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Historique du 85 e Régiment d’infanterie (Anonyme, Chapelot, sans date) numérisé par Jérôme Charraud

Historique du 85e Régiment d’infanterie (Anonyme, Chapelot, …jburavand.free.fr/historiques RI/RI085_Histo.pdf · 2011. 1. 9. · Historique du 85e Régiment d’infanterie (Anonyme,

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    HistoriqueDu

    85e régiment d’infanteriependant la Grande guerre 1914/1918.

    I

    Le 6 août 1914, le régiment est rassemblé sur le champ de manœuvre de Myennes.Depuis quatre jours déjà, l’ordre de mobilisation générale des armées de terre et de mer avait été affiché sur les murs de la ville de Cosne et cet ordre de revanche était accueilli avec enthousiasme sincère et franche gaîté, les jeunes regrettant de ne pas partir et les vieux de ne le pouvoir plus. En longues files, les réservistes, sans retard, avaient rejoint leurs unités, cantonnées dans les villages de Cours, de Saint-Père et de Moyennes. Et maintenant, sur ce terrain d’exercice semblant trop étroit, tous confiants dans leurs chefs, prêts à vaincre, vibrants devant le drapeau déployé, ils défilent la tête haute. La population civile entoure les troupes formées en carré et le colonel Rabier prononce une allocution qui émeut tous les cœurs. Il dit ce que la Patrie attend de ses enfants, il dit quels sont leurs devoirs, leurs obligations, mais aussi quelle sera leur fierté. Avec son colonel, le 85e en entier crie «Vive la France!».Puis le régiment, pantalons rouges et capotes bleues, défile musique en tête, dans les rues de Cosne, sous les acclamations et les fleurs.Le lendemain 7 août, dans les trains pavoisés comme une fête, les bataillons, joyeux et calmes, embarquaient pour la frontière, aux cris de «Vive la France!».Le 85e partait en campagne.

    IIEncadrement du régiment au départ.

    Etat-major:Colonel Rabier, commandant le 85e.

    Médecin- major de 1ère classe: Vedrines.Capitaine adjoint au chef de corps: Descroizettes.

    Officier de détails: lieutenant de la Choue de la Mettrie.Commandant de la 1ère section de mitrailleuses: lieutenant de Roffignac.

    Commandant de la 2ème section de mitrailleuses: lieutenant Le Brun.Commandant de la 3ème section de mitrailleuses: lieutenant Boivin.

    Officier téléphoniste: sous-lieutenant Vrinat.Porte-drapeau: lieutenant Provence.

    Chef de musique: Malzac.

    1er bataillon:Etat-major: commandant Fournier.

    Officier adjoint: sous-lieutenant de Gramont.Médecin aide-major: Lantier.

    1ère compagnie: capitaine Mingalon.1ère section, lieutenant Baldini;2e section: sergent- major Roux;

    3e section: adjudant Cloix;4e section: sous-lieutenant Perrin.

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    2e compagnie: capitaine Mechet.1ère section: lieutenant Gauché;2e section: adjudant Semence;

    3e section: sous- lieutenantDuperier;4e section: sergent-majot Renaud.

    3e compagnie: capitaine Reynaud.1ère section: sous-lieutenant Guilion;2e section: sergent- major Nely;3e section: adjudant Touleron;4e section: sergent- major: Gaulard.

    4e compagnie: capitaine Decosse.1ère section: lieutenant Duhoussay;2e section: sergent- major Pauly;3e section: adjudant Grandjean;4e section: sous-lieutenant Charton.

    2e bataillon:Etat-major: commandant Morin-Reveyron.

    Sous-officier adjoint: maréchal des logis Leblond.Médecin aide-major: M.Ribes.

    5e compagnie: capitaine Mignucci.1ère section: sous-lieutenant Bernardon;2e section: adjudant chef Riom;3e section: adjudant Luzeau;4e section: sous-lieutenant Justamon.

    6e compagnie: capitaine de Premorel.1ère section: lieutenant du Plessis;2e section: sergent-major Voillot,3e section: adjudant Rouyat;4e section: lieutenant Pecquet.

    7e compagnie: capitaine du Souich.1ère section: sous-lieutenant Defrance;2e section: adjudant chef Demange;3e section: adjudant James;4e section: sous-lieutenant Ducruet.

    8e compagnie: capitaine Dupuis.1ère section: sous-lieutenant Bray;2e section: adjudant Morin;3e section: adjudant Lepresle;4e section: sous-lieutenant Graillot.

    3e bataillon:Etat- major: capitaine Hannequin.

    Sous officier adjoint: maréchal des logis Parent.Médecin aide major: M.Proust.

    9e compagnie: capitaine Dubreuil.1ère section: sous-lieutenant Chevy;2e section: adjudant-chef Peyrusse;3e section: adjudant Masse;4e section: sous-lieutenant Pannetier.

    10e compagnie: capitaine Girault.1ère section: lieutenant Pons;2e section: sergent- major Grandfond;3e section: adjudant Chauvet;4e section: sous-lieutenant Bossuat.

    11e compagnie: capitaine Mingasson.1ère section: sous-lieutenant Riand;2e section: sous-lieutenant Roux;3e section: adjudant Moure;4e section: sous-lieutenant Dumas.

    12e compagnie: capitaine Ancourt.1ère section: sous-lieutenant Bouille;2e section: sous-lieutenant Sagnet;3e section: adjudant Picoche ;4e section: sous-lieutenant Bouriand.

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    CHAPITRE PREMIERSARREBOURG _ LA MORTAGNE

    IPremiers engagements

    Le régiment débarque le 8 août à Châtel-Nomexy, sur la voie ferrée Nancy-Epinal.Igney est son premier cantonnement. Le général de Maud’huy, qui vient de prendre le commandement de la 16e division, passe au milieu des troupes et prononce de vibrantes allocutions.Le lendemain, dans la soirée, le régiment se met en marche, et alors commence la période de concentration où, en de longues étapes, par une chaleur accablante, dont les anciens reparleront longtemps, le 8e corps d’armée se porte sur la Meurthe. Au loin gronde la canonnade. Les premiers avions ennemis survolent nos troupes.Le 14, baptême du feu. Le régiment doit attaquer Domèvre, les bataillons Hannequin et Fournier en première ligne, le bataillon Morin- Reveyron en soutien. Après avoir franchi le ruisseau de la Blette, les hommes entendent pour la première fois le sifflement des balles et l’éclatement des obus. Ce premier contact avec le feu est supporté avec un entrain parfait et tous, sans crainte, se précipitent d’un même élan, baïonnette haute, aux cris de :»En avant! En avant! En avant!» Et dans Domèvre délivré, les habitants qui avaient assisté au pillage de leurs maisons et à l’exécution de quelques-uns des leurs, sortent de leurs caves, tremblant encore, pour acclamer nos braves.Le 1er bataillon talonne l’ennemi qui se replie et, le 14 au soir, les 1ère et 3e compagnies occupent la partie sud-est de Blâmont, en extrême pointe du corps d’armée.A la suite de cet engagement, le colonel Reibell, commandant la brigade, faisait paraître l’ordre du jour suivant: « Pendant la journée du 14 août, le 85e régiment a donné la plus haute idée de sa valeur militaire par son entrain, son endurance, son impassibilité sous le feu de l’artillerie le plus violent.Il a subi des pertes sensibles, dont quelques-uns particulièrement cruelles. Le commandant Fournier, le capitaine Mechet sont tombés au Champ d’honneur. Le régiment les pleure, mais sans faiblesse, et il jure de les venger. Le critérium de la discipline du 85e est donné par ce fait qu’aucun des blessés sur le terrain n’a fait entendre la moindre plainte et qu’au contraire certains demandaient que l’on s’occupât avant eux de camarades plus gravement atteints. Enfin, c’est dans un silence absolu que le cantonnement de Barbas a pris les armes pendant l’alerte de nuit du 15 août à 2 heures, aucun coup de feu n’a été tiré par les sentinelles.»Puis c’est la poursuite de l’ennemi, qui continue son mouvement de recul, et, le 15 au soir, sous une pluie battante, mais l’espérance au cœur, en colonne par quatre sur la route de Tanconville à Hatigny, le régiment franchit cette frontière, dont le poteau a été arraché et l’aigle impérial brisé, qui nous fut brutalement imposée il y a quarante-quatre ans.Le 17, le régiment s’établit en halte gardée à Lorquin et, à 19 heures, le 2e bataillon pénètre à Xouaxange sur les traces de l’ennemi. Nous sommes à 6 kilomètres de Sarrebourg.

    IISarrebourg

    Le 18, le mouvement en avant est repris. La 31e brigade, commandée par le colonel Reibell, a pour mission d’occuper Sarrebourg avec le 95e, flanc-gardé par deux compagnies du 85e ( compagnies Reynaud et Decosse) qui se portent sur Byhl. L’attaque est appuyée par les 2e et 3e bataillons du 85e. Ces mouvements s’exécutent sans que le régiment ne rencontre de résistance de la part de l’ennemi.

