25
ÀMONTRÉAL DE 1910 À1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action sociale Author(s): Françoise Géraud-Stehli Source: Canadian Social Work Review / Revue canadienne de service social, Vol. 11, No. 2, History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada (Summer/été 1994), pp. 214-237 Published by: Canadian Association for Social Work Education (CASWE) Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41669568 . Accessed: 16/06/2014 08:20 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Canadian Association for Social Work Education (CASWE) is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Social Work Review / Revue canadienne de service social. http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

ÀMONTRÉAL DE 1910 À1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et lemodèle de l'action socialeAuthor(s): Françoise Géraud-StehliSource: Canadian Social Work Review / Revue canadienne de service social, Vol. 11, No. 2,History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada (Summer/été 1994),pp. 214-237Published by: Canadian Association for Social Work Education (CASWE)Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41669568 .

Accessed: 16/06/2014 08:20

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

Canadian Association for Social Work Education (CASWE) is collaborating with JSTOR to digitize, preserveand extend access to Canadian Social Work Review / Revue canadienne de service social.

http://www.jstor.org

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 2: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ

ET SERVICE SOCIAL

Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action sociale

Françoise Géraud-Stehli

L ÉTUDE RELATÉE ici (Géraud-Stehli, 1992) s'attache à examiner la pensée et Taction formatrice de Marie Gérin-Lajoie dans la com- munauté francophone de Montréal. La période considérée pour cette recherche va de 1908 à 1941. C'est celle des origines du travail social.

Pourquoi, pourrait-on objecter, effectuer un travail portant sur la seule Marie Gérin-Lajoie? Certes, Marie Gérin-Lajoie est une actrice sociale importante de cette période. Fille de Marie Lacoste-Gérin-Lajoie, l'une des fondatrices de la Fédération nationale Saint Jean-Baptiste (FNSJB), Marie Gérin-Lajoie fut également une des leaders de la « seconde génération » des militantes de ce mouvement. Elle fut la direc- trice et rédactrice du journal de cette Fédération, La Bonne Parole. Elle fut également à l'origine d'une fédération des Cercles d'études féminins

Abstract In outlining the social and educational activities of Marie Gérin-Lajoie, this article attempts to present the transitional model of social policy and interven- tion that she initiated in francophone Quebec. Her "social action" model formed part of the approaches that appeared between the voluntary network of charities of the late nineteenth century and the American-inspired professional social work that gained recognition beginning in the 1940s in Montreal. Finding inspiration in the case work of Mary Richmond in terms of intervention tech- niques and in the origins of the Settlement movement (particularly in England and France) from the community perspective, she proposed implementation of these "new methods" through volunteer parochial facilities led by nuns trained in case work.

Françoise Géraud-Stehli est travailleuse sociale à l'Hôpital de l'Enfance à Lausanne , Suisse.

Canadian Social Work Review, Volume 11, Number 2 (Summer 1994) / Revue cana- dienne de service social, volume 1 1, numéro 2 (été 1994) Printed in Canada / Imprimé au Canada

214

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 3: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 215

qui se constitua comme l'homologue féminin des ACJC. Conférencière infatigable, abordant le plus souvent des sujets sociaux, elle développa notamment le thème du syndicalisme féminin à la première des «Semaines sociales du Canada» en 1921. Puis, dès 1922, elle fonda un ordre religieux, l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil (INBC) dont elle devint la mère supérieure.

Un rôle controversé dans une période charnière Mais ce qui a retenu notre attention, ce sont les thèses différentes qui évoquent le rôle de Marie Gérin-Lajoie dans cette période charnière des origines du travail social dans le Montréal francophone. Les principaux écrits sur l'histoire du travail social ne font état d'elle que comme d'une actrice marginale. Certains ne la mentionnent pas du tout, alors que, pour d'autres, elle aurait organisé tout au plus, durant les années 30, quelques cours parfois qualifiés de simple « formation pratique » des- tinés à des religieuses et organisés dans le cadre paroissial (Denault, 1961-1962; Géraud-Stehli, 1990) . Puis, durant les années 70 et 80, elle est « redécouverte » par des auteures s'attachant notamment à la mise àjour du rôle méconnu des femmes dans la société québécoise. Selon celles-ci, dès le début du siècle et avec la seconde génération des militantes de la Fédération nationale Saintjean-Baptiste, Marie Gérin-Lajoie serait «à l'origine de la transformation du travail social au Québec qui, de travail bénévole, deviendra un travail professionnel » (Danylewicz, 1983, p. 265- 268; Pelle tier-Baillargeon, 1985; Proulx, 1975).

Faut-il postuler dans cet « oubli », l'occultation sexiste de l'action des femmes? A cette première hypothèse, nous avons été peu à peu amenées à en ajouter une autre. En effet, cette occultation ne pourrait-elle être aussi liée à la nature du rôle qu'a pu jouer Marie Gérin-Lajoie dans le cadre plus large du passage et de la rupture qui se sont produits entre les réseaux de charité bénévole du XIXe siècle et le service social profes- sionnel que nous connaissons aujourd'hui?

Nous avons tout d'abord examiné le rôle et la pensée de Marie Gérin- Lajoie durant les premières décennies du XXe siècle, «revisitant» et complétant les références proposées par les auteures précitées à la lumière des écrits contemporains.

Marie Gérin-Lajoie et l'action sociale du catholicisme social L'action et la pensée sociale de Marie Gérin-Lajoie nous apparaissent fortement marquées par l'idéologie du catholicisme social. Il convient donc de s'attarder quelques instants sur ce courant. Rappelons que le début du XXe siècle, en particulier durant et après la première guerre mondiale, est marqué par de nombreux troubles sociaux. Dès 1910, cer- tains milieux de la société canadienne-française reprennent et dévelop-

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 4: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

216 Revue canadienne de service social, volume 11 (été)

pent les idées du catholicisme social européen. Comme ceux-ci, ils se préoccupent alors de lutter contre les « maux sociaux » sur deux fronts : ils dénoncent, d'un côté, les injustices et les inégalités dues au libéra- lisme économique et au capitalisme. D'un autre côté, ils sont également sensibles à la menace et aux risques sociaux que ces « classes dangereuses » représentent. Ils veulent donc s'opposer à la montée du socialisme, en proposant la construction sur terre, d'un modèle de société s'inspirant des idéaux chrétiens. Dans cette «cité chrétienne», telle que la décrit Arthur Saint-Pierre s'inspirant P. de La Tour du Pin, « tout ce qui est humain y trouve place, des places diverses sans doute, mais un égal respect [ . . . ] l'Église y est comme l'âme de la société civile et préside par sa doctrine comme par son culte à tous les actes de la vie sociale; un seul esprit anime tous les hommes » (La Tour du Pin, cité par Saint-Pierre, 1914, p. 18). Pour accomplir ce projet social, le militan- tisme des élites et de tous les catholiques est requis. Au Québec, ce mili- tantisme se propose de constituer le cadre d'un véritable encadrement social. Il fait concurrence et réussit, au Québec, à contenir dans une cer- taine mesure le développement du socialisme. A l'instar des catholiques sociaux européens, leurs condisciples québécois appellent ce militan- tisme «action sociale» (Hamelin et Gagnon, 1984, tome 1; Leroy, 1911; Routhier, 1981; Saint-Pierre, 1914).

Au sein de ce courant, les militantes de la Fédération nationale Saint- Jean-Baptiste (FNSJB) et, parmi elles, Marie Gérin-Lajoie sont très actives. Le programme social de la FNSJB l'illustre, dans la diversité des activités qu'il propose. Les militantes puisent, d'ailleurs, aux sources des structures et de cette «action sociale». De nombreux conférenciers «vedettes» de cette «action sociale» viennent présenter - et pro- poser - à la Fédération leurs programmes d'action. Ceux-ci sont d'ail- leurs repris dans une des publications du catholicisme social québécois à large diffusion : Y École sodale populaire.

Cependant, dans ces programmes que proposent les conférenciers, toutes les actions ne sont pas de même niveau. Il y a en premier lieu une action et des « oeuvres sociales proprement dites » qui sont plutôt de l'ordre d'un militantisme masculin : coopératives, mutualités, syndicats catholiques, corporations ... Et puis, faisant partie des « oeuvres néces- saires » mais qui ne sont pas véritablement « sociales », il y a les « oeuvres de soulagement » et qui sont notamment : les asiles, les orphelinats, les hôpitaux et tout le domaine de l'aide aux indigents et aux malades, bref, le domaine de l'action charitable traditionnelle qui bien souvent celui de l'action plus spécialement destinée aux femmes1.

Dans le cadre des structures du catholicisme social, les jeunes étu- diantes de l'École d'enseignement supérieur pour jeunes filles dont fait alors partie Marie Gérin-Lajoie, créent, avec l'appui de leurs ensei- gnantes, un cercle d'étude. Rappelons que les premiers «cercles

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 5: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 217

d'études » ont été conçus par A. De Mum, un des penseurs du catholi- cisme social français. Ils sont alors une structure importante dans le catholicisme social permettant la formation et le recrutement des jeunes militants. Le Cercle d'études Notre-Dame qui voit le jour en 1909 est alors le premier cercle d'études féminin du Québec. Mais, ce qui nous intéresse plus particulièrement, c'est qu'au sein de ce cercle d'études, Marie Gérin-Lajoie et ses compagnes mettent sur pied un groupe, le Comité d'oeuvres, dans le but d'effectuer des visites de cha- rité à domicile. L'oncle de Marie Gérin-Lajoie, le sociologue Léon Gérin est le disciple québécois du sociologue et penseur du catholicisme français Frédéric Le Play. En accord avec l'idéologie du catholicisme social il se préoccupe de diffuser et de « vulgariser la science sociale » (Saint-Pierre, 1953, p. 132). Inspirée par ses idées, Marie Gérin-Lajoie propose à ses camarades l'innovation suivante : il s'agit de « rédiger un peu le résultat de leurs constatations » faites durant leurs visites chari- tables sous la forme d'un «petite étude sociale» (Gérin-Lajoie 1961). Peu à peu, les membres du Comité d'oeuvres prennent l'habitude de réaliser ainsi une petite enquête sociale sur la situation des familles qu'elles visitent et auxquelles elles procurent des «secours». Marie Gérin-Lajoie qui avoue ne pas avoir réalisé tout de suite l'utilité immédiate de cette pratique dans leur intervention trouve cependant d'autres sources d'inspiration.

