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HYDROLOGIE SOUS-GLACIAIRE AU GLACIER d'ARGENTIÈRE (MONT-BLANC, FRANCE) Par ROBERT A. VIVIAN (Institut de Géographie Alpine, Grenoble, France) et JAQUES ZUMSTEIN (Electricité de France, Chambery, France) RÉSUMÉ. Le captage du torrent sous-glaciaire d'Argentière, à 2 000 m d'altitude, plus de 1 500 m en amont du front du glacier, a permis aux auteurs de faire une série d'observations sur l'hydrologie sous-gîaciaire et de définir certaines variations saison- nières dans les propriétés des eaux. Des contrôles périodiques ont montré pendant l'été une diminution régulière des temps mis par le flot sous glaciaire pour parcourir les espaces étudiés. Trois faits essentiels sont soulignés: (a) le rôle perturbateur de la zone de séracs, (b) l'élargissement progressif des chenaux sous-glaciaires tendant vers une régularisation de l'écoulement, (c) le retard de la mise en place d'un cheminement des eaux à l'amont du dissipateur par rapport à la zone frontale. L'étude des pressions de venues d'eau permanentes, enregistrées (pendant deux années consécutives) à l'extrémité d'un trou de forage débouchant sur le glacier montre le parallélisme existant entre les courbes de pression et celles du débit du torrent contrôlé dans la même zone. Deux hypothèses sur l'origine et l'état de cette réserve d'eau sont discutées; nappe phréatique de type karstique à l'amont du verrou de Lognan et crevasse permanente dans la chute de séracs. Une étude parallèle des prin- cipales propriétés des eaux sous glaciaires a permis d'opposer dans l'année hydrologïque deux périodes; la saison froide, période de basses eaux avec importance relative de l'érosion chimique, et la saison chaude avec de forts débits et une érosion mécanique considérable. ABSTRACT. Subglacial hydrology of the glacier d'Argentière, The collection of the subglacial stream, beneath the glacier d'Argen- tière at 2 000 m above sea-level, more than 1 500 m from the glacier front enabled the authors to take a series of observations of the subglacial hydrology and to determine some seasonal changes in the properties of the water. Periodical controls have shown a regular increase of the medium velocity of the flow in the studied areas during the summer. Three main points are stressed: (a) The disturbing influence of the serac area, (b) The gradual widening of the subglacial drainage channels bringing a regularization of the flow, (c) The delay in the establishment of a ground-water system up-stream of the tongue compared with the front zone. The study of water pressures recorded (during two consecutive years) at the end of a bore hole opening into the glacier, shows that the curves of pressure and those of the stream flow controlled in the same area, are similar. Two hypotheses about the origin and state of this reserve of water are discussed: underground water level of karstic type above the Lognan rock bar, and a permanent crevasse in the ice fall. A parallel study of the main properties of the subglacial waters showed two contrasting periods in the hydrological year: the cold season, a period of low waters with relatively great importance of chemical erosion, and the hot season with strong flows and considerable mechanical erosion. LE GLACIER D'ARGENTIÈRE ET L'AMENAGEMENT D'EMOSSON L'aménagement hydro-électrique d'Emosson (réalisation franco-suisse) draine les eaux des hautes vallées françaises de l'Arve, de l'Eau Noire et du Giffre Supérieur, et les eaux suis- ses du Val Ferret, des vallées du Trient, d'Arpette et de Jure par quatre collecteurs à écoule- ment libre. Alors que les collecteurs français sont calés à une hauteur suffisante pour que les eaux s'écoulent dans la retenue par gravité, les apports du collecteur est, situé en Suisse, destinés au remplissage du lac sont refoulés par pompage. Les eaux françaises et suisses sont accumulées dans une retenue située à Emosson au voisinage de la frontière franco-suisse. Un barrage voûte d'une hauteur de 177 m est destiné à retenir une accumulation de 0,225 km 3 de capacité. L'utili- sation des eaux accumulées à Emosson sur la chute brute moyenne de 1 400 m disponibles jusqu'à la vallée du Rhône, se fait en deux paliers, avec centrales au Chatelard et à la Batiaz. Les eaux utilisées sont restituées au Rhône près de Martigny. Le glacier d'Argentière est l'appareil glaciaire le plus méridional, donc le plus éloigné d'Emosson, dont les eaux ont été captées sur le versant français du massif du Mont-Blanc. Les travaux de captage du torrent sous glaciaire entrepris par Electricité de France (E. D. F.) ont commencé en 1955. Entre 1955 et 1959 les travaux se sont poursuivis sur un rythme initialement lent qui cor-

