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Chapitre 2 Homologie des complexes simpliciaux 2.1. Homologie mod 2 Définition 2.1.1. Soit (V,K) un complexe simplicial et n un entier. On note C n (K, F 2 ) le F 2 -espace vectoriel libre sur l’ensemble des simplexes de dimension n dans K. On l’appelle l’espace des chaînes de degré n à coe- cients dans F 2 . Notez qu’on a C n (K, F 2 )=0 pour n< 0 ou pour n> dim K. On va fréquemment faire des abbréviations, en écrivant simplement C n (K) voire C n si le complexe que l’on considère est évident à un moment donné. Exemple 2.1.2. Prenons S 1 . Alors il y a trois simplexes de dimension 1 (des arêtes), à savoir {0, 1}, {1, 2}, {2, 0}. Une chaine de degré 1, c’est-à-dire un élément de C 1 (S 1 , F 2 ), est donc une somme formelle de la forme 0 {1, 2} + 1 {0, 2} + 2 {0, 1} avec i =0 ou 1. On peut penser à une chaîne, de manière intuitive, comme à un sous-complexe (même si formellement ça n’est pas la même chose) : par exemple {0, 1} + {1, 2} peut se représenter comme l’union de deux des trois arêtes. L’addition correspond alors à la diérence symétrique des complexes (c’est-à-dire l’opération AΔB := A B A B que vous avez sans doute déjà rencontrée). Voir la figure 2.1 pour un exemple non trivial d’addition de deux chaînes sur S 2 . 34

Homologie des complexes simpliciaux - unistra.frirma.math.unistra.fr/~guillot/cours/topo-M2-chap2.pdf · 2019. 10. 29. · Homologie des complexes simpliciaux 2.1. Homologie mod 2

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  • Chapitre 2

    Homologie des complexes

    simpliciaux

    2.1. Homologie mod 2

    Définition 2.1.1. Soit (V, K) un complexe simplicial et n un entier. Onnote Cn(K, F2) le F2-espace vectoriel libre sur l’ensemble des simplexes dedimension n dans K. On l’appelle l’espace des chaînes de degré n à coe�-cients dans F2.

    Notez qu’on a Cn(K, F2) = 0 pour n < 0 ou pour n > dim K.

    On va fréquemment faire des abbréviations, en écrivant simplement Cn(K)voire Cn si le complexe que l’on considère est évident à un moment donné.

    Exemple 2.1.2. Prenons S1. Alors il y a trois simplexes de dimension 1 (desarêtes), à savoir {0, 1}, {1, 2}, {2, 0}. Une chaine de degré 1, c’est-à-dire unélément de C1(S1, F2), est donc une somme formelle de la forme

    ⁄0{1, 2} + ⁄1{0, 2} + ⁄2{0, 1}

    avec ⁄i = 0 ou 1. On peut penser à une chaîne, de manière intuitive, commeà un sous-complexe (même si formellement ça n’est pas la même chose) : parexemple {0, 1} + {1, 2} peut se représenter comme l’union de deux des troisarêtes.

    L’addition correspond alors à la di�érence symétrique des complexes(c’est-à-dire l’opération A�B := A fi B ≠ A fl B que vous avez sans doutedéjà rencontrée). Voir la figure 2.1 pour un exemple non trivial d’additionde deux chaînes sur S2.

    34

  • Figure 2.1. L’addition de deux chaînes sur S2

    Définition 2.1.3. On définit l’opérateur bord ˆn : Cn(K, F2) ≠æ Cn≠1(K, F2)en spécifiant sa valeur sur chaque simplexe ‡ :

    ˆn‡ =ÿ

    vœ‡(‡ r {v}) .

    Évidemment, ceci n’a de sens qu’en vertu du fait que ‡ r {v} est encoreun simplexe.

    Exemple 2.1.4. En revenant à l’exemple de S1, on a

    ˆ1{0, 1} = {0} + {1} .

    Souvent on écrit ˆ au lieu de ˆn lorsque le n est évident. Par exemple, voiciun autre calcul :

    ˆ({0, 1} + {1, 2} + {2, 0}) = 2({0} + {1} + {2}) = 0 ,

    car 2 = 0.

    Le lemme suivant est fondamental.

    Lemme 2.1.5. On a ˆ2 = 0, ou plus précisément, pour tout n on a

    ˆn≠1 ¶ ˆn = 0 .

    Démonstration. Soit ‡ un simplexe de dimension n, alors

    ˆn≠1 ¶ ˆn(‡) = ˆn≠1

    Aÿ

    vœ‡‡ r {v}

    B

    35

  • =ÿ

    vœ‡

    ÿ

    wœ‡r{v}‡ r {v, w}

    = 2ÿ

    {v,w}µ‡

    ‡ r {v, w}

    = 0 ,

    car 2 = 0.

    Définition 2.1.6. Posons Zn = Zn(K, F2) = ker(ˆn), le groupe des cyclesen degré n, et Bn = Bn(K, F2) = Im(ˆn+1), le groupe des bords en degré n.Puisque Bn µ Zn d’après le lemme précédent, on peut poser :

    Hn(K, F2) = Zn/Bn ,

    le groupe d’homologie (simpliciale) de K en degré n.Le nombre —n = dim Hn(K, F2) s’appelle le nombre de Betti de K en

    dimension n.

    Exemple 2.1.7. Prenons K = S1, et calculons son H1. Puisqu’il s’agit làd’un complexe de dimension 1, on a H1 = Z1 = ker(ˆ1). En prenant labase {1, 2}, {0, 2}, {0, 1} pour C1 et {0}, {1}, {2} pour C0, la matrice de ˆ1est Q

    a0 1 11 0 11 1 0

    R

    b .

    On calcule immédiatement que le noyau est de dimension 1, engendré par {1, 2}+{0, 3} + {0, 1}. On résume la situation en écrivant

    H1(S1, F2) = F2 .

    Si on regarde maintenant �2, il s’agit presque du même complexe saufque l’on a un simplexe de dimension 2, à savoir ‡ = {0, 1, 2}. Donc C2(�2)est de dimension 1, engendré par ‡. Par ailleurs

    ˆ‡ = {1, 2} + {0, 3} + {0, 1} .