Les racines et le modèle de « l'action sociale »

C'est en 1913, qu'elle accomplit un voyage avec sa tante à travers l'Europe et visite de nombreuses « oeuvres » sociales. A son retour, elle occupe le poste de directrice-rédactrice du journal de la FNSJB, La Bonne Parole . Ainsi, de même que par son action de conférencière, elle participe à la diffusion des programmes et des idées qui sont celles du catholicisme social (en particulier celles de l'école de F. Le Play) (Paquin, s.d., p. 1-2). Elle se fait la propagandiste des méthodes «nou- velles » d'assistance.

En contradiction avec les idées classiques du catholicisme social, elle se met peu à peu à considérer que la bienfaisance appartient, elle aussi, au domaine de « l'action sociale ». En effet, pour elle, une assistance qui s'adresserait aux causes des problèmes sociaux peut aussi avoir une action sur les rapports sociaux. Dans l'autre sens, elle estime que l'action charitable gagnerait à reprendre la visée de l'action sociale c'est-à-dire de s'attaquer aux causes des problèmes, plutôt qu'à leurs manifesta- tions.

Sur ces bases, elle définit progressivement, au sein du catholicisme social québécois, une spécialisation, un leadership en la matière. Son action de journaliste et de conférencière lui permet de répandre ses conceptions au sein de la société québécoise. Elle élabore, entre 1909 et

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 6: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

218 Revue canadienne de service social, volume 1 1 (été)

1919, un véritable modèle d'intervention assistancielle original au Québec francophone. Il nous apparaît occuper une place charnière, intermédiaire entre le modèle de Taction charitable traditionnelle et celui du service social professionnel tel qu'il est en train de se constituer aux États-Unis et dans le Canada anglophone. Elle l'appelle alors « l'action sociale ». Elle veut ainsi se démarquer de la charité, qu'elle cri- tique, et expliciter que, par ses buts de réforme individuelle, le modèle d'action qu'elle propose est également une «action sociale» au sens large que lui donne le catholicisme social. Et, peu à peu, elle fait évoluer le but de l'action assistancielle charitable dans un sens plus proche du service social moderne ainsi que la signification du terme « action so- ciale » vers son acceptation actuelle2. Il nous a paru intéressant de com- parer ces « oeuvres » qu'elle avait visité et les sources auxquelles elle puisait cette nouvelle inspiration avec ses réalisations dans cette première période jusqu'en 1930.

Les « Charity Organisation Societies », le Secrétariat social, et V assistance rationalisée A Paris, en 1913, Marie Gérin-Lajoie visite l'Office central des oeuvres de charité. Celui-ci s'inspire d'ailleurs, via New York et quelques années plus tard des principes d'action des « Charity Organisation Societies »

anglaises de S. Loch (Gérin-Lajoie, 1914, 1961 )3. Marie Gérin-Lajoie en retient plusieurs idées: celle de l'utilité que peut avoir la réalisation d'une enquête formalisée en appui au processus d'assistance, celle de la coordination des « oeuvres » dans la réalisation d'un fichier centralisé donnant des informations sur les demandeurs d'assistance et enfin d'une manière plus générale celle du fonctionnement de l'agence qui tient à jour ce fichier et reçoit les demandeurs d'assistance, qu'elle appelle le « secrétariat social » (Gérin-Lajoie, 1919-1920, partie III, p. 38- 51, 62-73). Dans ses articles, Marie Gérin-Lajoie - si elle se réfère encore au terme de charité - critique l'inadéquation ou les conséquences négatives des aumônes accordées à mauvais escient. Elle dénonce le manque d'organisation de la charité traditionnelle et propose la coordi- nation des oeuvres dans un secrétariat social. Faut-il s'étonner alors, qu'en 1918, la FNSJB, avec l'appui de la «journaliste» Marie Gérin- Lajoie, lance, par le biais du Comité d'études et d'action sociale, l'idée d'une organisation de la bienfaisance et d'un Secrétariat permanent des oeuvres sociales catholiques qui aurait eu pour tâche, en particulier, de gérer un « Service de renseignements ». Celui-ci doit assurer le lien et la circulation d'information entre les «oeuvres». Le modèle proposé est cependant plus proche: c'est celui du «Confidential Exchange» américain. D'ailleurs, depuis 1916, la « Charity Organisation Society» de Montréal a également mis sur pied un « Confidential Exchange ». Cette même année 1918 se créent, toujours du côté anglophone, la «Federa-

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 7: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 219

tion of Jewish Philanthropies» et le « Montreal Council of Social Agen- cies». Si cette initiative de la FNSJB reçoit le soutien des services de l'assistance municipale et de son décrié directeur Albert Chevalier, elle ne réussit cependant pas à entraîner l'adhésion de larges pans des milieux de l'assistance montréalaise. La FNSJB n'arrive pas, en particu- lier, à convaincre la Société Saint-Vincent-de-Paul qui tient beaucoup à son autonomie. Celle-ci est alors dominante dans l'assistance à domicile et son modèle d'action reste la charité traditionnelle. Cette timide tenta- tive de centralisation ou de coordination de l'assistance que propose la FNSJB échoue donc dans les années qui suivent. Le modèle dominant d'assistance à domicile reste ainsi, à Montréal, celui de la charité tradi- tionnelle jusqu'à la crise des années 304.

« Settlements », action communautaire , bénévolat militant, action religieuse et centres sociaux paroissiaux Mais, en 1913 lors de ses visites d'oeuvres à Paris et à Londres, Marie Gérin-Lajoie est également très impressionnée par une structure sociale plus communautaire qu'elle observe en France et en Angleterre: les « settlements » qu'elle appelle aussi par leur nom français de « maisons sociales »5. La dimension communautaire de la pensée sociale de Marie Gérin-Lajoie trouvait déjà ses racines dans le catholicisme social. Elle se perçoit dans son analyse qui faisant apparaître à la base des problèmes sociaux le plus souvent des dysfonctionnements liés à des facteurs économiques, sociaux et environnementaux (hygiène). Dans cette analyse, inspirée également du catholicisme social de Le Play, la famille et la femme en son sein, est la base de la société et donc au centre de la préoccupation d'intervention.

Cependant, dès 1913, les «settlements» anglais et les «maisons so- ciales» françaises deviennent des structures auxquelles elle fait de fréquentes références. Elle envisage pourtant cette action communau- taire dans un cadre structuré par l'Église: celui de la paroisse. La paroisse, avec la famille, lui semble en effet, comme à son oncle Léon Gérin, le lieu clé d'une intervention sociale dans la société canadienne- française. Marie Gérin-Lajoie et quelques compagnes se lancent donc à l'assaut de la citadelle paroissiale. Mais elles se heurtent au domaine réservé des curés de paroisse et réalisent qu'elles n'auront guère de succès tant qu'elles seront laïques6. On peut envisager là une des raisons de son engagement religieux.

La composante « communautaire » de sa pensée se retrouve encore dans l'aspect social de sa motivation première : rapprocher les individus et les classes. Dans ce sens, l'action que veut accomplir Marie Gérin- Lajoie est subordonnée à (ou s'inscrit dans) la perspective engagée sur le plan socio-politique de l'action sociale catholique au sens large. Marie Gérin-Lajoie propose une intervention éducative « de classe » dans la-

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 8: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

220 Revue canadienne de service social, volume 1 1 (été)

quelle les élites ont un devoir à remplir par rapport aux classes défa- vorisées (Gérin-Lajoie, 1919-1920, partie III).

Cet aspect explique aussi l'importance du cadre bénévole que pro- pose Marie Gérin-Lajoie et qui, pour elle, est partie intégrante d'un mili- tantisme social impliquant tous les catholiques. Si elle préconise des intervenants sociaux qui soient qualifiés et formés, comme nous le ver- rons plus bas, elle n'envisage pas que les « oeuvres » reposent sur autre chose que ce militantisme bénévole des élites.