HYDROLOGIE SOUS-GLACIAIRE AU GLACIER d ...hydrologie.org/redbooks/a095/iahs_095_0053.pdfsondage dans la glace à l'aval du Rognon avait permis de rencontrer le torrent sous-glaciaire

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HYDROLOGIE SOUS-GLACIAIRE AU GLACIER d'ARGENTIÈRE (MONT-BLANC, FRANCE)

Par ROBERT A. VIVIAN (Institut de Géographie Alpine, Grenoble, France)

et JAQUES ZUMSTEIN (Electricité de France, Chambery, France)

RÉSUMÉ. Le captage du torrent sous-glaciaire d'Argentière, à 2 000 m d'altitude, plus de 1 500 m en amont du front du glacier, a permis aux auteurs de faire une série d'observations sur l'hydrologie sous-gîaciaire et de définir certaines variations saison­nières dans les propriétés des eaux. Des contrôles périodiques ont montré pendant l'été une diminution régulière des temps mis par le flot sous glaciaire pour parcourir les espaces étudiés. Trois faits essentiels sont soulignés: (a) le rôle perturbateur de la zone de séracs, (b) l'élargissement progressif des chenaux sous-glaciaires tendant vers une régularisation de l'écoulement, (c) le retard de la mise en place d'un cheminement des eaux à l'amont du dissipateur par rapport à la zone frontale.

L'étude des pressions de venues d'eau permanentes, enregistrées (pendant deux années consécutives) à l'extrémité d'un trou de forage débouchant sur le glacier montre le parallélisme existant entre les courbes de pression et celles du débit du torrent contrôlé dans la même zone. Deux hypothèses sur l'origine et l'état de cette réserve d'eau sont discutées; nappe phréatique de type karstique à l'amont du verrou de Lognan et crevasse permanente dans la chute de séracs. Une étude parallèle des prin­cipales propriétés des eaux sous glaciaires a permis d'opposer dans l'année hydrologïque deux périodes; la saison froide, période de basses eaux avec importance relative de l'érosion chimique, et la saison chaude avec de forts débits et une érosion mécanique considérable.

ABSTRACT. Subglacial hydrology of the glacier d'Argentière, The collection of the subglacial stream, beneath the glacier d'Argen­tière at 2 000 m above sea-level, more than 1 500 m from the glacier front enabled the authors to take a series of observations of the subglacial hydrology and to determine some seasonal changes in the properties of the water. Periodical controls have shown a regular increase of the medium velocity of the flow in the studied areas during the summer. Three main points are stressed: (a) The disturbing influence of the serac area, (b) The gradual widening of the subglacial drainage channels bringing a regularization of the flow, (c) The delay in the establishment of a ground-water system up-stream of the tongue compared with the front zone.

The study of water pressures recorded (during two consecutive years) at the end of a bore hole opening into the glacier, shows that the curves of pressure and those of the stream flow controlled in the same area, are similar. Two hypotheses about the origin and state of this reserve of water are discussed: underground water level of karstic type above the Lognan rock bar, and a permanent crevasse in the ice fall. A parallel study of the main properties of the subglacial waters showed two contrasting periods in the hydrological year: the cold season, a period of low waters with relatively great importance of chemical erosion, and the hot season with strong flows and considerable mechanical erosion.