    Dans ce cas, on a donc B1(�2) = Z1(�2) = l’espace engendré par {1, 2} +{0, 3} + {0, 1}. On en conclut que

    H1(�2, F2) = 0 .

    36

  • Exemple 2.1.8. On peut généraliser l’exemple précédent, en raisonnantun peu di�éremment. On considère Sn, pour n Ø 1, et on veut montrerque Hn(Sn, F2) = F2. Ici Hn = Zn, donc il faut calculer le noyau de ˆn. Soitdonc

    c =ÿ

    ⁄‡‡ ,

    où ‡ parcourt les simplexes de dimension n, c’est-à-dire les parties à n + 1éléments de {0, 1, . . . , n + 1}. Bien sûr on peut écrire

    ˆ(c) =ÿ

    ⁄‡ˆ(‡) =ÿ

    ·

    µ· ·

    où · parcourt les (n ≠ 1)-simplexes, c’est-à-dire les parties à n élémentsdu même ensemble. On fait alors une remarque simple : pour chaque · ={0, . . . , n+1}≠{a, b}, il existe exactement deux simplexes tels que · apparaîtdans leurs bords, à savoir ‡1 = {0, . . . , n+1}≠{a} et ‡2 = {0, . . . , n+1}≠{b}.On a donc

    µ· = ⁄‡1 + ⁄‡2 .Si on suppose que ˆ(c) = 0, ceci signifie que ⁄‡1 = ⁄‡2 à chaque fois que ‡1et ‡2 ont une face de dimension n ≠ 1 en commun. Mais en fait, n’importequels simplexes ‡1 et ‡2 avec ‡1 ”= ‡2 ont toujours une telle face en commun(mini-exercice de dénombrement !).

    Ainsi, la condition ˆ(c) = 0 entraîne que tous les coe�cients ⁄‡ sontégaux, et

    c = ⁄ÿ

    ‡ .

    Réciproquement, si c est de cette forme, alors ˆ(c) = 0 par le même argu-ment. Finalement, on a bien montré que Hn(Sn, F2) est de dimension 1.

    De même que dans le cas n = 1, on constate que Hn(�n+1, F2) =0, car le bord du simplexe supplémentaire {0, 1, . . . , n + 1} est

    q‡ ‡ (ce

    qui re-démontre que le bord de celui-ci est 0, étant donné que ˆ2 = 0),d’où Zn(�n+1) = Bn(�n+1).

    Exemple 2.1.9. On peut demander à Sage de calculer les groupes d’ho-mologie pour nous :sage: S2= simplicial_complexes.Sphere(2)sage: S2.homology(base_ring= GF(2))

    {0: Vector space of dimension 0 over Finite Field of size 2,1: Vector space of dimension 0 over Finite Field of size 2,2: Vector space of dimension 1 over Finite Field of size 2}

    37

  • Voici comment comprendre la réponse. La dernière ligne nous dit queH2(S2, F2) est de dimension 1, comme on vient de le démontrer ; la ligneprécédente nous dit que H1(S2, F2) = 0. Par contre, attention, la premièreligne ne donne pas dim H0(S2, F2) comme on pourrait le penser, mais bel etbien dim H0(S2, F2) ≠ 1. Nous explorerons ceci dans les exercices, mais engros, la raison est que dim H0(K, F2) Ø 1 pour tout K, même pour un Ksans intérêt comme un complexe réduit à un point ; or on voudrait que lesgroupes d’homologie soient triviaux pour les complexes triviaux, donc onchoisit parfois d’étudier les « nombres de Betti réduits », qui par définitionsont les mêmes que les nombres de Betti normaux sauf en dimension 0 oùon enlève 1 !

    Pour obtenir de Sage des cycles particuliers dont les classes d’homologieforment une base du groupe considéré, il faut demander poliment :sage: H= S2.homology_with_basis(GF(2)); HHomology module of Minimal triangulation of the 2-sphere over FiniteField of size 2

    sage: B= H.basis(); BFinite family {(2, 0): h_{2,0}, (0, 0): h_{0,0}}

    Ici h2,0 est le générateur de H2(S2, F2) (si la dimension était d + 1 ily aurait h2,0, h2,1, . . . , h2,d). De même h0,0 est le générateur de H0(S2, F2)(preuve que Sage sait bien que ce groupe n’est pas le groupe nul). Ensuite :sage: h= B[(2,0)]sage: h.to_cycle()(0, 1, 2) + (0, 1, 3) + (0, 2, 3) + (1, 2, 3)

    Dans ce cas précis H2(S2, F2) = Z2(S2, F2), donc les classes d’homologiesont des cycles (et non pas des classes de cycles modulo des bords), doncla réponse de l’ordinateur était prévisible (et c’est bien sûr le cycle que l’onavait trouvé à la main). Dans d’autres situation, les cycles trouvés par Sagepeuvent être di�érents de ceux que l’on obtiendrait par d’autres méthodes,puisqu’il doit choisir un représentant à chaque fois (sans compter, évidem-ment, qu’un espace vectoriel donné possède bien des bases di�érentes).

    Dans la suite, si ‡ = {v0, . . . , vn} est un simplexe de K, nous noteronssouvent Èv0, . . . , vnÍ pour le même ‡ mais vu comme un élément de Cn(K, F2).À vrai dire, dans la section suivante que nous ne verrons pas au tableau,on va définir Cn(K, k) pour tout anneau k, et nous allons introduire dessymboles Èv0, . . . , vnÍ avec des propriétés telles que Èv1, v0Í = ≠Èv0, v1Í ;lorsque k = F2, on ne voit pas ces signes, et la situation redevient commeci-dessus.

    38

  • Une autre notation classique en topologie est

    Èv0, . . . , v̂i, . . . , vnÍ := Èv0, . . . , vi≠1, vi+1, . . . , vnÍ .

    (On indique par v̂i le fait que vi a été supprimé – on s’y habitue très vite !)Avec cette notation, on a

    ˆÈv0, . . . , vnÍ =nÿ

    i=0Èv0, . . . , v̂i, . . . , vnÍ .