Nous n'avons pas cette classe de professionnelles qui contribuent [ . . . ] à relever le niveau général de la préparation technique. Ce n'est pas là [ . . . ] un motif qui doive nous faire envier ou désirer la professionnalisation des oeuvres. Premièrement nous ne pourrions pas soutenir nos oeuvres [ . . . ] car ces méthodes exigent des richesses que nous ne possédons pas. En second lieu, si la technique des oeuvres y gagne, il n'est pas certain que tout le développement général de l'oeuvre y corresponde [ . . . ] Sans préjudicier au caractère des professionnelles [ . . . ] il n'en reste pas moins que le public est justifié de se sentir plus en sécurité quand la charité est exercée purement par motif de charité. (Gérin-Lajoie, 1919-1920, partie III, p. 65-73)

Pour ces militantes, les cercles d'études lui apparaissent comme un moyen de formation idéal. Pourtant Marie Gérin-Lajoie a conscience que le bénévolat s'avère un moyen peu efficace dans l'assistance et les oeuvres de l'action sociale. Celle-ci demande en effet une formation et un engagement « lourd » que beaucoup de « femmes d'oeuvres » ne peu- vent assumer en plus de leurs obligations familiales7. La vocation reli- gieuse de Marie Gérin-Lajoie est conséquence de cette analyse. Elle est peut-être aussi, nous l'avons vu, une stratégie de pénétration de la struc- ture ecclésiastique qui domine alors la société québécoise et le cadre paroissial. Mais elle trouve également ses racines dans une évaluation réaliste, faite par Marie Gérin-Lajoie, des limitations du rôle et des possi- bilités d'autonomie des femmes dans la société canadienne-française et dans son milieu, ainsi que des limites de l'action bénévole. Elle com- prend les besoins en intervenantes qualifiées pour l'action sociale ou pour sa direction, et la nécessité d'assurer la survie de ces profession- nelles dans un contexte où sont faibles les perspectives de financement des oeuvres en milieu francophone. Sa solution à ce dilemme est de créer une communauté religieuse. En effet, pour elle « les religieuses sont véritablement des professionnelles bien qu'elles soient des profes- sionnelles volontaires» (Gérin-Lajoie, 1919-1920, partie III, p. 73). Elle fixe pour but à cet ordre religieux de répondre au besoin des oeuvres d'action féminines qui manquent de personnel suffisamment entraîné. Sa mission est de former des « quasi-professionnelles » qui puissent en- cadrer, préparer et « façonner » les militantes, les « ouvrières sociales » : les initier aux oeuvres, les préparer, les former, apporter une aide discrète. Il

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 9: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 221

s'agit clairement d'un rôle d'élites éducatives pour l'action sociale. Le cadre qu'elle fixe à sa communauté est celui des oeuvres paroissiales8. Elle rêve alors d'une société de femmes « affranchies des obligations de fa- mille » « sans clôture et sans costume » « missionnaires sociales »9. D'ail- leurs, pour appuyer sa décision, il faut rappeler que la création d'un ordre religieux pour remplir un nouveau besoin d'assistance représente une solution traditionnelle déjà expérimentée dans la société canadienne- française (Marguerite Bourgeois, Emilie Gamelin. . .)10.

Mais la création de cet ordre religieux va être très longue et mobiliser pendant près de 20 ans l'essentiel de l'énergie de Marie Gérin-Lajoie. C'est après de longues années d'attente auprès de l'archevêché et de Rome, qu'elle est autorisée à fonder, en 1922, l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil. Ensuite Marie Gérin-Lajoie doit se préoccuper de mettre sur pied sa communauté et de la faire vivre. Ceci a pour résultat un ralentissement perceptible de ses initiatives dans le domaine de l'action sociale. Certes, en positif, son entrée dans la vie religieuse lui permet de pénétrer dans une structure paroissiale et de démultiplier son action grâce au travail des soeurs de son ordre. Mais elle est aussi placée dans une position de subordination et de contrôle renforcé vis-à-vis de la hiérarchie masculine de l'Église catholique qui diminue sa marge de manoeuvre sur certaines questions, comme celle du droit de vote des femmes. Peut-être aussi cette appartenance religieuse lui offre-t-elle un contexte moins favorable pour s'informer des initiatives et des perspec- tives nouvelles dans le champ social. Enfin, le recrutement des soeurs n'a pas été celui des élites intellectuelles qu'elle espérait mais représente un milieu social plus modeste. Cela ne lui permet guère de faire jouer à son ordre le rôle éducatif qu'elle souhaitait. En conséquence, Marie Gérin-Lajoie ne crée les « settlements » dont elle rêvait dans les paroisses que très progressivement. Le premier Centre social du Bon-Conseil est ouvert en 1926 et ces centres n'essaiment véritablement que dans les années 30 (Comité de coordination, 1989).

Mary Richmond : Social Diagnosis et « case work » La troisième source d'inspiration de Marie Gérin-Lajoie est plus tardive. Nous avons vu que, du côté anglophone, 1918 est une année où se fon- dent de nombreuses institutions. Dans le domaine de la formation, c'est encore cette même année que naît le « Department of Social Service » de l'Université McGill. Ces nouveautés ont certainement un écho du côté francophone car le Comité d'études et d'action sociale de la FNSJB (que nous avons déjà mentionné plus haut) se préoccupe, lui aussi en 1918, de la formation des «dames d'oeuvres». En cohérence avec ce que nous avons vu auparavant, le public que vise cette formation, sont des bénévoles: les «femmes d'oeuvres». Ce n'est pas une formation

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 10: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

222 Revue canadienne de service social, volume 1 1 (été)

longue qui est envisagée, mais au contraire le but est de donner une cul- ture générale « sociale ».

Marie Gérin-Lajoie semble partie prenante de cette réflexion et les colonnes de La Bonne Parole répercutent largement les activités du comité. Faut-il s'étonner qu'en été de cette même année 1918 (peut- être même a-t-elle été envoyée par M& Bruchesi11, l'archevêque de Montréal) elle participe à une session de formation en service social de l'Université Columbia de New York. Celle-ci comprend cours théo- riques et stages dans des oeuvres américaines d'assistance (Pelletier- Baillargeon, 1985; Proulx, 1975). Cependant, pour Marie Gérin-Lajoie, cette formation est sans lendemain. Malgré son désir, elle ne réussit pas, dans les années qui suivent, à trouver l'occasion de la compléter et donc d'obtenir le diplôme en service social qu'elle aurait souhaité12.

Toujours est-il, qu'en 1919 (est-ce à la suite des réflexions du Comité d'études et d'action sociale?) un « Cours préparatoire à l'action sociale » est organisé par l'École d'enseignement supérieure pour jeunes filles. Il est destiné aux « dames et les jeunes filles qui ont des loisirs » afin qu'elles puissent «prêter un concours de plus en plus éclairé aux oeuvres féminines»13. L'enseignante choisie pour ce cours est Marie Gérin-Lajoie, peut-être à cause de la formation qu'elle vient de suivre ou, plus généralement en raison du « leadership » qui lui est reconnu en la matière. Au cours des 16 leçons de ce cours, Marie Gérin-Lajoie couvre un vaste programme très marqué par le catholicisme social. Il y a cependant deux parties qui nous intéressent d'avantage. La première est celle où elle décrit les oeuvres et le champ de «l'action sociale». En cohérence avec le modèle de « l'action sociale », le cadre d'action des oeuvres décrite est très large, à majorité bénévole et recouvre l'intégra- lité du champ d'action du catholicisme social.

L'autre partie est celle où elle se montre le plus véritablement moder- niste. Elle s'inspire d'ailleurs en grande partie de l'ouvrage paru deux ans auparavant : Sodai Diagnosis de Mary Richmond dont elle semble avoir pris connaissance lors de son cours à New York. Elle l'intitule les «nouvelles méthodes» du «relèvement individuel et familial (case work) ». Avec ces nouvelles méthodes, la charité doit être préventive. Il faut remédier aux causes (« aller à la source du mal ») plutôt qu'aux manifestations de la pauvreté. Elle veut poser, comme préalable à l'action, l'observation de la réalité et son analyse. L'action de l'inter- venante doit viser l'évolution individuelle des personnes assistées dont les difficultés internes ont souvent, montre-t-elle, des causes sociales. La volonté de rationalisation se manifeste tout d'abord par le biais de l'enquête. Marie Gérin-Lajoie qui s'inspirait auparavant dans ses enquêtes sociales de la monographie sociale de F. Le Play, reprend main- tenant les formes et le contenu de l'enquête dans le livre Sodai Diagnosis de Mary Richmond14. Dans le cours préparatoire à l'action sociale,

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 11: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 223

l'enquête est la partie principale des nouvelles méthodes qu'elle expose. Elle la décrit comme un préalable à l'intervention. Par celle-ci, elle pro- pose d'établir les causes et les circonstances du problème social, ce qui permet d'appuyer la décision d'assistance et de trouver une interven- tion adaptée à la personne.

L'intervention est conçue comme un traitement qui se réfère à des comparaisons médicales. Elle préconise une assistance rationnelle et organisée mais dont elle cherche aussi à adapter les méthodes à la société canadienne-française. Son contenu nous apparaît plus proche d'une sorte d'épidémiologie sociale parfois moralisante (importance des facteurs socio-environnementaux dans l'analyse de la situation, action thérapeutique de l'entourage. . .) plutôt qu'il ne fait appel à des modèles d'action psychologiques. Elle vise par ce biais la réforme et la « réhabilitation » d'un individu dans son milieu social. Elle a donc égale- ment une composante éducative (en particulier dans le domaine de la gestion du ménage). Le plan d'action de l'intervention fait appel à une pédagogie directive : il faut user de tous les moyens de pression pour aider ou forcer l'individu à l'indépendance.

Néanmoins, cette connaissance des racines du service social moderne constitue une autre source de sa pensée sociale. Cela lui est d'autant plus facile que ces idées sont reprises par le courant du catholicisme social en Europe. Mais, on le voit, elle s'informe directement aux États- Unis et puise au courant de l'intervention individualisée. Néanmoins, si Sodai Diagnosis de Mary Richmond représente la norme de l'interven- tion sociale de l'époque, il est cependant encore trop tôt pour que la for- mation à laquelle se soumet Marie Gérin-Lajoie, en 1918, subisse l'in- fluence du courant psychiatrique qui se développera quelques années

plus tard et qui fournira au « case work » son modèle d'action thérapeu- tique. D'ailleurs le catholicisme fervent de Marie Gérin-Lajoie la rend peu réceptive à une vision psychanalytique de l'intervention et son

imprégnation du catholicisme social la poussent d'avantage vers une analyse de type sociologique des problèmes «sociaux» des individus. Cependant, ce cours de formation nous semble avoir été sans len- demain. A notre connaissance la seule suite donnée du côté franco- phone est la série de cours qu'elle donne, au début des années 20, à l'intention des gardes malades de l'Hôpital Sainte-Justine (Paquin, s.d., p.9)15.

Deuxième période : la poussée du service social

professionnel Bref succès du modèle de « l'action sociale » La « crise » rend vite apparente les limites et les carences de la charité traditionnelle, et en particulier celles de la Société Saint-Vincent- de-Paul, dont le rôle est dominant en matière de « secours » à domicile.

