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Dr N. Ait Benamar : Rupture des varices œsophagiennes 1 UNIVERSITE D’ALGER YOUCEF BENKHEDDA FACULTE DE MEDECINE D’ALGER DEPARTEMENT MOHAMED MAHERZI Rupture des varices œsophagiennes Docteur Noureddine Ait Benamar Clinique Djillali Rahmouni Service de chirurgie générale

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Dr N. Ait Benamar : Rupture des varices œsophagiennes

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UNIVERSITE D’ALGER YOUCEF BENKHEDDA

FACULTE DE MEDECINE D’ALGER

DEPARTEMENT MOHAMED MAHERZI

Rupture des varices œsophagiennes

Docteur Noureddine Ait Benamar

Clinique Djillali Rahmouni Service de chirurgie générale

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Dr N. Ait Benamar : Rupture des varices œsophagiennes

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SOMMAIRE

I. INTRODUCTION II. HYPERTENSION PORTALE

II .1. Définition II.2. Physiologie II.3. Conséquences physiopathologiques II.3.1. Hypercinésie circulatoire II.3.2. Circulation collatérale II.3.3. Ascite II.3.4. Syndrome hépatorénal II.3.5. Syndrome hépatopulmonaire II.4. Etiopathogénie II.4.1. Hypertension portale infrahépatique II.4.2. Hypertension portale intrahépatique II.4.3. Hypertension portale posthépatique

III. DIAGNOSTIC POSITIF IV. FACTEURS DE GRAVITE

IV.1. Gravité de l’épisode hémorragique IV.2. Scores pronostiques

V. TRAITEMENT V.1. Traitement non spécifique V.2. traitement spécifique de l’hémorragie

V.2.1. Tamponnement œsophagien V.2.2. Médicaments vasoactifs V.2.2.1. Vasopressine V.2.2.2. Somatostatine

V.2.3. Béta bloquants V.2.4. Méthodes endoscopiques

V.2.4.1. Sclérothérapie V.2.4.2. Ligature élastique V.2.5. Anastomose portosystémique intra hépatique par voie transjugulaire (TIPS) V.2.6. Traitement chirurgical V.2.6.1. Dérivations portales totales V.2.6.2. Dérivations portales partielles V.2.6.3. Dérivations portales sélectives V.2.6.3.1. Opération de Warren V.2.6.3.2. Opération d’Inokuchi V.2.6.4. Chirurgie de dévascularisation

VI. CONCLUSION

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I. INTRODUCTION

La rupture de varices œsophagiennes constitue une complication majeure de l’hypertension

portale le plus souvent secondaire à une cirrhose. Elle représente 2 à 23% des causes des

hémorragies digestives hautes et 40% à 70% des causes hémorragiques chez les malades

atteints de cirrhose [1, 2]. Le diagnostic est le plus souvent facile lorsque l’hémorragie est

extériorisée et lorsqu’il existe une hépatopathie sous-jacente. L’évaluation rapide de la gravité

à l’aide des facteurs pronostiques identifiés, la prise en charge rapide par une réanimation

adaptée et l’introduction précoce en urgence d’un traitement spécifique de l’hémorragie ont

amélioré la survie liée à l’épisode hémorragique de 40% à 60% en 40 ans [2, 3]. Complication

redoutable, la rupture de varices œsophagiennes est accompagnée d’une morbidité et d’une

mortalité élevée. En l’absence de traitement, une hémorragie sur trois entraine le décès du

malade. La mortalité de chaque épisode hémorragique est d’au moins 30%. 50% des décès

surviennent dans les deux premières semaines et 70% des survivants présenteront une récidive

hémorragique précoce. La survie à un an après rupture de varices œsophagiennes est estimée

entre 32 et 80% [3, 4].

Depuis 1980, le traitement des hémorragies digestives par rupture de varices œsophagiennes

est en pleine mutation du fait de la disponibilité de nouvelles options thérapeutiques venues

enrichir l’arsenal déjà existant. Le développement parallèle de la pharmacologie et du

traitement endoscopique par ligature élastique tend, d’une part à limiter largement l’utilisation

des autres méthodes thérapeutiques et d’autre part à réduire le champ des indications

chirurgicales.

Il convient de rappeler un certain nombre de définitions :

- Hémorragie initiale : Elle constitue le premier épisode de saignement par rupture de

varices œsophagiennes.

- Prophylaxie primaire : Elle est définie par la prévention de cette hémorragie initiale

chez un malade porteur d’une hypertension portale compliquée de varices

œsophagiennes.

- Hémostase primaire : Elle représente l’arrêt de l’hémorragie initiale, elle peut se

faire spontanément dans les 2/3 des cas (60%).

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- Récidive hémorragique précoce : Elle est définit par un saignement survenant après

24 heures de stabilité clinique, durant la première semaine suivant le début de

l’hémorragie initiale.

- Hémostase secondaire : C’est l’arrêt de la récidive hémorragique.

- Prophylaxie secondaire : C’est le moyen utilisé pour éviter la survenue d’une

récidive hémorragique précoce.

II. HYPERTENSION PORTALE

II.1. Définition

Le système porte est constitué de veines abdominales qui drainent le sang des organes

digestifs abdominaux vers le foie. Il y règne une pression de l’ordre de 7 0 12 mm Hg. Le

gradient de pression entre le système cave et le système porte est de 1 à 4 mm Hg.