    2.2. Homologie (cas général)

    Soit k un anneau commutatif quelconque (typiquement, on aura k = Fpou k = Z).

    On veut définir l’homologie à coe�cient dans k, et nous commençonspar des commentaires intuitifs. En travaillant modulo 2, le bord d’un sim-plexe ‡ = {v0, v1, v2} de dimension 2, c’est-à-dire ˆ‡, était défini comme{v0, v1} + {v1, v2} + {v2, v0}. C’est, en gros, ce qu’on a e�ectivement envied’appeler le bord au sens intuitif, « en tant qu’ensemble ». Mais on pourraitexiger plus, et essayer de définir le bord « comme une courbe », donc avecun sens de parcours.

    Utilisons la notation Èvi, vjÍ pour désigner intuitivement « l’arête {vi, vj}parcourue de vi vers vj », et la notation Èv0, v1, v2Í pour « le triangle {v0, v1, v2}orienté de sorte que le sens direct (trigonométrique) aille de v0 à v1 à v2, etpuis de nouveau à v0 ». On a alors envie de dire que le bord du triangle est

    ˆÈv0, v1, v2Í = Èv0, v1Í + Èv1, v2Í + Èv2, v0Í .

    Vient ensuite une idée très algébrique : un simplexe n’a que deux orien-tations possibles, finalement, de même qu’un espace vectoriel n’a que deuxorientations, et on trouverait naturel que, formellement, on ait des relationstelles que Èvi, vjÍ = ≠Èvj , viÍ. En gros, remplacer les orientations par desimples signes paraît séduisant. La formule ci-dessus deviendrait

    ˆÈv0, v1, v2Í = Èv0, v1Í + Èv1, v2Í ≠ Èv0, v2Í .

    Chose qui peut paraître surprenante à ce stade, nous allons réussir à for-maliser tout ça. La formule pour ˆ va même être d’une simplicité qui estpresque contre-intuitive – ici nous pouvons tirer notre chapeau aux premiersmathématiciens qui ont mis « les signes au bon endroit ». Sauf qu’à la ré-flexion, il y a un moyen de tricher : si on croit que les orientations peuvent

    39

  • devenir des signes, et que ˆ2 = 0, alors il n’y a qu’une seule façon de définir ˆ(sauf à le remplacer par ≠ˆ, ce qui ne changerait pas nos fameux groupesd’homologie). Voici comment on fait.

    Définition 2.2.1. Soit (V, K) un complexe simplicial. On définit ÂCn(K, k)comme le k-module libre sur l’ensemble des n-uplets (v0, . . . , vn) œ V n+1tels que {v0, . . . , vn} est un simplexe de K. Ensuite on note Un pour lesous-module de ÂCn(K, k) engendré par tous les éléments de la forme

    (v0, . . . , vn) ≠ Á(s)(vs(0), . . . , vs(n)) ,

    où s est une permutation de {0, . . . , n} et Á(s) est sa signature. Enfin, onpose

    Cn(K, k) = ÂCn(K, k)/Un ,

    et l’image de (v0, . . . , vn) par l’application quotient ÂCn(K, k) ≠æ Cn(K, k)est notée Èv0, . . . , vnÍ.

    Dans Cn(K, k), on a donc la relation

    Èv0, . . . , vnÍ = Á(s)Èvs(0), . . . , vs(n)Í

    pour chaque simplexe orienté, qui par définition est un élément de la formeÈv0, . . . , vnÍ où {v0, . . . , vn} est un simplexe. Par exemple Èv0, v1Í = ≠Èv1, v0Í.On note que chaque simplexe définit exactement deux simplexes orientés,puisque la signature d’une permutation ne peut prendre que deux valeurs ±1(à une exception près : en dimension 0, il n’y a qu’une seule orientation).

    Par définition, si E est un k-module, alors pour définir une applica-tion linéaire f : Cn(K, k) ≠æ E il est nécessaire et su�sant de définirÂf : ÂCn(K, k) ≠æ E ayant la propriété

    Âf(v0, . . . , vn) = Á(s) Âf(vs(0), . . . , vs(n)) ,

    à chaque fois que {v0, . . . , vn} est un simplexe, et que s est une permutation.

    Lemme 2.2.2. On suppose que K est un complexe ordonné (voir la défini-tion 1.4.3). Chaque simplexe ‡ œ K définit un simplexe ordonné canonique

    ‡+ = Èv0, . . . , vnÍ

    où ‡ = {v0, . . . , vn} et vi Æ vi+1. Alors pour chaque n le module Cn(K, k)est libre, avec pour base les simplexes orientés ‡+, où ‡ parcourt l’ensembledes simplexes de dimension n.

    40

  • Démonstration. Exercice facile.

    Lemme 2.2.3. Soit K un complexe simplicial et n un entier. Il existe unhomomorphisme

    ˆn : Cn(K, k) ≠æ Cn≠1(K, k)

    tel queˆnÈv0, . . . , vnÍ =

    ÿ

    i

    (≠1)iÈv0, . . . , v̂i, . . . , vnÍ

    pour chaque simplexe orienté Èv0, . . . , vnÍ.

    Démonstration. On pose

    Â̂n(v0, . . . , vn) =

    ÿ

    i

    (≠1)iÈv0, . . . , v̂i, . . . , vnÍ ,

    ce qui donne un homomorphisme bien défini ÂCn(K, k) ≠æ Cn≠1(K, k), et ilnous faut vérifier que

    Â̂n(v0, . . . , vn) = Á(s) Â̂n(vs(0), . . . , vs(n))

    pour toute permutation s. Comme le groupe symétrique est engendré par lestranspositions (j, j + 1), ce que nous allons vérifier c’est que pour tout j ona l’identité

    Â̂n(v0, . . . , vj , vj+1, . . . , vn) = ≠ Â̂n(v0, . . . , vj+1, vj , . . . , vn) . (*)

    Pour i < j on a bien sûr

    (≠1)iÈv0, . . . , v̂i, . . . , vj , vj+1, . . . , vnÍ = ≠(≠1)iÈv0, . . . , v̂i, . . . , vj+1, vj , . . . , vnÍ ,

    par les propriétés du symbole È Í. De même pour i > j + 1. Il reste deuxtermes dans la définition de Â̂n(v0, . . . , vj , vj+1, . . . , vn) qu’il faut considérerensemble, pour i = j et i = j + 1, donc écrivons

    (≠1)jÈv0, . . . , v̂j , . . . , vnÍ + (≠1)j+1Èv0, . . . , v̂j+1, . . . , vnÍ =

    ≠(≠1)jÈv0, . . . , v̂j+1, . . . , vnÍ ≠ (≠1)j+1Èv0, . . . , v̂j , . . . , vnÍ ,

    une identité tautologique mais qui achève de montrer que les deux membresde (*) sont opposés.

