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Mat. Res. Bull. Vol. 13, pp. 1117-1124, 1978. Pergamon Press, Inc. Printed in the United States. HYDRATATION ET TEXTURE FIBREUSE DE V205 AMORPHE J. Livage, N. Gharbi, M.C. Leroy, M. Michaud Spectrochimie du Solide - E.R.A.387 Universit6 Pierre et Marie Curie 4, place Jussieu, 75230 Paris Cedex 05, France. (Received July 24, 1978; Communicated by P. Hagenmuller) ABSTRACT Reversible hydration of amorphous V 0 has been per- formed in order to study the effect o3 ~ater upon the properties of the oxide. A drastic change of the ESR spectrum is observed, which turns from anisotropic to isotropic upon hydration This has been interpreted in terms of a brownian motion which, by analogy with the V~Oq gels, is supposed to be due to the fibrous textu~e'of the amorphous oxide. Introduction L'oxyde de vanadium V_O_ peut ~tre obtenu sous forme 2 amorphe par trempe ultra-raplde ~)partir de l'6tat fondu (I)(2). Cet oxyde amorphe poss~de des propri@t@s diff6rentes de celles de la phase cristallis6e correspondante. On a observ@ en particulier (3) qu'il se dissolvait rapidement dans l'eau en donnant des gels, puis des solutions colloidales dont la coloration pouvait aller du jaune clair au rouge brun selon la concentration. L'oxyde cris- tallis@ par contre est pratiquement insoluble. La pr@sence de traces d'eau au sein de la phase amorphe semble jouer un rSle important sur les propri6t@s observ~es (4) (5). C'est pourquoi nous avons entrepris l'@tude de l'hydratation progressive de V 0 amorphe depuis l'oxyde hypertremp~ anhydre jusqu' la solut o aqueuse. Hydratation reversible de V2~ 5 amorphe L'oxyde de vanadium amorphe a @t6 obtenu par la techni- que d'hypertrempe d@j~ d6crite (6)(7). I1 se pr@sente sous forme de fines paillettes bleues fonc6es et donne des spectres de dif- fraction X pratiquement plats caract~ristiques d'une phase amorphe I1 cristallise par chauffage en lib6rant une quantit~ de chaleur 1117

Hydratation et texture fibreuse de V2O5 amorphe

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Mat. Res. Bull. Vol. 13, pp. 1117-1124, 1978. Pergamon Press , Inc. Printed in the United States.

HYDRATATION ET TEXTURE FIBREUSE DE V205 AMORPHE

J. Livage, N. Gharbi, M.C. Leroy, M. Michaud Spectrochimie du Solide - E.R.A.387

Universit6 Pierre et Marie Curie 4, place Jussieu, 75230 Paris Cedex 05, France.

(Received July 24, 1978; Communicated by P. Hagenmuller)

ABSTRACT Reversible hydration of amorphous V 0 has been per- formed in order to study the effect o3 ~ater upon the properties of the oxide. A drastic change of the ESR spectrum is observed, which turns from anisotropic to isotropic upon hydration This has been interpreted in terms of a brownian motion which, by analogy with the V~Oq gels, is supposed to be due to the fibrous textu~e'of the amorphous oxide.

Introduction

L'oxyde de vanadium V_O_ peut ~tre obtenu sous forme • 2

amorphe par trempe ultra-raplde ~)partir de l'6tat fondu (I)(2). Cet oxyde amorphe poss~de des propri@t@s diff6rentes de celles de la phase cristallis6e correspondante. On a observ@ en particulier (3) qu'il se dissolvait rapidement dans l'eau en donnant des gels, puis des solutions colloidales dont la coloration pouvait aller du jaune clair au rouge brun selon la concentration. L'oxyde cris- tallis@ par contre est pratiquement insoluble.