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    Le lendemain, la division doit enlever les hauteurs situées au nord de Sarrebourg et le régiment reçoit comme objectif Reding, localité située à l’extrême droite du front d’attaque de la division.A 8 heures, le 2e bataillon atteint la route de Sarrebourg-Bühl. A ce moment précis, l’artillerie ennemie ouvre un feu d’une extrême violence. Les batteries boches, qui avaient leur tir réglé sur ce point, tirent par salves de quatre pièces et sont tellement proches de nos lignes que les bruits des départs et des explosions se confondent. Le 2e bataillon déployé en lignes d’escouades, progresse d’une façon splendide sans un mouvement d’hésitation sur un terrain absolument uni et sous un feu terriblement précis. Les pertes sont considérables, malgré le morcellement extrême des unités et l’utilisation parfaite du terrain.A 8 heures 30, les sections Rouyat et Voilot, de la 6e compagnie, et la section Defrance de la 7e compagnie, se jettent dans Petit-Eich, d’où elles chassent les derniers Allemands. La section James, de la 7e compagnie, qui cherche à prolonger sur la droite la section Defrance, est presque entièrement détruite par l’explosion de quelques obus de gros calibre.Le 3e bataillon, qui au cours de la progression, a été arrêté en arrière de la lisière sud de Sarrebourg, est alors envoyé sur Petit-Eich pour appuyer l’attaque du 2e bataillon exécute son mouvement par petites colonnes qui gagnent le lit de la Bièvre, où les hommes marchent dans l’eau jusqu’à la ceinture.A 16 heures, tout le régiment est engagé ( sauf les 1ère et 2e compagnies, qui gardent les ponts de la Sarre).Il forme deux groupements: le groupement de Bühl, sous le commandement du colonel, et le groupement d’attaque de Petit-Eich, avec le chef de bataillon Morin-Reveyron. Dans la soirée, l’action se ralentit sur tout le front. Le colonel Rabier en profite pour pousser dans la direction de Reding quelques éléments. Ils sont immédiatement soumis en plein découvert à un barrage des plus violents de shrapnells et un tir très nourri de mitrailleuses qui les prennent d’enfilade. Malgré l’exemple du colonel Rabier qui se porte en avant du front, un flottement se produit; seule une patrouille de la 9e compagnie arrive aux abords de Reding.Les ordres transmis au cours de la nuit prescrivent la reprise de l’offensive avec les mêmes objectifs pour le lendemain.Au lever du jour, on a plus encore que la veille l’impression de se trouver devant une position formidablement organisée. Reding apparaît complètement entouré de défenses. Des tranchées se découvrent sur les pentes dénudées de la longue croupe située au nord-ouest du village. Des mouvements se dessinent à la lisière des bois. Des groupes de cavaliers apparaissent de temps à autre et, pour la première fois , on voit un drachen surveiller le champde bataille.Mais l’ennemi prend les devants et, à 8 heures, il prononce une violente attaque par le nord et par l’est, appuyée par un tir formidable d’artillerie lourde qui nous cause des pertes sensibles, surtout en cadres. Des forces importantes allemandes, qu’on peut évaluer à une brigade, débouchent à l’est de Reding, précédées par des essaims de tirailleurs. Elles descendent les pentes au pas de course, en colonnes par quatre. Certaines fractions marchent au pas de parade.La garnison de Petit-Eich se défend avec acharnement et exécute des feux de salve qui jettent le désarroi chez l’assaillant. Mais bientôt la position devient intenable. Depuis longtemps notre artillerie de campagne est réduite au silence par les pièces de 150 et de 210, auxquelles elle ne peut répondre parce que hors de sa portée. Nos troupes, écrasées par le feu de l’artillerie lourde, sont chassées des maisons du village par des incendies qui se déclarent en plusieurs endroits. Le commandant Morin-Reveyron donne l’ordre de retraite sur La Maladrerie; quelques instants après il est tué. Le sous-lieutenant Bouille a pris le commandement de la compagnie et électrise ses hommes par son intrépidité. Il déploie sa compagnie en arrière du village et protège le repli. Une section de mitrailleuses, sous les ordres du lieutenant Boivin, met en batterie au premier étage d’une maison. Elle tire jusqu’à la dernière limite et, pendant deux heures, arrête la progression de l’ennemi.Un ordre de la brigade prescrit au 85e de se replier en manœuvrant. Dans un engagement d’arrière- garde, à Verdenal, le colonel Rabier, blessé au pied, mais conservant à cheval le

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    commandement de son régiment, reçoit une deuxième blessure. A un aide-major qui s’approche pour le soigner, il dit: « Docteur, laissez- moi tranquille; j’ai autre chose à faire pour le moment! » Et il continue de donner ses ordres.Ces journées de combat avaient été particulièrement dures. Des pertes considérables, dues surtout à la supériorité de l’artillerie lourde ennemie qui opérait comme sur un champ de manœuvre dont chaque point était repéré d’avance, enlevaient au régiment les deux tiers de ses cadres et un total de 1 137 tués, blessé et disparus.Du 21 au 23 août, la division repasse la frontière et bat en retraite sur les routes encombrées de civils. Les hommes, la mort dans l’âme, assistent au lamentable exode de ces malheureux qui abandonnent leurs villages et fuient, poussant devant eux leurs troupeaux et trainant dans des véhicules de fortune ce qu’ils ont de plus précieux.

    IIILa Mortagne

    Le 8e corps d’armée s’est replié derrière la Mortagne. Dès le 25, l’ordre de reprendre l’offensive sur le front de toute l’armée est donné.Le 25, les 1er et 3e bataillons appuient l’attaque de Mattexey par le 95e, qui est considérablement éprouvé. Le 26, le 1er bataillon pénètre dans Clézentaine en feu où, il trouve des éléments du 13e et 29e.Le 28, le 3e bataillon reçoit l’ordre de passer la Mortagne et de s’établir dans le bois du Feing. La 10e compagnie ( lieutenant Pons) franchit la rivière sous un feu violent. Elle est précédée par une patrouille commandée par le sergent-fourrier Robinet. Après un vif engagement sous bois, au cours duquel le sergent Robinet tombe frappé d’une balle au front, la compagnie doit se retirer sur la Mortagne. A 18 heures, le 3e bataillon, appuyé par le 2e, attaque le bois du Feing et le village de Saint-Pierremont. La 11e atteint sans trop de pertes son objectif, la 12e essaie de déboucher sur Saint-Pierremont. Le clairon sonne la charge. Nos troupes sont accueillies par un feu terrible. Dans leur ardeur, des braves inconnus se jettent dans le ruisseau de Beloitte, qu’ils essaient de franchir et le courant les emporte. D’autres, non moins impétueux, parviennent jusqu’au pont du village, à quelques mètres des mitrailleuses qui les fauchent.Au moment où le 2e bataillon atteint la Mortagne, une fusée donne le signal d’un tir de barrage des plus nourris. Une fraction de la 8e compagnie, d’autres de la 6e, sont décimées par l’éclatement malheureux d’un obus de gros calibre.A la nuit, le front se stabilise aux lisières nord-est du bois du Feing. Il y a de nombreux blessés français et allemands. Les secours s’organisent et les convois sanitaires automobiles viennent rapidement en contact.Le lendemain, des reconnaissances cherchent à s’approcher de Saint-Pierremont. Elles rapportent les renseignements que les Allemands sont retranchés dans les caves et que les abords du village apparaissent fortement organisés. Une section de la 11e compagnie réussit à s’accrocher au pont de Saint-Pierremont. Dans le bois de Feing, on profite de tout répit pour aménager les tranchées. Sans abris sous un bombardement d’obus de tous calibres, sans ravitaillement assuré, sans tabac, sans nouvelles de leurs familles, les hommes acceptent la lutte sans proférer aucune plainte. Le temps est devenu très chaud; cette élévation de température, jointe à la présence de nombreux cadavres non enterrés, crée une atmosphère insupportable.Après une nouvelle opération sur Saint-Pierremont, le régiment est relevé par le 13e, le 2 septembre. La situation sanitaire laisse fort à désirer ( fatigue considérable des hommes, nombreux cas de typhoïde et de dysenterie provenant de la mauvaises qualité de l’eau).Le 7, il reprend les lignes. Le 9, le 2e bataillon soutient une action du 98e sur Xaffévillers, les 1eret 3e bataillons une action du 95e sur Saint-Pierremont.Dans l’intervalle, on a appris que le commandant Chauvet, chef d’état- major de la 16edivision, remplace le colonel Mathieu, qui avait commandé le régiment après l’évacuation du colonel Rabier. Ce choix est particulièrement sensible aux hommes, qui voient revenir à leur

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    tête l’ancien commandant du 2e bataillon et auront en lui un chef dont ils ont su apprécier la valeur en maintes circonstances.Cependant l’ennemi recule; sous notre pression et sur l’ensemble du front les armées allemandes cèdent devant notre effort. Le 12, on a confirmation des succès français sur la Marne et des renseignements font connaitre que l’ennemi se replie derrière la Meurthe. Le régiment repasse à Domptail, où des tombes très nombreuses et le témoignage des habitants accusent les pertes considérables que l’ennemi a subies pendant ces trois semaines de combat.Le 13 septembre, le 8e corps était rappelé sur la Moselle et le 85e embarquait à Châtel-Nomexy pour une destination inconnue. De ceux qui six semaines auparavant avaient débarqués en cette même gare, plus de 1 500 manquaient à l’appel. Les débuts de la campagne avaient été particulièrement meurtriers pour le régiment, mais ceux qui restaient ainsi que ceux qui étaient venus en renfort, conservaient un moral superbe et une confiance inébranlable en l’avenir. Ils devaient avoir bientôt l’occasion de montrer qu’ils étaient toujours dignes de la confiance que leurs chefs avaient placée en eux.

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    CHAPITRE DEUXLES HAUTS DE MEUSE

    IPremier séjour sur les Hauts-de-Meuse

    Transportée par chemin de fer dans la région de Saint-Mihiel, la division reçoit l’ordre de faire une reconnaissance offensive en Woëvre, au nord de la trouée de Spada et de la région des Grands-Etangs. Le mouvement se fera par brigades accolées, chacune ayant une batterie à sa disposition. Le 85e marchera en tête de la 31e brigade, qui a pour principal objectif Woël et Doncourt-aux-Templiers.Le 18 septembre, par une nuit des plus obscures, le régiment atteint, sous une pluie battante, Thillot-sous- les-Côtes, entièrement abandonné. Dans la direction du nord-est brillent les feux des campements allemands, tandis qu’au loin les projecteurs de Metz balaient le ciel.Après quelques escarmouches avec les cavaliers ennemis, le 2e bataillon entre le 19, vers 11 heures, dans Woël évacué par l’ennemi. A la même heure, le 3e bataillon occupait Doncourt.Ses objectifs atteints, le régiment reçoit à la nuit, l’ordre de pousser sur Saint-Hilaire.Le 1er bataillon, resté jusque- là en réserve, en est chargé. Ces mouvements n’échappent pas aux observateurs ennemis. Une batterie ouvre le feu et le premier obus tombe sur le groupe des officiers du 1er bataillon, rassemblés autour de leur chef pour recevoir ses instructions. Le commandant Mingasson et le capitaine Decosse sont tués, le capitaine Mingalon horriblement mutilé meurt quelques heures après. Le capitaine Reynaud est fortement commotionné. Les sous-lieutenants Chevy et Ducruet sont blessés. Les hommes du 1er bataillon sont fort éprouvés par cet accident arrivé aux yeux de tous.Les pluies des jours précédents ont transformé la Woëvre en une sorte de lac où les reconnaissances poussées sur les lisières des bois situés au sud de Saint-Hilaire rencontrent des terrains très marécageux balayés par le feu des mitrailleuses et subissent des pertes sensibles. Le commandant de la division prescrit de ne pas pousser plus avant.A la nuit, coup de théâtre! Ordre est donné de rompre le contact sans donner l’éveil à l’ennemi. Ce n’est pas sans un profond regret que les hommes, par des marches rapides, traversent de nouveau cette région qu’ils venaient de parcourir victorieusement.Le 8e corps changeait d’armée.Le régiment, embarqué à Lérouville, est transporté à Sainte-Menehould. Il cantonne à Rapsecourt, en réserve d’armée; mais, après quarante-huit heures de repos, il est rappelé sur la Meuse.Dans l’intervalle, les Allemands avaient pris pied sur les Hauts-de-Meuse, menaçaient Saint-Mihiel et, en débarquant à Sampigny, le 24 septembre dans la nuit, les bataillons assistaient au bombardement du fort du Camp-des-Romains, que l’artillerie lourde allemande martelait sans discontinuer.

    Encadrement du régiment au 22 septembre 1914

    Etat-majorChef de corps: chef de bataillon Chauvet.

    Médecin-major: Gimazane.Capitaine adjoint au chef de corps: capitaine Le Brun.

    Officier d’approvisionnement: lieutenant Bouille.Officier de détails: lieutenant De La Mettrie.