LE GLACIER D'ARGENTIÈRE ET L'AMENAGEMENT D'EMOSSON

L'aménagement hydro-électrique d'Emosson (réalisation franco-suisse) draine les eaux des hautes vallées françaises de l'Arve, de l'Eau Noire et du Giffre Supérieur, et les eaux suis­ses du Val Ferret, des vallées du Trient, d'Arpette et de Jure par quatre collecteurs à écoule­ment libre. Alors que les collecteurs français sont calés à une hauteur suffisante pour que les eaux s'écoulent dans la retenue par gravité, les apports du collecteur est, situé en Suisse, destinés au remplissage du lac sont refoulés par pompage. Les eaux françaises et suisses sont accumulées dans une retenue située à Emosson au voisinage de la frontière franco-suisse. Un barrage voûte d'une hauteur de 177 m est destiné à retenir une accumulation de 0,225 km3 de capacité. L'utili­sation des eaux accumulées à Emosson sur la chute brute moyenne de 1 400 m disponibles jusqu'à la vallée du Rhône, se fait en deux paliers, avec centrales au Chatelard et à la Batiaz. Les eaux utilisées sont restituées au Rhône près de Martigny.

Le glacier d'Argentière est l'appareil glaciaire le plus méridional, donc le plus éloigné d'Emosson, dont les eaux ont été captées sur le versant français du massif du Mont-Blanc. Les travaux de captage du torrent sous glaciaire entrepris par Electricité de France (E. D. F.) ont commencé en 1955.

Entre 1955 et 1959 les travaux se sont poursuivis sur un rythme initialement lent qui cor-

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respond à la reconnaissance de la zone où pouvait se faire le captage. Le niveau du plan d'eau d'Emosson étant fixé à 1 930 m, une première reconnaissance a été amorcée à Argentière à l'altitude 2 060 m, soit approximativement au niveau du Rognon de Lognan (masse rocheuse apparue au milieu du glacier, vers 1924, dans la zone des séracs). En 1955 une campagne de sondage dans la glace à l'aval du Rognon avait permis de rencontrer le torrent sous-glaciaire à 1 549 m, sur la rive droite du glacier. En 1957, 520 m de galeries rendaient possible l'accès au Rognon. En 1958 une campagne de sondages à l'amont des séracs du Rognon mettait en évi­dence le surcreusement qui existe à cet endroit. Cependant peu d'enseignements étaient tirés sur l'écoulement sous glaciaire. Pourtant les injections de bichromate montraient, sauf pour

l'injection faite au milieu du glacier, que les • -.[ eaux du plateau supérieur convergeaient à la

: _•' I cascade du Rognon (vasque et coup de sabre). C'est pour cela qu'à partir de 1962 et

jusqu'en 1966 allait s'engager une deuxième phase dans la recherche du torrent sous gla­ciaire, celle de la reconnaissance du Rognon où il était décidé que les travaux de captage seraient effectués. En 1963 le creusement d'une seconde galerie à 2120 mètres était amorcé. Ce percement aboutissait en 1964 au débouché sur la «vasque», bassin naturel creu­sé dans la paroi rocheuse du Rognon, emp­runtée par le torrent sous glaciaire avant de se reperdre, à l'aval, sous le glacier.

1965 et 1966 permirent aux ingénieurs E. D. F . de parfaire la connaissance qu'ils avaient de ce point névralgique du glacier et d'entamer en 1966 et 1967 la phase décisive qui devait conduire au captage du torrent sous glaciaire, là où l'on estimait qu'il rou­lait les plus gros débits. Une reconnaissance systématique du glacier à l'amont fut alors entreprise. Elle se fit grâce à la perforation de

deux galeries parallèles.longitudinales par rapport au glacier et dirigées vers l'amont (altitude 2 130 m).