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 12: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

224 Revue canadienne de service social, volume 1 1 (été)

Cette institution est débordée par l'augmentation soudaine de la demande et incapable de s'organiser efficacement. Celle-ci subit alors une perte de crédibilité tant aux yeux du public que parmi les responsa- bles laïques et cléricaux ( Rapport du Conseil supérieur du Canada de la Société Saint-Vincent-de-Paul , cité par Copp, 1974, p. 107; Larivière, 1976, p. 117).

Le modèle de «Taction sociale» que propose depuis des années Marie Gérin-Lajoie offre une alternative immédiatement disponible à laquelle les élites canadiennes-françaises vont, dès lors, coopérer mas- sivement. Ce modèle apparaît plus souhaitable aux élites catholiques que le modèle du service social professionnel qui reste à leurs yeux entaché «d'individualisme protestant» (Groulx, 1980). Ce choix se jus- tifie pour eux d'autant plus que, dans le même temps, l'idéologie de l'action catholique propose un renouveau de militantisme social au travers d'un bénévolat structuré et organisé16, et que ce type de struc- ture est aussi proposé par «l'action sociale». En mai 1931, le sixième congrès de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, dans lequel les questions sociales et familiales occupent une large place, est un succès par les nombreuses personnalités du monde de l'hygiène et des oeuvres qu'il réunit. Un thème suscite de nombreuses interventions : la forma- tion à l'action sociale17. Aussi n'est-il pas surprenant qu'en octobre 1931, l'Institut Pédagogique mette sur pied, avec Marie Gérin-Lajoie une nouvelle formation : l'École d'action sociale. Les ambitions sont claires : réaliser une école d'auxiliaires sociales, propre aux milieux canadiens- français de Montréal (Gérin-Lajoie, 1931 )18.

Ces auxiliaires sociales ont un recrutement et un rôle qui reste large- ment influencé par le modèle militant de « l'action sociale ». Il s'agit de former des religieuses et des laïques. Les laïques formées doivent être des « leaders » et des directrices pour encadrer des oeuvres bénévoles d'une manière un peu similaire à l'esprit de l'école de formation sociale que le Père Joseph-Papin Archambault organisera peu après à Vaudreuil ou comme plus tard les cours d'action catholique de la faculté de théolo- gie puis de l'Institut Pie XI. Les religieuses que souhaite Marie Gérin- Lajoie sont, nous l'avons vu, « professionnelles » par leurs qualifications et leur expérience, mais restent des bénévoles aux motifs charitables et à l'idéologie vocationnelle. Leur rôle est celui de conseillères-formatrices des oeuvres laïques (Gérin-Lajoie, 1931).

Une partie significative des élites francophones se mobilise autour de ce projet d'école d'auxiliaires sociales : l'archevêché apporte son appui à l'entreprise; l'enseignement est assuré par des sommités intellectuelles canadiennes-françaises; le rectorat de l'Université de Montréal est tout prêt à faire des concessions pour l'accueil des élèves; une assistance nombreuse à dominante religieuse assiste aux cours dont le contenu est reproduit dans une rubrique spéciale du journal Le Devoir19. Le modèle

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 13: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 225

de « Taction sociale » semble exercer son influence largement. Ainsi, à l'intérieur même de la Fédération des oeuvres de charité canadiennes- françaises (FOCCF) (dont l'idée même est proposée, nous l'avons vu, par Marie Gérin-Lajoie et la FNSJB depuis 1913 mais où, pourtant, le modèle anglophone du service social est souvent cité en exemple20), le nom même du comité d'étude qui est lancé conjointement avec le Con- seil des oeuvres en 1933 se réfère au modèle de «l'action sociale» puisqu'il s'appelle le Conseil catholique d'action sociale. Ce n'est que deux ans après l'engagement de Mlle Valin, en 1936, qu'il changera son nom en Conseil catholique d'études et de service social21.

Les revers de « l'action sodale » et les succès du « service social »

Néanmoins, la réalisation de la formation à « l'action sociale » se heurte à des difficultés. L'École d'action sociale dont l'assistance est si nom- breuse, ne réussit à accorder son certificat de première année, en 1932, qu'à 15 femmes dont seulement quatre laïques. De même, l'agrément permettant aux élèves de suivre les cours de l'Université de Montréal n'est pas renouvelé. Il est remplacé tant bien que mal par des pro- grammes individuels qui ne dureront, eux aussi, que quelques années. Le problème du niveau de formation des étudiantes s'est posé puisque, à l'inverse, apparaissent progressivement des exigences pour l'inscrip- tion à l'École d'action sociale entre 1932 et 193422. Il faut rappeler à ce propos que, par la suite de l'opposition de la hiérarchie catholique, en 1931, un seul collège permet l'accès des jeunes filles au baccalauréat. Ainsi, en 1939, seul un quart des élèves du Cours de service social ont le baccalauréat ès Arts ou « Lettres » ou « Sciences »23. Quelles qu'en soient les autres raisons, l'École d'action sociale se réduit rapidement aux cours du samedi après-midi24 même si les ambitions initiales étaient plus vastes. Elle ne pouvait représenter une alternative de formation crédible face au modèle des écoles de travail social d'origine anglophone25.

D'ailleurs, dans son ensemble, «l'action sociale», modèle reposant trop fortement sur le bénévolat - alors que les religieuses des autres ordres ne s'y investissaient que très peu26 - ne pouvait plus s'imposer comme une solution efficace devant le renforcement du modèle du service social professionnel, l'approfondissement des besoins sociaux liés à la crise des années 30 et l'apparition de l'intervention sociale de l'État. Les éléments qui renforcent les partisans d'une organisation de l'assistance selon le modèle du service social professionnel dans les milieux francophones sont nombreux. Citons la structuration du service social international non confessionnel et celle du service social catho- lique, le renforcement de la « Canadian Association of Social Workers » au Canada dès 1936, la politique d'accueil et de bons offices des orga- nismes anglophones à l'égard de la Fédération des oeuvres de charité canadiennes-françaises dès 193327, et enfin l'influence des catholiques

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 14: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

226 Revue canadienne de service social, volume 1 1 (été)

anglophones. Ces éléments expliquent le remplacement rapide de «l'action sociale» par le service social professionnel d'inspiration américaine comme modèle dominant de l'assistance canadienne- française.

Les acteurs qui impulsent ce nouveau modèle travaillent, à Montréal, au sein de Fédération des oeuvres de charité canadiennes-françaises: son secrétaire, le colonel De Martigny, la secrétaire du Conseil catho- lique d'action sociale, Claire Valin, ainsi que M&r Valois. Leurs initiatives ont cependant une répercussion qui dépasse les limites de la Fédération. Marie Gérin-Lajoie elle-même met quelques années, jusqu'en 1936, à « se rendre » à la nécessité du service social professionnel et peut-être jusqu'en 1939 pour accepter que le «case work» d'alors l'évolution du modèle du « case work » américain.

Divergences dans les modèles de service social Dès lors, le modèle de « l'action sociale » évolue et Marie Gérin-Lajoie développe une conception où le service social est professionnel. Mais sa vision diverge du modèle que préconise C. Valin et la Fédération des oeuvres de charité canadiennes-françaises. Pour Marie Gérin-Lajoie, le service social, à la manière des «Caritas Verband» des catholiques allemands, est un instrument incorporé à l'intérieur d'une « action so- ciale » plus globale, dont le champ d'action est paroissial. Ce service social paroissial s'oppose au modèle du service social d'inspiration américaine en plusieurs points (Gérin-Lajoie, 1938). Le tableau 1 pro- pose une synthèse de leurs principales divergences. Cette conception « divergente » positionne peu à peu, à partir de 1936, Marie Gérin-Lajoie dans une place secondaire par rapport aux initiatives prises. La FOCCF qui avait d'abord envisagé de subventionner l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil finit par lui refuser toute subvention alors même que les difficultés financières de l'Institut l'empêchent de concrétiser ses initia- tives, notamment dans le domaine de la formation28.

Enjeux autours de la création d'une École de service social Car, dès 1936, Marie Gérin-Lajoie réalise que l'École d'action sociale ne peut être reconnue comme école de formation au service social, même par l'association internationale du service social catholique, sans parler des associations de « social workers » américaines et canadiennes qui ont convenu depuis 1931 de programmes minimums29. Elle pense dès lors chaque année à réaliser une nouvelle formation avec des enseignantes professionnelles diplômées américaines puis belges30. Ayant créé un institut de religieuses qui avait pour objet la pratique et l'enseignement « des personnes qui s'emploient aux oeuvres sociales féminines », il est compréhensible que Marie Gérin-Lajoie s'attende à ce que « un jour l'évêché lui donnerait l'exclusivité [de] la formation du service social »

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 15: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 227

TABLEAU 1 Service social préconisé par Marie Gérin-Lajoie

Service social incorporé dans un cadre d'action communautaire : celui de V action sodale • à dominante vocationnelle; • dont la structure institutionnelle fusionne composantes religieuse et laïque ; • au champ d'action paroissial : éducation et réhabilitation des femmes et des

familles; • s'inspirant des modèles européens du service sodai catholique : Allemagne,

Autriche, Belgique, France, mais aussi Hollande, Suisse « et même aux États- Unis ».

Service social selon le modèle de la FOCCF et de L. Desmarais Service social instrument d'une intervention individualisée dans les oeuvres catholiques d'assistance • à dominante professionnelle , la vocation reste nécessaire mais discrète; • dont la structure institutionnelle est laïque et formellement indépendante ; • au champ d'action diocésain : assistance individualisée dans le domaine familial,

psychiatrique ou de la délinquance; • s'inspirant des techniques professionnelles aspirant à la neutralité de

l'intervention dans un modèle américain.