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    Commandant de la 1ère section de mitrailleuses: adjudant Michalot.Commandant de la 2e section de mitrailleuses: adjudant Baty.

    Officier chargé des téléphones: sous-lieutenant Vrinat.Porte-drapeau: lieutenant Provence.

    1er bataillonEtat- major: capitaine Bouvier.

    Officier adjoint: sous-lieutenant De Gramont.

    1ère compagnie: capitaine De Roffignac.1ère section: sous-lieutenant Justamon;2e section: sergent- major Halay;3e section: adjudant Roux;4e section: sergent Pallier.

    2e compagnie: sous-lieutenant Chevy.1ère section: sous-lieutenant Perrin;2e section: sergent- major Bert;3e section: adjudant Potelune;4e section: sergent Charbonnier.

    3e compagnie: capitaine Reynaud.1ère section: sous-lieutenant Gaulard;2e section: adjudant Veslin;3e section: adjudant Toulleron;4e section: sergent Pierdet.

    4e compagnie: capitaine Hamel.1ère section: sergent Perreau;2e section: sergent Chassigneux;3e section: adjudant Montaron;4e section: adjudant Vavon.

    2e bataillonEtat-major: commandant Giraud.

    Sous-officier adjoint: maréchal des logis Leblond.

    5e compagnie: lieutenant Baldini.1ère section: sous-lieutenant Bernardon;

    2e section: sergent Ridet;3e section: adjudant Luzeau;

    4e section: sous-lieutenant Riom.

    6e compagnie: capitaine du Plessis.1ère section: sous-lieutenant Rouyat;

    2e section: sergent De Soultrait;3e section: sergent-major Marchand;

    4e section: adjudant Voillot.

    7e compagnie: lieutenant Tinlant.1ère section: sous-lieutenant Demange;

    2e section: sergent- major Beurrier;3e section: sergent- major Allely;

    4e section: sous-lieutenant Van Der Borght.

    8e compagnie: capitaine Dupuis.1ère section: sous-lieutenant Morin;

    2e section: adjudant Lepresle;3e section: sergent-major Gressin;

    4e section: sergent Bonnot.

    3e bataillonEtat-major: commandant Hannequin.

    Sous-officier adjoint: maréchal des logis Parent.Médecin aide-major: Bérard.

    9e compagnie: capitaine Dubreuil.1ère section: lieutenant Laporte;2e section: adjudant Pousserot;3e section: sergent Sornin;4e section: sergent-major Dumas.

    10e compagnie: capitaine Pons.1ère section: sergent Pleuchot;2e section: sergent- major Boulay;3e section: adjudant Mussier;4e section: sergent Braque.

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    11e compagnie: lieutenant Riand.1ère section: sous-lieutenant Bouriand;2e section: sergent Girard;3e section: sous-lieutenant Mour;4e section: adjudant Renaud.

    12e compagnie: sous-lieutenant Bouille.1ère section: sergent Grandfond;2e section: adjudant Pieuchot;3e section: adjudant Picoche;4e section: sergent Berthias.

    IIArrêt de l’offensive ennemie sur les Hauts-de-Meuse

    Deux jours après, l’ennemi était maître du fort du Camp-des-Romains. Il faut alors l’empêcher à tout prix de passer la Meuse.Tandis que le 2e bataillon s’organise face au fort, le colonel, avec ses deux autres bataillons, se porte dans la direction du bois d’Ailly, pour barrer le passage à un ennemi beaucoup plus nombreux et mieux armé. Le choc est sanglant, mais la gravité de la situation n’échappe à aucun de ses hommes qui souffrent depuis déjà deux mois et tous sont résolus à se sacrifier.Le 26, puis le 29 septembre, le 3e, puis le 1er bataillon attaquent le bois d’Ailly.L’ennemi, avec des mitrailleuses, s’est terré dans de petits éléments de tranchée construits à la hâte, dans le fossé nord de la route de Marbotte à Saint-Mihiel, ayant derrière lui le bois d’Ailly, touffu et impénétrable, accessible seulement par quelques layons. A 500 mètres de là, le 3e bataillon, sous le commandement du commandant Hannequin, avait creusé, lui aussi, des tranchées à hauteur de la Maison-Blanche, dans les petits bois de sapins épars sur le plateau.Le 26, à 15 heures, ordre est donné à la 12e compagnie de chasser l’ennemi de sa position. La baïonnette haute, sans hésitation, les hommes s’élancent, mais un feu nourri de mitrailleuses éclaircit les rangs, tuant le capitaine Génevois, seul officier de la compagnie. Tous se couchent, la progression semble arrêtée; mais bientôt l’adjudant Picoche se relève, sabre au clair, en criant: « En avant, mes enfants, vengeons le capitaine! » Suivi du reste de la compagnie, malgré les mitrailleuses crachant la mort, l’adjudant Picoche atteint le fossé de la route. Mais là, vaincue sous le nombre, après un corps à corps sanglant, la compagnie regagne la nuit ses tranchées de départ; l’adjudant Picoche se replie le dernier, sa capote trouée de balles.Le 27, les autres compagnies du 3e bataillon font de nouvelles tentatives sur le bois, avec courage mais sans succès ( A la suite de cet engagement, le caporal Gaulard était cité à l’ordre de l’Armée en ces termes: « A fait preuve comme chef de patrouille volontaire et en diverses circonstances du plus grand courage. Blessé à la cuisse le 27 septembre, au bois d’Ailly, a répondu au commandant du régiment qui le félicitait: « Je regrette de n’avoir pu faire mieux ».Le 29, le 1er bataillon occupe les tranchées de la Maison-Blanche, où il reçoit l’ordre suivant: « Un bataillon du 171e RI doit attaquer à cheval sur la route de Marbotte à Saint- Mihiel. Quand la charge de ce bataillon sonnera, le 1er bataillon marchera sur l’ennemi, à la baïonnette ».Vers 17 heures, les tambours battent, les clairons sonnent. C’est la charge! D’un élan spontané et magnifique, comme enivrés par cette musique, les hommes délaissent leurs tranchées et, à travers les petits sapins, se ruent sur le bois d’Ailly. Au-dessus de leurs têtes, les shrapnels éclatent; devant leurs poitrines les mitrailleuses crépitent. Mais malgré les pertes, les 3e et 4e compagnies progressent toujours. Bientôt elles sautent dans le fossé de la route; la baïonnette, dans un corps à corps terrible et court, accomplit son oeuvre. Et ce jour-là, l’ennemi dut se replier, abandonnant ses morts aux lisières sud du bois d’Ailly. De notre côté, les pertes avaient été sévères: soldats conservant dans la mort le sourire aux lèvres, chefs entraînant leur troupe en donnant l’exemple. On vit pleurer les hommes de la4e compagnie en apprenant la mort de leur capitaine ( le capitaine Hamel), tué d’une balle

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    en chargeant; ceux de la 3e compagnie regrettèrent vivement l’adjudant Toulleron, tué dans le corps à corps, après avoir abattu deux Boches à coups de revolver.Le 30 septembre, le 1er et le 3e bataillon vont cantonner à Sampigny.Dans le mois d’octobre et de novembre, ils échappent au commandement du lieutenant-colonel Chauvet et sont engagés dans différents secteurs de la forêt d’Apremont, Croix Saint-Jean, Bois Brûlé, la Louvière, où peu à peu, la guerre de rase campagne fait place à la guerre de position.Particulièrement dur pour le 1er bataillon fut le séjour d’octobre aux tranchées du bois de La Louvière. L’ennemi, en effet n’avait pu culbuter le 8e corps, notre ligne de travailleurs à travers la forêt s’était fixée au sol et, malgré les attaques violentes et incessantes, ne reculait pas.A cette époque, la haute futaie du Bois Brûlé n’était pas encore mutilée et un taillis touffu, presque impénétrable, dissimulait les deux adversaires. Avec mille difficultés, sous les balles, les trous de tirailleurs avaient été réunis; de petits retranchements s’étaient ainsi dessinés, peu profonds, souvent mal orientés, sans communication avec l’arrière. Par trois ou quatre, rarement plus, les hommes y étaient groupés et avec leur seuls fusils savaient repousser les attaques d’un ennemi possédant déjà des grenades et de nombreuses mitrailleuses. A travers ces longues nuits d’octobre qu’augmentait encore l’ombre de la forêt, une fusillade effrénée se déclenchait au moindre bruit, se propageait de proche en proche, courait du bois Brûlé au bois d’Ailly. Pendant des heures les balles claquaient dans les branches et malheur à celui qui était surpris debout!C’est dans ces conditions que, le 12 octobre, pour la première fois, le 1er bataillon du régiment vient occuper les tranchées de la Louvière. Pénible relève! Dans la nuit épaisse, sur les sentiers glissants coupés de trous d’obus et quelquefois barrés par quelques grosses branches où les hommes trébuchent, le bataillon, après une longue marche, arrive à quelques centaines de mètres de la position. Soudain la fusillade, la fusillade de chaque nuit, se déclenche. Les balles rasent le sol, sifflent lugubrement, s’incrustent dans le tronc des vieux arbres; tous se couchent, quelques hommes même s’enfoncent dans la boue, et là, avec angoisse, attendent une accalmie leur permettant de parvenir jusqu’aux tranchées. Mais, dans la nuit, des sections du bataillon relevé se perdent dans la forêt; des groupes de nos compagnies dépassent la ligne et, s’apercevant de leur erreur, reviennent sur leurs camarades déjà installés: « France! France! ne tirez pas! » Et chez l’ennemi la fusillade se déclenche et se propage de proche en proche.Le 16 octobre, l’ennemi amène ses minenwerfer lourds et leurs petites tranchées sans abris les braves du 1er bataillon, n’ayant que leurs fusils pour riposter, subissent de durs bombardements qui font de sanglantes brèches dans les sections, bouleversent le sol, éclaircissent et détruisent la forêt. Après chaque bombardement, l’ennemi lance une patrouille, mais il se heurte à des chefs et à des hommes dont le moral demeure inébranlé et qui, chaque fois, le repoussent. Le 22 octobre, le 1er bataillon, malgré de lourdes pertes, a conservé intégralement ses positions et, relevé, va enfin au repos à Pont-sur-Meuse.Pendant ce temps, le 2e bataillon tenait les passages de la Meuse et du canal, depuis Han jusqu’à Koeur-la-Petite, violemment bombardée. Après un court repos à Sampigny, le bataillon revient de nouveau à Koeur, où il reçoit l’ordre de reprendre le fort du Camp-des-Romains, opération difficile, l’ennemi tenant au nord de la Meuse la ligne Ailly- Bislée. Le mouvement est fixé pour le 9 octobre; à midi, un peloton de la 8e compagnie débouche de Brassette et doit se replier rapidement sous une vice canonnade. Des volontaires de la 6e et de la 7e compagnie sortent de Han malgré de nombreuses rafales de mitrailleuses, parviennent jusqu’au bras principal de la Meuse dont l’ennemi a fait sauter le pont et ne peuvent progresser. Seule, la 5e compagnie, qui avait franchi la Meuse en barque à la faveur de la nuit et traversé Bislée, atteint la route Sampigny-Saint-Mihiel; mais l’ennemi, qui, des observatoires du fort, a suivi notre progression, aussitôt contre-attaque et, sous les balles, les braves de la 5e compagnie doivent se replier dans Bislée. Là, sous un violent bombardement, acculés à la Meuse, n’ayant qu’une barque pour franchir le fleuve, mais énergiquement commandés par le sergent Prince et le sergent Couet, trois jours ils résistent aux attaques d’un ennemi plusieurs fois supérieur.Pour ce brillant fait d’armes, la 5e compagnie fut citée à l’ordre du 8e corps d’armée: « A passé la Meuse en barque ne face d’un village occupé par l’ennemi. A chassé l’ennemi du

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    village et l’a poursuivi malgré une vive canonnade. Attaquée par des forces plusieurs fois supérieures, a battu en retraite en bon ordre jusqu’à l’arrivée de renforts qui lui ont permis de reprendre l’offensive et de mettre l’ennemi en fuite ».Ordre n°68, en date du 31 décembre1914.

