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Histoires de syndicats Bulletin d’information Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs 16, rue des Chaudronniers - case postale 3287 - 1211 Genève 3 - tél. 022 818 03 00 fax. 022 818 03 99 - www.sit-syndicat.ch - e-mail : [email protected] Septembre 1996 N° 76

Histoires syndicats · pulation de 4 millions de personnes. La guerre est en partie cause de cette situation, mais de plus, une bonne partie de la population active est sous les drapeaux,

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Histoiresde

syndicatsBulletin d’information

Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs16, rue des Chaudronniers - case postale 3287 - 1211 Genève 3 - tél. 022 818 03 00fax. 022 818 03 99 - www.sit-syndicat.ch - e-mail : [email protected]

Septembre 1996N° 76

IntroductionAvertissement

Cette brochure n'a pas valeur d'étudehistorique rigoureuse; ses auteurs nesont pas des historiens (sauf peut-êtredans l'âme !), puisqu'ils sont acteurssyndicaux à part entière. D'autres do-cuments ont d'ailleurs déjà été produitssur cette histoire, d'autres brochuresont déjà paru, mais c'est la première foisque nous tentons de faire la jonctionentre toutes les étapes. C'est le résultatd'une lecture sélective et subjective deresponsables syndicaux dont les par-cours pour entrer dans une telle mou-vance syndicale ont été différents.

Elle pourra paraître hétéroclite, don-ner des perspectives apparemment dif-férentes, embrasser trop largementl'ensemble du syndicalisme suisse ouse cantonner à la rue de la Pélisserie ouà celle des Chaudronniers ... cela vienten grande partie du matériel que nousavions à disposition :

pour l'avant-guerre, des études his-toriques, des livres existent. Il s'agitdonc d'un travail de tri et de mise en

perspective du passé par rapport à l'é-poque actuelle;

pour la période allant de la guerre à -en gros - 1968, il n'y a pas de matérielsynthétique disponible et plus guèrede témoins disponibles; il a donc fallureconstituer l'histoire sur la base desrapports d'activité de la FSCG, des pro-cès-verbaux d'assemblées de délégués,qui semblent souvent bien mal refléterl'activité du syndicat, car ils ne pren-nent guère en compte, par exemple,l'activité des secteurs professionnels;

pour la période depuis 1968, nousrencontrons par contre un autre écueil,puisque les auteurs de la brochure enont été les acteurs; la lecture de cette pé-riode est donc évidemment orientée,malgré les efforts faits pour prendre dela distance; peut-être aura-t-elle seule-ment le mérite de préparer le travail fu-tur de véritables historiens !

L'histoire du SIT :ruptures et continuités

Les premiers syndicats chrétiens deGenève, dont est issu le SIT, sont nésvoilà trois quarts de siècle. A cette occa-sion, cette brochure esquisse quelquesrepères d'une histoire pas toujours évi-dente, pour permettre aux aînés de re-plonger dans leurs souvenirs et aux ac-teurs d'aujourd'hui de comprendre lesmoments clés d'une mémoire collectiveparfois oubliée ou méconnue.

L'histoire de notre mouvement syn-dical est, plus que toute autre, marquéed'ambiguïtés, de zones d'ombre, maiségalement de moments forts de débatsintenses, de clarifications utiles pourl'ensemble du mouvement ouvrier.Quelles que soient les étapes qui l'ontfaçonné, elle est le fait d'hommes et defemmes désireux-euses de se battrepour plus de justice sociale. Des erreurs

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ont été commises, des événements sesont produits dont nous sommes fiers...De ruptures en continuité, les mili-tant-e-s syndicaux-ales ont porté enavant un instrument d'action sociale-ment utile.

Cette brochure n'a pas la prétentionde refaire toute l'histoire des syndicatschrétiens puis du SIT. On pourra enparticulier trouver que cette histoire nefait la part belle qu'à l'aspect interpro-fessionnel du SIT, et c'est une critiqueméritée : nous savons bien que le SITn'est rien d'autre que la collectivité destravailleuses et des travailleurs qui lecomposent, qui se retrouvent d'abord

dans l'action des syndicats de base etdes secteurs. Mais reprendre cela, ce se-rait écrire une autre histoire, pour la-quelle les bases matérielles historiquesmanquent encore.

Enfin, cette brochure est aussi incom-plète parce que l'urgence et le poids del'action syndicale au quotidien rendentl'écriture difficile. Mais elle a le méritede mettre en évidence ce qui donnesens à notre combat à côté des travail-leurs-euses de ce canton, et de relancercertains débats.

Les auteurs (Bernard Matthey, Da-niel Dind et Georges Tissot)

Note sur l'édition 2008La présente édition de cette brochure

a été réalisée en 2008 afin d'en disposersous forme informatique, ce qui n'étaitpas le cas de la version de 1996 - dansl'attente d'une refonte.

Il peut y avoir ça et là quelques petitesdifférences de formulation. Les illustra-tions ont été enlevées; elles n'avaientd'ailleurs pas trait directement à l'his-toire syndicale suisse.

Genève, été 2008

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Les origines dumouvement syndical

Suisse : une organisationindustrielle particulière

Le mouvement syndical suisse s'estconstitué tardivement. Car si l'indus-trialisation a été précoce dans notrepays, elle s'est aussi faite en milieu ru-ral. On ne voit pas naître de grandes ci-tés industrielles, ni des guerres socialescomparables à celles de France parexemple.

Au départ, le mouvement syndicalsuisse a eu un aspect mutualiste pro-noncé, et son pluralisme reflétait la di-versité des implantations. Schémati-quement, on peut dire qu'il met l'accentsur les aspects éducatifs plus que re-vendicatifs.

La dispersion et la faible dimensiondes unités de production en Suisse ontfavorisé certaines formes de paterna-lisme patronal (avec par exemple le rôleimportant du journal d'entreprise).Cette caractéristique freine considéra-blement l'implantation syndicale et ledéveloppement d'une conscience declasse. S'ajoute à cette structure produc-tive très atomisée le fait qu'elle occupeprincipalement des travailleurs à hautniveau de qualification.

D'autre part, dès le début du 20esiècle, les secteurs devenant prédomi-nants sont ceux essentiellement tour-nés vers l'exportation. La conjonctionde ces éléments favorise l'intégrationdu mouvement ouvrier à travers des at-titudes nationalistes et corporatistes :"nous sommes tous dans le même bateau".

Un mouvement ouvrier réformisteLe mouvement ouvrier suisse sera

très fortement influencé par le radica-lisme avant même d'être une force or-ganisée. Avec la création de l'USS en1880 et du PSS en 1888, il va rapidementêtre soumis à des orientations réformis-tes. Certes, l' anarcho -syndicalisme dela Fédération jurassienne dans les an-nées 1870 avait été décisive au sein de laIre Internationale, mais il fut éphémère.

En fait, l'USS s'est principalementinspirée des orientations de la so-cial-démocratie allemande et de la so-ciété du Grütli fondée en 1838. D'ail-leurs, en 1901, le PSS fusionne avec leGrütli, société qui a pour objectif l'é-mancipation de la classe ouvrière aumoyen de la culture et de la formation,et qui va constituer l'aile nationaliste etrelativement droitière du mouvementouvrier.

La tradition anarchiste et révolution-naire sera minoritaire au sein de l'USS,s'appuyant parfois sur des mouve-ments d'une certaine ampleur (grèvespartielles et générales), mais très diver-sement implantée.

Deux lignes syndicalesEn fait, les débats au sein de l'USS jus-

qu'en 1918 seront dominés par le con-flits entre tenants de deux politiques :

une politique visant à faire recon-naître le syndicat comme partenairesocial auprès du patronat, en utilisantdes moyens légaux et modérés, et no-tamment les conventions collectives;

l'autre prônant la lutte des classes etle recours à la grève (y compris géné-

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rale) comme moyen d'émancipation dela classe travailleuse.

Cette opposition entre deux courantsva être plus ou moins vive, avec des in-cidences plus ou moins marquées dansles mouvements populaires. Mais, enfin de compte, chaque étape de cetteopposition aboutira à de nouveaux vi-rages à droite.

Il faut relever qu'un des premiers si-gnes de cette opposition a été la con-frontation, à la fin du XIXe siècle, entretenants d'un syndicalisme interprofes-sionnel basé sur des unions locales can-tonales ou régionales, et ceux d'uneprépondérance des fédérations profes-sionnelles.

Ce n'est pas là une anodine questionde structure, mais de vision du rôle dusyndicat : moteur de transformationglobale de la société, ou au contraire dé-fenseur immédiat des revendicationsde nature uniquement professionnelle.

Ce conflit sera réglé par la victoiredes derniers au Congrès USS de 1908,déterminant, dans ses grandes lignes,la structure du syndicalisme jusqu'à cejour, et qui mènera entretemps à la paixdu travail.

De la lutte des classesà la collaboration

Ainsi, bien que les statuts de l'USS re-connaissent la lutte des classes depuis1906, les dirigeants du mouvement ou-vrier, soucieux de se faire reconnaîtrepar la bourgeoisie et l'Etat, votent lespleins pouvoirs au Conseil fédéral en1914 lors de la déclaration de guerre(alors même que l'Internationale ou-vrière prône l'internationalisme paci-fiste et anti-militariste).

Un an plus tôt, l'USS condamnait lagrève générale comme moyen de lutte.Dans ce contexte, la capitulation du co-mité d'Olten, lors de la grève généralede 1918 portée par le courant révolu-tionnaire qui souffle sur l'Europe aprèsguerre, marque une étape de plus versl'intégration de l'USS. En effet, le Comi-té d'Olten avait davantage dû suivre lagrève que l'organiser, et s'était opposé àceux, nombreux, qui voulaient en faireune grève insurrectionnelle. D'où lesentiment de trahison ressenti et expri-mé par de nombreux travailleurs.

La grève générale de 1918La misère régnait alors en Suisse. En

six ans (de 1914 à 1920), les prix ont plusque doublé, et particulièrement pourles produits de première nécessité (ali-mentation, vêtements, combustibles),alors que ceux-ci sont rationnés et querègne une pénurie aggravée par la spé-culation. La baisse du pouvoir d'achatatteint 30%. En juin 1918, on compteplus de 650'000 indigents sur une po-pulation de 4 millions de personnes.

La guerre est en partie cause de cettesituation, mais de plus, une bonnepartie de la population active est sous

les drapeaux, et leur famille ne béné-ficie d'aucune assurance perte de gain.

Les autorités de l'époque ne font pasgrand-chose pour remédier à cette si-tuation. Au contraire, et c'est l'opposi-tion à cette mesure qui sera un des ger-mes de la grève générale, elles mettentsur pied un projet de service complé-mentaire, avec une mobilisation autori-taire des hommes de 16 à 60 ans, afin depallier la pénurie de main d'oeuvredans l'industrie et l'agriculture. Sansque ces travailleurs involontaires béné-ficient des salaires usuels, de frais de

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déplacements et d'assurance maladieou accident.

En outre, le Conseil fédéral utilise laguerre pour démanteler les rares pro-tections dont bénéficiaient les salariésen suspendant l'application de la loi surle travail (avec pour corollaire une mul-tiplication des heures supplémentairesgénératrices de chômage, alors que l'as-surance en ce domaine est presqueinexistante), il ne sait pas organiser leravitaillement, en laissant la spécula-tion se développer.

Des mouvements revendicatifs se dé-veloppent, des grèves éclatent dans lamétallurgie zurichoise (6000 grévistes),dans les trams genevois et même dansles banques de Zürich ! L'ensemble desouvriers de Zürich les soutiendra parune journée de grève générale.

Maladresses et provocations

Ce climat combatif est renforcé parles maladresses tant du Conseil fédéral,qui mobilise en hâte des troupes sup-plémentaires, que de l'armée. Ainsi,lorsque les Zurichois préparent pour le9 novembre 1918 la célébration du pre-mier anniversaire de la révolutionrusse, le général Wille fait envahir laville par 8000 soldats, ce qui va mettrele feu aux poudres. Une grève généralede protestation d'un jour est décrétée lesamedi 9 novembre. Des affrontementssanglants ont lieu, et le Comité d'Oltendécide d'étendre la grève en la décla-rant nationale, générale et illimitée de-puis le lundi 11 novembre à minuit eten lançant au Conseil fédéral un ulti-matum assorti de neuf revendications(voir ci-contre). Et cela le jour même oùse terminait la guerre mondiale !

La grève durera du 12 au 14 no-vembre et sera suivie par environ400'000 ouvriers, dont 30'000 pour lesseuls cheminots, qui paralysent le paysen arrêtant les trains. Elle rencontrera

moins de succès en Suisse romande,mais il faut relever qu'à Genève, lestransports publics furent immobilisés,et la métallurgie s'arrêta à plus de 80 %.

En face, l'armée occupe les sièges dessyndicats et les maisons du peuple.Plus de 100'000 soldats sont sur pied deguerre. Cette mobilisation aura poureffet secondaire d'accélérer la propaga-tion de la grippe espagnole, qui feraplus de 20'000 victimes en Suisse, dont3'000 dans l'armée. A côté de l'armées'organisent des "comités civiques"prêts à en découdre, armes à l'appui.

Des résultats non négligeablesCe risque de guerre civile (ainsi que

des promesses du Conseil fédéral) ferareculer le Comité d'Olten et le contrain-dra à appeler à la reprise du travail, dé-cision ressentie comme une trahisonpar nombre de grévistes. Mais les résul-tats de la grève ne furent pas négligea-bles :

mise en vigueur de la loi sur l'assu-rance maladie (votée en 1911);augmentation réduite du prix du lait(3 cts au lieu de 8);abandon du service civil obligatoire;révision de la loi sur le travail, avecdurée maximale du travail réduite à48 heures;allocation de vie chère pour le per-sonnel fédéral;votation rapide de l'initiative socia-liste sur la représentation propor-tionnelle au Conseil national.

Les revendications de 1918Des neuf revendications mises en

avant par le Comité d'Olten lors de lagrève générale de 1918, certaines, por-tant la marque de leur époque, n'ontplus guère de signification, d'autres ontmis bien du temps à aboutir :

renouvellement immédiat du Con-seil national d'après la proportion-nelle. (Sera obtenu dès 1919; le

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Conseil national élu à la majoritairevoyait une sur-représentation desmilieux de droite.);droit de vote et d'éligibilité de lafemme. (Il faudra attendre 53 anspour ces droits au niveau national !);introduction du devoir de travaillerpour tous;introduction de la semaine de 48heures dans les entreprises privéesou publiques. (Sur une semaine de 6jours, donc 8 heures par jour.);organisation d'une armée essentiel-lement populaire. (Les dirigeants de

l'armée de 1918 étaient surtout desaristocrates.)d'accord avec les producteurs agrai-res, assurer le ravitaillement. (Un desdifficiles problèmes de l'époque.);assurance vieillesse et invalidité. (Ilfaudra attendre les suites de laguerre mondiale suivante pour quenaisse l'AVS.);monopole de l'Etat pour l'importa-tion et l'exportation;payement des dettes publiques parles possédants. (Quelle solution élé-gante pour le déficit actuel de l'Etat !).