(Groulx, 1980). À plusieurs reprises, elle est prête à démarrer ses cours mais ne trouve pas de financement ou se heurte à un refus de r archevêché31. En effet, Mgr Valois, le grand vicaire de Montréal « qui frayait beaucoup avec les oeuvres protestantes » (Groulx, 1980) dans le cadre de la Fédération des oeuvres de charité canadiennes-françaises apparaît avoir été très vite convaincu de l'efficacité du service social pro- fessionnel nord-américain. Le manque de crédibilité, l'absence de reconnaissance qu'ont les projets formatifs de Marie Gérin-Lajoie, et les représentations qu'ont certainement effectué les leaders de la Fédération expliquent que l'archevêché autorise alors Claire Valin et d'autres jeunes femmes laïques à aller suivre les cours de la « Montreal School of Social Work ». Mais pour la communauté francophone cela ne peut être qu'une solution transitoire : « une école bien à nous est néces- saire »32. Il nous apparaît très possible que, parallèlement au projets de Marie Gérin-Lajoie, il y ait eu très tôt un plan de l'archevêché, porté par M8r Valois, dans lequel la création de l'École de service social constituait un ensemble avec les besoins en personnel de la Fédération. A notre point de vue, il n'est pas certain que Marie Gérin-Lajoie ait été associée au projet dès son origine. Même si l'on fait abstraction des différences de conception du service social, Marie Gérin-Lajoie, alors que le refus de financement de sa communauté l'avait mise en conflit avec la Fédéra- tion, ne pouvait qu'être considérée comme étant en conflit d'intérêt avec ce projet. Cependant Marie Gérin-Lajoie, entre 1938 et 1940 grâce à de multiples initiatives se maintient comme associée du projet d'école

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 16: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

228 Revue canadienne de service social, volume 1 1 (été)

de service social. Il est même possible qu'elle se soit imposée comme partenaire de l'abbé L. Desmarais qui est l'homme choisi par l'arche- vêché pour aller étudier aux États-Unis le service social33. Le démarrage, en 1939, du Cours de service social, ancêtre, dans une certaine mesure, de l'École de service social, nous apparaît la réalisation de cette collabo- ration. Dirigé par l'abbé L. Desmarais qui en est le principal enseignant, cette formation a un programme de cours réalisé conjointement avec Marie Gérin-Lajoie. Son organisation matérielle et le financement reposent sur Marie Gérin-Lajoie et l'Institut Notre-Dame du Bon- Conseil (INBC, s.d.). Pour la première fois, dans le Montréal franco- phone, le programme de cette formation de première année est com- patible avec les critères minimums des écoles américaines et l'ensei- gnant responsable dispose de compétences académiques reconnues.

Le cours est un succès. Trente-cinq étudiantes, dont 21 laïques (et un homme) s'inscrivent au programme régulier. Annoncé par Le Devoir , il est aussi salué par la FOCCF34. Mais ce compromis est de courte durée. Avant même la fin de l'année, Marie Gérin-Lajoie et l'abbé Desmarais proposent, chacun de leur côté, des montages financiers et institution- nels pour la poursuite de l'école. L'abbé Desmarais, de son côté, tra- vaille au sein du Conseil des oeuvres et jouit ainsi de contacts privilégiés avec la FOCCF. En septembre 1940, il monte le projet d'une école de service social au cadre institutionnel laïc et obtient une subvention de la FOCCF ainsi que des catholiques anglophones (FOCCF, 1932-1940, Conseil d'administration 16 octobre 1939 et Assemblée annuelle, 6 novembre 1939). Sollicité par Marie Gérin-Lajoie pour arbitrer entre les différents projets d'école, le nouvel archevêque M&r Charbonneau tranche en faveur de l'abbé L. Desmarais et d'une solution universi- taire35. Celui-ci détermine donc sa conception d'un programme de cours et installe son école dans des locaux prêtés par l'Université36. Huit étudiantes en première année du Cours de service social, parmi lesquelles Marie Gérin-Lajoie à la fois étudiante et enseignante, y entrent en deuxième année37. L'École catholique de service social est née. Marie Gérin-Lajoie y est encore responsable d'un cours, mais en 1941-1942 elle est probablement remplacée par une autre professeure38. Elle n'enseignera plus que comme vacataire à l'École «d'en bas» de l'abbé Desmarais. Lors de la mise sur pied de la formation « rivale » en «service social administratif et industriel» faite dans le cadre académique des «relations industrielles» («École d'en-haut»), elle prêtera encore son concours au directeur qu'elle connaît, le Père jésuite Bouvier. Mais, en novembre 1948, lors de la fusion forcée des deux écoles, elle est écartée par le nouveau directeur, le Père dominicain Guillemette, au profit de son homologue laïque de « l'École d'en bas », Mlle Marchand. Dès lors, elle reporte son action formative sur l'École d'action sociale « propre à atteindre, en particulier les religieuses, les

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 17: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 229

personnes qui tout en étant occupées le jour aimeraient disposer de leur loisir pour s'initier au service social ». Car Marie Gérin-Lajoie persiste à penser que le service social n'est pas «une carrière où Ton a besoin uniquement de professionnels»39. En 1959, cette école deviendra l'École d'auxiliaires sociaux qui évoluera, plus tard, vers la formation collégiale des techniciens en assistance sociale.

Les raisons qui font le recul du modèle de service social défendu par Marie Gérin-Lajoie et la mise à l'écart de celle-ci comme enseignante de l'École de service social sont multiples. Tout d'abord, il faut rappeler la question des générations. En 1940, Marie Gérin-Lajoie a 50 ans. Il faut certes souligner son esprit pionnier, son ouverture d'esprit et sa curiosité intellectuelle - qui font, par exemple, qu'elle n'hésite pas à se rasseoir sur les bancs d'études du cours et de l'École de service social afin d'apprendre ce qu'est le service social moderne. Mais son âge et son statut de « révérende mère supérieure » donne d'elle une image qui ne saurait faire d'elle un modèle pour les jeunes femmes laïques qui pen- sent à assurer leur avenir professionnel sans connaître les préoccupa- tions similaires, mais les réponses différentes, de Marie Gérin-Lajoie un quart de siècle plus tôt.

Ensuite, il y a la position fragile de la religieuse qu'est Marie Gérin- Lajoie dans la hiérarchie catholique masculine. Quel est le poids que peuvent avoir les projets d'une religieuse face à un projet porté par l'administration de l'archevêché? Même si, Marta Danylewicz ou Michèle Jean montrent la finesse et les stratégies par lesquelles les reli- gieuses arrivent souvent à réaliser, malgré les oppositions hiérarchiques, leurs projets, nous postulons que Marie Gérin-Lajoie, mise en opposi- tion avec des projets portés par des hommes n'avait guère de chance de faire prévaloir son point de vue (Danylewicz, 1983, p. 245-270; Jean, 1983, p. 149,169).

Il faut aussi prendre en compte, après la poussée des années 30, l'essoufflement du modèle de société porté par les élites traditionalistes, l'École sociale populaire et les Jésuites. Dans la vision traditionnelle, l'Église est porteuse

d'une mission historique et sociale [ . . . ] qui se traduit, sur le plan de l'assistance, par une philosophie qui affirme la primauté du but spiri- tuel, pour lequel forces laïques et religieuses sont indissociables et où l'intervenante sociale doit vivre son travail «comme une vocation apostolique ». (Linteau et al., p. 97-98)

Avec la guerre, corporatisme et anticommunisme deviennent suspects de fascisme et l'Église doit mettre « au rencard tous ces projets ». Au con- traire, l'urbanisation fait éclater le cadre d'encadrement paroissial de l'Église. Ainsi une nouvelle conception des rôles respectifs de l'Église et des laïcs se fait jour. Les Dominicains créent des organismes qui remet- tent en cause la subordination des exigences de la pensée scientifique à

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 18: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

230 Revue canadienne de service social, volume 1 1 (été)

celles de l'Église. Les organismes d'action catholique spécialisée pro- posent une nouvelle façon d'être catholique. Ils ont une autre vision du rôle des laïcs dont ils défendent, parfois jusqu'à faire scandale, l'auto- nomie. L'École de service social des premières années a de nombreux liens avec l'Action catholique. A Montréal, le nouvel archevêque, M&r Charbonneau soutient les revendications des laïques et se fait remar- quer par ses conflits avec ses collègues plus traditionalistes (Hamelin et Gagnon, 1984, tome 2, p. 21-22, 33, 38, 63, 68-72). Il vient de l'Ontario et, lui aussi, conçoit le service social d'une manière proche du modèle américain. Il « parachute » dans le diocèse de Montréal le Père domini- cain A. Guillemette qu'il fait venir des milieux sociaux ontariens. Avec le Père Bouvier, on peut estimer que Marie Gérin-Lajoie et son modèle sont alors devenus « peut-être [ . . . ] trop catholique [s] » (Groulx, 1980, p. 24).

Enfin, l'on peut se demander dans quelle mesure un modèle original au Québec francophone pouvait encore avoir quelques chances de s'imposer dans le contexte de l'époque. Le renforcement du modèle du service social et les premiers jalons d'une intervention de l'État au niveau national sont des éléments avec lesquels un modèle de service social inspiré de « l'action sociale » nous semble pouvoir difficilement cohabiter.