    IIIGuerre de tranchée en forêt d’Apremont

    Jusqu’au 3 décembre, le 2e bataillon tient Han et les passages de la Meuse, puis, après un court repos à Vignot, rejoint le régiment au Bois Brûlé.C’est le commencement d’une longue et pénible période d’occupation en forêt d’Apremont. Notre ligne est maintenant continue, des boyaux sont creusés, des réseaux de fil de fer sont posés; toute une organisation défensive, minutieusement étudiée, apparait.Néanmoins la vie du secteur reste très dure pendant toute l’année 1915 et plus particulièrement pendant les mois d’hiver. C’est la boue qui envahit la tranchée où veillent les guetteurs; c’est le froid rendu plus difficile à supporter par suite de l’immobilité; les mains se crevassent, les pieds gèlent; c’est le ravitaillement difficile pendant la nuit; c’est la vermine qui s’attaque à l’homme et le ronge; c’est, les lignes se touchant, la lutte continuelle à la grenade de tranchées à tranchées; ce sont les nombreuses et petites attaques locales; ce sont, pour le régiment, les affaires du 22 février et du 22 avril.Après avoir été au repos à Lignières-Levoncourt- Lavallée, le régiment était remonté vers le 12 février à la tranche Bois Brûlé où l’ennemi, supérieur en artillerie et en engins de tranchée, entretenait depuis novembre une lutte sévère, nous causait de lourdes pertes et, bastion par bastion, tranchée par tranchée, enlevait la redoute du Bois Brûlé et ses abords. Le 15 février, il faisait sauter quatre mines sous la 8e compagnie et s’emparait de notre première ligne. Ce même jour, le sous-lieutenant Ducruet, blessé pour la deuxième fois, perdait l’œil gauche. Les brancardiers l’emmenaient sous un violent bombardement: « Laissez- moi, leur dit-il, vous n’êtes pas blessés, mettez- vous à l’abri » ; puis, la face ensanglantée, il se leva de son brancard et se rendit seul au poste de secours.Quelques jours après, le commandement décide de reprendre à l’ennemi le terrain perdu. Une attaque est montée pour le 22 février et c’est au 1er bataillon que revient l’honneur de son exécution.L’attaque a été préparée dans tous ses détails par le commandant Sallé, qui, venu du 95e, a d’abord commandé le 3e bataillon, puis, après une évacuation pour blessure, a remplacé à la tête du 1er bataillon le commandant Bouvier blessé grièvement. L’heure de l’attaque est fixée à 6 heures 30.Une seule compagnie est désignée, la 2e, sous les ordres du sous-lieutenant Charton. Tous les hommes, à qui les chefs ont insufflé l’ardeur et l’esprit de sacrifice qui les animent, ont une confiance absolue dans le succès. D’un bel élan, après une courte préparation par obus Save, ils franchissent notre parapet et, sous la fusillade, enlèvent d’un bond la partie est de leur objectif, que deux sections occupent aussitôt. Puis, après une courte lutte à la grenade, à 7 heures toute la tranchée est prise.Mais l’ennemi ne veut pas abandonner un terrain dont la conquête lui a coûté de longs mois d’une lutte obstinée. Dès 9 heures, les contre-attaques se succèdent. Toute progression en terrain découvert lui étant interdite par nos feux, il ne peut avancer que par un seul boyau reliant à l’arrière son ancienne première ligne. A la hâte, avec des sacs à terre enlevés au parapet, nos hommes y ont établi un barrage derrière lequel s’engage une lutte acharnée à la grenade. La 2e section de la 2e compagnie est chargée d’interdire à l’ennemi toute avance dans le boyau. Avec un dévouement au-dessus de tout éloge, tous les hommes s’y emploient et en particulier le caporal Barbier.Barbier est un des meilleurs grenadiers de l’époque. Comme un bon ouvrier qui avec ardeur s’attelle à sa pénible tâche, il pose sa veste, relève les bras de sa chemise et, sans crainte de s’offrir comme cible aux balles ennemies, il monte debout sur le parapet de la tranchée pour mieux voir. Derrière lui, ses camarades apportent les lourdes grenades rondes d’alors

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    et Barbier, infatigablement, sans souci des balles qui sifflent et des grenades qui éclatent, accable l’ennemi de ses terribles engins. Bien plus, il ne veut pas que le Boche puisse se mettre à l’abri pendant les cinq secondes qui s’écoulent entre l’amorçage et l’explosion, et, pendant trois secondes, il garde chaque grenade dans sa main, ne la lançant qu’avec la certitude de voir ses coups porter.Le temps passe sans diminuer l’ardeur de la lutte; les cadavres ennemis s’entassent dans le boyau et Barbier continue sa terrible besogne. Ses chefs, ses camarades, le lieutenant Vanderwink qui, du fort de Liouville, suit à la jumelle les phases du combat, sont frappés d’admiration par tant de courage et d’entrain. Inlassable, Barbier lutte ainsi pendant cinq heures. Mais les munitions se font rares, il faut les ménager.Barbier ramasse alors et lance les grenades ennemies qui roulent près de lui avant d’éclater. Malheureusement, l’une d’elle explose trop tôt et emporte la main de l’héroïque grenadier. Ne pouvant plus combattre, il reste dans la tranchée conquise, malgré son atroce blessure, et encourage ses camarades jusqu’à ce que ses forces le trahissent. Pour son héroïsme, il allait recevoir la Médaille militaire avec la citation suivante:« A l’attaque du 22 février 1915 a, pendant cinq heures, lancé plus de 250 grenades en les jetant pour qu’elles éclatent juste au moment de leur arrivée sur l’ennemi. A contribué efficacement, de ce fait, à arrêter deux contre-attaques ennemies. A eu la main gauche emportée par l’éclatement d’une grenade ».Cependant, malgré l’énergie des hommes du 1er bataillon, l’ennemi, dans une nouvelle contre-attaque, réussit à franchir le barrage et nos grenadiers doivent reculer dans la tranchée conquise que, pas à pas, ils abandonnent.Quelque temps après, le général Rouquerol citait à l’ordre de sa division la 2e section de la 2e compagnie:« Le 22 février 1915, s’est jeté résolument à la suite de son chef l’aspirant Thomas, mort au Champ d’honneur, à l’assaut d’une tranchée allemande, avec un entrain et une bravoure remarquables. A occupé cette tranchée et a combattu toute la journée avec une ardeur qui a fait l’admiration de tous ».Ordre de la 16e division n°115, du 27 février 1915.Après quelques jours de repos à Vignot et à Boncourt, le régiment remonte en ligne et occupe les tranchées du Bois Brûlé et de la Louvière. Dès le début d’avril, il est à la Tête-à-Vache, où le commandant Sallé monte une nouvelle attaque. Avec maîtrise il donne ses ordres, arrête les moindres détails, prévoit tout, hâte les travaux. Tous, fantassins, artilleurs, sapeurs, s’appliquent ardemment à le satisfaire; les uns préparent les gradins de franchissement et les sapes russes d’où ils déboucheront à l’heure indiquée, les autres en réglant discrètement leurs pièces, les sapeurs en activant leurs travaux de mine.Le 22 avril, tout est prêt: six fourneaux de mine sont sous la première ligne ennemie, les pièces attendent avec leurs munitions, les hommes du 1er et du 2e bataillon, dont le commandant Sallé a su par son exemple exalter le moral au plus haut degré, sont à leurs emplacements d’attaque. A 12 heures précises, au milieu du silence, la préparation commence, une des plus fortes de l’époque; à 13 heures, l’heure fixée, les mines sautent et les compagnies de première ligne s’élancent à la baïonnette.A droite, quelques sections seulement du 2e bataillon atteignent aussitôt leur objectif; l’attaque semble fléchir; alors le lieutenant Rouyat, commandant la 6e compagnie, qui devait rester en soutien, monte sur le parapet, juge immédiatement la situation et regarde ses hommes : « On y va les gars! » dit-il. Et toute la compagnie le suit, le précédant même pour sauter dans la tranchée ennemie.A gauche, la lutte est plus dure: deux mines n’ont pu fonctionner. Malgré cet à-coup, la 1ère et la 4e compagnie s’élancent sous la fusillade et atteignent la tranchée ennemie. Les pertes sont lourdes: le capitaine de la Mettrie, parti à l’attaque, la canne à la main, avec son habituel mépris du danger, tombe frappé d’une balle en plein front; le lieutenant Rizard est blessé mortellement; les sous- lieutenants Briaux et Guillon sont étendus sur le parapet pour ne plus se relever. Par les boyaux, l’ennemi tente déjà de reprendre sa première ligne; mais nos hommes, sous les explosions mêmes de grenades, établissent des barrages de sacs à terre et enrayent toute tentative de progression. Peu à peu, les musettes se vident, toutes les