Des sondages (trous de forage) effectués à de faibles intervalles de distance, à la verticale et en oblique, et qui débouchent sous le glacier, permirent d'établir un bloc diagramme avec courbes de niveau schématisant une topographie sommaire du lit rocheux. Ces longs travaux aboutissaient finalement le 9 août 1968, au sautage du captage provisoire et à l'établissement d'une dérivation artificielle de plusieurs centaines de mètres du torrent sous-glaciaire.

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HYDROLOGIE SOUS-GLACIAIRE

Les travaux de captage du torrent sous-glaciaire ont abouti à la reconnaissance d'un site particulièrement propice à l'expérimentation scientifique, tant sur le plan glaciologique que sur les plans hydrologique et morphologique.

Entaillé dans les schistes cristallins, le Rognon correspond à la partie aval d'un verrou

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transversal barrant la vallée. A l'amont, se trouve une zone de surcreusement (ombilic) d'environ 80 m : 2 186 m au niveau du seuil ; 2 114 m pour le point le plus bas du profil en travers réalisé en 1958 en amont des séracs de Lognan.* Aucun sillon n'entame le verrou de façon marquée. Aussi les eaux du torrent sous-glaciaire doivent elles s'accumuler puis déborder le seuil rocheux qui fait barrage avant de filer vers l'aval.

Cet effet de barrage ne signifie pas pour autant que le profil en travers soit régulier. Il n'en est rien: les différents profils réalisés montrent tous un certain nombre de chenaux latéraux, rive gauche surtout, qui rejoignent plus ou moins rapidement le lieu principal d'écoulement des eaux. Ces chenaux ne fonctionnent pas tous simultanément. Il a pu être observé pendant l'hiver 1968-69 à la suite d'un agrandissement artificiel de la cavité sous-glaciaire** dans laquelle dé­bouchait le captage, que les eaux n'empruntent pas en hiver les mêmes chenaux qu'en été. Les débits moindres, les effets de blocage par la glace faisaient que les eaux s'écoulaient dans un chenal perché par rapport au sillon principal qui lui était à sec bien qu'étant plus profond. Les débits décuplé à l'approche de l'été réorganisent différemment le système d'écoulement. Cer­tains effets de barrage sont supprimés, des décollements se créent facilitant le passage des eaux, l'hydrographie change alors de visage. En fait c'est tout le problème du cheminement des eaux que pose ce premier commentaire morphologique du lit rocheux.

LE CHEMINEMENT DES EAUX; VITESSE DU FLOT SOUS-GLACIAIRE; RÉGIME JOURNALIER

Une série d'observations sur l'écoulement sous-glaciaire, effectuées pendant l'été 1968 et précisées en 1969 devait donner un certain nombre de précisions sur la vitesse d'écoulement des eaux entre le plateau supérieur et le Rognon d'une part, entre le Rognon et le front du glacier d'autre part. Tous les 15 jours, pendant 3 mois, des injections de bichromate ont été faites au niveau du plateau supérieur, successivement sur la rive droite et sur la rive gauche du glacier. Les injections ont été faites non dans une bédière mais au niveau de la pénétration sous le glacier de torrents latéraux descendants, rive gauche, du glacier des Rognons, et rive droite, du petit glacier de Passon.