Conclusion

Ainsi, pour revenir aux questions posées au début de cet article, il nous semble avoir mis à jour le rôle tout d'abord novateur de Marie Gérin- Lajoie. Mais cet aspect novateur se double d'une volonté d'adapter les « méthodes modernes » étrangères aux spécificités de la société « cana- dienne-française » qui les subordonne aux nécessités du militantisme catholique social qui reste sa motivation première. Certes, les questions et les hésitations qui sont les siennes devant un modèle professionnel évoquent cependant aujourd'hui toute une réflexion qui a été celle du courant communautaire. Mais l'on peut considérer que Marie Gérin- Lajoie, s'est arrêtée, dans sa volonté de réforme à un modèle intermé- diaire entre réseaux de charité traditionnelle et l'institution du service social professionnel. Empêtrée dans sa solution religieuse, elle ne pouvait, dès lors, qu'être assimilée par les « nouveaux novateurs » à des modèles traditionnels tant il est vrai que dans une société qui avait changé, les solutions qu'elle proposait n'étaient plus ni aussi évidentes, ni aussi efficaces. Ce modèle de « l'action sociale » de Marie Gérin-Lajoie nous apparaît néanmoins exemplaire dans la mesure où il nous permet de mieux comprendre comment s'est effectuée, à Montréal, par une succession d'innovations et de glissements partiels dans une genèse con- flictuelle, l'évolution et la rupture entre les deux pôles institutionnels de l'action charitable et le service social.

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 19: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 231

Enfin, et pour revenir à Marie Gérin-Lajoie, il nous faut relever la per- manence de l'intérêt qu'elle a porté aux femmes, et surtout à la promo- tion de leurs conditions de vie : sociales, d'hygiène, financières. C'est d'ailleurs pour des femmes et par des femmes que fonctionne le modèle de « l'action sociale » qu'elle préconise. De même c'est en vue d'une action sociale et éducative des femmes, par des femmes, que sont déter- minées les orientations de la fondation de l'Institut Notre-Dame du Bon- Conseil. Dans ce sens, Marie Gérin-Lajoie est bien la représentante d'un féminisme social, même si, comme sa mère Marie Lacoste-Gérin-Lajoie, elle tente d'intégrer ce féminisme à la doctrine du catholicisme social. C'est parfois au prix de douloureux compromis, comme sur la question du travail des femmes. Ainsi Marie Gérin-Lajoie se soumet, compte tenu de son statut religieux, aux interdits de la hiérarchie catholique, en par- ticulier sur la question du vote des femmes. Dans ce sens, la recherche rapportée ici se veut également une contribution à la mise à jour du rôle des femmes dans l'élaboration du service social et espère avoir permis de mieux comprendre certaines de leurs stratégies qui peuvent peut-être nous paraître aujourd'hui étrangères.

NOTES 1 La FNSJB se rattache déjà à la tradition du catholicisme social à travers l'influence de

la Société des féministes chrétiens de Marie Maugeret (cf. Marie Maugeret, lettre à Marie Lacoste-Gérin-Lajoie, 1896, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, Montréal). Voir aussi Pinard (1976), p. 55-57 et (1983) p. 183-197. Voir aussi les conférences mentionnées (cf. P. Valentin Breton, «Les oeuvres nécessaires», École so- ciale populaire n° 16, 1912, et « L'expérience belge ou leçons pratiques d'action social catholique d'après les causeries à Montréal du R. P. Rutten, O.P. Secrétaire-général de la Fédération des syndicats ouvriers chrétiens et Président de la Fédération des cercles d'études de Belgique », École sociale populaire n° 48-49, 1915; ainsi que « Chronique des Oeuvres, le Cercle d'études Notre-Dame », La Bonne Parole 3, n° 4, juin 1915, p. 3). Plus généralement sur les femmes et le catholicisme social voir Roy (1985).

2 «Si nous reconnaissons l'efficacité des syndicats [ . . . ] il n'en reste pas moins que les oeuvres [ . . . ] purement charitables [ . . . ] sont véritablement sociales » (Gérin-Lajoie, 1919-1920, partie III, p. 28).

3 En fait, il ne peut s'agir que de « l'Office central des oeuvres de bienfaisance » fondé en 1889 par Léon Lefébure qui appartient avec E. Cheysson au mouvement d'ingé- nierie sociale française.

4 Sur 1'« Emergency Bureau» anglophone voir «Notre courrier l'aide donnée aux femmes pendant la crise économique», La Bonne Parole 3, n° 6, août 1915, p. 13; M. Gérin-Lajoie, «Entre Nous», La Bonne Parole 2, n° 10, décembre 1914, p. 1; « Chronique des Oeuvres, Comité de l'assistance par le travail », La Bonne Parole 3, n° 10, novembre 1915, p. 2; et « Une oeuvre splendide », Le Canada , 14 décembre 1914. Sur la coordination des oeuvres, voir « Comité des oeuvres de charité », Chronique des Oeuvres, La Bonne Parole 6, n° 2, avril 1918, p. 2, et n° 3, mai 1918, p. 2; A. Chevalier, «La pratique de la charité (1) », Ie conférence donnée à la réunion des oeuvres de charité, La Bonne Parole 6, n° 3, mai 1918, p. 2-5, et « Un nouvel exposé du "Confiden- tial Exchange". Le fichier d'aide sociale », La Bonne Parole 6, n° 12, février 1919, p. 3-7; Gérin-Lajoie (1914); et Proulx (1975), p. 95. Concernant l'échec de la coordination, voir Gérin-Lajoie (1919-1920), partie III, p. 59. Par ailleurs, d'autres groupes de cha-

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 20: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

232 Revue canadienne de service social, volume 11 (été)

rité ont déjà mis sur pied des services qui travaillent avec leur méthodes propres, telle que la Société Saint-Vincent-de-Paul qui, en 1916, avait eu l'initiative à Montréal de la Société catholique de protection et de renseignements. Néanmoins, cette dernière ne tient pas de fiches (cf. aussi La Bonne Parole 6, n°12, février 1919 et Gérin-Lajoie (1919-1920), partie III, p. 33).

5 Sa conception des « settlements » est plus proche du chanoine Barnett (Angleterre) que de Jane Adams (France). «Ces établissements au milieu de quartier ouvriers, de personnes supérieures sont une source [ . . . ] d'enseignement, de conseils d'aide, d'exemple. [ . . . ] Un établissement de ce genre rayonne sur tout le quartier. [ . . . ] C'est à Londres qu'on voit les plus belles institutions de ce genre». M. Gérin-Lajoie, «Aperçu de la condition économique de la classe ouvrière», 8 mai 1912, cité dans Proulx (1984), p. 11 (la date du texte de Gérin-Lajoie m'a été fournie par Marcienne Proulx en 1990). Elle assimile également les settlements au cadre paroissial : « [les set- tlements] que nous appelerions ici la section paroissial avec sa maison sociale » (Gérin- Lajoie, 1914).

6 «[...] d'autres [curés] disaient qu'ils nous accueilleront lorsque nous aurons pris le petit bonnet», M. Gérin-Lajoie, «Premières gerbes de souvenir 1923-1928», s.d., Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, ainsi que Proulx (1975), p. 114-115.

7 « [Ce] petit incident me fit voir à l'évidence que l'exercice de la charité et de l'action sociale réclament plus que les concours bénévoles » (Gérin-Lajoie, s.d.).

8 Cf. dossier d'érection canonique de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, Archives de l'Institut.

9 Marie Gérin-Lajoie précisera vers la fin de sa vie (1961) que même au débuts du Cer- cle d'études Notre-Dame, elle n'avait pas un perspective claire de vocation religieuse. « Mais [ . . . ] quand vint l'âge de m'orienter, je souhaitais pour former les chefs de file de nos oeuvres sociales, une institution qui assurerait leur avenir » (Gérin-Lajoie, s.d., p. 3). Sa vocation était plus celle d'être dégagée des soucis de famille pour se consacrer aux oeuvres (cf. l'analyse de Dumont, p. 278-285). Néanmoins, il ne faut pas non plus nier que sa vocation est aussi la conséquence de sa ferveur religieuse et de son imprégnation de l'idéologie catholique sociale qui considère l'engagement militant supérieur au mercenariat salarié (idéologie vocationnelle) .

10 C'est en 1911 que, lors d'une retraite, un prédicateur déclare à Marie Gérin-Lajoie que « pour combler cette lacune, il faudrait fonder une communauté nouvelle ».Jean (1977, p. 211-220) relève que cette généralisation des vocations religieuses accom- pagne la mise sur pied d'un modèle particulier au Québec d'assistance sociale, au moins de manière transitoire, comme nous tentons de le démontrer. A peu près à la même époque, il y a l'importation de religieuse française pour répondre de manière similaire aux besoins en infirmières-hygiénistes. Cf. Y. Cohen et M. Gélinas, « Les infir- mières hygiénistes de la ville de Montréal : du service privé au service civique », Histoire sodale/Social History 22, n° 44, novembre 1989, p. 219-246.

11 Selon une tradition familiale rapportée par Pelletier-Baillargeon (1985, p. 247-250) mais dont nous n'avons trouvé nulle autre trace. Le père de Marie s'y serait du reste opposé en disant « Si Monseigneur a des commissions à faire à New York qu'il se trouve un prêtre». Ce projet n'aurait été «sauvé» que parce que son frère et sa fiancée auraient eu besoin d'un chaperon pour se rencontrer à New York.

12 Nous savons qu'en octobre 1920, elle tentera en vain de séjourner à New York afin d'obtenir ces « degrés » (selon son expression) dont, confesse-t-elle, elle aurait besoin dans les oeuvres qu'elle veut entreprendre (M. Gérin-Lajoie, lettre à « Révérende Mère Supérieure [de New York] », octobre 1920, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon- Conseil) . Ce manque de diplôme va par la suite la mettre à plusieurs reprises en porte à faux entre sa promotion d'une formation professionnelle au Québec et le fait qu'elle n'est elle-même pas diplômée. Elle envisagera encore en janvier 1938 (mais son évêque s'y opposera au vu de ses responsabilités envers son ordre) de compléter sa for- mation, allant même jusqu'à s'informer de la possibilité de suivre les cours quasi par

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 21: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 233

correspondance (M. Gérin-Lajoie, lettre à «Monsieur l'abbé Lucine Desmarais», 24 janvier 1938, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil). On peut se demander si la conscience de ce « trou » dans sa formation ne l'amenera pas à masquer ou à minimiser son propre rôle dans les formations qui seront créées plus tard.