L’hypertension portale (HTP) est définie pare une augmentation de pression au niveau de la

veine porte et par conséquent dans les territoires de drainage du système porte, laquelle

devient supérieure à 12 mm Hg, ou encore, un gradient de pression porto systémique

supérieur à 5 mm Hg. Cette HTP est due à l’augmentation des résistances vasculaires par

diminution de l’espace vasculaire due le plus souvent à un remaniement architectural de

l’hépatocyte et à l’augmentation du débit sanguin dans le territoire splanchnique, somme des

débits gastrique, intestinal, colique, splénique et pancréatique.

II.2. Physiologie

La pression veineuse portale est tributaire des résistances vasculaires intrahépatique et du flux

vasculaire hépatique assuré par l’artère hépatique (20-40%) et de la veine porte (60-80%). Le

gradient de pression sus hépatique est un bon reflet de la pression portale représentée par la

différence entre pression sus hépatique bloquée et libre à l’aide d’un cathéter introduit dans

une veine sus hépatique [5, 6].

P0 veine porte ou P0 pré sinusoïdale = 7-12 mm Hg.

P0 sus hépatique bloquée ou P0 sinusoïdale = 4-11 mm Hg.

P0 sus hépatique libre ou P0 post sinusoïdale = 2-10 mm Hg.

Un gradient de pression hépatique égal à 12 mm Hg entraine la formation de varices

œsophagiennes. Les varices ne saignent que lorsque le gradient de pression hépatique est

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supérieur à 12 mm Hg. Il est bien établi que si on diminue le GPH en dessous de ce seuil, le

risque de saignement est pratiquement nul [5, 6].

II.3. Conséquences physiopathologiques

II.3.1. Hypercinésie circulatoire : L’hypertension portale s’accompagne

d’une hypercinésie circulatoire avec une vasodilatation splanchnique et une augmentation du

débit sanguin porte. Certaines hormones vasoactives gastro-intestinales (vasoactif-intestinal-

peptide, glucagon) sont impliquées dans l’augmentation du débit splanchnique, en particulier

le glucagon qui aurait un effet vasodilatateur sélectif et réduirait la sensibilité aux

vasoconstricteurs. Ces hormones agissent par activation des récepteurs spécifiques à la

surface des cellules endothéliales entrainant la libération d’un facteur endothélial

vasodilatateur (EDRF) dont le principal représentant est l’oxyde nitrique (NO), lequel aurait

un rôle important dans le syndrome d’hypercinésie circulatoire [6, 7] .

II.3.2. Circulation collatérale : Elle est la conséquence directe de

l’hyperpression dans le territoire du système porte entrainant le développement de shunt avec

le système cave à basse pression. Ces anastomoses siègent préférentiellement dans la sous

muqueuse de l’œsophage, site fréquent de varices œsophagiennes et de la partie haute de

l’estomac (varices gastriques). Ces anastomoses se font entre les veines tributaires de la

coronaire stomachique et de la veine azygos par l’intermédiaire des veines œsophagiennes et

de la veine diaphragmatique inférieure. Ces varices de la muqueuse œsophagienne sont

alimentées par le plexus veineux intrapariétal et périoesophagien, les veines collatérales et

enfin l’insuffisance valvulaire permettant un flux rétrograde. Le deuxième site de prédilection

est la sous muqueuse du rectum où existent des anastomoses entre le territoire mésentérique

inférieur (Veine hémorroïdale supérieure) et le territoire cave inférieur (Veines hémorroïdales

moyenne et inférieure). L’anastomose entre ces deux systèmes conduit à la formation

d’hémorroïdes. Enfin, la paroi abdominale antérieure, par l’intermédiaire de la veine

ombilicale de la circulation fœtale qui se perméabilise. Dans l’HTP, elle peut servir

d’anastomose entre la branche gauche de la veine porte et la veine épigastrique ainsi que la

veine mammaire interne. Il s’en suit alors une circulation veineuse collatérale axiale et péri

ombilicale en tête de méduse [5, 6, 7].

II.3.3. Ascite : Elle est le témoin d’une maladie hépatique évoluée résulte

d’une cascade d’évènements hémodynamiques secondaire à l’HTP et à l’insuffisance

hépatique. Elle est la conséquence de l’hyperpression sinusoïdale et de la stase capillaire

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mésentérique et intestinale. Son apparition signale de façon très nette un pronostic

défavorable et annonce une diminution significative de la survie spontanée. L’infection du

liquide d’ascite est une complication fréquente et grave qui survient chez 8 à 30% des

malades hospitalisés avec ascite. La greffe bactérienne est la conséquence des ponctions

itératives du liquide péritonéal ou d’une translocation bactérienne à travers la barrière

intestinale [8, 9].

II.3.4. Syndrome hépatorénal : Le syndrome hépatorénal est la

manifestation ultime de la défaillance circulatoire du cirrhotique décompensé. Spontanément,

son pronostic est mauvais avec une mortalité élevée liée à l’insuffisance rénale aigue [10, 11,

12].

II.3.5. Syndrome hépatopulmonaire : Plus rarement, l’HTP est à

l’origine d’un syndrome hépatorénal caractérisée par le développement d’une dilatation

vasculaire pulmonaire et d’une hypoxie. Ce syndrome évolue naturellement vers

l’aggravation, il est responsable de décès dans 30% des cas à deux ans. L’hypertension portale

est aussi responsable d’une hypertension artérielle pulmonaire [13].