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    munitions intactes dans la tranchée ennemie sont lancées: « Des grenades! crient les grenadiers derrière les barrages; les Boches avancent! » Un « va et vient » installé entre les deux tranchées au moment même de l’assaut, chemine péniblement à travers les branches cassées et les ronces artificielles.«Voici les grenades!» et la lutte continue, égale. Cependant à cette heure où l’action des chefs est souvent décisive, la 1ère compagnie n’a plus qu’un officier, la 4e n’a plus de chefs.La situation est critique. Le commandant Sallé fait alors appeler le sous-lieutenant Perrault, dont la section était restée en réserve, et lui confie le commandement de la 4e compagnie. Pour parvenir auprès de ses hommes, deux chemins s’offrent à Perraut: faire un long détour sur la droite pour atteindre une sape russe ou bien passer entre les lignes à découvert, mais là sans arrêt les balles sifflent; s’y aventurer serait courir à la mort. Pourtant Perraut n’hésite pas. Il enjambe le parapet, s’élance vers la tranchée conquise et va l’atteindre lorsque, brusquement, une balle l’étend sur le sol. Ses hommes l’ont vu tomber et se précipitent afin de lui donner les premiers soins. Plusieurs sont mortellement frappés, un mur de feu les sépare de leur officier. Tout à coup un cri s’élève: « Vive la France! » De nouveau les hommes de la 4e compagnie tentent d’arracher leur chef de la zone de mort; tous tombent sans réussir. Au milieu de ses souffrances, Perraut comprend qu’inévitablement et tour à tour ils seront tués. Et pourtant ils doivent vivre pour défendre le terrain conquis.« Je vous donne l’ordre de rester dans la tranchée, s’écrie-t- il; la France a besoin de vous; laissez-moi, vive la France! » Sa voix faiblit, puis s’éteint. Il ne bouge plus. Est-il mort?Dans les boyaux, nos hommes se battent avec acharnement et les épaisses fumées blanches des grenades éclatant de chaque côté des barrages montrent à tous combien âpre est la lutte. Tout à coup la corde du « va et vient » s’accroche dans un tronc d’arbre à proximité de Perraut et, malgré les efforts des pourvoyeurs, ne peut plus avancer. Nos grenadiers vont-ils donc manquer de grenades? Dans son agonie, le moribond se rend compte de cet arrêt qui peut être fatal; il rassemble ses forces défaillantes et, convulsivement, libère la corde. Puis, dans un dernier cri de « Vive la France! » Perraut meurt pour elle.La lutte continue, mais, cette fois, inégale. Malgré les sacrifices joyeusement consentis, le 1er bataillon ne peut plus conserver tout le terrain conquis et bientôt, sous la pression constante de l’ennemi, il est obligé d’évacuer la tranchée qu’il a si chèrement payée. A droite, le 2e bataillon, abondamment ravitaillé en grenades, tient toujours. Le soir tombe; il organise sa position sans que l’ennemi réagisse.Mais le lendemain, vers 15 heures, une furieuse contre-attaque, précédée par un tir concentré d’obus de 150, se déclenche par les boyaux. Le premier obus démolit le poste de combat du commandant Bourgeois, le prive du téléphone et le réduit à la lente liaison par coureur. Mais nos hommes, avec grande ténacité, résistent à coups de grenades et après un combat corps à corps de plus d’une heure, la position reste définitivement entre nos mains, mais une position où tranchées et boyaux sont complètement nivelés. Qu’importe! elle était notre désir ardent de tous. Le lieutenant-colonel Chauvet en eut, quelques heures après, une preuve éclatante lorsqu’il vit passer près de lui le sous-lieutenant Prunevieille, de la 8ecompagnie. Prunevieille, blessé à la tête, avait la figure bandée et ne pouvait proférer une parole. Par gestes, il demande un crayon. Le lieutenant-colonel Chauvet s’attend à recevoir de lui quelques recommandations concernant sa famille ou une adresse à laquelle il désire qu’on lui écrive. Mais quelle n’est pas sa surprise en lisant sur le papier que lui tend Prunevieille: « Mon colonel, la tranchées est-elle prise? »Et si cette attaque, qui, la première nous permettait à la Tête-à-Vache de prendre une tranchée et de la conserver, a réussi, c’est parce qu’elle avait été exécutée par des officiers (1) et des hommes au moral incomparable (2), et surtout parce qu’elle avait été minutieusement étudiée et savamment conduite par le commandant Sallé, qui, ce jour- là, mérita la citation suivante: « A préparé avec un soin remarquable une attaque à laquelle il a pris part avec son bataillon. Malgré la perte d’un grand nombre de ses officiers, a réussi à arrêter les retours offensifs de l’ennemi, grâce à son énergie et aux bonnes dispositions qu’il sut prendre sans retard.»

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    (1) Au cours de ces combats, le lieutenant Méline trouvait une mort glorieuse. Il avait été cité à l’ordre de l’Armée dans les termes suivants: « Ancien combattant de 1870, engagé pour la durée de la guerre, a mené un groupe de volontaires jusqu’à proximité d’une tranchée allemande dans laquelle il a fait jeter des grenades, n’a pu occuper cette tranchée, la surprise ayant été éventée sur d’autres points et son effectif ne lui permettant pas de lutter contre un effectif nettement supérieur. âgé de 62 ans.»Deuxième citation: « Ancien combattant de 1870.Engagé volontaire pour la durée de la guerre. Volontaire pour toutes les opérations. Mort au Champ d’honneur lors d’une contre-attaque allemande, le 24 avril 1915.».(2) Citation à l’ordre de l’Armée du soldat Mercier Emile de la 10e compagnie: « Modèle de courage et de sang- froid. A toujours refusé les honneurs ne demandant qu’à faire son devoir simplement. Voyant quelques camarades prêts à fléchir, a ranimé leur ardeur en s’écriant: « En avant, les gars, il n’y a pas de danger! » Tué sur le parapet où il observait l’ennemi.»

    Le général Rouquerol cita également à sa division l’exemple des hommes des 6e et 8ecompagnies:«Les 6e et 8e compagnies du 85e RI se sont portées à l’assaut des tranchées allemandes sous un feu violent, avec un élan admirable. Ont eu tous leurs officiers tués ou blessés, sauf un; ont perdu la moitié de leurs cadres; ont cependant enlevé de haute lutte la tranchée ennemie, l’ont défendue toute une nuit sous une pluie de grenades, avec des corps à corps violents, en gagnant constamment du terrain en avant.» Ordre de la division n¡166, du 18 mai 1915.Pendant les mois qui suivent, le régiment ne fait plus d’attaques; c’est la monotone et pénible occupation des tranchées à la Louvière, au Bois Brûlé ou à la Tête-à-Vache. Nos positions s’organisent, malgré la violente activité des minenwerfer. De nouvelles tranchées, de nouveaux boyaux sont creusés; des abris profonds assurent maintenant aux hommes une protection efficace et les pertes sont minimes. Puis, après chaque séjour en ligne, les bataillons tour à tour vont au repos, soit à Boncourt, soit à Vignot, où tous reçoivent un accueil chaleureux et sont assurés d’une hospitalité franche largement offerte.Le 24 juin, le régiment y célèbre sa fête annuelle au milieu de l’enthousiasme général.Le lieutenant-colonel Chauvet profite de cette circonstance pour rappeler en quelques mots, qui vont droit au cœur des hommes jusqu’à quel point doit être poussé pendant la guerre l’esprit de sacrifice et d’abnégation, l’amour du Drapeau, le culte de la Patrie et des Morts. Puis les troupes défilent devant le drapeau déployé. Rarement le moral n’avait été aussi bon; c’est la vie apaisante d’un repos de quinze jours; c’est l’Italie qui entre en guerre; c’est le commencement des permissions de détente qui apportent à ces hommes, en campagne depuis onze mois, un renouveau indispensable.Le régiment mène ainsi la vie de tranchée jusqu’en janvier 1916.Depuis plus de quinze mois, il tourne dans cette tragique forêt d’Apremont, allant du Bo is Brûlé au Bois d’Ailly, de la Louvière à la Tête-à-Vache, dont les noms ne cessent de figurer au communiqué. Au témoignage de ceux qui ont suivi le régiment pendant toute la guerre, cette période marque pour lui la phase héroïque de la campagne. Au mois d’octobre 1914, l’offensive allemande sur les Hauts-de-Meuse avait trouvé devant elle la barrière du 8e corps d’armée qui, pendant tout le premier hiver, dans le sang et dans la boue, avait maintenu l’adversaire dont le flot venait mourir devant la ligne de ses tranchées. Et c’est ainsi qu’au prix d’une volonté persévérante et d’un labeur infatigable, il avait définitivement fixé et organisé le front en ce point.Relevé à la fin de janvier 1916, le régiment va au repos à Commercy et de là au camp de Belrain, où il s’instruit et se reconstitue sous les ordres du lieutenant-colonel Thuriet qui, depuis le mois de septembre 1915, a remplacé le lieutenant-colonel Chauvet, nommé chef d’état-major du 8e corps d’armée.

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    Encadrement du régiment au 22 février 1916

    Etat-majorLieutenant-colonel Thuriet

    Médecin- major: DetisCapitaine adjoint au chef de corps: Le Brun

    Chef d’escadrons adjoint au colonel: De La RochèreLieutenant porte-drapeau: Provence

    Officier de détails: lieutenant RoubeauOfficier d’approvisionnement: lieutenant Weldin

    Officier chargé des téléphones: lieutenant Vrinat.

    1er bataillonChef de bataillon: commandant Sallé

    Médecin aide-major: Galvaing

    1ère compagnie: capitaine Baston1ère section: sous-lieutenant Perrin;2e section: sous-lieutenant Bertrand;3e section: adjudant Laurent;4e section: sous-lieutenant Pallier.

    2e compagnie: lieutenant Portelune1ère section: aspirant Genty;2e section: sergent-major Guillerault;3e section: sergent Millary;4e section: sous-lieutenant Morizot.

    3e compagnie: lieutenant Gaulard.1ère section: lieutenant Montaron;2e section: sous-lieutenant Bouveau;3e section: sous-lieutenant Jacquin;4e section: adjudant Pierdet.

    4e compagnie: capitaine Chamaillard.1ère section: aspirant Soulillou;2e section: sous-lieutenant Charette;3e section: adjudant Dallot;4e section: aspirant Dunil-Bourland.

    2e bataillonChef de bataillon: commandant Bourgeois

    Médecin aide-major: De La Soudière

    5e compagnie: capitaine Laporte.1ère section: sous-lieutenant Prévotat;2e section: sergent- major Livet;3e section: adjudant Peras;4e section: adjudant Colas.

    6e compagnie: capitaine Rouyat.1ère section: sous-lieutenant Riom;2e section: sous-lieutenant Mirault;3e section: sous-lieutenant Voillot;4e section: aspirant d’Exea.

    7e compagnie: capitaine Tinland.1ère section: sous-lieutenant Coluenne;2e section: adjudant Bondon;3e section: adjudant Ponquet;4e section: sous-lieutenant Rougeron.

    8e compagnie: capitaine Prince.1ère section: lieutenant Renaud;2e section: sous-lieutenant Luzeau;3e section: adjudant Joulin.

    3e bataillonchef de bataillon: commandant Paime.

    Médecin aide-major: Bérard

    9e compagnie: capitaine Dubreuil. 1ère section: sous-lieutenant Mhun;

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    2e section: sous-lieutenant Justamont;3e section: adjudant Courtillat;4e section: aspirant Bordat.

    10e compagnie: lieutenant Berthias.

    1ère section: sous-lieutenant Monthus;2e section: sous-lieutenant Luas;3e section: adjudant Braque;4e section: aspirant Parthaux.

    11e compagnie: lieutenant Dumas.1ère section: aspirant Poulain;2e section: sous-lieutenant Girard;3e section: adjudant Jolivet;4e section: sous-lieutenant Paillard.

    12e compagnie: capitaine Pieuchot.1ère section: lieutenant Grandfont;2e section: sous-lieutenant Pleuchot;3e section: sous-lieutenant Deffunt;4e section: sergent Lacoudre.

    Compagnie de mitrailleuses: lieutenant Baty.1er peloton: sous-lieutenant Josse;1ère section: sergent Teinturier;2e section: sergent Clermontet;3e section: sergent Péchin;4e section: sergent Labergère.