Divisions syndicales du mouvement ouvrier- les syndicats chrétiens

Ces années voient l'achèvement duprocessus qui conduit à une scission ausein du mouvement ouvrier. Un rôlenon négligeable est joué par le fait dedevoir se déterminer pour le soutien àla révolution russe de 1917 puis, plustard, sur l'adhésion à la IIIe Internatio-nale (communiste). En 1921 se crée leParti communiste suisse, dont lesmembres seront sévèrement combattustout au long des années 20 par les direc-tions syndicales, qui n'hésiteront pas àexclure des sections entières, suspectesde communisme. C'est en 1927 que lagauche syndicale est définitivementbattue - sur le plan des principes - l'USSabandonnant toute référence à la luttedes classes.

Il faut cependant noter que les syndi-cats genevois (voire romands) suiventune évolution inverse et se radicalisent,notamment lors du gouvernement"rouge" de Léon Nicole et en contestantles premières conventions de paix dutravail. Ils gardent aussi dans leursrangs les militants communistes ouanarchistes, qui occupent parfois desfonctions dirigeantes.

C'est à cette époque également que sesituent la création et le développementdes syndicats chrétiens. Face à la luttede classes, à la grève générale et à l'an-ti-cléricalisme des socialistes, les chré-tiens se regroupent dans des syndicats(CSC et ASSE) qui veulent défendre lesintérêts des travailleurs sans pour au-tant s'affronter systématiquement aupatronat. C'est donc paradoxalementau moment où le syndicalisme majori-taire prend son virage à droite que sedéveloppe un syndicat également ré-formiste qui va proposer, comme amé-nagement de la société, une pré-imagede ce que sera le modèle de la paix so-ciale.

L'origine des syndicats chrétiens

A son origine, le syndicalisme chré-tien participe d'un mouvement d'idéesplus larges, qui, sur le plan politique adonné naissance à la démocratie chré-tienne. C'est le cas à Genève, où long-temps les leaders du syndicalismechrétien se sont confondus avec ceuxde l'aile sociale du Parti indépendant(ancêtre du PDC).

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L'encyclique papale "Rerum nova-rum" (1891), où les syndicalistes chré-tiens situent leur origine, était en faitune réponse de l'Eglise catholique aumonde nouveau issu de la Révolutionfrançaise, au libéralisme. Elle proposeune voie médiane entre deux "héré-sies" : le libéralisme et le socialisme.Cette réponse, à l'époque, on la voitdans une renaissance du corporatismecomme modèle d'ordre social.

Le syndicalisme chrétien ne s'est pasimposé dès l'abord à Genève commeune évidence, y compris pour ceux quicontribuèrent à le fonder. Jusqu'à la finde la première guerre mondiale, leschrétiens adhéraient aux syndicats del'USS. Les seuls regroupements pure-ment confessionnels étaient alors descercles paroissiaux, ou l'Union des tra-vailleuses catholiques et l'Union destravailleurs catholiques, dont les butsétaient plutôt récréatifs, caritatifs et desecours mutuels (caisse maladie ...).Mais ces deux mouvements intervien-nent également dans la vie sociale, no-tamment par le biais du Parti indépen-dant.

Dans cette volonté de se retrouverentre catholiques tout en ne restant pasà l'écart des syndicats traditionnels, ilfaut voir plusieurs éléments :

les catholiques sortent de la périodedu Kulturkampf (interdit religieux) etont besoin de bases de solidarité, maiscomprennent également le risque dughetto;

l'immigration d'autres cantons, enparticulier de cantons catholiques ro-mands, est extrêmement importante àGenève;

les syndicats "socialistes" n'ont pasencore à Genève le caractère "révolu-tionnaire" qu'ils auront entre les deuxguerres mondiales;

les catholiques, encore peu nom-breux, ne voient pas comment consti-

tuer une organisation syndicale quiserait ultra-minoritaire.

Le tournant : la guerre de 14-18et ses conséquences

La première guerre mondiale va ag-graver les problèmes sociaux. Le mou-vement socialiste va se radicaliser, radi-calisation qui culmine dans la grèvegénérale de 1918, ainsi que dans le sou-tien à la révolution russe de 1917. Cesont à ces "chocs" qu'il faut attribuer lerenforcement des syndicats chrétiensen Suisse, et à Genève leur création. Lescatholiques, et les chrétiens en général,jugent alors incompatibles leur foi etl'enseignement social de l'Eglise avecles "menées collectivistes".

Le 1er décembre 1918, le "Travail fé-minin", organe de l'Union des travail-leuses, écrit :

"Le cartel genevois des organisations ou-vrières catholiques met en garde leurs mem-bres contre les excitations des agitateursprofessionnels du syndicalisme socialiste etleur recommande de faire consciencieuse-ment leur devoir patriotique en continuantà assurer la vie économique du pays."

A l'occasion du Jeûne fédéral de 1920,les évêques suisses se font plus précisencore dans une lettre pastorale inti-tulée "Le péril social" : "On ne peut pasêtre socialiste et catholique en mêmetemps". "Les syndicats chrétiens sont lemoyen positif le plus pratique pour arrêterla poussée révolutionnaire".

Les évêques ne font que rappeler unpoint de vue apparemment très répan-du, puisqu'entre 1918 et 1919 déjà, leseffectifs des syndicats chrétiens enSuisse ont doublé, passant de 8'000 à16'000 membres.

Naissance des syndicatschrétiens à Genève

Les syndicats chrétiens proprementdits se créeront à Genève d'abord dans

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des secteurs où n'existent pas d'autressyndicats. Ce sera le 16 juillet 1921, lesyndicat des employés de banque, decommerce et de bureau, avec unesoixantaine de membres. Signalons ce-pendant que deux sections de l'Uniondes travailleuses catholiques avaientdéjà un caractère syndical, mais refu-saient de se nommer comme telles (lemot faisant encore peur) : la Section desemployées de commerce et de bureau(fondée en 1914) et celle des ouvrièresde l'aiguille.

Le développement des syndicatschrétiens est alors constant, puisqu'ilssont vingt-deux à fin 1926. Les élé-ments sont en place pour la fondation,le 1er juin 1923, de la Fédération gene-voise des syndicats chrétiens, qui est uncartel laissant à chaque syndicat sonautonomie et ses activités propres, etqui deviendra bientôt la Fédération ge-nevoise des syndicats chrétiens et cor-poratifs (FGSCC).

En automne 1923, un secrétaire per-manent - Henri Berra - est nommé. Il vaaxer l'activité de la FGSCC sur la créa-tion et le développement d'institutions,pour concurrencer sur leur terrain lesautres syndicats :

création, en 1923 déjà, d'une caissed'allocations familiales; ces alloca-tions ne deviendront obligatoiresqu'en 1944, sous l'impulsion de laFGSCC;création en 1924 d'une caisse de com-pensation pour perte de gain; c'est lapremière de Suisse, et la généralisa-tion de ces caisses facilitera, après laseconde guerre mondiale, la créationde l'AVS;création, en 1925, d'une caisse-ma-ladie et d'une caisse d'assurance chô-mage; l'existence de cette dernièrecontribuera à son tour au renforce-ment des syndicats, quand en 1932l'assurance-chômage deviendra obli-

gatoire à Genève (2000 membres enplus pour la FGSCC !).La FGSCC se bat alors pour la créa-

tion d'un office social du logement (ac-cepté en votation populaire), pour l'oc-troi de vacances aux apprentis et pourle droit de vote et d'éligibilité des fem-mes aux prud'hommes (cause gagnéeen 1930).

Le corporatisme

Toute cette période d'histoire de laFGSCC doit être comprise à la lumièrede la doctrine corporatiste, propagéepar l'Abbé Savoy, et reflétant l'ency-clique "Rerum novarum".

Le seul remède à la dislocation du ré-gime économique moderne est "dans laréorganisation professionnelle, c'est-à-direle groupement officiel de tous les membresd'une même profession en vue de l'ententeentre syndicats patronaux et ouvriers".

La corporation regroupe un syndicatouvrier et un syndicat patronal dansune structure commune (avec parfoiségalement un syndicat de techniciens),et il n'est pas étonnant de voir se fonderles premières corporations dans les mé-tiers où les patrons sont relativementproches des travailleurs parce qu'ilsmettent aussi "la main à la pâte". C'est àGenève que nait en 1924 la premièrecorporation, celle de la terre.

Le mouvement corporatiste connaîtalors une formidable extension, enpartie à cause des effets de la crise etégalement des difficultés que connaît legouvernement socialiste de Léon Ni-cole. Le 16 novembre 1931 est fondée laFédération genevoise des corporations,et, en septembre 1932, un secrétariatpatronal groupant 250 employeurs (àl'origine de l'actuelle Fédération dessyndicats patronaux). La FGSCC sub-ventionne même, au début, le secréta-riat patronal et son organe l'"Ordre pro-fessionnel" !

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La période des années 30 est marquéepar la crise et le chômage, ainsi que parune bi-polarisation politique. Des inci-dents éclatent sur les chantiers, en par-ticulier à la suite de grèves décidées parles syndicats de l'USCG. Le groupe desJeunes travailleurs se constitue pour as-surer l'avenir des organisations chré-tiennes sociales et la diffusion de l'idéecorporatiste. Il interviendra souvent aucôté des troupes du fasciste Géo Oltra-mare. Ces filiations politiques se révè-lent de plus en plus ambiguës.

En janvier 1933 sort le premier numé-ro de la "Liberté syndicale", qui devientun instrument de propagande et de po-lémique virulente, en particulier avecles dessins de Noël Fontanet.

Enfin, le corporatisme des syndicatschrétiens va jouer un rôle politique non

négligeable à Genève. Non seulementles dirigeant syndicaux figurent parmiles ténors du Parti indépendant et siè-gent au Grand Conseil, mais le corpora-tisme qu'ils prônent fait des adeptesdans les autres partis bourgeois. Pources derniers, comme pour l'Eglise, c'estl'antidote au socialisme.

Mais l'idée corporatiste au sens large(communauté professionnelle) fait aus-si son chemin dans les autres syndicats.A l'USS, l'organisation interprofession-nelle est abandonnée au profit d'une or-ganisation par secteurs professionnels.Les contrats collectifs se généralisent etl'on aboutit, en 1937, aux premièresconventions nationales dites de paix dutravail.

La paix du travailAu niveau national, les fédérations

syndicales de l'USS, emmenées princi-palement par la FOMH, élaborent desrapprochements avec les instances pa-tronales. La FOMH avait déjà fait biendes pas vers la reconnaissance de l'inté-rêt commun entre patrons et syndicat,notamment en soutenant l'ASM (pa-trons de la métallurgie) pour une déro-gation à la durée légale du travail. En1923, le Cartel syndical neuchâteloispropose un projet de "communautéprofessionnelle", qui sera repris dansles années 30 et précisé en 1941-1942, etdont on voit mal, à vrai dire, ce qui ledistingue réellement des théories cor-poratistes. Soucieux des intérêts de laprofession, les auteurs de ces projetspréconisent des associations mixtes pa-trons-ouvriers, avec affiliation obliga-toire, pour réglementer les conditionsde travail et les conflits éventuels. Lecorporatisme allait même jusqu'à prô-

ner le remplacement du Conseil desEtats par une sorte de Conseil écono-mique et social. Dès lors, la crise des an-nées 30 ainsi que les tensions résultantde la montée du fascisme trouvaient dela part des syndicats des réponses poli-tiques qui s'apparentaient fortement àces projets de communauté profession-nelle.

L'inquiétude ouvrière

La crise des années 30 avait eu desconséquences extrêmement dures pourles travailleurs : chômage massif et pro-longé (93'000 chômeurs en 1936), dé-gradation des conditions de travail,baisses de salaire (perte de 10% du pou-voir d'achat entre 1932 et 1936). Desconflits de travail s'étaient terminés parde véritables défaites : il n'était plusquestion de combattre pour de nouvel-les conquêtes, mais pour maintenir lepeu existant.

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Le patronat du début du siècle n'hési-tait pas à utiliser des moyens de coerci-tion : lock-out (c'est-à-dire interdictionde travailler), licenciement de déléguéssyndicaux, utilisation de mouchards,intervention de la police, voire del'armée, constitution de milices privées.

La reprise économique du milieu desannées 30 (horlogerie : 1933; métal-lurgie : 1936) eut pour effet de contri-buer à une sorte d'union nationale ("re-troussons nos manches face à laconcurrence extérieure, ce n'est pas lemoment de se battre entre nous").

Une situation politique troublée

L'union nationale au plan écono-mique a son pendant au plan politique.La Suisse est entourée de pays fascistesou politiquement instables (la France),et l'unité se fait dans le sens d'une vo-lonté de sauvegarde de la démocratie etde la neutralité suisse. Pour la premièrefois, en 1935, le Parti socialiste adopte lebudget militaire (l'USS le suivra en seprononçant en 1936 pour la défense na-tionale). Et il entrera au Conseil Fédéralen pleine guerre, en 1943.

Nul doute que le virage des socialis-tes (refus d'adhérer à l'Internationalecommuniste en 1920, abandon de la no-tion de luttes des classes dans les sta-tuts en 1934) correspond à la situationpolitique troublée. Il n'est non plus pasexempt d'un calcul électoraliste de "re-centrage" dans l'espoir de parvenir dé-mocratiquement au pouvoir : desexemples montrent que ce n'est pas im-possible (Front populaire en France,Léon Nicole à Genève).

La FOMH, de son côté, laissera claire-ment entendre qu'elle signe alors laconvention de paix de travail non pasprincipalement pour promouvoir lesintérêts des travailleurs, mais pour dé-fendre les intérêts généraux du pays.

La peur de l'intervention étatiqueUn facteur important qui conduit à la

signature des conventions de paix est lavolonté patronale et syndicale de tenirl'Etat à l'écart des professions, rejoi-gnant ainsi la notion de suprématie desfédérations professionnelles dans lessyndicats. "Patrons et syndicats de labranche, nous sommes assez grands pournous entendre tous seuls, et, face à l'Etat, cequi nous lie est plus fort que ce qui nous di-vise".

