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Hôpitaux suisses : santé financière 2016 www.pwc.ch/hopitaux-suisses Les soins en mutation

Hôpitaux suisses: santé financière 2016

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Page 1: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Hôpitaux suisses : santé financière 2016

www.pwc.ch/hopitaux-suisses

Les soins en mutation

Page 2: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Table des figures 4Introduction 5

1. L’importance des ratios financiers pour l’hôpital 6

Une marge EBITDA de 10 % est pertinente dans le secteur des soins aigus 6

2. La santé financière des hôpitaux suisses de soins aigus 8

Maintien de la tendance « ambulatoire avant stationnaire » 8 Coûts légèrement supérieurs 9 Baisse de la rentabilité 10 Stabilité de la structure du capital 12 Modèles économiques durables et leur financement ; entretien avec Thomas Brack, hôpital Limmattal 13

3. Défis financiers pour les établissements psychiatriques 16

Stagnation de la croissance et orientation vers les traitements ambulatoires 16 Stabilité de la rentabilité au cours des dernières années 16 Numérisation des prestations psychiatriques ambulatoires ; entretien avec David J. Bosshard, groupe Clienia 20

4. Financements externes : aujourd’hui et après-demain 24

Options de financement externe pour les hôpitaux suisses 24 Marchés du crédit et des capitaux 24 Financement par levée de fonds propres 29 Instruments de financement hybrides 29 Processus de financement et défis posés au management hospitalier 30 Financement externe aujourd’hui 30 Digression : forme innovante de financement ICO 32 Financement externe après-demain 34

5. Le paysage des soins en pleine transformation 36

Les patients : entre évolution démographique et attitude revendicatrice 36 Les fournisseurs de prestations : professionnels et prestataires de soins sous pression 37 Comment remédier à la pénurie de professionnels 38 Les soins, au carrefour des générations ; entretien avec la professeure Rebecca Spirig, USZ 41 Les prestataires : entre centralisation et décentralisation 44 Digression : les cliniques de consultation sans rendez-vous 46 Changement et progrès : innovations techniques et informatiques en médecine 47 L’avenir et le développement des soins ; entretien avec Isabelle Lehn, CHUV 48

6. Conséquences pour les patients 51

Le parcours du patient 52

7. Conclusion et perspectives 54

A Annexe 55

Liens utiles 56 Échantillon 56 Valeurs médianes et valeurs moyennes 57 Ratios utilisés 57

Bibliographie 58Contacts 59

Sommaire Soins aigus Psychiatrie

Taux de croissance en 2016 Taux de croissance en 2016

Répartition des coûts en 2016 (en % du chiffre d’affaires)

Répartition des coûts en 2016 (en % du chiffre d’affaires)

Marges de rentabilité en 2016 Marges de rentabilité en 2016

Croissance charges de personnel

Croissance charges

d’exploitation

Croissance charges

d’exploitation

Croissance charges de personnel

Croissance chiffre

d’affaires

Croissance chiffre

d’affaires

5,7%3,9%4,0% 1,4%3,2%1,0%

Matériel médical Matériel médical

Charges de personnel Autres charges

74,6% 13,0%

2,6%

Marge EBITDAR

Objectif de marge

Marge EBITDA

10,0%

Marge EBITDAR

Objectif de marge

Marge EBITDA

9,9%8,0%

7,4%

Charges de personnel Autres charges

12,3%63,6%

16,4%

5,5%7,6%

3 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 3: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Introduction

Chère lectrice, cher lecteur,

Le domaine des soins médicaux change en permanence, influencé par de nouvelles structures, de nouvelles attentes des patients et de nouveaux profils professionnels. Nous vous parlerons de toutes ces évolutions dans l’étude que vous avez entre les mains. De plus, les hôpitaux développent des projets d’envergure et font face au défi de leur financement. Plu-sieurs solutions adaptées de financement externe existent et vous seront présentées en détails.

Dans cette étude, la cinquième depuis 2011, nous analysons la santé financière des hôpitaux suisses en 2016 par le biais des indicateurs financiers. Dans un bref état des lieux, nous expliquons l’importance de ces ratios pour la gestion de l’hôpital. Rendez-vous au chapitre 1 pour en savoir davantage.

Depuis 2012, les ratios financiers des hôpitaux de soins aigus, tels que les marges EBITDA et EBITDAR ou les ratios de fonds propres et d’endettement ont subi des changements qui sont expliqués au chapitre 2. Notre échantillon d’hôpitaux de soins aigus s’est enrichi de nouveaux établissements en passant de 28 à 45.

Nous avons eu la chance de parler à Thomas Brack, directeur de l’hôpital Limmattal qui nous a décrit des modèles écono-miques durables et leur financement. David J. Bosshard, CEO du groupe Clienia, nous a également accordé du temps pour nous expliquer la numérisation des prestations psychiatriques ambulatoires.

Le contexte dans lequel évoluent les établissements psychiatriques change également avec l’introduction du TARPSY. Concernant les indicateurs financiers, nous avons élargi notre échantillon à 12 institutions. Le chapitre 3 vous informe plus largement sur les évolutions du domaine de la psychiatrie.

La question du financement externe dans le secteur suisse de la santé aujourd’hui et après-demain préoccupe beaucoup les acteurs. Nous l’avons donc étudiée et avons pu ainsi constater que, sur le marché secondaire suisse pour les obligations du secteur, les hôpitaux et cliniques privés affichent une prime de risque plus élevée d’environ 100 points de base par rapport aux établissements publics. Plus de détails au chapitre 4.

La mue du secteur de la santé touche tous les niveaux et tous les domaines, des patients aux prestataires de soins et aux nouvelles solutions techniques médicales et pharmacologiques. Nous aborderons les moteurs de cette mutation et nous nous projetterons en 2030 : à quoi ressemblera alors le système de santé ? La professeure Rebecca Spirig, directrice des soins médicaux et des actes médico-thérapeutiques et médico-techniques à l’hôpital universitaire de Zurich, et Isabelle Lehn, directrice des soins au CHUV (Lausanne) nous présentent leur vision de la situation générationnelle et de l’évolution des soins. Découvrez leurs perspectives aux chapitres 5 et 6.

Enfin, vous trouverez notre conclusion au chapitre 7.

Nous vous souhaitons une lecture enrichissante.

Votre équipe PwC

Patrick Schwendener Philip Sommer Responsable Deals Secteur de la santé Responsable conseil Secteur de la santé

Table des figures

Figure 1 : Calcul de l’objectif de marge EBITDA nécessaire 6

Figure 2 : Croissance du chiffre d’affaires dans les soins aigus en Suisse, répartie entre prestations ambulatoires et stationnaires 8

Figure 3 : Croissance du chiffre d’affaires en 2016 dans les soins aigus selon le nombre de lits 9

Figure 4 : Croissance et répartition des coûts des hôpitaux suisses de soins aigus 10

Figure 5 : Évolution de la rentabilité des hôpitaux suisses de soins aigus 11

Figure 6 : Différences des marges EBITDA et EBITDAR selon le nombre de lits 11

Figure 7 : Évolution du ratio de fonds propres des hôpitaux suisses de soins aigus 12

Figure 8 : Croissance du chiffre d’affaires des établissements psychiatriques suisses, répartie entre prestations ambulatoires et stationnaires 16

Figure 9 : Répartition des coûts en 2016 (en % du chiffre d’affaires global) des établissements psychiatriques suisses 17

Figure 10 : Évolution de la rentabilité des établissements psychiatriques suisses 18

Figure 11 : Exemple d’évolution des coûts relatifs par jour selon TARPSY 19

Figure 12 : Vue d’ensemble des options les plus fréquentes de financement externe 24

Figure 13 : Évolution du z-spread des hôpitaux privés et publics depuis 2015 28

Figure 14 : Les cinq phases du processus de financement 31

Figure 15 : Les rôles dans les soins selon le niveau de formation 38

Figure 16 : Représentation graphique de la formation « hub and spoke » 45

Tableau 1 : Calcul de l’objectif de marge EBITDA 7

Tableau 2 : Comparaison des instruments d’emprunt à long terme 26

5 Hôpitaux suisses : santé financière 20164 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 4: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

1 « Approche de marché » signifie que l’on ne fait généralement plus de différence entre les institutions publiques et privées (neutralité en matière de propriété). Par ailleurs, le calcul se base sur le CAPM (Capital Asset Pricing Model) qui part du principe que les investisseurs font preuve d’aversion au risque et de rationalité, au sens de leurs préférences en termes de rendement-risque.

2 IFBC (2017): H+ Les hôpitaux de Suisse – Nouveau calcul du taux d’intérêt au 31 décembre 2016 (seulement en allemand).3 Le calcul intègre l’hypothèse d’un taux fiscal moyen effectif de 20 %.

Le développement du secteur de la santé s’accélère. Le financement hospitalier en vigueur soumet les hôpitaux à une concurrence plus rude, bien que très réglementée. De ce fait, l’orientation vers la performance et les considéra-tions économiques sont devenues aujourd’hui indisso-ciables de la gestion d’entreprise. Ainsi, l’objectif de 10 % que nous mentionnions en 2011 déjà pour la marge EBITDA a été repris, depuis, dans de nombreuses stratégies d’entre-prise et de propriétaires d’hôpitaux. En principe, les hôpitaux devraient pouvoir générer suffisamment de rendement afin de pouvoir financer à long terme les investissements nécessaires de manière autonome.

Face à l’ampleur des investissements, de nombreux hôpi-taux doivent développer une stratégie globale de finance-ment, car, en règle générale, le canton n’assume plus le rôle d’investisseur, transmettant ainsi l’entière responsabilité du budget à l’hôpital. Une planification consciencieuse de l’avenir, reposant sur des plans d’affaires bien construits et des calculs fiables de capacité financière, n’est désormais plus une option.

La planification, la gestion et le reporting sur la base des indicateurs financiers clés sont des éléments fondamentaux de la communication des performances de l’établissement pour le management (conseil d’administration, conseil de direction et directeurs de cliniques) et les parties prenantes externes (propriétaires, bailleurs de fonds, régulateurs). C’est ainsi que se sont imposés les ratios de rentabilité comme les marges opérationnelles EBITDAR, EBITDA et EBIT, qui sont désormais régulièrement communiqués à l’extérieur (par le biais des rapports annuels). L’augmenta-tion du financement externe par le biais des marchés nationaux et internationaux des capitaux et du crédit a accru les exigences de transparence et, par là même, l’importance des indicateurs financiers. En effet, ces derniers jouent un rôle crucial dans la décision d’investisse-ment ou lors de l’octroi d’un crédit.

Fixer un objectif pour un ratio financier n’est pas chose aisée. Il ne faut pas négliger l’influence de la définition d’un tel chiffre sur d’autres paramètres de la gestion hospitalière ni les variations temporelles auxquelles il peut être soumis. La recommandation généralement admise est de considérer les objectifs sur une moyenne de trois à cinq ans ou, du moins, de suivre à long terme une tendance de convergence vers ces objectifs importants. A noter encore que l’hôpital devrait réexaminer périodiquement ses objectifs pour réagir, le cas échéant, aux changements de situation ou de contexte.

Amortissement des immobilisationsNous tablons sur une durée moyenne d’amortissement de l’ensemble des immobilisations de 25 ans dans le secteur de la santé. Nous partons de l’hypothèse que des investisse-ments durables comme les immeubles ou les équipements constituent la majorité des immobilisations (dans notre échantillon, près de 64 % en valeur médiane sur les cinq dernières années). Pour les nombreux hôpitaux planifiant actuellement des projets de construction importants ou les réalisant déjà, cette valeur sera probablement un peu plus élevée à l’avenir. Cette tendance sera toutefois atténuée par le recours à des investissements à plus court terme dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) ou dans la numérisation (digitalisation).

Rotation du capitalNos calculs sur la rotation du capital aboutissent à des multiplicateurs compris entre 0,9 × et 1,1 ×. Cela signifie qu’un hôpital produit en moyenne chaque année, à partir de chaque franc investi dans le capital, un chiffre d’affaires de CHF 0.90 à 1.10. Cette valeur correspond à la valeur empirique que nous avons tirée de l’analyse des plans d’affaires à long terme. Cependant, nous considérons les valeurs actuelles déduites de valeurs historiques comme une référence non pertinente pour l’avenir, car de nom-breux hôpitaux incluent des placements fortement amortis dans les bilans et les réinvestissent actuellement ou le feront dans un avenir proche. De cette manière, le capital net investi augmentera. En 2016, les hôpitaux suisses ont affiché en valeur médiane une rotation du capital de 1,4 ×. L’analyse de la rotation du capital du groupe témoin d’hôpitaux européens cotés en bourse concorde avec les valeurs empiriques attendues tirées des plans d’affaires.

Objectif pour la marge EBITDA Les hypothèses décrites précédemment aboutissent à un objectif de marge EBITDA de 9 à 12 %. Si l’on tient compte de l’exonération d’impôt de nombreux hôpitaux de droit public, la fourchette minimale obtenue se réduit d’1 % pour atteindre 8 à 11 %. Dans l’ensemble, il apparaît donc que l’objectif de 10 % de marge EBITDA (ou EBITDAR pour les hôpitaux qui louent leurs locaux) conserve toute sa validité dans le contexte actuel.

Bien entendu, il peut être judicieux d’adapter légèrement cette valeur aux particularités individuelles. Des diffé-rences de taille, de types de propriété ou de situation financière peuvent être déterminantes. Dans tous les cas, les types de propriété ont un impact primordial sur les coûts du capital étranger sous forme de crédits, d’emprunts ou de prêts et influencent ainsi nettement le coût moyen pondéré du capital. En fait, le risque de crédit perçu pour un hôpital qui appartient au canton ou à l’État, avec garantie implicite, est estimé plus faible que celui d’un hôpital en mains privées, ce qui se traduit par des primes de risque plus élevées (z-spreads) pour ces derniers. Le thème du finance-ment externe est abordé au chapitre 4.

La rotation du capital effective d’un hôpital peut également influencer l’objectif à définir : les hôpitaux propriétaires de leurs immeubles ont une rotation du capital nettement inférieure à celle des hôpitaux qui louent leurs locaux. Fréquemment, le canton loue les immeubles aux hôpitaux. De ce fait, les coûts de location correspondent globalement aux coûts des amortissements et du service de la dette sur l’actif immobilisé. Nous partons donc du principe que les hôpitaux qui louent leurs locaux ont une marge EBITDAR similaire à la marge EBITDA. Cependant, lorsque l’im-meuble est loué au prix du marché, l’objectif de la marge EBITDAR durable sera fixée plus haut.

Le statut fiscal de l’hôpital n’est pas non plus sans effet. La déductibilité fiscale des coûts du capital étranger entraînent, pour les entreprises exonérées d’impôt, un coût moyen pondéré du capital légèrement plus élevé. Dans la situation actuelle des taux, cet effet est toutefois minime. Les impôts annuels d’hôpitaux non exonérés, qui réduisent le bénéfice net, sont nettement plus importants. L’EBITDA et l’EBITDAR étant des valeurs d’impôt perçus en amont, la marge EBITDA minimale est donc un peu plus faible pour les hôpitaux non imposables. Avec un taux fiscal de 20 % pour la Suisse, la marge EBITDA ou EBITDAR requise se réduit d’environ 1 %. Le tableau 1 montre dans quelle fourchette les valeurs indicatives individuelles de marge EBITDA ou EBITDAR devraient évoluer.

1. L’importance des ratios financiers pour les hôpitaux

Figure 1 : Calcul de l’objectif de marge EBITDA nécessaire

« L’objectif de 10 % de marge EBITDA (ou EBITDAR pour les hôpitaux qui louent leurs locaux) conserve toute sa vali-dité dans le contexte actuel »

Tableau 1 : Calcul de l’objectif de marge EBITDA

Amortissements en %

Amortissements en %

Marge EBITDA

WACC ≈ ROIC

Ø Durée de vie

en % du capital inv. en % du chiffre d’affaires

Marge EBITDA minimale-= ƒ (WACC, rotation du capital, amortissements, impôts)

× Ro

tation

du ca

pital

EBIT en %EBIT en %

Une marge EBITDA de 10 % est appropriée dans le secteur des soins aigusLa marge EBITDA bénéficie d’une large adhésion en tant que ratio de rentabilité dans le secteur hospitalier suisse. L’objectif de 10 % à atteindre à long terme est désormais établi. Dans ce qui suit, nous examinons d’un œil critique l’objectif que nous avions calculé il y a six ans.

Le calcul de la marge EBITDA comme objectif à long terme repose sur une méthododologie basée sur l’approche de marché.1 L’EBITDA ainsi obtenu varie en fonction du coût moyen pondéré du capital (WACC – Weighted Average Cost of Capital), des amortissements des immobilisations, de la rotation du capital et des impôts. Ces paramètres sont influencés par la situation du marché et changent donc au fil du temps. Il faut donc réexaminer régulièrement l’objec-tif. Par ailleurs, il est intéressant de comparer la situation actuelle avec les chiffres historiques dans le contexte de l’environnement de marché d’alors. Ci-après, les para-mètres actuels sous-jacents de l’EBITDA sont développés plus en détails :

Coût moyen pondéré du capital (WACC)Selon nos calculs, la fourchette du coût moyen pondéré du capital pour les hôpitaux suisses se situe, mi-2017, entre 5,0 et 5,8 %. À titre de comparaison, le WACC défini dans l’étude de l’IFBC en 2017 se monte à 4,8 %.2

La différence principale entre les deux chiffres se justifie par le fait que, chez PwC, nous prenons en compte pour le calcul du coût des fonds propres, dans la partie supérieure de la fourchette, des primes supplémentaires et d’éventuels impôts.3

EBIT Amortissementsen % du chiffre d’affaires

EBITDA

Max.

Min.

Médiane

WACC ≈ ROIC

5,0%

5,8%

5,3%

Rotation du capital

0,9 ×

1,1 ×

1,0 ×

6,9 %

6,6 %

6,6 %

5,6 %

3,0 %

4,0 %

12,5%

9,6 %

10,6%

6 7 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 5: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

2. La santé financière des hôpitaux suisses de soins aigus

L’analyse des indicateurs financiers ne révèle que peu de changements sur le marché de la santé depuis la dernière étude. Les revenus et les coûts ont enregistré une croissance similaire, ce qui explique la stagnation de la rentabilité des hôpitaux suisses de soins aigus. L’analyse de la structure du capital présente une image analogue : si certains établisse-ments ont pris des mesures d’investissement et de finance-ment d’une certaine ampleur, les ratios de fonds propres de l’ensemble de l’échantillon sont restés stables en valeur médiane depuis 2012.

Nous consacrons les pages suivantes, comme nous l’avons fait dans les études précédentes, à l’analyse des ratios financiers clés et aux tendances du marché hospitalier suisse. Par rapport à l’analyse de l’année dernière, nous avons élargi l’échantillon des hôpitaux de soins aigus de 28 à 45 (18 nouveaux hôpitaux, un hôpital de moins en raison d’une fusion). De ce fait, les ratios ne sont pas entièrement comparables à ceux de l’étude précédente. De plus, tous les indicateurs financiers n’ayant pas été publiés avec le même degré de détail, la taille de l’échantillon peut varier légère-ment selon le ratio analysé, comme par exemple dans le cas de l’EBITDA.

La tendance « ambulatoire avant stationnaire » se maintientDepuis l’introduction du nouveau financement hospitalier en 2012, nous observons une croissance du chiffre d’af-faires relativement stable des hôpitaux suisses de soins aigus. En valeur médiane, nous constatons une progression de 3,6 % de 2013 à 2016. À titre de comparaison, une analyse des hôpitaux européens cotés en bourse révèle une croissance de tout juste 6,0 % durant la même période.