Des contrôles, avec réactifs, permettant de s'assurer du passage du bichromate et du temps mis pour parcourir la distance séparant les trois points, ont permis de tirer les conclusions sui­vantes (Fig. 1) Entre le Rognon et le front du glacier le temps mis par les eaux pour apparaître au portail est relativement régulier et de l'ordre de une heure (pour une distance de 1 700 m). Au contraire, en amont du Rognon, les résultats enregistrés prouvent que la circulation des eaux est beaucoup plus difficile et irrégulière. Il a pu être constaté, surtout pour les injections de rive droite, une diminution régulière des temps d'écoulement au fur et à mesure que l'on avançait au coeur de l'été. Le minimum fut enregistré à la fin du mois d'août (le maximum des débits moyens mensuels a lieu en juillet): 1 h le 28 août contre 2 h 30 min le 15 juin pour une même distance de 800 à 900 m. Sur la rive gauche, les résultats ont été beaucoup plus irréguliers. Il semble qu'il y ait, à cet endroit, un écoulement secondaire qui ne rejoint le torrent principal qu'au moment des fortes eaux lorsque les barrages de glace (nombreux à cause de la barre de séracs et des effondrements qui se produisent dans la masse du glacier) qui interrompent l'écou­lement ou qui le détournent n'existent plus, ou se trouvent en moins grande quantité.

Lors de certaines expériences, le bichromate n'a pas réapparu malgré des attentes proches de 15 h. Ces contrôles, pour négatifs qu'ils apparaissent, n'en apportent pas moins une argu-

* Reynaud, M. "Prospection au glacier d'Argentière — campagne 1958" présenté à la réunion du 20 février 1959 de la Société Hydrotechnique de France.

** La fusion de la glace s'est faite à la lance d'arrosage, alimentée par un système chaufferie-échangeur, d'une eau dont la température est voisine de 40 °C.

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Cheminement des eaux (Vitesse dû flot sous glaciaire)

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23juin 13Juillet 29Jutttet M Août 27 Août Jours

B . Parcours Rognon, Front du g/acier (1700m)

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A _ Parcours p/aieau supérieur - Rognon (9oo m) tnjectton-- five c/roiftr r/Ve-^&ûc^c

Fig. 1.

mentation solide en ce qui concerne le caractère fantasque et heurté de l'écoulement des eaux sous-glaciaires.

Quoi qu'il en soit les résultats globaux (vitesse du flot, régime) nous permettent d'insister sur trois faits essentiels.

(a) Le rôle perturbateur de la zone de séracs dans Vécoulement du torrent sous-glaciaire : L'étude comparative des limnigrammes des jaugeurs installés au Rognon (2 130 m) et à la pas­serelle (1 400 m) montre, en août, un tracé beaucoup moins régulier sur le front du glacier qu'au niveau des séracs. Cela tient au fait que le jaugeur du Rognon enregistre essentiellement un écoulement non perturbé, les variations horaires de débits étant atténuées par la masse d'eau en charge (comme nous le verrons plus loin) à l'amont du barrage de glace et de roche, situé à une cinquantaine de mètres de là. Dans le chenal sous-glaciaire l'eau s'écoule dans un vide relatif dû à l'entrainement d'air provoqué par l'écoulement des eaux.

Au contraire, à l'aval, il s'agit d'un écoulement libre; les phénomènes de rupture de poches d'eau intra-glaciaires, de retard ou d'avance à l'alimentation (lorsqu'au Rognon les chutes de séracs obstruent la «rimaye» dans laquelle s'engouffre ordinairement le torrent sous glaciaire et que ce dernier déborde et court sur le glacier) sont nettement enregistrés sur le limnigramme (exception du maximum anormal de 01 h le 21 août 1968). Siegfried et Gautheron dans une note

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présentée en 1968 à la Société Hydrotechnique de France (non publié) a fait une étude préli­minaire de ces anomalies et proposé une explication très judicieuse à ces «pics» fréquents, re­pérés sur les courbes d'enregistrement des débits.

L'exemple le plus remarquable de ce rôle perturbateur des séracs remonte à mars 1967 où lors d'un brutal effondrement de séracs avec affaissement interne de la masse de glace, l 'eau a, pendant plusieurs semaines, complètement cessé de couler dans son lit habituel supposé bien installé dans l'encoche principale du verrou alors que le débit moyen journalier ne subissait aucun changement au front du glacier.

L I M N I G R A M M E S E T P R E S S I O N

24 Août 1363

Fig, 2.