L'Etat était en effet intervenu à plu-sieurs reprises, et notamment en 1934,pour faire cesser des conflits dans lesentreprises. En 1936 est promulgué unarrêté du Conseil Fédéral sur les mesu-res extraordinaires concernant le coûtde la vie, permettant d'arbitrer d'officeet sans appel les conflits collectifs desalaire. Des organes de conciliationcantonaux existent déjà (à Lucerne en1892, à Genève en 1900, avec arbitrageobligatoire); la Loi sur le travail de 1914prévoit également l'arbitrage possiblede la Confédération.

Dans l'horlogerie, la "filiation" est di-recte, puisque la convention de 1937 estle résultat de la grève dans une fabriquede cadrans à Bienne. Cette grève s'étanté tendue à une fabr ique de laChaux-de-Fonds, puis à la région bien-noise, ne trouvait pas de conclusion :syndicats et patronat instituèrent doncun tribunal arbitral, pour empêcherl'intervention de l'Etat.

Ainsi, la signature des conventionsde 1937 achève un processus d'intégra-tion du mouvement ouvrier, qui cor-respond indiscutablement à une lo-gique ancienne dans les instancessyndicales. Si les orientations ont étémarquées par un petit cercle de diri-geants, la victoire de la droite syndicalene saurait cependant être attribuée uni-quement au poids d'individus, nimême à leurs capacités de direction. En

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fait, elle se sont construites sur un ter-rain favorable, car la gauche a rarementété en mesure de se développer de fa-çon décisive en dehors de quelquesbastions communistes (Zürich, Bâle,Schaffhouse ...) ou anarcho-syndicalis-tes (Ligue d'action du bâtiment à Ge-nève).

La paix du travailSignée en juillet 1937 entre l'ASM

(Association suisse des constructeursde machines et industriels en métal-lurgie), la FOMH, la FCOM, l'ASSE etl'USSA, la convention dite de paix dutravail vise principalement, non pas àréglementer des conditions de travailou de salaire, mais à fixer une procé-dure en matière de conflits pour éviteret résoudre ceux-ci. Le but est clair : ilfaut maintenir la paix sociale. Ainsi,son préambule déclare :

"Dans le but de maintenir la paix socialeen faveur de tous ceux qui sont intéressés àl'existence et à l'essor de l'industrie suissedes machines et métaux, les organisationssignataires conviennent d'élucider récipro-quement, selon les règles de la bonne foi, lesprincipaux différends et conflits éventuels,de chercher à résoudre ces derniers sur labase des dispositions de la présente conven-tion et d'observer pendant toute sa duréeune paix intégrale. En foi de quoi, toute me-sure de combat, telle que la mise à l'interdit,la grève ou le lock-out, est réputée exclue,même à l'égard de tous autres différendséventuels relatifs aux conditions de travailnon spécifiées dans la présente conven-tion".

Une fausse idée neuveL'importance donnée à la convention

de la métallurgie fait souvent croire, àtort, qu'elle est la première conventioncollective de travail en Suisse. Ce n'estd'abord pas, à proprement parler, uneconvention collective réglant desconditions de travail, et, de plus, cette

convention n'est pas la première quiformalise la paix du travail : au mois demai de la même année déjà, uneconvention similaire avait été concluedans l'industrie horlogère.

C'est donc loin aussi d'être la pre-mière convention collective conclue enSuisse. Les menuisiers à Genève en1857, les typographes à Saint Gall en1861 ont été des précurseurs. Oncompte à fin 1938 400 conventions col-lectives de travail. A tel point que leurfonction est reconnue par l'attributiond'une base légale dans le Code des obli-gations en 1911 : le contrat collectif detravail acquiert une valeur supérieure àcelle des contrats individuels.

L'originalité de 1937

Les conventions en vigueur avant1937 règlent principalement des condi-tions de travail et de salaires. Et si 30%d'entre elles environ prévoient le règle-ment des conflits, elles n'ont pascomme but premier, comme celle de lamétallurgie, la paix du travail. Cetteconvention, en reconnaissant un intérêtcommun entre patrons et ouvriers, aune portée politique fondamentale,tant du point de vue de l'action dumouvement ouvrier que de celui dusystème politique qui se construit enSuisse.

En reconnaissant ouvertement l'éco-nomie de marché et la logique du profitcapitaliste, les syndicats franchissent ledernier pas vers une pratique collabo-rationniste et son intégration dans lesrouages de l'Etat. La paix du travailinaugure un processus qui, très rapide-ment après la guerre, va fonder unestructure de gestion des conflits so-ciaux de type néo-corporatiste (bienque l'édifice des conventions collecti-ves se fasse également en réactioncontre les tenants de la doctrine corpo-ratiste): élaboration et application

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conjointes des politiques sociale et éco-nomique par l'Etat, le patronat et lessyndicats. Ponctuée par le compromisgouvernemental - la "formule ma-gique" suite à la participation du PSS auConseil fédéral - cette organisation detype corporatiste va empêcher l'expres-sion des conflits sociaux et des désac-cords politiques, notamment de ceuxqui surgissent du rapport entre capitalet travail.

Ainsi donc, la fonction syndicale s'entrouve assez fortement modifiée. Re-connu par l'Etat et le patronat comme"partenaire social", le syndicat préfére-ra une politique contractuelle, secteurpar secteur, plutôt que des interven-tions centralisées de l'Etat. Bien enten-du, cette orientation relègue aux ou-bliettes un rôle du syndicat d'organiser,d'animer et de susciter les luttes socia-les et, plus encore, de préparer laconquête du pouvoir par les travail-leurs.

La crise du corporatismeParadoxalement, la FGSCC manque

complètement le virage de la paix dutravail. Il faut dire qu'à Genève, les af-frontements entre syndicats chrétienset socialistes sont particulièrement vi-rulents, ne serait-ce que parce quel'USCG est assez éloignée du mouve-ment de la communauté profession-nelle. C'est par exemple la FOBB gene-voise qui fait recours en 1938 auTribunal fédéral contre la loi Duboule(oeuvre notamment de la FGSCC) quipermettait de donner force obligatoireaux contrats collectifs.

La FGSCC est alors à la tête du mou-vement corporatiste romand, mais sapuissance l'empêche de se remettre encause et de s'adapter tant à l'évolution

sociale qu'à l'évolution idéologique(écrits de Mounier et Maritain).

Par ailleurs, les syndicats patronauxse soucient plus de la défense de leurspropres intérêts que de la constructiond'une société corporatiste et anti-capi-taliste. Le peu d'empressement d'unedes parties à la corporation l'ébranlefortement. La FSP va d'ailleurs faire duchemin, grâce notamment à la gestiontrès lucrative des caisses de compensa-tion.

De plus, les dirigeants de la FGSCCsont attaqués par des membres in-fluents qui leur reprochent de laisser decôté leur idéal pour se contenter de réa-lisations temporelles. Ces critiques sontrelayées par les autorités ecclésiasti-ques. Des conflits internes mènent à desscissions, des syndicats entiers quittentla FGSCC. Ces conflits et scissions se-ront réglées, mais laisseront des traces.

Il va sans dire c'est aussi la connota-tion fasciste (Mussolini et Pétain s'enréclamaient) des corporations qui vacontribuer à leur discrédit puis à leurabandon.

C'est l'époque où de nombreux tra-vailleurs de la JOC (Jeunesse ouvrièrechrétienne) et de la LOC (Ligue ou-vrière chrétienne - qui devient en 1942le Mouvement Populaire des Familles)rejoignent ces syndicats avec lesquelsils s'étaient durement affrontés dans lesannées 30. Cette "réconciliation" estscellée par l'entrée de Fernand Pittet(ancien permanent de la JOC) commesecrétaire permanent en 1945 (il sera se-crétaire général de la FSCG de 1968 à1981).

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L'après-guerre

Le syndicat hors de l'entreprise

Le processus de paix sociale a mis surpied un réseau très serré de conven-tions collectives qui ont, dans la plupartdes professions, éliminé le syndicat deslieux de travail, le privant ainsi de sonélément essentiel d'enquête et d'actionen vue d'orienter les revendications.Des commissions d'entreprises sontcrées, mais c'est sur deux axes :

la négociation des questions internesà l'entreprise (et notamment les salai-res), excluant les syndicats de ce typede discussion, en ne les faisant interve-nir que lorsqu'aucun accord n'est trou-vé à l'intérieur de l'entreprise;

la création de commissions dans lesentreprises qui ne voulaient ni des syn-dicats, ni des conventions collectives.

Mais, en même temps, le rôle socialdes syndicats est reconnu, et ils s'intro-duisent dans le pouvoir politique ex-traparlementaire, notamment par lebiais, institué vers la fin de la guerre, dela fameuse procédure de consultationavant l'édiction de lois, qui est égale-ment un facteur important de l'intégra-tion des syndicats et d'aplanissementdes conflits, le législateur sachant laplupart du temps jusqu'où ne pas allertrop loin contre les avis, soit patronaux,soit syndicaux. Ne serait-ce que lorsquepatrons et syndicat se défendent d'uneintervention de l'Etat dans ce qui pour-rait limiter la liberté conventionnelle.

La contribution professionnelle

Pendant toute la période de renforce-ment de la paix du travail, les effectifssyndicaux ont tendance à baisser, et cepour plusieurs raisons :

la tertiarisation croissante de l'éco-nomie suisse pousse nombre de tra-vailleurs dans un secteur où n'existepas de tradition syndicale;

la pratique de négociation au som-met des conventions collectives donneaux travailleurs le sentiment que l'ad-hésion au syndicat n'est pas utile;

l'individualisme croissant déjà men-tionné fait croire au miracle de la solu-tion personnelle.

Contre cela, les syndicats vont déve-lopper toute une infrastructure permet-tant de lier les travailleurs au syndicaten essayant aussi de recruter les travail-leurs étrangers qui arrivent alors enSuisse. C'est une des fonctions du déve-loppement de certaines institutionspropres aux syndicats, comme les assu-rances maladie, puis chômage, les loge-ments, les caisses de retraites ou de dé-cès...

Mais l'édifice le plus efficace est celuide la contribution professionnelle, oude solidarité. Elle naît non seulementdu besoin de renforcement des effectifs,mais aussi du désir de militants syndi-caux las de porter seuls par leurs cotisa-tions la construction des édificesconventionnels.

L'idée est simple : faire payer àchaque travailleur une contribution fi-nancière, remboursée aux syndiquésqui, eux, contribuent déjà par leurs coti-sations. L'effet de syndicalisation seramanqué lorsque le non-syndiqué netrouvera pas d'intérêt financier, là où lacontribution est inférieure aux cotisa-tions syndicales. Mais l'effet sera fou-droyant dans le cas inverse lorsque laretenue sur le salaire est de 1% et que lacotisation syndicale tourne autour de0,8%. C'est le cas de nombreux secteurs

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du bâtiment ou connexes. Il est piquantde noter que l'introduction de ce genrede contributions se fera sous l'influencenotamment de Lucien Tronchet, secré-taire de la FOBB à Genève, qui fut anar-chiste avant guerre !

Un lien supplémentaire

Contrairement à ce qu'on croit géné-ralement, l'argent des contributionsprofessionnelles, à quelques exceptionsprès, ne va pas directement dans lapoche des syndicats, qui pourraient enuser à discrétion et ... sans indiscré-tions. L'argent est géré de façon pari-taire et sert d'abord au remboursementdes syndiqués, le solde devant remplircertains buts de formation, de recy-

clage ou ... de renforcement de la "com-munauté professionnelle".

Mais l'effet des contributions faitfranchir une nouvelle étape dans la po-litique de concertation. Comme ellesalimentent indirectement les caissessyndicales en déchargeant les syndi-cats de certains frais d'administrationet de formation, elles sont devenues in-dispensables dans les budgets syndi-caux. Et la seule menace du tarissementde ces recettes financières est suffisanteà rendre les syndicats moins regar-dants et intransigeants lors de la con-clusion d'une convention collective,surtout lorsque plusieurs syndicatssont en présence et que l'un pourraitprofiter pécuniairement de la non-si-gnature de l'autre.

De la FGSCC à la FSCGLucien Genoud est secrétaire général

des syndicats chrétiens durant cette pé-riode, qui peut être caractérisée ainsi :

c'est d'abord les efforts pour reconsti-tuer la Fédération après la guerre et lesconflits internes et pour se faire recon-naître à l'extérieur;

la Fédération doit lutter contre lessyndicats de l'USCG qui refusent sonexistence, d'où le nom du journal "LaLiberté syndicale";

les moyens développés pour at-teindre ces objectifs sont la formationsyndicale des militants, l'affirmationde l'indépendance politique des secré-taires syndicaux à l'égard des partis na-tionaux (la droite), l'adhésion à la CSCafin de sortir de l'isolement;

idéologiquement, la Fédérationpasse progressivement du concept dela corporation professionnelle à une or-ganisation de la société dans laquellel'Etat intervient comme médiateur;

les thèmes développés le sont d'a-bord à partir des besoins de la famille :allocations familiales, logement, fisca-lité, AVS.

Reconstruction, reconnaissanceet lutte contre l'USCG

Le défi consiste à se faire reconnaîtreà côté des syndicats de l'USCG d'où lesbatailles en faveur de la liberté d'asso-ciation. La FCOM et la FCBB en parti-culier sont victimes d'ostracisme syndi-cal : éviction des commissionsparitaires, refus de trouver des accordspour les élections aux Prud'hommes.

En 1956, dans une brochure éditéepour le 35e anniversaire de la FSCG, onlit "aucun travailleur ne peut être forcé des'affilier à un syndicat; tout travailleur quiveut s'affilier à un sydicat est pargaitementlibre de le choisir à son gré; tout travailleuraffilié à un syndicat peut le quitter ou chan-ger de syndicat; il peut par exemple, passer

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d'un syndicat socialiste à un syndicat chré-tien."

En 1955, une lutte juridique estmenée : trois syndicaliste chrétiensviennent d'être privés de leur travail enraison de leur appartenance syndicaledans les imprimeries du Courrier, duJournal de Genève et chez Studer. Unquatrième a dû céder à la contraintepour conserver son emploi. La Fédéra-tion suisse de l'imprimerie (syndicatchrétien des typographes) a donné pro-curation à la Fédération genevoisepour défendre ses membre; une plaintea été déposée également au BIT.

On retrouve cette bataille dans diversdomaines avec des types d'interven-tion différents :

dès 1956, la FSCG soutient l'UOGdans la mise sur pied de cours pré-voyant des compensations de salairespour les travailleurs par l'Etat et posel'exigence de participer au comité afind'éviter "l'endoctrinement de l'USCG";

à l'occasion des élections des Prud'-hommes de 1962, tentative de créer unfront avec l'ASAG et les syndicatsévangéliques.