Dans la lignée de ces quatre dernières années, le secteur ambulatoire a enregistré une croissance supérieure à la moyenne. Durant l’exercice 2016, nous notons par exemple une croissance du chiffre d’affaires de près de 8,8 % en valeur médiane. Si l’on compare la croissance des presta-tions ambulatoires et celle des prestations stationnaires, la première est, en 2016, plus de deux fois supérieure à la seconde. Les raisons sont multiples : les progrès de la médecine, le principe « ambulatoire avant stationnaire » et les nouveaux besoins des patients. À l’avenir, des interven-tions réglementaires ou les nouveaux systèmes tarifaires (comme le Zero-Night-DRG ou le One-Day-DRG) joueront

6,7%

5,8%

3,9%

8,8%

2,8%

2,1%

2,7% 3,1%

3,8%

2,9%

3,7% 4,0%

7,6%

4,8%

5,9%

9,1%

0,0%

1,0%

2,0%

3,0%

4,0%

5,0%

6,0%

7,0%

8,0%

9,0%

10,0%

2013 2014 2015 2016

Croissance des prestations ambulatoires Croissance des prestations stationnaires

Croissance du chiffre d’affaires Croissance du chiffre d’affaires « pairs européens »

Figure 2 : Croissance du chiffre d’affaires dans les soins aigus en Suisse, répartie entre prestations ambulatoires et stationnaires Figure 3 : Croissance du chiffre d’affaires en 2016 dans les soins aigus selon le nombre de lits

un rôle déterminant. La tendance « ambulatoire avant stationnaire » se poursuivra, et de nombreux hôpitaux sont déjà en train d’adopter de manière proactive de nouveaux modèles d’exploitation, ou s’apprêtent à le faire. Cette tendance se manifeste malgré l’intervention tarifaire du Conseil fédéral, qui accentuera la distorsion actuelle entre les tarifs ambulatoires et stationnaires. Néanmoins, pour exploiter entièrement le potentiel des traitements ambula-toires, il est indispensable que les hôpitaux soient correcte-ment rémunérés.

Mesurée grâce au nombre de lits4, la taille de l’hôpital dans les soins aigus ne semble pas avoir d’incidence majeure sur la croissance du chiffre d’affaires. En 2016, les hôpitaux de soins aigus d’une capacité en lits inférieure à 250 ont enregistré une croissance de 3,8 % en valeur médiane. Les hôpitaux dont le nombre de lits dépasse 250 affichent une croissance du chiffre d’affaires de 4,0 %. Cette différence relativement faible imputable à la taille de l’hôpital se retrouve aussi lorsque l’on considère la croissance des revenus dans les secteurs ambulatoire et stationnaire. De même, la composition du chiffre d’affaires ne varie guère selon la taille de l’hôpital. En 2016, la répartition en valeur médiane des revenus des hôpitaux de soins aigus était la suivante : 61,9 % pour les prestations stationnaires et 26,4 % pour les prestations ambulatoires. La tendance à une croissance supérieure à la moyenne du secteur ambula-toire se maintient aussi avec la répartition des hôpitaux sur la même période ; pour l’ensemble de l’échantillon, le secteur ambulatoire représente une part croissante du chiffre d’affaires global.

«La tendance « ambulatoire avant stationnaire » se poursu-ivra, et de nombreux hôpitaux sont déjà en train d’adopter de manière proactive de nouveaux modèles d’exploitation, ou s’apprêtent à le faire »

3,1%

2,5%

3,1%

8,5% 8,9% 8,8%

3,8% 4,0% 4,0%

0,0%

1,0%

2,0%

3,0%

4,0%

5,0%

6,0%

7,0%

8,0%

9,0%

10,0%

Moins de 250 lits Plus de 250 lits Médiane

Croissance des prestations stationnairesCroissance des prestations ambulatoires

Croissance du chiffre d’affaires

4 Office fédéral de la statistique, 2015.

Croissance du chiffre d’affaires des hôpitaux de soins aigus Croissance du chiffre d’affaires en 2016 selon la taille

8 9 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 6: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Coûts légèrement supérieursEn valeur médiane, les coûts des hôpitaux suisses de soins aigus ont faiblement augmenté. Cet accroissemment en valeur médiane des coûts de personnel, de matériel médical et des autres charges d’exploitation, hors amortissements, a été, en 2016, légèrement supérieur aux revenus. Alors que ces derniers ont progressé de 3,6 % par an de 2013 à 2016, les charges de personnel et autres dépenses ont augmenté de 3,8 % par an durant la même période. Cependant, les proportions, exprimées en pourcentage du chiffre d’af-faires, n’ont pas particulièrement varié. Durant l’exercice 2016 et comme les années précédentes, les charges de personnel ont représenté, avec 63,6 % (du chiffre d’affaires) et avec 69,4 % (des coûts globaux, hors loyers et amortisse-ments), le poste de dépenses le plus important. Avec 16,4 % (du chiffre d’affaires), le matériel médical arrive en deu-xième place. Les autres dépenses, par exemple comme l’intendance et les denrées alimentaires ou les charges administratives, sont moins importantes.

Tout comme pour les revenus, la taille de l’hôpital n’a pas d’influence sur la croissance des coûts. Toutefois, la réparti-tion des coûts par rapport au chiffre d’affaires affiche des différences minimes. Les hôpitaux qui comptent plus de 250 lits ont enregistré dans les années 2012 à 2016 des coûts régulièrement plus élevés pour le matériel médical, ce qui pourrait se justifier par le fait que les hôpitaux universi-taires et centraux traitent des cas plus complexes. L’emploi de personnel (charges de personnel en pourcentage du chiffre d’affaires) est également légèrement plus élevé dans les grands hôpitaux. D’une manière générale, les diffé-rences de coûts en fonction de la taille de l’hôpital sont très faibles et non statistiquement significatives. Il n’est donc pas possible de tirer de conclusions générales.

3,8%

2,9%

3,7% 4,0%

3,2% 3,5%

3,8%

4,6%

0,0%0,5%1,0%1,5%2,0%2,5%3,0%3,5%4,0%4,5%5,0%

2013 2014 2015 2016

Taux de croissance du chiffre d’affaires et des coûts Répartition des coûts en 2016 (en % du chiffre d’affaires global)

Croissance du chiffre d’affaires Croissance des charges de personnel et des charges d’exploitation

63,6%

16,4%

12,3%

7,6%

Charges de personnelMatériel médicalAutres charges (hors loyers)EBITDAR

Baisse de la rentabilitéLa stagnation des revenus et l’augmentation plus que proportionnelle des coûts de personnel, de matériel médical et des autres dépenses ont généré en 2016 une baisse de rentabilité, en valeur médiane, des hôpitaux suisses de soins aigus par rapport à l’année précédente. Cette constatation est particulièrement visible dans les marges EBITDAR et EBITDA mais, un peu moins, au niveau de la marge EBIT et du bénéfice net.

La marge EBITDAR est l’indicateur le plus approprié pour comparer le résultat opérationnel des hôpitaux suisses. En 2016, la valeur médiane de la marge EBITDAR des hôpitaux suisses de soins aigus se montait à 7,6 %. Cela correspond à un recul de près de 0,8 point de pourcentage par rapport à l’année précédente (8,4 %). Nous avions déjà abordé l’influence de la taille de l’hôpital sur les marges EBITDA et EBITDAR l’année dernière. En 2016, l’affirmation selon laquelle les plus petits hôpitaux ont été légèrement plus rentables que les grands hôpitaux universitaires et centraux se confirme une nouvelle fois : si l’on compare leurs marges EBITDAR en 2016, les hôpitaux comptant moins de 250 lits atteignent une valeur médiane plus élevée de 0,4 point de pourcentage (8,0 contre 7,6 %). De plus, la dispersion vers le bas est nettement moins importante que parmi les hôpitaux comptant plus de 250 lits. En ce qui concerne les marges EBITDA, la différence de rentabilité est encore plus palpable : les hôpitaux comptant moins de 250 lits atteignent une marge EBITDA de 6,8 % en valeur médiane, celle des plus grands hôpitaux se monte à 5,0 %. En outre, la dispersion est nettement plus élevée parmi les grands hôpitaux.

Figure 4 : Croissance et répartition des coûts des hôpitaux suisses de soins aigus

Figure 5 : Évolution de la rentabilité des hôpitaux suisses de soins aigus

L’élargissement de l’échantillon de 29 à 45 hôpitaux de soins aigus a confirmé les indicateurs de nos études précé-dentes. Sur la base du nouvel échantillon, la marge EBIT-DAR atteint près de 8,2 % en valeur médiane entre 2012 et 2016, ce qui correspond à peu près à l’ancien échantillon.

L’analyse de la rentabilité révèle une dispersion relative-ment large des résultats. Par exemple, les marges EBITDAR minimales se situaient en 2016 entre -2,6 et 14,0 %. Nous observons une dispersion similaire pour les marges EBITDA. A noter qu’il est réjouissant de voir qu’en 2016, 8 hôpitaux parmi les 45 analysés atteignent une marge EBITDA supérieure à 10 %, soit trois établissements de plus que l’année précédente. Ces chiffres confirment également une certaine persistance, car sur les huit hôpitaux avec une marge EBITDA supérieure à 10 %, cinq dépassaient déjà l’année précédente la barre des 10 %. Une tendance qui, malheureusement, se confirme aussi pour les marges EBITDA basses et négatives.

« L’élargissement de l’échantillon de 28 à 45 hôpitaux de soins aigus a encore accru la validité des indicateurs »

Figure 6 : Différences des marges EBITDA et EBITDAR selon le nombre de lits

7,9%

8,1%

8,5%

8,4%

7,6%

6,0%

6,7%

5,8%

6,3%

5,5%

0,0% 2,0% 4,0% 6,0% 8,0% 10,0%

2012

2013

2014

2015

2016

Marge en % du chiffre d’affaires global

Marges EBITDAR et EBITDA historiques

Marge EBITDA Marge EBITDAR

1,7%

2,4%

1,8%

1,5%

1,2%

0,9%

1,1%

0,9%

1,2%

1,1%

0,0% 0,5% 1,0% 1,5% 2,0% 2,5%

2012

2013

2014

2015

2016

Marge en % du chiffre d’affaires global

Marges EBIT et béné�ciaire nette historiques

Marge bénéficiaire nette Marge EBIT

(5,0%)

0,0%

5,0%

10,0%

15,0%

EBITDAR <= 250 lits EBITDAR > 250 lits EBITDA <= 250 lits EBITDA > 250 lits

Différences de marges selon la taille de l’hôpital

10 11 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 7: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Stabilité de la structure du capitalComme la rentabilité et la croissance, la structure du capital, elle aussi, est demeurée stable durant ces dernières années. Stabilité mais pas immobilisme, comme l’ont prouvé certains hôpitaux qui ont procédé à plusieurs modifications, souvent dans le cadre de projets d’investisse-ment et de refinancement, ou d’un changement de normes de présentation des comptes. De ce fait, nous constatons dans l’ensemble, depuis 2014, des ratios de fonds propres très constants de 45,2 à 49,3 % du total du bilan. La rupture a eu lieu en 2012, avec l’introduction de la LAMal.

Figure 7 : Évolution du ratio de fonds propres des hôpitaux suisses de soins aigus

35,1% 36,8%

49,3% 48,3% 45,2%

0,0%

10,0%

20,0%

30,0%

40,0%

50,0%

60,0%

2012 2013 2014 2015 2016

Taux de fonds propres

Taux de fonds propres

Modèles économiques durables et leur financement

Entretien avec Thomas Brack Directeur de l’hôpital Limmattal

Un hôpital moderne de soins aigus est en train d’apparaître sur le terrain actuel de l’hôpital Limmattal. Il offrira des fonctionnements innovants et des processus totalement optimisés. L’inauguration est prévue pour l’automne 2018. Avec le projet « LimmiViva », le « Limmi » est le premier hôpital suisse à avoir osé une nouvelle construction impor-tante en levant des fonds à long terme sur le marché des crédits et des capitaux. Le projet est réexaminé régulière-ment et adapté à la situation du moment. Nous nous sommes entretenus avec Thomas Brack, le directeur de l’hôpital.

Monsieur Brack, dans quelle mesure le thème « mutation et changement » a-t-il influencé la planification de votre projet « LimmiViva » ?Les changements dans le secteur hospitalier et dans celui de la santé en Suisse sont aujourd’hui aussi variés que rapides. Pour cette raison, il est difficile de dire quels sont les thèmes les plus importants. Une question qui influence à coup sûr les hôpitaux est celle du « plus d’ambulatoire ». Elle est déjà identifiable au travers de la durée moyenne de séjour en baisse et est encore soutenue par les progrès de la médecine. Mais il y a aussi des tendances opposées : l’allongement de l’espérance de vie et le vieillissement de la population entraînent un accroissement de la multimorbi-dité des patients. Il est donc impossible de prévoir les choses précisément, de ce fait, la flexibilité et l’efficience sont une préoccupation majeure dans la planification de « LimmiViva ».

Vous avez parlé de flexibilité et d’efficience : comment se traduisent-elles concrètement dans le projet « LimmiViva » ?Pour dire les choses simplement, le nouveau bâtiment a été conçu de manière à pouvoir adapter à tout moment la répartition des locaux aux nouveaux besoins sans travaux supplémentaires. Dans la mise en œuvre, cela signifie que les structures porteuses constituent une sorte de grande halle (construction à ossature). L’idée est d’organiser

l’espace en dressant des murs de plâtre qui pourront à leur tour être déplacés facilement et rapidement. L’efficience par la flexibilité était également un des axes de la planification du bloc opératoire. Des zones décentralisées, c’est-à-dire des locaux de préparation spatialement séparés, des salles d’opération permettent une utilisation plus efficiente des locaux disponibles et une réactivité plus souple aux évolu-tions dans le temps. De la même manière, la clinique de jour est mieux reliée aux salles du bloc opératoire et séparée complètement des processus stationnaires.

Dès la planification du nouveau bâtiment, nous avons également pris en compte les évolutions technologiques. C’est ainsi que nous avons prévu suffisamment de canaux d’alimentation et de connexions libres dans les structures porteuses pour pouvoir installer rapidement et facilement de futurs nouveaux appareils.

Vous venez d’aborder la question du numérique. Quelle sera la place des nouvelles technologies dans l’hôpital Limmattal ?La tendance à la numérisation nous concerne tous. Les hôpitaux ne sont pas épargnés. L’utilisation judicieuse des nouvelles technologies est donc déterminante. Et, bien entendu, nous ne devons pas oublier le facteur humain dans le secteur de la santé.

Les progrès technologiques et l’automatisation améliorent considérablement la technique médicale. Ils recèlent des potentiels énormes, en particulier pour le patient. Notons,

« Le patient moderne vient sou-vent avec ses appareils tels que tablette ou notebook et préfère une bonne connexion à Internet plutôt qu’un appareil de TV »

Entretien avec Thomas Brack: Directeur de l’hôpital Limmattal

Nous observons ici aussi une dispersion relativement élevée, sachant que nous avons calculé les ratios de fonds propres uniquement sur la base des fonds propres princi-paux. Nous n’avons pas intégré dans les fonds propres les prêts sans intérêts ni les fonds et les prêts de parties prenantes (p. ex. le canton ou la commune), bien que ceux-ci possèdent en partie des caractéristiques similaires aux fonds propres (p. ex. la subordination ou l’absence de flux monétaires contractuels assurés). Certains cas isolés, dans le secteur privé, pourraient afficher une sous-capitali-sation, voire un surendettement. La forme juridique et la proximité de l’État permettent toutefois d’éviter ce genre de problème. En conséquence, une analyse agrégée de la structure du capital est peu pertinente.

Quant au financement de futurs projets d’investissement par des investisseurs et des établissements de crédit externes, les indicateurs comme le ratio de fonds propres, le ratio de couverture d’intérêts ou le degré d’endettement net (défini comme capitaux portant intérêts nets, divisés par l’EBITDA) sont toujours fondamentaux. Ils constituent souvent des clauses contractuelles significatives des contrats de crédit. C’est pourquoi une comparaison des structures du capital des hôpitaux suisses de soins aigus devrait permettre de tirer des conclusions plus précises à l’avenir.

12 13 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 8: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

cependant, qu’ils génèrent moins d’économies qu’un transfert de coûts, car les appareils « high tech » sont très exigeants en termes de maintenance et d’infrastructure informatique. Il faut souvent consentir à des investisse-ments supplémentaires dans ces domaines, ce qui neutra-lise en partie les économies.

Nous pensons que les appareils multimédias fixes installés dans les chambres des patients appartiennent au passé et que l’approche « bring your own device » prévaut. Le patient moderne vient souvent avec ses propres appareils tels que tablette ou notebook et préfère une bonne connexion à Internet plutôt qu’un appareil de TV. Par ailleurs, nous sommes convaincus que le lien personnel avec le patient, par exemple lors de la commande des repas, restera important à l’avenir, ne serait-ce qu’en raison de notre responsabilité sociale envers lui.

Comment des modèles économiques innovants peuvent-ils contribuer à freiner la croissance des coûts ?Le modèle économique « hôpital » ne va pas fondamentale-ment changer, mais je suis convaincu que la question des soins intégrés, des coopérations, des réseaux et des fusions sera plus importante. C’est un concept d’actualité pour l’hôpital Limmattal qui participe déjà à un réseau régional de cabinets de groupe. Cela renforce la collaboration avec les médecins de famille et complète la formation des médecins assistants. Par ailleurs, nous nous engageons dans divers secteurs pour faire progresser les soins inté-grés. Il est encore possible d’améliorer considérablement l’efficience des interfaces, par exemple lors de l’hospitalisa-tion prescrite par le médecin de famille ou lors d’un trans-fert des soins aigus vers la réadaptation ou les soins infir-miers (curatifs, préventifs, de maintenance ou palliatifs). Si une collaboration plus intense et des soins intégrés amé-liorent l’efficience des hôpitaux, ils permettent également d’augmenter la satisfaction des patients, par exemple en réagissant plus rapidement en cas de traitement inadapté.

Pour ce qui est de l’externalisation des tâches et des proces-sus importants, je suis plutôt critique. La règle à respecter absolument est qu’une externalisation ne doit jamais déteriorer la qualité. Un hôpital qui ne contrôle pas suffi-samment les processus externalisés risque de perdre en qualité. Il est normal, voire nécessaire, d’externaliser les tâches ne faisant pas partie des processus stratégiques et

que des tiers peuvent fournir avec plus d’efficience et plus de qualité. Chez nous, c’est par exemple le cas pour les services informatiques et la blanchisserie.

Nous en avons parlé : les changements nécessitent souvent des investissements dont le financement doit être judicieusement réfléchi. Quel a été l’élément décisif pour le choix du financement de « LimmiViva » ?Le choix du financement est le résultat d’un long processus. Au moment de financer le nouveau bâtiment, nous étions l’un des premiers hôpitaux à ne pas faire appel au finance-ment public. Au début, nous voulions associer le finance-ment directement à l’adjudication du projet du nouveau bâtiment. Cependant, cela nous est rapidement apparu peu réaliste. Dès lors, nous avons cherché d’autres solutions avec un conseiller externe. Dans un premier temps, nous nous sommes affranchis du prêt du canton par un prêt avec reconnaissance de dette à de meilleures conditions. Le nouveau bâtiment à proprement parler a été ensuite financé par une combinaison de crédits syndiqués et d’emprunts. Ces derniers constituent le financement de base ; les crédits couvrant les pics d’endettement.

Parallèlement, des placements privés ont également représenté une alternative intéressante aux emprunts et aux prêts avec reconnaissance de dette. Enfin, les instru-ments utilisant les fonds propres (augmentation du capi-tal-actions) sont eux aussi, selon la situation, une source de financement valable. Souvent, les statuts des hôpitaux publics limitent ou empêchent les financements par fonds propres car il n’est pas permis de recourir à des investis-seurs privés externes.

Le recours aux fonds de tiers sur le marché des capitaux et auprès des banques est lié à des risques ainsi qu’à des exigences et des contraintes particulières. Quels ont été les plus grands défis pour l’hôpital Limmattal dans ce domaine ?Un défi encore peu discuté jusqu’ici mais à prendre très au sérieux en lien avec la nouvelle construction est le refinan-cement. Il reste en effet difficile à évaluer en raison des composants du marché, mais une gestion appropriée, orientée vers le succès, contribue à réduire les risques et influence ainsi les conditions d’un refinancement.

Certes, les exigences sont plus élevées, surtout envers la gestion financière et les rapports d’activité, mais ces aspects sont maitrisables sans effort disproportionné. Les change-ments principaux ont été le passage aux normes comptables Swiss GAAP RPC ainsi que la concentration sur des chiffres-clés et des KPI (indicateurs de performance) spécifiques, fondamentaux pour le marché des capitaux et les banques. De plus, il est recommandé de ne pas sous-esti-mer l’investissement en compétences juridiques durant le processus de financement. Les documents volumineux et hautement complexes des contrats de crédit ont conduit à des discussions juridiques longues et intenses. Notons enfin que la forme et la structuration de la documentation contractuelle sont très différentes selon l’instrument de financement ou la contrepartie.

Vous travaillez depuis le début de « LimmiViva » avec un plan d’affaires. Quel est son rôle dans la gestion stratégique et financière de l’hôpital Limmattal ?Un plan d’affaires rigoureux et orienté sur des objectifs financiers est essentiel non seulement pour la gestion financière mais aussi pour la gestion opérationnelle et stratégique. Notre plan d’affaires est largement inspiré du processus budgétaire. Un plan d’affaires cohérent et accepté en interne est très précieux ici ; y compris pour la communication avec les médecins chefs, les chefs de cliniques et le personnel soignant. Pour que le plan d’af-faires trouve une acceptation interne suffisamment élevée, il est important qu’il soit coordonné avec les différents services et avec les personnes responsables. La base doit se

sentir impliquée, comprise et avoir confiance dans le plan d’affaires. Un plan d’affaires de type « top-down » aura de la peine à atteindre cet objectif. Pour nous, le plan d’affaires est un instrument fondamental. Nous prenons régulière-ment du temps pour l’adapter à la situation actuelle.

Depuis la révision de la LAMal il y a cinq ans, bien des éléments ont changé pour les hôpitaux suisses. Comment voyez-vous les choses évoluer au cours des cinq prochaines années ?Dans un premier temps, la révision de la LAMal a octroyé des libertés économiques importantes aux hôpitaux. Elle leur a permis de se positionner face à la concurrence. Ce processus de nouvelle prise de conscience et d’ouverture à la concurrence n’est d’ailleurs pas toujours réalisé après cinq ans. Ces derniers temps, divers réseaux et coopéra-tions se sont développés parmi les professionnels de la santé, et le potentiel de collaboration est encore loin d’être épuisé. Les interventions réglementaires des cantons et de l’État, en augmentation ces derniers temps et interfèrant avec les innovations ainsi qu’avec les processus dans le secteur hospitalier, sont toutefois source d’incertitude. Elles pèseront lourd sur l’évolution de la situation. Cependant, si la réglementation octroie une marge de manœuvre entre-preneuriale suffisante, nous allons alors vers un avenir passionnant et riche en opportunités.

D’une manière générale, nous souhaitons une transparence accrue de type « benchmarking » entre les hôpitaux. Pas uniquement pour comparer des chiffres, mais aussi pour servir de plate-forme d’échanges d’expériences et de bonnes pratiques entre les hôpitaux. Ce type de collabora-tion positive, grâce à des contacts réguliers, des coopéra-tions et des réseaux, ainsi que des modèles de soins inté-grés, recèle un grand potentiel et présage d’un bel avenir.

Monsieur Brack, merci pour cet entretien enrichissant.

« Notre plan d’affaires est un des principaux instruments de ges-tion. Il crée de la crédibilité vis-à-vis des partenaires et favorise la confiance des collaborateurs en la direction. De plus, en tant que responsable, on dort mieux avec un solide plan d’affaires »

« Les interventions réglementaires des cantons et de l’État, en augmenta-tion ces derniers temps et interfèrant avec les innovations ainsi qu’avec les processus dans le secteur hospitalier, sont source d’incertitude »

Entretien avec Thomas Brack: Directeur de l’hôpital Limmattal

14 15 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 9: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

3. Défis financiers pour les établissements psychiatriques

À la différence des soins aigus, les cliniques psychiatriques sont encore en pleine mutation en termes de changement de système tarifaire. Le passage à la rémunération des prestations par des forfaits journaliers (liés à la prestation) selon TARPSY place les cliniques psychiatriques devant une grande tâche, notamment de planification et de budgétisa-tion des futurs revenus d’exploitation. L’introduction des forfaits DRG dans les soins aigus avait eu une influence notable sur les résultats financiers. Il faut donc attendre pour savoir dans quelle mesure TARPSY impactera les résultats financiers des cliniques psychiatriques et si des adaptations de la structure tarifaire sont nécessaires.

Stagnation de la croissance et orientation vers les traitements ambulatoiresEn 2016, nous avons analysé douze établissements psychia-triques (contre onze l’année précédente) ; deux nouveaux établissements sont venus s’ajouter et une clinique n’est plus intégrée en raison d’une fusion.

Tout comme pour les soins aigus mais moins marquée, nous observons pour les établissements psychiatriques une tendance aux durées de séjour plus courtes et une prise en charge ambulatoire. Par exemple, les revenus ambulatoires ont sensiblement augmenté depuis 2013, pendant que ceux du secteur stationnaire stagnaient. La part ambulatoire augmente donc régulièrement dans les établissements psychiatriques, même si les revenus stationnaires se taillent encore la part du lion dans le chiffre d’affaires total (65,4% en 2016). La croissance du chiffre d’affaires est donc

imputable principalement au secteur stationnaire, ce qui explique que l’évolution du chiffre d’affaires a été plutôt plane ces dernières années. En chiffres, cela signifie que le chiffre d’affaires de notre échantillon a augmenté de 1,5 % en valeur médiane de 2013 à 2016. Nous ne parlons pas particulièrement d’une augmentation du chiffre d’affaires mais plutôt d’un transfert du chiffre d’affaires vers des revenus ambulatoires. Cette évolution se poursuivra très probablement (voir l’entretien avec David J. Bosshard, CEO du groupe Clienia, page 20).

Stabilité de la rentabilité au cours des dernières annéesAvec une faible croissance du chiffre d’affaires, les augmen-tations de coûts risquent d’affecter rapidement la rentabi-lité. Mais, comme la croissance des coûts est également modérée, ce n’est, semble-t-il, pas le cas. En 2016, les frais de personnel ont représenté 74,6 % du chiffre d’affaires et 81,7 % des coûts globaux. Depuis 2013, ils n’ont augmenté que de 2,2 % par an en valeur médiane. Ceci est tout à fait compréhensible dans la mesure où les prestations psychia-triques reposent la plupart du temps sur un suivi individuel. L’augmentation des prestations ou des revenus conduit automatiquement à une augmentation similaire des coûts tant que la manière de fournir la prestation ne change pas substantiellement.

Le matériel médical pèse moins dans la balance des cli-niques psychiatriques et n’a représenté, en 2016, qu’à peine 2,6 % du chiffre d’affaires et 2,8 % des coûts totaux.

La même année, il n’a enregistré une croissance annuelle que de 0,5 %. Cette évolution est elle aussi une conséquence logique de la croissance des cas ambulatoires. Par rapport à l’année précédente, on observe une légère hausse des charges de personnel et du matériel de 2,0 % pendant que le chiffre d’affaires n’a augmenté que de 1,0 %. La rentabi-lité des établissements psychiatriques suisses est ainsi un peu plus faible que l’année précédente. En 2016, la marge EBITDAR atteignait 9,9 % en valeur médiane, soit 0,7 point de pourcentage de plus. Avec 7,4 %, la marge EBITDA affichait 0,8 point de pourcentage de moins que la valeur de l’année précédente.

Le passage au nouveau système tarifaire stationnaire TARPSY et ses conséquences sont encore impossibles à évaluer entièrement et placent la gestion financière des établissements psychiatriques suisses devant un grand défi. TARPSY vise avant tout à accroître la transparence et la comparabilité des prestations, des coûts et de la qualité au

niveau suisse, comme l’introduction des forfaits DRG dans le secteur des soins aigus. L’objectif est de régler et d’harmo-niser les tarifs stationnaires dans les cliniques au niveau national. TARPSY 1.0 prévoit actuellement 22 PCG (Psy-chiatric Cost Group) ou groupes de coûts psychiatriques. Ces groupes sont divisés en neuf catégories principales (PCG de base) – par exemple TP25 pour la schizophrénie ou les troubles psychotiques aigus – et jusqu’à trois PCG par PCG de base, par exemple TP25C (Schizophrénie ou troubles psychotiques aigus, âge > 17 ans sans un diagnos-tic secondaire somatique de complication). Comme Swiss-DRG, TARPSY pratique une politique des coûts liés aux prestations, c’est-à-dire une rémunération par cas. La rémunération uniforme par groupe de cas permet de créer des incitations médicales et économiques pour les cliniques, ce qui profite au système tout entier à long terme. Contrai-rement à SwissDRG, TARPSY prévoit toutefois différents forfaits journaliers en fonction de la gravité du cas et de la durée totale du séjour.

Figure 8 : Croissance du chiffre d’affaires des établissements psychiatriques suisses, répartie entre prestations ambulatoires et stationnaires Figure 9 : Répartition des coûts en 2016 (en % du chiffre d’affaires global) des établissements psychiatriques suisses

7,9%

12,8%

2,9%

4,0%

2,2%

(0,2%) (0,2%)

2,7%

1,4%

2,0% 2,6%

1,0%

7,6%

4,8%

5,9%

9,1%

(2,0%)

0,0%

2,0%

4,0%

6,0%

8,0%

10,0%

12,0%

14,0%

2013 2014 2015 2016

Croissance du chiffre d’affaires des établissements psychiatriques

Croissance des prestations ambulatoires

Croissance des prestations stationnaires

Croissance du chiffre d’affaires

Croissance du chiffre d’affaires « pairs européens »

74,6%

2,6%

13,0%

9,9%

Charges de personnelMatériel médicalAutres charges (hors loyers)EBITDAR

16 17 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 10: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

L’évolution non linéaire des coûts relatifs est reproduite en fonction de la durée de séjour sur un nombre de phases pouvant aller jusqu’à trois. Une situation qui empêche les cliniques d’utiliser des moyennes simples de coûts relatifs et de durée de séjour par groupe de cas dans leur planifica-tion, car leurs calculs seraient erronés puisqu’il n’y a pas de linéarité des tarifs.

La figure 11 illustre l’évolution des coûts relatifs pour un TP25C (Schizophrénie ou troubles psychotiques aigus, âge > 17 ans, sans diagnostic secondaire somatique de compli-cation). Le coût relatif change relativement fortement durant la première phase (jours 1 à 7), il est accentué dans la deuxième phase (jours 8 à 59) puis reste constant à partir de la troisième phase (à partir du jour 60).

Contrairement au statu quo de la planification par forfaits journaliers généraux, TARPSY exige des établissements psychiatriques qu’ils planifient leurs prestations de manière plus précise, c’est-à-dire concrètement par groupe de cas et par phase (en fonction du jour de sortie). Cela nécessite davantage de contrôle médical interne, une planification financière plus rigoureuse et des plans d’affaires plus détaillés, avec des variantes de planification. L’introduction de TARPSY et les valeurs empiriques encore manquantes sont une source supplémentaire d’insécurité dans la planification des prestations et des revenus.

« Contrairement au statu quo de la planification par forfaits journaliers généraux, TARPSY exige des établissements psychiatriques des plans budgétaires et financiers plus précis, c›est-à-dire par groupe de cas et par phase »

9,7%

8,4%

8,6%

9,2%

9,9%

6,9%

8,0%

7,0%

8,2%

7,4%

0,0% 2,0% 4,0% 6,0% 8,0% 10,0%

2012

2013

2014

2015

2016

Marge en % du chiffre d’affaires global

Marges EBITDAR et EBITDA historiques

Marge EBITDA Marge EBITDAR

3,0%

2,8%

2,8%

3,2%

2,9%

0,3%

0,8%

0,9%

2,2%

2,2%

0,0% 1,0% 2,0% 3,0% 4,0%

2012

2013

2014

2015

2016

Marge en % du chiffre d’affaires global

Marges EBIT et béné�ciaire nette historiques

Marge bénéficiaire nette Marge EBIT

Figure 10 : Évolution de la rentabilité des établissements psychiatriques suisses Figure 11 : Exemple d’évolution des coûts relatifs par jour selon TARPSY

0,90

0,95

1,00

1,05

1,10

1,15

1,20

1,25

1,30

1,35

1,40

1 6 11 16 21 26 31 36 41 46 51 56 61 66 71

Coû

t re

latif

par

jour

Durée de séjour

TP25C – Schizophrénie ou troubles psychotiques aigus, âge > 17 ans sans un diagnostic secondaire somatique de complication

Kostengewicht pro Tag

Phase 1: « court séjour »

Phase 2: « séjour normal »

Phase 3: « long séjour »

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Page 11: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Numérisation des prestations psychiatriques ambulatoires

Entretien avec David J. Bosshard CEO, groupe Clienia

Le groupe Clienia, né en 2008 de la fusion entre les cli-niques privées Schlössli et Littenheid, propose, sur plu-sieurs sites, une gamme diversifiée de méthodes de traite-ment psychiatriques et psychothérapeutiques dans un cadre ambulatoire, semi-stationnaire et stationnaire.

Monsieur Bosshard, le thème de notre étude cette année est « mutation et changements dans le secteur de la santé ». Quelles sont, de votre point de vue, les tendances de fond et les changements qui se profilent ?Mon hypothèse principale est que le modèle économique dans les pré- et post-traitements utilisera beaucoup plus souvent des canaux virtuels et sera donc numérisé. Les cas légers et les post-traitements sont particulièrement concer-nés. Concrètement, des applications seront remises au patient sur une tablette, avec une planification hebdoma-daire, des guides de thérapies et des fonctions de rappel, et pourraient tout à fait venir en appui à des thérapies com-portementales cognitives ou des aides à la relaxation. Si ces outils sont utilisés dès le début d’un séjour stationnaire, le passage au traitement ambulatoire se fera plus facilement. Nous assistons au développement de ce type d’outils numériques et sommes convaincus qu’ils vont se générali-ser sur le marché suisse.

Comment le groupe Clienia se positionne-t-il en la matière ?Le groupe Clienia réfléchit à la question depuis longtemps déjà et souhaite jouer un rôle d’avant-garde en termes de numérisation. Nous sommes convaincus que les pionniers y gagneront. C’est pourquoi, d’une part, nous développons nos propres solutions et, d’autre part, nous participons à un projet CTI (Commission de la Technologie et de l’Innova-tion maintenant appelé Innosuisse – Agence suisse pour

l’encouragement de l’innovation), qui développe des solutions électroniques et des applications sur la thérapie et les troubles liés au stress. Nous considérons les technologies de l’information et de la communication (TIC) comme une compétence stratégique à long terme qui nous apportera un avantage concurrentiel, tant pour le traitement du patient que pour attirer les médecins spécialistes. Une telle réorien-tation nécessite une grande force de persuasion en interne, un soutien concernant la formation des collaborateurs et de la persévérance. Nous sommes persuadés que le jeu en vaut la chandelle.

En Suisse, les questions « ambulatoire avant stationnaire » et « soins intégrés » sont largement débattues dans le secteur de la santé. La psychia-trie n’est pas épargnée. Comment tenez-vous compte de ces évolutions ?Nous n’attendons pas de grands changements dans le secteur stationnaire. Nous partons du principe que le marché stationnaire va stagner ou, au moins, évoluer parallèlement à la croissance démographique. La demande induite par l’offre va perdre de son importance car le taux de prévalence semble être assez constant. De plus, le focus est placé sur les prestations ambulatoires. Je pense que la croissance la plus forte concernera le secteur de la psycho-gériatrie (psychiatrie du sujet âgé). Le traitement

stationnaire concernera davantage les patients gravement malades.

Par ailleurs, le secteur ambulatoire connaîtra une crois-sance soutenue. Ici, le groupe Clienia mise d’abord sur les services ambulatoires socio-psychiatriques proches du domaine clinique et sur les cliniques de jour, et ensuite sur les cabinets de groupe. Ces derniers sont en concurrence sur le marché et se concentrent par exemple sur la psycho-thérapie pour des cas d’anxiété ou de dépression.

Quant à l’augmentation des prestations ambulatoires, le flou règne encore à propos d’éventuelles interventions réglementaires, comme c’est le cas dans les soins aigus avec les listes d’indications obligatoires.

Dans le domaine des soins intégrés, Clienia aménage un nouveau site pour la psychiatrie des enfants et des adoles-cents dans le canton de Schwytz. Nous collaborerons avec l’hôpital Lachen, auprès duquel nous avons d’ailleurs prévu de louer des locaux.

La forte augmentation des coûts domine toujours l’actualité dans la santé. Quelle est votre estima-tion des répercussions des projets de construction et d’investissement sur les coûts de la santé ? Le groupe Clienia lance des projets de construction tous les 15 à 20 ans. La psychiatrie a vu sa capacité en lits se réduire comme une peau de chagrin au cours de ces dernières décennies. On n’observe donc pas de surinvestissements sur ce marché, comme c’est parfois le cas pour les soins aigus.

En psychiatrie, les coûts de traitement par cas et par jour sont restés constants durant ces dernières années. Les facteurs de coûts étaient et resteront à l’avenir le nombre de cas dans le secteur ambulatoire. Pour cette raison, la

croissance des coûts est, à mon sens, exclusivement un problème de quantité.

Je pense que les coûts élevés de la santé en Suisse corres-pondent globalement aux préférences de consommation de la population d’une société vieillissante et prospère. Face à une espérance de vie en constante augmentation, il est inévitable que la part des coûts de la santé dans le PIB augmente également. Si l’on voulait éviter cela, il faudrait s’interroger sur la pertinence, ou non, d’implanter une prothèse de hanche à une personne de 80 ans. Comme nous ne voulons pas avoir cette discussion de rationalisation, il est donc impératif d’utiliser les moyens de manière effi-ciente. Ce point doit être un thème de débat politique.

Pensez-vous qu’il existe des technologies ou des modèles économiques innovants, voire de rupture, susceptibles de conduire à une baisse des coûts ?Dans le cœur de métier, c’est-à-dire dans les prestations fournies directement au patient, je vois peu de marge de manœuvre pour augmenter l’efficience étant donné que les prestations psychiatriques représentent avant tout une prise en charge individuelle. Je serais en revanche plus critique pour ce qui est des activités non créatrices de valeur. Des activités telles que l’enregistrement, l’adminis-tration, les rapports ou la facturation doivent être systéma-tiquement améliorées. Par exemple, des éléments de texte prédéfinis et une création automatisée de rapport peuvent augmenter l’efficience. On pourrait aussi transférer cer-taines tâches aux patients. L’enregistrement, la déclaration de couverture d’assurance et la prise de rendez-vous peuvent aussi être numérisés, comme le font d’autres industries. Nous souhaitons considérer tous ces points de manière active. Il s’agit d’un levier que tous les prestataires de soins peuvent activer pour garantir une utilisation

« Le modèle économique dans les pré- et post-traitements utilisera beaucoup plus souvent des canaux virtuels et sera donc numérisé »

Entretien avec David J. Bosshard: CEO, groupe Clienia

20 21 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 12: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

efficiente des moyens. Enfin, la robotique pourrait aussi être utilisée, notamment dans le domaine des services de nettoyage.

D’un point de vue organisationnel, des opportunités pourraient naître de la combinaison de différentes profes-sions. Par exemple, des psychologues peuvent assumer certaines activités médicales et des assistants en soins et santé communautaire (ASSC) peuvent être davantage impliqués.

Vous attendez-vous à l’arrivée, dans la psychia-trie, de nouveaux acteurs du marché étrangers au domaine ?C’est difficile à évaluer, mais fondamentalement possible, en particulier dans le secteur ambulatoire avec des offres à bas prix, comme par exemple la gestion du stress en prestation additionnelle dans les centres de fitness. Dans un concept de vie biopsychosocial, il est possible que des prestataires actuels occupent également des domaines de la psychologie à l’avenir.

Les projets de construction et d’investissement doivent être financés. Quelles sont, selon vous, les tendances en termes de financement ?L’importance des dons va augmenter dans le secteur de la santé. On le voit déjà dans le secteur des homes et dans les fondations. Il n’est pas exclu que cela s’étende aux hôpitaux pédiatriques ou aux fournisseurs de thérapies oncologiques spécifiques. Pour le marché de la psychiatrie, il sera probablement difficile d’utiliser les dons comme source substantielle de financement. Nous n’avons pas de lobby.

Dans l’ensemble, le risque augmentera pour les finance-ments hospitaliers externes. Dans ce contexte, un ratio de fonds propres élevé sera toujours un atout. Face à cette évolution et au vu de la hausse des taux d’intérêts, le taux actuel OCP (Ordonnance sur le calcul des coûts et le classement des prestations par les hôpitaux et les établisse-ments médico-sociaux dans l’assurance-maladie) est trop bas car il ne tient pas compte du risque de manière adé-quate. Une augmentation à 4,8 % au moins, comme le propose H+, serait judicieuse.

On observe par ailleurs des distorsions de la concurrence

entre les prestataires publics et privés. D’une part, les hôpitaux publics ne courent pratiquement aucun risque de faillite, et d’autre part, ils ne paient pas d’impôts.

La pression à la performance financière aug-mente en permanence. Comment cela se traduit-il chez vous et comme fixez-vous vos objectifs ?Nous faisons avant tout des comparaisons internes (par exemple, les objectifs d’efficience et l’atteinte des objectifs par thérapeute). Il ne s’agit pas seulement d’un classement, mais cela permet surtout de comprendre le mécanisme qui fait que certains atteignent de meilleures performances que d’autres. De cette manière, tous les collaborateurs du groupe pourront améliorer leur travail. Nous avons, par exemple, standardisé les rapports de sortie à l’échelle du groupe. Je peux dire par contre que nous n’accordons guère d’importance aux comparaisons externes.

La concurrence croissante est visible avant tout chez les patients au bénéfice d’une assurance complémentaire. Dans les soins de base, la concurrence est encore faible car tous les prestataires jouissent actuellement d’un taux d’occupa-tion satisfaisant.

Outre la course au patient le plus rentable, il existe une concurrence acharnée pour recruter les meilleurs spécia-listes. C’est pourquoi nous essayons, nous aussi, d’être un employeur attractif. Nos salaires sont ceux pratiqués sur le marché, mais il nous tient à cœur de nous adapter aux exigences de la nouvelle génération. Nous disposons de modèles de temps de travail souples et de possibilités de formation ainsi que de carrières attrayantes. Ce qui nous différencie avant tout est notre culture : ces dernières années, nous avons réduit le fonctionnement par hiérarchie au profit de l’entrepreneuriat dans l’entreprise. C’est-à-dire que nous exigeons beaucoup de nos collaborateurs, mais que nous les encourageons tout autant.

TARPSY sera introduit le 1er janvier 2018. Comment la concurrence va-t-elle s’intensifier ?Dans les soins aigus, l’assainissement des structures n’a pas encore eu lieu, malgré une concurrence accrue. Elle est même entravée selon le canton considéré.

Dans la psychiatrie, il sera intéressant de voir quel sera

l’impact du nouveau financement sur la concurrence. Je pense que les différences de coûts ne sont pas suffisamment prises en compte par TARPSY ; les prestations intensives sont trop peu représentées. Il s’agit plus ou moins d’un forfait journalier différencié. Dans les 22 PCG définis, la perception des prestations est trop peu marquée ; on répartit de manière uniforme le degré de gravité sur tous les prestataires. Ce n’est pas la réalité. Je pense qu’il faudrait autoriser des critères structurels, comme la psychiatrie fermée (environnement protégé pour suicida-lité, violence, etc.), les gardes de nuit, le médecin de nuit et l’accueil en urgence.

Si, dans l’ensemble, TARPSY est un pas dans la bonne direction, ce n’est pas non plus la panacée. Le modèle actuel recèle en soi le risque que le nombre élevé de codes CHOP (codes de classification des procédures) conduise à une surcharge de travail administratif.

Quel est l’impact de TARPSY sur le portefeuille de prestations et sur les processus ?Il n’est pas substantiel. TARPSY présente une certaine incitation à réduire la durée de séjour, ce qui conduira à une intensification des thérapies. Par ailleurs, il y aura un impact sur les jours de congés des patients. Et si l’on considère l’attrait financier, on peut dire que la psychogé-riatrie sera un peu mieux traitée.

À quoi ressembleront les soins psychiatriques en 2030 ?Je pense que, dans l’ensemble, le numérique sera intégré comme soutien à la prise en charge. Le secteur stationnaire sera plus aigu qu’aujourd’hui et, suite à la progression de l’ambulatoire, la part de ce type de traitement sera nette-ment plus importante. Globalement, je pense que les coûts de la santé grimperont pour atteindre 15 % du PIB. Dans une société prospère telle que celle de la Suisse, la santé, et en particulier la santé psychique, sera plus valorisée.

Monsieur Bosshard, nous vous remercions pour cet entretien passionnant.

« Les différences de coûts ne sont pas suffisamment prises en compte par TARPSY ; les prestations intensives sont trop peu représentées »

Entretien avec David J. Bosshard: CEO, groupe Clienia

23 Hôpitaux suisses : santé financière 201622 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 13: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Figure 12 : Vue d’ensemble des options de financement externes les plus fréquentes

4. Financements externes : aujourd’hui et après-demain

Options de financement externe pour les hôpitaux suissesLes possibilités de financement des hôpitaux suisses ont profondément changé. Le financement interne par les propres moyens de l’hôpital (autofinancement ou désinves-tissements) est concurrencé de manière toujours plus importante par le financement externe, par des moyens qui ne proviennent pas du processus de création de valeur de l’hôpital, surtout en cas de gros investissements.

Dans les conditions actuelles, les hôpitaux suisses disposent fondamentalement de trois options de financement externe : le financement par capitaux étrangers, le finance-ment par levée de fonds propres ou les instruments de financement hybrides (voir figure 12).

Le financement par capitaux étrangersSi les instruments de financement à court terme, tels que le crédit de compte courant, étaient déjà utilisés avant l’introduction du nouveau financement hospitalier, les instruments de financement à long terme, arrivés par les marchés du crédit et des capitaux, n’ont commencé à retenir l’attention qu’en 2012. Les instruments d’emprunt à long terme les plus fréquents sont le crédit bancaire bilatéral classique, le crédit syndiqué, le prêt avec recon-naissance de dette et les emprunts publics.

Le tableau 2, sur la double page suivante, explique en quoi ces instruments se différencient, comment ils sont utilisés idéalement et ce à quoi il faut veiller.

Financement externe

Financement de tiers Financement par levée de fonds propres Instruments de �nancement hybrides

Fonds étrangers Fonds propres Forme mixte

À court terme• Crédit de compte courant• Crédit par traite• Papiers commerciaux

À long terme• Crédit bancaire bilatéral• Crédit syndiqué• Prêt avec reconnaissance de dette• Emprunts publics

• Augmentation de capital par les actionnaires• Augmentation de capital par des partenaires stratégiques• Private equity• Capital-risque• Entrée en bourse

• Capital « mezzanine »• Bons de jouissance• Bons de participation• Emprunts convertibles• Crédits subordonnés

25 Hôpitaux suisses : santé financière 201624 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 14: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Crédit bancaire bilatéral Crédit syndiqué Prêt avec reconnaissance de dette Emprunts publics

Description Le contrat de crédit est signé directement entre l’emprunteur et le prêteur.

Le crédit est accordé par plusieurs banques (syndicat) à un emprunteur, sur la base d’une documentation contractuelle commune.

Le prêt avec reconnaissance de dette est un engagement bilatéral dans lequel l’emprunteur reçoit un prêt d’un ou de plusieurs investisseur(s). Le prêt est confirmé par une reconnaissance de dette.

L’emprunt est un titre ou une obligation qui représente des droits de créance.

Taux d’intérêt Libor CHF 5 + marge de crédit Libor CHF + marge de crédit

Coûts supplémentaires :Frais de conclusion, rémunération d’intermédiaire (rémunération annuelle versée à l’intermédiaire pour le travail administratif), provision de mise à disposition, coûts juridiques.

Taux swap CHF 6 + spread de crédit

Coûts supplémentaires :Supplémentaires : des frais supplémentaires sont possibles en particulier s’il y a l’intervention d’un intermédiaire.

Le coupon suit le taux swap CHF et le spread de crédit, ou le z-spread 7 d’hôpitaux comparables.

Coûts supplémentaires :Commission du lead manager (en % de la valeur nominale du volume d’émission), commission d’intermédiaire (par cas), frais d’émission de SIX Swiss Exchange AG, commission de structuration.

Volume Dépend de la politique de crédit de la banque en question

Dépend de la politique de crédit des banques impliquées, à partir de CHF 30 millions

CHF 5 à 100 millions À partir de CHF 100 millions

Avantages 9 Grande souplesse (montant, durée, moment de la levée, intérêt, amortissement)

9 Communication directe avec les banques

9 Documentation contractuelle réduite (souvent pas plus de 10 à 15 pages)

9 Levée possible de financement adaptée aux besoins (éviter les taux négatifs)

9 Pas besoin de rating

9 Pas d’obligation en matière de publicité publique

9 Pas de communication sur le marché des capitaux

9 Déroulement

9 Grande souplesse (montant, durée, moment de la levée, intérêt, amortissement)

9 Levée possible de financement adaptée aux besoins (éviter les taux négatifs)

9 Majorité requise au sein du consortium bancaire en cas de décisions importantes comme une résiliation

9 Pas besoin de rating

9 Pas d’obligation en matière de publicité publique

9 Pas de communication sur le marché des capitaux

9 Souplesse (montant, durée, volume)

9 Documentation contractuelle réduite et standardisée

9 Pas d’obligation de rating

9 Large base d’investisseurs, compte tenu de la règle 10/20 de créanciers non bancaires8

9 Pas de clauses de garanties financières (covenants)

9 Pas d’obligation en matière de publicité publique

9 Pas de communication sur le marché des capitaux

9 Caractère public

9 Instrument de financement à long terme

9 Conditions très attrayantes

9 Large base d’investisseurs

9 Pas de clauses de garanties financières (covenants)

Défis y Négociations individuelles chronophages avec les banques

y Investissement administratif important

y Lignes de crédit bilatéral résiliables facilement en tout temps

y Coûts de financement plus élevés que pour un emprunt ou un prêt avec reconnaissance de dette

y Clauses de garanties financières et non finan-cières (covenants)

y Documentation contractuelle volumineuse (souvent plus de 150 pages)

y Critères d’octroi de crédit des banques

y Coûts de financement plus élevés que pour un emprunt ou un prêt avec reconnaissance de dette

y Durées plus courtes que pour un emprunt ou un prêt avec reconnaissance de dette

y Clauses de garanties financières et non finan-cières (covenants)

y Caractère moins public

y Pas de levée possible de fonds adaptée aux besoins

y Coûts des intérêts légèrement plus élevés que pour un emprunt

y Documentation contractuelle volumineuse (souvent plus de 150 pages)

y Respect du règlement de cotation de SIX Swiss Exchange AG

y Obligation de prospectus

y Obligations de publicité et de communication sur le marché des capitaux

Conclusion En raison de leur simplicité, des coûts initiaux faibles et de leur déroulement efficient, les crédits bancaires bilatéraux conviennent comme financement de base et pour la garantie des liquidités. Ils sont en revanche moins adaptés pour de plus gros volumes de crédit dans le cadre de grands investissements.

Le crédit syndiqué est souvent utilisé lors du financement de volumes d’investissement importants, en combinaison avec l’emprunt public ou le prêt avec reconnaissance de dette ; il peut servir de financement de base souple, car le crédit est levé en fonction des besoins ce qui permet d’éviter un excès de liquidité.

Le prêt avec reconnaissance de dette est un instrument de financement approprié en raison de sa grande souplesse, du déroulement peu coûteux et des faibles coûts de documentation, ainsi que de la forte demande des investisseurs. Il est un complé-ment attrayant aux emprunts public et aux crédits bancaires.

En raison des conditions de marché comparativement attrayantes et de l’horizon d’investissement à long terme, l’emprunt public est un instrument de financement très attrayant pour les hôpitaux suisses.

5 Le Libor CHF est le taux d’intérêt interbancaire fixé quotidiennement sur la base duquel une sélection de banques s’accordent des prêts sur le marché londonien, sur une base non garantie en francs suisses.

6 Le taux swap correspond à l’intérêt fixe défini dans un swap de taux.7 Le z-spread (« zero volatility spread ») est l’écart constant au-delà de la courbe swap zéro coupon en CHF. Le z-spread doit être additionné à la courbe swap zéro

coupon en CHF pour que les flux de trésorerie escomptés de l’emprunt correspondent au prix du marché. De ce fait, le z-spread sert à mesurer le risque de crédit d’un emprunt. Plus il est élevé, plus le risque est estimé élevé par les investisseurs.

8 Selon la règle des 10 créanciers non bancaires, les versements d’intérêts ne sont pas soumis à l’impôt anticipé tant que l’émission ne dépasse pas 10 créanciers non bancaires ou que le crédit octroyé n’excède pas CHF 500’000.

Tableau 2 : Comparaison des instruments de fonds étrangers à long terme

26 27 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 15: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

En règle générale, les taux d’intérêts et les conditions des instruments d’emprunt à long terme restent confidentiels. Toutefois, et pour autant que les emprunts soient émis publiquement, les coupons et les conditions sont inclus dans le prospectus d’émission et de cotation et, donc, accessibles publiquement. De plus, les emprunts publics sont négociés sur le marché secondaire, ce qui a pour effet de rendre visibles les prix négociés des transactions ainsi que le z-spread (voir figure 13).

Les emprunts d’émetteurs hospitaliers privés et publics ont connu un développement réjouissant sur le marché secon-daire et constituent un instrument de financement établi, comme en témoignent les z-spreads tendanciellement à la baisse. Depuis mi-2016, les investisseurs sur le marché secondaire pour les emprunts hospitaliers demandent une prime de risque moins élevée par rapport à la courbe de swap à coupon zéro en CHF. Les z-spreads sont même négatifs pour certains emprunts hospitaliers depuis 2017.

Le financement par levée de fonds propresLa levée de capitaux étrangers sur le marché du crédit et du capital n’est pas le seul mode de financement dont dispose un hôpital. Il existe aussi un financement par fonds propres, c’est-à-dire par des actionnaires déjà présents ou des nouveaux investisseurs. Si l’hôpital est organisé en société anonyme11 de droit privé, la levée de fonds propres se fait généralement par le biais d’une augmentation de capital. Pour les autres formes juridiques, l’augmentation de capital doit être examinée en détail. Pour une société anonyme, de nouvelles actions sont émises, souscrites et libérées par les actionnaires à hauteur de leur droit de souscription. Ce qui a pour effet d’augmenter le ratio de fonds propres. Les capitaux propres représentent un matelas de sécurité pour les créanciers de l’entreprise. La levée de fonds propres supplémentaires s’accompagne donc aussi d’une augmenta-tion de la solvabilité.

Un certain nombre d’hôpitaux privés ont déjà procédé à des augmentations de capital, parmi lesquels le groupe sud-africain Mediclinic International dont fait partie le groupe zurichois de cliniques privées Hirslanden. La dernière augmentation de capital a eu lieu en 2015 et se montait à USD 759 millions. Pour les hôpitaux publics, les financements par levée de fonds propres sont en revanche très rares, bien que de nombreux cantons autorisent légalement de vendre certaines actions. À l’inverse, certains hôpitaux suisses ont pris des participations dans de jeunes start-ups ou ont conclus des partenariats avec elles.

Avant de procéder à des transactions ou à des opérations de financement par levée de fonds propres, les investisseurs potentiels examinent principalement la valeur de l’entre-prise. La méthode d’évaluation la plus fréquemment utilisée

et reconnue est la méthode de l’actualisation des flux de trésorerie (DCF) qui requiert l’accès à des chiffres et à des informations internes peu disponibles pour le public. Les méthodes d’évaluation orientées marché, basées sur les « multiples », peuvent être une bonne alternative. Elles reposent sur des données de marché d’entreprises et de transactions comparables. Ces données permettent de déduire des multiplicateurs implicites d’évaluation et de les appliquer à l’hôpital concerné. Notre analyse des prix de transactions payés jusqu’ici sur le marché hospitalier européen entre 2007 et septembre 2017 montre qu’en valeur médiane, il a été payé 12,3 fois le dernier EBITDA disponible. L’analyse des données de marché des hôpitaux cotés en bourse parvient en valeur médiane à un multipli-cateur EBITDA de 10,7 fois. Plus de détails sont disponibles dans notre dernière étude.

Instruments de financement hybridesEnfin, les hôpitaux peuvent recourir à la troisième option de financement externe, les instruments de financement hybrides. Si les actionnaires souhaitent éviter une dilution de leur participation et de leurs droits ou si les instruments classiques de financement étrangers sont inappropriés, les instruments de financement hybrides représentent une option valable en tant que forme mixte d’instruments de fonds propres et étrangers. Une des caractéristiques de ces instruments de financement est que l’hôpital reçoit des fonds propres sans accorder de droits de vote aux bailleurs de fonds externes.12 Il s’agit par exemple de bons de jouissance, d’obligations convertibles ou de crédits subor-donnés. Ces instruments sont aujourd’hui peu fréquents dans les hôpitaux et les établissements psychiatriques suisses.

9 Les z-spreads ont été analysés indépendamment des durées d’emprunts.10 Les emprunts de l’hôpital pédiatrique de Zurich sont une exception, car ils sont négociés dans la perspective du niveau de z-spread comme les emprunts d’hôpi-

taux publics.11 Au sens de l’article 620 ss du code des obligations suisse (CO ; RS 220) 12 Banik, C., Ogg, M., et Pedergnana, M. (2008): Hybride und mezzanine Finanzierungsinstrumente: Möglichkeiten und Grenzen.

Figure 13 : Évolution du z-spread des hôpitaux privés et publics depuis 2015 9

(50)

0

50

100

150

200

250

300

350

01.01.2015 01.07.2015 01.01.2016 01.07.2016 01.01.2017 01.07.2017

Poi

nts

de

bas

e

Hirslanden (1,625%) Hirslanden (2,000%) Spital Limmattal (0,550%)Spital Limmattal (1,875%) Regionalspital Emmental (1,625%) GZO (1,875%)PDAG (0,750%) Schön Klinik (3,250%) HDLT (2,500%)Kinderspital ZH (0,250%) Kinderspital ZH (0,750%) Kantonsspital Aarau (0,750%)Aevis (2,000%) Aevis (2,500%) Aevis (2,750%)Aevis (3,500%)

Hôpitaux privés

Hôpitaux publics(exceptionKinderspital Zürich)

Nous en concluons que le risque de défaut de crédit de certains émetteurs est estimé plus faible que celui des placements monétaires en CHF sur le marché interbancaire.

Généralement, le z-spread varie selon le risque d’exploita-tion et de financement. Il est plus élevé pour les hôpitaux ayant un taux d’endettement plus haut (dettes financières

nettes/EBITDA), un ratio de fonds propres plus bas et une marge EBITDA(R) plus faible. Toutefois, les types de propriété de l’émetteur hospitalier l’influencent également de manière sensible. C’est ainsi que, comparés aux hôpitaux en mains publiques, les hôpitaux et cliniques privés affichent un z-spread plus élevé d’environ 100 points de base10 sur le marché secondaire suisse pour les emprunts.

29 Hôpitaux suisses : santé financière 201628 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 16: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Figure 14 : Les cinq phases du processus de financement

Processus de financement et enjeux pour le management de l’hôpitalLe processus de financement se déroule généralement en cinq phases : 1) analyse de la situation de départ et dévelop-pement du concept de financement, 2) marketing, analyse du marché et offres indicatives, 3) négociations pré-deal, due diligence et offres fermes, 4) négociations finales et conclusion du financement, 5) post deal. La figure 14 reproduit les principaux contenus par phase.

La durée de l’ensemble du processus de financement dépend non seulement de l’instrument de financement, mais aussi de la situation de l’hôpital. Pour les travaux préparatoires et le déroulement à proprement parler du processus de financement, le management devrait, selon notre expérience, prévoir au moins trois à quatre mois. Il faut tenir compte des processus internes d’autorisation et de décision, en particulier s’il ne siège qu’irrégulièrement, car le comité d’audit ou le conseil d’administration doit entéri-ner certaines décisions. Pour cette raison, il doit mettre en place une gestion stricte de projet ainsi qu’un calendrier détaillé.

Même si toutes les tâches n’exigent pas le même investisse-ment en temps de travail, l’expérience montre que les travaux de gestion de projet restent très intenses. Cela est dû notamment à la complexité du processus en soi, mais aussi à l’interaction avec les divers groupes d’intérêt et à la nécessité de garantir un processus compétitif. Par ailleurs, il est également indispensable que les décisions prises respectent le droit en vigueur. C’est pourquoi le manage-ment de l’hôpital devrait considérer le soutien de conseil-lers financiers indépendants qui, au besoin, consultent eux-mêmes d’autres experts.

Financement externe aujourd’huiPour les investissements en infrastructure, les marchés de crédit et des capitaux se sont imposés comme source principale pour les hôpitaux privés et publics. Les instru-ments d’emprunt à long terme les plus fréquents sont le crédit bancaire bilatéral classique, le crédit syndiqué, le prêt avec reconnaissance de dette et les emprunts publics. Ces derniers comptent actuellement, en raison des condi-tions de marché intéressantes et des longues échéances, parmi les instruments de financement les plus attrayants pour les hôpitaux suisses. Ainsi, à notre connaissance, dix hôpitaux suisses ont déjà émis depuis 2013 des emprunts pour un volume global de près de CHF 1,9 milliard. Les maturités s’étendent généralement entre huit et dix ans.

Malgré de nombreux désinvestissements, l’accès au capital par levée de fonds propres ou par instruments de finance-ment hybrides reste largement fermé aux hôpitaux publics. Ces instruments sont principalement utilisés par les hôpitaux et cliniques privés. Nous y voyons plusieurs raisons. De nombreux hôpitaux se trouvent en mains publiques à 100 % et le resteront probablement pour des raisons politiques et stratégiques en raison de leur utilité pour la société. En outre, les hôpitaux indépendants sont trop peu attrayants pour des investisseurs qui souhaitent jouer un rôle actif en raison des périodes de blocage des actions ou des exigences minimales d’investissement. En contrepartie, les hôpitaux et les établissements psychia-triques sont impliqués dans des start-ups innovantes, par exemple dans les domaines de la numérisation et de la robotique.

Analyse de la situation initiale et développement

d’un concept de financement

Contenu des phases

Marketing et analyse de marché

Négociations pré-deal, Due Diligence, offres

fermes

Négociations finales et signature du financement

Post deal

y Mise à jour du plan d’affaires

y Analyse des flux prévus de trésorerie

y Évaluation de la capacité d’endettement

y Analyse et discussion des différentes options et scénarios

y Optimisation du profil de maturité

y Identification des risques de taux

y Communication avec les intervenants internes et respect des processus internes d’autorisation

y Identification des cabinets d’avocats externes potentiels

y Préparation des documents adaptés aux groupes-cibles (internes et externes)

y Gestion de projet et définition d’un calendrier

y Préparation des documents nécessaires au processus de financement (p. ex. teaser, mémorandum d’information, accord de confidentialité)

y Identification de partenaires potentiels de financement (longlist)

y Prise de contact

y Invitation à remettre des offres de financement indicatives

y Analyse et évaluation des offres de financement indicatives

y Sélection des partenaires de financement appropriés (shortlist)

y Présentation du management, session de questions & réponses (Q&A), Due Diligence

y Négociations des conditions

y Comparaison et analyse des offres fermes de financement

y Évaluation de tous les documents juridiques par le cabinet d’avocats externe

y Négociations finales

y Calcul et discussion des clauses de garanties financières et non financières (covenants)

y Conclusion du finance-ment/placement

y Signature des offres fermes

y Conseils juridiques fournis par le cabinet d’avocats externe

y Communication externe

y Constitution du service des médias

y Respect des obligations de suivi (p. ex. publicité ad hoc)

y Mise à jour du plan d’affaires

y Contrôle des clauses de garanties financières et non financières (covenants)

Structuration/stratégie de financement

Appel d’offres, mémo- randum d’information et offres indicatives

Offres fermesDocumentation et conclusion

Suivi

30 31 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 17: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Digression : l’ICO, une forme innovante de financement

L’initial coin offering (ICO), une méthode innovante de levée de fonds de masse (crowdfunding), pourrait devenir une source de financement attrayante pour les start-ups du secteur de la santé en Suisse. De janvier à fin octobre 2017, plus d’USD 2,3 milliards ont été financés par des ICO.13 L’exemple de la jeune pousse américaine Patientory est parlant : une levée de fonds d’USD 7,2 millions grâce à des ICO. L’objectif de Patientory est de développer un réseau de stockage décentralisé basé sur le blockchain pour les dossiers électroniques des patients.14

Les ICO sont parfois comparées aux initial public offering (IPO). La principale différence tient au fait que, dans le cas d’une ICO, ce ne sont pas des actions qui sont vendues à une entreprise mais des jetons numériques (« tokens ») sur la base de la technologie du blockchain, en lien avec le projet en question ou l’entreprise levant des ICO. Ces jetons sont achetés principalement avec des cryptomon-naies comme le bitcoin ou l’ether.

Ces jetons peuvent ainsi fonctionner de plusieurs manières. On distingue trois catégories : 1) les jetons à caractère de papiers valeurs (les investisseurs ont un droit de regard ou un droit à un versement de divi-dendes) ; 2) les monnaies virtuelles au sens de moyen de paiement ; 3) les « utility tokens » ou jetons utilitaires, une sorte de carburant soutenant les performances de calcul et les fonctions de la plate-forme en question. Jusqu’ici, les ICO sont gérés principalement par le réseau Ethereum qui offre une plate-forme décentralisée pour les contrats intelligents (smart contracts). La réglementation

concernant les ICO est encore très lacunaire aujourd’hui, par rapport à d’autres formes de financement. Toutefois, les choses sont en train de changer et on observe des efforts, tant au niveau national qu’international, pour créer un cadre et une sécurité juridiques applicable aux ICO. Il n’existe pas, actuellement, de prescriptions spécifiques s’appliquant aux ICO en Suisse. Ceci ne signifie pas pour autant que les ICO se situent dans une zone de non-droit. En effet, chaque ICO est examiné individuellement par la FINMA. Selon le cas, plusieurs lois nationales régissant les marchés financiers peuvent être concernées. Dans sa Communication sur la surveil-lance du 27 septembre 2017, la FINMA rappelle que son droit de surveillance peut s’appliquer notamment dans les domaines suivants :

1) Dispositions sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme,

2) Dispositions du droit bancaire,

3) Dispositions sur le négoce des valeurs mobilières et

4) Dispositions du droit sur les placements collectifs.

De plus, les articles du code des obligations et les règles du droit fiscal doivent être respectées. En cas d’infraction aux lois en vigueur ou de contournement de ces der-nières, la FINMA ouvre une procédure d’enforcement.15 Il n’est donc guère surprenant que les organisateurs d’ICO soient souvent conseillés par des consultants indépen-dants dans la mise en place de ces instruments.

13 Coindesk (2017): Monthly New ICO Funding, www.coindesk.com/ico-tracker (dernier accès le 29 septembre 2017).14 Voir aussi www.patientory.com (dernier accès le 29 septembre 2017).15 Voir aussi www.finma.ch/fr/news/2017/09/20170929-mm-ico/ (dernier accès le 3 octobre 2017).

32 33 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 18: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Financement externe après-demainEn raison des besoins importants en investissements des hôpitaux suisses dans l’immobilier, l’infrastructure informatique et de communi-cation (TIC), les équipements médicaux, ainsi que les installations et le mobilier, les options de financement externes restent déterminantes. Sur la base de notre expérience, nous observons les tendances suivantes :

1. La recrudescence de l’activité d’investissement au cours de ces prochaines années portera les marchés du crédit et des capitaux sur le devant la scène. Une grande partie de ces investissements étant financée par le marché du crédit, le ratio de fonds propres moyen des hôpitaux suisses de soins aigus, actuellement de 45,2 %,16

baissera sensiblement.

2. L’emprunt standard est la forme actuellement préférée par les hôpitaux suisses. Pour toucher un cercle d’investisseurs plus large, d’autres formes, comme les obligations à coupon zéro (Zero-Coupon Bonds), vont s’imposer.

3. L’évaluation des risques, en particulier des hôpitaux publics, sera plus stricte, ce qui conduira à un octroi plus limité des crédits. Le précédent juridique sera déterminant si un hôpital ou un établisse-ment psychiatrique n’honore plus ses obligations de paiement et qu’il faut clarifier les questions de responsabilité.

4. Dans ces conditions, des sources de financement alternatives pourront aussi prendre le relais selon l’objectif de l’investissement. Par exemple, des dons de la population, des contributions de mécènes ou de fondations.

5. Les modèles de soins intégrés conduisent à une intensification et à une augmentation des partenariats et des coopérations stratégiques. Pour cette raison, nous nous attendons à davantage de financements par levée de fonds propres. Alors qu’aujourd’hui des hôpitaux et des établissements psychiatriques intègrent déjà des jeunes start-ups, toujours plus de partenaires stratégiques participeront à l’avenir aux capitaux propres des prestataires classiques.

6. Le financement par levée de fonds propres par l’intermédiaire d’investisseurs financiers comme les caisses de pensions ou des investisseurs de private equity constitue une option intéressante. Ces acteurs sont d’ailleurs toujours plus présents dans le secteur de la santé. Les instruments de financement hybrides entreront également en ligne de compte.

7. Des instruments de financement alternatifs et innovants devraient également faire leur apparition dans le secteur de la santé suisse. Pour le financement étranger, citons l’exemple des titres adossés à des actifs (asset-backed securities), déjà utilisés aux États-Unis ou au Japon. Quant aux start-ups, elles pourraient être séduites par les ICO (voir digression, page 32).

« Des instruments de financement alternatifs et innovants devraient aussi faire leur apparition dans le secteur suisse de la santé »

16 PwC (2016): Hôpitaux suisses : santé financière 2015.

34 35 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 19: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

5. Le paysage des soins en pleine mutation

La mue du secteur de la santé s’accentue à tous les niveaux : patients, prestataires de soins ainsi que nouvelles solutions médico-techniques et pharmacologiques. Dans ce chapitre, nous examinerons en détail les moteurs de ces change-ments et nous oserons lancer un pronostic à l’horizon 2030.

Les patients : entre évolution démographique et attitude revendicatriceConséquences de l’évolution démographiqueL’évolution démographique conduit non seulement à une augmentation globale de la population, mais aussi à son vieillissement. En effet, selon les dernières estimations de la Confédération, la proportion de personnes âgées (65 ans et plus) de la population passera de 18,0 % en 2015 à 22,8 % en 2030 17. L’allongement de l’espérance de vie et la progres-sion du taux de recours à l’hospitalisation chez les per-sonnes âgées s’accompagnent d’une augmentation de la multimorbidité. La prise en charge est ainsi plus complexe et nécessite un grand nombre de prestataires, particulière-ment en raison du souhait des patients de rester aussi longtemps que possible dans leur environnement familier.

Conséquences du développement des attitudes revendicatrices L’évolution concerne non seulement la structure d’âge des patients, mais aussi leurs besoins et leurs exigences. Ces dernières sont toujours plus hétérogènes, dictées par les différences culturelles de patients venus de l’étranger ainsi que par les nouvelles mentalités des générations Y et Z. L’approche paternaliste qui caractérisait autrefois la relation médecin-patient appartient au passé. Le patient d’aujourd’hui souhaite participer en tant que partenaire (« patient responsable ») dans le processus de décision (shared decision making). Il ne lui suffit toutefois plus de simplement participer à la prise de décision concernant son traitement, il exige également un traitement médical individualisé qui le place au centre à tout moment (méde-cine personnalisée et centrée sur le patient). Il s’agit d’un changement de paradigme qui se base sur une médecine ancrée dans les valeurs de référence. Les décisions ne sont pas prises uniquement sur la base d’une efficacité démon-trée empiriquement, l’utilité spécifique pour le patient est, elle aussi, prise en compte. L’objectif est d’augmenter la

Les prestataires : professionnels de santé et fournisseurs de prestations sous pressionLes causes de la pénurie de professionnelsApparue durant ces dernières années, la pénurie de professionnels est désormais une réalité dans le domaine médical. Tout porte à croire qu’elle s’accentuera encore d’ici à 2030, notamment en raison de l’évolution démogra-phique.18 Les raisons sont diverses et ont plusieurs origines selon le métier.

Personnel médicalCinq facteurs majeurs ont été identifiés comme cause de la pénurie de professionnels chez les médecins.

1. Capacité de formation limitée : avec un nombre restreint de places, actuellement, seul un tiers des professionnels nécessaires est formé dans les universi-tés suisses.19

2. Moins de nouveaux médecins étrangers : les adaptations de salaires dans les pays voisins et les restrictions légales en Suisse ont entraîné un net recul du nombre de médecins venant notamment d’Allemagne et d’Autriche.

3. Adaptation de la loi fédérale sur la durée du travail : cette adaptation a introduit la semaine de 50 heures dans le domaine de la santé, conduisant à un besoin supplémentaire non négligeable de postes de médecins. Pourtant, aujourd’hui encore, les médecins hospitaliers travaillent plus de 50 heures par semaine en moyenne.20 Dans l’ensemble toutefois, une réduc-tion sensible du temps de travail hebdomadaire se profile.

4. Potentiel inexploité des médecins formés : avec leurs modèles de travail actuels, les hôpitaux semblent toujours ne pas tenir suffisamment compte des exi-gences des jeunes médecins, plus particulièrement des femmes médecins, notamment en termes de concilia-tion de la vie professionnelle et de la vie privée. Les médecins hospitaliers sont nombreux à déplorer une philosophie de gestion archaïque et un manque de diversification dans les équipes de direction.21 En effet, la part de femmes suivant des études de médecine et parmi les médecins assistants est d’environ 50 % ; mais elle se réduit drastiquement lorsque l’on considère les chefs de clinique, les chefs de service et les médecins chefs.22 Les cabinets médicaux ambulatoires qui proposent des conditions de travail modernes ainsi que des solutions individuelles sont donc des concurrents sérieux pour les hôpitaux dans la chasse aux talents.

5. Planification difficile de la relève : la pénurie de professionnels ne concerne pas que les hôpitaux. La pression n’épargne ainsi pas la médecine de premier recours, notamment en matière de gestion de la relève. Il y a plusieurs raisons à cela : la charge de travail, le

qualité et l’efficience du traitement. Les prestataires de soins sont appelés à changer leur mode de pensée : les médecins doivent passer de la « pensée par groupe de maladies » pratiquée autrefois (traitements standard pour différentes maladies) au niveau du patient en tant qu’indi-vidu au sens d’une « individualisation systématique et ciblée ». Aujourd’hui, les médecins posent tant un diagnos-tic médical que préférentiel et adaptent en conséquence le choix thérapeutique. Pour cela, ils seront toujours plus soutenus par des outils numériques d’aide à la décision (medical decision aid), comme nous l’expliquons plus en détail au chapitre 6.

La relation médecin-patient ainsi que les itinéraires théra-peutiques et cliniques ne sont pas les seuls à devoir chan-ger. On observe aussi une demande accrue concernant les prestations numériques, permettant un accès simple et rapide aux données médicales ainsi que la possibilité d’ajouter d’autres informations au dossier du patient, comme les expériences les plus importantes qu’il fait dans le cadre de sa thérapie. Les données cliniques collectées dans les établissements de santé pourront ainsi être associées aux données des utilisateurs acquises en dehors de l’environnement clinique, comme par exemple à travers des journaux de bord sur l’alimentation ou l’activité physique. Pour répondre à ce besoin, la télémédecine (comme les consultations vidéo) pourrait constituer un outil utile. Ajoutons encore que le patient est devenu plus exigeant concernant la manière d’accéder aux prestations, par exemple en termes d’accessibilité (transports publics, places de parking), de prise de rendez-vous rapide à des heures compatibles avec son emploi du temps, et d’équipement.

salaire dans un cabinet individuel, et le fait que la nouvelle génération de médecins accorde une valeur plus importante au travail en équipe.

Personnel soignant La situation du personnel soignant est similaire à celle du personnel médical, voire plus grave. L’analyse de l’effectif des soignants entre 2010 et 2014 révèle un besoin croissant en personnel dans les hôpitaux de soins aigus, dû à la durée de séjour plus courte et à la concentration de la charge de travail qui en résulte. La situation dans les soins de longue durée est encore plus marquée, en raison de l’augmentation du nombre de patients, des besoins accrus en soins et de l’élargissement de l’offre de prestations dans le domaine de l’aide et des soins à domicile (Spitex).23 Selon le scénario de référence de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan), une hausse de 35 % (équivalents plein temps) des besoins en personnel soignant est projetée à l’horizon 2030.24 Cette estimation ne tient pas compte du remplacement de 25 % du personnel soignant actuel qui partira à la retraite.

« Le patient d’aujourd’hui s’attend à être impliqué comme partenaire à part entière dans la prise de décision »

17 Conseil fédéral (2016): Changement démographique en Suisse : champs d’action au niveau fédéral.18 Office fédéral de la santé publique (2016): Soins de base pour les clients et les patients du point de vue de l’État.19 Voir «L’offensive de formation dans les études de médecine sous les feux de la critique», Tages-Anzeiger, 3 avril 2017.20 Voir «Le temps de travail des médecins assistants – illégal mais tout à fait normal», SRF, 14 avril 2017.21 Voir PwC (2016): La gestion dans les hôpitaux de soins aigus en Suisse.22 Voir «Des médecins exténués mettent les patients en danger», NZZ, 11 avril 2017.23 Obsan (2016): Personnel de santé en Suisse. État des lieux et projections à l’horizon 2030.24 Obsan (2016): Personnel de santé en Suisse. État des lieux et projections à l’horizon 2030.

SALLE D’ATTENTE

36 37 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

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Figure 15 : Les rôles dans les soins selon le niveau de formation

Comment remédier à la pénurie de professionnelsPour pallier à cette pénurie de professionnels, il faut mettre en place des mesures à long terme, portant sur plusieurs niveaux et capables de résoudre le problème à la racine. Le Conseil fédéral a déjà fait un premier pas dans cette direction : il a facilité l’accès aux études ou à une formation postgraduée. De plus, le nombre de places disponibles pour les études et la formation, tant pour les médecins que pour les soignants, a été augmenté tout en accordant un finance-ment initial de CHF 100 millions pour la période de 2017 à 2020.25

Nous abordons ci-après d’autres approches susceptibles d’atténuer à moyen terme la problématique de la pénurie de professionnels.

Approche 1 : nouveaux profils dans les professions de la santéPour rester efficace, le système de santé doit non seulement augmenter ses effectifs, mais il doit aussi offrir des

Advanced Nurse Practitioners (ANP) – Infirmiers/ères praticien/nes spécialisé/esAu sein du personnel soignant, les ANP assument la direction, la formation et le développement des soins. Ils assurent également le lien avec les médecins. De nouveaux niveaux hiérarchiques apparaissent donc dans les soins selon le niveau de formation (ANP, Infirmier/ère BSc/infirmier/ère diplômé/e, assistant(e) en soins et santé communautaire (ASSC) et aide en soins et accompagnement).

Certains cursus de niveau master sont déjà proposés pour les ANP, comme le Master « Advanced Nursing Practice » à Kalaidos, la Haute école spécialisée de Zurich.26 En Suisse romande, l’Université de Lausanne, conjointement avec la HES-SO (Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale), propose un Master en sciences infirmières. Une nouvelle formation est également en développement afin de former les futures infirmières praticiennes spécialisées. L’ANP est une personne qui a acquis « les connaissances théoriques, le savoir-faire nécessaire aux prises de décisions complexes, de même que les compétences cliniques indispensables à la pratique avancée de son métier ».27 Les ANP procèdent notamment de manière autonome à des anamnèses et à des examens cliniques. Elles peuvent, dans un cadre défini, prendre des décisions cliniques et coordonner des prestations de santé. Dans le secteur ambulatoire, elles pourraient aussi assumer la fonction de « case manager » pour décharger les médecins de premier recours, en travaillant par exemple dans des homes, des centres médicaux ou des pharmacies. Actuellement, la situation juridique en Suisse ne permet pas aux ANP de fournir des prestations autrement que sur ordonnance ou sur mandat de médecins (principe de délégation).28 Elles ne peuvent donc pas encore prescrire de médica-ments,29 ce qui est possible par contre aux États-Unis.30

Physician Assistants (PA)Aux États-Unis, les PA font partie du système de santé depuis les années 1960. La profession s’est également développée dans d’autres pays extra-européens (comme l’Afrique du Sud et la Chine). En Europe, ce profil professionnel est surtout connu aux Pays-Bas, en Angleterre et en Scandinavie. Leur intervention dans le quotidien clinique s’y est révélée non seulement perti-nente mais aussi positive pour la satisfaction des patients.31 Ces prochaines années, les PA feront leur entrée dans les systèmes de santé en Suisse et en Allemagne. Actuellement, on ne les rencontre qu’occa-sionnellement.32 Pour exercer en tant que PA, il faut avoir achevé une formation dans un métier de la santé, puis être titulaire d’un CAS (Certificate of Advanced Studies), d’un Bachelor ou d’un Master (proposé en Suisse par exemple à la Haute école zurichoise de sciences appliquées, ZHAW, ainsi qu’à l’UNIL, à la Haute Ecole de Santé de Genève ou encore à l’Institut et Haute Ecole de La Source).33

En assumant des prestations médicalement délégables, les PA déchargent le personnel médical et améliorent la qualité de la prise en charge des patients. À la différence des médecins, les PA ne doivent pas se soumettre à des rotations, ce qui apporte une certaine sérénité au travail dans le service. Dans son travail, un PA doit justifier de connaissances étendues et de solides compétences. Ces dernières sont nécessaires pour exécuter des « activités sous instruction et supervision » (par exemple : collabo-ration aux endoscopies, mise en place de drainages) et des « tâches en autonomie complète en adéquation avec la situation et en connaissant les conséquences » (par exemple, mise en place d’accès vasculaires périphé-riques, préparation de rapports chirurgicaux).34 Les décisions et responsabilités thérapeutiques incombent exclusivement aux médecins, même si, dans des cas moins complexes, les PA peuvent donner des sugges-tions de traitement aux médecins.

Le flou règne encore quant à l’attribution des PA à un groupe professionnel défini. Dans un projet pilote, conduit à l’hôpital cantonal de Winterthur, ils étaient intégrés à la direction des soins.35 Selon les prévisions actuelles en Allemagne, ils devraient, comme aux États-Unis,36 faire partie du service médical.37

possibilités de formation continue et développer de nouvelles professions. Dans les hôpitaux suisses, il s’agit des métiers d’infirmier/infirmière praticien/ne spécialisé/e avancé/e (Advanced Nurse Practitioner – ANP ou Advanced Practice Nurse – APN), et d’infirmier/infirmière clinicien/ne spéciali-sé/e (Physician Assistant – PA). Dans le secteur ambulatoire, les assistants en soins et santé communautaires (ASSC) sont désormais indissociables de la prise en charge et seront toujours plus importants à l’avenir. Dans ce domaine aussi, il faudra créer davantage de possibilités de formation et réfléchir à un développement de carrière de ce profil professionnel.

La création de ces nouveaux profils professionnels doit non seulement permettre de redistribuer les rôles au sein des soins, mais aussi de faciliter la connection entre prestations et soins médicaux. De plus, en augmentant l’attrait des profes-sions médicales, on suscitera probablement un plus grand intérêt pour le secteur de la santé lors du choix professionnel. Ces nouvelles professions se distinguent non seulement par leurs activités et responsabilités principales, mais également par les parcours de formation (voir figure 15).

25 Voir «L’offensive de formation dans les études de médecine sous les feux de la critique», Tages-Anzeiger, 3 avril 2017.26 Voir «Nurse Practitioner: Le modèle américain », Kalaidos, 20 juin 2016.27 Kieser, U. (2016): Advanced Practice Nurse et Clinical Nurse Specialist – nouveautés dans les métiers d’infirmier/ère.28 Voir art. 25, al. 2, lit. a, ch. 3 LAMal.29 Voir art. 25, al. 2, lit. b LAMal.30 Voir «Can Nurse Practitioners Prescribe Medication?», NP Schools, 2017.31 Timmermans (2017): “The impact of the implementation of physician assistants in inpatient care: A multicenter matched-controlled study”.32 «Experte en soins, elle remplace le médecin de famille», Tages-Anzeiger, 22 février 2016.33 Voir «CAS Spécialiste clinicienne/Spécialiste clinicien», ZHAW, 2017.34 Corps médical allemand/KBV (2017): « Physician Assistant – Un nouveau métier dans le secteur de la santé allemand ».35 Voir «Le succès des Clinical Nurses: les demi-déesses en blanc », NZZ, 29 avril 2016.36 Voir «Physician Assistant vs. Nurse Practitioner vs. Medical Doctor», The Physician Assistant, 1er mars 2017.37 «Professions de la santé non médicales – Il faut décharger les médecins», Deutsches Ärzteblatt, 2017.

y Master of Science in Nursing avec option Advanced Nurse Practitioner à l’Université ou en Haute école spécialisée (au moins 90 ECTS)

y Plus formation postgraduée obligatoire de minimum deux ans

y Master en soins à l’Université ou en Haute école spécialisée

y Personnel soignant hautement spécialisé

y Formation de trois ans en École supérieure / cursus de trois ans en Haute école spécialisée ou à l’Université

y Responsabilité de la planification, gestion des parcours de soins et itinéraires cliniques

y Certificat fédéral de capacité en soins et santé communautaires

y Fournit les soins et le suivi de base auprès du patient

y Attestation fédérale de formation professionnelle

y Assiste l’équipe de soignants dans le suivi et les soins aux patients

39 Hôpitaux suisses : santé financière 201638 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

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Approche 2 : nouvel équilibre de compétences et de spécialisations dans les soinsL’académisation des soins avec l’entrée en scène des ANP et des PA dans la pratique clinique peut pallier en partie à la pénurie de professionnels médicaux. En revanche, elle peut aussi accentuer la pénurie de professionnels des soins à la base (soignants sans formation académique). Ces « forces de base » garantissent les soins aux patients. Pour cette raison, les spécialistes recommandent un taux d’académisation des professions de la santé ne dépassant pas 10 à 20 %,38 pour préserver un équilibre des compétences et des spécialisa-tions. Par rapport à la situation actuelle, cela correspond à une légère augmentation.

Globalement, il est primordial de définir précisément les rôles pour intégrer avec succès les ANP et les PA dans le quotidien de l’établissement. Selon des expériences faites aux États-Unis, il apparaît nécessaire de définir des critères de qualité uniformes et de préciser le nombre d’heures dans la formation clinique pour que les PA disposent de compé-tences comparables.

Approche 3 : personnel venu de l’étrangerLe recrutement de personnel médical venu de l’étranger pourrait être une autre solution à la pénurie de profession-nels. L’hôpital doit s’interroger sur sa volonté d’élargir, pour certaines professions, le rayon géographique de recrute-ment au-delà des pays voisins, sachant qu’il devra alors tenir compte de barrières linguistiques et de différences culturelles.

Approche 4 : augmenter l’attrait des professions médicalesLa nouvelle loi sur la durée du travail offre une opportu-nité, car une mise en œuvre appropriée des dispositions dans la pratique peut contribuer de manière déterminante au bien-être du personnel médical. Des professionnels motivés et reposés seraient aussi un gain pour le patient. Le changement de culture et de gestion y relatif représente un défi majeur, car le travail d’équipe doit atténuer les strictes limites de compétences et les hiérarchies rigides.

Approche 5 : tirer parti du progrès technologiqueLes évolutions technologiques impactent, par leur rapidité, les exigences posées aux professionnels de santé, mais également les effectifs indispensables. À long terme, la standardisation, l’automatisation et la numérisation des procédures de travail conduiront à un ralentissement de la pénurie de professionnels. L’influence de l’automatisation et de la numérisation est très récente, mais déjà omnipré-sente. La transformation numérique a fortement boulversé de nombreuses industries, à l’exception de la santé et de la formation. De plus en plus de tâches de routine sont désormais automatisées. À l’avenir, ce qui sort des habitu-des et qui doit être appris sera tout aussi concerné. Par exemple, des robots s’occuperont de préparer les médica-ments, des logiciels analyseront et écriront les rapports de radiologie et des appareils médicaux portables réduiront le temps de collecte des données. La télémédecine et le télétravail peuvent également réduire la pénurie locale de professionnels en permettant de recourir aux connais-sances nécessaires sans limite géographique. Les évolutions dépasseront largement ce que nous imaginons aujourd’hui. Les exemples de Google ou IBM qui se positionnent active-ment dans le secteur de la santé depuis plusieurs années en sont la parfaite illustration.

D’une part, la numérisation déchargera le secteur de la santé ; d’autre part, les changements dans d’autres secteurs conduiront à un transfert à long terme de professionnels vers le secteur de la santé. Le secteur de la santé aura sans conteste besoin de davantage de professionnels à l’avenir, nous partons donc du principe que ces derniers seront disponibles mais qu’il faudra créer à temps les capacités de formation nécessaires.

38 «Professions de la santé non médicales – Il faut décharger les médecins», Deutsches Ärzteblatt, 2017.

Les soins, au carrefour des générations – Opportunités et défis pour l’avenir

Entretien avec la professeure Rebecca Spirig Directrice des soins et des secteurs médico-technique et médico-thérapeutique, Hôpital universitaire de Zurich (USZ)

Madame Spirig, quels sont les principaux défis dans les soins à l’USZ ?Un grand défi dans le domaine des soins et du secteur médico-technique et médico-thérapeutique (MTTB), mais aussi dans le secteur de la santé dans son ensemble, est celui d’employer les bonnes personnes dans les bonnes fonctions pour nos patients. Ce souci permanent de répondre aux besoins a entraîné l’apparition de nouveaux profils et rôles aux croisements de plusieurs professions.

Je vois aussi un autre défi qui réside dans la compréhension intergénérationnelle en lien avec la philosophie de direc-tion et les formes de collaboration. Une certaine adaptation du style de direction s’esquisse déjà aujourd’hui, notam-ment à l’échelon intermédiaire où les nouvelles générations arrivent dans des postes à responsabilités. Alors que les baby-boomers étaient convaincus que tout pouvait être amélioré, la nouvelle génération est plus équilibrée, plus mesurée et plus orientée sur l’interprofessionnalité. L’intérêt croissant accordé à l’équilibre de vie apparaît comme moteur dans la flexibilisation des modèles de travail.

Parlez-nous de la pénurie de professionnels et de la situation en la matière à l’USZ ?Il nous tient particulièrement à cœur de concilier les besoins des générations et d’aborder sans tabou ceux des jeunes gens dans l’organisation. Pour cette raison, nous développons en permanence une grande diversité de nouveaux modèles de travail, renforçant ainsi l’attractivité de l’USZ.

La progression des traitements ambulatoires et les revendi-cations des jeunes professionnels accroissent l’importance de l’interprofessionnalité. Nous nous devons, en tant que dirigeants, de poser les bases de cette collaboration inter-professionnelle. Nous avons d’ailleurs pleinement réussi à

l’instaurer entre les soignants et les collaborateurs des professions thérapeutiques. Encourager cette dynamique entre les professions médicales et les autres professions de la santé est un défi pour lequel nous nous engageons avec détermination. La demande accrue en interprofessionnalité offre aussi la chance de mettre en place de nouveaux modèles de prise en charge non seulement à l’hôpital, mais aussi dans l’environnement extra-hospitalier (par exemple : Spitex (soins à domicile) – hôpital – cabinet médical) au sens d’un itinéraire du patient.

Ces nouveaux modèles de prise en charge sont indispen-sables. Ainsi, le centre médical « USZ – The Circle » à l’aéroport de Zurich a plutôt besoin, dans un environne-ment purement ambulatoire, d’assistantes médicales (ASSC) que de soignantes qui sont, par exemple, complé-tées par des spécialistes cliniques ou Advanced Nurse Practitioners (ANP) disposant d’une grande expertise dans un domaine spécifique comme le soin des blessures. Les nouveaux modèles qui apparaissent ainsi nécessitent des rôles adaptés en conséquence et nous incitent à trouver de nouveaux cursus de formation.

« Pour que ces différents rôles se développent réellement, il faudra les définir clairement dans un cadre de pratiques bien déterminé. Les patients ne pourront être pris en charge de manière optimale que si l’on confie les bonnes tâches aux bonnes personnes »

Entretien avec la professeure Rebecca Spirig: Directrice, Hôpital universitaire de Zurich (USZ)

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Comment prévenez-vous la future pénurie de professionnels ?Les évolutions internationales et nationales nous enseignent qu’il sera crucial, non seulement de former nos collaborateurs, mais aussi de leur donner des perspectives d’évolution claires. Nous sommes particulièrement fiers de proposer davantage de formation que ce qui est requis et d’investir dans les formations continues. Il nous semble aussi très important de soutenir nos collaborateurs dans leur carrière. Nous avons donc développé des plans de carrière pour toutes les professions de la santé, et mis en place, avec le service des ressources humaines, un pro-gramme d’encouragement des talents qui rencontre beaucoup de succès.

La gestion par indicateurs est également un outil impor-tant. En cas d’anomalies dans les chiffres, par exemple un taux élevé de rotation du personnel, nous lançons un audit pour en identifier la cause. Les indicateurs nous permettent aussi de créer de la transparence.

Comme nous l’avons déjà dit, les jeunes générations attendent que la gestion prenne en compte leurs nouvelles exigences. C’est ce que nous faisons au travers de la promo-tion des talents que nous encourageons en leur proposant différents modèles de travail. Au niveau de la direction, nous veillons à fixer des limites tout en laissant aux diffé-rents dirigeants la liberté de développer des modèles tant que la qualité du traitement des patients est au rendez-vous.

L’interprofessionnalité, déjà mentionnée précédemment, est un point sur lequel nous nous engageons fortement, même si les choses sont plus difficiles dans un hôpital universitaire fortement hiérarchisé que, par exemple, dans un hôpital employant des médecins consultants.

Je pense enfin que l’innovation viendra des nouveaux modèles d’exploitation ambulatoires dont j’ai déjà parlé, mais aussi d’une stratégie de plate-forme dans les soins, au sens d’un applatissement des niveaux hiérarchiques et d’une organisation centralisée des prestations en faveur de la médecine dans son ensemble. Et il n’est pas exclu que des modèles hybrides viennent s’implanter entre lignes et plate-formes.

Dans quelle mesure les nouveaux rôles abordés, notamment dans les soins, se développeront-ils à vos yeux ?Les rôles évoluent en particulier au niveau des croisements entre les secteurs. Les APN, par exemple, constituent l’interface clinique entre les médecins et le personnel infirmier diplômé. De même, la délégation de tâches médicales, par exemple aux PA, est un aspect de ce croise-ment, étant entendu que les PA représentent une interface spécialisée dans une tâche, alors que les APN sont plutôt formés dans le domaine des processus globaux liés au patient. Elles peuvent ainsi assumer, avec les infirmiers/ères diplômés/ées, la gestion de l’interface. Un autre modèle très prometteur est celui du spécialiste hospitalier qui, en tant que praticien dans les services chirurgicaux, agit à l’intersection entre la chirurgie et la médecine.

Les nouveaux profils professionnels peuvent être aussi déployés dans l’ambulatoire, par exemple dans les cabinets médicaux ou les pharmacies. Les APN et les infirmiers/ères diplômés pourraient, comme dans d’autres pays, alléger la charge des médecins de terrain, en particulier dans les régions rurales. Mais, faute de statut tarifaire, cette évolu-tion est pour l’instant bloquée.

Pour que ces rôles se développent réellement, il faudra les définir clairement dans un cadre de pratiques bien déter-miné. Ici aussi, il s’agit de confier les bonnes tâches aux bonnes personnes et de les placer dans les bons rôles. La question du cadre tarifaire et de l’accompagnement de ces rôles dans les services et les cabinets médicaux ne pourra se régler sans soutien politique. Le renforcement de la profes-sion de santé qui en découlera pourrait aussi améliorer son image à l’hôpital et dans la société.

À votre avis, comment le secteur de la santé et les hôpitaux en Suisse vont-ils évoluer ?D’abord, et c’est essentiel, le recentrage sur le patient va se poursuivre. La voix des patients en tant que codécideurs déterminés et informés se renforcera. Le développement des itinéraires cliniques, des programmes, des outils et des processus, sans oublier les applications, se fera par des approches de gouvernance partagée (shared governance).

Les soins illustrent très bien le lien entre les niveaux de prise en charge ; c’est un secteur qui se prête à des modèles innovants comme Spitex à l’hôpital, des équipes de soins mobiles et autres. Dans cet esprit, ils peuvent contribuer à poursuivre le développement de modèles de suivi des maladies chroniques.

La participation et l’inclusion des familles modifieront, elles aussi, le paysage. Il faut apprendre à informer ouvertement les proches pour qu’ils puissent à leur tour soutenir plus efficacement les patients.

La technologie et la numérisation se développeront en paralèlle. De plus, l’autogestion, sur la base de données liées aux résultats, impactera notamment la part croissante des patients chroniques.

Nous connaîtrons, enfin, une plus grande hétérogénéité des patients et de leurs besoins. Alors que la standardisation est toujours plus poussée, dictée notamment par une volonté d’économie, le principe du bien-être du patient doit rester au centre de chaque décision. Il nous incombe de rendre la réalisation de ce principe évidente pour le patient et de montrer qu’il est possible de concilier le respect du patient avec l’économicité.

Comment les soins vont-ils évoluer au cours de ces 10 à 15 prochaines années ?La sécurité du patient et la qualité des soins resteront primordiales. La focalisation sur la qualité est essentielle pour un bon développement. Il est important que nous disposions en temps réel d’indicateurs orientés résultats pour adapter les soins en conséquence.

Des plans de carrière clairs, un niveau de formation élevé, des modèles de travail modernes et attrayants, une bonne réputation des institutions et vis-à-vis de la société ainsi qu’une gestion adaptée sont indispensables si l’on veut que les soins se développent de manière optimale.

Comment la répartition des différents rôles changera-t-elle au cours de ces prochaines années, à votre avis ?De nombreuses études nationales et internationales nous enseignent que le rôle du personnel infirmier diplômé est crucial pour la sécurité des patients. C’est aujourd’hui le rôle le plus représenté dans les soins, et cela le restera.

Pour l’accompagner, nous pouvons encore accroître la part d’assistant(e)s en soins et santé communautaire (ASSC) sans oublier les APN qui assument un rôle précieux en tant qu’interfaces avec les médecins.

Le personnel infirmier diplômé et spécialisé est indispen-sable en particulier lorsque des patients polymorbides ont besoins de soins très aigus. Mais, la tendance à prendre en charge des malades chroniques dans le cadre familial verra ces trois professions avoir, ensemble, un rôle plus important.

Globalement, il faut créer des plans de carrière clairs pour tous les profils et les professions, adaptés à tous les niveaux, et pratiquer une communication transparente dès le début de carrière.

Avez-vous d’autres observations ou préoccupa-tions dont vous aimeriez parler ?Les soins sont un terreau fertile pour le développement de nouveaux concepts de traitement, comme le suivi télémédi-cal via des applications pour le patient, au sens de ce que l’on appelle « implementation science ». À mon avis, les nombreuses données de suivi sont encore trop peu considé-rées dans la recherche médicale. Dans ce domaine, les soins pourront fournir une contribution encore plus importante à l’avenir.

Nous vous remercions vivement pour cet entretien, Madame Spirig !

Entretien avec la professeure Rebecca Spirig: Directrice, Hôpital universitaire de Zurich (USZ)

« Il nous tient particulièrement à cœur de concilier les besoins des générations et d’aborder sans tabou ceux des jeunes pro-fessionnels dans l’organisation »

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Les prestataires de soins : entre centralisation et décentralisationLa structure, facteur cléOn entend fréquemment que l’augmentation des coûts de la santé en Suisse est due notamment au nombre élevé de prestataires de soins aigus stationnaires. De fait, ces derniers génèrent des coûts considérables non seulement en termes d’infrastructure, mais aussi par la demande de prestations qu’ils provoquent.39 La politique tente d’interve-nir par diverses mesures réglementaires, par exemple en relevant le nombre requis de cas pour certaines interven-tions et l’objectif de cas spécifiques pour les chirurgiens.40 Pour les experts, ces interventions réglementaires feront progresser la consolidation du marché et baisser le nombre des prestataires de soins stationnaires.41 La tendance à la consolidation et la probable centralisation dans les régions urbaines se renforceront donc durant ces prochaines années. Ceci pourrait conduire à la création de réseaux régionaux en étoile (hub and spoke).

Il s’agirait ici de la structure des centres hospitaliers. Chaque centre hospitalier serait relié à une série d’hôpitaux satellites décentralisés pour les soins de base. Grâce aux progrès techniques médicaux, ces hôpitaux seraient en mesure d’exécuter un grand nombre d’opérations de complexité modérée. Cette structure présente l’avantage de coordonner et d’harmoniser les offres des différents hôpitaux et de répondre aux différents niveaux de soins. Cette organisation offre aussi une meilleure qualité de la prise en charge du patient. Il serait également envisageable que des centres médicalisées, et non des hôpitaux, garan-tissent ces prestations de soins décentralisées. Par centre médicalisé, on entend la réunion de cabinets médicaux et d’autres fournisseurs de prestations de soins au sens plus large. Des modèles hybrides entre centre médical et hôpital (par exemple, des centres de soins ambulatoires) sont également possibles et judicieux. Les différents prestataires de services pourraient mieux se concentrer sur leur offre de prestations et les acteurs pourraient renforcer leur réseau.

Cette constitution en « hub and spoke » s’accompagnera probablement d’une réduction de la demande en lits dans les centres hospitaliers stationnaires. Leur indice de Case-Mix (CMI) augmentera sensiblement par la centralisa-tion de la médecine hautement spécialisée (MHS). Il n’est toutefois pas possible d’évaluer de manière définitive dans quelle mesure cette tendance est entravée par les investis-sements actuels dans les infrastructures.

Nouveaux modèles économiquesLa réorganisation des prestataires de soins s’accompagnera du développement de modèles et d’offres de prestations innovants.

Plusieurs exemples : y les permanences ou cliniques « walk-in » (sans

rendez-vous) ; y les cliniques « retail » (c’est-à-dire situées par exemple

dans des centres commerciaux ou des lieux de forte affluence) (voir digression p. 46) ;

y les offres d’aide et de soins à domicile élargies (Spitex), avec spécialisation dans certains types de maladies.

Il y aura probablement d’autres « offres de prestations intermédiaires » dans lesquelles les soins ambulatoires et stationnaires se fondent afin de garantir une continuité de la prise en charge (soins intégrés), par exemple de nou-veaux modèles dans les cliniques de jour en soins aigus et en psychiatrie. Le déplacement des offres vers le secteur ambulatoire se poursuivra sous la pression politique. Les fausses incitations liées à la tarification et au financement dans le secteur ambulatoire étant connues, nous partons de l’idée que l’avancée de nouveaux modèles tarifaires permet-tront une exploitation appropriée du potentiel médical du virage ambulatoire.

« La tendance à la consolidation et la centralisation probable dans les régions urbaines se renforceront, entraînant la création de réseaux en étoile »

39 PwC (2016): Ambulatoire avant stationnaire. Ou comment économiser un milliard de francs chaque année.40 Voir «Le médecin chef de Bülach doit opérer à Liestal», NZZ, 22 juillet 2017.41 Voir PwC (2016): Hôpitaux suisses : santé financière en 2015.

Figure 16 : Représentation graphique de la structure « hub and spoke »

Permanence / clinique « walk-in »

Centre médical

ambulatoire

Clinique de chirurgie

ambulatoire

eHealth/mHealth

Pharmacie

Équipes de soins mobiles

Clinique « retail »

Hôpital satellite

Permanence / clinique « walk-in »

Centre médical

ambulatoire

Clinique de chirurgie

ambulatoire

eHealth/mHealth

Pharmacie

Équipes de soins mobiles

Clinique « retail »

Hôpital satellite

Permanence / clinique « walk-in »

Centre médical

ambulatoire

Clinique de chirurgie

ambulatoire

eHealth/mHealth

Pharmacie

Équipes de soins mobiles

Clinique « retail »

Hôpital satellite

Permanence / clinique « walk-in »

Centre médical

ambulatoire

Clinique de chirurgie

ambulatoire

eHealth/mHealth

Pharmacie

Équipes de soins mobiles

Clinique « retail »

Hôpital satellite

Centre hospitalier

44 45 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 24: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Digression : cliniques « retail »

Par cliniques « retail », on entend des centres de soins implantés dans des supermarchés ou des pharmacies, dans lesquels du personnel spécialement formé (par exemple des ANP et des PA, voir page 39) fournit des soins pour traiter des maladies aigues peu complexes. Le traitement de ces cas simples conduit à un désengorgement des urgences et a un effet positif sur la maîtrise des coûts de la santé. Aux États-Unis, ces offres existent depuis plusieurs années déjà ; en Europe, la Finlande fait figure de pionnier en la matière. Outre le traitement des maladies aigues, les cliniques « retail » proposent aussi de plus en plus la prise en charge de base de maladies chroniques, comme le traitement de l’hypertension ou d’un taux de cholestérol trop élevé. Elles peuvent également procéder à des vaccinations peu risquées pour des personnes en bonne santé (par exemple : contre la grippe ou contre la méningo-encéphalite à tiques [MET]). Aux Etats-Unis, 20 % de toutes les vaccinations sont effectuées dans ce type d’établissement.42 Les craintes

vis-à-vis de la qualité du traitement dans les cliniques « retail » ne se sont pas vérifiées malgré l’absence de méde-cin sur place. Pour les cas d’urgences plus complexes, le personnel peut consulter un médecin par (visio-)téléphone. Ce soutien télémédical est toutefois peu fréquent, car les patients sont conscients des limites de compétences et des possibilités des cliniques « retail » et sont ainsi à même d’évaluer sommairement leur propre situation.

Les heures d’ouverture étendues, les temps d’attente courts et l’accessibilité optimale des cliniques « retail » sont particulièrement appréciés des patients. Les expériences, dans l’ensemble très positives aux États-Unis et en Fin-lande, permettent de présupposer que ce type d’établisse-ment pénètrera davantage le marché suisse de la santé au cours de ces prochaines années. De premiers projets pilotes ont été lancés en 2017 par de grandes entreprises de pharmacie et de télémédecine.

42 Bachrach, D (2015): The value proposition of retail clinics.

Le changement par le progrès : innovations médico-techniques et informatiquesLes possibilités toujours plus grandes et riches des secteurs médico-technique et informatique accélèrent les change-ments dans les prestations de soins au cœur des secteurs ambulatoire et stationnaire, pour des interventions préven-tives, conservatrices ou chirurgicales ainsi que pour les prestations psychiatriques.

Sous l’œil vigilant des « wearables » (systèmes portables)Certes, les données manquent encore aujourd’hui, mais les « wearables » (systèmes informatiques portables sur le corps, par exemple pour mesurer la distance parcourue, le pouls, la température et la glycémie) sont fiables à long terme et judicieux pour bon nombre de patients. Ils s’établi-ront durant ces prochaines années en tant que partie intégrante du système de soins, tant dans le secteur B2C que B2B. D’autres progrès permettront de saisir encore plus de données liées aux fonctions vitales, en particulier pour la prévention et la surveillance des maladies chroniques. Le transfert automatique des données, les évaluations en temps réel ainsi que les pronostics permetteront d’interve-nir rapidement, par exemple lorsqu’un dépassement des seuils fixés déclenchera un système d’alarme. Parallèle-ment, les « wearables » permetteront aux patients de participer activement à la prévention et à l’optimisation du traitement. Grâce au transfert automatique des données, il sera aussi possible de procéder à des téléconsultations, par exemple par visio-téléphonie. La focalisation sur le patient est aujourd’hui optimisée, en particulier dans les soins de ‘nouveaux’ patients âgés, car elle élimine le chemin souvent compliqué pour atteindre le cabinet médical. De plus, les patients actuels ont plus d’affinités avec les technologies que leurs parents. Dans l’ensemble, le triage, le diagnostic et le traitement des patients pourra se faire partiellement, voire entièrement, par voie virtuelle.

Élimination de la question des interfacesLes innovations dans l’infrastructure informatique aug-menteront la fiabilité des connexions, de l’échange de données et de la communication entre les différents systèmes médicaux. Aujourd’hui, il manque surtout une langue informatique uniforme et des interfaces correspon-dantes. L’objectif est une collaboration sans obstacle non seulement au sein d’un hôpital mais aussi intersectorielle, par exemple sur des plates-formes de médecins telles qu’il

en existe aujourd’hui, mais en trop faible nombre (par exemple, « Human Diagnosis Project »).43 Ce type de plates-formes encourage l’échange entre un grand nombre de spécialistes fournissant un système performant d’aide à la décision et conduisant à une meilleure qualité de prise en charge tout en économisant du temps et de l’argent.

Plus-value des « big data » et de l’intelligence artificielleL’utilisation croissante et l’analyse ciblée de grandes quantités de données (« big data »), combinée aux progrès dans le domaine de l’intelligence artificielle, apportera, dans les prochaines années, davantage de soutien aux médecins dans les processus de diagnostic et les décisions thérapeutiques. Les quantités de données croissent autant que les connaissances correspondantes et leur complexité. Des outils d’analyse basés sur l’informatique feront totale-ment partie du quotidien médical. De ce fait, le processus de diagnostic sera ainsi non seulement plus exact et fondé, mais aussi moins cher et plus rapide. En conséquence, un traitement pourra commencer plus tôt.

Développement de l’automatisation et virage ambulatoire Aujourd’hui déjà, les robots ont leur place dans les salles d’opérations. Bien que leur rapport coûts/bénéfices soit encore débattue, ils feront partie des processus collabora-tifs durant ces prochaines années et assumeront toujours plus de tâches médicales. Le recours à des solutions robo-tiques s’intensifiera aussi en dehors des salles d’opération, comme dans la logistique clinique. Il va sans dire que de nouveaux domaines d’application viendront s’ajouter. Nous partons du principe que la fourniture de prestations par le développement de nouvelles procédures de traitement moins invasives favorisera l’élargissement du secteur ambulatoire.

« Des outils d’analyse basés sur l’informatique feront totale-ment partie du quotidien médi-cal. De ce fait, le processus de diagnostic sera ainsi non seule-ment plus exact et fondé, mais aussi moins cher et plus rapide »

43 Human Diagnosis Project: exploitation de données statistiques des patients afin de permettre une pose de diagnostic améliorée (plus d’informations sous http://www.humandx.org).

47 Hôpitaux suisses : santé financière 201646 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 25: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Le futur des soins et leur évolution

Entretien avec Isabelle Lehn Directrice des soins, CHUV

Isabelle Lehn, actuelle directrice des soins auprès du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), a construit sa carrière en soins infirmiers en occupant de nombreuses fonctions-clés au CHUV et auprès d’autres institutions. Nous l’avons interviewée sur son activité et la vision de sa profession.

Quels sont vos rôles et responsabilités en tant que directrice des soins au CHUV ?Le rôle de directrice des soins comprend plusieurs axes :

y garantir la sécurité et la qualité des soins dans l’ensemble de l’établissement ;

y collaborer avec les milieux de formation de toutes les filières soignantes ;

y optimiser la trajectoire du patient ; y donner du sens aux changements dans la profession afin

qu’ils soient compris et adoptés par les professionnels.

La plus grande responsabilité concerne la garantie de la sécurité et de la qualité des soins, primordiales pour un établissement comme le CHUV. Les soins doivent être sûrs pour les patients et les processus de soins doivent être naturellement tout aussi sûrs pour les soignants. Il s’agit de proposer et donner des directives-cadres. Nous travaillons actuellement sur plusieurs projets, notamment la sécurisa-tion du processus d’administration des médicaments, l’optimisation de l’échange verbal d’informations entre les collaborateurs du CHUV et la gestion proactive des séjours patients.

La collaboration avec les milieux de formation de toutes les filières soignantes (infirmières, physiothérapeutes, ergo-thérapeutes, sages-femmes et assistantes sociales) permet d’assurer l’alignement entre la formation et les besoins du terrain. L’efficience est nécessairement au cœur des soins et le choix des compétences ainsi que des professionnels est d’autant plus crucial. Le suivi des programmes de formation

afin de s’assurer de l’alignement de ceux-ci avec les besoins du terrain sont essentiels pour qu’il n’y ait pas de rupture dans les processus et dans la qualité des soins.

Le travail sur la trajectoire du patient est particulièrement important, car il couvre les exigences en personnel par rapport au parcours du patient non seulement à l’interne mais également à l’externe. En effet, la collaboration et la coordination des soins doivent être effectuées dans le cadre de l’hospitalisation (réduction de la durée de séjour et contraintes budgétaires) et dans le cadre du suivi post-hos-pitalisation, où l’interaction avec les organisations de prise en charge à domicile tels que le CMS (Centre médico-so-cial) permet une cohérence des soins pour les patients.

Donner du sens aux changements dans la profession afin qu’ils soient compris et adoptés par les professionnels est une condition incontournable, avec un impact sur notre fonctionnement, sur la satisfaction des professionnels et sur la qualité des prestations cliniques. À noter encore que la présence de la direction des soins au Comité de Direction du CHUV est essentielle en tant que représentation des soins et du domaine social, mais également afin de pouvoir faire comprendre aux autres dirigeants l’impact sur le terrain des décisions qu’on y prend.

Quels sont les défis liés aux soins infirmiers pour les années à venir ?Les défis de la profession sont doubles : d’une part, répondre aux changements de la patientèle et, d’autre part, gérer les différences générationnelles au cœur de la profession.

Le vieillissement de la population, avec un pic de personnes âgées prévu entre 2030 et 2040, implique un accroissement des hospitalisations de patients âgés souffrant de plusieurs maladies chroniques. Ce type de prise en charge est plus complexe et, lié à une contrainte de la baisse de durée de séjour, induit une intensification des soins sur moins de jours, avec un retour à domicile souvent anticipé. De ce fait, les soins doivent être réorganisés dans un souci d’efficience.

Les différences générationnelles ont forcé le transfert d’un leadership transactionnel vers un leadership transforma-tionnel afin d’intégrer les exigences de la nouvelle généra-tion de personnel soignant qui souhaite incorporer plus de sens dans le métier et qui privilégie un bon équilibre vie privée et vie professionnelle. Au niveau organisationnel, cela implique de développer des compétences relationnelles de cadres de proximité afin de qu’ils répondent à ces besoins. Axé sur la bienveillance, ce type de leadership génère un environnement de travail plus épanouissant mais aussi des résultats cliniques optimaux.

Quelles sont les initiatives organisationnelles mises en place pour faire face à ces défis ?Nous avons développé différentes solutions pour répondre à ces défis et plus particulièrement l’introduction et la promotion du rôle d’infirmière clinicienne spécialisée titulaire d’un master ainsi que la mise en place de plusieurs commissions participatives.

Les infirmières se trouvent de plus en plus dans une position de coordinatrice des soins avec une situation de leadership qu’il faut travailler afin d’obtenir une interaction

optimale avec les autres professionnels consultants (soins palliatifs, diabétologie, diététique). Ce changement n’est pas toujours simple à gérer puisqu’il y a une perte du côté technique de la profession à cause du temps passé à coor-donner les soins. Dans ce contexte, le rôle d’infirmière clinicienne spécialisée (ou clinical nurse – ou PA – physi-cian assistant) en tant qu’acteur de transfert de connais-sances commence à prendre de l’ampleur, afin justement de développer ce rôle de coordination tout au long du parcours du patient. Il s’agit d’un travail orienté sur les derniers savoirs scientifiques basés sur les preuves (evidence-based medicine) et sur la préparation de l’environnement des soins afin d’en optimiser la pratique.

Le CHUV a mis en place, par le biais de la direction des soins, plusieurs commissions dont les buts sont, par exemple, de mesurer des indicateurs de résultats cliniques sensibles aux soins infirmiers, de définir des axes d’amélio-ration et des changements dans chaque unité de soins, de mettre à disposition les savoirs les plus récents et de soutenir la carrière des professionnels de santé.

Quelles mesures pensez-vous prendre par rapport au manque de personnel qualifié ?La profession demeure très attractive en Suisse romande. Dans les années 2000, la volonté politique a été de relever le niveau de la formation infirmière avec l’introduction d’un Bachelor. Cette réponse a été efficace. De plus, en tant qu’institution universitaire, le CHUV bénéficie d’une excellente réputation pour les débuts de carrière.

La pénurie est par contre bien présente pour les profils avec un niveau de technicité très élevé, comme les experts en soins intensifs par exemple. Le recours à du personnel étranger permet de pallier temporairement à ce manque. Il sera comblé par des professionnels suisses à l’avenir grâce au cursus mis en place.

« L’efficience est nécessairement au cœur des soins et le choix des compétences ainsi que des professionnels est d’autant plus crucial »

Entretien avec Isabelle Lehn: Directrice des soins, CHUV

48 49 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 26: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Entretien avec Isabelle Lehn: Directrice des soins, CHUV

À noter encore que, concernant le personnel, le défi princi-pal n’est pas forcément la formation ou l’engagement, mais la rétention et le maintien de la présence de ce personnel compétent et bien formé dans le circuit hospitalier (actuel-lement, l’ancienneté moyenne se situe entre sept et dix ans en Suisse).

Comment les soins infirmiers vont-ils se développer à long terme ?Comme mentionné précédemment, la collaboration interprofessionnelle à l’interne et à l’externe sur les trajec-toires des patients constitue l’un des points centraux du développement des soins dans le futur.

Le virage ambulatoire implique également des soins différents et une concentration accrue de la technicité pendant un court laps de temps, nécessitant une prépara-tion minutieuse avant, pendant et après l’intervention afin d’optimiser le temps avec le patient. De nouveaux profils professionnels voient progressivement le jour du fait de ces contraintes :

y les infirmières cliniciennes spécialisées prennent en charge les patients en ambulatoire (sans prescription de médicament, ni pose de diagnostic ou demande de laboratoire/radiologie) ;

y les infirmières praticiennes (nouveau master en prépara-tion) prendront en charge les patients en tant que spécialistes de premier recours pour les patients les moins complexes, avec la possibilité de poser un diagnos-tic, de prescrire des examens de laboratoire ou radiolo-giques et les interpréter, de prescrire des médicaments et de réaliser certains traitements médicaux. Ce profil professionnel est déjà bien développé en Amérique du Nord et dans une partie de l’Europe. Ses compétences sont très proches de celles d’un médecin assistant. Elles suivront les patients et seront à même de les référer en cas de péjoration de leur état de santé. Cette pratique concerne non seulement l’ambulatoire mais aussi l’hospitalier.

Plusieurs projets pilotes dans le canton de Vaud vont permettre la mise en place de maisons de premier recours regroupant les professions permettant le triage des patients et l’orientation de leur prise en charge.

Les niveaux de Bachelor, Master et Doctorat permettent d’avoir un cursus complet dans le domaine des sciences infirmières et d’offrir des perspectives intéressantes aux jeunes en formation.

Le patient partenaire est un concept tout aussi fondamental qui change la donne des métiers de soins. L’ajustement de l’information, la remise en cause de l’approche paternaliste ainsi que l’importance de la communication avec le patient sont des éléments centraux. Le patient est aujourd’hui un véritable partenaire qui a la possibilité de prendre des décisions médicales informées le concernant grâce aux choix et aux renseignements présentés par les prestataires de soins. C’est une collaboration qui est amenée à se développer encore grâce aux associations de patients qui deviennent des parties prenantes dans le développement des thérapies et des traitements ainsi que dans le domaine des améliorations potentielles de la prise en charge.

Nous vous remercions, Madame Lehn, pour cet entretien enrichissant.

À quoi ressemblera concrètement la prise en charge médicale d’un patient en 2030 et à quels changements les patients doivent-ils s’attendre ? Nous aimerions répondre à ces questions en prenant l’exemple d’Anna, une patiente fictive. Nous accompagnons Anna durant son parcours de

traitement ambulatoire et stationnaire. Anna est une patiente de 80 ans qui souffre depuis dix ans de diabète de type 2 et des séquelles typiques de cette pathologie. Elle vit seule dans un petit village à la campagne et est ouverte aux changements ainsi qu’aux évolutions du secteur de la santé.

« Le défi principal n’est pas forcément la formation ou l’engagement, mais le maintien d’un personnel compétent et bien formé dans le circuit hospitalier »

« Le patient est aujourd’hui un véritable partenaire qui a la possibilité de prendre des décisions médicales informées le concernant grâce aux choix et aux renseignements présentés par les prestataires de soins »

6. Conséquences pour les patients

Le parcours du patient en 2030

51 Hôpitaux suisses : santé financière 201650 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 27: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Nouveaux groupes de professionsAutrefois, Anna était suivie par son médecin de famille dans un cabinet individuel. En 2030, elle se rend dans une maison médicalisée pour des questions ambulatoires. Y travaillent des médecins de famille, des médecins assistants, des médecins consultants et des ANP. Ne pouvant rejoindre la maison médicale à pied, Anna utilise la visio-téléphonie. Elle est alors en contact avec les ANP et les médecins. Habituellement, elle parle d’abord à l’ANP pour passer en revue les questions sur son diabète ou pour aborder d’autres questions de santé. C’est seulement si ces autres problématiques sortent du domaine de compétence de l’ANP qu’un médecin intervient. Anna apprécie particulièrement l’expertise de l’ANP qui lui donne de nombreuses indications pratiques en lien avec la gestion de sa maladie au quotidien.

Numérisation dans le secteur ambulatoireLes paramètres vitaux d’Anna (tension artérielle, pouls, fréquence respiratoire), la glycémie et la distance qu’elle parcourt quotidiennement sont enregistrés via son téléphone portable et un « wearable », puis envoyés automatiquement au centre médical et classés dans son dossier de patient électronique (DPE). Anna peut y accéder en tout temps via son Smartphone. Si les valeurs sortent de la fourchette définie ou suivent une tendance défavorable, Anna est contactée par le centre. Si elle ne réagit pas, une ambulance est envoyée chez elle. Une application sur son téléphone mobile lui rappelle de prendre ses médicaments contre le diabète, en contrôle la prise et envoie une information au centre médical lorsqu’elle a besoin de nouveaux médicaments. Une fois renouvelée par le centre médical, l’ordonnance est automatiquement envoyée à la pharmacie la plus proche. Anna est informée de l’arrivée du médicament à la pharmacie. Elle a alors le choix entre se le faire apporter par un drone ou aller le chercher elle-même à la pharmacie. La pharmacie se trouvant dans un grand supermarché, elle profitera de le prendre la prochaine fois qu’elle fera ses courses.

(Infra)Structure hospitalière d’un nouveau genreAnna remarque que l’hôpital a bien changé ces dernières années, tant au niveau des infrastructures que des procédures et des méthodes de traitement. Il y a bien moins de lits qu’il y a 20 ans. Il existe désormais de nombreux centres de chirurgie ambulatoire et les possibilités médico-techniques ont progressé. Si, lors de son dernier séjour, elle était restée dans le service de chirurgie, on lui attribue aujourd’hui un lit via une centrale de disponibilité. Cela permet d’optimiser l’occupation du service. En tant que patiente au bénéfice d’une assurance complémentaire, Anna profite d’examens plus rapides et d’innovations de traitement qui ne sont pas encore toutes admises pour sa maladie dans le cadre de la LAMal (off-label use). De plus, elle profite d’une chambre individuelle et d’une palette de soins variés : une tablette est disponible, avec laquelle elle peut non seulement activer la lumière et ouvrir la fenêtre, mais aussi aller sur Internet ou communiquer avec le personnel soignant ainsi qu’avec d’autres patients. Elle y trouve une liste des examens qui sont prévus pour elle, ainsi que le prochain rendez-vous, ce qui est très pratique. Elle sait ainsi quand elle doit être dans sa chambre et quand elle peut recevoir des visites.44 Anna apprécie que l’hôpital mette une tablette à sa disposition ; elle aurait eu de la peine à lire toutes les informations sur son propre téléphone mobile.

Nouveautés dans le traitement post-stationnairePeu après l’opération, Anna souhaiterait rentrer chez elle. Malheureusement, elle a désormais besoin de davantage de soutien qu’avant. Pour cette raison, elle prend connaissance avec soulagement des offres intermédiaires de l’hôpital, qui lui faciliteront le passage du secteur stationnaire au secteur ambulatoire. Avec le CMS, l’hôpital soutient Anna dans les soins et le traitement de sa plaie. L’hôpital est relié à Anna par le biais d’une application grâce à laquelle il prend des nouvelles de l’état d’Anna plusieurs fois par jour et lui donne, par exemple, des indications de dosage si les douleurs augmentent. La nuit aussi, Anna peut s’adresser en tout temps à l’hôpital, ce qui la sécurise pour retrouver ses marques à la maison. Après deux semaines, Anna s’est déjà si bien remise qu’elle n’a plus besoin du soutien de l’hôpital et peut de nouveau être suivie par son équipe spécialisée du CMS et par le centre médical.

Nouveau suivi médicalAnna remarque que le travail des médecins hospitaliers a changé et qu’il existe de nouveaux profils professionnels qu’elle ne connaissait pas auparavant. Beaucoup de ce qui était autrefois exécuté par un médecin l’est désormais par un PA. Elle constate que les équipes travaillent de manière interdisciplinaire et intersectorielle et que son traitement est mieux structuré qu’autrefois. Parmi le personnel infirmier aussi, les choses ont changé : il y a ici aussi des ANP qu’Anna connaît déjà de son centre médical. Une infirmière est attribuée personnellement à Anna. Elle s’occupe d’Anna pendant tout son séjour à l’hôpital, est son interlocutrice et coordonne son traitement. L’infirmière utilise un logiciel qui indique si des données manquent ou lorsqu’Anna doit être emmenée à un examen. Le programme informatique a dressé, sur la base des pathologies et des besoins d’Anna, une check-list qui est suivie point par point. De plus, l’infirmière vient plusieurs fois par jour dans la chambre et propose son aide ou demande si Anna a des douleurs. Le processus de traitement n’est plus, comme jadis, fragmenté et prise en charge par des personnes différentes qui changeaient souvent. Encore un point qui emporte les faveurs d’Anna.

Traitement assisté par le numériqueLe médecin hospitalier qui traite Anna peut également accéder à son DPE et en parler avec le centre médical. Lui aussi surveille, rend compte de son traitement dans le DPE et dispose à tout moment de tous les résultats de laboratoire et d’imagerie. Tous les examens dont Anna a besoin sont annoncés par voie numérique. L’ensemble des facteurs tels que la mobilité ou la nécessité d’une surveillance sont pris en compte afin d’estimer aussi précisément que possible le temps nécessaire au transport, à la préparation et à l’examen pour optimiser l’utilisation des appareils. L’opération du pied à laquelle Anna doit se soumettre est prévue selon le même principe. Un robot assiste le chirurgien durant l’opération. Après l’opération, Anna a besoin d’un antibiotique. Elle apprend alors que le médecin hospitalier s’appuie sur une application informatique pour choisir le meilleur médicament pour elle.

Nouveautés dans l’ambulatoireUne clinique « retail » est affiliée à la pharmacie. Anna s’y rend lorsqu’elle a des problèmes médicaux mineurs pour lesquels elle ne veut pas aller au centre médical, comme pour sa dernière vaccination contre le tétanos ou si elle a mal à la gorge. Elle trouve pratique que les informations sur sa consultation et sur les traitements effectués soient directement transmises à son DPE. Le centre médical est ainsi au courant du diagnostic et de la thérapie sans qu’Anna ne doive penser elle-même à l’informer. Malheureusement, l’état de santé d’Anna se détériore avec le temps. Elle a besoin d’aide pour traiter son diabète. Comme elle souhaite rester chez elle, une équipe d’aide et de soins à domicile (CMS) est chargée de son suivi. Cette équipe forme Anna et l’épaule dans le traitement médicamenteux de son diabète. L’équipe peut accéder également en tout temps au DPE d’Anna et communiquer avec le centre médical, notamment en cas de question sur les médicaments. Tous les protocoles de soins sont également archivés dans le DPE. L’équipe du CMS a reçu une formation complète qui permet aux collaborateurs de soigner les plaies d’Anna, comme celle qu’elle a au pied et qui guérit mal (complication de sa maladie). Malgré le meilleur traitement possible à la maison, la plaie au pied d’Anna ne guérit pas. Pour éviter d’autres complications, elle est hospitalisée en urgence.

Le parcours du patient en 2030

44 PwC (2017): CEO Survey Marché hospitalier suisse 2017 – Tendances et défis pour les hôpitaux et les cliniques suisses52 53 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 28: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

7. Conclusion et perspectives

Le dynamisme, la compétitivité et les incitations écono-miques façonnent de plus en plus le système de santé suisse et continueront à le mettre sous pression durant ces prochaines années. Les marges EBITDAR et EBITDA se sont imposées comme indicateurs de rentabilité et rencontrent une large adhésion. L’objectif à long terme de 10 % que nous avions calculé en 2011 pour la marge EBITDA a été repris dans de nombreuses stratégies d’entreprise et de proprié-taires d’hôpitaux. Six ans après notre première estimation, cette valeur se révèle comme un objectif durablement pertinent.

L’analyse des indicateurs de rentabilité de 2012 à 2016 montre pour les hôpitaux de soins aigus et les établisse-ments psychiatriques un mouvement avant tout latéral car les revenus et les coûts ont enregistré des croissances similaires. Cependant, le contexte économique se durcit encore et les EBITDA ont reculé en 2016. Les indicateurs de rentabilité affichent également une dispersion particulière-ment importante. Ce tableau traduit bien la grande hétéro-généité des résultats des hôpitaux suisses. D’après nos observations, l’évolution s’accentuera en 2017. Certains hôpitaux semblent prendre du retard sur la concurrence et doivent améliorer leurs résultats. S’ils ne prennent pas rapidement les mesures qui s’imposent, des cas de restruc-turation ne sont pas exclus. Certains hôpitaux peinent aujourd’hui déjà à obtenir des financements de tiers et risquent de se retrouver dans une impasse.

Une observation plus détaillée de l’évolution des revenus montre également que le secteur ambulatoire a pris de l’avance et que le virage ambulatoire s’impose. Reste à savoir dans quelle mesure cette tendance se poursuivra au vu des adaptations tarifaires du Conseil fédéral. L’actuelle incertitude tarifaire exige de la part des hôpitaux et des établissements psychiatriques la plus grande souplesse dans les projets afin de pouvoir réagir ultérieurement aux évolutions qui apparaîtront.

Les établissements qui ont des projets d’investissement et recherchent les moyens de financement externes ad hoc, auront moins de peine s’ils affichent une rentabilité élevée. Notre analyse montre toutefois que les types de propriété sont aussi décisifs. Le risque de crédit est considéré plus élevé pour les hôpitaux privés que pour les établissements publics, ce qui conduit les premiers à supporter une prime de risque de 100 points de base additionnels.

Les instruments de financement les plus fréquents jusqu’ici gagneront probablement en importance, et d’autres différenciations suivront. Par exemple, les processus de financement seront plus fortement standardisés, ce qui réduira la durée du processus à trois ou quatre mois. Des formes de financements innovantes, encore peu réglemen-tées, pourraient s’imposer par le biais de plates-formes électroniques. Pour le reste, nous tablons sur une ouverture du marché aux financements par actions et par levée de fonds propres. L’évaluation des risques des partenaires financiers sera différenciée et les exigences augmenteront pour ceux qui veulent lever des fonds étrangers. Certains hôpitaux en feront l’expérience dans quelques années, lorsque le refinancement des crédits bancaires actuels et des emprunts sera d’actualité.

De nouveaux modèles de soins, de nouveaux profils profes-sionnels et de nouvelles technologies marqueront le système de santé en 2030. Pour réussir, tous ceux qui veulent participer proactivement pour influencer cette mutation devront faire preuve d’agilité et d’ouverture à l’innovation.

Le système de santé du futur sera plus fortement centré sur le patient, basé sur le travail d’équipe et organisé de manière intersectorielle afin de favoriser les soins intégrés. Les patients ont des exigences nettement plus élevées. De nouveaux profils comme les assistants médicaux, les advances nurse practitioners (ANP) et d’autres remodèle-ront la collaboration entre les groupes professionnels dans les hôpitaux. Le défi consistera à les employer correcte-ment. La numérisation modifiera également les rôles, en rendra certains obsolètes et en créera de nouveaux. Les hôpitaux doivent proposer des plans de carrière diversifiés et offrir une formation continue s’ils veulent rester des employeurs attractifs pour les nouvelles générations.

Les hôpitaux peuvent se préparer à ces changements. Pour cela, ils doivent créer une culture positive, suivre active-ment les tendances et aborder avec détermination les thématiques de fond.

Annexe

55 Hôpitaux suisses : santé financière 201654 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

Page 29: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Liens utilesVous trouvez sous www.pwc.ch/hopitaux-suisses des analyses tirées de notre étude sous forme interactive ainsi que d’autres informations et publications de PwC.

Échantillon Nous avons réalisé l’étude actuelle pour notre propre compte. Notre analyse a porté sur les états financiers publiés entre 2007 et 2016 par 45 hôpitaux de soins aigus. L’étude ne prétend pas être représentative pour l’ensemble du système suisse de santé. Au cours de ces dernières années, toujours plus d’hôpitaux sont passés aux Swiss GAAP RPC pour établir leurs comptes annuels. Suite à ce changement et à l’extension de l’échantillon de 28 à 45 établissements, certains indicateurs se sont modifiés a posteriori. Les résultats fondamentaux ne sont toutefois pas influencés.

Valeurs médianes et valeurs moyennesLa médiane désigne la valeur située au milieu d’une séquence ordonnée de données. Elle partage un échantillon en deux parties égales, de sorte que, d’un côté, se trouvent les valeurs inférieures à la valeur médiane et, de l’autre côté, les valeurs supérieures. Comparée à la moyenne arithmétique, la médiane est moins affectée par les valeurs extrêmes.

Ratios utilisésRatios Définition

Ratio de fonds propres Fonds propres/Total du bilan

Marge EBITDAR Bénéfice d’exploitation avant amortissement et coûts de loyer / Chiffre d’affaires

Marge EBITDA Bénéfice d’exploitation avant amortissements / Chiffres d’affaires

Marge EBIT Bénéfice d’exploitation / Chiffre d’affaires

Rotation des capitaux Chiffre d’affaires / capital investi(= Fonds propres + fonds étrangers portant intérêts – liquidités)

56 57 Hôpitaux suisses : santé financière 2016 Hôpitaux suisses : santé financière 2016

45 hôpitaux de soins aigus

Claraspital Kantonsspital St. Gallen Spital Schwyz

Ente Ospedaliero Cantonale Kantonsspital Uri Spital STS

Felix Platter-Spital Kantonsspital Winterthur Spital Thurgau

freiburger spital HFR Kinderspital Zürich Spital Uster

GZO Spital Wetzikon Luzerner Kantonsspital Spital Wallis (consolidé)

Hôpital du Jura Ostschweizer Kinderspital Spitäler fmi

Hôpital Neuchâtelois HNE Spital Emmental Spitäler Schaffhausen

Hôpital Riviera-Chablais Spital Regiunal Surselva Spitalzentrum Biel

Hôpitaux Universitaires Genève (HUG) Solothurner Spitäler SRO Spital Region Oberaargau

Inselspital Bern (à partir de 2016 avec le Spital Netz Bern)

Spital Bülach Stadtspital Triemli Zürich

Kantonsspital Aarau Spital Limmattal Spitalverbund Appenzell Ausserrhoden

Kantonsspital Baden Spital Linth Universitäts Kinderspital beider Basel

Kantonsspital Baselland Spital Männedorf Universitätsspital Basel

Kantonsspital Glarus Spital Muri UniversitätsSpital Zürich

Kantonsspital Graubünden Spital Netz Bern (jusqu’en 2015, puis intégré à l’Inselspital)

Zuger Kantonsspital

Kantonsspital Nidwalden

12 établissements psychiatriques

Clinique Genevoise de Montana (jusqu’en 2015, puis intégrée aux HUG)

Psychiatrische Klinik Zugersee St. Gallische Kantonale Psychiatrische Dienste Sektor Nord

Klinik Barmelweid Freiburger Netzwerk für psychische Gesundheit

Klinik SGM Langenthal

Universitäre Psychiatrische Kliniken Basel Centre Neuchâtelois de Psychiatrie Psychiatrische Universitätsklinik Zürich

Luzerner Psychiatrie Psychiatrische Dienste Aargau Integrierte Psychiatrie Winterthur – Zürcher Unterland

Psychiatrie Baselland

Pour calculer les indicateurs, nous avons analysé les rapports annuels publiés par les 12 établissements psychiatriques suivants pour 2016. L’échantillon est analysé et étendu chaque année si les rapports financiers d’autres établissements psychiatriques sont disponibles pour la première fois.

Page 30: Hôpitaux suisses: santé financière 2016

Bibliographie

− « Le temps de travail des médecins assistants – illégal mais tout à fait normal », SRF, 14 avril 2017.

− Bachrach, D (2015): The value proposition of retail clinics.

− Banik, C., Ogg, M., et Pedergnana, M. (2008): Hybride und mezzanine Finanzierungsinstrumente: Möglichkeiten und Grenzen.

− « Le médecin chef de Bülach doit opérer à Liestal », NZZ, 22 juillet 2017.

− Corps médical allemand/KBV (2017): Physician Assistant – Un nouveau métier dans le secteur de la santé allemand.

− Office fédéral de la santé publique (2016): Soins de base pour les clients et les patients du point de vue de l’Etat.

− Conseil fédéral (2016): Changement démographique en Suisse : champs d’action au niveau fédéral.

− « Can Nurse Practitioners Prescribe Medication? », NP Schools, 2017.

− « CAS Spécialiste clinicienne/Spécialiste clinicien », ZHAW, 2017.

− Coindesk (2017): Monthly New ICO Funding, 29 septembre 2017

− « L’offensive de formation dans les études de médecine sous les feux de la critique », Tages-Anzeiger, 3 avril 2017.

− « Le succès des Clinical Nurses: les demi-déesses en blanc », NZZ, 29 avril 2016

− FINMA (2017): La FINMA procède à des clarifications concernant des ICO

− IFBC (2017): H+ Les hôpitaux de Suisse – Nouveau calcul du taux d’intérêt au 31 décembre 2016 (seulement en allemand).

− Kieser, U. (2016): Advanced Practice Nurse et Clinical Nurse Specialist – nouveautés dans les métiers d’infirmier/ère.

− « Professions de la santé non médicales : Il faut décharger les médecins », feuille des médecins allemands, 2017

− « Nurse Practitioner: Le modèle américain », Kalaidos, 20 juin 2016

− Obsan (2016): Personnel de santé en Suisse. Etat des lieux et projections à l’horizon 2030.

− « Experte en soins, elle remplace le médecin de famille », Tages-Anzeiger, 22 février 2016.

− « Physician Assistant vs. Nurse Practitioner vs Medical Doctor », The Physician Assistant, 1er mars 2017

− PwC (2016): Ambulatoire avant stationnaire. Ou comment économiser un milliard de francs chaque année.

− PwC (2016): La gestion dans les hôpitaux de soins somatiques aigus en Suisse.

− PwC (2016): Hôpitaux suisses : santé financière en 2015.

− PwC (2017): CEO Survey Marché hospitalier suisse 2017 – Tendances et défis pour les hôpitaux et les cliniques suisses

− « Des médecins exténués mettent les patients en danger », NZZ, 11 avril 2017.

− Timmermans, M.J.C. (2017): The impact of the implementation of physician assistants in inpatient care: A multicenter matched-controlled study

Contacts

Autres contactsRodolfo Gerber

Associé, responsable Secteur de la santé +41 58 792 55 36 [email protected]

Gerhard Siegrist

Associé, audit et révision du codage +41 58 792 26 10 [email protected]

David Roman

Director, processus Health/Pharma et IT +41 58 792 77 90 [email protected]

Dr. Niklaus Honauer

Associé, impôts secteur de la santé +41 58 792 59 42 [email protected]

Avec le soutien de Christina Heilmaier, docteur en médecine.

Co-auteursBrigitte Bieri, CFA

Senior Manager, Corporate Finance/Valuation +41 58 792 29 49 [email protected]

Dr. Marc Schulthess

Manager, Advisory Healthcare +41 58 792 75 05 [email protected]

Jan-Philipp Weber, CFA

Assistant Manager, Corporate Finance/Valuation +41 58 792 29 82 [email protected]

Marius Obrist

Assistant Manager, Corporate Finance/Valuation +41 58 792 37 09 [email protected]

Paul Sailer

Assistant Manager, Advisory Healthcare +41 58 792 78 46 [email protected]

Frederik Haubitz

Consultant, Advisory Healthcare +41 58 792 75 11 [email protected]

Philip Sommer

Director, Head Advisory Healthcare +41 58 792 75 28 philip.sommer@ ch.pwc.com

Patrick Schwendener

Director, Head Deals Healthcare +41 58 792 15 08 patrick.schwendener@ ch.pwc.com

Darioush Zirakzadeh

Director, Head Advisory Healthcare Romandie +41 58 792 83 22 darioush.zirakzadeh@ ch.pwc.com

Pascale Boyer Barresi, CFA

Senior Manager, Advisory Deals Healthcare Romandie +41 58 792 97 42 pascale.boyer.barresi@ ch.pwc.com

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