La pr@sence de traces d'eau au sein de la phase amorphe semble jouer un rSle important sur les propri6t@s observ~es (4) (5). C'est pourquoi nous avons entrepris l'@tude de l'hydratation progressive de V 0 amorphe depuis l'oxyde hypertremp~ anhydre jusqu' la solut o aqueuse.

Hydratation reversible de V2~ 5 amorphe

L'oxyde de vanadium amorphe a @t6 obtenu par la techni- que d'hypertrempe d@j~ d6crite (6)(7). I1 se pr@sente sous forme de fines paillettes bleues fonc6es et donne des spectres de dif- fraction X pratiquement plats caract~ristiques d'une phase amorphe I1 cristallise par chauffage en lib6rant une quantit~ de chaleur

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qui correspond environ au tiers de la chaleur de fusion. Ce ph@no- m~ne fortement exothermique est ~ l'origine dupic intense que l'on observe en analyse thermique diff6rentielle ~ 216°C (7).

L'hydratation superficielle du produit est r6alis6e en disposant une mince couche d'oxyde au fond d'une coupelle que l'on place dans une enceinte o~ r~gne une tension de vapeur d'eau main- tenue constante. On obtient ainsi une poudre brune apparemment s~che qui contient des quantit@s d'eau variables selon le temps d'hydratation. Les quantit@s d'eau fix@es sur l'oxyde amorphe sont d@t . . . . . . ermlnees par thermogravlmetrle. Les temperatures de cristal!i- sation sont suivies par analyse thermique diff@rentielle.

La figure I repr~sente la courbe d'analyse thermogravi- m@trique obtenue avec une poudre de V_O_ amorphe ayant adsorb6 de l'eau pendant six heures ~ 22°C et so~s)une tension de vapeur d'eau de 20 mm de mercure. Elle met en @vidence deux d6parts d'eau :

L'un important, de l'ordre de 70 mg pour 100 mg de V 0 amorphe ; l'autre, plus faible, voisin de 2 mg, soit environ 0~25 mole d'eau par moles de V205.

Le premier d@part d'eau s'amorce d~s la temp6rature or- dinaire et se poursuit jusque vers 200°C. Le second, plus brutal, se situe entre 230 ° et 250°C.

La quantit@ d'eau fix6e par V 0 d~pend du traitement d'hydratation subi par l'@chantillon. E~l~ augmente avec la tension de vapeur d'eau impos6e au syst~me et diminue notablement si la poudre, apr~s hydratation, est plac6e dans un dessicateur conte- nant P205 (ou m~me simplement expos@ ~ l'air libre).

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| I , ! ~__ 1OO 200 300 TO~

FIG. I Analyse thermogravim@trique

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Ii faut cependant chauffer vers I00°C pour obtenir le d@part to- tal de la premiere eau d'hydratation qui correspond vraisembla- blement ~ des molecules d'eau simplement adsorbEes ~ la surface de l'oxyde amorphe. Les exp@riences d'hydratation isotherme, temp@rature ambiante, montrent que la quantitE d'eau adsorb@e tend rapidement vers une limite, pratiquement atteinte au bout de six heures et ceci, quelle que soit la tension de vapeur d'eau impos@e

La figure 2 repr@sente la courbe d'analyse thermique diff@rentielle obtenue avec une poudre amorphe ayant @t@ plac@e sous une pression de vapeur d'eau de 20 mm de mercure pendant deux heures. On observe successivement un ph@nomSne endothermique im- portant correspondant au d@part de l'eau adsorbEe ~ la surface de l'@chantillon, puis un ph@nomSne exothermique vers 230°C qui correspond ~ la cristallisation de l'oxyde. Les diagrammes de diffraction X effectu@s sur la poudre apr~s chauffage ~ 250°C mettent en @vidence la phase cristallisEe orthorhombique de V_O . Des experiences d'analyse thermique diffErentielle effectuEes ~ 5 sur des @chantillons soumis ~ des taux d'hydratation croissants pr@sentent sensiblement la mSme allure. On peut noter toutefois que le pic de cristallisation se d@place vers les temp@ratures plus ElevEes en mSme temps que son intensit@ diminue. II n'a pas Et@ possible, dans les conditions exp@rimentales choisies, de mettre en Evidence le d@part de l'eau plus fortement li@e.

