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DOSSIER 5 A partir de ce moment, la réquisition va acquérir un caractère permanant, parce qu’elle n’était utilisée que lorsque les cir- constances l’exigeaient. C’est pourquoi aujourd’hui, la réquisition peut avoir pour objet des entreprises, des services ou des personnes. Tout récemment, le gouvernement du Président Laurent Gbagbo réquisitionnait en février 2011, la BCEAO nationale et tout le personnel à l’effet de continuer de fonctionner, malgré les injonctions du siège qui demandait sa fermeture. C’est par décret que cette mesure a été édic- tée, et elle a été prise pour une période de trois mois, qui pouvait être renou- velée. Mais toujours est-il qu’elle a été limitée dans le temps. Autre mesure de réquisition prise par le gouvernement du Président Laurent Gbagbo, est celle qui concernait les médecins qui ont dé- clenché une grève illimitée sans un serv- ice minimum. Par décret, les médecins en service et tous ceux qui étaient à la re- traite ont été réquisitionnés, pour «les besoins du pays». Comme nous le voyons, la notion de réquisition a connu une réelle évolution. Toutefois, elle est prise en cas de crise grave ou d’apparition d’évène- ments graves. C’est en cela qu’elle se dif- férencie de l’expropriation, qui peut être utilisée à tout moment, il suffit que la procédure qui la réglemente soit ob- servée. Autre différence avec l’expropri- ation, c’est que lorsque l’Etat réquisitionne un bien privé, le bien ne de- vient pas sa propriété, ce bien retourne dans le patrimoine de la victime de la réquisition, laquelle peut être indemnisée après. Dans l’expropriation, l’Etat indem- nise d’abord et le bien reste désormais sa propriété. Mais les deux notions ont en commun qu’elles sont utilisées pour la satisfaction d’un intérêt général. A sup- poser qu’il y ait une catastrophe dans la région de Man, que des volcans situés sur plusieurs montagnes se sont mis en érup- tion de sorte que la vie est impossible dans la région. Pour l’évacuation de la population vers un autre lieu, le gou- vernement ivoirien va, par un décret, réquisitionner par exemple, les cars de transport des sociétés UTB et STB. Ce sera une mesure temporaire, à la suite de laquelle, les transporteurs seront indem- nisés, mais les cars restent toujours leur propriété. Comme expliqué plus haut, nous voyons que la réquisition est l’affaire du pouvoir exécutif, qui peut aussi la déléguer par une loi aux collectivités territoriales comme les préfets et les maires en France. Cette réquisition est-elle la même que la réquisition judiciaire ? Le Procureur de la République peut-il pren- dre une réquisition pour saisir les biens de citoyens sans que cela ne constitue une violation de la loi ? Ou alors, quand une autorité judiciaire peut-elle saisir par une décision les biens d’un citoyen ? II- la réquIsItIon du procureur de la républIque: une mesure Illégale Le procureur de la République près le Tri- bunal de Première Instance d’Abidjan a, par une réquisition faite aux Banques, gelé les comptes de certains citoyens ivoiriens pour, semble-t-il, nécessité d’en- quête. Cette mesure qui fait la UNE de l’actualité est-elle légale ? Le procureur de la République est-il compétent pour prendre une telle mesure ? a- de l’incompétence du procureur de la république à prendre la réquisition querellée. Le procureur de la République a donné une base juridique à sa décision, et nous pouvons le constater à travers les visas qui ont été énoncés à la tête de la déci- sion. Le premier visa qui, selon le procureur de la République, l’autorise à prendre une telle mesure est : 1- Vu les articles 41, 74 et suivants du code de procédure pénale. L’article 41 se trouve dans le Chapitre II du Titre Premier, et précisément à la sec- tion 3 qui traite «des attributions du pro- cureur de la République et des