    Lemme 2.2.4. On a ˆn≠1 ¶ ˆn = 0.

    41

  • Démonstration. Nous calculons :

    ˆn≠1 ¶ ˆnÈv0, . . . , vnÍ =ÿ

    i

    (≠1)iˆn≠1Èv0, . . . , v̂i, . . . , vnÍ

    =ÿ

    i

    ÿ

    ji

    (≠1)i(≠1)j≠1Èv0, . . . , v̂i, . . . , v̂j , . . . , vnÍ

    = 0

    puisque les termes s’annulent deux à deux.

    Voici tout de suite un lemme, que vous pouvez ignorer en première lec-ture, qui donne un avant-goût des résultats d’unicité que nous verrons bienplus tard dans le cours. Il explique néanmoins pourquoi on ne pouvait paséchapper à la définition de ˆn, au signe près.

    Lemme 2.2.5. Supposons que l’on ait une famille d’éléments Án,i inversiblesdans l’anneau k, et des opérateurs

    dn : Cn(K, k) ≠æ Cn≠1(K, k)

    vérifiantdnÈv0, . . . , vnÍ =

    ÿ

    i

    Án,iÈv0, . . . , v̂i, . . . , vnÍ

    et dn≠1 ¶ dn = 0, pour tout entier n. Alors

    dn = ⁄nˆn ,

    où ⁄n est inversible dans k.

    Pour k = Z, la conclusion est donc que dn = ±ˆn.

    Démonstration. Écrivons :

    0 = dn≠1 ¶ dnÈv0, . . . , vnÍ =ÿ

    i

    Án,idn≠1Èv0, . . . , v̂i, . . . , vnÍ

    =ÿ

    i

    ÿ

    ji

    Án,iÁn≠i,j≠1Èv0, . . . , v̂i, . . . , v̂j , . . . , vnÍ .

    42

  • On en déduit que Án≠1,j = ≠Án≠1,j≠1, pour tout n et tout j. Ainsi, lessignes Án,i, pour n fixé, alternent avec i, ce qui signifie que Án,i = ⁄n(≠1)i,avec ⁄n = Án,0.

    Définition 2.2.6. Posons Zn = Zn(K, k) = ker(ˆn), le groupe des cyclesen degré n, et Bn = Bn(K, k) = Im(ˆn+1), le groupe des bords en degré n.Puisque Bn µ Zn d’après le lemme précédent, on peut poser :

    Hn(K, k) = Zn/Bn ,

    le groupe d’homologie (simpliciale) de K en degré n, à cooe�cients dans k.Le nombre —n = dim Hn(K, k) s’appelle le nombre de Betti de K en

    dimension n, à coe�cients dans k (ou sur k).

    Exemple 2.2.7. Reprenons l’exemple de S1, et calculons H1(S1, Z). Onvoit S1 comme un complexe ordonné, avec 0 Æ 1 Æ 2. Une base de Z1(S1, Z)est donc È0, 1Í, È1, 2Í, È0, 2Í, par exemple (c’est en tout cas la base qu’onobtient en suivant la recette du lemme 2.2.2, pour l’ordre choisi). Les bordsse calculent par

    ˆÈi, jÍ = ÈjÍ ≠ ÈiÍ ,

    peu importe d’ailleurs si i < j ou j < i. On constate que

    ˆ(È1, 2Í ≠ È0, 2Í + È0, 1Í) = È2Í ≠ È1Í + È0Í ≠ È2Í + È1Í ≠ È0Í = 0 ,

    et on vérifie facilement que les seuls cycles sont les multiples de celui-ci,donc H1(S1, Z) = Z1 ≥= Z, engendré par È1, 2Í ≠ È0, 2Í + È0, 1Í. Si on rem-place S1 par �2, ce cycle devient le bord de È0, 1, 2Í, et il vient H1(�2, Z) = 0.

    Exemple 2.2.8. De même, reprenons l’exemple 2.1.8, et montrons que l’ona un isomorphisme Hn(Sn, Z) ≥= Z pour tout n Ø 1. C’est presque le mêmeargument, il faut juste faire un peu plus attention. On prend une chaîne

    c =ÿ

    ⁄‡‡+

    ,

    où ‡ parcourt les simplexes de dimension n, et où on a choisit l’ordre usuelsur l’ensemble {0, 1, . . . , n + 1} des sommets. On écrit encore

    ˆ(c) =ÿ

    ⁄‡ˆ(‡+) =ÿ

    ·

    µ· ·+

    ,

    où · parcourt les simplexes de dimension n ≠ 1. On refait exactement lamême remarque : étant donné · , il existe précisément deux simplexes ‡1

    43

  • et ‡2 tels que · apparaît dans la formule pour ˆ(‡+i ), pour i = 1, 2. On adonc

    µ· = ±⁄‡1 ± ⁄‡2 ,et bien sûr µ· = 0 si on suppose que ˆ(c) = 0. Pas la peine de se fatiguerpour trouver une formule pour les signes : le fait est que si on connaît ⁄‡1 ,alors ⁄‡2 est entièrement déterminé, et de plus, il est égal au signe prèsà ⁄‡1 ; en particulier, si ⁄‡1 = 0 alors ⁄‡2 = 0. Cette remarque vaut dèsque ‡1 et ‡2 ont une face de dimension n≠1 en commun, et c’est le cas pourtous les ‡2 ”= ‡1. Ainsi, un seul coe�cient, disons ⁄‡1 , détermine tous lesautres dans l’expression pour c. En termes plus savants, l’homomorphisme

    Zn(Sn, Z) ≠æ Z

    défini par c ‘æ ⁄‡1 est injectif. Donc Zn(Sn) est soit nul, soit isomorphe àun sous-groupe de Z, donc à Z lui-même.