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    CHAPITRE TROISVERDUN – HAUDROMONT

    (25-26 février 1916)

    Au milieu de ce repos, brusquement, brutalement « Verdun » allait éclater, dont on a dit « que ce fut la plus grande bataille de la plus grande guerre ».Le 21 février 1916, l’ennemi déchaîne un bombardement d’une violence inouïe et sous un véritable déluge de fer, d’où datera l’expression de «pilonnage», pulvérise les réseaux, nivelle les tranchées, crève les nids de mitrailleuses, anéantit la première position. Il obtient la surprise et nos lignes sont emportées sur un front d’une dizaine de kilomètres. Les meilleures troupes de l’Empire, que dirige le Konprinz et que soutient l’enthousiasme de toute la nation allemande, qui croit tenir la victoire, s’engouffrent dans cette poche et se ruent sur notre grande place de l’Est.Immédiatement alertée la 31e brigade accourt à marches forcées et, une des premières, elle se heurtera en rase campagne à la poussée allemande sur « le boulevard défensif de la France ».Grâce à son opiniâtreté et à son dévouement, au prix de sacrifices généreusement offerts, elle résistera pendant deux jours et trois nuits de lutte inégale sous un bombardement effrayant. Et quand, épuisée et décimée, elle devra faire place à des troupes fraîches, le grand danger sera conjuré et Verdun sauvée.En une demi- heure, sans prendre le temps de manger la soupe, le régiment a quitté ses cantonnements. En deux jours, il a gagné le ravin de Fleury, où il passe la nuit du 24, et le 25 il est rassemblé dans le ravin de la ferme de Thiaumont.Malgré la longueur des étapes, en dépit de la rigueur de la température et d’un ravitaillement plus qu’insuffisant, les hommes avaient merveilleusement marché; pas de traînards: chez tous une immense bonne volonté, un impérieux souci du devoir, la crainte de ne pas arriver à temps. Le canon grondait au loin sans répit et comme pour rendre plus sensible à tous l’immense danger que courait Verdun, sur les hauteurs de la place nos pièces à longue portée refluaient vers l’arrière. Une nuit de bivouac sous la neige n’avait pas refroidi leur enthousiasme. Cependant les nouvelles n’étaient pas bonnes, nos lignes cédaient. Et malgré cela, le régiment massé dans le ravin de Thiaumont donne un exemple admirable de calme, d’entrain et de gaîté. Pourtant l’heure est grave, tout le laisse pressentir; à gauche, les Zouaves et les tirailleurs défilent dans le fond du ravin pour aller renforcer la ligne et, si possible, la rétablir; le bruit du canon et le crépitement des mitrailleuses semblent se rapprocher. De petits groupes se forment, avides de recue illir le moindre renseignement sur la bataille engagée. Des officiers vérifient leur revolver, quelques soldats déchirent leurs papiers intimes. Le commandant Bourgeois et l’aide-major De La Soudière jurent de ne pas tomber vivants au pouvoir de l’ennemi. Et, par ce jour terne qui ne devait pas être sans gloire, tous, chefs et soldats, sont décidés à pousser la lutte jusqu’à l’extrême limite, quand arrive l’ordre d’aller chercher des pelles et des pioches. Sur le visage de tous se peint une désillusion cruelle:» Eh quoi! murmuraient quelques jeunes, nous a-t-on fait venir d’aussi loin et aussi vite pour nous transformer en vulgaires terrassiers!»L’ordre est exécuté. Les bataillons partent; le 2e occupe le plateau de la ferme d’Haudromont, le 3e est à sa droite et le 1er en réserve de brigade près du ravin de Bras. Mais à peine arrivés sur la position, devant l’ennemi qui progresse, pelles et pioches sontabandonnés et la lutte s’engage.« Nos hommes fatigués pourraient-ils suppléer le nombre par leur vaillance? Les renforts arriveraient-ils à temps? » Telles étaient les graves préoccupations du lieutenant-colonel Thuriet. Et pourtant l’ennemi en forces débouche de Louvemont; il faut, à tous prix, l’empêcher de prendre pied sur le plateau d’Haudromont et de pénétrer dans le ravin de Bras.En face d’une pareille situation, presque désespérée, le lieutenant-colonel Thuriet, dont le poste de commandement est à la ferme d’Haudromont, ne peut rester en place. Il va sur le terrain où ses deux bataillons sont déployés, se mêle aux hommes du 2e bataillon déjà privés de leur chef, le commandant Bourgeois, tué par éclat d’obus. Il les enflamme par ses

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    paroles et son exemple. Puis à la tombée de la nuit, sans nul souci du danger, entouré de ses signaleurs et de ses observateurs qui lui forment une garde de corps, à la tête de la 6ecompagnie aux côtés du capitaine Le Brun et du sous-lieutenant Riom, il se précipite sur l’ennemi. Celui-ci, surpris, reflue en désordre. Mais les mitrailleuses ont causé de larges brèches dans la ligne de tirailleurs de la 6e compagnie; tous ses officiers sont tombés, le capitaine Le Brun est blessé, le colonel lui- même, dès le début, a reçu une balle au ventre qui lui fait une affreuse blessure. Sa volonté de fer lui permet un instant de dominer sa douleur, de se relever et de faire quelques pas. Mais bientôt il tombe à nouveau, même alors il veut, en s’aidant de ses coudes, continuer à suivre la progression: « Courage, mes enfants! courage, en avant! » dit- il à ses hommes d’une voix brisée par la douleur et l’émotion.Cependant les éléments de la 6e compagnie sont trop peu nombreux pour se maintenir là où les a conduit leur impétueuse charge à la baïonnette; ils doivent se replier, laissant leur colonel en avant des lignes. Il n’est pas encore nuit; toute tentative de l’aller chercher est vouée à l’insuccès et expose quiconque s’y hasarde à une mort à peu près certaine. Le geste de l’aide- major de La Soudière n’en est que plus héroïque.il ne veut pas supporter un instant que son colonel reste blessé et mourant entre les lignes. Il part aussitôt à sa recherche et comme on lui offre un brassard, il répond simplement: « N’ayez pas peur! A la grâce de Dieu et sous sa protection! » Il se porte rapidement en avant de nos positions. Dans ce champ lugubre sur lequel la mort étendait déjà son voile, il appelle: « Mon colonel, êtes-vous là? » Le lieutenant-colonel Thuriet, étendu non loin dans un trou d’obus, n’entend pas. Personne ne répond. Déjà de La Soudière se prépare à revenir; au prêtre brancardier qui l’accompagne, il dit de donner une dernière bénédiction à un sergent moribond sur le point d’expirer, quand une balle de mitrailleuse l’étend raide mort sans qu’il puisse proférer une parole.Bientôt la nuit permet de relever le lieutenant-colonel Thuriet et de le ramener vers l’arrière; mais sa pensée est ailleurs. Il songe à l’impétuosité magnifique de son cher régiment, à l’ennemi qu’il a refoulé et de ses lèvres tombent ces paroles mémorables, testament suprême du chef à ses frères d’armes: « Le régiment a été admirable, il a fort bien marché, c’est moi qui l’ai lancé. Je suis fier de lui ».Pendant ce temps, le 1er bataillon est en réserve dans un petit bois non loin du ravin de Bras, attendant d’être engagé à son tour dans la bataille qui, autour de lui, est furieuse; sans arrêt l’ennemi bombarde les ravins, les projectiles éclatent avec des nuages de fumées noires et verdâtres, et là-bas les mitrailleuses font rage. A la hâte, avec leurs outils portatifs, les hommes préparent des abris de fortune. L’un d’eux, Lescuyers, l’ordonnance du commandant Sallé, travaille avec ardeur pour offrir à son chef un abri le préservant de la neige et le protégeant un peu du froid. Tout à coup un 210 vient s’abattre à l’endroit même où les hommes travaillent. Il a éclaté dans le s arbres; tout ce qui se trouve près de lui, dans un rayon de quatre-vingt mètres, est atteint. Soixante-sept hommes sont touchés, dont plusieurs tués sur le coup. Parmi les victimes se trouve le brave Lescuyers et le sergent Cazal. Lescuyers a le pied gauche enlevé et, à la cuisse droite, une autre blessure très grave. Toutefois il ne s’alarme pas et garde le plus grand calme. Son commandant s’ingénie à le rassurer sur la gravité de sa blessure; lui, dit simplement en soulevant sa couverture: « J’ai perdu ma jambe, mon commandant; voyez dans quel état ils m’ont mis! » Puis apercevant autour de lui les blessés qui affluent, songeant à eux et aussi, sans doute, un peu à lui: « C’est tout de même une chose terrible que la guerre » dit-il. Et comme son commandant va le quitter et lui serre la main avec émotion, lui, serviteur fidèle jusqu’à la dernière minute, fait un effort pour atteindre dans ses poches les clefs des cantines de son chef: « Mon commandant, il faut bien que je vous remette vos clefs; vous ne pourriez plus ouvrir vos cantines! »Non loin de Lescuyers est étendu le sergent Cazal, d’une famille de militaires, jeune engagé de la classe 1917, au front depuis le mois de mai 1915.Il pleure de rage à la vue des désastres causées dans sa section: « Ils m’ont démoli ma section, et dire que je ne pourrai pas les venger! » Il s’empresse auprès de chacun de ses hommes, songe à eux, s’oubliant lui-même.

