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Biodiversité: dialogue entre recherche et pratique Informations du Forum Biodiversité Suisse 25 | 2012 Infrastructure écologique HOTSPOT

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Biodiversité: dialogue entre recherche et pratiqueInformations du Forum Biodiversité Suisse

25 | 2012

Infrastructure écologique

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Services écosystémiques La fragmentation réduit la valeur monétaire

La fragmentation des écosystèmes exerce une incidence négative sur la fourniture de services écosystémiques. Une straté-gie de mise en réseau ciblée revêt donc une grande importance, tout comme la garantie d’une surface minimale.

Destruction, modification et surexploita­tion des écosystèmes mettent en péril la biodiversité, à l’échelle mondiale mais aussi nationale. Cela influe sur des ser-vices vitaux rendus par les écosystèmes à la société et à l’économie, tels que la pro-duction de denrées alimentaires, la régula-tion du climat, la fourniture d’eau potable et les prestations récréatives (Isbell et al. 2011). Au vu de cette évolution, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a, dans le cadre des travaux liés à la Stratégie Bio-diversité Suisse (SBS), lancé une étude qui a pour but de créer les bases d’une estima-tion de la valeur de la biodiversité résul-tant de la fourniture des services écosysté-miques.

La fragmentation réduit les prestationsIl a d’abord fallu rechercher une corréla-tion directe entre la biodiversité et la fonc-tionnalité des écosystèmes. Brand (2009) propose de lier la fourniture stable de ser-vices écosystémiques au concept de capital naturel critique: si la valeur d’un éco-système s’abaisse en deçà d’un certain seuil écologique (une surface critique mi-nimale, par exemple), la biodiversité pré-sente ne suffira pas pour que l’écosystème fournisse des prestations importantes. L’étude se fonde sur le fait que la taille et la disposition des milieux naturels ont une

corrélation directe avec la fonctionnalité de l’écosystème et donc la fourniture de ses services (Fischer 2011). Les indications relatives à la surface et au degré d’i so-lement d’un écosystème permettent donc une approximation de la valeur monétaire de la biodiversité.Dans un premier temps, il s’est agi d’iden-tifier les services écosystémiques relatifs à la biodiversité sur la base de la liste des services écosystémiques destinés aux indi-cateurs liés au bien-être de l’OFEV (Känzig et Hauser 2009) et d’autres ouvrages bi-bliographiques. Ces services ont ensuite été quantifiés et monétarisés. Les services écosystémiques ont été calculés par hecta-re et par an, afin de permettre la compa-raison entre les écosystèmes.L’exemple du canton d’Argovie a finale-ment permis, en s’inspirant des scénarios d’utilisation du sol de Bolliger et al. (2007), de quantifier et de monétariser les ser-vices écosystémiques dans différents types d’exploitation et différents scénarios. Les services rendus par les écosystèmes sui-vants ont été pris en compte: zones prai-riales extensives (surtout prairies et pâtu-rages secs), zones prairiales intensives, forêts et zones d’embroussaillement (con-sécutif à l’extensification ou à la mise en jachère).

Valeur des services écosystémiquesLes prairies et pâturages secs (PPS) re-vêtent une importance particulière con-cernant la fonction récréative et la préser-vation de l’eau potable. Les zones prai-riales extensives, en revanche, ont une fonction légèrement supérieure con-

cernant la fixation du CO2 et une fonction de production moyenne (cf. tab.). Les prai-ries intensives présentent les valeurs ma-ximales sur le plan de la production et mi-nimales en ce qui concerne la préservation de l’eau potable. En raison des très faibles dépenses liées aux zones d’em brous-saillement, celles-ci présentent les mêmes valeurs que les PPS pour ce qui est de la préservation de l’eau potable. La forêt a une très haute fonction récréative de mê-me qu’une fonction de production moy-enne.

Dévalorisation des PPSLes répercussions de la fragmentation per-sistante se font surtout sentir sur les ser-vices rendus par les PPS. Une réduction de leur surface ou une concentration des par-celles sur quelques rares secteurs insuffi-samment connectés porte gravement pré-judice à la capacité de fournir durable-ment des services écosystémiques. Le gra-phique montre la réduction de la valeur globale des PPS suite à leur fragmentation par rapport à la valeur des services écosys-témiques. La fragmentation peut déjà être considérée comme forte pour les années 2000 et 2010 (Schlup et Nobis 2011); les surfaces ne sont plus en mesure de fournir leurs prestations. Ainsi, la prestation réel-le est aujourd’hui réduite à environ la moitié des services potentiels liés à la sur-face globale et aux conditions environne-mentales. Dans le scénario «business as usual», la valeur continue de décroître en raison de la fragmentation persistante. Même dans le scénario d’une production agricole plus extensive, impliquant une

Adrienne Grêt­Regamey, Sven­Erik Rabe et Andrea Ryffel, Institut pour le développement du territoire et du paysage, EPF Zurich, CH­8092 Zurich, [email protected]

Prairies Zone Zone et pâturages prairiale prairiale ZoneService écosystémiqe secs extensive intensive d’embroussaillement ForêtProduction 581 1118 3937 349 1031Stockage du CO2 310 360 344 419 771Détente 1051 790 780 790 1182Préservation de l’eau potable 933 766 0 933 769Coût d’exploitation 943 2535 5446 803 924

Valeur monétaire moyenne des différents services écosystémiques et coûts d’exploitation par type d’utilisation du sol; année 2010 (en francs par hectare et par an)

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Adrienne Grêt­Regamey, Sven­Erik Rabe et Andrea Ryffel, Institut pour le développement du territoire et du paysage, EPF Zurich, CH­8092 Zurich, [email protected]

extension de la surface, la prestation réelle par hectare diminue, car le modèle sup -pose que les nouvelles surfaces avaient été définies sans coordination. Dans le scéna-rio de libéralisation (pratiquement plus aucun paiement direct), la fragmentation s’accroît dans une telle mesure que seuls des services minimaux peuvent encore être fournis et que le coût d’exploitation at teint son maximum. Les coûts dépassent la valeur des services, et les surfaces pré-sentent donc une valeur négative en moyen ne. L’étude montre donc parfaite-ment qu’une extensification non coordon-née n’entraîne pas forcément un accroisse-ment des services écosystémiques. Une stratégie de mise en réseau ciblée revêt une grande importance, tout comme la ga-rantie d’une surface minimale. C’est à ce prix que l’appauvrissement persistant des services écosystémiques sera enrayé. ConclusionBien que l’étude ne porte que sur une peti-te sélection de services écosystémiques, la valeur totale des services est considérable dans tous les scénarios. Cependant, la mo-nétarisation de biens et de services non commercialisables peut être utilisée com-

Réduction de la valeur monétaire des PPS (en francs par hectare et par an) par suite de leur fragmentation. Le degré de fragmentation s’accroît dans les scénarios de haut en bas. Il en résulte une diminution de la valeur globale des PPS. Dans le scénario de libéralisation, les petits PPS très frag-mentés ne peuvent plus fournir que des services minimaux. Comme le coût d’exploitation dépasse la valeur des pres-tations, il en résulte une valeur négative.

Valeur des services écosystémiques potentiels

Valeur réelle des services écosystémiques

en francs par hectare et par an-500 0 500 1000 1500 2000 2500

Situation 2000

Situation 2010

Scénario «business as usual» 2030

Scénario production agricole réduite 2030

Scénario libéralisation 2030

me une sorte de signal au niveau de la communication. Associée à des informa-tions sur la fragmentation d’un milieu, elle permet aussi de situer et d’apprécier les efforts de protection dans un contexte spatial. Enfin, une meilleure compréhen-sion du compromis entre les divers ser-vices écosystémiques dans différents scé-narios permet de définir des priorités dans les stratégies de gestion et ainsi de mieux engager à long terme les moyens limités dans la protection de surfaces précieuses et la connexion écologique de surfaces im-portantes.

Bibliographiewww.biodiversity.ch > Publications

RemerciementCette étude a été financée par l’Office fédé-ral de l’environnement (OFEV), division Espèces, écosystèmes, paysage. Un rapport interne détaillé peut être obtenu auprès de l’OFEV.

Les prairies et pâturages secs s’en sortent le mieux par rapport aux autres types de prairies en ce qui concerne les services récréatifs. Photo Monika Martin