    Or on peut trouver un cycle non nul sans problème : en e�et, dans lecomplexe �n+1, dont Sn est un sous-complexe, on peut considérer le sim-plexe fl = È0, 1, . . . , n + 1Í et son bord

    c = ˆfl =ÿ

    i

    (≠1)iÈ0, . . . , î, . . . , n + 1Í .

    C’est bien une chaîne sur Sn, et ˆc = ˆˆfl = 0.Finalement Hn(Sn, Z) = Zn(Sn, Z) ≥= Z, et le dernier c exhibé ci-dessus

    est un générateur, puisque ses coe�cients sont tous ±1. Et vous vérifierezque Hn(�n+1, Z) = 0.

    Le même calcul fonctionne en fait avec n’importe quel anneau k à la placede Z : on trouve que Hn(Sn, k) ≥= k.

    Exemple 2.2.9. Sage sait calculer l’homologie à coe�cients dans Z, ouà coe�cients dans les corps qu’il connaît. Voici un exemple avec un com-plexe P , que Sage connaît, qui vérifie |P | ≥= RP 2.sage: P= simplicial_complexes.ProjectivePlane()sage: P.homology(){0: 0, 1: C2, 2: 0}

    Ici c’est l’homologie à coe�cients dans Z qui a été calculée, par défaut.Le symbole C2 signifie « un groupe cyclique d’ordre 2 », donc Z/2Z. Nousvoyons que

    Hn(P, Z) ≥=

    Y]

    [

    Z si n = 0Z/2Z si n = 10 sinon .

    44

  • En degré 0, il faut faire Z ü ( la réponse de Sage ). Avec un certain com-plexe T dont la réalisation |T | est homéomorphe au tore S1 ◊S1, on obtient :sage: simplicial_complexes.Torus().homology(){0: 0, 1: Z x Z, 2: Z}

    On en déduit que

    Hn(T, Z) ≥=

    Y__]

    __[

    Z si n = 0Z ◊ Z si n = 1Z si n = 20 sinon .

    2.3. Fonctorialité

    Jusqu’ici, la notation Èv0, . . . , vnÍ n’a été employée que dans la situationoù les sommets vi sont distincts, et forment un simplexe dans un complexe Kà notre disposition. À partir de maintenant, la notation est étendue à dessommets quelconques – formant toujours un simplexe, mais pas forcémentdistincts : on pose

    Èv0, . . . , vnÍ = 0 œ Cn(K, k)

    s’il existe i ”= j tels que vi = vj .

    Lemme 2.3.1. Soit f : K ≠æ L un morphisme. Alors il existe une applica-tion induite

    f#n : Cn(K, k) ≠æ Cn(L, k)

    pour tout n, qui vérifie

    f#n Èv0, . . . , vnÍ = Èf(v0), . . . , f(vn)Í

    pour tout simplexe orienté Èv0, . . . , vnÍ. De plus, ces applications commutentavec les bords, c’est-à-dire

    ˆn ¶ f#n = f#n≠1 ¶ ˆn .

    Démonstration. Pour k ”= F2 il faut vérifier que f#n est bien définie, maisc’est immédiat. Une autre chose immédiate, c’est la formule ˆn ¶ f#n ‡ =f

    #n≠1 ¶ ˆn‡ lorsque f est injective sur l’ensemble des sommets de ‡ : il n’y a

    qu’à écrire.Il faut un tout petit peu faire attention dans le cas général. Suppo-

    sons qu’il existe deux sommets de ‡ envoyé par f sur le même sommetde L ; on numérote ‡ = {v0, . . . , vn} de sorte que f(v0) = f(v1). Bien

    45

  • sûr f#n Èv0, . . . , vnÍ = 0, et il faut vérifier que f#n≠1ˆnÈv0, . . . , vnÍ = 0. Or

    on a

    f#n≠1Èv0, . . . , v̂i, . . . , vnÍ = Èf(v0), . . . , [f(vi), . . . , f(vn)Í = 0

    si i > 1 puisqu’il y a deux sommets égaux, et pour i = 0 ou 1 les deux termesse compensent :

    (≠1)0Èf(v1), . . . , f(vn)Í + (≠1)1Èf(v0), . . . , f(vn)Í = 0 ,

    car f(v0) = f(v1).

    Corollaire 2.3.2. L’application f induit pour tout n un homomorphismede k-modules

    Hn(K, k) ≠æ Hn(L, k)

    qui est noté Hn(f) ou fú ou fn, et qui vérifie

    fú[c] = [f#n (c)] ,

    où [x] désigne la classe d’homologie du cycle x.

    Démonstration. On définit fú comme proposé, et il faut vérifier que ça a unsens. Si c est un cycle, c’est-à-dire si ˆ(c) = 0, alors ˆf#(c) = f#(ˆ(c)) =f

    #(0) = 0, donc f#(c) est encore un cycle.Par ailleurs, si on a deux cycles c et cÕ tels que [c] = [cÕ], c’est que cÕ = c+b

    où b est un bord, en d’autres termes b = ˆx pour un certain x. Dans ce cas

    f#(cÕ) = f#(c) + f#(ˆx) = f#(c) + ˆf#(x) ,

    d’où [f#(cÕ)] = [f#(c)]. L’expression [f#(c)] est donc bien définie, et nedépend que de [c].

    On obtient presque immédiatement :

    Corollaire 2.3.3. Pour chaque n, l’opération Hn(≠, k) est un foncteur, dela catégorie des complexes simpliciaux vers celle des k-modules.

    Démonstration. Il faut vérifier que idú = id et que (f ¶ g)ú = fú ¶ gú, et c’estévident.

    En particulier, deux simplexes isomorphes ont des groupes d’homologieisomorphes. Mais il y a mieux.