II.4. Etiopathogénie

L’HTP peut être définie en fonction du lieu de l’obstacle. Ce dernier est situé soit sur la veine

porte, il s’agit alors d’un bloc sous hépatique, soit l’obstacle est situé dans le foie prenant

alors l’appellation de bloc intrahépatique et enfin l’obstacle peut être situé après le foie, il

s’agit alors d’un bloc supra hépatique.

II.4.1. HTP infra hépatique : L’obstacle siège sur la veine porte ou l’un

de ses affluents. Il peut être :

- Congénital : Atrésie de la veine (Cavernome portal).

- Infectieux : Pylephlébite, Omphalite, Infection abdominale.

- Traumatique : Cathétérisme de la veine ombilicale chez le nouveau né,

Splénectomie.

- Tumoral : Compression de la veine porte ou l’une de ses branches par une tumeur de

voisinage.

- Hématologique : Syndrome myeloprolifératif, Polyglobulie.

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II.4.2. HTP intrahépatique :

- Pré sinusoïdale : Bilharziose, Schistosomiase, Maladie de Wilson, Sarcoïdose.

- Sinusoïdale : Cirrhose, Fibrose hépatique, Maladie veino-occlusive.

II.4.3. HTP post hépatique : Elle est secondaire à l’obstruction des

veines sus hépatique réalisant le syndrome de Budd Chiari par :

- Thrombose des veines sus hépatiques

- Compression tumorale des veines sus hépatiques

- Péricardite constrictive

Le niveau de l’obstacle peut être déterminé par la mesure des pressions sus hépatiques libre et

bloquée par l’intermédiaire d’un cathétérisme trans cutané trans jugulaire. Les valeurs des

différentes pressions sont indiquées dans le tableau 1.

Tableau1 : Valeurs des pressions en fonction du siège de l’obstacle

Pression

Obstacle

Veine porte

7–12mm Hg

Sus hépatique

bloquée

4–11 mm Hg

Sus hépatique

libre

2–10 mm Hg

Gradient de

pression sus

hépatique

1–4 mm Hg

Infra hépatique augmentée normale normale normale

Intra hépatique

Pré sinusoïdal

Sinusoïdal

augmentée

augmentée

normale

augmentée

normale

normale

normale

augmentée

Supra hépatique augmentée augmentée augmentée normale

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III. DIAGNOSTIC POSITIF

Le diagnostic est le plus souvent facile lorsque l’hémorragie est extériorisée (hématémèse

et/ou méléna) et que l’anamnèse et des signes cliniques orientent vers une maladie hépatique

sous jacente. Dans de rares cas, le diagnostic est évoqué devant une encéphalopathie

inexpliquée, une décompensation oedémato-ascitique, une tachycardie réactionnelle, des

signes de choc. L’interrogatoire précisera la nature, l’heure de début de saignement, la

présence d’un facteur déclenchant (ex : médicaments). L’examen clinique permettra de faire

le diagnostic de l’HTP (Ascite, Splénomégalie, Circulation collatérale) et de la cirrhose

(Ictère, Hépatomégalie, Angiome stellaire) et de rechercher les signes de gravité. Parfois, la

mise en place d’une sonde gastrique et un premier lavage confirmera le diagnostic resté

incertain. Seule l’endoscopie digestive haute réalisée dans de bonnes conditions, dans les 12

heures qui suivent l’hémorragie, permettra de confirmer l’origine du saignement. Dans 50 à

70% des cas, l’épisode hémorragique s’est arrêté spontanément [14, 15].

IV. FACTEURS DE GRAVITE

Les hémorragies digestives par rupture des varices œsophagiennes demeurent par leur

fréquence et leur gravité un sujet d’actualité. Elles sont de loin dominées par la pathologie

cirrhotique grevant le pronostic de cet accident. Le risque de décès au cours de l’épisode

hémorragique initial par rupture des varices œsophagiennes chez les malades cirrhotiques est

estimé à 37%, leur tendance à la récidive est de 70% au cours de la première année. La

fréquence de cette récidive dépend de la sévérité de l’hépatopathie sous jacente et du

traitement hémostatique entrepris lors de l’hémorragie initiale. Le diagnostic d’une RVO étant

posé, l’urgence est d’évaluer la gravité de l’hémorragie, d’identifier les malades à risque de

décès précoce et de récidive hémorragique [15].

IV.1. Gravité de l’épisode hémorragique

Les signes de gravité de l’hémorragie digestive reposent sur les signes de choc (la fréquence

cardiaque, la pression artérielle, la fréquence respiratoire, la recoloration capillaire, l’agitation

et les troubles de la conscience). L’interprétation de ces facteurs est difficile chez le

cirrhotique notamment la fréquence cardiaque qui est modifiée par l’hypercinésie circulatoire

et la prise de B bloquants ; les troubles de conscience peuvent être en partie liés à

l’encéphalopathie hépatique. L’hématocrite initial n’est pas un bon reflet de la perte sanguine

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car l’hémodilution n’apparait qu’en quelques heures. Le caractère actif du saignement est l’un

des éléments pronostiques mais il n’est pas toujours facile à déterminé. D’après la conférence

de consensus de Baveno III, une hémorragie digestive cliniquement significative est une

hémorragie nécessitant la transfusion de deux culots globulaires et plus durant les premières

24 heures avec une pression artérielle systolique inférieure à 100 mm Hg et/ou une fréquence

cardiaque supérieure à 100 battements/mn au moment de l’admission à l’hôpital. Une

hémorragie digestive non contrôlée est définie par l’association dans les 6 premières heures de

la nécessité de transfuser au moins 4 culots globulaires, de l’impossibilité d’obtenir une

pression artérielle systolique au dessus de 70 mm Hg ou de l’augmenter de 20 mm Hg,

d’obtenir une fréquence cardiaque moins de 100 pulsations/mn. La récidive hémorragique

survenue après la 6éme heure est aussi considérée comme un élément pronostique de gravité

[15, 16].