13 L'école, préparant les jeunes filles au baccalauréat est plus connue sous le nom qu'elle prendra par la suite : l'Institut Pédagogique. Pour le « Cours préparatoire à l'action sociale », cf. Gérin-Lajoie (1919-1920), outre les parties citées précédemment, « Leçon préliminaire » (sujets et devoirs) et « Première partie : aperçu historique des institu- tions et des doctrines sociales », ainsi qu'un texte rattaché au cours selon une recher- che de février-mars 1972 par A. Biais, archiviste, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, et considéré comme sa deuxième partie sur la base de La Bonne Parole , « Rapport du Cercle d'études Notre-Dame », vol. 8, n° 1 1, novembre 1920, p. 13.

14 Pour décrire les «méthodes modernes de relèvement individuel» qu'elle appelle encore « le relèvement individuel et familiale (Case Work) » dans le Cours prépara- toire de l'action sociale de 1919, Marie Gérin-Lajoie trouve son inspiration dans l'ouvrage Social Diagnosis de Mary Richmond, paru en 1917, qu'elle cite comme référence de la 13e leçon. La description du premier entretien, de l'enquête et de ses sources d'information présente des similitudes avec l'ouvrage de Mary Richmond (Gérin-Lajoie, 1919-1920, partie III, p. de sommaire, 38-51 et p. intitulée 13e cours, copie carbone du cours, ainsi que « Prospectus et programme du "Cours préparatoire à l'action sociale" par M1,e Marie Gérin-Lajoie, B.A. », Annales de l'École d'enseigne- ment supérieur, CND, 1919.

15 Voir aussi les brouillons des cours aux gardes-malades de Sainte-Justine, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil.

16 Marie Gérin-Lajoie essaie d'ailleurs de montrer les rapports entre action sociale et action catholique («Action charitable - Action sociale - Action catholique», texte dactylographié sur la machine à écrire de Marie Gérin-Lajoie portant la mention « Au cercle d'études de l'académie S. Louis de Gonzague», s.d. [début des années 30], et attribué à M. Gérin-Lajoie par les Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil). L'Institut sera reconnu comme organisme «auxiliaire» de l'action catholique (M. Gérin-Lajoie, « Notre rôle d'auxiliaires d'action catholique », La Bonne Parole 20, n° 10, novembre 1932, p. 1-2). Voir aussi Clément (1972).

17 «Programme du sixième congrès de la Fédération national Saint-Jean-Baptiste», La Bonne Parole 19, n° 4, avril 1931, p. 3-5.

18 L'année précédente, au Journées d'études des Cercles d'études, une conférencière avait déjà appelé de ses voeux la réalisation d'une telle école (L. Lefebvre, « Faut-il donner à l'école un enseignement social proprement dit? Causerie donnée par M,,e Louise Lefebvre à la Journée d'étude, à l'Institut Pédagogique », La Bonne Parole 17, n° 9, septembre 1930, p. 4-6). Mais au congrès d'autres conférenciers ont pris position pour un élargissement de l'action professionnelle. A. Chevalier, le directeur de l'Assis- tance municipale met en évidence les besoins de formation pour mieux utiliser les institutions officielles alors que le Dr Baudoin plaide la nécessité d'une association d'infirmières hygiénistes visiteuses canadienne-française et l'utilité de ces profession- nelles (J. Baudoin, «Le milieu familial et la santé de l'enfant», La Bonne Parole 19, n° 12, décembre 1931, p. 12-14). Rappelons qu'il a fondé, depuis 1927 la Fédération des oeuvres de santé, l'ancêtre de la Fédération des oeuvres de charité canadiennes- françaises (cf. FOCCF, 1932-1940 et 1932-1941).

19 Les enseignants ayant participé à l'École d'action sociale sont notamment Léon Gérin et Marie Lacoste-Gérin-Lajoie, Guy Vanier, F. Vézina, E. Montpetit, A. Saint-Pierre, V. Gratton, E. Minville, le Dr J. A. Baudoin, l'historienne M. C. Daveluy, les abbés L. Groulx, J. Gingras, le chanoine Jeanjean et des Jésuites : les Pères Chagnon, Dubois, Fontaine... (Institut Pédagogique, 1931-1932, 1932-1933, 1933-1934, 1934-1935, 1936-1937). M. Gérin-Lajoie, brouillon de lettre à «Mgr Piette», recteur de l'Univer- sité de Montréal, s.d. [été 1931], et sa réponse, Mgr Piette, lettre à «R. Mère Marie

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 22: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

234 Revue canadienne de service social, volume 1 1 (été)

Gérin-Lajoie », 29 août 1931, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil; résumés des cours : rubriques « Les samedis de l'école d'action social », Le Devoir, entre le 28 octobre 1931 et le 3 mars 1932.

20 En particulier par l'intermédiaire de M. Brittle le conseiller technique prêté, dès le 6 janvier 1933, par les « Federated Charities » dont il est le secrétaire (cf. FOCCF, 1932-1940, procès-verbal exécutif, 6 janvier 1933 et FOCCF, 1932-1941, procès-verbaux durant l'année 1933).

21 Rappelons que sa tâche est double : étudier les mérites des oeuvres qui postulent leur admission à la FOCCF mais aussi tenir un fichier central et un bureau de service social dont le Bureau d'assistance aux familles reprendra les tâches en 1938.

22 Alors que sur une photo du cours (Géraud-Stehli, 1990, p. 32) on peut distinguer dans le champ de la photo 96 personnes: 69 religieuses (71 %) et 27 laïques (28 %) il n'y a que 11 religieuses et 4 laïques à recevoir un diplôme en 1932 (Graduées et examens : « S. E. Mgr Deschamps préside l'ouverture du Cours. . . », Le Devoir, 8 octobre 1932). Le programme avec spécialisation commence dès l'automne 1932 alors que l'on voit disparaître les cours universitaires du programme (Institut Pédagogique, 1932-1933 et 1933-1934). Dès 1935, il n'est plus fait mention dans les programmes du cours à notre disposition.

23 Si l'on compte une quinzaine de bachelières par année, il ne doit guère y en avoir plus de 300. Si l'on se tient à la moyenne annuelle des bachelières entre 1908 et 1954, soit 32 (certainement inférieur car un seul collège n'existe alors) c'est au grand maximum 700 bachelières sur lesquelles peuvent compter les milieux francophones de Montréal (cf. F. Descarries-Bélanger, L'école rose et les cols roses , Montréal, Saint-Martin, 1980, p. 32).

24 Selon un témoigne de l'époque, Sr Anna Vandandaigue (entretien réalisé en 1990) . 25 Cf. en 1936, la notation de la secrétaire générale de l'Union catholique internationale

du service social : « Les documents [ . . . ] nous ont bien intéressés. [ . . . ] Préparez-vous de la sorte des travailleuses sociales tout à fait à la hauteur - comme le font les Schools of Social Work américains? Nous nous demandons si le Canada a vraiment une École Catholique de Service Social tout à fait complète. Nous croyons qu'une telle école est indispensable » (lettre de Mlle E. Baers, secrétaire de l'Union catholique internationale de service social, à Marie Gérin-Lajoie, Bruxelles, 23 janvier 1937, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil) .

26 Ainsi, sur les onze religieuses diplômées de l'École d'action sociale, en 1932, seules quatre appartiennent à d'autres congrégations (« S. E. Mgr Deschamps préside l'ouver- ture du Cours. . . », Le Devoir, 8 octobre 1932).

27 Ainsi, en fin 1934, le Col. De Martigny est invité à la « National Conference of Social Work » de New York. En début 1935, un membre est invité à l'assemblée annuelle du «Montreal Council of Social Agencies» (FOCCS, 1932-1941, en particulier le 15 dé- cembre 1933 et le 18 décembre 1933; et FOCCS, 1932-1940, en particulier le 4 janvier 1934 et le 8 février 1935).

28 FOCCF (1932-1940), 18 février 1935; FOCCF (1932-1941), 10 février 1937, 14 décem- bre 1937 et 8 février 1938, p. 165, 186, 206; lettre attribué à M. Gérin-Lajoie à la Fédération des oeuvres de charité, 28 février 1935, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil.

29 « Minimum Curriculum as Adopted at December 1932 Meeting of the American Asso- ciation of Schools of Social Work », A. P. L. Groulx.

30 M. Gérin-Lajoie, lettres à « Reverend Father Fortier, dean, School of Sociology and Social Service, Fordham University», 5 décembre 1937 et à «Mademoiselle M. Baers, secrétaire générale de l'Union catholique internationale du service social », 26 décem- bre 1937, dossier École de service social; lettre à M81" Gauthier, s.d. [fin juillet 1938]; « Mémoire concernant l'École d'éducation familiale et sociale », attribué à M. Gérin- Lajoie, s.d. [1937], Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil.

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 23: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 235

31 «Élèves du Cours de service social», liste dactylographiée avec surcharges manus- crites, S.I., s.d.; Mgr Gauthier, lettre à Rév. Mère Marie Gérin-Lajoie, 23 août 1938, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil.

32 Argument que développe à nouveau l'abbé L. Desmarais quelques années plus tard, reprenant cette expression dans le mémoire qu'il présente à la FOCCF (FOCCF, 1932-1940, 4juin 1940 et 18 septembre 1940, p. 319 et 329).