    46

  • Proposition 2.3.4. Soient f, g : K ≠æ L deux morphismes. On supposeque f et g sont homotopes au sens simplicial. Alors les morphismes induitspar f et g sont les mêmes, c’est-à-dire fn = gn pour tout entier n.

    Démonstration. Par hypothèse, on peut ordonner K, puis former le produitcartésien correspondant K ◊ �1, et enfin trouver h : K ◊ �1 ≠æ L telque h ¶ ÿ0 = f et h ¶ ÿ1 = g, avec les notations usuelles.

    Utilisons un peu de vocabulaire de l’algèbre homologique : on veut mon-trer que les morphismes de complexes de chaînes (f#n )nØ0 et (g#n )nØ0 in-duisent le même morphisme au niveau de l’homologie, et on sait qu’il estsu�sant de trouver une « homotopie de chaînes », en d’autres termes unefamille d’homomorphismes sn : Cn(K, k) ≠æ Cn+1(L, k), pour tout n, telsque

    ˆn+1 ¶ sn + sn≠1 ¶ ˆn = g#n ≠ f#n .

    (Vous avez dû le voir dans la première partie du cours, et de toute façon ilest évident que c’est une condition su�sante.)

    Une remarque édifiante est que l’on peut supposer que L = K ◊ �1,que f = ÿ0 et g = ÿ1, et enfin que h est l’identité. En e�et, supposons quel’on ait trouvé

    sn : Cn(K, k) ≠æ Cn+1(K ◊ �1, k)

    comme ci-dessus ; alors dans le cas général où on a h : K ◊ �1 ≠æ L, onconsidère

    h#n+1 ¶ sn : Cn(K, k) ≠æ Cn+1(L, k)

    qui est l’homotopie de chaînes recherchée.Poursuivons donc dans le cas où L = K ◊ �1. L’idée est de poser

    « sn(‡) = ‡ ◊ �1 » ; pour rendre ça rigoureux, on va prendre pour sn(‡) lasomme des simplexes maximaux dans ‡◊�1. Très précisément, commençonspar introduire, pour ‡ = Èv0, . . . , vnÍ avec vi Æ vi+1, la notation

    ‡k = È(v0, 0), (v1, 0), . . . , (vk, 0), (vk, 1), (vk+1, 1), . . . , (vn, 1)Í œ Cn+1(K◊�1)

    pour 0 Æ k Æ n. (On rappelle qu’on a ordonné K, c’est essentiel pour cettenotation.) On pose alors

    sn(‡) :=nÿ

    k=0(≠1)k‡k .

    Avec notre ordre sur les sommets, on peut aussi définir

    ˆiÈv0, . . . , vnÍ = ˆinÈv0, . . . , vnÍ := Èv0, . . . , v̂i, . . . , vnÍ ,

    47

  • si vj Æ vj+1 pour tout j. Alors ˆ =q

    i(≠1)iˆi (et ˆ ne dépend pas de l’ordrechoisi sur K, alors que ˆi, si).

    Dans ces notations, on a

    ˆ ¶ sn(‡) =n+1ÿ

    i=0

    nÿ

    k=0(≠1)i+kˆi(‡k) , (*)

    alors que

    sn≠1 ¶ ˆ(‡) =n≠1ÿ

    k=0

    nÿ

    i=0(≠1)i+k(ˆi‡)k . (**)

    Or, vous allez passer de longues mais délicieuses minutes à montrer

    ˆi(‡k) =

    ;(ˆi‡)k≠1 si i Æ k ≠ 1(ˆi≠1‡)k si i ≠ 1 > k

    ainsi queˆ

    i(‡i) = ˆi(‡i≠1) .Cette dernière donne (≠1)2iˆi(‡i) + (≠1)2i≠1ˆi(‡i≠1) = 0, ce qui simplifiedes termes de (*). Ensuite en faisant (*) + (**) on obtient

    ˆ ¶ sn(‡) ≠ sn≠1 ¶ ˆ(‡) = ˆ0(‡0) ≠ ˆn+1(‡n) .

    C’est ce que nous voulions : en e�et

    ˆ0(‡0) = È(v0, 1), . . . , (vn, 1)Í = ÿ#1 ‡ ,

    etˆ

    n+1(‡n) = È(v0, 0), . . . , (vn, 0)Í = ÿ#0 ‡ .

    Corollaire 2.3.5. Supposons qu’il existe une équivalence d’homotopie sim-pliciale entre K et L. Alors pour tout n, on a un isomorphisme

    Hn(K, k) ≥= Hn(L, k) .

    En particulier, si K est contractile au sens simplicial, alors Hn(K, k) = 0pour n > 0, alors que H0(K, k) = k.

    Démonstration. On prend f : K ≠æ L et g : L ≠æ K tels que f ¶ g et g ¶ fsont homotopes, au sens simplicial, à l’identité. Alors fú ¶ gú = (f ¶ g)ú =idú = id, où la deuxième identité est donnée par la proposition que l’on vientde montrer. De même gú ¶ fú = id, donc fú et gú sont des isomorphismes,réciproques l’un de l’autre.

    La deuxième partie est le cas particulier où L n’a qu’un sommet.

    48

  • Exemple 2.3.6. On a vu que �n était contractile au sens simplicial (re-voir l’exemple 1.4.19), donc son homologie est donnée par Hm(�n, k) =0 pour m > 0, et H0(�n, k) = k. On peut en déduire le calcul com-plet de l’homologie de la sphère Sn, disons à coe�cients dans Z. En e�etSn possède les mêmes simplexes que �n+1 jusqu’en dimension n, ce quidonne Hm(Sn, k) = Hm(�n+1, k) pour 0 Æ m < n. Par ailleurs on a cal-culé ci-dessus que Hn(Sn, k) = k (exemple 2.2.8). Et bien sûr Hm(Sn, k) = 0pour m > n, puisqu’il n’y a pas de simplexes dans ces dimensions. En résumé

    Hm(Sn, k) =;

    k si m = 0 ou n ,0 sinon .

    2.4. Homologie relative

    Si A est un sous-complexe de K, il n’y a pas de bonne définition ducomplexe « K/A » (en fait il y a beaucoup d’opérations sur les espaces to-pologiques qui n’ont pas d’équivalents dans le monde des complexes simpli-ciaux...). Mais on va pouvoir définir des groupes Hn(X, A) qui vont jouerle rôle de « Hn(X/A) ». Ensuite on va s’en servir pour re-calculer l’ho-mologie de Sn d’une autre façon – on va toujours s’appuyer sur le calculde Hú(�n+1, k), mais l’argument pour calculer Hn(Sn, k) ne va pas être lemême (plus besoin de l’exemple 2.2.8).

    Définition 2.4.1. Soit A un sous-complexe de K. On pose

    Cn(K, A) := Cn(K, k)/Cn(A, k) ,

    pour tout entier n. C’est un complexe de chaînes, avec les opérateurs ˆn in-duits par ceux de Cú(K, k). Son homologie en degré n est notée Hn(K, A, k).

    Lemme 2.4.2. Si A est un sous-complexe de K, il existe une suite exactelongue

    · · · ≠æ Hn(A, k) ≠æ Hn(K, k) ≠æ Hn(K, A, k) ≠æ Hn≠1(A, k) ≠æ · · ·

    · · · ≠æ H1(X, A, k) ≠æ H0(A, k) ≠æ H0(K, k) ≠æ H0(K, A, k) ≠æ 0 .

    Démonstration. On applique le lemme du zig-zag à la suite exacte courte decomplexes de chaînes

    0 ≠æ Cú(A, k) ≠æ Cú(K, k) ≠æ Cú(X, A, k) ≠æ 0 .

    49

  • Exemple 2.4.3. Prenons K = �n+1 et A = Sn. On sait que Hm(�n+1, k) =0 pour m > 0, donc on a des suites exactes

    0 ≠æ Hm+1(�n+1,Sn, k) ≠æ Hm(Sn, k) ≠æ 0

    pour m > 0, c’est-à-dire des isomorphismes Hm+1(�n+1,Sn, k) ≥= Hm(Sn, k).Or dans ce cas précis, on peut examiner Cm(�n+1,Sn, k) très facilement :c’est le groupe nul pour m ”= n + 1, et Cn+1(�n+1,Sn, k) est isomorphe à k,engendré par le simplexe {1, 2, . . . , n + 2}. (Ceci parce que A et K, dans cetexemple, ont les mêmes simplexes sauf en dimension n + 1.)

    Par suite Hm(�n+1,Sn, k) = Cm(�n+1,Sn, k) (il n’y a pas de bord nonnul). On en déduit que Hm(Sn, k) = 0 si 0 < m < n ou si m > n, etque Hn(Sn, k) = k.

    Si on se rappelle comment le lemme du zig-zag fonctionne, on retrouvemême le générateur pour Hn(Sn) que l’on avait découvert dans l’exemple 2.2.8.

    Il est sans doute utile d’annoncer dès maintenant le résultat principal duchapitre suivant : nous allons montrer que si K et L sont deux complexestels que |K| et |L| sont homéomorphes, alors Hú(K) ≥= Hú(L). Autrementdit, peu importe la « triangulation » que l’on utilise sur un espace donné,on obtient la même homologie. On pourra donc parler de « l’homologie dutore » directement, etc. C’est un résultat di�cile.

    2.5. Exercices

    Exercice 8. Pour chacun des complexes simpliciaux des puzzles 1, 2, et 3 duchapitre précédent, calculer (directement à partir de la définition) l’homolo-gie à coe�cients dans F2 en tout degré, puis celle à coe�cients dans F3. Ily a des matrices un peu grosses, donc vous pouvez utiliser Sage pour fairel’algèbre linéaire à votre place.

    Essayer aussi avec l’homologie à coe�cients dans Z (en bidouillant, ouen vous renseignant sur la « forme normale de Smith » d’une matrice, queSage sait calculer ; ceci n’est pas important pour le reste du cours).

    Vérifier votre réponse avec Sage (pour ça il faut avoir résolu le puzzleet trouvé le nom en Anglais de l’espace topologique, puis fouiller un peu ladocumentation du logiciel).

    Exercice 9 (Homologie en degré 0). Soit (V, K) un complexe simplicial.On définit une relation d’équivalence © sur V par x © y ≈∆ il existe unchemin de x à y, c’est-à-dire une suite x0 = x, x1, x2, . . . , xn = y telleque {xi, xi+1} est un simplexe (= une arête) pour chaque i. Lorsqu’il n’y aqu’une classe d’équivalence, on dit que K est connexe au sens combinatoire.

    50

  • Montrer que K est connexe au sens combinatoire si et seulement si |K|est connexe par arcs.

    En déduire queH0(K, k) ≥= kc

    où c est le nombre de composantes connexes par arcs de |K|.De plus, si K est un sous-complexe connexe de L, montrer que l’applica-

    tion induite H0(K, k) ≠æ H0(L, k) est injective.

    Exercice 10 (Surfaces, orientabilité). Soit K un complexe simplicial dedimension 2. On dira que K est une surface au sens combinatoire si

    (a) chaque arête est sur le bord d’exactement deux triangles ;(b) si t et tÕ sont deux triangles, alors il existe une suite t0 = t, t1, t2, . . .,

    tn = tÕ de triangles tels que ti et ti+1 ont une arête en commun.(Attention, ce n’est pas une notion standard ; par ailleurs, il existe une

    définition des « surfaces » en topologie, mais avec notre définition très soupleil n’est pas garanti que |K| soit une surface.)

    1. Montrer que si K est une surface au sens combinatoire, alors on atoujours H2(K, F2) = F2.

    2. Sous la même hypothèse, soit L obtenu en retirant un triangle de K.Montrer que H2(L, k) = 0 pour tout anneau k.

    On dira que K est orientable quand H2(K, Z) ≥= Z.3. Montrer si K est une surface combinatoire, alors sa subdivision bary-

    centrique sd K l’est aussi. Montrer que si K est orientable, alors sd Kaussi.Indication : pour un triangle de K donné, regarder la somme des 6triangles dans la subdivision, avec des orientations appropriées. Notezque cette question prépare un peu à la suivante.