IV.2. Scores pronostiques

Différents facteurs prédictifs de décès précoce et de récidive hémorragique ont été identifiés

dans plusieurs études en analyse multivariée : la sévérité de l’atteinte hépatique évaluée à

l’aide de la classification de Child et Pugh (Tableau 2), l’alcoolisme chronique actif, l’âge,

l’encéphalopathie hépatique, les antécédents cardiovasculaires, le délai entre l’hémorragie et

l’admission, la présence d’une infection, d’une insuffisance rénale, d’un syndrome de réponse

inflammatoire systémique et d’une défaillance viscérale, l’absence de contrôle de

l’hémorragie, le saignement actif à l’endoscopie, la présence des varices gastriques (moins

de 10%) dont l’évolution est moins favorable du fait d’une hémostase plus difficile à obtenir

et d’une plus grande fréquence des récidives, un gradient de pression hépatique supérieur à 20

mm Hg et la récidive hémorragique précoce.

Les facteurs prédictifs de récidives hémorragiques sont globalement identiques aux facteurs

de décès précoce. Outre les signes sus cités, La présence à l’endoscopie de signes rouges

(zébrures, vésicules rouges), d’ecchymoses, la taille des varices constituent des facteurs

prédictifs de récidives hémorragiques.

Les complications spécifiques de la cirrhose constituent aussi des facteurs pronostiques

péjoratifs. En effet, l’encéphalopathie hépatique complique une hémorragie digestive dans

50% des cas. En période d’hémorragie, l’infection bactérienne secondaire à la translocation

bactérienne et à la diminution de la fonction du système réticulo-endothélial, est présente chez

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25 à 50% des malades cirrhotique. La présence d’une infection doit être recherchée chez tous

les malades et traitée de façon adaptée [15-17].

Tableau 2 : Score de Child et Pugh

Signes cliniques et

biologiques

1 2 3

Encéphalopathie Absente Astérixis Troubles neurologiques

Ascite Absente

Modérée

Importante

Bilirubinémie < 20 g/dl

< 35 mmol/l

20-30 g/dl

35-50 mmol/l

> 30 g/l

> 50 mmol/l

Albuminémie > 35g/l 8-35 g/l < 28 g/l

Tx de prothrombine > 50 40-50 < 40

V. TRAITEMENT Depuis 1980, le traitement des hémorragies digestives par rupture des varices œsophagiennes

est en pleine mutation. L’avènement des drogues vasoactives et le développement de

nouvelles méthodes de traitement endoscopique tendent à limiter sensiblement le recours à

d’autres moyens thérapeutiques et en particulier la chirurgie. La rupture des varices

œsophagiennes est une urgence médico-chirurgicale, son traitement est essentiellement

représenté, en dehors des transfusions sanguines, par l'administration d'agents vasoactifs

(vasopressine et ses dérivés, somatostatine et ses dérivés), par la sclérose, l'obturation ou la

ligature endoscopique des varices œsophagiennes et par le tamponnement des varices par une

sonde à ballonnets.

La prise en charge de la rupture des varices œsophagiennes comporte un traitement non

spécifique fondé sur des mesures de réanimation entreprise en urgence et constitue un facteur

pronostique majeur de la survie des malades et un traitement spécifique de l’hémorragie dont

l’objectif est l’arrêt du saignement. Diverses armes thérapeutiques sont proposées:

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- Tamponnement local par une sonde de Blackmoore ou sonde de Linton Nachlas.

- Traitement pharmacologique par les drogues vasoconstrictrices (Vasopressine,

somatostatine)

- Traitement endoscopique (Sclérothérapie, Ligature élastique)

- Traitement radiologique (Embolisation, Shunt intrahépatique transjugulaire : TIPS)

- Traitement chirurgical

V.1. Traitement non spécifique

Le traitement non spécifique consiste à corriger les conséquences de l’hémorragie et de traiter

les complications spécifiques de la cirrhose particulièrement l’encéphalopathie hépatique et

les infections bactériennes.

L’objectif est de rétablir la volémie par un remplissage vasculaire en urgence afin d’obtenir

une pression moyenne de 80 mm Hg. Pour cela, deux voies veineuses périphériques de gros

calibre doivent être posées. La mise en place d’une voie centrale est discutée et doit être

envisagée en cas d’absence d’abord périphérique et lorsqu’une surveillance de la pression

centrale est nécessaire. Lors de la correction, la pression portale augmente plus vite que la

volémie, et tout excès de remplissage favoriserait la récidive hémorragique. Aucune étude ne

permet de choisir entre cristalloïdes et colloïdes. Les cristalloïdes (solutés salés

hypertoniques) sont préférés en première intention. La transfusion de concentrés

érythrocytaires doit être adaptée au degré de déglobulisation chez un malade réhydraté, elle

est recommandée lorsque l’hématocrite est inférieur à 25% et l’hémoglobine inférieure à 7

g/dl. L’objectif est d’obtenir un hématocrite entre 25 et 30% et d’atteindre un taux

d’hémoglobine de 7 g/dl. La correction systématique des troubles de la coagulation et de

l’hémostase par d’autres produits dérivées de sang (PPSB, plasma frais congelées, culots

plaquettaires) n’est pas recommandée. En revanche, il est classiquement recommandé de

transfuser les plaquettes lorsque le chiffre de plaquettes est inférieur à 50000/mm3

L’encéphalopathie hépatique contemporaine de l’hémorragie est observée chez 30% des

malades. Son traitement par le lactulose et les antibiotiques non absorbables (néomycine)

.

Une oxygénothérapie par sonde nasale de 2 à 6 l /mn doit être adaptée à la fonction

respiratoire du malade [18]. La ventilation respiratoire systématique en cas d’encéphalopathie

hépatique est controversée. En revanche, elle doit être effectuée lorsqu’il existe une détresse

respiratoire, un état choc réfractaire, la nécessité de protection des voies aériennes supérieure.

Elle constitue un facteur pronostique péjoratif.

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n’est pas clairement démontré dans cette situation. En revanche, plusieurs études contrôlées et

une méta-analyse ont montré une prophylaxie par les antibiotiques augmentait

significativement le pourcentage de malades sans infection et la survie.

V.2. Traitement spécifique de l’hémorragie

Il comprend le tamponnement local, les drogues vasoactives, les gestes endoscopiques et la

chirurgie. L’efficacité de ses différentes est difficilement apprécier à cause de l’hétérogénéité

des essais.

V.2.1. Tamponnement œsophagien : Il s’effectue à l’aide de sonde à double

ballonnets (sonde de Blackmoore), ou à simple ballonnet (sonde de Linton Nachlas). Le

tamponnement œsophagien a pour objectif d’obtenir une compression hémostatique. Son

efficacité sur l’hémostase est relativement faible entre 20 et 64% (en moyenne 50%), du fait

d’une récidive fréquente au dégonflage des ballonnets.

La sonde de Blackmoore expose à de multiples complications, la faisant abandonner par de

nombreux auteurs. Ces complications sont représentées par :

- Asphyxie secondaire à la compression du larynx.

- Rupture de l’œsophage toujours fatale due au gonflage excessif du ballonnet gastrique

dans l’œsophage ou à la distension de la partie supérieure du ballonnet œsophagien qui

va faire hernie provoquant ainsi une déchirure de la paroi œsophagienne.

- Inhalation bronchique des mucosités accumulées au dessus du ballonnet œsophagien.

- Ulcérations de la muqueuse œsophagienne et du cardia exposant aux fistules

trachéales.

Le tamponnement œsophagien constitue un traitement d’hémostase d’attente en cas

d’hémorragie de grande abondance ou pendant un transport médicalisé. Pendant longtemps

celui-ci a fait référence dans l’hémorragie par rupture des varices œsophagiennes, mais cette

attitude a été modifiée par l’avènement de nouvelles molécules vasoactives et par le

développement de l’endoscopie interventionnelle.

V.2.2. Médicaments Vasoactifs : L’objectif principal du traitement

pharmacologique dans la rupture des varices œsophagiennes est de réduire la pression portale

et par conséquent la pression intra variqueuse en réduisant le flux veineux portal et diminuant

les résistances vasculaires intrahépatiques. Les drogues vasoactives entrainent une

vasoconstriction systémique et par conséquent une diminution du débit sanguin splanchnique,

de même qu’elles augmentent le taux d’hémostase primaire. Leur utilisation pourrait se

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concevoir en association à d’autres moyens thérapeutiques et notamment endoscopiques

capables de potentialiser leurs effets.

V.2.2.1. Vasopressine : Son emploi est très ancien et remonte à une

cinquantaine d’années. La vasopressine endogène (Arginine vasopressine) et la vasopressine

exogène synthétique (Terlipressine) ont une propriété vasoconstrictrice très puissante. La

vasopressine endogène augmente le facteur VIII de Willbrant et l’activateur du plasminogène

et serait donc susceptible d’entrainer une fibrinolyse. Elle joue un rôle essentiel dans

l’hémostase particulièrement au cours de l’hémorragie aigues où elle est 300 fois supérieure à

la valeur de base. Elle entraine une augmentation de l’activité rénine angiotensine et joue un

rôle essentiel dans le maintien de la pression artérielle au cours du choc hypo volumique.

La terlipressine diminue le gradient de pression sus-hépatique de 25 à 50 %. C’est un

vasoconstricteur artériolaire splanchnique responsable d’une diminution du débit sanguin

portal et de la pression portale plus marquée que la vasoconstriction systémique évitant ainsi

l’adjonction de dérivées nitrés pour parer les complications cardiaques. Elle induit des

modifications hémodynamiques splanchniques favorables en cas d’HTP en situation stable ou

au cours d’une hémorragie minime. En revanche, lors d’une hémorragie importante, elle

semble dénuer d’effets hémodynamiques car la stimulation du système du système

vasoconstricteur est à son paroxysme et que la terlipressine se trouve face à des récepteurs

désensibilisés ou déjà saturés. La dose à administrer est de 1 à 2 mg / 4 heures en intra

veineux pendant 24 heurs. Les effets indésirables dus à la vasoconstriction sont en grande

partie évités par l’administration de dérivées nitrés [19-22].