juges de section de tribunaux». Quant à l’article 74 et suivants, ils se localisent dans le chapitre II du Titre II, et parle de «l’En- quête Préliminaire». L’article 41 dispose que «Le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la pour- suite des infractions à la loi pénale. A cette fin, il dirige l’activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal. En cas d’infractions flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l’ar- ticle 67 ». Pour une meilleure compréhension de la démarche, nous allons donner le contenu des autres articles pour permettre au lecteur d’avoir une compréhension générale. L’article 74 nouveau : «Les officiers de police judiciaire, soit sur les instructions du procureur de la République, soit d’of- fice, procèdent à des enquêtes prélimi- naires. Ils entendent notamment toutes personnes susceptibles de fournir des ren- seignements sur les faits et obligatoire- ment, toutes celles qui se prétendent lésées par l’infraction. Ces opérations relèvent de la surveillance du Procureur général ». Article 75 : « Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à convic- tion sont faites en présence du prévenu, et s’il ne veut ou ne peut y assister, en présence d’un fondé de pouvoir qu’il pourra nommer ou de deux témoins. Les objets lui sont présentés, à l’effet de les reconnaître et les parapher. S’il y a lieu, en cas de refus, il en est fait men- tion au procès verbal dont copie lui est remise. Les formes prévues par les articles 56 et 59 sont applicables». Article 76 : «Si, pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire est amené à garder à sa disposition une ou plusieurs personnes contre lesquelles existent des indices de culpabilité, il ne peut les retenir plus de quarante-huit heures. Le procureur de la République peut ac- corder l’autorisation de prolonger la garde à vue d’un nouveau délai de quar- ante-huit heures». L’article 41 donne des pouvoirs au pro- cureur de la République, en vue d’accom- plir certaines tâches. Et le même article dit quelles sont les missions qui lui sont confiées, à savoir «procéder ou faire procéder à tous les actes nécessaires». Mais quels sont les buts de cette mission pour laquelle le législateur lui donne ces pouvoirs ? C’est la «recherche et la pour- suite des infractions pénales». En deman- dant au procureur de la République «de procéder ou faire procéder à tous les actes nécessaires», le législateur a voulu le doter des moyens conséquents pour constater la violation de la loi pénale et permettre que les auteurs soient sanc- tionnés. Pour éviter tout abus, le législa- teur a prévu le champ d’action de l’exercice de ces pouvoirs. La recherche et la poursuite de l’infraction s’exercent selon la procédure de l’Enquête prélimi- naire ou de l’Enquête de flagrance. C’est d’ailleurs ce pourquoi le procureur de la République, cite ensemble l’article 41et les articles 74 et suivants, parce que ces articles parlent de l’enquête prélimi- naire. Le procureur de la République à utilisé l’article 41, dans le cadre d’une enquête préliminaire. Mais pouvait-il, dans le cadre cette enquête préliminaire, réqui- sitionner les comptes bancaires d’hon- nêtes citoyens ? Les articles 74 et suivants lui donnait-il pouvoir de le faire ? L’examen des textes ci-haut cités nous commande, pour une bonne compréhen- sion, de définir l’Enquête préliminaire. Selon Merle et Vitu (Traité de Droit Crim- inel : Procédure Pénale, édition CUJAS, 4ème édition pp.303-304) « l’Enquête préliminaire se définit comme une procé- dure de caractère policier, diligenté d’of- fice ou sur les instructions du parquet par un officier de police judiciaire ou un agent de police judiciaire». Il faut com- prendre par cette définition que lorsque vous formulez une plainte contre quelqu’un à la police, à la gendarmerie, ou devant le procureur de la République,

