vie marine du dieu.

Il se déplace à bord d’un char tiré par des chevaux à queue de poisson.

Poséidon est généralement représenté nu avec une longue barbe.

IconographieAgnolo Bronzino - Portrait d’Andrea Doria sous les traits de Neptune - 1540

Nicolas Poussin - Le triomphe de neptune - 1634Sebastiano Ricci - Neptune et Amphitrite - 1694

Déméter (Cérès)

Fille de Cronos (Saturne) et Rhéa (Cybèle), elle apprit aux hommes l’art de cultiver la terre et d’en récolter les fruits. Elle est la mère de Perséphone (Proserpine), née de son union avec Zeus (Jupiter) qui avait pris la forme d’un taureau.

Rôle: Déméter dont le nom signifie « Terre-mère » est la déesse de la terre cultivée. Elle est ainsi la protectrice de l’agriculture et des moissons. Elle représente la terre nourricière, labourée et apparaît comme la déesse des rythmes saisonniers. Elle s’oppose ainsi à sa mère, Rhéa (Cybèle), déesse de la nature sauvage. Par extension, Déméter est la régulatrice de la vie et de la mort des hommes et des végétaux et est la conductrice des âmes trépassées : c’est une déesse psychopompe.

Attributs: Elle a pour attributs animaux et végétaux qui rappellent sa fonction protectrice de l’agriculture. Elle est le plus souvent représentée avec une couronne ou une gerbe d’épis de blé, en compagnie d’un bélier ou d’un porcelet. Elle peut également être représentée avec une faucille, symbolisant le travail des champs.

Elle peut également être représentée avec une torche, rappelant qu’elle partit à la recherche de sa fille Perséphone enlevée par Hadès.

IconographieHans von Aachen - Bacchus, Ceres et CupidonPierre Paul Rubens - Venus, Cupidon, Bacchus et Ceres - 1613Giovanni Francesco Romanelli - Ceres - 1660Jean Antoine Watteau - Ceres - 1718

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107 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Hadès (Pluton)

Fils de Cronos et d’Héra, il enlève Perséphone pour en faire sa femme.

Rôle: Dieu des Enfers, il règne sur le monde souterrain et le domaine des morts.

Attributs: Kunée : casque fabriqué par les Cyclopes qui rend invisible celui qui le porte.

Il peut être représenté avec une lance à deux dents et avec une corne d’abondance qui rappelle les richesses du sous-sol dont il est le maître.

Cerbère est le chien à trois têtes et à queue de serpent chargé de garder l’entrée des Enfers. Il est à ce titre le fidèle compagnon d’Hadès.

IconographieFrançois Perrier - Orphée devant Pluton et Prosperpine - 1650Nicolas Mignard - L’enlèvement de Prosperpine - 1651Charles de La Fosse - L’enlèvement de Prosperpine - 1673

Arès (Mars)

Fils de Zeus (Jupiter) et Héra (Junon), il se dispute sans cesse avec Athéna et Héraclès en particulier. Il est l’amant d’Aphrodite (Vénus) avec laquelle il eut Déimos, Phobos et Harmonie.

Rôle: Il est le dieu de la guerre, dans le sens de la violence et de la brutalité et s’oppose ainsi à Athéna, déesse de la guerre menée avec intelligence et stratégie. Il est haï des dieux de l’Olympe.

Attributs: En tant que dieu guerrier il porte généralement les attributs du combat : entièrement revêtu d’une armure il arbore une lance, un casque et un bouclier.

Arès ayant envoyé un sanglier tuer Adonis, l’amant d’Aphrodite, cet animal est parfois représenté aux côtés du dieu.

IconographieSandro Botticelli - Mars et Vénus - 1483Paolo Véronèse - Mars et Vénus - 1570Carlo Saraceni - Mars et vénus - 1600Joachim Wtewael - Mars et Vénus découverts par les Dieux - 1604

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108 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Hermès (Mercure)

Fils de Zeus et de la nymphe Maia, il naît en Arcadie, et dès le jour de sa naissance sait marcher et parler. Hermès ne possède pas d’épouse légitime mais compte plusieurs conquêtes amoureuses dont naîtront plusieurs enfants. Avec Aphrodite, il engendra Hermaphrodite, qui reçût le sexe masculin et féminin symbolisant l’union parfaite de ses parents.

Rôle: Hermès est le messager des dieux. Il fait le lien entre la terre, le ciel et les enfers. Il est donc à ce titre un dieu psychopompe qui guide les âmes. Il est aussi le gardien des voyageurs et des routes et par extension le protecteur des marchands. Enfant très facétieux, il vole Apollon à plusieurs reprises et devient ainsi le dieu des voleurs.

Attributs: Le caducée est un bâton surmonté de deux ailes et entouré de deux serpents entrelacés. Ayant offert la flûte de ¨Pan à son frère Apollon, celui-ci lui remet le caducée qui devient l’attribut principal d’Hermès.

Le chapeau ailé (Pétase) et les bottes ailées rappellent sa capacité à se déplacer, Hermès est vêtu d’un manteau de voyageur.

Lyre à 7 cordes (typique du cortège dionysiaque) : inventée à partir d’une tortue

IconographieFrancesco Albani - Apollon et Mercure - XVIIe siècleAbraham Danielsz Hondius - Mercure et ArgusDiego Velasquez - Mercure et Argus - 1659Jean-Honoré Fragonard - Mercure et Argus - 1766

Apollon

Né de l’union de Zeus avec Léto, on ne lui connaît que des histoires d’amour contrariées. Il conserve le même nom dans la mythologie latine où il est parfois associé à Phébus.

Rôle : Traditionnellement, il est le dieu de la beauté et de la pureté mais aussi du chant et de la musique.

Attributs: Il est souvent représenté sous la forme d’un jeune homme imberbe.

Lyre à sept cordes : Hermès remet à son frère Apollon une lyre à sept cordes de sa fabrication, pour se faire pardonner de lui avoir volé cinquante bœufs.

Tout comme sa sœur Artémis, Apollon possède un arc et des flèches.

Rendant visite aux Hyperboréens à bord d’un char tiré par des cygnes, cet animal est resté associé à Apollon tout comme le griffon et la panthère.

IconographieLucas Cranach l’ancien - Apollon et DianeA - 1526Noël Coypel - Appolon vainqueur de Python, couronné par Victoire - XVIIe siècleClaude Lorrain - Paysage avec Apollon - 1645Giambatista Tiepolo - Apollon et Daphné - 1635

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109 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Artémis (Diane)

Fille de Zeus et de Léto, elle est la sœur jumelle d’Apollon. Les circonstances particulières de leur naissance en font tous des dieux parfois cruels pour se venger e l’arrogance des dieux et des hommes.

Rôle: Reine des bois, Artémis est la déesse de la chasse et des animaux sauvages. N’ayant connu aucun amour, elle est aussi la déesse de la chasteté. Elle est le pendant de son frère Apollon.

Attributs: Déesse de la chasse, elle est généralement représentée portant arc, flèches et carquois et est parfois accompagnée d’une biche.

Artémis est généralement représentée portant un diadème et une couronne de lauriers.

Le croissant de Lune que porte souvent Artémis en diadème sur la tête, rappelle que la déesse est associée à la nuit, contrairement à son frère Apollon associée au soleil.

IconographieEcole de Fontainebleau - Diane chasseresse - 1550Le Tintoret - Diane et Callisto - 1565Simon Vouet - Diane - 1637François Boucher - Diane sortant du bain - 1742

Héphaïstos (Vulcain)

Fils d’Héra, il n’est pas certain que Zeus soit son père. Il se peut qu’Héra, jalouse que son mari ait engendré seul Athéna, mit au monde Héphaïstos par elle-même. Très laid, Héphaïstos provoque le rejet de sa mère qui le jette en bas de l’Olympe. Il en garde une claudication caractéristique. Il prend pour femme Aphrodite, qui le trompe à de nombreuses reprises.

Rôle: Dieu du feu, et par extension des forges et des volcans. Héphaïstos est forgeron d’armes et de toutes sortes d’objets magiques indispensables aux dieux comme le char du Soleil, les flèches d’Apollon et d’Artémis etc.

Attributs: Considéré comme le dieu artisan, il est représenté avec les attributs de son métier : marteau, hache, pince, bonnet d’artisan, etc.

Il est généralement représenté dans toute sa laideur et son infirmité.

IconographieLe Tintoret - Mars et Vénus surpris par Vulcain - 1555

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110 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Aphrodite (Vénus)

Selon Homère, Aphrodite est la fille de Zeus et de Dioné (fille du Titan Océanos) tandis qu’Hésiode fait de la déesse la fille d’Ouranos dont le sexe fut tranché par Cronos fécondant ainsi la mer d’où Aphrodite émergea. Mariée à Héphaïstos (Vulcain), Aphrodite multiplia les relations extra-conjugales avec d’autres dieux (Arès, Hermès, Dionysos, Poséïdon, Eros...).

Rôle: Déesse de la beauté et de l’amour.

Attributs: Majoritairement représentée nue, Aphrodite est la beauté personnifiée. Les peintres de la Renaissance notamment se sont plu à la représenter dans différentes postures, debout ou allongée, de face ou de dos. Elle est un prétexte pour représenter le corps féminin.

La myrte, qui symbolise l’amour.

Les coquillages, qui rappellent l’origine marine de la déesse. La rose fait référence à la tentative que fit Aphrodite pour sauver son amant Adonis de la fureur du sanglier envoyé par Arès pour le tuer. Courant pour

secourir Adonis se piqua le pied avec un rosier.

IconographieSandro Botticelli - La naissance de Vénus - 1485Titien - La Vénus d’Urbin - 1538Pierre-Paul Rubens - Vénus et Adonis - 1614Alexandre Cabanel - La naissance de Vénus - 1863

Dionysos (Bacchus)

Fils de Zeus et de la mortelle Sémélé, Dionysos est un dieu errant qui ne vit pas sur le mont Olympe, ce qui explique qu’il ne soit pas toujours associé aux douze dieux olympiens. Sa mère mourant après avoir vu Zeus dans toute sa gloire, Dionysos est extirpé du sein de sa mère puis cousu dans la cuisse de Zeus dont il naîtra quelques mois plus tard. Ainsi, deux fois né, il porte le nom de Dionysos en grec.

Rôle: Dieu de la vigne et du vin, il est aussi le dieu du théâtre. Il incarne les forces de la nature, la sève qui parcourt les plantes et notamment la fécondité de l’homme (faunes, satyres), et de la femme (ménades, bacchantes). Il représente aussi la liberté des mœurs.

Attributs: Vigne et vin : Dionysos est reconnaissable entre tous par la couronne de pampres dont il est généralement orné. Grappes de raisins, feuilles de vigne, vin coulant à flots, canthares et tonneaux rappellent que Dionysos est le dieu protecteur de la vigne.

Cortège dionysiaque : Dionysos est accompagné de Silène et de tout un cortège exubérant et bruyant de Satyres et de ménades, généralement nus et à la sexualité exacerbée. Ils signalent leur présence en jouant de la flûte de Pan (syrinx) et du tambourin (tympanon) dans des danses endiablées. Le cortège compte généralement plusieurs animaux comme le bouc, l’âne, le lion, la panthère.

Thyrse : Bâton entouré de lierre et couronné d’une

pomme de pin que tient à la main Dionysos, les Satyres ou les ménades dans le cortège dionysiaque.

Bouc : Animal de la fécondité, dont l’étymologie grecque « tragos », est à l’origine du mot tragédie, dont Dionysos est aussi le protecteur.

Nébride (peau de faon), égide (peau de chèvre), pardalide (peau de léopard) : Dionysos ou les membres de son cortège sont souvent représentés couverts de la peau de l’un de ces animaux.

Iconographie

Léonard de Vinci - Bacchus - 1510

Le Titien - Bacchus et Ariadne - 1520

Le Caravage - Bacchus - 1596

Annibal Carrache - Le Triomphe de Bacchus - 1602

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111 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Les saints et leurs attributs dans la peinture

La tradition figurative depuis la période gothique a toujours attribuée aux saints des objets ou symboles ayant un rapport avec leur histoire personnelle. Représentés de manière plus ou moins évidente ces attributs permettent au spectateur de reconnaître l’identité du saint et ainsi, comprendre la scène peinte sur le tableau. Voici les plus courants :

Christ : Représenté méthaphoriquement par la croix, la colonne, l’agneauSainte Agathe : Les seins (coupés)Sainte Agnès : L’agneauSaint Antoine : Les tentations (femmes nues, dé-mons...)Sainte Barbe : La tourSaint Barthélémy : Le couteauSainte Catherine : La roueSainte Cécile : Instrument de musiqueSaint Esprit : Colombe, rayon de lumièreSaint George : Combattant le dragonSaint Jean (apôtre) : Aigle, calice avec serpentSainte Jean-Baptiste : L’agneau, portant une croixSaint Jérôme : Le lion, le crâne, en train d’étudier la BibleSainte Marie Madeleine : Cheveux longs, partielle-ment dénudéeSaint Martin : Manteau déchiré en deuxSaint Michel : La lance, combattant le dragonSaint Luc : Le taureauSainte Lucie : Les yeux (arrachés)Saint Pierre : Les cléfs

Saint Sébastien : Le corps percé de flèches, ville en ruineSaint Thomas : EquerreSainte Ursule : La flècheSainte Véronique : Le suaire (avec le visage du Christ)

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112 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Le triomphe de Galatée par Elodie Aliadière

Le triomphe de Galatée est une fresque de petite taille (2,25 x 2,95 m), proportionnellement aux dimensions habituelles des fresques classiques. Elle fut commandée à Raphaël en 1511, par le banquier Augustin Chigi, pour sa villa des bords du Tibre, aujourd’hui appelée la Farnésine. L’oeuvre fut achevée vers 1514. Il s’agit du premier sujet mythologique traité par le peintre depuis Les Trois Grâces de 1501.