L'indépendance politiqueL'une des causes de la scission de

nombreux syndicats de la FGSCC pen-dant la guerre fut la soumission au par-ti chrétien social.

Aussi, dès 1945, la Fédération s'en-gage-t-elle sur la voie d'une indépen-dance croissante à l'égard des partis po-litiques; à l'époque, cela ne pouvait êtrequ'à l'égard des partis de droite. Nonsans mal. Joseph Miazza, secrétaire dela FCBB, était député au Grand Conseil.Pour recréer l'unité dans la FSCG, le se-crétaire général Lucien Genoud avaitpromis que les permanents ne rempli-raient plus de mandat politique. Miaz-za refusa d'abord de se plier, appuyépar l'assemblée des délégués. Devant la

menace de démission de Genoud,Miazza retira sa candidature au GrandConseil. Mais le conflit se reproduisiten 1948, pour les mêmes raisons. L'as-semblée décide alors d'inclure dans lecontrat des permanents l'incompatibili-té entre un mandat politique et le postede secrétaire syndical, tout en garantis-sant la liberté de militer dans le parti deson choix. Les relais politiques néces-saires sont assumés par les militants,dans quelque parti que ce soit.

Depuis cette date, l'évolution seraconstante, au point qu'en 1965 la listede tous les candidats syndiqués auGrand Conseil sera publiée sans dis-tinction de parti.

Pour en finir avec les liens avec leParti chrétien social, notons que ceux-cideviendront de plus en plus distendusau cours des années, et que, dans la findes années 1960, le départ du parti demilitants syndicaux qui y exerçaientdes charges importantes, mais trou-vaient ce parti trop marqué à droite, ré-duiront ces rapports à zéro.

Rapprochementsnational et romand

L'abandon de l'idée de la corporationest une condition pour un rapproche-ment des syndicats genevois avec l'en-semble du mouvement syndical chré-tien suisse, qui n'a jamais prôné lecorporatisme. C'est également une né-cessité :

ce sont les grandes fédérations pro-fessionnelles nationales qui sont signa-taires des conventions collectives;

la caisse de grève de la Fédération netient pas le coup en cas de grève pro-longée. Celle des ferblantiers de 1944l'a quasiment mise à sec (la Fédérationpratiquait des cotisations au rabais).

L'adhésion nationale est présentéecomme un moyen de sortir de l'isole-ment. Le PV de l'assemblée des délé-

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gués de 1946 le dit clairement : "devantl'ostracisme syndical qui sévit de plus enplus fortement en Suisse, nous devons trou-ver des appuis. Nous pourrions en trouverdu côté des chrétiens-nationaux".

En 1948, la convention est signée avecla Fédération des syndicats chrétiensnationaux (CNG - qui deviendra laCSC) dont l'un des buts consiste à "éta-blir l'unité du mouvement chrétien enSuisse". En 1949, la FCBB conclut uneconvention d'adhésion avec la centralenationale (les bulletins d'adhésion sontsous en-tête de la FCBB nationale). LaFCOM a également conclu un conven-tion avec la FCOM nationale; d'autressuivront jusqu'en 1965 (textile, alimen-tation, services publics, employés).Mais certains secteurs n'auront jamaisd'affiliation nationale, soit par désinté-rêt des fédérations CSC, soit par inexis-tence de fait de centrales (terre, couture,le tertiaire ne suivra qu'au milieu desannées 60).

Les relations ne seront jamais trèschaleureuses, même si Joseph vonBurg, président de la FSCG, devient se-crétaire national de la CSC en 1953.Ainsi, le rapport annuel pour 1963 re-lève que la CSC est indispensable maisregrette que "les décisions prises ne tien-nent pas compte, ou du moins pas suffisam-ment, de la mentalité romande". En 1969,un conflit éclate avec la FCBB qui refusede reconnaître les statuts de la FSCG (ily a aussi des questions de répartitionsfinancières des cotisations). L'histoiredes relations entre Genève et la Suisseest jalonnée de tiraillements. L'inter-professionnelle genevoise chercheconstamment à préserver son auto-nomie à l'égard des fédérations profes-sionnelles nationales qui veulent con-trôler leurs sections cantonales.

Le regroupement romand constitueun autre axe de désencerclement; ainsi,est créée en 1949 la Fédération ro-

mande des Syndicats chrétiens (FRSC),qui remplace la Fédération romandedes corporations qui "ne donnait pas sa-tisfaction aux ouvriers chrétiens de Suisseromande. De là est né le désir de la constitu-tion d'un bloc ouvrier".

Des moyensOn passe d'un journal essentielle-

ment genevois "La Liberté syndicale"qui sera remplacé dès janvier 1963, par"Syndicalisme", organe des syndicatschrétiens de la suisse romande.

Parmi les moyens, il faut mettre enévidence les efforts pour organiser laformation syndicale d'une manière sys-tématique : les assemblées (plusieursfois par an) donnent la parole à des ora-teurs extérieurs sur des thèmes d'inté-rêt général (la doctrine sociale del'Eglise, la fiscalité, la politique fami-liale); des cours sont organisés en se-maine; une fois par an, une journéesyndicale regroupe plusieurs centainesde militants.

Contre l'isolement, la FSCG, c'estaussi une grande famille : Fête de Noëlpour les enfants, tournoi de football,fête de printemps, achat puis améliora-tion du Chalet La Bruyère à Saint-Ger-vais, construction des logements HLMau Bocage à Onex. Dans le même esprit,une caisse chômage pour les adhérentsest mise en place. Ainsi, pour 1956 et1957, 170'000 francs sont distribués à610 chômeurs pour 18'000 journées dechômage.

La fin du corporatisme,l'évolution idéologique

La première partie de cette périodeest marquée par ce qui avait conduit àla création des syndicats chrétiens : lerefus de la lutte des classes et limitationdu rôle de l'Etat. En revanche, on fondebeaucoup d'espoir sur les bonnes vo-lontés patronales. Mais, après la guerre,

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les patrons font de plus en plus lasourde oreille. Ainsi, par exemple, re-fusent-ils en 1944 d'appliquer l'exi-gence de la doctrine corporative en ma-tière de gestion paritaire des allocationsfamiliales. Ces mêmes patrons déci-dent en 1946 de dissoudre la Fédérationgenevoise des corporations.

Il ne restera dès lors qu'à en prendrenote dans le titre de l'organisation; cesera fait en 1948 à l'unanimité : laFGSCC devient la FSCG. Les statuts re-jettent la notion de lutte des classes. Lerapport d'activité de 1953 confirme lesfondements idéologiques : "C'est notredoctrine basée sur l'humanisme chrétienqui nous fait désirer la collaboration avec lepatronat. Nous ne voulons pas choisir entreun matérialisme marxiste ou américain,nous excluons l'un et l'autre".

Le programme pour 1949 précisait :réalisation de la gestion paritaire; ins-tauration de la Commission écono-mique dans le canton de Genève; étudeet réalisation de la communauté pro-fessionnelle; augmentation de nos ef-fectifs par une propagande intense.

En 1953, on note que les buts princi-paux de la Fédération tels que contratscollectifs, allocations familiales ont étéatteints en principe, d'où le rappel desobjectifs: campagne pour obtenir desbudgets familiaux afin d'appuyer lesrevendications de salaires vitaux; ins-tauration de commissions paritairesobligatoires dans le cadre de la commu-nauté professionnelle; améliorationdes allocations familiales; formation etéducation des membres.

Progressivement, les critiques contreles organismes patronaux se font deplus en plus vives, surtout lorsqueceux-ci refusent des améliorations de lasécurité sociale (protection contre lesaccidents, vacances, jours fériés, AVS,allocations familiales) alors que desaméliorations pourraient être consen-

t i e s e n r a i s o n d e l ' é v o l u t i o néconomique grâce à la mécanisation dutravail, les techniques nouvelles, leshausses de productivité. En 1955, laFSCG refuse de rallier un comité(contre une initiative fiscale commu-niste) composé de personnes qui s'op-posent aux améliorations sociales. En1966, elle appuie un projet de loi ducommuniste A.Magnin en faveur desallocations familiales. L'Etat est appeléà intervenir d'une manière de plus enplus explicite.On le voit pour la sécuritésociale, l'interventionnisme en matièreéconomique (lutte contre la surchauffeéconomique, le contrôle des prix) etd'appel à la main d'oeuvre étrangère.

La question du "C" a été posée dès1964 lorsque la CFTC française devientCFDT. Rapport du secrétaire général :"je ne pense pas que nous sommes prêts àimiter nos camarades de la CFTC qui vontsupprimer le qualificatif chrétien de leurtitre et supprimer la référence à la moralechrétienne dans leurs statuts. Si nous de-vions un jour en arriver là, il serait préfé-rable de mettre la clef sous le paillason etd'entrer à l'Union syndicale suisse, puis-qu'il paraît qu'elle est plus chrétienne quenous puisqu'elle ne le dit pas !".

La question revient en 1967 lorsque lerapport d'activité (le dernier de LucienGenoud) exprime des craintes à l'égardd'un groupe de la Fédération romandedes syndicats chrétiens qui examine sile "C" est encore de rigueur. L'un desmotifs avancés pour refuser ces chan-gements est la crainte de disparaîtreface à l'USS. Celle-ci refuse systémati-quement l'unité d'action et privilégie lesabordage de la FSCG.

A une époque où la lutte idéologiqueétait première succède donc un certainpragmatisme, définit ainsi : "en 1941,notre fédération est sortie du Cartel chrétiensocial pour mener une existence conforme àsa volonté d'indépendance politique et

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confessionnelle. Quand elle veut prendreune décision elle ne s'occupe pas de savoirce que tel ou tel parti en pensera. Elle sou-met l'idée, le projet, la proposition à troisquestions en la forme négative :

1. Cela est-il contraire à nos principesfondamentaux ?

2. Cela est-il contraire aux intérêts destravailleurs que nous groupons ?

3. Cela est-il contraire à l'intérêt généralet au bien commun ?

Quand nous pouvons répondre trois foisnon, nous disons oui à l'idée, au projet, à laproposition et nous l'étudions pour en as-surer le succès."

Les principaux thèmes de cette périodeVoici quelques uns des thèmes les

plus fréquemment abordés et travaillésdurant cette période.

Assurances socialesAu départ, ce sont les besoins de la fa-

mille qui organisent les revendications.Le rapport annuel pour 1963 l'explicite :"Cet intérêt du syndicalisme chrétien pourla famille l'a obligé à se préoccuper de la lé-gislation sociale, c'est-à-dire des lois de pro-tection et de sécurité pour tous les âges de lapersonne humaine. La première valeur dusyndicalisme professionnel est doublée parcelle du syndicalisme social. D'où la néces-sité pour l'organisation d'être présente par-tout où s'élabore une loi sociale. Nous nechoisissons pas entre le contrat et la loi nousvoulons utiliser le contrat et la loi au profitdu travailleur de sa famille".

Il faut mettre sous ce chapeau, les ac-tivités multiples en faveur des alloca-tions familiales (terrain sur lequel l'USSrefuse d'entrer), la fiscalité au profit dela famille, les grandes lois sociales etnotamment la mise sur pied de l'AVS(jusqu'à la fin des années 70, la FSCGaura un membre à la commission natio-nale AVS).

Le logementLe logement, vu la pénurie gene-

voise, sera un thème fréquemmentabordé (dès 1953). D'abord par le sou-tien aux initiatives du MPF pour le

droit au logement, ce que ne font pasnécessairement l'USS ou la CSC. La dé-cision de se lancer dans la constructiond'une première série d'appartements àOnex est présentée comme "une applica-tion pratique de notre doctrine".

Les femmesLa question de la place des femmes

arrive très tôt dans les débats. Pour sai-sir la nature des débats, il faut se souve-nir que, dans une conception chré-tienne de la famille, la place de lafemme est d'abord au foyer. En 1947sort un rapport pour assurer la repré-sentation des membres féminins ausein du comité. En 1946, après un débatnourri, une assemblée de délégués sedéclare en faveur du vote féminin etnomme des déléguées au comité canto-nal pour le suffrage féminin; en 1958,mot d'ordre favorable au suffrage fémi-nin. En 1959, la victoire des femmes ge-nevoises qui pourront dorénavant vo-ter est saluée et il est rappelé que dès1927, la FSCG l'avait revendiqué.Même réaction lorsque le Conseil na-tional ratifie la convention internatio-nale N° 100 (OIT) portant sur l'égalitédes rémunérations.

Les salairesLes revendications salariales sont de

la responsabilité des secteurs; mais laFSCG représente un lieu d'impulsion.

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A titre d'illustration, on note ce débaten 1951 après lequel les secteurs font lepoint des actions entreprises pour lesrevalorisations : " il est indéniable que lepouvoir d'achat des travailleurs doit êtreaugmenté en tenant compte de la notion dubesoin qui est indiscutablement plus forteaujourd'hui qu'il y a 10 ans. Il ne faut doncplus parler d'adaptation de salaires maisd'amélioration de salaires. Les conclusionsdes débats sont instructives du type de dé-marches, associant les syndiqués aux ac-tions proposées : établissement par nosmembres dans tous les secteurs, y compriscelui de l'agriculture, de budgets familiaux;organisation d'une séance pour initier nosmembres à établir correctement un bud-get".

La durée du travail

Le concept théorique de la réductiondu temps de travail est clair. Ainsi, en1956, trois raisons la justifiaient : "ac-croissement de la production par la produc-tivité et l'élévation du potentiel de produc-tion; problème d'ordre social posé par lerythme accéléré engendré par le progrèstechnologique; temps de loisir plus long,condition indispensable de l'équilibre phy-siologique et psychique des travailleurs. Laréduction de la durée du travail doit s'en-trevoir dans le cadre d'un accroissement dela productivité et, par conséquent, s'accom-plir sans réduction de salaire". Mais laquestion de la compensation salarialese pose. En 1958, par exemple, refus desoutenir l'initiative Duttweiler en fa-veur des 44h notamment parce que lacompensation de salaire n'est pas ga-rantie pour les travailleurs payés àl'heure.

Dès 1956, la FSCG participe à des co-mités d'action en vue d'obtenir les 3 se-maines de vacances payées. Elle s'en-gage aussi pour s'opposer auxtentatives d'extension des heures d'ou-verture des magasins (le Grand Pas-

sage passe de 48h. à 46h20 en 1956,mais ouvre entre midi et deux heures;Torre accepte de rester fermé le jour deNoël). En 1956, la FSCG explique "qu'ilfaut envisager une campagne pour luttercontre la tendance de quelques commer-çants à vouloir ouvrir le dimanche".

Dès 1963, la FSCG s'oppose à la Mi-gros qui veut ouvrir le soir dans les cen-tres commerciaux des cités satellites.En 1966, la position de la FSCG nechange pas : "le seul motif qui pourraitnous faire accepter une ouverture retardéeserait le raccourcissement de la durée dutravail le samedi".

Travailleurs étrangers

Dès fin 1947, le comité donne son ac-cord pour organiser les travailleursétrangers. Mais en 1950, la FCBB craintune arrivée exagérée de la maind'oeuvre étrangère qui doit rester unemain d'oeuvre d'appoint; on retrouvele climat de l'époque d'après-guerre,avec sa peurs du chômage. Ainsi, lerapport d'activité pour 1961, évoquantles difficiles travaux de la commissionde surveillance du marché de l'emploi,est-il révélateur des positions : "Nousavons raté le train quand la masse des ita-liens est venue dans notre canton et nousn'avons pas mis tout en oeuvre pour faireauprès de ces camarades la propagande né-cessaire. Cela provient en partie parce quecette main d'oeuvre appartenait surtout à laconstruction et que personne ne pensait quela haute, la très haute conjoncture ne de-viendrait l'état permanent de notre éco-nomie nationale. Il nous faut donc regardercette réalité en face et, devant l'arrivée mas-sive de nos camarades espagnols, se prépa-rer à faire face aux problèmes posés pourune période de dix ans".

Quelques mois plus tard, le comiténote que les travailleurs suisses de laconstruction sont de moins en moinsnombreux et que les étrangers posent

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de nombreux problèmes humains et"nous voyons s'édifier des cités d'urgenceet des bidonvilles ou s'entassent dans desconditions souvent inimaginables des tra-vailleurs et leurs familles".

La Fédération accepte en 1962 que lestravailleurs étrangers soient exclus del'allocation de naissance et de forma-tion professionnelle en matière d'allo-cations familiales; c'est une "solutiontransitoire car nous allons, à plus ou moinslongue échéance, vers une coordination et etune harmonisation des législations natio-nales en matière de sécurité sociale".

Le rapport d'activité pour 1965montre que les esprits changent car lesefforts du Conseil fédéral de luttercontre l'arrivée massive de la maind'oeuvre étrangère sont salués. Un axese dessine pour revendiquer le regrou-pement familial : "plutôt que de renvoyerles étrangers qui sont en Suisse et de procé-der à des réductions systématiques parpourcentage, il faudrait fermer les frontiè-res à tout nouveau travailleur, exceptionfaite pour les conjoints et les enfants de tra-vailleurs déjà au bénéfice d'un permis detravail". Concrètement, il est revendi-quér de donner à ces travailleurs desdroits égaux aux travailleurs nationaux(logement, sécurité sociale, change-

ment d'employeur, de profession, debranche).

Mais au début des années 60, la nonparticipation des travailleurs étrangersaux syndicats pose problème, d'où larevendication d'instaurer une contri-bution professionnelle. Le rapportpour 1963 dit : "le véritable envahissementpacifique de notre canton par la maind'oeuvre étrangère nous a montré le peud'intérêt que ces travailleurs portent à l'or-ganisation syndicale de leur profession. AGenève, il y a plus de 50'000 travailleursétrangers dont la majorité ignorent mêmel'existence des syndicats.

Les syndicats doivent assumer dans lecontrôle de cette main d'oeuvre et dans lemaintien de l'ordre professionnel des obli-gations de plus en plus étendues. Il n'estpas juste qu'une petite partie de travail-leurs syndiqués prennent en charge, parleurs cotisations et leurs loisirs, la luttepour l'amélioration constante des condi-tions de travail de tout le monde.

Si l'on ne peut convaincre le non-syndi-qué qu'il ne fait pas son devoir en restantisolé, égoïstement, en dehors de la solidaritéil faut le contraindre à participer financière-ment à l'effort commun de l'organisationprofessionnelle".

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Un point de relance : 1968Dansl'ensembledesdatesqui jalonnent

l'histoire du mouvement syndical - et toutparticulièrement le nôtre - mai 1968 a cer-tainement joué un rôle important.

Les mouvements sociaux et associa-tifs issus de mai 1968 ont mis en évi-dence les limites du syndicalisme del'époque; de l'extérieur et de l'intérieur,une pensée s'est développée autour del'enjeu : réformes ou révolution desrapports de production. En bref :

critique à l'égard d'organisations bu-reaucratisées occupées à ne s'intéresserqu'à "l'aristocratie ouvrière", de façonverticale confondant souvent compro-mis social et compromission, repliéessur elles-mêmes, non intéressées à dé-fendre les travailleurs des secteurs pré-caires - la plupart du temps à majoritéimmigrés (hôtellerie-restauration,construction, nettoyage) - les nouvellescatégories de travailleurs issus de latertiarisation de l'économie, mais aussiles services publics et parapublics liésau développement de l'Etat social;

critique à l'égard d'un syndicalismed'appareil et "courroie de transmis-sion" de partis au niveau national :l'USS courroie du PSS, CSC du PDC;

1968, c'est l'ambition d'un change-ment fondamental de la société à par-tir, conjointement, des lieux de produc-tion et des lieux de reproduction de laforce de travail. Tout en se passant del'appareil syndical, puisque celui-ci estmis dans le même panier que les appa-reils idéologiques d'Etat. On assiste dèslors, fin des années 60 et début des an-nées 70, à toute une série d'expérimen-tations, de luttes et d'actions, y comprisavec des non-syndiqués : comités d'ac-tion syndicale, groupes de base, comi-tés de lutte ou de soutien...

Syndicalisme en mutationFace à l'échec, après 1968, du contour-

nementdessyndicats, faceauxdivisionsdes mouvements politiques, les syndi-cats ont été ré-investis (notamment parce que l'on appelait une démarche "d'en-trisme") et redeviennent un lieu essen-tiel de débat et de clarification du mou-vement ouvrier. Très schématiquement,deux logiques s'affrontent :

la première perpétue de fait la ligne du"syndicat, courroie de transmission duparti"; le parti - la stratégie politique -constitue "l'avant-garde"; le syndicat,quant à lui, étant l'organisation de massedont la conscience collective est forgéede l'extérieur. Cette voie se concrétisedans les syndicats de l'USS, pour les-quels les militant-e-s des groupes politi-ques "d'extrême gauche" et de gaucheont majoritairement la préférence;

la deuxième voie plaide en faveur del'autonomie du mouvement syndical -dans son action et sa pensée - par rapportaux partis. Cette logique est donc en fa-veur d'une organisation regroupant aussibien "l'avant-garde" que "les masses" etqui s'en donne les moyens - notammenten se dotant d'un secrétariat polyvalent -afin d'élaborer sa propre réflexion. Pourles militants de gauche au sein des syndi-cats chrétiens comme pour les militantsissus des mouvements sociaux et politi-ques "extérieurs" (moins nombreux queceux qui ont investis les syndicats del'USS), il ne fait aucun doute : leur analysede la situation les conforte dans l'idée queles espaces et les conditions sont plus fa-vorables au sein des syndicats chrétiens -en particulier romands - qu'au sein del'USS, pour une transformation et une ré-novation de l'action syndicale.

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Cet espace, les militant-e-s de gaucheet d'extrême-gauche en trouvent undans les syndicats chrétiens qui vont sesituer de plus clairement à gauche dansl'éventail politique et social genevois.

On peut y voir l'évolution d'une cer-taine pensée sociale chrétienne qui,souvent par le biais du tiers-mondisme,devient de plus en plus clairementanti-capitaliste (avec évidemment uneautre perspective que le corporatisme,qui était anti-capitaliste, mais réaction-naire). C'est d'ailleurs l'époque de lut-

tes de contestation de l'Eglise-institu-tion ("Chrétiens du mouvement" audébut des années 70) et on parle alorsde "chrétiens de gauche" et de "théo-logie de la libération", en lien avec desmouvements révolutionnaires d'Amé-rique latine. Ces militant-e-s qui fontévoluer le syndicat de l'intérieur sontdonc rejoints par des apports militantsextérieurs, justement parce que le syn-dicat prend des positions qui manifes-tent de cet esprit d'ouverture.

La "rénovation syndicale"Des militant-e-s romand-e-s ontvoulu

"rénover" un syndicalisme auquel ils re-prochaient d'être "bureaucratisé, com-promis et endormi", de se cantonnerdans des "négociations au sommet",d'être dépendant des partis, de ne paspratiquer la démocratie interne. Nonseulement ils l'ont dit et écrit, mais ils sesont donnés des outils (création de laCRT, travail dans la FSCG, la FCOM)pour pratiquer un autre syndicalisme :action sur les lieux de travail, démo-cratie syndicale, ouverture aux plus pré-caires, réponse aux demandes quoti-diennes des travailleurs (permanences,impôts, permis), autonomie politique,solidarité interprofessionnelle, inter-vention sur les conditions de vie (loge-ment, transports, santé, écologie...) etc.

Les valeurs qui fondent cette rénova-tion se sont construites progressive-ment pendant les années 70, puis "théo-risées" au congrès de 1985 sous cetteforme :

Le-la travailleur-euse doit être l'acteur deschangements qui le-la concernent.

C'est une attitude qui vise à faire deshommes et des femmes, à leur niveau etdans leur environnement, les véritables

"décideurs" et acteurs des transforma-tions économiques, sociales, politiques,culturelles.

Une des conséquences de ce principeest le besoin d'information et de forma-tion des travailleurs-euses. On ne naîtpas solidaire, on le devient dans l'ac-tion, à travers des confrontations. L'i-déologie capitaliste, les milieux diri-geants utilisent, eux, la concurrenceentre les individus, le chacun pour soi.Le syndicat se doit d'offrir une autreculture aux travailleurs-euses.

Autonomie, notamment à l'égard despartis politiques

Pour que le travailleur soit l'acteur deson propre changement, c'est d'abord enmatière de pensée, de capacité de ré-flexions, de revendications, que le syn-dicat doit faire preuve d'indépendance.Le syndicat qui réunit en son sein tousles travailleurs-euses au-delà de leursoptions idéologiques ne peut être lacourroie de transmission d'aucune or-ganisationpolitiqueouconfessionnelle.

Il y a là une divergence syndicale trèsprofonde et visible avec l'USS et la CSCau niveau suisse, liées l'une au parti so-cialiste et l'autre au PDC.

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Un syndicalisme de propositions,notamment en matière d'emploi

Le syndicalisme joue sa crédibilitéd'abord sur la question du travail et del'emploi. Dans la phase de crise ac-tuelle, la question des places de travailest à nouveau à l'ordre du jour. Nous nepouvons nous limiter à revendiquerl'augmentation, ou même le maintien,du nombre des places de travail : laquestion "quel emploi" est décisive. Letravailleur, la travailleuse est à considé-rer comme un tout : ce qu'il produit,comment il le produit, est aussi impor-tant que ce qu'il gagne, et cela au nomde la solidarité décrite plus haut, aunom de la lutte contre les inégalités tantlocales qu'internationales.

Pluralisme interne et unité d'action

Autre condition de la rénovation syn-dicale. Le dépassement du clivage syn-dical actuel basé sur l'idéologie et lesystème des partis politiques. Il ne s'a-git pas de renoncer à la politique ni auxconvictions profondes de chacun-ed'entre nous mais de trouver à l'inté-rieur de l'organisation syndicale des so-lutions qui soient acceptables pour cha-cun-e et qui prennent en compte lesapports de toutes les expériences.

Un projet d'unification organisation-nelle avec d'autres organisations et no-tamment avec l'USCG, ne peut être quele résultat d'une pratique et d'une vo-lonté commune, jusqu'à aujourd'hui ja-mais exprimés. En fait de syndicatunique, nous avons toujours entenduparler d'absorption organisationnellemais jamais d'un processus d'unifica-tion qui obligerait chacun à changer etdont le résultat ne serait pas la simpleaddition des deux organisations actuel-les, mais un syndicat tout à fait nou-veau.

L'interprofessionnelle, un outil concret

Pour promouvoir nos valeurs, l'inter-professionnelle est un outil concret quipermet :

la confrontation entre les besoins dusalarié-producteur et ceux du sala-rié-consommateur : un emploi ne sejustifie pas seulement parce qu'ildonne un salaire, mais parce qu'il de-vrait répondre à un besoin de l'usager,à une utilité sociale tout en étant épa-nouissant pour le travailleur et la tra-vailleuse;

la prise en compte du respect de l'en-vironnement; c'est une forme de soli-darité dans le temps, car ce que nousdétruisons aujourd'hui sera payé parles générations suivantes;

de lier vie au travail et mode de vie : àquoi sert une forte diminution dutemps de travail si la durée du déplace-ment s'allonge d'autant ?

de créer les conditions d'un débat,d'une organisation et d'une pratiquesyndicale unifiant les intérêts et lesprojets de tous les syndiqués au-delàde leur secteur professionnel et de leurstatuts.

L'interprofessionnelle n'est pas uncartel, ni la juxtaposition de positonscontradictoires de fédérations. D'unefaçon organique, elle donne les condi-tions pour dépasser des intérêts diver-gents entre groupes de travailleurs-eu-ses et pour lutter contre les inégalités

Cette expression des valeurs de la ré-novation syndicale est également la fa-çon dont se marque l'originalité du SITvis-à-vis de la plupart des autres syndi-cats. Elle est réponse à ceux qui au-raient cru (ou espéré) que la disparitionde la référence chrétienne enlèveraittoute justification à l'existence d'unsyndicalisme différent.

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La mutation de la FSCG ... en SIT

La crise ... toujours

La mutation du syndicat depuis lesannées 60 doit également être inter-prétée à la lumière de la crise écono-mique qui éclate en 1974-1975, à la suitede la crise du pétrole, et qui - contraire-ment aux discours patronaux - ne s'estpas démentie depuis lors, même s'il y aeu des hauts et des bas, et des espoirs derelance. En fait, l'identité du capita-lisme est d'être en crise, et ce sont les pé-riodes de haute conjoncture qui sontl'exception. Le syndicalisme de l'aprèsguerre avait un puissant somnifère :une croissance économique pour relan-cer la production après la guerre et per-mettant de distribuer des hausses desalaires, d'améliorer la sécurité sociale,de croire que le chômage disparaîtpour toujours. On fait venir à la pelledes travailleurs étrangers, on favorisele travail des femmes.

Lorsque les premiers licenciementsintervinrent en 1974 (les tout premiersont été annoncés le lendemain de la vo-tation sur une initiative xénophobe : ilsavaient été retardés pour les besoins dela cause !), lorsque le chômage explosaen 1975, que des centaines de milliersde travailleurs étrangers partirent deSuisse avant qu'on les renvoie, l'op-tique des syndicats changea, souventsous la pression de mouvements qu'ilsne contrôlaient pas. Des grèves, des oc-cupations, des manifestations firent vo-ler en éclat le mythe de la paix du tra-vail, firent croire à une re-mobilisationdurable, à une radicalisation du mou-vement ouvrier.

On sait aujourd'hui que cette périodes'est aussi caractérisée par un change-ment de société et des mentalités qui aempêché une progression mécanistedes luttes. La peur du lendemain n'a

pas automatiquement mené à la solida-rité, mais plutôt à l'individualisme, à laxénophobie, à l'intolérance. Le besoind'être protégé n'a pas conduit à un ren-forcement du militantisme, mais à unappel à un syndicat fort et désincarné :le syndicat tire aujourd'hui sa force desa capacité à défendre les gens, maismoins de sa capacité à les rassembler.

L'histoire du SIT depuis ces annéesallie donc des acquis et des mutationsidéologiques avec des adaptations or-ganisationnelles, tant au niveau internequ'externe, qui sont à la fois empreintesde volonté politique et de nécessité pra-tique, pour une meilleure efficacitédans la défense des travailleurs-euses.L'un des aspects fondamentaux decette efficacité est de faire que les tra-vailleurs-euses (re)trouvent confiancedans le syndicalisme. Au quotidien, cesera l'importance donnée à la mise surpied de permanences les plus efficacespossibles pour régler les problèmesconcrets liés aux questions de rapportsde travail, mais aussi d'assurances so-ciales et d'impôts. Par cette politique deproximité, par le bouche à oreilles quien est résulté, non seulement le SIT s'estenrichi de nombreux membres (puis-qu'après être descendu à près de 3000membres en 1980, il compte dans lesannées 90 plus de 10'000 membres, ni-veau le plus haut de son existence),mais d'une connaissance de plus enplus forte de la réalité économique etsociale de la classe travailleuse.

Le SIT composante dumouvement ouvrier

Pourtant, cette situation économiquene fut pas sans influence sur les rela-tions entre syndicats. L'urgence de l'ac-tion syndicale, les ripostes indispensa-

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bles obligèrent à des concertations, desunités d'action.

Les prises de position sociales d'a-près-guerre de la FSCG, l'atténuationdes luttes intersyndicales mènent à unrapprochement.

Dans les années 60-70, la FSCG a clai-rement montré sa volonté de fairepartie intégrante du mouvement ou-vrier. Son évolution a été constante surce point, et on l'a retrouvé de plus enplus souvent au côté des autres syndi-cats et des partis de gauche, soit lors deprises de position (création de l'AVS,refus du IIe pilier, lutte pour les 40 heu-res, contre le statut de saisonnier, mani-festations contre des régimes dictato-riaux ...), soit dans des structurespermanentes (organisation unitaire du1er mai, Rassemblement pour une poli-tique sociale du logement ...), soit, en-fin, concrètement, sur le terrain, avecles secteurs syndicaux de base (mouve-ments à l'hôpital, dans la métallurgie, lafonction publique et le bâtiment ...).

Un événement tangible fut en 1972l'adhésion de la FSCG (après un débatinterne intense) et son acceptation(après un refus en 1965) au Comité uni-taire d'organisation du 1er mai en com-pagnie de l'USCG, du parti socialiste etdu parti du travail. A la suite d'uneconsultation de tous les membres, l'as-semblée des délégués de la FSCG déci-da le 3 février 1972 de participer au 1ermai commun par 23 oui, 20 non et 4abstentions.

L'action sur le terrain et dans lesstructures unitaires montrèrent quel'on ne pouvait plus reprocher à laFSCG-SIT de diviser le mouvement ou-vrier. Après un premier refus en 1978,la CGAS accepta l'adhésion du SIT en1995. La CGAS, qui avait été créée en1961 principalement pour contrebalan-cer l'influence des communistes dansl'USCG, devint donc le regroupement

de la quasi-totalité des syndicats gene-vois (avec entre 1990 et 1996 lesadhésions de l'Union Helvetia, del'Association suisse des infirmiers et in-firmières, de l'Association suisse desemployés de banque et des syndicatschrétiens "reconstitués"). Cet élargisse-ment de la CGAS s'est accompagnéed'une mutation, avec une volonté decoordination plus forte du travail syn-dical et de rapprocher l'action de laCGAS de la base des travailleurs-euses.

L'indépendance politique

L'ancrage à gauche du SIT ne l'a pasempêché de garder clairement sa ligned'indépendance vis-à-vis de tout partipolitique, notamment en inscrivantdans ses statuts l'interdiction pour sespermanent-e-s d'appartenir à une ins-tance politique d'unparti, etmême d'ap-paraître publiquement en leur nom.Après la prise de distance vis-à-vis despartis nationaux, l'élection, en 1978,d'un secrétaire syndical - Gérald Crette-nand - au comité directeur du Parti dutravail fut l'occasion de préciser cette in-dépendance. Dans un premier temps,G.Crettenand fut en effet licencié par unorgane de la FSCG davantage en raisondu parti en question que de la fonctionoccupée (puisque les statuts de l'époquen'étaient pas explicites). Une mobilisa-tion de très nombreux-euses mili-tants-es trouva son aboutissement dansune assemblée de délégués qui marque,de manière tangible, à la fois la volontéd'indépendance politique et la fin réelledu lien privilégié avec les partis natio-naux. L'assemblée décida en effet queles secrétaires syndicaux pouvaient mi-liter dans le parti de leur choix, mais queleur fonction visible et publique de se-crétaire syndical leur interdisait d'êtreidentifiés à quelque parti que ce soit, etdonc ne devaient pas être élus dans uneinstance dirigeante ou apparaître publi-

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quement au nom d'un parti. Ceux qui,dans la FSCG, avaient exclu G.Crette-nand en fonction surtout de son lienavec le Parti du travail, avaient doncperdu la partie sur ce terrain.

La suppressionde l'appellation chrétienne

C'est aussi sur un autre terrain que laclarification de la ligne du SIT va sefaire dans ces années-là : sur la questiondu "C".

Si en 1964 nos homologues françaisabandonnaient leur référence chré-tienne et devenaient la CFDT, si les syn-dicats internationaux suivaient en de-venant la CMT, il fallut plus de temps àGenève pour régler de débat. L'un desfreins fut l'espoir de parvenir à unchangement au niveau suisse, espoirqui se révéla une chimère au vu de l'é-volution de la CSC et de l'intransi-geance montrée sur ce point notam-ment au travers du refus de la CSCd'admettre la CRT dans ses rangs et del'immobilisme de la FCOM au congrèsde 1979. Dès 1967, un groupe de la Fé-dération romande des syndicats chré-tiens examine ouvertement si le "C" estencore de rigueur. A Genève, dès 1974,des groupes ou des syndicats (FCOMen 1974, FCES en 1977) réfléchirent àl'intérieur de la FSCG à la disparitionde la référence chrétienne dans le titrede la FSCG. Cela se heurta à une forterésistance, même de la part de ceux qui,du seul point de vue théorique, esti-maient qu'en effet un syndicat ne pou-vait pas porter d'étiquette chrétienne.

Le 28 novembre 1975, l'assemblée desdélégués décide par 41 oui contre 34 nonla création d'une commission pour étu-dier la suppression ou le maintien du"C". Il s'agira en fait de deux commis-sions (une pour, une contre !) dont le tra-vail devra être réveillé en 1980. En 1982,le comité décide de consulter tous les

membres par questionnaire et par as-semblées générales. 50% des membressont pour enlever le C, 40% pour le gar-der (il y a des indécis). Dans les assem-blées, le score est plus net (63 à 27%). Lecomité donne un préavis favorable à lasuppression, et le congrès 1983 prendnote de ce préavis et décide que la ques-tion sera tranchée au congrès de 1985.Celui-ci décidera alors à une très largemajorité (106 à 10) de transformer laFSCG en SIT. A noter qu'au point de vueorganisationnel et juridique, il ne s'agitque d'un simple changement d'appella-tion : les membres le restent de pleindroit, la maison syndicale reste proprié-té du SIT, le personnel a son contratmaintenu, etc. Cette décision ne causerala démission que de moins d'une di-zaine de membres.

Il faut noter que ce n'est qu'au con-grès de 1995 que le SIT abandonneratoute référence chrétienne en suppri-mant de ses statuts et de sa déclarationde principes l'allusion à l'humanismechrétien.

Un certain isolement

L'évolution du SIT ne fut pas sans ef-fet sur ses liens avec l'ensemble dessyndicats chrétiens.

Petit à petit, le SIT a perdu son attachela plus solide avec la CSC, celle des fé-dérations professionnelles. Dans tousles cas, les divers facteurs mentionnésci-dessus se sont conjugués pour abou-tir à la séparation : divergences sur lapratique interprofessionnelle, lesorientations, l'organisation, les posi-tions, l'indépendance politique :

à fin 1978 : la FCTC quitte le SIT, cequi conduit à la re-création d'un syn-dicat de la construction au sein duSIT (mais sans affiliation nationale);en 1987 : la CSC refuse d'admettre laCRT comme fédération du tertiaire àla place de la FChP et de la FCES,

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qu'elle regroupait. De ce fait, la majo-rité du SIT se retrouve exclue de laCSC;à fin 1990 : la FCOM quitte le SIT, cequi oblige à créer un SIT-industrie.Conséquence logique, puisque le SIT

continuait à faire partie de la CSC sansqu'aucun de ses membres individuelsne lui soit affilié, le SIT est exclu de laCSC le 24 avril 1993. Le comité SIT dé-cide de ne pas recourrir contre cette dé-cision, estimant lui aussi que le SIT n'a-vait plus rien à faire avec la CSC, pourles mêmes raisons indiquées plus haut.

En parallèle, les syndicats chrétiensqui sont sortis de la FSCG-SIT consti-tuent l'Interprofessionnelle des syndi-cats chrétiens de Genève, qui sera re-connue par la CSC.

Limites de la rénovationL'espoir d'un élargissement du cou-

rant de rénovation syndicale à d'autresfédérations dans le cadre des syndicatschrétiens a duré une dizaine d'années,avec des initiatives concrètes telles que :

l'adhésion de la CSC à la Confédéra-tion européenne des syndicats;le travail commun entre la FCOM, laFChPTT, la CRT et la FSCG sur lethème "militer sur son lieu de travail"(1977);l'effort de formation commune (SIT,CRT, FCOM);des publications communes au ni-veau romand (bulletins, Action et So-

lidarité; Salariés quels sont vosdroits);le lancement et aboutissement de l'i-nitiative licenciements.Mais, petit à petit, ces pistes se sont

perdues et ces pratiques se sont arrê-tées :

fin d'Action et de Solidarité (1989);affaiblissement et repli de la FCOM;maintien de la domination des ins-tances CSC par les dirigeants FCTCet FCOM;liens avec le PDC au niveau nationalet dans la plupart des autres cantons;perte de substance puis mise en veil-leuse de la CRT romande;repli sur ses territoires et affaiblisse-ment des liens internationaux.Cette évolution a montré que la stra-

tégie de rénovation de la CSC était illu-soire et qu'il n'a pas été possible demaintenir des liens nationaux et ro-mands suffisamment forts. Aujourd-'hui subsistent des pratiques de réno-vation, mais el les ne sont pasconstitutives d'un courant organisé si-gnificatif. Pourtant, ce constat ne doitpas être considéré comme un échec,puisqu'il est indéniable que ces prati-ques ont eu une influence beaucoupplus large sur d'autres syndicats, et quela pratique et l'organisation du SIT sontobservées avec intérêt, parfois avecenvie.

L'interprofessionnelleEn effet, sur la voie de la "rénovation

syndicale", l'avancée la plus visible duSIT est d'être parvenu à constituer véri-tablement une organisation interpro-fessionnelle, avec tout ce que cela veutdire : solidarité financière, structures dedécision et de travail, débats politiques,

etc. Cela n'existe nulle part en Suisse(sauf, à des degrés divers, au Tessin eten Valais). Tout le syndicalisme suisseest vertical : ce sont les fédérations pro-fessionnelles (tant à la CSC qu'à l'USS)qui ont 90% de l'argent, du pouvoir, despermanents, de l'infrastructure. Les re-

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groupements "interprofessionnels"(USCG ou ISCG à Genève, USS ou CSCau niveau suisse) ne sont que des car-tels n'ayant que les moyens et les pou-voirs que leur concèdent les fédérationsprofessionnelles. Même si quelques fé-dérations professionnelles (SIB, FTMH,FCTC, FCOM) commencent à dire, cha-cune pour son compte, qu'elles veulentêtre interprofessionnelles, la structureverticale demeure le modèle unique defonctionnement syndical, et leur inter-professionnalisation n'est en généralqu'une extension vers les secteurs pro-fessionnels les plus proches.

De ce point de vue, le SIT - qui, tous lereconnaissent, a raison sur le fond - de-meure en quelque sorte "incompatible"avec le système actuel : c'est une piècequi n'entre pas dans le "Lego" syndical.

La construction de l'interprofession-nelle ne s'est pas faite sans heurts et ti-raillements, puisqu'il est souvent diffi-cile de concilier sa politique avec celled'un secteur donné, soit parce que lesintérêts peuvent être divergents, soitparce que les priorités sont différentes.

L'interprofessionnalisationMême si la FSCG, puis le SIT, a tou-

jours été un peu plus interprofession-nelle que la plupart des syndicats deSuisse, ce n'est qu'au début des années80 qu'elle le deviendra réellement :

1981De nouveaux statuts sont votés; doré-

navant, l'adhésion du syndiqué se fait àla FSCG et non plus aux quelque 35 syn-dicats de base : les bases juridiques del'interprofessionnelle sont ainsi posées.

1983Le congrès décide le prélèvement de

la cotisation syndicale en pourcentagedu salaire brut : les bases financières del'interprofessionnelle sont posées. Jus-

qu'alors, chaque syndicat de base déci-dait du montant de la cotisation.

1986La maison syndicale est transformée

pour marquer la volonté d'ouverturedu SIT, qui se traduit par l'afflux denombreux travailleurs et travailleused'origines, de statuts, de cultures et dementalités différents.

1987Le congrès a pour objectif principal la

prise en compte et l'homogénéisationdes pratiques syndicales tant interpro-fessionnelles que sectorielles. Danscette optique, il est saisi des enjeux etoptions de travail de tous les secteursdu SIT.

1989Le congrès est essentiellement axé

sur des réformes statutaires dans uncontexte de dissensions internes surdes divergences de pratiques syndica-les. Un document est finalement large-ment adopté "Adapter notre pratiquesyndicale". Après avoir rappelé que lemoteur du travail syndical est la solida-rité, il aborde quelques points :

pratique syndicale : les transforma-tion que le SIT veut impliquent la parti-cipation du plus grand nombre de tra-vailleurs-euses; elles sont l'oeuvre d'unmouvement social large, dont le SIT neconstitue qu'une partie. Il faut articulertravail quotidien et travail collectif. Vo-lonté de construire un syndicat regrou-pant un grand nombre de salarié-e-sdans toutes leurs diversités et se cons-truisant sur ce qu'ils veulent changer etce qu'il est possible de changer et vo-lonté de développer des positions au-tonomes et des solutions alternatives;

formation et information. L'objectifde la formation n'est pas l'acquisitionabstraite de notions mais à la participa-tion et une émancipation de tous lestravailleurs-euses; elle doit être diver-

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sifiée à la fois sectorielle et générale.Une véritable politique d'informationdoit être mise en place;

fonctionnement : vu l'accroissementquantitatif du syndicat, chaque mili-tant-e et chaque permanent-e ne peutplus maîtriser la totalité de ces activi-tés : le SIT doit organiser la complé-mentarité des diverses instances dansun ensemble cohérent;

permanents et syndicats : là aussi,une répartition du travail est néces-saire pour garantir la complémentaritéentre militants et permanents;

moyens financiers : le congrèsconfirme l'organisation financière ré-servant une partie des moyens au tra-vail interprofessionnel et la mise à dis-position pour les secteurs de moyens.

1992Quatre points du congrès sont consa-

crés à la pratique syndicale :présence sur les lieux de travail;adaptation du fonctionnement du

secrétariat à cette priorité;complémentarité entre la défense in-

dividuelle et la solidarité interprofes-sionnelle;

construire des alliances sur deuxaxes : de résistance et de propositions.La recomposition du mouvement syn-dical (réunification autour d'orienta-tions communes (rénovation syndi-cale, interprof, démocratie interne) estune nécessaire tâche de longue et diffi-cile haleine. A court terme, décision dedemander l'adhésion à la CGAS, de dé-velopper les liens avec la CEST, les syn-dicats français proches, de conserverles liens avec la CSC et la CRT.

La ligne interprofessionnelleLes congrès ne sont pas qu'un lieu or-

ganisationnel. Ils jalonnent l'adaptationde la pratique syndicale aux réalités dela situation économique et sociale destravailleurs-euses. Quelques éléments :

1981Une déclaration de principe est

adoptée, dont le préambule est : "LaFSCG affirme sa volonté d'être une organi-sation syndicale interprofessionnelle démo-cratique répondant pleinement aux aspira-tions des travailleurs et travailleuses. Ellesouligne les apports des différentes formes del'humanisme, sont l'humanisme chrétien, àla définition des exigences fondamentales delapersonnehumaine et de saplacedans la so-ciété. Elle entend développer son action enrestant fidèle à un syndicalisme fondé sur cesexigences.". Un jalon est ainsi posé pourla suppression du "C".

Le programme d'action comprendcinq chapitres : prise en charge des pro-blèmes concrets vécus par les travail-leurs-euses; solidarité extérieure et col-laboration avec d'autres organisations;fonctionnement et cohérence interneset interprofessionnels; le secrétariatsyndical; syndicalisation, formation,information. On lit :

il faut favoriser le regroupement destravailleurs-euses sur les lieux de tra-vail;

il faut partir des intérêts du syndi-qué, qui travaille dans son entreprisepour défendre ses conditions de tra-vail, et aussi coordonner son actionavec les travailleurs de la mêmebranche; le syndiqué a également d'au-tres intérêts à défendre (conditions devie, sécurité sociale) qui nécessitent unregroupement fédératif plus large;

la crise interpelle la pratique syndi-cale; risque d'éclatement de la classeouvrière et de n'utiliser le syndicat quecomme un instrument de défense desalariés ayant un emploi fixe.

1983Un document est adopté concernant

l'emploi et le temps de travail. avec uneanalyse de la crise : "La crise est durable etprofonde. Elle touche l'ensemble du sys-

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tème social, l'organisation du travail maisaussi les relations entre les gens, entre lespeuples, entre les pays : tout un modèle dedéveloppement est remis en question."

Avec les travailleurs, le syndicat doitfaire face à un double défi car :

La crise est une période de transfor-mations économiques, sociales, tech-nologiques, culturelles, mises enoeuvre par le patronat et les groupes fi-nanciers pour accroître leurs ressour-ces financières. Pour les travailleurs,les conséquences seront des baisses desalaires, des pertes d'emploi, l'accrois-sement de l'insécurité.

La crise est un processus qui exclut,marginalise un certain nombre de sala-riés qui perdent leur emploi, mis en re-traite anticipée, obligés d'accepter desemplois précaires, à bas salaires, dé-qualifiés. Ainsi, s'accentue la divisionentre travailleurs, par exemple selonleur nationalité, leur sexe, leur statut, labranche économique ou région danslaquelle ils travaillent.

"L'économie genevoise est de plus enplus dépendante de centres de décisions ex-térieurs au canton; les milliers de travail-leurs clandestins sont dans une situationd'extrême précarité et soumis à toutes lespressions : la désindustrialisation du can-ton s'accélère."

Des textes sur les droits syndicauxsur les lieux de travail ainsi que sur à laposition des travailleurs face aux nou-velles technologies sont adoptés.

1985Le congrès porte essentiellement sur

la discussion et l'adoption de texte inti-tulé "Changement de nom et politiquesyndicale". Adopté à la quasi unanimi-té, le texte met en avant les cinq valeursqui fondent dorénavant l'action du SIT(voir plus haut). Elles sont "encadrées"par une réflexion sur la solidarité qui està l'origine du mouvement syndical. Ils'agit d'une solidarité de principe, une

solidarité des attitudes syndicales et unesolidarité d'action. Il est précisé que "lesactions solidaires menées par les travailleursne doivent pas être confondues avec des atti-tudes relevant de la charité ou du "sacrifice".La solidarité active avec des groupes sociauxdifférents nécessite, tout d'abord, d'accepternotre originalité, notre indépendance et lescaractéristiques qui nous sont propres. C'estdans la mesure où nous reconnaissons notredifférence que nous pouvons accepter et re-connaître la différence des autres".

1987Le congrès adopte un document "Con-

ditions de travail et cadre de vie à Ge-nève". Le congrès se fixe pour tâche derendre plus homogène les pratiques cor-respondantesauxpréoccupationsdessa-lariés en matière d'emploi, de migrationet de logement; les activités menées parles secteurs doivent être cohérentes.

1989Voir plus haut.

1992Le congrès adopte un document

"Crise, Europe pour une réponse syn-dicale".

"La crise économique, celle des financespubliques, celle du projet politique et socialsont la marque des années 1990. Elles s'ins-crivent dans un modèle international de dé-réglementation sociale et de définition d'unnouvel ordre économique et social. Les incer-titudes liées aux conséquences de l'adhésionou non de la Suisse à l'Europe viennent s'yajouter. Faute de perspectives, beaucoup sedésintéressent de la chose publique, du col-lectif : on essaie de résister chacun pour soi,on ne cherche pas à s'en sortir ensemble."

Dans ce contexte, la responsabilité dusyndicat consiste à ne pas laisser auxseuls détenteurs du pouvoir, auxconservateurs de tous bords ou aux te-nants du libéralisme sauvage le soind'organiser notre avenir. Pour ne pasêtre cantonné sur la défensive et la

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seule dénonciation des injustices, le SITveut construire une réponse syndicalequi combine :

une analyse autonome de la crise;des positions en vue d'une sortied"alternative" de celle-ci;des propositions pour une pratiquesyndicale appropriée.Les revendications et propositions,

largement reprises dans l'initiativeSIT-CGAS sur l'emploi, touchent :

redéploiement économique et em-ploi : diversification, investissementsdans les secteurs socialement utiles,reprise de la construction;

emploi et formation;pour un nouveau contrat social;réforme de l'Etat (hausse de la fiscali-té, modulation du coût des presta-tions, contrôle des dépenses.

1995Lethèmeest"Le syndicat sur les lieux

de travail". Le remettre à l'ordre du jourmontre toutefois une limite du travailsyndical et de la rénovation, puisque lesvolontés affirmées en 1977 et au congrèsde 1983 doivent être réapprises, avec unre-départ à un niveau très bas (échanged'expériences principalement).

La rénovation syndicale ... en pratiquePar la défense individuelle et par l'ac-

tion collective, le SIT s'est imposé à Ge-nève comme force de résistance et deproposition. Voici quelques éclairages etrepères de notre action syndicale depuisles années 1970, par thèmes principaux.

Emploi, chômage, temps de travailDomaines d'activités sans lesquels le

syndicalisme n'aurait pas de sens, lesquestions abordées sont innombrables.Relevons au début des années 70 desgrèves sauvages dans la construction,la métallurgie, l'horlogerie - grèves ani-mées par des militants-es syndiqués-esou non mais non appuyés au début parles syndicats, lesquels seront ensuite"contraints" d'en prendre la tête. Luttecontre les restructurations, les licencie-ments, à la Murer, Beton Bau, Hispano,Charmilles, SIP, Lucifer, etc. mouve-ment s'élargissant à toute la Suisse ro-mande : Matisa à Lausanne, Dubied àNeuchâtel, pour atteindre, en 1976, unniveau de grèves jamais atteint depuisla dernière guerre (occupation de Sar-cem durant quatre mois). Contre lechômage issu de la crise de 1974 - avecla suppression en Suisse de 200'000 em-

plois, en bonne partie régulée par ledépart forcé de dizaines de milliers detravailleurs immigrés - se multiplientles actions autour de la revendication :travailler tous, travailler moins, travail-ler autrement. La FSCG-SIT est très ac-tive dans des luttes comme le mouve-ment des travailleurs hospitaliers pourune augmentation unitaire des salaireset une baisse du temps de travail : "300francs 40h" (1973); le soutien en 1975 àl'initiative pour les 40 heures qui netrouvera pas grâce devant le peuple (etdevant l'USS, qui avait refusé de la sou-tenir) !; la première grève illimitée dansle secteur social pour les 40h à l'Hospicegénéral lors de la fusion des institutionsd'assistance (1980); la grève des net-toyeurs à l'Hôpital contre le travail denuit... deux mouvements de lutte victo-rieux suivis par un débrayage dans lafonction publique pour les 40h et les 5semaines de vacances, qui déboucherasur des négociations et l'introductionpar étape de ces deux revendicationsdès 1989. Les 40h, à défaut d'être obte-nues par voie législative seront gagnéessuccessivement dans de nombreux sec-teurs : arts graphiques, métallurgie...

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On met en évidence le scandale desbas salaires : beaucoup de travail-leurs-euses sont contraints-es de faireappel à l'assistance pour compléter leursalaire ! S'ensuit la focalisation sur lestravailleurs-euses de la précarité. LeSIT est à la tête du mouvement de luttecontre la "Genève à deux vitesses".

A la lutte contre la précarité s'ajoutecelle contre le chômage et la FSCG metsur pied dès 1975 un comité de chô-meurs qui deviendra rapidement uneorganisation en tant que telle : l'Asso-ciation de défense des chômeurs. Par lebiais de sa caisse-chômage, qui connaîtun développement exponentiel - parti-culièrement depuis les années 90 -, elleprend en compte la réalité du chômage,et s'efforce d'offrir aux chômeurs etchômeuses davantage que de simplesindemnités.

La FSCG-SIT participera dès 1970 àde nombreux comités unitaires et mou-vements de gauche : rappelons l'éphé-mère expérience de front commun,l'UTC - l'Union des travailleurs contrela crise - devenant rapidement l'UTG -Union des travailleurs de Genève -pour terminer sa brève existence enUFP - Union des forces populaires.

Sur le plan de la réflexion écono-mique et la relance, le SIT n'est pas enreste et se dote d'une commission inter-professionnelle; il revendique tout d'a-bord une commission économique auniveau cantonal pour reprendre dixans après, en 1980, un projet d'un Officedu développement économique qui seconcrétise en 1994 par la création duConseil économique et social. En 1975,il rédige un manifeste pour l'emploi etcontre les licenciements, propose desmesures concrètes de relance en 1976et, en 1993, 60 thèses pour une relancealternative et pour une réforme des ser-vices publics et impulse le débat sur lepartage du temps de travail face à la

nouvelle vague de chômage qui sévitdepuis 1991.

Immigration - droit d'asile

Le SIT, depuis plus de 25 ans, est detous les combats menés en faveur del'intégration et des droits des travail-leurs étrangers et des réfugiés.

Il participe activement active auxmouvements de lutte contre toutes lesinitiatives xénophobes et racistes qui sesont multipliées au cours de ces annéescontre les soi disant "emprise et péné-tration" étrangères. Bien que rejetées,ces initiatives ne sont pas restées sansinfluence sur la politique de la Confé-dération toujours plus restrictive et sé-lective en matière de main-d'oeuvreétrangère et de droit d'asile politique.

La FSCG participe aux campagnesmenées en faveur de l'initiative "Etresolidaires" qui exigeait, notamment, l'a-brogation du statut des saisonniers, etun renforcement des droits des étran-gers. Des actions d'occupation sont me-nées dans les baraquements et les loge-ments de saisonniers pour protestercontre les conditions de vie de cette ca-tégorie de travailleurs. D'autres actionssont menées simultanément pour quesoit révisé le système de taxation dontils sont victimes... l'impôt à la sourceétant prélevé sur 12 mois alors que leurséjour n'est que de 9 mois par année.

Aux actions menées en faveur de l'in-tégration des travailleurs en prove-nance du bassin habituel de recrute-ment de la main-d'oeuvre étrangère(Italie, Espagne, Portugal, Yougos-lavie) s'ajoute, dès 1980, la lutte pour ledroit d'asile : une nouvelle catégoried'immigrés, encore plus précaire, estemployée dans une économie gene-voise en pleine euphorie et qui estavide de main-d'oeuvre non qualifiée,corvéable à merci : les requérants d'a-sile. Le SIT prendra la tête d'un large

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mouvement social, la coordinationpour la défense du droit d'asile.

Ressortissants turcs et kurdes, afri-cains, albanais du Kosove... seront aucentre d'un mouvement de solidaritéqui ira jusqu'à protéger dans la clan-destinité des individuels et des famillesen voie d'être refoulés. Certains mili-tants, malgré cette protection, serontvictimes de bavures des autorités. Onse souviendra ici de notre camarade Ja-nuz Salihi, refoulé en 1986 au Kosove,emprisonné puis, grâce à la pression in-ternationale, libéré six ans après pourrevenir en Suisse... et être de nouveauactif au sein du SIT.