V.2.2.2. Somatostatine : Il s’agit d’un polypeptide naturel dont la demi-vie

n’est de quelques minutes et doit être administré en perfusion continue. La dose

habituellement utilisée est de 6 mg/24 heures, après administration d’un bolus de 0,25 mg. La

somatostatine diminue le débit sanguin splanchnique et azygos. Les complications sont

moindres et sa tolérance est excellente. L’octreoide, dérivée synthétique de la somatostatine a

une demi vie de 90 minutes. Les résultats hémodynamiques la concernant sont similaires à la

somatostatine, diminue la pression portale et le débit sanguin dans les collatérales porto-

systémiques. Il est considéré comme un puissant inhibiteur de la sécrétion des hormones

gastro-intestinales, il diminue la pression intra veineuse par réduction sanguin sous muqueux

en augmentant le tonus du sphincter inférieur de l’œsophage. Il a une bonne tolérance clinique

et en urgence, il contrôlerait l’hémorragie en 12 à 24heures.

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Plusieurs études contrôlées ont comparé l’efficacité thérapeutique des drogues

vasoconstrictrices au tamponnement local. Les critères de jugement retenus étant :

- Arrêt du saignement à la 24 ème heures, témoigné par un lavage gastrique, un

hématocrite stable toutes les 6 heures, et l’absence de récidive à l’endoscopie entre la 24

ème heures et la 36 ème heures.

- Les besoins transfusionnels

- La mortalité globale et spécifique

- La morbidité

Il en ressort sur la base d’une multitude de méta-analyses contrôlées que La vasopressine

n’apporte aucun bénéfice dans l’hémorragie active et ses effets sont nombreux, alors que la

terlipressine donne des résultats comparables au tamponnement externe dans le contrôle de

l’hémorragie, son efficacité s’est avérée supérieure à un placébo, elle peut être débutée

précocement dans l’attente du traitement endoscopique. La somatostatine s’est avérée

supérieure à la vasopressine en termes de contrôle de l’hémorragie et de tolérance clinique,

mais ne montre pas de différence en termes de mortalité [23-30].

V.2.3. B Bloquants : Le plus utilisé étant le Propranolol, B bloquant non

cardiosélectif, doté de propriétés vasoconstrictrices splanchnique et périphérique. Il réduit la

pression portale d’au moins 20% ou un gradient de pression hépatique inférieure à 12 mm Hg.

Ces effets permettent une protection significative contre l’hémorragie, Il n’est pas prescrit en

situation d’urgence. Une prise quotidienne de 40 mg entraine une diminution de la pression

artérielle moyenne de 20 mm Hg. L’effet du Propranolol dans la prophylaxie primaire a été

démontré dans plusieurs essais contrôlés. Il constitue le traitement de référence dans la

prophylaxie primaire et permet une réduction sensible du risque hémorragique et de

réapparition de varices œsophagiennes après éradication par sclérothérapie ou ligature

élastique. Il tire son avantage par sa simplicité, son innocuité et par son moindre cout. Son

efficacité dans la prophylaxie secondaire n’est pas clairement démontrée chez les malades

cirrhotiques. Il semblerait peu probable que le traitement endoscopique lui apparaisse

supérieure en prophylaxie secondaire [31-33].

En conclusion, la sonde de tamponnement ne devrait plus être utilisé en première intention

mais être réservé aux cas d’échec après utilisation des drogues vasoactives et de l’hémostase

endoscopique, ceux-ci représentent moins de 10% des cas. Il est cependant difficile de

départager entre les différentes molécules vasoconstrictrices, néanmoins, la somatostatine doit

être utilisée précocement dans l’urgence hémorragique afin de permettre le plus souvent une

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Dr N. Ait Benamar : Rupture des varices œsophagiennes

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hémostase endoscopique différée et réalisée dans de meilleures conditions techniques, elle

offre l’avantage d’un coût sensiblement moindre.

V.2.4. Méthodes endoscopiques : Elles doivent être mise en œuvre au

moment de l’endoscopie diagnostique et reste à ce jour le traitement de référence dans

l’hémorragie digestive par rupture des varices œsophagiennes. Le but du traitement

endoscopique est la suppression des varices sous épithéliales et sous muqueuses du bas

œsophage et de la région cardio-tubérositaire.

V.2.4.1. Sclérothérapie : Elle consiste en l’injection d’un produit

sclérosant en intra ou para variqueux, ce qui induirait en premier lieu une compression de la

varice par un œdème réactionnel puis en second temps sa thrombose, conséquemment à la

réaction inflammatoire locale. L’éradication des varices est obtenue après 4 à 6 séances

étalées sur quelques jours à un mois. Les complications sont représentées essentiellement par

les ulcérations œsophagiennes secondaires aux injections et qui peuvent évoluer dans certains

cas vers la sténose. Le risque de récidive hémorragique reste faible, estimé à entre 10 et 23%.

Il est lié à la gravité de l’atteinte hépatique qui semble entrainer un retard à l’éradication des

varices. La sclérothérapie s’accompagne d’incidents et de complications graves, la mortalité

pouvant atteindre 12%, sa morbidité est également élevée, avoisinant 40% [34-36].