    4. Montrer que K (une surface combinatoire) est orientable si et seule-ment si les triangles de sd K peuvent être colorés avec deux cou-leurs, c’est-à-dire s’il existe une fonction de l’ensemble de ces trianglesvers {≠1, 1}, de sorte que deux triangles ayant un côté en communne soient jamais de la même couleur.Indication : les sommets de sd K sont de trois « types » di�érents, di-sons les noirs, les blancs et les rouges. On peut donc orienter chaquetriangle canoniquement en prenant Èn, b, rÍ avec n noir, b blanc etr rouge. Ensuite on construit un 2-cycle en prenant une somme detriangles orientés comme ceci, avec des coe�cients donnés par la cou-leur...

    51

  • 5. Peut-on se passer de regarder la subdivision barycentrique ?

    Exercice 11 (Suite de Mayer-Vietoris). Soient A et B deux sous-complexesde K tels que K = A fi B. Construire une suite exacte longue

    · · · ≠æ Hn(A fl B) ≠æ Hn(A) ü Hn(B) ≠æ Hn(K) ≠æ Hn≠1(A fl B)

    ≠æ · · · ≠æ H0(A fl B) ≠æ H0(A) ü H0(B) ≠æ H0(K) ≠æ 0 .Ici Hú(≠) = Hú(≠, k) pour un anneau k quelconque.

    Première application : soit K une surface (combinatoire) et A le sous-complexe obtenu en retirant un triangle de K. Calculer entièrement l’homo-logie de A (en fonction de celle de K).

    Exercice 12 (Sommes connexes, surfaces de genre g). Soient (V, K)et (W, L) deux complexes simpliciaux, ‡ un simplexe maximal de K, et ·un simplexe maximal de L, avec dim ‡ = dim · . On choisit une bijection fentre les sommets de ‡ et ceux de · . La somme connexe K#L de K et L(par rapport à ces choix) est obtenue en retirant ‡ de K, en retirant · de L,et en recollant les complexes obtenus à l’aide de f .

    Beaucoup plus formellement, si ‡ = {v0, . . . , vd} et si f(vi) = wi œ · , onconsidère

    V #W = (V ≠ ‡)·

    (W ≠ ·)·

    {x0, . . . , xd}

    où les xi sont des symboles. L’ensemble V = (V ≠‡)fi‡ s’injecte dans V #W ,par vi ‘æ xi pour les éléments de ‡, et de même W s’injecte par wi ‘æ xi.Les simplexes de (V #W, K#L) sont par définitions tous les – œ K ≠ {‡} ettous les — œ L ≠ {·}. Par exemple si K et L sont tous les deux isomorphesà S1, alors K#L est un carré.

    Soit maintenant T le complexe déjà considéré dont la réalisation topolo-gique est un tore. On pose

    � = T#T(pour des choix arbitraires de ‡, · , f), et on l’appelle une surface de genre 2.C’est la solution du puzzle 4. Calculer entièrement l’homologie (disons àcoe�cients dans F2) de �, en utilisant tous les exercices précédents.

    Ensuite, généraliser aux « surfaces de genre g », qu’on vous laisse le soinde définir.

    Exercice 13. On reprend le complexe simplicial �n de l’exercice 3, avec|�n| ≥= Sn µ Rn+1. Soit I la matrice identité de taille n + 1, et G = {±I} legroupe d’ordre 2 engendré par I. Montrer que G agit sur �n par automor-phismes de complexes simpliciaux. Puis, montrer que Cú(�n, F2) peut êtrevu comme un complexe de F2[G]-modules libres.

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  • En anticipant sur le résultat du chapitre suivant, qui nous dira queHú(�n) ≥= Hú(Sn) puisque |�n| ≥= |Sn| ≥= Sn, donner une interprétationde l’homologie du complexe Cú(�n) ¢F2[G] F2 en bas degrés.

    On aurait bien envie de dire que Cú(�n) ¢F2[G] F2 est le complexe dechaînes associé à « �n/G », sauf qu’il n’est pas facile de définir le quotientd’un complexe sous l’action d’un groupe. Avec les CW-complexes, que nousdéfinirons plus loin, ça devient beaucoup plus simple. Les exercices suivantexaminent tout de même, pour satisfaire votre curiosité, comment on procèdeavec les complexes simpliciaux.

    Exercice 14 (Actions régulières). Soit G un groupe fini agissant sur lecomplexe simplicial (V, K) (par automorphismes de complexes simpliciaux,évidemment, donc en fait il s’agit d’une action bien particulière de G sur V ).On dit que l’action est régulière lorsque, pour tout simplexe {v0, . . . , vd} œ Kayant la propriété qu’il existe g0, . . . , gd œ G tels que {g0 ·v0, . . . , gd ·vd} œ K,il existe un g œ G avec g · vi = gi · vi pour tous les indices i à la fois.

    1. Pour le groupe d’ordre 2 agissant sur �n dans l’exemple précédent,vérifier que l’action n’est pas régulière (déjà pour n = 1). Montrerpar contre que l’action induite sur sd K est régulière.

    2. On suppose que l’action de G sur (V, K) est régulière. On définitun complexe simplicial (V , K) où V = V/G, et K est l’ensembledes parties de V de la forme {v0, . . . , vd} pour {v0, . . . , vd} œ K.Montrer que K peut s’identifier avec K/G, puis montrer qu’il existeun homéomorphisme

    |(V , K)| ≥= |K|/G .

    On écrit en général K/G pour (V , K).

    Exercice 15 (Actions régulières, suite).

    1. Montrer que, pour un groupe fini G qui agit sur (V, K), les deuxpropriétés suivantes sont équivalentes :(a) pour g œ G et ‡ œ K, l’action de G est triviale sur ‡ fl g · ‡ ;(b) si v et g · v appartiennent au même simplexe, alors g · v = v.

    2. Montrer que si G agit sur K, alors l’action induite de G sur sd Kvérifie le (a) ci-dessus.

    3. Montrer que si l’action de G sur K vérifie (a), alors l’action induitesur sd K est régulière.

    4. Conclure que l’action sur sd2 K est toujours régulière.

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