huitième numero (Page 05)

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1- Vu les articles 41, 74 et suivants du code de procédure pénale. 5 Le procureur de la République a donné une base juridique à sa décision, et nous pouvons le constater à travers les visas qui ont été énoncés à la tête de la déci- sion. Le premier visa qui, selon le procureur de la République, l’autorise à prendre une telle mesure est :

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DOSSIER 5

A partir de ce moment, la réquisition vaacquérir un caractère permanant, parcequ’elle n’était utilisée que lorsque les cir-constances l’exigeaient. C’est pourquoiaujourd’hui, la réquisition peut avoir pourobjet des entreprises, des services ou despersonnes.Tout récemment, le gouvernement duPrésident Laurent Gbagbo réquisitionnaiten février 2011, la BCEAO nationale ettout le personnel à l’effet de continuer defonctionner, malgré les injonctions dusiège qui demandait sa fermeture. C’estpar décret que cette mesure a été édic-tée, et elle a été prise pour une périodede trois mois, qui pouvait être renou-velée. Mais toujours est-il qu’elle a étélimitée dans le temps. Autre mesure deréquisition prise par le gouvernement duPrésident Laurent Gbagbo, est celle quiconcernait les médecins qui ont dé-clenché une grève illimitée sans un serv-ice minimum. Par décret, les médecins enservice et tous ceux qui étaient à la re-traite ont été réquisitionnés, pour «lesbesoins du pays». Comme nous le voyons,la notion de réquisition a connu une réelleévolution. Toutefois, elle est prise en casde crise grave ou d’apparition d’évène-ments graves. C’est en cela qu’elle se dif-férencie de l’expropriation, qui peut êtreutilisée à tout moment, il suffit que laprocédure qui la réglemente soit ob-servée. Autre différence avec l’expropri-ation, c’est que lorsque l’Etatréquisitionne un bien privé, le bien ne de-vient pas sa propriété, ce bien retournedans le patrimoine de la victime de laréquisition, laquelle peut être indemniséeaprès. Dans l’expropriation, l’Etat indem-nise d’abord et le bien reste désormais sapropriété. Mais les deux notions ont encommun qu’elles sont utilisées pour lasatisfaction d’un intérêt général. A sup-poser qu’il y ait une catastrophe dans larégion de Man, que des volcans situés surplusieurs montagnes se sont mis en érup-tion de sorte que la vie est impossibledans la région. Pour l’évacuation de lapopulation vers un autre lieu, le gou-vernement ivoirien va, par un décret,réquisitionner par exemple, les cars detransport des sociétés UTB et STB. Ce seraune mesure temporaire, à la suite delaquelle, les transporteurs seront indem-nisés, mais les cars restent toujours leurpropriété.Comme expliqué plus haut, nous voyonsque la réquisition est l’affaire du pouvoirexécutif, qui peut aussi la déléguer parune loi aux collectivités territorialescomme les préfets et les maires enFrance. Cette réquisition est-elle lamême que la réquisition judiciaire ? LeProcureur de la République peut-il pren-dre une réquisition pour saisir les biens decitoyens sans que cela ne constitue uneviolation de la loi ? Ou alors, quand uneautorité judiciaire peut-elle saisir par unedécision les biens d’un citoyen ?

II- la réquIsItIon du

procureur de la républIque:une mesure Illégale

Le procureur de la République près le Tri-bunal de Première Instance d’Abidjan a,par une réquisition faite aux Banques,gelé les comptes de certains citoyensivoiriens pour, semble-t-il, nécessité d’en-quête. Cette mesure qui fait la UNE del’actualité est-elle légale ? Le procureurde la République est-il compétent pourprendre une telle mesure ?

a- de l’incompétence du procureur de la république àprendre la réquisition querellée.

Le procureur de la République a donnéune base juridique à sa décision, et nouspouvons le constater à travers les visasqui ont été énoncés à la tête de la déci-sion.Le premier visa qui, selon le procureur dela République, l’autorise à prendre unetelle mesure est :

1- Vu les articles 41, 74 et suivants ducode de procédure pénale.

L’article 41 se trouve dans le Chapitre IIdu Titre Premier, et précisément à la sec-tion 3 qui traite «des attributions du pro-cureur de la République et des juges desection de tribunaux». Quant à l’article74 et suivants, ils se localisent dans lechapitre II du Titre II, et parle de «l’En-quête Préliminaire». L’article 41 disposeque «Le procureur de la Républiqueprocède ou fait procéder à tous les actesnécessaires à la recherche et à la pour-suite des infractions à la loi pénale.A cette fin, il dirige l’activité des officierset agents de la police judiciaire dans leressort de son tribunal.En cas d’infractions flagrantes, il exerceles pouvoirs qui lui sont attribués par l’ar-ticle 67 ».Pour une meilleure compréhension de ladémarche, nous allons donner le contenudes autres articles pour permettre aulecteur d’avoir une compréhensiongénérale.L’article 74 nouveau : «Les officiers depolice judiciaire, soit sur les instructionsdu procureur de la République, soit d’of-fice, procèdent à des enquêtes prélimi-naires. Ils entendent notamment toutespersonnes susceptibles de fournir des ren-seignements sur les faits et obligatoire-ment, toutes celles qui se prétendentlésées par l’infraction.Ces opérations relèvent de la surveillancedu Procureur général ».Article 75 : « Les perquisitions, visitesdomiciliaires et saisies de pièces à convic-tion sont faites en présence du prévenu,

et s’il ne veut ou ne peut y assister, enprésence d’un fondé de pouvoir qu’ilpourra nommer ou de deux témoins.Les objets lui sont présentés, à l’effet deles reconnaître et les parapher. S’il y alieu, en cas de refus, il en est fait men-tion au procès verbal dont copie lui estremise.Les formes prévues par les articles 56 et59 sont applicables».Article 76 : «Si, pour les nécessités del’enquête, l’officier de police judiciaireest amené à garder à sa disposition uneou plusieurs personnes contre lesquellesexistent des indices de culpabilité, il nepeut les retenir plus de quarante-huitheures.Le procureur de la République peut ac-corder l’autorisation de prolonger lagarde à vue d’un nouveau délai de quar-ante-huit heures».

L’article 41 donne des pouvoirs au pro-cureur de la République, en vue d’accom-plir certaines tâches. Et le même articledit quelles sont les missions qui lui sontconfiées, à savoir «procéder ou faireprocéder à tous les actes nécessaires».Mais quels sont les buts de cette missionpour laquelle le législateur lui donne cespouvoirs ? C’est la «recherche et la pour-suite des infractions pénales». En deman-dant au procureur de la République «deprocéder ou faire procéder à tous lesactes nécessaires», le législateur a voulule doter des moyens conséquents pourconstater la violation de la loi pénale etpermettre que les auteurs soient sanc-tionnés. Pour éviter tout abus, le législa-teur a prévu le champ d’action del’exercice de ces pouvoirs. La rechercheet la poursuite de l’infraction s’exercentselon la procédure de l’Enquête prélimi-naire ou de l’Enquête de flagrance. C’estd’ailleurs ce pourquoi le procureur de laRépublique, cite ensemble l’article 41etles articles 74 et suivants, parce que cesarticles parlent de l’enquête prélimi-naire.Le procureur de la République à utilisél’article 41, dans le cadre d’une enquêtepréliminaire. Mais pouvait-il, dans lecadre cette enquête préliminaire, réqui-sitionner les comptes bancaires d’hon-nêtes citoyens ? Les articles 74 et suivantslui donnait-il pouvoir de le faire ?L’examen des textes ci-haut cités nouscommande, pour une bonne compréhen-sion, de définir l’Enquête préliminaire.Selon Merle et Vitu (Traité de Droit Crim-inel : Procédure Pénale, édition CUJAS,4ème édition pp.303-304) « l’Enquêtepréliminaire se définit comme une procé-dure de caractère policier, diligenté d’of-fice ou sur les instructions du parquet parun officier de police judiciaire ou unagent de police judiciaire». Il faut com-prendre par cette définition que lorsquevous formulez une plainte contrequelqu’un à la police, à la gendarmerie,ou devant le procureur de la République,