LE MYTHE

Dans la mythologie grecque, Galatée est la fille de Nérée et de Doris. Elle vit au large de la Sicile, où le cyclope Polyphème (fils de Poseïdon et de la nymphe Thoosa) fait paître ses moutons et ses chèvres. Ce dernier tombe amoureux d’elle et la poursuit. Mais Galatée, qui lui préfère le jeune berger Acis, repousse les avances du géant, ayant en horreur son corps monstrueux. Le jeune

couple arrogant se moque des démonstrations grotesques de Polyphème et provoque sa jalousie. Pour se venger, il ramasse un énorme rocher et écrase le jeune berger. Galatée, le coeur brisé, fait jaillir une source sous le rocher et fait d’Acis le dieu du cours d’eau.

Dans une autre version, Acis n’existe pas et Polyphème fini par gagner le coeur de Galatée en chantant et en jouant de la flûte.

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113 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

La scène représentée dans cette fresque est relatée dans un poème du Florentin Ange Politien. Raphaël a choisi l’épisode où Galatée, dans une conque tirée par deux dauphins, vogue sur les eaux, se riant des chants malhabiles du cyclope qui tente de la séduire.

ESCRIPTION

La fresque est divisée en quatre parties égales (figure 1) par un axe vertical marqué par le personnage de Galatée, et par un axe horizontal qui correspond à la ligne de l’horizon. Ces deux axes se coupent au centre exact du tableau. On voit que dans cette double symétrie:

- la surface du ciel est égale à celle de l’eau.

- la partie située à gauche du personnage central de Galatée est équivalente à celle de droite.

Le personnage qui souffle dans le coquillage à gauche de l’image et celui de droite qui joue de la trompette se font écho, ainsi que les deux couples marins et les deux Amours qui sont de part et d’autre de Galatée. De même, le troisième Amour placé au dessus d’elle rappelle celui du bas.

Le format vertical et rectangulaire de la fresque insiste sur ce dernier parallèle entre le haut et le bas, tiraillement dont la notion sera développée ensuite.

Autour de ces deux perpendiculaires, le peintre a habilement placé les personnages, suivant la forme d’un losange, dont Galatée et l’horizon forment les diagonales.

Cette composition donne à la fois une sensation d’équilibre et de mouvement, puisque l’on a en même temps des symétries et des diagonales dont les directions s’opposent. On retrouve ce type de construction dans la Résurrection, de 1501 (figure 2), puis, plus tard, dans la Madone Sixtine vers 1514 (figure 3).

Les postures des personnages sont très naturelles et en même temps, construisent l’image. En effet, ce n’est pas tant l’emplacement des personnages dans l’image qui compose le losange, mais principalement l’attitude des corps, la direction des membres.

Le côté AB du losange commence sur le personnage qui souffle dans le coquillage se poursuit le long du corps de l’Amour de gauche, pour finir sur l’avant-bras droit de l’Amour du haut.

Le côté CB s’amorce sur le visage du joueur de trompette continue avec l’Amour de droite et s’achève sur l’épaule de l’Amour du centre.

Le côté DC suit la ligne formée par le corps de l’Amour du bas ainsi que celle du corps du joueur de trompette.

Enfin, le côté DA est marqué par la jambe et le bras de la femme de droite ainsi que par l’avant-bras de celui qui souffle dans le coquillage.

On a un mouvement à la fois convergent et divergent (figure 4) créé par le jeu des lignes et des regards. Les flèches des Amours, les rênes, l’axe des corps des deux

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114 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

couples, convergent vers le visage de Galatée. Ces différents rythmes nous ramènent au centre du losange, au centre de la fresque.

A l’inverse, le mouvement divergent est marqué par l’attitude des deux musiciens, tournés vers l’extérieur. Les regards du personnage aux sabots de cheval, et celui de la nymphe de gauche, sortent aussi de l’image.

Mais cette volonté de montrer l’éclatement depuis le centre de la fresque est principalement mis en valeur par le visage de Galatée qui lève les yeux au ciel vers la gauche. Elle regarde en arrière, endroit d’où doit venir la mélodie chantée par Polyphème. La représentation du géant aurait dû se situer sur le mur de gauche. L’Amour, caché derrière son nuage avec ses flèches, seul personnage qui ne trouve pas son écho dans la composition invite notre regard à aller dans sa direction, et à sortir de la fresque. Cette ligne ascendante est aussi renforcée par le visage de l’Amour du bas, qui regarde dans la même direction que Galatée.

Ici Raphaël a modelé les corps en fonction de sa composition. Ce sont eux qui créent la structure de l’image. Il ne part pas d’une figure observée pour composer autour mais au contraire, il construit d’abord la structure pour ensuite y intégrer les différents éléments.

Les attitudes ont une grande dynamique qui reste cependant naturelle et aisée. Chaque mouvement a un contre mouvement. On ressent, dans ses figures, la très nette influence de Michel-Ange.

COULEUR ET LUMIÈRE

Dans cette image, les contrastes forts ne se situent pas au niveau des valeurs. Les passages de l’ombre à la lumière se font de manière très subtile. Les zones sombres ne sont pas brutalement plaquées mais sont amenées par de doux camaïeux. L’image est assez claire, toute la surface de la fresque a à peu près la même valeur, mis à part les deux dauphins, qui marquent une zone sombre.

Il faut garder l’idée que la technique de la fresque induit un tel traitement des valeurs. En effet, les pigments mélangés à l’eau sont posés sur le mortier frais, qui en séchant fixe la couleur. Cette technique n’autorise pas l’empâtement, ni le fait de revenir ultérieurement sur le travail. Aussi, les couleurs posées en lavis successifs sont-elles très transparentes, et ne permettent pas d’obtenir des valeurs très sombres. D’autre part, la réaction chimique provoquée par le séchage du mortier à base de chaux donne une certaine unité aux différents tons, une douceur, une délicatesse spécifique à la fresque.

Si cette scène est peu contrastée dans ses valeurs, en revanche, on a un fort contraste de couleurs et de saturation. Les tons chauds de la chair s’opposent aux tons froids du ciel et de l’eau. Ici, la carnation est traitée avec beaucoup de délicatesse, dans une gamme de couleur vaste et nuancée. Le carmin fort saturé du

drapé s’oppose à des tons plus rabattus, comme celui des dauphins ou de la mer.

Le drapé rouge emporté par le vent vers l’arrière laisse apparaître le buste de Galatée qui s’avance comme sortant d’une trouée. Cette impression est rappelée par la pose de la nymphe de gauche dont seuls le haut de son corps et la jambe droite sont apparents (comme pour Galatée). Le bras qui lui cache le ventre, la tire dans la même direction que celle du drapé rouge. Et de même que le personnage central elle sort de ces bras en se tirant vers l’avant.

Le rapport de couleur entre le tissu carmin et la chair de Galatée est

repris par la peau rougie du personnage marin et la carnation pâle et rosée de la néréïde. En fait, ce premier contraste est transposé plus bas en un peu plus clair. Cet écho visuel renforce le mouvement ascensionnel jusqu’au visage central, les deux éléments étant sur une même ligne.

LES PERSONNAGES, L’ESPACE ET LA SCÈNE

Chez Raphaël on voit la très nette évolution de la représentation des personnages et de l’espace

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115 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

par rapport à ses premiers tableaux. Par exemple, dans la Résurrection de 1501, Raphaël reste proche de l’imagerie médiévale, car bien que l’on ait un espace avec différents plans, la taille des personnages est relativement proportionnelle à leur importance, et les poses restent figées.

Dans cette fresque, au contraire, les attitudes sont extrêmement libres et naturelles. Les volumes des corps sont modelés de façon sensible et vivante. Les personnages sont appréhendés par rapport à leur espace, dans une perspective totalement assimilée. D’ailleurs, ce traitement de l’espace permet d’amplifier les mouvements d’avancée ou de recul dans les attitudes.

La suite divine qui entoure Galatée de haut en bas, de droite et de gauche, l’entoure aussi d’avant en arrière : on a dans un premier plan l’Amour posé sur l’eau, ensuite le premier couple, puis, derrière le personnage central, on voit les deux musiciens et le second couple.

Ainsi, Galatée se trouve au centre de l’image, dans sa hauteur, dans sa largeur et dans sa profondeur. Sa pose résume en quelque sorte la totalité de la composition. Elle traduit la dynamique d’avancée qui s’oppose à celle du drapé qui la tire vers l’arrière, le mouvement contradictoire de ses bras tendus vers la droite, alors que le tissus flotte sur la gauche, les dauphins qui la traînent vers le bas, quand son regard se perd dans le ciel. Le peintre attache aussi une attention toute particulière à l’expression profondément humaine de la divinité. La douceur du visage et du rendu de la peau ne peut que rappeler l’admiration qu’a le peintre pour Léonard de Vinci.

Toute l’émotivité et la dynamique de la fresque sont traduits dans ce seul personnage. Galatée, tiraillée entre la mélodie du géant et son univers marin, prête une oreille rêveuse à cette musique. Elle se laisse entraîner par les dauphins à l’air cruel loin de celle-ci.

Dans cette scène, tous les personnages représentés sont divins. Seuls les dauphins sont, dans la théorie, des êtres vivants normaux. Pourtant, ici, ce sont les plus proches d’un univers fantastique, et en apparence les moins réels; ils ont un aspect assez plat. Leur représentation pourrait faire penser à celle d’un motif. Les nageoires ont un côté décoratif, et la gueule semble presque monstrueuse ; les dauphins ont un caractère cruel rendu par le détail des dents, et du poulpe que celui du premier plan tient entre ses mâchoires. Peut-être leur représentation est-elle différente (ils marquent aussi la zone la plus sombre de l’image) pour que l’on remarque leur caractère malin du fait qu’ils détournent la néréïde de l’Amour en l’emportant au loin.

Les divinités ont un aspect très humain. Les trois

néréïdes ressemblent à des femmes comme les autres. Les cinq Amours se reconnaissent à leurs attributs : une paire d’ailes et des flèches. Les autres divinités sont des êtres hybrides : homme à queue de poisson, homme à pattes de cheval, ailes et queue de poisson, personnage ayant des sortes de plumes le long des cuisses. Les éléments rajoutés sont toujours peints avec le même caractère que la chair. Aussi, ils s’intègrent aux corps. Chaque individu semble avoir son propre caractère. Leurs expressions sont profondément humaines.

La scène est présentée sur l’eau. Le terme sur «l’eau semble» particulièrement approprié puisque celle-ci semble solide. Les personnages sont comme posés sur les flots. Cela est flagrant avec l’Amour qui repose sur la mer et dont le tissu qui l’entoure rappelle le motif du coquillage. On a aussi ce sentiment avec l’homme à queue de poisson, et avec celui au corps de cheval dont les sabots sont posés sur la surface, leur ombre étant portée comme s’il s’agissait d’un sol rigide. A aucun moment, on n’a l’illusion d’une pénétration dans le liquide. Seul le poulpe dans la gueule du dauphin crée un lien entre les personnages et l’eau. Etant entre les mâchoires de l’animal, il fait partie des vivants. Mais ses tentacules semblent se mêler à l’eau. Cette impression est renforcée par le motif de celles-ci : elles forment de petites vaguelettes. Ce motif est repris de façon atténuée, ponctuellement, sur la surface de la mer pour signifier l’eau. Grâce à ce mode de représentation, Raphaël parvient à nous donner l’illusion d’un espace qui est celui de l’univers marin.

En fait, cette sorte de platitude du décore permet aux figures de se détacher et de prendre toute leur importance. Les corps apparaissent comme sujet principal et le fond reste présent sans être abstrait.

CONCLUSION

A travers cette oeuvre, on comprend aisément la si grande renommée du peintre qui à traversé les différentes époques. On y trouve l’expressivité, la douceur des visages, la vie dans les poses, l’harmonie dans le modelé des corps. Son habileté à composer avec les différents éléments du sujet qu’il peint est incontestable.

Les artistes de la Renaissance ont acquis les valeurs antiques hellénistiques (mouvement, passion, sentiment, grotesque) en vue de les développer. A travers cette fresque, Raphaël nous montre une synthèse de ces différentes valeurs. Tout comme Léonard de Vinci et Michel-Ange, il marque en quelque sorte l’apothéose de la Renaissance. Mais la composition de Raphaël est en même temps très calculée, mesurée, elle dénote une grande rigueur, notions qui annoncent leclassicisme à venir.

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116 Histoire de l’art Les courants artistiques de la peinture

Renaissance Un nouveau langage par Thomas Greiss

La renaissance marque un tournant radical dans l’histoire de l’art par l’abandon des codes visuels utilisés jusqu’alors pour un langage visuel nouveau qui ne sera remis en question qu’au XXe siècle avec l’invention de l’abstraction.

Ce nouveau langage se caractérise principalement par une volonté de créer des images au plus près de la réalité visuelle. Le peintre utilise pour cela des techniques telles que la perspective mathématique, la perspective atmosphérique, l’illusionnisme et le trompe l’oeil, le motif à caractère esthétique tout en abordant des thèmes nouveaux comme le portrait, la peinture d’histoire ou les sujets profanes. Dès lors l’image ne se contente plus seulement d’expliquer, elle veut aussi montrer.

L’IMAGE, TÉMOIN DU CHANGEMENT

Pour comprendre pourquoi l’art a modifié en profondeur sa manière de s’exprimer il faut aborder la question dans son contexte historique et social : si le langage change c’est qu’il ne permet plus à faire passer le message correctement entre celui qui l’énonce et celui qui le reçoit.

Le passage du Moyen âge à la renaissance est marqué par la prise de conscience de l’individualisme et à l’importance donnée à la personne en tant que telle. La guerre de cent ans a mis fin, en Europe, au système féodal qui définissait l’équilibre social depuis plusieurs siècles. Les états sont devenus nationaux avec un système administratif complexe au sein duquel la population en général est devenu une société d’individus. Les monarchies ont su s’imposer face au pouvoir spirituel de l’Église et la diffusion du savoir grâce aux universités et bientôt grâce à la machine à imprimer vont permettre l’aboutissement du courant de pensée propre à la nouvelle époque : l’humanisme.

Bien entendu un tel changement ne s’est pas fait du jour au lendemain. La renaissance artistique non plus. Des recherches sur le rendu du volume et sur la représentation de la profondeur ont été ammorcées avec le gothique international grâce à des peintres comme Giotto ou Lorenzetti entre autres. Il a fallu plus d’un siècle à l’image pour mettre en place les règles mathématiques de la perspective et même une fois cela fait un grand nombre de peintres sont restés réfractaires au nouveau style et ont continué à s’exprimer de manière traditionnelle.

LA LECTURE DE L’IMAGE MÉDIÉVALE

Au moyen-âge, l’image a pour vocation d’instruire. Le message s’énonce de la manière la plus claire possible pour être comprise au mieux par le lecteur. Le réalisme n’est pas son souci. Le plus important est représenté plus grand que le secondaire. Les motifs graphiques restent symboliques : on représente des personnages plutôt que

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des personnes, des édifices architecturaux quelconques plutôt qu’une ville en particulier. Cela correspond à la mentalité de l’époque : l’image s’adresse à la population en général, l’individu n’ayant pas encore de place définie en tant que telle dans la société. En général, le message est religieux et rappelle au peuple la conduite à suivre s’il veut sauver son âme le jour du jugement dernier. On montre des exemples de la vie des saints, l’enfer et ses tourments, les effets de tel ou tel comportement dans les illustrations des livres d’heures...

Le récit, lorsqu’il y a récit, est décomposé en cases, chacune d’entre-elles contenant une partie de la narration. Un même personnage peut donc être représenté à plusieurs reprises, à différents moments de sa vie. L’ensemble de ces cases formant l’unité globale de l’histoire (à la manière, en quelque sorte, de la bande dessinée d’aujourd’hui) en montrant plusieurs lieux à des temps différents.

LA LECTURE DE L’IMAGE À LA RENAISSANCE

Principalement grâce à la perspective, l’image de la renaissance propose une lecture non plus seulement linéaire mais en profondeur. La mise en place des plans, de l’avant vers l’arrière, permet le rassemblement en un lieu unique des différents espaces indépendants du style gothique.

Si différents lieux coexistent, ils le font dans un ensemble cohérent dont les transitions des uns aux autres sont le fruit de la mise en scène imaginée par l’artiste.

Techniquement, la perspective autorise le déplacement de l’objet ou du sujet du tableau vers des lieux divers de la scène tout en lui conservant sa prédominance dans le message énoncé.

Par exemple, le personnage principal peut être

représenté en arrière-plan mais il gardera son importance par rapport à d’autres personnages en premier plan (représentés plus grands car plus proches) grâce à l’utilisation du ou des points de fuites, des lignes de construction et de la composition générale qui attireront sur lui le regard du spectateur, selon un ordre de lecture choisi par le peintre.

Plus subtile et plus enclin à la suggestion, l’image de la renaissance (et bien entendu postérieure) ne se satisfait plus de la seule portée symbolique de motifs intégrés à la scène. Elle développe alors tout un vocabulaire visuel utilisant principalement la métaphore et la métonymie.

LE NOUVEAU LANGAGE

Désormais les saints et les rois côtoient l’homme du peuple. L’individu, comme dans la société, commence à trouver sa place dans l’image.

Mise en scène et mise en page interagissent l’une et l’autre, ce qui offre au peintre des possibilités de création qui n’ont de limites que son talent et son imagination. Même si la syntaxe reste encore très codifiée à la renaissance, les possibilités et les nuances d’expression tendent vers l’infini. C’est le début de l’âge des grands maîtres.

La perspective et le réalisme ont dirigé l’art vers des horizons nouveaux que les artistes des 5 siècles à venir vont explorer dans les moindres recoins. Dessin, couleurs et matières pour exprimer les sentiments, les passions, le message religieux ou politique. Fantaisie, extravagance, douleur, introspection... Lorsque les artistes auront tout dit et que l’on croira l’art arrivé à son terme, la perspective sera remise en question à son tour et, encore une fois, un nouveau langage verra le jour : celui de l’abstraction.

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Deux regards sur le portrait par Elodie Aliadière

Le thème du portrait est extrêmement large par la complexité du genre et de son étendue dans l’histoire de l’art. L’étude suivante sera restreinte à deux regards opposés sur le portrait qui permettront de poser quelques problématiques : Le portrait du cardinal Fernando Nino de Guerava par le Greco, et le portrait du pape Innocent X par Vélasquez.

A première vue, ces deux tableaux ont de nombreuses ressemblances.

Ils sont quasiment peints dans la même période et l’on y retrouve de nombreux éléments communs : portraits de personnalités de l’Église, habit rouge, fauteuil.

Pourtant, grâce à la composition, aux couleurs et à la touche picturale, l’impact n’est absolument pas le même pour chacun des deux.

A travers ces deux tableaux, le Greco, puis Vélasquez, à un demi siècle d’intervalle, abordent le thème du portrait sous un angle très divergeant et chacun possède un caractère pictural personnel.

L’attitude des deux peintres face au portrait est opposée. Chacun a son propre comportement pictural. Le Greco a une peinture plutôt mystique, dans laquelle se retrouve souvent l’idée de lutte entre le bien et le mal. Les tableaux de Vélasquez ont un caractère plus social. Il utilise des codes qui font référence à des conventions sociales.

LE CONTEXTE HISTORIQUE

Le Greco et Vélasquez occupent une part importante dans la peinture de leur époque. Vélasquez est espagnol ; le Greco a peint une longue période de sa vie pour l’Espagne. Le tableau ici étudié à été fait pour ce pays.

En Espagne, le XVIIeme siècle est appelé le siècle d’or. Il s’agit d’une période de décadence politique, cependant la peinture connaît un essor florissant, ainsi qu’un passage important pour la littérature.

Vélasquez participe à cette évolution. Le Greco, bien qu’étant très proche du maniérisme du XVIeme siècle, peut être inclus dans cette période.

Au XVIIeme siècle, l’élite culturelle et les artistes sont friands de discussions théoriques : ils s’ouvrent ainsi à la possibilité de nouvelles approches de l’art. Le siècle offre une importante diversité dans les styles et les genres. De nouveaux genres se développent, comme la nature morte, l’objet familier étant désormais digne d’intérêt.

Après la redécouverte des antiques et l’engouement

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qu’ils ont suscités , une question se pose désormais : comment sortir de l’emprise des anciens qui ont inspiré la peinture de la renaissance et du maniérisme, ce dernier étant qualifié par les critiques du XVIIeme siècle d’imitation superficielle.

Le baroque naît alors en réaction à la peinture antérieure et n’utilise plus les canons de construction antique. Dans ce mouvement apparaît aussi le naturalisme, inspiré de Caravage, qui rejette l’idée d’une beauté idéale et qui veut peindre la réalité telle qu’il la voit.

Le Greco - Portrait du cardinal Fernando Nino de Guevara

Un compromis séducteur

Le tableau, commandé par la cour d’Espagne, nous montre le personnage de pied en tête, assis sur un fauteuil en bois et velours rouge. Toujours désireux de se faire admettre par la cour, on voit ici une peinture pleine de compromis : l’expression chère au peintre est atténuée en faveur d’un style plus séducteur.

Portant la composition révèle plusieurs caractères typiques de la peinture du Greco dans la représentation du cardinal en tant que personnage par rapport à l’espace qui l’entoure, dans l’utilisation de la lumière et de la couleur, dans la touche et enfin dans la dualité dans la composition.

LE PERSONNAGE

Le cardinal fut grand inquisiteur en 1600, puis archevêque de Séville en1601. Le Greco peint le statut social du personnage avec le code de la robe et de la coiffe rouge, ainsi que la bulle posée à terre. La richesse est marquée par les tissus de dentelle blanche, les bagues à chaque main, les lunettes qui soulignent un milieu intellectuel. Le niveau social est suggéré par le velours du fauteuil et par le mur doré. Mais le châssis en bois du fauteuil et l’armoire dans le fond donne un caractère sobre et humble qui présente un aspect plus commun à l’observateur. L’homme paraît ainsi plus proche de nous.

Le cardinal est assis. Mais le drapé du vêtement ne sculpte pas particulièrement la position du corps ; aussi la masse de tissus à l’air de flotter et donne une impression d’instabilité, de rigidité, de raideur et de distance.

Le Greco semble s’attacher davantage à la psychologie du personnage qu’à son portrait purement descriptif. Du cardinal, on ne voit que la peau du visage et celle des mains. A côté de cet effacement du corps, de la disparition du charnel et du sensuel dans la masse de tissus, on voit l’importance de la tête, donc de l’esprit.

L’impression d’instabilité est encore renforcée par la position du personnage dans le tableau. La tête est au milieu de la composition. Le corps, lui est à gauche et contribue au déséquilibre.

Le visage est presque de la même teinte que le mur, jaunie et un peu blême, ce qui donne une sensation de malaise.

L’expression du personnage est anxieuse. La position de la main gauche, crispée sur l’accoudoir marque cette angoisse.

LA LUMIERE, LA COULEUR, LA TOUCHE

Bien que n’ayant que des couleurs chaudes, le tableau dégage une atmosphère presque froide. Ceci est du à la couleur du mur doré, qui tire légèrement vers le vert. N’étant pas une couleur franchement froide, elle a une teinte ambigüe. Très lumineuse, cette surface contraste avec le reste du tableau où ne sont employés que des tons chauds.

On voit dans ce tableau la grande importance des valeurs claires-obscures. Le tableau se découpe en plusieurs zones d’ombres et de lumières qui créent des contrastes entre elles. La partie gauche est traitée en contraste de valeurs : le personnage clair se détache sur le

Huile sur toile - vers 1600171 cm x 108 cm - collection privée

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fond sombre. La partie droite est traitée en contraste de teinte : le personnage rouge se détache sur fond jaune.

La touche picturale est très présente. Le Greco ne cherche pas à effacer la marque du passage du pinceau. Par endroit, on voit la trace laissée par les poils, le mouvement, la vitesse du geste qui le guide.

Les passages de blanc qui forment la lumière sur la robe rouge, les ombres dans la dentelle blanche du vêtement, ainsi que le contraste des lunettes, du regard et de la barbe avec la peau du visage, sont traités de façon brute, grâce à cette touche picturale pure qui ne cache rien.

Le traitement de la lumière sur l’armoire, le sol et le mur a un côté réaliste. En revanche le traitement de l’habit du cardinal est tout autre. La robe est loin de rappeler le volume corporel, ou la souplesse d’un drapé qui suit la courbe des membres. Cela insiste sur l’inéxistence de ce corps caché. Le tissus a un aspect rigide, anguleux, avec un côté presque minéral qui donne une certaine froideur malgré l’emploi des coloris chauds de l’étoffe.

LA DUALITE

Le tableau est construit selon un rythme binaire. On y trouve constamment une chose puis son contraire. L’opposition, comme celle du bien et du mal est très chère au Greco.

On peut voir une première opposition entre la simplicité et la richesse, avec l’armoire (austère, droite, faite d’un matériau sobre) et le mur (qui semble fait d’or). La décoration est chargée, pleine d’arabesques et de motifs complexes.

Une autre opposition se trouve dans le jeu du carrelage. Le damier confronte le noir et le blanc, le rond et le carré, le courbe et l’anguleux, la forme et la contre-forme. Le Greco relance le jeu en peignant la bulle du cardinal sur le sol : le papier blanc se détache carré sur le rond noir. En faisant ressortir le papier, le peintre construit sa composition en losange, grâce aux quatre points lumineux que forment la tête, les deux mains et le papier.

Le jeu de lumière est repris entre la gauche et la droite. La partie droite étant dans la lumière alors que la gauche est l’ombre. La partie droite pourrait représenter le bien, avec le mur d’or, symbole de pureté ou de sagesse par rapport au mythe de la caverne, en opposition avec le côté sombre, caverneux du tableau.

Le personnage est placé entre ces deux possibilités. Il tourne la tête vers l’obscurité mais regarde vers la lumière ; comme une hésitation, une oscillation, tiraillé entre ces deux possibles. Cette opposition entre la droite et la

gauche, le bien et le mal, est accentuée avec les mains. La main droite du cardinal, la main pure, est posée paisible et détendue le long de l’accoudoir. La main gauche, impure, est crispée. La dualité morale entre le bien et le mal est très marquée, le côté psychologique est primordial.

La position du peintre par rapport à ce thème est montrée par l’importance de la tête du cardinal. Le visage est placé parfaitement au milieu du tableau, alors que le corps est plutôt mis sur le côté. Elle est comme portée en ascension par les deux triangles montant que forme la robe (impression renforcée par le triangle de dentelle blanche).

Bien qu’il soit un portrait de commande, le tableau reste mystique. La part de spirituel l’emporte sur la représentation d’un simple physique.

Diego Vélasquez - Portrait du pape Innocent X

Un portrait trop vrai

Ce portrait réalisé lors d’ un voyage à Rome fut qualifié de trop vrai par le modèle lui même. Peint à la manière des vénitiens en signe d’éloge, il eut un succès retentissant dans toute l’Italie.

Tout comme le cardinal du greco, le pape de Vélasquez est présenté dans son fauteuil, assis, et tant sa position spatiale que les couleurs du tableau semblent exalter la puissance de son rang social.

Huile sur toile - 1650140 cm x 120 cm - Rome - Galerie Doria-Pamphilj

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LE PERSONNAGE

Innocent X a 75 ans, c’est un vieillard tout puissant. Il n’est pas représenté de pied en tête mais semble cependant à distance de celui qu’il regarde.

Ancré à son fauteuil, digne dans sa position de pape, la main droite est nonchalante et la gauche tien sa bulle, sur laquelle la signature de Vélasquez et la date de réalisation apparaissent.

Comme dans le tableau du Greco, l’habit ne dévoile que le visage et les mains mais le personnage parait moins perdu dans cet amas de tissus qui le pare. L’habit suit le mouvement du corps, et les bras émergeant de l’étoffe rouge semblent libres. Il y a même une cohérence entre la teinte de la peau et celle du tissu. Le reflet de celui-ci sur le visage le mêle à l’atmosphère générale, contrairement au tableau du Greco, où le teint blafard du personnage contraste avec le rouge de la robe.

La tête est légèrement penchée en avant, comme pour mettre l’accent sur ce regard pénétrant et scrutateur. Malgré son âge, les traits d’Innocent X sont restés fermes. Le regard soutenu du pape nous invite à pénétrer dans le tableau, impression renforcée par le modelé du visage extrêmement réaliste et expressif.

Le statut social est marqué par la dominante rouge qui évoque la puissance, le luxe et le bien être. Le fauteuil imposant qui relève plus du trône, la beauté de l’étoffe de satin et la souplesse de l’aube pontificale insistent sur l’aisance et le confort. On a ici une impression de chaleur contrairement au Greco qui nous montre un espace défini par un plan sol et un plan mur. Chez Vélasquez l’espace environnant n’est suggéré que par une légère ombre sur le tissus du fond, et par une différence de teinte. Le tissu englobe le tableau et lui donne une unité chaleureuse.

Le dossier du fauteuil plein de dorures encadre réellement le pape qui semble protégé. Il parait baigné dans ce cadre de richesse parfaitement adapté à sa fonction sociale.

LUMIERE, COULEUR, COMPOSITION

Chez le Greco, nous avons vu un jeu de lumière fort en contrastes. Ici, au contraire, l’atmosphère colorée est très nuancée. seule la dentelle blanche rompt avec l’ unité environnante. Cette masse se découpe comme une trouée dans le tableau. Malgré l’atmosphère close, la circulation des blancs dans la peinture offre des ouvertures. L’aube pontificale, se continuant en hors champ donne une grande respiration au tableau. Les deux manches blanches tournées vers la droite indiquent une direction prolongée par le papier horizontal, qui pourrait nous inviter à sortir du tableau (contrairement au regard qui nous y fait entrer).

La touche de Vélasquez est fluide. Elle permet au peintre de donner une expression réaliste au modèle. La couleur et la lumière sont extrêmement nuancées. La toile du fond, le fauteuil et l’habit fusionnent. Les transitions se font par passages délicats. Par endroits, on ne distingue même plus le fond de la forme. Vélasquez utilise une gamme de rouges très nuancés.

Pour le fond, un rouge orangé sombre, tirant sur le vermillon, nuancé d’ombres douces modèlent le drapé. Un rouge plus carmin pour le vêtement. La qualité de ce rouge flamboyant et le grand réalisme du satin donnent un aspect séduisant. Suivant bien la posture du corps, le drapé a presque une sensualité charnelle. Avec le traitement du tissus blanc, le contraste des matières est finement rendu. L’impression est à la légèreté.

Le sensuel prend une part importante. A côté de la douceur et de la volupté des étoffes s’oppose la rigidité rectangulaire du fauteuil ; rigidité qui accentue le côté important et grave de l’expression du pape.

CONCLUSION DES ETUDES

A travers ces deux tableaux, nous avons pu voir deux approches opposées du thème du portrait. Pourtant, le but premier semble être le même : représenter le caractère du modèle dans son rôle social. Mais chacun des deux peintres à sa propre optique et son propre enjeu.

Chacun évoque ce qu’il perçoit par un jeu de formes, de couleurs, de composition ou encore de symboles, et porte l’imagination de l’observateur au delà du simple aspect physique du modèle.

Le Greco, privilégiant l’étude psychologique liée à l’interprétation mystique, utilise une expression pleine de contrastes, avec une étonnante exploitation de la couleur et de la lumière. Le thème primordial de cette peinture étant la dualité pour l’esprit.

Vélasquez, à force d’observation ardue et judicieuse ainsi que d’analyse nous présente un portrait au caractère

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social très marqué, exaltant la puissance du pape et évoquant son caractère naturel en accord avec sa fonction sociale. Tous deux confrontés au problème de l’imitation et de la représentation du caractère, ils offrent chacun une démarche qui leur est spécifique au sein d’un problème esthétique extrêmement large et nous indique que déjà au XVIIeme siècle, il n’y a pas qu’une possibilité de sentir et de retranscrire.

Vélasquez tente de reproduire fidèlement le pape innocent X, comme s’il s’agissait d’un miroir. Il garde ses distances par rapport au sujet. Il peint en fonction d’une demande spécifique qui est celle de la cour. C’est une des raisons pour lesquelles il cherche une grande objectivité.

Le Greco au contraire, s’attache à présenter une impression plus qu’un simple individu. Il s’identifie au modèle, utilise le portrait pour faire passer ses propres messages. Il peint avant tout pour lui, même s’il essaie toujours de se faire accepter du public.

Ces deux points de vue sur le portrait montrent des attitudes clef que l’ on retrouve chez de nombreux artistes tout au long de l’histoire de l’art.

Mais le portrait n’est pas que cela. Car non seulement il pose la question de l’art, de la représentation, du beau ; mais nous avons aussi un individu complexe qui en peint un autre.

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Du cavalier bleu à l’art abstrait par Elodie Aliadière

Vassily Kandinsky et Franz Marc sont à l’origine du mouvement Der Blaue Reiter (le Cavalier Bleu). Au départ, les peintures de ce groupe sont encore très figuratives, mais a force de recherches pour rendre la spiritualité de la peinture, les œuvres s’orientent rapidement vers le signe et la couleur.

Si elle reste dans un premier temps toujours rattachée à une certaine observation de la réalité, petit à petit, la peinture va glisser vers une abstraction de plus en plus radicale où le lien avec le monde réel disparaît peu à peu et où au final, la peinture n’est plus travaillée que pour elle-même.

Le cavalier bleu marque les prémices de l’art abstrait. Les premières œuvres de ce mouvement restent encore très figuratives. Mais l’approche spirituelle de la peinture dépouille peu à peu l’image de son aspect narratif et anecdotique. Les formes sont simplifiées et l’expression se tourne vers une recherche autour du signe et de la couleur.

Les signes graphiques sont présents, comme pour rattacher encore à une certaine réalité figurative. Ils donnent des sortes d’indices, des indications, pour évoquer tel ou tel élément. Telle forme peut indiquer un œil, tel angle peut suggérer l’architecture d’une maison. On est déjà dans un univers poétique abstrait, un espace avec des jeux de lignes et de surfaces colorées où persistent encore des signes mystérieux qui peuvent évoquer des possibles imaginaires.

Mais on voit au début que le lien au monde concret n’est pas encore si loin. On peut supposer que malgré l’aspect abstrait de nombre de toiles, les artistes qui les ont réalisés sont partis d’une observation du monde réel pour créer leurs images.

Par exemple, quand Paul Klee peint Clair de lune à Saint Germain avec un agencement de rectangles colorés, il nous donne malgré tout quelques indices en dehors du titre qui nous permettent tout de même d’y lire un paysage citadin : le cercle blanc qui se découpe sur le fond bleu suggère bien sur la lune dans le ciel, et une forme triangulaire évoque le toit d’une maison.

Ces indices sobres et discrets gardent par leur forme un aspect très abstrait, et en même temps, ils nous indiquent un rapport encore très présent à une réalité observée. L’artiste a sans doute observé réellement le

Clair de Lune à Saint Germain et nous en donne une vision épurée, où seul compte le jeu des formes et des couleurs et leur organisation dans l’espace de la toile. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas de montrer la ville telle qu’elle est, mais de donner à voir l’atmosphère qu’elle dégage.

Petit à petit, la peinture glisse vers une abstraction totale, est c’est seulement l’univers poétique des couleurs et des formes qui inspire des sensations. L’aspect narratif et figuratif disparaît complètement.

On voit alors de nombreuses études de jeux colorés, des recherches sur les nuances et les rythmes colorés, un peu comme en musique. D’ailleurs, de nombreux artistes étaient clairement inspirés par la musique jazz par exemple, voire, étaient eux-mêmes musiciens. La couleur est alors perçue comme une lumière dynamique. On compose avec les formes et les couleurs, comme on compose un morceau de musique avec des notes, des rythmes et des silences.

Paul Klee propose d’ailleurs un tableau qu’il titre

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Son Ancien. Cette recherche de gamme colorée (comme on parle de gamme musicale) capable d’exprimer le timbre d’un « son ancien », est indéniablement en lien direct avec cet univers abstrait et impalpable qu’est celui de la musique.

Miro, lui aussi réalise de nombreuses toiles où il ponctue de grandes surfaces colorées avec des rythmes de formes et de couleurs.

L’œuvre de Mondrian illustre très bien ce glissement de l’image qui part d’une observation objective et concrète de la réalité pour tendre peu à peu vers une abstraction progressive et de plus en plus radicale. En effet, il part de l’observation des réseaux de branches et réalise de nombreuses études afin d’en comprendre les principes complexes. Ses images sont de plus en plus dépouillées et même si elles semblent de plus en plus loin d’une quelconque figuration, un certain rapport à la réalité reste encore présent, de manière plus ou moins visible, de manière plus ou moins directe.

Petit à petit, ses études le portent vers une abstraction évidente où l’on perd totalement de vue l’aspect figuratif.

Ses tableaux aboutissent à des structures extrêmement épurées de lignes et de surfaces colorées.

Parvenu à une telle sobriété de l’image, finalement, pour lui, il ne reste plus que l’essentiel. Sa recherche peut alors évoluer vers de nouvelles problématiques : une recherche inlassable sur la notion d’équilibre et sourd le poids des couleurs.

C’est un nouveau langage pictural libéré des représentations figuratives et créatives du monde, une expression hors figuration.

Grâce à ce glissement vers une peinture détachée de toute référence à la réalité, les artistes peuvent atteindre des éléments formels purs. Tout n’est plus que lignes, surface et couleur. La peinture peut enfin être travaillée pour elle-même, pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une surface avec des jeux de

lignes de formes et de couleurs.

De nombreux artistes développent des recherches à travers le signe, des graphies enfantines qui semblent parfois se rapprocher du « gribouillage ».

L’art abstrait marque une volonté d’annuler tout langage, de n’obtenir que des signes et des couleurs qui ne renvoient plus qu’à eux-mêmes. La couleur et les signes ne renvoient qu’à ce qu’ils sont. La couleur et les surfaces ne sont travaillées que pour ce qu’elles sont et rien d’autre.

Les peintres veulent exprimer librement leur sensibilité, l’intériorité de l’artiste, en se détachant des codes de représentation, en cherchant un langage qui lui est propre, tout en gardant une recherche esthétique

évidente.

L’art abstrait va se radicaliser encore davantage à travers l’Avant garde Russe et va aboutir à une peinture d’abstraction absolue, dans un art qui n’a plus besoin de la réalité extérieure pour exister.

Un peu plus tard, Rothko du Colorfield painting va s’attacher lui aussi à ne montrer la couleur que pour ce qu’elle est, en exaltant toute son intensité de lumière et de rayonnement.

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La notion d’art englobe un vaste ensemble de points de vue : que l’on cherche à idéaliser pour rendre beau ou au contraire à déranger pour exprimer des sentiments liés à la peur ou à l’angoisse, la représentation picturale a su s’adapter à la pensée humaine dans toute sa diversité et sa complexité.

Depuis la Préhistoire jusqu’au début du XXeme siècle, l’art a toujours été figuratif, c’est à dire que l’image créée cherche à imiter ce que l’on voit que ce soit d’une manière réaliste ou pas, selon le propos que l’artiste cherche à faire passer. Les sentiments de révolte et d’insatisfaction nés des grands bouleversements sociaux ont modifié cette figuration qui finalement s’écroulera sous les coups de la science.

La découverte des notions d’infiniment grand et d’infiniment petit imposera au peintre le problème de représenter une réalité que l’on sait mais que l’on ne voit pas.

Après des siècles de recherches sur la figuration, s’est imposée la nécessité de mettre en image l’idée subjective, invisible.

Si l’on considère que l’art est né avec l’homme il y a plus d’un million d’années, l’abstraction, elle, n’a que 100 ans. Les deux systèmes de représentation, figuration et abstraction, sont divisés en styles que l’on n’utilisera pas pour emprisoner l’oeuvre dans une classification mais simplement pour aider à mieux comprendre l’évolution de ce langage qu’est l’image fabriquée, fragment de l’histoire des civilisations : l’histoire de l’art.