V.2.4.2. Ligature élastique : Plus récemment, la ligature élastique a été

proposée pour le traitement des varices œsophagiennes et gastriques. Elle fait appel au même

principe que pour la ligature élastique des hémorroïdes. Elle a été décrite pour la première fois

en 1986 par Stiezmann. Le taux d’éradication des varices œsophagiennes est estimé à 80%

avec une moyenne de deux séances (1 à 5 séances). Le délai nécessaire à l’éradication des

varices œsophagiennes est court. Cette méthode de traitement est de réalisation facile,

d’apprentissage aisé, et parait efficace. Elle est grevée d’une morbidité négligeable (2,5 à 5%

de complications) et d’un faible taux de récidives hémorragique. L’évaluation thérapeutique

basée sur l’hémostase primaire, la récidive hémorragique, la mortalité précoce, la tolérance,

l’éradication des varices et le délai d’éradication, a été démontrée dans plusieurs méta-

analyses contrôlées et randomisées. En effet, la sclérothérapie s’est avérée efficace dans le

contrôle de l’hémorragie initiale avec un faible taux de récidive hémorragique estimé entre 10

et 23%. Par contre, elle est dénuée d’intérêt dans la prophylaxie primaire où les B bloquants

gardent une place de choix. La ligature élastique parait supérieure sur les critères analysables.

Ces critères concernent plus la prophylaxie secondaire que l’hémostase primaire qui est de

réalisation difficile par ligature élastique. Par ailleurs, l’intérêt des effets additifs de ces deux

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techniques a été suggéré et fait actuellement l’objet d’études. Il n’en demeure pas moins, que

le consensus quand à l’utilisation de la ligature élastique des varices œsophagiennes après

accident hémorragique sera d’autant plus large qu’elle améliorera le pronostic à long terme.

En conclusion, la ligature élastique est maintenant une alternative à la sclérothérapie, elle est

d’apprentissage facile et rapide. Elle permet d’obtenir l’éradication des varices dans un délai

court, diminuant ainsi le risque de récidive hémorragique. Les complications graves de cette

technique restent exceptionnelles. Des études à venir seront nécessaires pour apprécier son

efficacité à long terme et son prophylaxie primaire [37-39].

V.2.5. Anastomose portosystémique intrahépatique par voie

transjugulaire (TIPS)

En dépit du développement de l’endoscopie de l’endoscopie interventionnelle et de

l’avènement du traitement médical de l’HTP par le Propranolol au cours de ces dix dernières

années, aucun traitement ne s’est à ce jour révélé aussi efficace que la chirurgie de dérivation

dans la prévention des récidives hémorragiques.

Dés 1969, J. Rosch imaginait de réaliser des anastomoses non chirurgicales entre la veine

porte et la veine sus hépatique par voie transjugulaire. Ces anastomoses intra hépatiques par

voie trans jugulaire (TIPS) sont en fait des anastomoses latéro-latérales calibrées non

chirurgicales. Appliquées pour la première fois chez l’homme en 1983 par Calapinto, en

1989, Rossle rapporte la pose du premier shunt intrahépatique en utilisant une endoprothèse

métallique. La principale indication du TIPS est dans la prophylaxie secondaire, autrement dit

la prévention des récidives hémorragiques par rupture de varices œsophagiennes. Le TIPS

trouve également son indication en cas d’ascite réfractaire, d’hémorragie par rupture des

varices gastriques ou ectopiques, pour gastropathie congestive et de façon prophylactique

avant la transplantation hépatique. Plusieurs publications ont fait état de l’utilisation de cette

méthode en période hémorragique ou après échec du traitement endoscopique en urgence. Le

TIPS permet l’arrêt du saignement au bout de 24 heures avec un taux d’échec inférieur à 10%.

Les complications sont liées à :

- La ponction de la veine jugulaire, du parenchyme hépatique ou de la veine porte.

- L’hémodétournement qui altère les fonctions hépatiques et surcharge le cœur droit.

- L’obstruction de la prothèse (1/3 à un an, et 2/3 des shunts à 2 ans). Ceci nécessitant

une surveillance régulière par écho doppler.

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La mortalité précoce est de 2 à 20% et semblerait plus élevée, atteignant 30%. Elle est

corrélée à l’état hépatique sous jacent [40-43].

En conclusion : Le TIPS est une méthode efficace susceptible d’être proposée en urgence en

cas d’hémorragie réfractaire, même chez les malades classés Child C et particulièrement chez

les patients en attente d’une greffe hépatique.

V.2.6. Traitement chirurgical : La chirurgie de l’HTP a connu de

grandes périodes d’enthousiasme entrecoupées de phases de désillusion. Il y a 50 ans, elle

constituait l’unique traitement efficace sur l’hémorragie liée à l’HTP mais sa mortalité était

lourde et sa morbidité non négligeable, notamment en terme d’encéphalopathie hépatique post

opératoire. L’avènement de nouvelles techniques opératoires de dérivation portale ou de

dévascularisation ont eu de grands espoirs. Dés lors, deux éventualités sont possibles :

- L’hémorragie n’est pas contrôlée, alors la chirurgie apparait comme la ressource

ultime.

- L’hémorragie est contrôlée, le problème sera celui des récidives et se discutera alors

l’opportunité et le moment d’un traitement chirurgical électif.