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    Devant l’affluence des blessés, en dépit de l’ordre rigoureux du médecin, malgré une plaie perforante du poumon, il s’évacue par ses propres moyens pour faire de la place aux autres. Le soir venu, le 1er bataillon monte en ligne sous la neige qui tombe en flocons serrés.Le lendemain, le 26 février, le régiment subit l’attaque de forces considérables. Pas à pas, par bonds échelonnés, les bataillons cèdent; l’ennemi, en vagues denses, s’avance aux cris de « Hurrah! Hurrah! ».On vit alors le capitaine Chamaillard, mortellement atteint, renvoyer son ordonnance qui veut le panser: « Va, mon vieux, rejoins vite tes camarades; ici, tu serais Prisonnier ».Le sergent Narcy, un colosse à barbe rousse, veut lui aussi prendre sur son dos son chef de section, l’aspirant Gentils, blessé grièvement, et l’emmenait déjà quand il tombe à son tour. On voit des hommes tirer toutes leurs cartouches avant de se replier; on voit des blessés charger les fusils de leurs camarades. Les mitrailleurs se sacrifient et la 4e pièce de la CM 1 sera citée à l’ordre de la brigade:« Commandée par le caporal Massicot, servie par le tireur P.Tureau, le chargeur Paillas, l’aide-chargeur Margotin, les pourvoyeurs Penot et Rouer, s’est distinguée par son courage et la précision de son tir dans un endroit très critique, n’hésitant pas à se mettre dans un endroit battu et complètement à découvert pour assurer un meilleur tir ».(ordre de la 31e brigade n°63, du 8 mars 1916).Mais malgré tout le dévouement et toute l’abnégation dont il a fait preuve, le régiment, épuisé par trois jours de privations, par un bombardement incessant et intense, une lutte continuelle, doit se replier de quelques centaines de mètres sur le ravin de Bras. Là, il fait place aux troupes du 20e corps et après avoir bivouaqué dans le ravin de Fleury, arrive dans la nuit du 28 aux casernes Marceau, à Verdun, qu’il quitte le 29 pour cantonner à Laheimeix.L’aumônier militaire Pirot pense alors que dans le poste de secours de Bras le régiment a laissé un certain nombre de blessés que, faute d’hommes et de moyens de transport, même avec la meilleure bonne volonté et le plus absolu dévouement, il n’a pu évacuer. Le caporal brancardier Mage est resté près d’eux, afin de pourvoir, en sa qualité de prêtre, aux besoins religieux et physiques de ces infortunés. Inquiet sur leur sort, malgré des tirs de zone d’une violence extrême, l’aumônier veut retourner au ravin de Bras.Il y arrive à 14 heures. L’ennemi tient les pentes nord du ravin et ses mitrailleuses battent les pentes sud.Qu’importe! Il descend tranquillement à l’ancien poste de secours; il trouve tous ses blessés; ils sont là depuis le 25, dans de petites niches creusées à la hâte, maintenant entre les deux lignes; les plaies de quelques-uns sentent déjà mauvais. Et pourtant sur leurs lèvres, pas une parole de reproche, pas une plainte. La vue du prêtre en soutane les réconforte; c’est pour eux le salut, la certitude de ne pas tomber prisonnier aux mains de l’ennemi qui, chaque nuit, patrouille dans le ravin. L’aumônier Pirot se dévoue pour les évacuer, n’hésitant pas à les porter lui- même et, le 1er mars, sur des brancards prêtés par un régiment du 20e corps, tous les blessés sont remis entre les mains de brancardiers divisionnaires, à Bras.En ces termes, le général Pétain citait, plus tard, à l’ordre de la IIe armée, l’aumônier Pirot:« Au cours des combats du 25 au 27 février, s’est multiplié auprès des blessés de tous régiments, dans des postes de secours très exposés, donnant l’exemple d’un mépris absolu du danger sur le terrain du combat pour ramener quelques blessés qui n’avaient pu être évacués, passant la nuit, entre les lignes, dans un chemin parcouru par les patrouilles ennemies ».A Laheymeix, le régiment se reconstitue. Ses pertes l’ont réduit à deux bataillons. Le commandant Sallé, promu lieutenant-colonel, en prend le commandement; puis, après quelques jours de repos, il remonte en ligne dans le secteur des Paroches, secteur calme. C’est là que les hommes apprennent la citation de la 31e brigade à l’ordre de l’armée de Verdun:« La 31e brigade, comprenant les 85e et 95e régiments d’infanterie, énergiquement conduite par son chef, le général Reibell, s’est engagée brusquement dans la lutte après une marche forcée et s’y est trouvée dans une situation difficile. A force de ténacité, est parvenue à se maintenir et à arrêter l’offensive ennemie.»Ordre de la IIe armée n°79, 1er avril 1916.

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    Chapitre IVLes Eparges - La Laufée - La Somme - L’Argonne

    ( mars 1915 - avril 1917 )

    En mars, le régiment se porte à nouveau sur ces Hauts-de-Meuse qu’il avait tenus en septembre 1914.Devant lui, la plaine de Woëvre aux nombreux villages détruits, taches blanches sur fond brun, s’étale à perte de vue; il voit Briey et les fumées noires des hauts fourneaux; il voit les hauteurs de Mars- la-Tour et à l’horizon les forts de Metz qui s’estompent dans le brouillard. L’ennemi tient les villages de Manheulles et de Fresnes; ses 210 s’écrasent sur Trésauvaux et Bonzée: les maisons, chancelantes déjà, s’écroulent avec fracas; les rues sont coupées d’énormes trous que l’eau remplit aussitôt. A la violence du bombardement s’ajoute le mauvais temps et derrière les gabionnades dont les lignes noires barrent la plaine, la vie est dure au petit poste.Reformé à trois bataillons, le régiment descend au repos à Sommedieue, pour remonter dans la tranche des Eparges, où le 15 mai, par une nuit affreusement noire, le 1er bataillon relève le 3e bataillon du 95e RI.A cette époque, nous étions accrochés à la croupe nord de Combres, dont l’ennemi nous disputait la crête. Depuis avril 1915, les deux adversaires s’acharnaient avec opiniâtreté sur cet étroit plateau dont les obus de gros calibres et les torpilles aériennes avaient abattu les arbres, détruit la végétation, bouleversé le sol. Puis une guerre de mines dure, patiente, inexorable était née, parachevant toute dévastation et donnant au terrain l’aspect de quelque paysage lunaire, nu et désolé. De tranchée, il n’était plus question; les petits postes se collaient aux lèvres des entonnoirs et là, malgré les détonations sourdes des coups de mines, malgré les éclatements déchirants des torpilles, les petits postes, isolés les uns des autres péniblement ravitaillés au cours de la nuit, montaient consciencieusement une garde dangereuse.A son tour, le 1er bataillon du régiment, sous les ordres du commandant Dubreuil, occupe cette terrible zone des entonnoirs. L’artillerie ennemie bombarde consciencieusement le ravin de la Mort et le Trottoir; ce sont des tirs de harcèlement continuels. Les journées sont dures et passent lentement.Le 21, au contraire, une des plus belles journées de mai, s’écoule dans le calme complet; il semble que, d’un commun accord, les deux artilleries se taisent; les hommes des petits postes regardent évoluer les avions dans le ciel bleu et même voient Chaput abattre un biplan à croix noires. Puis le soir tombe, les petits postes se relèvent. C’est le calme, le silence.Tout à coup, inattendue, brutalement, à 1 heure 30, une forte secousse ébranle les plus profonds abris, accompagnée d’une détonation terrible; l’ennemi vient de faire sauter une mine à la droite du bataillon, près de la section de l’adjudant Laurent, de la 1ère compagnie.Un tir d’obus et de torpilles, d’une violence extrême, s’abat alors sur notre position. Mais les fusées rouges ont été comprises de nos artilleurs et notre barrage se déclenche, tandis que, dans la nuit épaisse, les gradés rassemblent avec peine les survivants et, la grenade à la main, s’apprêtent à repousser toute attaque. Le bombardement diminuait d’intensité, quand une deuxième mine, plus importante que la première, explose à 2 heures 15 au centre du bataillon, sous la 4e compagnie. A nouveau l’ennemi concentre sur cette zone de la tranche des Eparges, déjà fortement ébranlée, le tir de ses minenwerfer et de son artillerie lourde; à nouveau, les 75 établissent un barrage infranchissable. Cette fois-ci, les pertes sont sévères, le bombardement encore plus violent; cependant la 1ère et la 4e compagnie réussissent à occuper les lèvres nord des nouveaux entonnoirs. Le bombardement se maintient jusqu’au jour, mais le soleil se lève en Woëvre et le calme renaît.Le 22, à la tombée de la nuit, l’ennemi nous croyant désorganisés, s’avance sur un des nouveaux petits postes: deux fois il essaie de l’enlever, deux fois il est repoussé à coups de fusil et à la grenade. Pour se venger, il lance de nombreuses bombes au cours de la nuit, rendant plus difficile encore la tâche pénible de nos brancardiers; malgré cela, ceux-ci réussissent à ramener aux postes de secours tous nos blessés et tous nos morts.

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    Cette journée du 22 nous coûtait, certes, des pertes sensibles, mais grâce aux habiles dispositions prises par les commandants de compagnie du 1er bataillon, grâce au courage et à l’énergie des hommes, pas un pouce de terrain n’était cédé à l’ennemi. De plus, elle fut l’occasion pour tous, chefs et soldats, de montrer leur valeur morale que le général Rouquerol portait à l’ordre de la division en ces termes:« Le 22 mai 1916, l’ennemi a fait exploser plusieurs mines aux Eparges, la première à 1 heure 40 et une seconde très fortement chargée à 2 heures 15, suivies de deux autres plus petites.Dès la première explosion, le sous-lieutenant Guichard, chef de la section, et l’adjudant Laurent, chef de la 3e section de la 1ère compagnie du 85e RI, portaient leurs sections en avant.les deux sections marchaient carrément et occupaient l’entonnoir.Cependant les 2e et 1ère sections de la 4e compagnie, commandées par l’aspirant Dunil-Bourland et le sergent Malmontier, se tenaient prêtes à repousser une attaque, quand la deuxième explosion les ensevelit. Aussitôt les 4e et 3e sections de la 4e compagnie, commandées par le sous-lieutenant Charette et l’adjudant Dallot, exécutaient avec entrain l’ordre donné par le commandant de la compagnie, le lieutenant Perrin, de se précipiter sur le nouvel entonnoir à la place des 2e et 1ère sections hors de combat.Déjà l’ennemi cherchait à profiter de l’effet de sa mine pour se jeter en avant de l’entonnoir, mais il était refoulé vigoureusement à coups de grenades et de fusil par les 4e et 3e sections de la 4e compagnie. Le sous-lieutenant Charette, en dirigeant le combat, debout à découvert sur le bord même de l’entonnoir était grièvement blessé.L’artillerie, immédiatement en action, couvrait la position ennemie de ses projectiles de tous calibres; la situation était rapidement rétablie.Nul chez nous ne peut savoir si l’ennemi préludait à une attaque importante. S’il a eu cette idée, le concours des deux armes la lui a fait rapidement passer.Le 1er bataillon du 85e RI, sous les ordres du commandant Dubreuil, a bien fait son devoir ».Ordre de la division n°441, du 24 mai 1916.Relevé de la tranchée des Eparges, le régiment tient, au mois de juin, le secteur Trésauvaux-Les Hures et, au début de juillet, descend au repos à Ambly et à Génicourt. Au loin, vers Souville, le canon gronde sans arrêt; les convois de munitions et de ravitaillement se succèdent en files interminables sur les routes boueuses; des bataillons montent en ligne, d’autres en descendent; des camions, des autos sanitaires se croisent. Partout une activité fébrile.Alerté le 12, le régiment se porte à Haudainville; la canonnade est plus proche de lui.La nuit, pendant les tirs de barrage, une lugubre et gigantesque lueur emplit le ciel, sous le fracas des explosions multiples. Chacun pense alors aux durs combats de fin février et tous sont décidés à lutter jusqu’à l’ultime limite de leurs forces pour arrêter encore une fois la ruée ennemie.Le 13 juillet, le régiment monte en ligne à la Laufée. A cette époque, notre position est jalonnée par la batterie de la Montagne et l’ouvrage de la Laufée; à quelques centaines de mètres, au sud, s’allonge, plusieurs fois objectif de l’ennemi, regorgeant de monde et puant, le tunnel de Tavannes. Le régiment doit en défendre la sortie est et occupe la croupe au nord du tunnel, dans ce qui fut le bois de la Laufée. Tous les arbres ont disparu; seules, quelques souches demeurent, à peine debout, meurtries et déchiquetées. Tous les trous d’obus se touchent, les hommes sont terrés dans les plus profonds, jusqu’à ce qu’un 210, s’écrasant dans un trou déjà fait, vienne creuser un entonnoir plus propice à la défense. La nuit, au moindre bruit suspect, avec la même rapidité qu’autrefois les fusillades au bois Brûlé, un barrage très dense d’obus de tous calibres se déclenche, se prolonge pendant plusieurs heures, nivelant tout, broya nt tout, et le lendemain, quand vient le jour, les hommes par-dessus leurs trous d’obus contemplent un paysage toujours plus désert et plus morne.L’ennemi avait attaqué le 12, et le régiment trouvait une situation désavantageuse de fin de combat à contre-pente. Dès les premières nuits, les 1er et 2e bataillons se déploient en tirailleurs, progressent de trous d’obus en trous d’obus, et malgré un vif bombardement, vont