33 L. Desmarais rend visite pour la première fois à Marie Gérin-Lajoie en janvier 1937 ou 1938, date après laquelle circule parmi les soeurs de l'Institut la nouvelle d'un projet plus complet d'école de service social (entretien avec Sr A. Vandandaigue) . Si c'est en 1937, Marie Gérin-Lajoie a été associée au projet dès son origine. Si c'est en janvier 1938, il s'agit alors d'une coordination établie après coup. La correspondance des années 1938-1939 entre Marie Gérin-Lajoie, L. Desmarais et Mgr Gauthier montre les initiatives, mais aussi les concessions de celle-ci. Cf. dans les Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil les lettres de L. Desmarais à Marie Gérin-Lajoie du 14 jan- vier 1938, du 19 février 1938, et du 22 mars 1938; lettre de Mgr Gauthier à Marie Gérin- Lajoie du 23 août 1938; lettre de Marie Gérin-Lajoie à L. Desmarais du 24 janvier 1938; lettres de Marie Gérin-Lajoie à M81" Gauthier du 18 août 1938, du 12 mai 1939 et du 14 août 1939; lettre de Marie Gérin-Lajoie à la « Catholic University of America », s.d. [août 1939]; lettres de Marie Gérin-Lajoie à M,Ie Baers du 16 juillet 1938 et du 25 août 1938; courrier de M,,e Baers du 4 août 1938 et du 5 août 1938; lettre de Marie Gérin- Lajoie à Clara McDonnell du 8 mai 1938; lettre du Rév. L. Lauermann à Marie Gérin- Lajoie du 25 août 1938; et dans les archives de la Chancellerie de l'archidiocèse de Montréal, dossier n° 831-121, lettre de L. Desmarais à Mgr Gauthier du 16 août 1939.

34 «Élèves du Cours de service social», liste dactylographiée avec surcharges manus- crites, s.l., s.d., Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil; ainsi que FOCCF (1932-1940), Conseil d'administration 16 octobre 1939 et Assemblée annuelle 6 novembre 1939.

35 M. Gérin-Lajoie, lettre à Mgr J. Charbonneau, 11 septembre 1940 etj. Charbonneau, lettre à M. Gérin-Lajoie, 16 septembre 1940, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon- Conseil.

36 Comme le montre la comparaison entre la proposition de programme attribuée à Marie Gérin-Lajoie («Programme de l'École de service social 1940-41 », document dactylographié s.l., s.d., Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil) et le pro- gramme des cours retrouvé dans les archives de l'école (« Programme 1940-41 », Mont- réal, 1940, A. P. L. Groulx). Pour les locaux voir « Éphémérides 1940, Annuaire 42-43 École des H.E.C, de Montréal », p. 57, archives de l'École des HEC, Montréal.

37 M. Gérin-Lajoie, lettre au Père Bouvier, 3 mars 1947, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil; ainsi qu'une comparaison pouvant être menée entre: «Liste des anciens élèves qui ont suivi deux ans de scolarité à l'École de service social de l'Univer- sité de Montréal », s.l., s.d., Fonds Père Bouvier, ASJCF St-Jérôme et « Élèves du Cours de service social », s.l., s.d., Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil.

38 Cf. listes de la note précédente ainsi que «Carte d'étudiante de Mère Marie Gérin- Lajoie», Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil. Pour son statut de pro- fesseur voir « Programme 1940-41 », p. 4.

39 En ce qui concerne les deux formations parallèles en service social ayant existé à Montréal entre 1945 et 1948, voir Groulx et Poirier. La nomination de Marie Gérin- Lajoie comme titulaire de la chaire du « service social et ses techniques » à la section des Relations Industrielles est confirmée par le Conseil de Faculté le 29 janvier 1946 (extrait du procès-verbal de réunion du Conseil à la Faculté des sciences sociales économiques et politiques, 29 janvier 1946, ASJCF, St-Jérôme, Fonds Émile Bouvier). Pour son congédiement ainsi comme référence de la citation, voir M. Gérin-Lajoie, let- tre au Père Bouvier, 8 décembre 1949, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon- Conseil.

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 24: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

236 Revue canadienne de service social, volume 1 1 (été)

RÉFÉRENCES Clément, G. Histoire de l'Action catholique au Canada français , Montréal, Fides,

1972. Comité de coordination du centenaire de Marie Gérin-Lajoie. Guide d'anima-

tion , Montréal, Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, 1989. Copp, T. The Anatomy of Poverty , Toronto, McClelland Sc Stewart, 1974. Danylewicz, M. « Une nouvelle complicité : féministes et religieuses à Montréal,

1890-1925 » dans M. Lavigne et Y. Pinard, Travailleuses et féministest 1983, p. 265-268.

Denault, H. «L'insertion du service social dans le milieu canadien français», Service sodai 10, n° 3-11, n° 1, octobre 1961-avril 1962, p. 1-29.

Fédération des oeuvres de charité canadienne-françaises (FOCCF), Préds des délibérations du 12 décembre 1932 au 20 décembre 1940 , Montréal, Archives de la Fondation Centraide, boites nos 2 et 5.

Fédération des oeuvres de charité canadienne-françaises (FOCCF), Minutes du Comité des budgets 1932-1941 , Montréal, Archives de la Fondation Cen- traide, boites nos 2 et 5.

Gérin-Lajoie, M. (sous le pseudonyme de Justine Hardel). «Causerie d'oeuvre (l'Office central des oeuvres de charité) », La Bonne Parole 1, n° 12, février 1914, p. 5-7.

Gérin-Lajoie, M. Cours préparatoire à l'action sodale , Archives de l'Institut Notre- Dame du Bon-Conseil, 1919-1920.

Gérin-Lajoie, M. «L'action sociale et la formation qu'elle exige», La Bonne Parole 19, n° 11, novembre 1931, p. 3-5.

Gérin-Lajoie, M. « Les belles perspectives du service social », La Bonne Parole 27, n° 3, mars 1938, p. 1-3.

Gérin-Lajoie, M. « Conférence aux novices sur les origines de la congrégation », document enregistré, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, novembre 1961.

Gérin-Lajoie, M. «Pourquoi? Comment?», notes au brouillon, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, s.d.

Géraud-Stehli, F. « L'occultation de la religieuse » dans Comité de coordination du centenaire de Marie Gérin-Lajoie, Il était une fois , Montréal, Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, 1990.

Géraud-Stehli, F. «Rôle et action formative de Marie Gérin-Lajoie dans le développement du service social», mémoire de maîtrise se. en service social, Université de Montréal, 1992.

Groulx, L. « Entretien avec le Père Bouvier », transcription d'un entretien enre- gistré, A. P. L. Groulx, 20 décembre 1980.

Groulx, L. et C. Poirier. «Histoire de l'École de service social de Montréal», Intervention n° 69, 1984, p. 67-82.

Hamelin, J. et N. Gagnon. Histoire du catholicisme québécois , vol. 3 Le XXe siècle , tomes 1 et 2, Montréal, Boréal Express, 1984.

Institut Notre-Dame du Bon-Conseil (INBC), «Prospectus et programme du Cours de service social année 1939-1940 sous le Haut Patronage de Son Excellence Monseigneur Gauthier», Archives de l'Institut, s.d. [automne 1939].

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

Page 25: History of Social Work in Canada / Histoire du travail social au Canada || À MONTRÉAL DE 1910 À 1940, ENTRE CHARITÉ ET SERVICE SOCIAL: Marie Gérin-Lajoie et le modèle de l'action

Canadian Social Work Review, Volume 1 1 (Summer) 237

Institut Pédagogique, « Programme et prospectus de l'École d'action sociale », Montréal, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, 1931-1932, 1932-1933, 1933-1934, 1934-1935, 1936-1937.

Jean, M. Évolution des communautés religieuses de femmes au Canada de 1639 à nos jours , Montréal, Fides, 1977.

Jean, M. «L'enseignement supérieur des filles et son ambiguïté: le Collège Marie-Anne, 1932-1958 », dans N. Fahmy-Eid et M. Dumont, Maîtresses de maison , maîtresses d'école , Montréal, Boréal Express, 1983.

Larivière, C. « Crise économique et contrôle social (1929-1937) : le cas de Mont- réal», mémoire de maîtrise, École de service social, Université de Mont- réal, 1976.

Leroy, H.-J. « De l'éducation du sens social », École sodale populaire n° 3, 191 1. Linteau, P. A., R. Durocher et J. C. Robert. Histoire du Québec contemporainf Mont-

réal, Boréal Express, 1989. Paquin, M. A. « Bibliographie de Révérende Mère Marie Gérin-Lajoie », thèse

de maîtrise, École de bibliothécaire, Université de Montréal, Archives de l'Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, s.d. [1929?].

Pelle tier-Baillargeon, H. Marie Gérin-Lajoie. De mère en fille la cause des femmes , Montréal, Boréal Express, 1985.

Pinard, Y. Le féminisme à Montréal au commencement du XXe siècle , Université du Québec à Montréal, 1976.

Pinard, Y et M. Lavigne, éds. Travailleuses et féministes : les femmes dans la société québécoise , Montréal, Boréal Express, 1983.

Proulx, M. «L'action sociale de Marie Gérin-Lajoie 1910-1925», mémoire de maîtrise en théologie, Université de Sherbrooke, 1975.

Proulx, M. «Les femmes et le travail chez Marie Gérin-Lajoie», texte ronéoté d'une conférence donnée aux Soeurs de Notre-Dame du Bon-Conseil, 28 avril 1984.

Routhier, G. « L'ordre du Monde capitalisme et communisme dans la doctrine de l'École sociale populaire 1930-1936», Recherche sociologique 12, n° l,jan- vier-avril 1981, p. 7-47.

Roy, M.-A. « Les femmes et la pensée sociale de l'Église : analyse du discours de l'École sociale populaire sur la condition des femmes au Québec entre 1911-1939», mémoire dipi, sociol. des religions de l'École des hautes études en sciences sociales, Paris, 1985.

Saint-Pierre, A. « Questions et oeuvres sociales de chez nous », École sodale popu- laire , Montréal, 1914.

Saint-Pierre, A. «Léon Gérin, un disciple canadien de Frédéric Le Play», Revue trimestrielle canadienne 39, 1953.

This content downloaded from 62.122.79.78 on Mon, 16 Jun 2014 08:20:32 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions