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En avant pour Ram ! À 09h45, le commandant de l’Heyl HaAvir informe le chef d’état-major des armées que le déclenchement de Ram est fixé à 13h00. Les préparatifs pour l’opération ont entre-temps été accomplis. Les équipages ont été informés et les appareils chargés en vue de l’attaque des bases aériennes. Les équipages quittent ensuite les salles de conférence et se rendent auprès de leurs appareils qu’ils inspectent avant de s’installer dans les cockpits, démarrer les réacteurs et terminer les contrôles avant le vol. Quelques équipages, notamment ceux devant décoller en pre- mière position, sont déjà au roulage quand l’ordre d’annulation est transmis. La frappe préventive n’a pas été approuvée! L’annulation a en effet été décidée au cours d’une discussion gouvernementale ayant débuté à 12h00. Le ministre de la Défense Moshe Dayan justifie cette annulation en les termes suivants: Nous abandonnons toute frappe préventive; pour cette première nuit, l’aviation doit soutenir le front égyptien mais elle sera inca- pable de soutenir le front syrien ; les chars devront donc défen- dre cette ligne de front pendant la nuit et l’aviation n’interviendra que demain matin. Tel que présenté au gouvernement, le plan de Tsahal est donc de défendre la ligne de front durant la nuit, jusqu’au déclenche- ment des opérations Model 5 et Ram contre la Syrie le lendemain matin 7 octobre. Cependant, un ministre demanda ce qu’il adviendrait si les Arabes lançaient leur attaque avant l’heure H. Moshe Dayan répondit que l’aviation fournirait une couverture aérienne dans l’après-midi ! De Ram à Scratch Après l’annulation de Ram, les avions retournent dans leurs abris bétonnés, leurs moteurs sont éteints et les équipages reviennent dans leurs cantonnements. L’Heyl HaAvir passe alors du mode offensif à celui de défensif. Si l’attaque arabe est prévue à 18 h 00, il reste suffisamment de temps pour préparer la défense aérienne du pays. Dans ce cas, le rôle principal de l’avia- tion consiste à contrer les attaques aériennes ennemies. En octobre 1973, l’aviation israélienne estime la puissance aérienne égypto-syrienne à 25 escadrons de MiG-21, 9 de MiG-17, 6 de Su-7, 3 de Tu-16, 2 de Su-20, 1 de Hunter et un autre de Mirage auxquels s’ajoutent 85 batteries de SA-2, 72 de SA-3 et 25 de SA-6. Une force impressionnante comparée aux 14 esca- drons de l’aviation israélienne. Seuls les Squadrons 101 sur Sha- hak et Nesher et 117 sur Shahak sont destinés aux missions d’interception, même si d’autres unités équipées de Nesher et de AVIONS - Hors-série n° 37 L’inventaire de l’aviation israélienne comprenait deux squadrons d’hélicoptères lourds (un sur Yasur et un sur Super Frelon), deux d’hélicoptères moyens (sur Bell 205) et un autre d’hélicoptères légers (Alouette et Saifan). Ces deux Yasur ont été photographiés en juillet 1973. ILAF helicopter force included two heavy helicopter squadrons (a Yasur squadron and a Super Frelon squadron), two medium helicopter squa- drons (both Bell 205) and one light helicopter squadron (Alouette and Saifan) ; these two Yasur helicopters were photographed in July 1973. L’objectif des Égyptiens était de s’implanter le long de la rive est du canal de Suez, de repousser les unités de la 252 e division du commandement Sud et d’installer des batteries de missiles sol-air avant l’arrivée des 143 e et 162 e divisions de réserve israéliennes. Egyptian objective was to set foot all along the east bank of Suez Canal, push back Command South regular Division 252, advance armor divisions/brigades (Division 21 and Brigade 15 at Army 2 sector ; Division 4 and Brigade 25 at Army 3 sector) and SAM brigades to east side and renew offensive before arrival of Command South reserve Division 143 and Division 162. 6

HSA37 001-XXX Mise en page 1...époque de l’année. Les équipages de Kurnass, de Nesher et de Shahak doivent décoller sur alerte pour défendre l’espace aérien national tandis

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Page 1: HSA37 001-XXX Mise en page 1...époque de l’année. Les équipages de Kurnass, de Nesher et de Shahak doivent décoller sur alerte pour défendre l’espace aérien national tandis

En avant pour Ram!À 09h45, le commandant de l’Heyl HaAvir informe le chef

d’état-major des armées que le déclenchement de Ram est fixéà 13h00. Les préparatifs pour l’opération ont entre-temps étéaccomplis. Les équipages ont été informés et les appareils chargésen vue de l’attaque des bases aériennes. Les équipages quittentensuite les salles de conférence et se rendent auprès de leursappareils qu’ils inspectent avant de s’installer dans les cockpits,démarrer les réacteurs et terminer les contrôles avant le vol.Quelques équipages, notamment ceux devant décoller en pre-mière position, sont déjà au roulage quand l’ordre d’annulationest transmis. La frappe préventive n’a pas été approuvée!

L’annulation a en effet été décidée au cours d’une discussiongouvernementale ayant débuté à 12h00. Le ministre de la DéfenseMoshe Dayan justifie cette annulation en les termes suivants :Nous abandonnons toute frappe préventive; pour cette premièrenuit, l’aviation doit soutenir le front égyptien mais elle sera inca-pable de soutenir le front syrien; les chars devront donc défen-dre cette ligne de front pendant la nuit et l’aviation n’interviendraque demain matin.

Tel que présenté au gouvernement, le plan de Tsahal est doncde défendre la ligne de front durant la nuit, jusqu’au déclenche-ment des opérations Model 5 et Ram contre la Syrie le lendemainmatin 7 octobre. Cependant, un ministre demanda ce qu’iladviendrait si les Arabes lançaient leur attaque avant l’heure H.Moshe Dayan répondit que l’aviation fournirait une couvertureaérienne dans l’après-midi !

De Ram à ScratchAprès l’annulation de Ram, les avions retournent dans leurs

abris bétonnés, leurs moteurs sont éteints et les équipagesreviennent dans leurs cantonnements. L’Heyl HaAvir passe alorsdu mode offensif à celui de défensif. Si l’attaque arabe est prévueà 18h00, il reste suffisamment de temps pour préparer ladéfense aérienne du pays. Dans ce cas, le rôle principal de l’avia-tion consiste à contrer les attaques aériennes ennemies.

En octobre 1973, l’aviation israélienne estime la puissanceaérienne égypto-syrienne à 25 escadrons de MiG-21, 9 de MiG-17,6 de Su-7, 3 de Tu-16, 2 de Su-20, 1 de Hunter et un autre deMirage auxquels s’ajoutent 85 batteries de SA-2, 72 de SA-3 et25 de SA-6. Une force impressionnante comparée aux 14 esca-drons de l’aviation israélienne. Seuls les Squadrons 101 sur Sha-hak et Nesher et 117 sur Shahak sont destinés aux missionsd’interception, même si d’autres unités équipées de Nesher et de

AVIONS - Hors-série n° 37

L’inventaire de l’aviation israélienne comprenait deux squadronsd’hélicoptères lourds (un sur Yasur et un sur Super Frelon), deux

d’hélicoptères moyens (sur Bell 205) et un autre d’hélicoptères légers(Alouette et Saifan). Ces deux Yasur ont été photographiés en

juillet 1973.ILAF helicopter force included two heavy helicopter squadrons (a Yasursquadron and a Super Frelon squadron), two medium helicopter squa-

drons (both Bell 205) and one light helicopter squadron (Alouette andSaifan) ; these two Yasur helicopters were photographed in July 1973.

L’objectif des Égyptiens était de s’implanterle long de la rive est du canal de Suez, derepousser les unités de la 252e division ducommandement Sud et d’installer des batteries de missiles sol-air avant l’arrivéedes 143e et 162e divisions de réserve israéliennes.Egyptian objective was to set foot all alongthe east bank of Suez Canal, push backCommand South regular Division 252,advance armor divisions/brigades (Division21 and Brigade 15 at Army 2 sector ; Division 4 and Brigade 25 at Army 3 sector)and SAM brigades to east side and renewoffensive before arrival of Command Southreserve Division 143 and Division 162.

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Le chef d’état-major de Tsahal (à dr.) David Elazar et le commandanten chef de l’Heyl HaAvir Benjamin Peled (à g.) promeuvent le colonelDavid Ivry au grade de général de

brigade et de commandant de labase de Tel Nof au rang de

commandant en chef adjoint del’Heyl HaAvir en mai 1973 ; sont

également présents l’ancien com-mandant de l’Heyl HaAvir Moti Hod

(1966 à 1973) et le chef d’état-majoradjoint de Tsahal Israel Tal à droite.

ILDF Chief of Staff David Elazar(right) and ILAF Commander Benja-min Peled (left) promote David Ivryfrom Colonel to Brigadier General,from Tel Nof Base Commander toILAF Deputy Commander, in May

1973 with ILAF Commander 1966 to1973 Moti Hod and ILDF Deputy

Chief of Staff Israel Tal on the right.

Je ne connais pas encore tous les pilotes. Je ne me rappelle plusle nom de l’officier mécanicien. Je n’ai accompli qu’une seule sor-tie sur Skyhawk et une guerre a éclaté.

Challenge 4 ou Model 5En milieu d’après-midi du 6 octobre, l’aviation israélienne n’est

plus en mesure de lancer une contre-offensive, quelle qu’ellesoit, avant le coucher du soleil qui a lieu à 17h21 en cetteépoque de l’année. Les équipages de Kurnass, de Nesher et deShahak doivent décoller sur alerte pour défendre l’espace aériennational tandis que les pilotes des Ahit et Saar accomplissent desmissions de soutien.

Le scénario Scratch force l’aviation israélienne à “oublier”momentanément ses opérations de supériorité aérienne ; sesavions doivent pour le moment engager le combat contre lesavions égyptiens et syriens ou soutenir les forces terrestres surles fronts. À 16h00, deux Ahit ont déjà été perdus, tous deux àcause de missiles syriens. La situation au-dessus des lignes defront fait bien entendu penser à la doctrine élaborée avant la

guerre et qui préconise d’obtenir la supériorité aérienne avant decommencer les missions de soutien aux troupes. Or, vu ses effec-tifs et moyens relativement faibles, l’aviation israélienne ne peutentreprendre qu’un seul type d’opération à la fois. Il faut doncchoisir entre Challenge 4 contre l’aviation égyptienne ou Model5 contre l’aviation syrienne ou encore Ram contre les baseségyptiennes ou syriennes.

Bien qu’Israël considère l’Égypte comme son plus dangereuxennemi (et le leader de l’hostilité arabe envers Israël), la zonetampon du Sinaï protège en quelque sorte le pays. Traverser undésert de 200 km mettrait en danger les forces égyptiennes quise trouveraient hors de la protection des batteries de missiles etdonc exposées aux attaques aériennes israéliennes. Mais aucunezone tampon semblable n’existe au nord où une avance de20 km suffirait à mettre en danger les villes israéliennes.

Pour cette raison, le commandement israélien préfère concen-trer les premiers efforts contre le Syrie en ce 6 octobre. Lors dudéclenchement des hostilités, le chef d’état-major des arméesDavid Elazar préconise une offensive aérienne immédiate contrela Syrie mais à ce moment-là, la force d’attaque de l’Heyl HaAvirn’est plus en mesure de l’effectuer. Ainsi, à 16h00 Elazar etPeled discutent-ils des options pour le lendemain; une opérationde supériorité aérienne est ainsi décidée contre la Syrie.

Hors-série n° 37 - AVIONS

Le Squadron 115, basé à Tel Nof, était la seule unité opérant sur A-4N. Sur cette photo, le Ahit 319 au roulage durant la guerre.Tel Nof based Squadron 115 was only operator of A-4N, Ahit 319 was photographed taxiing at Tel Nof during the Yom Kippur War.

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Le Saar était la combinaison d’une cellule de Super Mystère français équipé d’un réacteur J52 américain et de modifications israéliennes, avec notamment l’ajout de deux points d’accrochage intérieurs. La charge maximale externe était de 16 bombes de 100 kg chacune, montées sur quatre mâts d’emport quadruple, mais la configuration la plus courante en octobre 1973 était de 8 bombes de 100 kg, deux réservoirs pendulaires de carburant et deux missiles Shafir 2 pour l’autodéfense ; les autres configurations comprenaient 10 bombes de 100 kg et 2 réservoirs, ou 4 lance-roquettes, 2 réservoirs et 2 missiles. Les marques d’identification jaunes bordées de noir ont été peintes après l’application des triangles jaunes bordés de noir sur les Mirage à partir du 14 octobre 1973 ; le préfixe “0” a été rajouté aux deux derniers chiffres du numéro de série de l’appareil après la fin de la guerre.

Saar

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La plupart des ponts égyptiens sur le canal de Suez étaient destinésau passage des véhicules, tel celui sur cette photo (rive occidentale enhaut de la photo) mais quelques-uns étaient de faux ponts et seulement

un très petit nombre pouvait supporter le passage de chars. Le pariengagé par le commandement Sud de faire traverser ses forces étaittrès risqué, les chars israéliens étant en général plus lourds que ceux

des Égyptiens. De plus, les blindés seuls ne pouvaient combattre sansle soutien des unités d’artillerie ou du génie par exemple. Finalement,

la décision du commandement Sud de ne pas bombarder les ponts,ordonnée à partir de 07 h 31 jusqu’en fin

d’après-midi, eut des conséquences néga-tives sur le moral des équipages de l’aviation

israélienne à qui on ordonna de reprendre lesattaques dans des conditions moins favorables.

Most Egyptian bridges across Suez Canalwere for traffic of vehicles - as was the illus-trated bridge with west bank at top and east

bank at bottom - while some were dummybridges and only a few were fit for tanks ;

Command South plan to capture bridges inorder to cross canal seems to have been

detached from reality because of tactical andtechnical reasons ; tactically, because armor

alone could not cross without support of artillery, engineering and infantry ; technically,

because Israeli tanks were heavier thanEgyptian tanks and there was no assurance

that Egyptian bridges would hold Israelitanks ; in the end, Command South order not

to bomb bridges from 07:31 until late noonhours had an adverse impact upon ILAF crews

and pilots whom were later that day orderedto resume attacks against Egyptian bridges

across Suez Canal under less favorableconditions and more mental pressure.

Contre-offensives israéliennesLes commandements Nord et Sud lancent leurs contre-offen-

sives quasi simultanément. Dans le Golan, la 146e division attaquedu sud en direction du nord à partir de 08h00. Dans le Sinaï, la162e division passe à l’attaque du nord vers le sud à 08h06.L’objectif initial de ces deux actions est en premier lieu dedétruire les forces ennemies tout en regagnant le terrain perdu.

Malheureusement, le but de la contre-offensive dans le sudavait été modifié durant la nuit ; d’une simple poussée vers lecanal de Suez, on envisageait maintenant de le traverser. Ainsi,à 07h31, le commandement Sud demanda à l’Heyl HaAvir vial’officier de liaison d’arrêter les bombardements des ponts afinde pouvoir en capturer quelques-uns intacts pour traverser lecanal ! Comme si ce changement ne suffisait pas, les divisions deréserve du commandement Sud n’étaient pas encore prêtes àune action combinée. Au nord, les distances réduites entre lescentres de réserve et les hauteurs du Golan permirent aux divi-sions blindées de réserve de se déployer pour le 8 au matin, avectous leurs éléments de soutien (artillerie, génie et infanterie).

La 146e division débute son offensive avec un important sou-tien de l’artillerie. Un total de 24 bataillons d’artillerie est alorsdéployé sur le Golan le 8 au matin et toutes ces pièces vont s’em-ployer à écraser les défenses syriennes mais aussi à essayer dedétruire les emplacements des batteries de missiles afin de faci-liter la tâche aux avions d’attaque. Au sud, la 162e division lanceson offensive avec le soutien d’une unique batterie d’artillerie !

Hors-série n° 37 - AVIONS

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La base de Dumayr attaqué par les avions du Squadron 69 le 8 octobre 1973.Dumayr under Squadron 69 attack on the morning of 8 October 1973.

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9 octobre, début de journéeLes conditions météorologiques et l’évolution de la situation

sur le champ de bataille influencent les décisions de l’aviationisraélienne. Bien que toute son attention soit fixée au nord, lapeur que les Égyptiens exploitent l’incapacité du commandementSud à retourner la situation ne disparaît pas. En ce matin du9 octobre, le temps est plus propice au sud qu’au nord.

Ainsi, dès le lever du soleil, les pilotes d’Ahit et de Saar com-mencent leurs opérations en soutien du commandement Sudtandis que les équipages de Kurnass préparent une opérationRam contre l’Égypte. C’est à ce moment-là, vers 06h30, que deshélicoptères syriens tentent d’infiltrer des commandos derrièrela 36e division, dans le secteur nord du Golan; les forces israé-liennes déjouent la tentative et l’aviation israélienne est créditéede la destruction de 9 hélicoptères Mil Mi-8, dont 7 pour l’AAA etdeux aux pilotes de Shahak. Mais l’Heyl HaAvir subit des perteset à 07h15, cinq Ahit ont déjà été perdus au cours de missionsde soutien.

Opération Ram contre l’ÉgypteLes opérations aériennes des Kurnass allaient ressembler à

celles du 7 octobre: une première vague d’attaque contre l’Égypteet la seconde contre la Syrie. Cette fois, il s’agit de détruire lesbases de Mansoura et Qutamiya. Deux escadrons de Kurnasssont prévus pour l’attaque de chaque base, pour un total de 56appareils dont 32 pour Mansoura et 24 pour Qutamiya.

Les conditions météo demeurent mauvaises au-dessus del’Égypte jusqu’à 07h00 quand les premières formations de MiG-21prennent l’air pour effectuer leurs missions de couvertureaérienne. En plus des MiG-21, des batteries de missiles SA-2 et

SA-3 défendent Mansoura (qui abrite deux escadrons de MiG-21)et Qutamiya (un escadron de MiG-17 et un de MiG-21).

La force d’attaque israélienne doit faire face aux tirs de mis-siles et de l’AAA mais elle n’engage aucun intercepteur. Un Kur-nass du Squadron 107 est perdu sur le chemin du retour deQutamiya, du fait de l’AAA ennemie. Le navigateur Yossi Yaari, àl’époque au Squadron 107, témoigne:

Harel Gilutz et moi étions de service durant la nuit du 8 au9 octobre 1973. Nous avons préparé la mission sur Qutamiya. Jepréparai les cartes et communiquai avec le QG de l’Heyl HaAviret Gilutz prépara le briefing et s’occupa de coordonner l’actiondes équipes techniques.

Au cours de la préparation, je me suis aperçu que si nousavions suivi la route donnée par le QG, nous aurions traversé unezone connue pour sa concentration d’AAA dans une vallée trèsencaissée. J’appelai le QG et demandai à changer notre route dequelques milles plus au sud, de façon à nous approcher desmontagnes situées au sud de cette vallée, afin de minimiser lerisque dû à l’AAA. Cette demande fut acceptée. Nous avonseffectué cette mission en position de n° 7, et en effet sur la routenous avons aperçu des tirs d’AAA touchant le sol un peu plus aunord, en dehors de notre périmètre.

Nous avons atteint le point depuis lequel nous avons mis lecap vers notre objectif et accéléré. Nous avons bien vu des mis-siles mais sans aucune conséquence car nous volions à bassealtitude. Alors que nous reprenions de l’altitude, j’aperçus desmissiles et des ballons ; les missiles étaient lancés dans notredirection, leurs panaches de fumée convergeant au-dessus denous pour former ce qui ressemblait à l’armature d’une tenteindienne ; quant aux ballons, qui étaient reliés au sol par descâbles pour défendre la base contre les avions volant à basse

AVIONS - Hors-série n° 37

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CHAPITRE 4À l’attaque de la SyrieLa guerre du 9 au 13 octobre

Vu l’échec de la contre-offensive du commandement Sud et de la réussite partielle de celle du commandement Nord, le comman-dement israélien se résigne à partir du 9 octobre à ordonner de tenir les positions dans le Sinaï et à achever la contre-offensive dansle Golan.

Carte préparée par YossiYaari en vue de l’attaqueRam contre l’Égypte le9 octobre, contre Qutamiya.A schematic map that YossiYaari prepared to illustrateDay 4 Ram mission toQutamiya.

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Hors-série n° 37 - AVIONS

57L’offensive irakienne

Comme on peut le comprendre, l’attitude des forces israé-liennes le 13 octobre demeure essentiellement défensive ; lesopérations de l’aviation décroissent pour se préparer à affronterune journée qui promet d’être intense!

L’offensive irakienne au nord débute à 03h00; elle est suivieà 05h00 par une contre-offensive de la 210e division quirepousse les Irakiens. Une nouvelle fois, les unités d’Ahit et deSaar soutiennent les troupes amies tandis que les Shahak etNesher défendent le ciel avec acharnement. Les unités de Kur-nass sont toujours concentrées pour limiter la présence aériennearabe sur le champ de bataille en attaquant les bases aériennesennemies.

De 05h45 à 07h15, 28 équipages de Kurnass et 12 pilotesd’Ahit attaquent ainsi six bases aériennes syriennes en 7 mis-sions. Mazzeh est attaquée à deux reprises. Deux équipages deKurnass s’éjectent. Toutefois, ces attaques n’empêchent guèrel’aviation arabe d’être très active sur le Golan.

La défense aérienne syrienne est également très activepuisque 2 Ahit et 1 Shahak sont perdus au-dessus du Golan de05h42 à 17h12; la perte du Shahak a lieu alors que ce dernierpoursuit un avion d’attaque adverse; le commandant du Squa-dron 101, Abraham Lanir, s’éjecte au-dessus du territoire syrien.Les pilotes chargés de la protection aérienne arrivent bien sou-vent sur les lieux d’interception trop tard, les avions d’attaqueennemis ayant déjà “fait leur œuvre” et une poursuite au-dessusdu territoire ennemi expose trop dangereusement les pilotes deShahak et Nesher à l’AAA. Le pilote (de réserve) de Nesher duSquadron 113, Reuben Rosen se souvient :

J’étais dans mon cockpit en attente de décollage sur alertequand Avi Lanir a été abattu. Le commandant en chef de l’aviationBeni Peled nous ordonna alors de ne pas traverser la ligne de front.Il ne voulait plus perdre un seul intercepteur de cette manière.

Si nous les attrapions dans nos lignes, alors pas de problème,mais interdiction de passer au-dessus de la Syrie. Je n’avais pasentendu cet ordre car je me trouvais dans mon avion sous l’abribétonné. À ce stade de la guerre, nous larguions trop rapidementnos réservoirs externes ; je décidai donc de ne pas les larguer,même si j’étais dirigé par le contrôle aérien pour une interceptioncar beaucoup d’entre elles ne débouchaient sur rien. Si vous lar-guez vos réservoirs externes, vous devez revenir à la base maissi vous pouvez les conserver, alors la patrouille continue.

Je fus appelé à décoller et fus dirigé vers une formation deSu-20. Je virai et vis deux Su-20 mais le contrôle aérien me dit :« ils sont à nous ». Suite à cette confusion, je manquai une occa-sion car je me trouvai non loin derrière eux. Je les dépassai etaperçus le chiffre arabe des avions. Ils essayaient déjà de quitterles lieux à basse altitude, rapidement, peut-être à 680 nd et jetraversai nos lignes pour les poursuivre. Je lançai un missile, uneexplosion s’ensuivit mais l’avion volait toujours. Je me préparaià lancer le second missile. Il y avait beaucoup de tirs d’AAA etde missiles et je vis un Su-20 touché par sa propre AAA en boutd’aile mais il continua sa route. Je lançai mon second missilemais cela se passa comme avec le premier : une explosion dontl’avion émergea en continuant de voler. Mon ailier avait rompule combat à cause des SAM et je l’avais perdu. J’accélérai alorsvers l’est. Le contrôle aérien m’informa qu’il y avait une poursuiteet il m’ordonna de revenir en criant : « Revenez immédiate-ment » mais je ne répondis pas. Il était suffisamment difficile devoler si vite à si basse altitude, je ne pouvais en plus m’occuperde la radio. Je m’approchai donc d’un Su-20 pour le tirer aucanon mais je ne parvins pas à tirer. Afin de pouvoir ouvrir le feu,mes canons devaient être placés un peu plus bas que la ciblemais nous volions si bas que c’était impossible. Soudain, grâceau terrain accidenté, je saisis une opportunité ; j’ouvris le feu etil s’écrasa. S’il me restait encore un missile, j’aurais poursuivi lesecond mais je me trouvais alors en plein territoire syrien.

Des avions de transport Anak et Karnaf débarquent des réservoirs supplémentaires à Ramat David durant la guerre. Normalement, les réservoirsétaient largués quand le contrôle aérien ordonnait l’engagement des avions mais il y eut tellement de missions sans engagement aérien que lestock de réservoirs supplémentaires fut rapidement épuisé, au point que les pilotes de Nesher et de Shahak reçurent la recommandation de ne

larguer les réservoirs qu’au dernier moment lors d’une interception.Anak and Karnaf airlifters unload external fuel tanks at Ramat David during the Yom Kippur War ; stand practice was to jettison external fuel tankswere RCU radioed ‘engage’ order but on many occasions RCU ‘engage’ vectors did not develop into air combats and external tanks consumption

depleted ILAF stock to the point that Nesher/Shahak pilots were briefed to jettison external fuel tanks as late as possible in the interception scenario.

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Les attaquesFinalement, la paire de Kurnass devant bombarder

Mansoura est rappelée en cours de route, se trouvant au-dessus de Damietta et une seule paire s’en prend à Shu-brakhit.

Comme prévu, les 12 avions du Squadron 119 (en 4formations) emmènent les attaquants. Au nord de Port-Saïd, la formation se disloque, une paire devant attaquerTanta par le nord-est, les trois autres continuant versl’ouest avant de revenir au sud pour attaquer la basedepuis le nord. Haim Katz se souvient :

Au-dessus de la mer, notre compas dévia de 2°, etaprès 30 minutes nous avons dérivé de quelque 6 miles.L’avion de l’équipage Bendori - Benjamini rebroussa che-min suite à un problème technique, avant de virer au sudpuis nous avons coupé la route de Secretary mais il nousa dépassés, et quand nous avons passé la côte nousétions sur le bon chemin.

Un vol rapide et à basse altitude au-dessus du delta duNil jusqu’au point d’attaque final, un nœud ferroviaire,d’où nous devions virer à gauche; mais nous n’avons pascorrigé notre trajectoire comme il nous avait été demandéà cause des lancements de missiles, et effectivement deuxSA-3 se dirigeaient vers nous, à basse altitude, mais ilsvisaient l’avion de Livneh sur notre droite. Livneh manœu-vra pour éviter le premier missile qui finit sa course au solmais le second se dirigeait droit sur lui, probablementparce qu’il se trouvait alors un peu plus haut. J’imaginaile coup au but quand le missile explosa en une boule defeu à quelque 20 m sous l’appareil qui, à mon grand sou-lagement, poursuivit sa route. Nous apprîmes plus tardque Livneh pensait avoir été touché mais nous n’avonsrien entendu car il y avait trop de bruit à la radio et quenotre attention était accaparée par l’arrivée au-dessus dela base ennemie et les SAM.

Nous avons piqué sous les tirs violents de l’AAA, larguénos bombes puis nous sommes éloignés en faisant demi-tour vers la gauche mais en descendant trop lentement. Je jetaiun coup d’œil derrière nous et vis que nos bombes avaient man-qué les abris bétonnés puis j’aperçus un SAM se dirigeant versnous, très rapidement et très proche,peut-être un SA-3 lancé d’une batteriesituée au sud-ouest de la base. Je criai“missile”, sentis un souffle à la base del’empennage et Omri me dit que nousavions été touchés.

Tous les cadrans étaient ok, nousavons stoppé la postcombustion etsommes descendus au ras du sol carplusieurs missiles nous entouraient.Nous avons alors aperçu des MiG-21engageant nos Kurnass et Snir en abat-tit un au canon.

En volant vers le nord, nous avonsentendu Livneh disant qu’il s’était éjectéet avait atterri sans problème; il men-tionna également qu’il pensait que sonnavigateur ne devait pas être aussi bienque lui. À ce moment-là, notre avion répondait toujours bien etje pensai alors que nous n’avions pas été touchés. Mais alors quenous grimpions au-dessus de la mer, je vis que nous n’avionsplus d’aileron droit. Drori inspecta notre avion et nous dit qu’il y

avait de nombreux trous en dessous tandis que Ramot nous ditqu’il avait l’impression que le réacteur avait été constellé dedébris. Notre crainte était que le système hydraulique fut touché

et nous avons atterri avec les volets àmoitié baissés et à une plus grandevitesse, car l’avion n’était pas symétrique,et nous nous sommes arrêtés en prenantle brin d’arrêt.

Après être revenus dans l’abribétonné, nous avons inspecté l’appareil.L’aileron manquait en effet mais, parchance, le cylindre l’activant était encoreintact et il n’y avait aucune fuite deliquide hydraulique; le réservoir droit étaitpercé mais comme nous avions suppriméla pressurisation, il n’a pas explosé; quantau réacteur droit, il était en sale état maisle feu ne s’est pas déclaré. Nous avons eude la chance!

Hors-série n° 37 - AVIONS

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Un Su-7 égyptien survole le lieu du crash d’un Nesher ou d’un Shahak israélien. L’aviation israélienne perdit 5 Nesher et

1 Shahak au-dessus du front égyptien au cours de la guerre duYom Kippour.

Egyptian Sukhoi flying over crash site of ILAF Nesher or Shahak ; ILAF lost five Neshers and one Shahak over Egyptian front

during Yom Kippur War.

Derniers moments d’un MiG-21 photographiés par le Kurnass del’équipage Snir - Katz du Squadron 119 le 15 octobre 1973.Squadron 119’s Kurnass 119’s sight camera captured the finalmoments of the MiG-21 credited to Snir/Katz on 15 October 1973.

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Combats aériens au-dessus du DéversoirC’est à ce moment-là que les chefs arabes réalisent le sérieux

de la situation, surtout du côté égyptien. Les armées n° 2 et 3sont incapables d’avancer vers l’est ; les attaques israéliennes àl’ouest du canal commencent à éroder les forces arrière égyp-tiennes et à détruire les batteries de missiles, améliorant ainsiles résultats des attaques aériennes. Le Président Sadat ordonnele maintien des troupes égyptiennes à l’est, essentiellement pourdes raisons politiques et pouvoir ainsi négocier. Mais une fois quela gravité de la situation est acquise, l’aviation égyptienne reçoitl’ordre d’attaquer les unités israéliennes à l’ouest du canal. Aprèsavoir effectué des centaines de missions infructueuses depuis ledébut du conflit, les pilotes de Nesher et de Shahak se retrou-vent face à un ennemi très supérieur en nombre mais dont lesecteur n’est plus couvert par les missiles de l’armée égyptienne.

De 12h50 à 17h00, au cours d’une série de combats sedéroulant entre Nesher ou Shahak et avions d’attaque et inter-cepteurs arabes, l’aviation israélienne est créditée de la destruc-tion de 17 appareils, dont 14 aux Nesher/Shahak et 3 auxbatteries antiaériennes défendant les 143e et 162e divisions lelong du corridor du Déversoir et sur la tête de pont du Déversoir.

Finalement, le bilan de la journée est jugé satisfaisant par lesresponsables de l’aviation israélienne. Cependant, si la perte de6 appareils aurait été acceptable en début de conflit, les pertessubies au cours de l’opération Nutcracker 22 sont malvenuesaprès douze jours de conflit ! Le QG de l’aviation doit donc recon-sidérer les tactiques utilisées.

19 octobre 1973Cette journée ressemble à celle de la veille, l’armée israé-

lienne voulant poursuivre l’offensive au sud et demeurer sur ladéfensive au nord. Les pertes subies la veille amènent une jour-née assez clame pour les unités de Kurnass; aucune action d’en-vergure n’est prévue pour ces unités sauf une mission Ram quin’aura cependant pas lieu. Les Kurnass sont alors chargés depatrouilles de protection, de lancements de missiles Egrof/AGM-45 et de missions d’escorte en ce 19 octobre; les Nesher/Shahaket Ahit/Saar sont quant à eux chargés de missions d’interceptionet de soutien respectivement.

Au sud, dans la matinée, les Kurnass chassent les missiles sol-air sur Port-Saïd afin de s’assurer que les batteries n’ont pas étéremises en service tandis que les avions avec AGM-45 et leurresprotègent les Ahit et Saar ou les Kurnass attaquant des objectifsterrestres le long du canal de Suez; les missions de soutien sont

en effet plus nombreuses car l’armée israélienne détruit peu àpeu les batteries de SAM, rendant ainsi le ciel plus serein. Ainsi,à 10h50, la 421e brigade revendique la destruction d’une nou-velle batterie de missiles.

Au nord, dans la matinée, la division irakienne et la brigadejordanienne se lancent une nouvelle fois à l’attaque mais le sou-tien de l’aviation israélienne se limite à des missions de bombar-dement sans grande précision à cause de la présence des SAMsyriens. À un moment de la journée, la 143e division demandeun soutien aérien, les forces ennemies étant idéalement placéesmais cela lui est refusé à cause des missiles adverses.

À partir de midi, les avions arabes font leur apparition sur leDéversoir ainsi que sur le Golan, présentant alors des cibles ten-tantes pour les pilotes de Nesher et de Shahak et ceux de Kur-nass ou encore de l’AAA; 18 victoires seront attribuées auxpremiers et 3 et 4 aux autres respectivement, sur les deuxfronts, ce de 12h00 à 17h06.

Le 19 octobre est une journée “satisfaisante” pour l’aviationisraélienne qui, miracle, ne perd aucun avion de combat. Quantà l’armée israélienne, sa récompense vient de l’acceptation parl’Égypte d’un cessez-le-feu; la guerre touchait à sa fin !

AVIONS - Hors-série n° 37

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Cette séquence montrant la victoire remportée par un Nesher sur unMiG-21 au-dessus du Déversoir est certainement la plus célèbre de la

guerre ; elle fut prise peu après 16 h 00 le 18 octobre 1973.Perhaps the most famous ILAF sight film sequence ever was thisSquadron 101 Nesher kill of a MiG-21 over Deversoir shortly after

16:00 on 18 October 1973.

Page suivante, de haut en bas :

• Photo spectaculaire montrant l’éjection du pilote d’un MiG-21 abattuau-dessus du Déversoir le 19 octobre 1973.A MiG-21 pilot after ejection over Deversoir bridgehead on 19 October1973. (IGPO)

• Le crash du même appareil…The MiG-21 crash. (IGPO)

• Le pilote en fin de descente va être capturé par les forcesisraéliennes.ILDF troops race to capture descending MiG-21 pilot. (IGPO)

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Hors-série n° 37 - AVIONS

Nous étions encore sous l’abri quandle contrôle aérien nous ordonna de nousdiriger au 240, au sud-ouest. Nousavons décollé et nous sommes dirigésvers le sud-ouest pendant une minuteou deux quand le contrôle aérien nousa dit : « Dog, dirigez-vous vers le nordpour patrouiller du lac Karoum à KiryatShmona car des Ahit bombardent lemont Hermon en prévision de l’attaquede l’armée ». Des MiG-21 tentant uneinterception, nous devons patrouiller etdéfendre les avions d’attaque.

Nous étions en début d’après-midi,le soleil était relativement bas et com-mençait à se coucher à l’ouest. Nousavons patrouillé jusqu’à la limite denotre carburant et avons prévenu lecontrôle aérien pour qu’ils envoient une autre patrouille ; puisnous nous sommes dirigés vers le sud depuis le lac Karoum,notre ailier à notre droite, assez loin pour disposer d’un largechamp de vision et prévenir en cas d’attaque ennemie. C’estalors que Dog 2 a annoncé des MiG que nous avons aperçussous forme de points brillants, à cause du soleil bas à l’ouest,survolant le mont Hermon. Dog 2 prit la tête et vira devant nousen direction des MiG.

Mais nous avons fait une sérieuse erreur de jugement ; nousaurions dû rappeler Dog 2 mais nous l’avons suivi pour nousretrouver face à deux formations de quatre MiG-21, à basse alti-tude, survolant des plantations sur les pentes du mont Hermon.Nous étions en infériorité numérique dans ce combat, à deuxcontre huit, et ils tiraient canons et missiles dans tous les sens.Nous nous épuisions en manœuvrant sans arrêt et j’eus le sen-timent déplaisant de croire que nous allions mourir sous peu.

À un certain moment, je vis, dans le coin de l’œil, Dog 2(piloté par Itamar Barnea) poursuivre un MiG, à plus haute alti-tude, en direction de Damas. Un peu plus tard, nous l’avonsentendu dire à sa radio de secours : « 2 éjectés, un MiG-17 noustire dessus ».

Nous sommes parvenus à rompre le combat et à rentrer maispour moi c’était comme si tout volait en éclats, après tout ce quenous avions vécu pendant cette guerre; un combat aérien extrê-mement stressant, mentalement et physiquement, dans lequelnous nous sommes engagés avec un niveau de carburant tropbas, qui avec la postcombustion n’a pas duré plus d’une minute,mais quelle minute.

Au cours du combat, Dog 1 a suivi un MiG-21 sur lequel il alancé un missile Deker ; le MiG-21 a tenté d’échapper au missile

mais il s’est écrasé dans la plantation. Le Squadron 201 a étécrédité de deux victoires “sans tir” tandis que le commandementNord a précisé à 15h46 que deux MiG avaient été abattus etqu’un troisième s’était probablement écrasé mais peut-être qu’ils’agissait là du Kurnass du Squadron 201.

Finalement, la détérioration de la situation militaire arabeamène le gouvernement égyptien à déclarer, à 16h00: Le soutiencontinu des États-Unis aux agresseurs israéliens amène les paysarabes à se demander s’ils combattent Israël ou les États-Unis.

Il s’agissait là d’une pirouette somme toute osée quand onsait que ce sont la Syrie et l’Égypte qui ont cette fois attaquéIsraël, aidées en cela par un pont aérien soviétique, établi long-temps avant celui mis en place par les États-Unis vers Israël ;mais les deux pays arabes peuvent alors être inquiets car le21 octobre 1973 est sans doute le jour le plus actif du pontaérien américain, avec l’arrivée de 6 C-5 Galaxy et 12 C-141 Star-lifter en Israël. Pourtant, les services de renseignement israéliensenregistrent 296 vols depuis l’URSS vers l’Égypte et 351 vers laSyrie, dont 579 pour les An-12 et 43 pour les An-22 en cette finde journée du 21 octobre.

La troisième “manche” des combats aériens sur le mont Her-mon résulte des tentatives syriennes d’envoyer des hélicoptèresà partir de 16h15, peut-être pour contrecarrer l’action des para-chutistes de la 317e brigade. Les Kurnass du Squadron 119 sontenvoyés sur place pour engager les MiG-21 de l’escorte et ilssont crédités de deux victoires au cours des combats. À 16h39,le commandement Nord annonce que 11 MiG ont été abattusainsi que 3 hélicoptères et que 528 parachutistes de la 317e bri-gade se trouvent pour le moment sur le mont Hermon. Le trans-port des parachutistes par les hélicoptères Yasur est interrompuà 17h05 à cause de la nuit tombante et après le transport de650 hommes sur l’arrière des forces syriennes.

La livraison des Kurnass de l’aide américaine entraîna une nouvellerépartition des appareils ; le Kurnass 132 quitta ainsi le Squadron 69

(auquel il appartenait quand il fut photographié survolant Jerusalem enmai 1973) pour rejoindre le Squadron 201 avec lequel il fut perdu lors

d’un combat au-dessus du mont Hermon le 21 octobre 1973.Kurnass Karpada deliveries resulted in reshuffle of aircraft between

squadrons including reassignment of Kurnass 132 from Squadron 69 - in which service it was photographed flying over Jerusalem in May1973 - to Squadron 201 in which service it was lost in combat over

Mount Hermon on 21 October 1973.

L’aviation israélienne continua à bombarder des objectifs égyptiens etsyriens pendant toute la journée du 16 octobre, dont cette accumulationde batteries de missiles SA-2 dans le secteur de l’armée n° 2.ILAF continued to bomb Egyptian targets throughout Day 16 including thisArmy 2 assembly of SA-2 battery components south east of Ismailia.

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