(b) L'élargissement progressif des chenaux sous-glaciaires tendant vers une régularisation de F écoulement : L'écoulement en charge à l'amont du Rognon se fait sentir au niveau du limni-graphe sous la forme d'un étalement relatif de la phase de fortes eaux (de 2 à 4 h).

Le calibre des chenaux sous- et intra-glaciaires varie en fonction des débits mais aussi des accidents dans la masse de glace qui provoquent des obstructions et des mises en pression (constatés le 10 mai 1968 et les jours suivants). Cet élargissement des chenaux sous glaciaires se matérialise de deux façons (i) par un temps d'écoulement du flot plus rapide au coeur de l'été (fin août 900 m/h) que début juin (360 m/h), c'est dire que les cheminements sont moins tor­tueux donc moins longs en été; (ii) par l'établissement d'un régime journalier régulier où la régularité même est la preuve de la part désormais décisive des facteurs climatiques (rythme thermique jour-nuit) sur les facteuts mécaniques (chutes internes de séracs, barrage de glace) qui ne s'inscrivent pas à des heures précises.

(c) Le retard dans la mise en place d'un cheminement normalisé des eaux à Vamont du verrou (zone comprise entre 2 100 m et 2 400 m) par rapport à Vaval de ce même verrou (entre 2 100 m et 1 600 m). Cette affirmation rend compte de la constance dans le temps d'écoulement noté entre le Rognon et le front du glacier par rapport aux variations plus grandes enregistrées entre le Rognon et le plateau Supérieur. Elle confirme la distinction de deux secteurs géographiques

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opposés tant par la forme de l'écoulement des eaux (causes topographiques) que par le rythme de cet écoulement. La superposition des deux limnigrammes (Rognon et passerelle, Fig. 2) se rapportant à ces deux zones montre une avance constante de plusieurs heures (2 à 4 h pour les maxima, 1 à 2 h pour les minima) de la courbe des débits à 1 400 m par rapport à celle enregis­trée à 2 130 m. Cela provient en partie de l'effet de blocage et de l'étalement signalé plus haut, mais surtout de l'altitude plus basse (altitude 1 800 m au lieu de 2 300 m) qui provoque une fusion plus précoce de la glace et des névés qui subsistent de part et d'autre de la langue termi­nale. L'ensoleillement prolongé sur le plateau favorise ce retard de la courbe des débits au Ro­gnon.

PRESSIONS ET DEBITS

Alors que la plupart des trous de forage effectués à partir des galeries creusées dans le rocher, et débouchant soit dans la glace, soit dans une poche d'air, soit dans l'eau, n'ont déter­miné que des écoulements d'eau intermittents et en fin de compte peu importants (le trou de 5,7 cm de diamètre s'obstrue alors rapidement), un forage (AR 203), réalisé à l'extrémité d'une des deux galeries remontant vers l'amont du glacier c'est-à-dire dans la contre pente précédant le verrou, a débouché sur une poche d'eau particulièrement importante et constante.

Les pressions enregistrées (manographe Richard) de 1967 à 1969 nous ont permis de dis­tinguer deux phases principales dans l'année: de fin octobre à début juin: persistance d'une pres­sion voisine de 9 à 10 bar. Quelques variations de faible envergure sont notées: périodes de 15 jours 3 semaines pour une amplitude de 1 bar environ. — De juin à octobre: apparition d'une série de variations sinusoïdales à rythme journalier. L'amplitude moyenne est de l'ordre de 3 à 4 bar (maximum de 8 bar pour la situation exeptionnelle du 21 septembre 1968). Les pres­sions maxima qui se placent vers 23-24 h au début de l'été (ce retard par rapport à la normale peut s'expliquer en partie par le temps de percolation dans la neige encore abondante de la part d'écoulement dû à la fusion superficielle) se déportent fin juin à 18-20 h et se maintiennent en juillet-août et septembre autour de 16-17 h. Les heures où la pression est la plus faible se situent entre 8 et 9 h.