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FIG. 2 Analyse Thermique Diff6rentielle

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Etude par R6sonance Parama~n6tique Electronique

L'oxyde de vanadium fondu poss~de la propri@t@ d'@changer de l'oxyg~ne avec l'atmosph~re (8). L'oxyde amorphe obtenu par hypertrempe pr@sente de ce fait une non-stoechiom@trie dans laquelle des lacunes d'oxyg~ne sont compens6es par la formation d'ions V 4+ (I). Dans les conditions exp6rimentales choisies (chauffage ~ l'air pendant une minute ~ 800°C) la non-stoechiom@- tr~e d6termin@e par dosage chimique correspond ~ un rapporth+ (V4+/V 5+) = 0.5%. La pr6sence, en faible quantit6, d'ions V ~ de configuration @lectronique 3d I nous a permis d'effectuer l'6tude des phases amorphes par R6sonance Paramagn@tique Electronique. L'appareil utilis@ est un JEOL ME 3X travaillant en bande X et equlpe un dispositif de temperature variable.

t o o

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300K

t - 6 houTs

j I(Oill~ 2800 3~D 3600

FIG.3

Spectres R . P . E . d e VgO 5 amorphe en fonction ~u temps d'hydratation.

350K

i ] i |(|iiSSJ 26011 3190 3600

FIG. 4

Spectres R.P.E. de V20 amorphe hydrat6 enregi~tr6s

diff6rentes temp6ratures.

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Le spectre R.P.E. de l'oxyde amorphe anhydre, obtenu par hypertrempe et conserv@ dans un dessicateur en pr@sence de P 0 , a @t@ enregistr@ ~ la temp@rature ambiante (figure 3a). I1 e~t 5 relativement mal r@solu et pr@sente les raies de structure hyper- fine anisotrope caract@ristiques d'une poudre contenant des ions V 4+ en sym@trie axiale (I). La figure 3 repr@sente l'@volution des spectres R.P.E. obtenus avec des poudres ayant subi des hy- dratationn de plus en plus pouss@es. On constate que l'allure du spectre varie tr~s rapidement en fonction du temps d'hydrata- tion.

Le spectre enregistr@ sur l'oxyde amorphe, hydrat@ pen- dant six heures, pr@sente huit raies de structure hyperfine iso- trope (figure 3c). Les courbes correspondant ~ des @chantillons interm@diaires (figure 3b) montrent que le spectre isotrope ~ 8 raies se d@veloppe progressivement au d@triment du spectre aniso- trope initial. Au-del~ de six heures, l'allure du spectre R.P.E. ne varie pratiquement plus. Le ph@nomSne est tout ~ fait r@ver- sible : on retrouve le spectre R.P.E. anisotrope initial.

Les huit raies observ$es sont dGes au couplage hyperfin de l'@lectron 3d du vanadium (S = I/2) avec le spin (I = 7/2) du noyau 51V. Elles correspondent ~ un spectre isotrope qui, sur une poudre, ne peut s'interpr@ter que deux fa$ons :

- Le site dans lequel se trouve l'ion V 4+ a une sym@trie cubique ; l'adsorption d'eau aurait alors pour effet de modifier la sym@trie locale de l'oxyde amorphe.

- L'esp~ce chimique dans laquelle se trouve l'ion V 4+ est anim@e d'un mouvement al@atoire suffisamment rapide pour moyenner les effets d'a~isotropie. C'est ce que l'on observe par exemple lorsque l'ion V *+ est en solution.