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    jusqu’à la crête où ils s’installent. L’ennemi n’avait plus vue chez nous et nos hommes pouvaient voir à l’horizon les ruines mémorables du fort de Vaux.A partir du 20, l’ennemi prépare une nouvelle attaque; les tirs, réglés par avions, se font plus nourris encore, bouleversent nos travaux, gênent notre ravitaillement. Et cependant, avec courage, manquant d’eau sous le soleil de juillet, les hommes relient entre eux les trous d’obus. Puis, le 29, quelques jours avant l’attaque d’infanterie, mais au fort de la préparation d’artillerie, le régiment est relevé.Après un court repos dans le Barrois, il revient pour quelques semaines à la tranchées des Eparges, où sévit toujours, dans toute son horreur, la guerre de mines, et une fois de plus, le 28 août, la sinistre colline craque sous le front de la 10e compagnie.De là il va à l’instruction au camp de Safais, où il reçoit ses premiers fusils- mitrailleurs et s’initie aux nouvelles formations de combat. Désormais chaque section comprendra des fusiliers, des grenadiers, des voltigeurs, avec chacun un armement particulier et un rôle distinct.Dans les premiers jours de décembre, les manœuvres terminées, le régiment est transporté dans l’Oise. Il sait que de là il ira sur la Somme et qu’à l’attaque il lui sera donné de reprendre sa revanche de Verdun. Le 14, les camions-autos viennent le chercher à Hétomesnil. Après une longue journée par les routes, il débarque à la Sucrerie de Proyart et le 16 il occupe les parallèles de départ en avant de Berny. L’attaque est prête. Tous, admirant le magistral déploiement de notre artillerie et de notre aviation, sont animés de la plus grande confiance; tous sentent qu’ici le Français a la maîtrise, malgré le froid humide et la boue jusqu’aux genoux, et que l’Allemand baisse la tête sous les explosions formidables de nos gros projectiles et la menace de nos avions.Mais subitement arrive l’ordre d’interrompre les travaux: l’attaque est ajournée.Jusqu’au 26 décembre, c’est la vie monotone de secteur: bombardements quotidiens, tirs de harcèlement et surtout, c’est sous la bruine qui imprègne capotes et vareuses, la lutte patiente contre la boue épaisse et gluante.« ite qu’on attaque, disaient les hommes, que nous sortions de cette boue! »Mais sans attaquer, le régiment quitte le secteur de Berny et, dans de longues marches, revient à l’arrière. Le 20 janvier, après un repos de plusieurs jours dans la région d’Aumale, il débarque à Sainte-Menehould et remonte en ligne à la fin du mois dans les tranchées de la Grurie. L’hiver est rude; la neige pendant des jours recouvre de son linceul cette forêt d’Argonne, autrefois si agitée. Les sources sont gelées; aux parois des boyaux sont suspendus des blocs entiers d’une glace pure. A de certains jours, cependant, le secteur s’agite; l’ennemi bouleverse nos tranchées par des tirs de torpilles de 245 et d’obus de tous calibres; ses fusants fouillent les ravins; la nuit il patrouille autour de nos petits postes. Puis le calme revient et, à la fin de mars, le régiment est transporté en Champagne par camions et par chemin de fer.

    Encadrement du régiment au 1er avril 1917

    Lieutenant-colonel Sallé, commandant le 85e RI.Chef d’escadrons adjoint au chef de corps: commandant De La Rochère.

    Médecin- major de 2e classe: DetisOfficier-adjoint au chef de corps: lieutenant Vrinat

    Officier de détails: lieutenant MilletOfficier d’approvisionne ment: sous-lieutenant Vitré

    Officier pionnier: lieutenant GrandfondOfficier chargé des liaisons: sous-lieutenant PommierOfficier de renseignements: sous-lieutenant Morizot

    Officier porte-drapeau: lieutenant PapinaudOfficier commandant le peloton de 37: sous-lieutenant Cauche

    Chef de musique: Malzac.

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    1er bataillonChef de bataillon: commandant Dubreuil

    Capitaine adjudant- major: capitaine BastonMédecin auxiliaire: Mondon

    1ère compagnie: commandant de compagnie, lieutenant Pallier.1ère section: sous-lieutenant Haudot;2 section: sous-lieutenant Caudière;3e section: adjudant Laurent;4e section: sous-lieutenant Giacinti, aspirant Reverchon.

    2e compagnie: commandant de compagnie, capitaine Perrin.1ère section: sous-lieutenant Weldin;2e section: sous-lieutenant Dalion;3e section: adjudant Capitain;4e section: sous-lieutenant Point.

    3e compagnie: commandant de compagnie, lieutenant Beurier.1ère section: sous-lieutenant Jacquin;2e section: sous-lieutenant Pacaud;3e section: sous-lieutenant Thomas;4e section: adjudant chef Pierdet, aspirant Bordry.

    1ère compagnie de mitrailleuses: commandant de compagnie, lieutenant Duperray.1er peloton: sous-lieutenant Martin;2e peloton: sous-lieutenant Gaulard;1ère section: adjudant Teinturier;2e section: sergent Joly;3e section: sergent Clermontet;4e section: sergent Julien.

    2e bataillonChef de bataillon: capitaine Lauré

    Capitaine adjudant- major: capitaine DefranceMédecin aide-major de 2e classe: De Gennes.

    5e compagnie: commandant de compagnie, capitaine Rotinat1ère section: sergent Lecoq;2e section: sous-lieutenant Mayeur;3e section: adjudant Daumy;4e section: sous-lieutenant Cazal.

    6e compagnie: commandant de compagnie, lieutenant Chabenas.1ère section: sous-lieutenant Leboeuf;2e section: adjudant Patrigeon;3e section: sous-lieutenant Vasseur;4e section: sous-lieutenant d’Exea.

    7e compagnie: commandant de compagnie, lieutenant Dufour.1ère section: sous-lieutenant Bresson;2e section: sous-lieutenant Collange;3e section:adjudant Ranchin;4e section: sous-lieutenant Bourges.

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    2e compagnie de mitrailleuses: commandant de compagnie, lieutenant Brigaud.1er peloton: sous-lieutenant Mazin;2e peloton: sous-lieutenant Lepoutre; 1ère section: adjudant Perruchon;2e section: sergent Maubert;3e section: sergent Rouet;4e section: sergent Touffus.

    3e bataillonChef de bataillon: commandant Bernard

    Capitaine adjudant- major: capitaine GaulardMédecin aide-major de 2e classe: Giret

    Médecin auxiliaire: Champeau.

    9e compagnie: commandant de compagnie, capitaine Roubeau.1ère section: lieutenant Mhun;2e section: sous-lieutenant Verot;3e section: adjudant Canet;4e section: sous-lieutenant Choquet.

    10e compagnie: commandant de compagnie, capitaine Pieuchot.1ère section: sous-lieutenant Brosseaud;2e section: sous-lieutenant Luas;3e section: adjudant Delage ;4e section: sergent Cendre.

    11e compagnie: commandant de compagnie, lieutenant Deffunt.1ère section: sous-lieutenant Mommessin;2e section: sous-lieutenant Leredde;3e section: adjudant Robin;4e section: sous-lieutenant Deguet.

    3e compagnie de mitrailleuses: commandant de compagnie, capitaine Ducruet.1er peloton: lieutenant Adermatt;2e peloton: sous-lieutenant Martin;1ère section: sergentGervais; 2e section: sergent Lavenu ;3e section: sergent Lagay;4e section: sergent Collinet.

  • Historique du 85e Régiment d’infanterie (Anonyme, Chapelot, sans date) numérisé par Jérôme Charraud

    Chapitre VChampagne( avril 1917 )

    Le 2 avril, les bataillons cantonnent à Villers-Marmery, au pied de la Montagne de Reims. Bien qu’à plus de huit kilomètres du front, le village est vu de l’ennemi qui, à l’horizon, derrière les peupliers de Courmelois, de Wez et de Thuisy, tient les hauteurs de Nogent-l’Abesse et de Moronvillers. De longues lignes blanches courent sur les crêtes, disparaissent dans de petits bois rectangulaires ou bien se perdent dans la brume, à l’est vers la Suippe, à l’ouest sur Reims. Ce sont les tranchées, tranchées amies, tranchées ennemies, toutes aussi calmes qui si elles avaient été abandonnées de longue date. A peine quelque nuage grisâtre, fumée d’obus que le vent dissipe, apparaît par intervalles sur l’une ou l’autre ligne. Et pourtant, là-bas, le long de la Voie Romaine, la vie est intense; d’anciennes tranchées sont déneutralisées, de nouveaux abris sont creusés, toutes nos organisations sont modifiées; c’est la préparation silencieuse et méthodique d’une attaque de grande envergure.Le 4 avril, le régiment, avec deux bataillons, occupe le sous-secteur Source, face au mont Cornillet. C’est là que tous apprennent la grande nouvelle si longtemps attendue:« Le 85e, ainsi que toute la division, attaquera prochainement ».Enfin, le régiment pourra réaliser son espoir le plus cher, espoir déçu sur la Somme en décembre; il pourra venger ses morts et ses blessés, il prendra sa revanche de Verdun. Aussi, au sous-secteur Source, dans ces journées calmes du début d’avril, les travaux sont-ils activement poussés. Tous les hommes redoublent d’ardeur. Le 9, le régiment descend au repos à Ambonnay et Villers-Marmery. La préparation d’artillerie est alors commencée; chaque jour, des hauteurs de la Montagne de Reims, les spectateurs enthousiastes assistent au bombardement des lignes ennemies. Nos mortiers de tranchée et nos grosses pièces tonnent sans arrêt. Les monts, à de certains moments, disparaissent sous un nuage de fumée noire; les petits bois de bouleaux du Cornillet, du mont Blond, du Casque et du Téton diminuent chaque jour. Un paysage de guerre, où les bois sont déchiquetés, le sol affreusement bouleversé, les tranchées nivelées, peu à peu se dessine. Les hommes sont joyeux, sûrs du succès.« Qu’est-ce qu’ils prennent, les Boches! » disent les anciens; et tous, avec confiance, sans la moindre inquiétude, attendent que pour eux l’heure vienne de partir la baï