Tels sont les faits. L'interprétation que l'on peut donner de ce «réservoir» d'eau dans lequel a débouché le forage, est délicate. Un point cependant nous éclaire : le parallélisme pres­que parfait existant entre les courbes de pression et les courbes de débit du torrent contrôlé à l'aval du verrou. Pendant l'hiver débits et pressions sont constants: les courbes sont des droites. En été l'établissement du rythme sinusoïdal dans les variations (pression et débits) se fait à la même époque: début juin en 1968, première semaine de juillet en 1969. Il existe un décalage de plusieurs heures de la courbe des débits sur celle des pressions : retard de 6 à 7 h. Lors de l'épisode pluvieux du 21-22 septembre 1968 (104 mm sur les 205 mm du total mensuel) alors que les pressions passaient de 8 à 16 bars les débits, quelques 12 heures après le maximum des pressions, atteignaient 11 m3/s alors que le torrent roulait 2 m3/s la veille (Fig. 3). Là encore le rapport débit—pression est évident : la situation exceptionnelle ne fait que confirmer le pro­cessus normal.

L'enregistrement des pressions se faisant à 20 m au dessous de la prise AR 203 et le seuil rocheux dominant cette même prise d'une trentaine de mètres, on peut considérer qu'à tout moment de l'année une pression de 5 bar est aisément expliquée : il y a constitution à l'arrière du seuil rocheux d'une nappe phréatique profonde, de type karstique, dont la ligne piézométri-que se trouve effectivement à 50 m (plus, si l'on tient compte des pertes de charge) au dessus du manographe situé en galerie.

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Situation du 21 -22 Septembre 1968

La situation normale pendant la saison froide place pourtant cette ligne à 30 m et même 40 m plus haut; on peut penser alors à un effet de barrage par la glace (effet de compression en profondeur à la suite de l'accélération des vitesses) qui doublerait l'effet de blocage et qui s'accompagnerait d'une nécessaire perte de charge allant en croissant durant l'été, à cause des forts débits. On vérifie que dans tous les cas le rapport des charges est toujours inférieur au carré du rapport des débits: ainsi pour le 22 août 1968 le débit a varié de 3,3 à 5,6 m3/s alors que la charge par rapport au seuil rocheux a varié de 24 à 56 m [iV-^i =2 ,34 ; (Q 0 /ô i ) 2 =2,90]. Dans le cas des journées exeptionnelles des 21 et 22 septembre ces mêmes rapports ont été de 2 à 11 pour les débits [{QJQ^)2 = 30] et de 24 à 104 pour les pressions (P 0 /A = 4 ) o n n e retrouve pas ici la proportionnalité entre l'augmentation du carré des débits et l 'augmentation de la charge. Cela prouve que l'eau a trouvé et emprunté à des niveaux plus élevés d'autres chemi­nements, et que ceux ci jouaient un rôle particulièrement grand en septembre.

L'établissement du profil en long du glacier d'Argentière, topographie de surface et lit rocheux (quatre) et un examen attentif des couples stéréoscopiques constitués à partir des différentes missions aériennes effectuées par l'Institut Géographique National, nous ont permis de préciser l'origine et l'état de cette réserve d'eau, dont la permanence même est pour le moins curieuse dans une zone de séracs où l'instabilité et la précarité sont la règle.

Nous l'avons dit, le passage du verrou s'accompagne d'un amincissement de la nappe de glace. Ce qui est important à noter ici c'est que contrairement à l'idée généralement admise rabaissement en marches d'escalier du plateau glaciaire ne s'effectue pas au niveau de la pente topographique du lit rocheux mais de la contrepente (à l'amont du verrou). Le glacier dont la surface est régulière et unie sur le plateau n'est plus, 150 à 200 m plus bas, qu'un chaos de glace au niveau du Rognon. La transition se fait de façon nuancée de l 'amont vers l'aval par la série de marches d'escalier signalée plus haut qui sont autant de feuillets de glace redressés à la verti­cale et séparés par de larges crevasses, puis par une zone où ces lames de glace ont basculé les

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unes sur les autres vers l'aval. Ces deux secteurs sont séparés par une profonde et large crevasse (une vingtaine de mètres entre les deux lèvres supérieures de la crevasse) prenant en écharpe pres­que tout le glacier.