L’objectif du traitement chirurgical est de prévenir les récidives hémorragiques avec une

faible mortalité opératoire sans entrainer d’encéphalopathie hépatique et améliorer la survie à

long terme de ces patients. Le traitement chirurgical consiste à :

- Eradiquer les varices œsophagiennes directement Interventions de

dévascularisation

- Eradiquer les varices œsophagiennes indirectement Interventions de dérivation

- Traiter radicalement l’HTP en traitant sa cause Transplantation hépatique

V.2.6.1. Dérivations portales totales : Ce sont des anastomoses porto-

caves terminolatérales ou mésentéricocave (Drapanas) permettant de prévenir les récidives

hémorragiques dans 95% des cas. Le risque de thrombose à long terme est très faible en cas

d’anastomose portocave, par contre il est voisin de 30% dans les anastomoses

mésentéricocave, et de 50% dans les anastomoses splenorénales centrales. La prévalence de

l’encéphalopathie est élevée (9-46%), soit une moyenne de 30%, due à la suppression du flux

portal hépatopète. La mortalité élevée dépend de la sévérité de l’encéphalopathie hépatique.

Elle ne confère pas de bénéfice en termes de survie [44-46].

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V.2.6.2. Dérivations portales partielles : C’est l’anastomose portocave

latérolatérale calibrée décrite en 1979, elle évite la suppression du flux portal hépatique en

conservant cette anastomose un gradient de pression portocave supérieur à la moitié du

gradient initial. Le risque de récidive hémorragique est nul, l’encéphalopathie est estimée à

4%. Le problème posé par cette technique est que « trop large elle perd de sa sélectivité, trop

petite, elle expose à la thrombose » [47].

V.2.6.3. Dérivations portales sélectives : L’objectif est de prévenir les

récidives hémorragiques sans entrainer un taux élevé d’encéphalopathie hépatique.

V.2.6.3.1. Opération de Warren : C’est une anastomose splénorénale

distale décrite en 1966. Elle est accompagnée d’une mortalité faible (3,5%), La prévention des

récidives hémorragiques est obtenue dans 95% des cas. Le taux d’encéphalopathie hépatique

est faible représente 4 à 20% des cas. On ne note pas de bénéfice sur la survie [48].

V.2.6.3.2. Opération d’Inokuchi : C’est une anastomose coronaro-cave,

elle a pour objectif de décomprimer directement les varices œsophagiennes dans les mains de

son promoteur. Ses résultats sont très bons en termes de mortalité, de morbidité, ainsi que de

récidive hémorragique. Elle demeure rarement réalisable.

V.2.6.4. Chirurgie de dévascularisation : Le fort pourcentage

d’encéphalopathie postopératoire, la faible amélioration de la survie après dérivation

portocave ont amené les chirurgiens a une réévaluation des interventions directes. Il a été

démontré que l’efficacité de ces interventions était en fait liée à l’importance de la

déconnexion vasculaire gastrooesophagienne. En 1967, Sigiura proposa une intervention de

dévascularisation par double abord thoracique gauche et abdominal. Cette intervention

consiste en une splénectomie, dévascularisation du corps gastrique, de la petite courbure et de

l’œsophage abdominal, associé à une transection œsophagienne et à une dévascularisation de

l’œsophage thoracique. Technique originale, elle reste cependant lourde chez des malades

cirrhotiques classés Child B ou C. La récidive hémorragique est de l’ordre de 4%. La

prévalence d’encéphalopathie est estimée de 0 à 6%, la survie à 3 ans est de 76%. C’est pour

ces raisons que certains auteurs ont modifié la technique en supprimant le temps thoracique et

la splénectomie n’est réservée qu’en cas d’hypersplénisme [49-51].

En conclusion : Malgré une diminution importante du risque hémorragique, il n’existe pas

d’augmentation du taux de survie des malades opérés. La plupart des auteurs recommandent

donc de réserver la chirurgie aux cas d’échecs des méthodes endoscopiques et pour ceux qui

ne peuvent être candidats à la transplantation hépatique. Les shunts non sélectifs sont

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efficaces dans l’éradication des varices œsophagiennes et la prévention des récidives

hémorragiques. La chirurgie élective est largement réservée aux patients classés Child A ou

B. Le choix du traitement chirurgical doit tenir compte de la sévérité de l’insuffisance

hépatique et de la compliance du patient et vraisemblablement du dysfonctionnement

progressif du foie.

V. CONCLUSION La prise en charge des hémorragies digestives par rupture des varices œsophagiennes, quelque

soit son étiologie et particulièrement la cirrhose a sensiblement évolué ces dernières années.

L’utilisation de vasopresseurs, terlipressine ou dérivées de la somatostatine est de plus en plus

précoce. Les techniques d’hémostase endoscopique ont évolué, l’utilisation de la ligature

élastique ayant tendance à substituer à la sclérose endoscopique. Le traitement hémostatique

doit être compléter par le traitement préventif ou curatif des complications associées à

l’hémorragie et favorisées par la cirrhose, ces complications sont particulièrement

infectieuses. L’ensemble de ses mesures a considérablement changé le pronostic de ces

hémorragies bien qu’il demeure étroitement lié à la gravité de l’insuffisance hépatique.

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Hémorragie digestive par rupture des varices œsophagiennes

Mesures de réanimation

Traitement vasopresseur

Endoscopie

Hémorragie active Hémorragie non active

Sclérothérapie Ligature élastique

Succès Echec

Prévention secondaire Récidive hémorragique

Ligature élastique Vasopresseur

B bloquant Sclérothérapie / Ligature élastique

Echec Succès

TIPS Prévention secondaire

Chirurgie de dévascularisation

Ligature + B bloquants

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