Cette lutte permanente à côté des im-migrés se vérifie par le fait que troismembres du SIT sur quatre sont desressortissants étrangers. Membre actifdu CCSI - Centre de contact Suisse im-migrés - puis également de la Fonda-tion pour l'intégration des étrangers, leSIT revendique depuis toujours une ex-tension de leurs droits : il a mis tout sonpoids dans les campagnes pour lesdroits politiques des immigrés inscritesdans les initiatives "Vivre ensemble,votez ensemble" et "Toutes citoyennes -tous citoyens" refusées hélas largementpar le peuple en 1993.

Cadre de vie - logement - énergie

Ce sont là par excellence des domai-nes investis par les mouvements so-ciaux depuis 1968: mouvements d'ha-bitants pour la défense d'espaces vertsdans leur quartier ou pour des loge-ments sociaux, mouvements pour desénergies renouvelables et contre le nu-cléaire, mouvements pour les libertésdémocratiques et individuelles, mou-vement en faveur des transports pu-blics, lutte des locataires contre la spé-culation immobilière et la hausse desloyers, etc... Du soutien aux luttescontre la démolition des quartiers po-

pulaires à la position contre la traverséede la rade, le SIT a constamment parti-cipé au débat sur la qualité de la vie.

Nombreuses furent les initiatives po-pulaires qui furent lancées par le mou-vement syndical et les forces de gauchedans ces domaines; rappelons "l'é-nergie notre affaire" (1979), pour ledroit au logement et le contrôle desloyers et la protection des locataires auniveau fédéral (1974, 1976, 1981, ...)

Reconnu dans son action, travaille enpermanence sur ces questions grâce àune "commission interprofessionnellesur le logement", le SIT est membre de-puis plus de vingt ans du Rassemble-ment pour une politique sociale du lo-gement auquel il participe activement.

Social - sécurité sociale

Depuis toujours favorable à une re-distribution la plus sociale des riches-ses, le SIT est de toutes les actions pouraméliorer les prestations de l'Etat socialvia les assurances sociales et l'aide so-ciale. Pour garantir les ressources né-cessaires à une telle redistribution, il asoutenu ou activement participé aulancement de toutes les initiatives pourune fiscalité sociale, et une impositionaccrue des contribuables à gros reve-nus et grosses fortunes. Privilégiant lafiscalité directe, il fut tout d'abord op-posé à l'introduction d'une taxe sur lavaleur ajoutée (TVA) en 1977, mais ap-pelle à voter pour un tel nouvel impôten 1993, de nouvelles ressources étantnécessaires pour financer les assuran-ces sociales, en particulier l'AVS. L'AVSfut d'ailleurs souvent au centre du dé-bat, soit en vue de son extension, par levote en 1972 - refusé par le peuple - enfaveur d'une AVS populaire (garantis-sant le 60% du dernier salaire) soit pourdénoncer son démantèlement, commeen 1975, par la non indexation des ren-tes décidées par le parlement. Précisons

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que, contrairement aux syndicats del'USS, le SIT apporta son soutien à l'ini-tiative pour une AVS populaire lancéepar le Parti Suisse du Travail (1972).

Le SIT appuiera ensuite toute initia-tive en faveur d'une extension des pres-tations et de la couverture de l'assurancechômage, de l'assurance maladie - dontle peuple refusera une première réformede fond en 1974 mais qui l'acceptera en1994 - et des allocations familiales. A lafin des années 80, deux initiatives mobi-lisèrent le SIT à côté des forces progres-sistes : l'initiative en faveur du droit despatients et l'initiative pour l'extension del'aide à domicile, toutes deux ayant rem-porté un succès auprès de l'électorat ge-nevois. Afin de coordonner les actionsen faveur d'une politique sociale de lasanté et en faveur d'une assurance ma-ladie digne de ce nom, le SIT a participéà la création du Forum Santé en 1990.

Solidarité internationale

A en juger par les innombrables ma-nifestations et actes de soutiens en fa-veur des travailleurs-euses en lutte ouvictimes de l'oppression, au-delà denos frontières, on peut en déduire quele SIT se dépense sans compter pour lasolidarité internationale. Certes, le SITest actif dans ces domaines, mais il peutou pourrait faire plus ... "comment agirpour que notre organisation, nos membresacquièrent une vision internationale desproblèmes ?" s'interroge le secrétaire gé-néral - Bernard Matthey - en 1981.

L'histoire récente du SIT est jalonnéede protestations contre la répression detravailleurs-euses en lutte, et de prisesde position en faveur des libertés syn-dicales et de la démocratie: Le mouve-ment anti-impérialiste contre la guerreau Vietnam et contre la dictature auChili ou en Espagne, au début des an-nées 70, ont ouvert la voie.

Dans des actes plus concrets et per-manents, rappelons l'engagement en1979 en faveur de la création d'un fondscantonal d'aide au développement (ini-tiative 0,7 %) et la participation depuisde nombreuses années à la Fédérationgenevoise de coopération.

Les luttes ouvrières en Pologne, enTurquie, en Amérique latine au débutdes années 80 puis celles des mineursen Grande Bretagne, en Afrique du Sudainsi que les appels à la solidarité enprovenance de l'Asie, de l'Afrique... fu-rent autant d'occasion pour le SIT deprendre position contre l'oppression.

Femmes

Le mouvement de libération des fem-mes d'après 1968 n'eut pas l'impactsouhaité dans le monde du travail. Cer-tes plusieurs tentatives de mettre surpied des structures propres aux fem-mes au sein de la FCSG eurent lieu dèsle milieu des années septante, mais cen'est que vers 1980 que le mouvementsyndical - et le SIT en particulier - en-gage clairement la lutte pour l'égalitédes droits et des salaires entre hommeset femmes suite à la votation fédéraleconsacrant cette égalité, en 1981, le SITparticipe au "comité unitaire du 14 juin"qui, dès cette échéance veille à la con-crétisation de cette égalité.

En 1989 est mise sur pied la commis-sion femmes. Relevons alors la partici-pation active à la grève nationale desfemmes en 1991.

La lutte pour une assurance materni-té, contre le harcèlement sexuel, contretoute forme de discrimination sur leslieux de travail et pour une véritableégalité sont les préoccupations princi-pales du SIT.

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Quelques dates jalons1417 (et oui : mil quatre cent dix-sept !) : 15 ou-

vriers cordonniers de Genève sontcondamnés pour fait de grève : ils se sontgroupés en syndicat et ont décidé de ces-ser le travail à moins d'être augmentés.

1827 Fondation d'une société de secours mu-tuels entre les ouvriers charpentiers.

1833 Grève des tailleurs, premier vrai syndicat.Ils décident de "mettre à l'interdit" un pa-tron récalcitrant.

1842 Création de l'Union des monteurs de boî-tes (d'horlogerie).

1846 Insurrection du faubourg ouvrier deSaint-Gervais, qui renverse le régimeconservateur pour mettre au pouvoir lesradicaux.

1850 Fondation de la société des typographes.1864 Création de l'Association internationale

des travailleurs (la première Internatio-nale). Elle tient son premier congrès en1866 à Genève.

1890 Première célébration du 1er mai (dans lemonde et à Genève - où le discours estprononcé par le radical Georges Favon).

1898 Grève générale des ouvriers du bâtiment1902 Deux grèves des trams. Grève générale à

Genève. Le gouvernement fait appel àl'armée.

1918 Grève générale en Suisse.1921 Création des premiers syndicats chrétiens

à Genève, ceux des employés de banqueet des travailleuses de l'aiguille (couture).

1923 Création de la FGSC.1930 Les femmes obtiennent le droit de vote et

d'éligibilité aux prud'hommes. Début de lagrande crise économique. Il y aura jusqu'à6000 chômeurs.

1932 Le 9 novembre, l'armée tire contre unemanifestation anti-fasciste : 13 morts et 70blessés.

1937 Interdiction du parti communiste, ac-ceptée en votation populaire.

Signatures des conventions de paix dutravail dans l'horlogerie et la métallurgie.

1944 Grève de 9 semaines des ferblantiers.Première loi suisse - à Genève - sur les al-locations familiales.

1946 La FGSCC achète l'immeuble de la ruedes Chaudronniers et quitte la rue de laPélisserie.Dissolution de la Fédération genevoisedes corporations, qui devient la Fédéra-tion des syndicats patronaux (FSP).

1947 Acceptation de l'AVS en votation popu-laire; loi sur les vacances payées.

1948 La FSCG renonce à son étiquette corpo-ratiste.Convention signée avec la CSC.

1949 Adhésion des sections genevoises à laFCBB et à la FCOM nationales.Constitution de la Fédération romandedes syndicats chrétiens.

1954 Grève des ferblantiers avec un comité degrève unitaire et la participation active dela FCOM.Procès gagné contre la FOBB en matièrede liberté syndicale.

1956 Comité d'action pour 3 semaines de va-cances payées.

1957 La semaine de 44 heures repoussée envotation populaire (initiative des indépen-dants).

1958 Décision de la FSCG de construire desHLM à Onex (Bocage).

1960 Début de l'immigration en masse.1962 Création de la CGAS, dont le SIT devien-

dra membre en 1995.Début de la crise du logement.

1963 La "Liberté syndicale" est remplacée par"Syndicalisme".

1965 Départ des Chaudronniers des Organisa-tions corporatives agricoles.

1968 Événements de mai en France ... et à Ge-nève. La FSCG exprime son soutien auxtravailleurs et étudiants en lutte. 1970 Re-

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fus de l'initiative xénophobe "Schwarzen-bach".Création du Rassemblement pour unepolitique sociale du logement, qui ras-semble l'ensemble des syndicats et despartis de gauche et centre-gauche.

1971 Grèves sauvages dans la métallurgie.1972 La FSCG participe pour la première fois

au 1er mai unitaire.Début de mouvements d'habitants dequartiers.La FSCG soutient l'initiative du Parti dutravail des rentes populaires - contre le IIepilier.Création de la CRT.

1973 Débrayage à l'Hôpital (300 francs d'aug-mentation - 40 heures).

1974 Refus d'une deuxième initiative xéno-phobe. Le lendemain, premiers licencie-ments dans l'horlogerie.Grèves dans le bâtiment et les taxis.

1975 Début de la crise. L'économie suisse perd250'000 emplois, mais les chômeurs sont"exportés". Débrayages, manifestations.

1976 Création de l'Union des travailleurs contrela crise, qui regroupe l'ensemble de lagauche politique et syndicale.La FSCG impulse la création d'un comitéde chômeurs (qui deviendra plus tardl'Association de défense des chômeurs).Occupation de quatre mois chez Sarcem,grèves en Suisse (Dubied, Matisa).Le peuple suisse refuse la semaine de 40heures en votation populaire (43% de ouià Genève).

1977 Opposition anti-bureaucratique au sein dela FTMH ("manifeste 77").Grève de l'imprimerie à Genève : plus dejournaux pendant 3 jours.L'assurance chômage devient obligatoiresur le plan suisse.

1978 L'affaire "Crettenand" marque le renforce-ment de l'indépendance politique de laFSCG.La FCTC quitte la FSCG.La CGAS refuse une demande d'adhé-sion de la FSCG.Grèves chez Naville, Technicair, occupa-

tion de Gay Frères.Le peuple suisse refuse la retraite à 60ans.

1979 Le peuple refuse le droit de vote aux étran-gers aux prud'hommes.

1981 Nouveaux statuts de la FSCG, base del'interprofessionnelle réelle. 1er congrès.Initiative nationale pour la protectioncontre les licenciements impulsée par laFSCG.

1982 Le journal "Syndicalisme" meurt des dis-sensions romandes. Naissance d'Actionet solidarité.

1985 Au congrès de novembre, une grande ma-jorité de délégué-e-s accepte d'enlever laréférence chrétienne dans le titre du syn-dicat. La FSCG devient donc le SIT.

1986 Création de la CEST à l'initiative du SIT.1987 Refus par le peuple genevois des ouvertu-

res nocturnes des magasins.1988 Comité unitaire pour la retraite à 60-62

ans, refusée en votation nationale.1989 SIT-info, journal seulement genevois,

remplace "Action et solidarité".1990 La FCOM quitte le SIT.1992 Une manifestation unitaire pour le plein

emploi réunit 10'000 personnes à Ge-nève.Position favorable du SIT à l'entrée de laSuisse dans l'Espace économique euro-péen (refusée par le peuple).Le peuple genevois accepte une augmen-tation d'impôts pour améliorer les soins àdomicile.

1993 Le SIT est exclu de la CSC.Le peuple genevois refuse le droit de voteet d'éligibilité des immigrés (Initiatives"Toutes citoyennes - tous citoyens" et"Vivre ensemble - voter ensemble"

1994 Lancement en commun par la CGAS et leSIT d'une initiative pour l'emploi et contrel'exclusion sociale.Le peuple genevois accepte une ouver-ture retardée des magasins, mais refusela fermeture de Montana et la privatisationdu service des autos.

1995 Le SIT devient membre de la CGAS.

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Quelquesabréviations utilisées

FGSC Fédération genevoise des syndicats chrétiens (dès 1923)FGSCC Fédération genevoise des syndicats chrétiens et corporatifs (dès 1933)FSCG Fédération des syndicats chrétiens de Genève (dès 1948)SIT ... (dès 1985)CRT Confédération romande du travail

CSC Confédération des syndicats chrétiens de la SuisseFCTC Fédération chrétienne des travailleurs de la construction (ex FCBB)FCOM Fédération chrétienne des ouvriers sur métauxFCES Fédération chrétienne des employés de la SuisseFChP Fédération chrétienne du personnel des services publicsFchPTT Fédération chrétienne du personnel des PTTASSE Association suisse des syndicats évangéliquesUSSA Union Suisse des Syndicats AutonomesUSS Union syndicale suisseFTMH Fédération des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (ex FOMH)SIB Syndicat industrie et bâtiment (ex FOBB)USCG Union des syndicats du canton de GenèveCGAS Communauté genevoise d'action syndicaleUOG Université ouvrière de GenèvePSS Parti socialiste suissePDC Parti démocrate chrétien (ex PICS à Genève)MPF Mouvement populaire des familles (ex LOC)CFDT Confédération française démocratique du travail (ex CFTC)CMT Confédération mondiale du travail (ex CISC)CEST Coordination économique et sociale transfrontalièreFSP Fédération des syndicats patronaux de Genève (désormais FER)

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