La figure 4 repr@sente les spectres R.P.E. obtenus sur la poudre hydrat@e pendant six heures ; on observe une variation importante du spectre en fonction de la temp@rature d'enregistre- ment. A basse temperature (-130°), on retrouve en mieux r~solu le spectre caract@ristique d'un ion V 4+ en sym@trie axiale. Au- dessus de l'ambiante, le spectre se compose de huit raies de structure hyperfine. La largeur de ces raies d@pend du nombre quantique de spin nucl@aire m I correspondant ; elle passe par un minimum pour mT = ! Les tales s'affinent lorsque la temp@rature

l 2" s'~l~ve et la variation des largeurs de tales en fonction de m I devient moins importante.

Ces observations montrent sans ambiguit@ que l'allure apparemment isotrope du spectre R.P.E. est due ~ des mouvements m o l e c u l a l r e s . Le phenomene o b s e r v e s i n t e r p r e t e p a r f a i t e m e n t dans l e c a d r e de l a t h @ o r i e d@ve lopp~e p a r K i v e l s o n (9 ) e t ( 1 0 ) . I 1 semble que l'adsorption d'eau par l'oxyde de vanadium amorphe permette une ce~taine mobilit~ des esp~ces chimiques qui ren- ferment l'ion V ~+. Ce ph@nom~ne ne s'observe pas du tout dans le cas d'une poudre de V205 cristallis~e. I1 est caract@ristique de l'@tat amorphe.

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Discusgion

Pour essayer d'interpr@ter la nature de ces mouvements, p p

nous avons compare ces rEsultats ~ ceux que nous avions observes avec des gels d'oxyde de vanadium obtenus en versant V205 fondu directement dans l'eau (4). L'observation de ces gels au micros- cope @lectronique (figure 5) montre qu'ils sont formEs de fibres @troitement enchev~trEes. De telles fibres ont dEj~ EtE observEes sur d'autres gels+de V205 et l'on a montrE qu'elles Etaient orien tees selon l'axe c de la phase orthorhombique (11)(12). Les spectres enregistrEs sur les gels sont tout ~ fait semblables (4)

ceux que nous observons sur les poudres de V205 amorphe hydrate Ils mettent en @vidence une structure hyperfine isotrope ~ tem- perature ambiante et anisotrope ~ basse temperature. Ce phEnom~ne peut ~tre attribuE ~ une agitation molEculaire qui correspondrait au mouvement brownien des fibres en suspension dans le gel. Ce mouvement serait bloquE ~ basse temperature, et deviendrait de plus en plus rapide lorsque la temperature s'El~ve au-dessus de l'ambiante.

FIG. 5

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L'observation directe, au microscope @lectronique, de l'oxyde amorphe n'est pas trSs probante car elle n@cessite une dispersion pr@alable de la poudre dans un solvant. L'analogie des spectres R.P.E. nous conduit cependant ~ aamettre que l'oxyde amorphe obtenu par hypertrempe est lui-m~me constitu@ d'un r@seau de fibres tr~s @troitement enchevStr@es. Un tel mod$1e permet de rendre compte du rSle de l'eau et de son action en tant que sol- vant de la phase amorphe. L'eau adsorb@e se fixe entre les fibres ce qui a pour effet de d@m~ler l'enchev~trement et de laisser aux fibres une plus grande libert@ de mouvement. C'est ce mouvement qui se manifeste en R.P.E. par l'apparition du spectre isotrope au cours de l'hydratation. L'addition d'eau en quantit@s crois- santes , d@m~le progressivement l'enchev~trement des fibres pour donner un gel puis une solution collo~dale. On observe un ph@- nom$ne analogue lorsque l'on met un polymSre en pr@sence d'un solvant. Ce processus qui pr@cSde la dissolution est connu sous le nom de gonflement du polym@re. La structure de V205 orthorhom- bique (13) montre que dans la phase cristallis@e, les chaines de pyramides VO 5 sont soud@es les ~ne~ aux autres, parall~lement l'axe ~ pour former les plans (a, c). On a un r@seau rigide dans lequel les mol@cules d'eau ne peuvent s'ins@rer, ce qui explique la non solubilit@ de l'oxyde cristallis@.

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2

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