Cette crevasse extraordinaire se retrouve sur toutes les photos au même endroit avec le même tracé rectiligne qui contraste avec celui, curviligne, qui caractérise les crevasses situées immédia­tement en amont. Sa permanence est un fait remarquable — son intérêt est pour nous d'autant plus grand que le trou de forage donnant l'eau en pression se trouve précisément à la verticale de cette «grande crevasse».

La présence de cet accident majeur et permanent est en rapport direct avec les changements intervenus dans les profils en long et en travers du lit rocheux et aussi avec l'accélération con­sécutive des vitesses qui se manifeste dans cette zone.

En cet endroit où l'épaisseur de glace est de 160 mètres, la crevasse large et profonde semble affecter la presque totalité de la masse du glacier. U entretien de cette crevasse, véritable cassure entre l'amont et l'aval de la nappe de glace est facilité par l'état de tension qui règne en perma­nence au niveau du Rognon mais surtout par la persistance, à la base du glacier, d'un niveau d'eau de 70 m environ. La crevasse généralement «sèche» sur les premiers 50 à 60 mètres est ennoyée, en profondeur, sur près de 60 à 80 m (136 m le 21 septembre), aussi se comporte-t-elle comme un puits dans lequel les variations de débits du torrent sous glaciaire et celles du niveau de la «nappe» provoquent des variations de niveau à l'intérieur du puits, d'autant plus fortes que la section même de la crevasse est faible. A partir du calcul du volume de l'intumescence de crue relevée au jaugeur du Rognon (crue de septembre) il est possible, connaissant la diffé­rence de pression enregistrée d'estimer les dimensions de la crevasse. Celle-ci aurait près de 2 700 m2 soit pour une longueur de 300 m visible sur les photos une largeur moyenne de 9 m. Ceci peut être considéré comme un minimum si l'on tient compte du fait que l'effet de pression dynamique résultant de l'état de mouvement du liquide accentue la variation des pressions.

La remontée des eaux sous-glaciaires à l'intérieur de la crevasse n'est cependant possible que par l'engorgement qui se produit à l'amont du barrage de glace rocheux évoqué plus haut. En hiver les chenaux qui assurent l'évacuation des eaux sont de petit calibre et entretiennent malgré les faibles débits une pression minimum relativement forte (9 bar). En été l'érosion mécanique des eaux, les effets de décollement plus fréquents et plus amples, expliquent d'une part l'élargissement des chenaux sous glaciaires et, d'autre part, au moment des minima, les pressions plus faibles que pendant la période froide (5-6 bar). En fin d'après midi et début de soirée les très gros débits joints à de grandes vitesses compensent nettement l'élargissement des chenaux d'écoulement et favorisent l'établissement de fortes pressions (10 à 12 bar).

ANALYSE DES EAUX

Deux fois par mois et pendant plus de deux années budgétaires, des échantillons de 5 1 d'eau, pris au milieu du torrent sous-glaciaire dans des conditions de prélèvement identiques ont été recueillis à fin d'analyses de laboratoire.* Les résultats obtenus permettent d'opposer, dans l'année hydrologique glaciaire, deux périodes (Fig. 5).

La saison froide de novembre à avril est une période de basses eaux (0,10 à 1,5 m3/s) où la quantité de matière dissoute est plus forte que la quantité de matière en suspension ce qui dénote l'importance relative de l'érosion chimique. Les débits sont faibles mais l'écoulement est

* Le but de cette étude vise d'avantage à établir des comparaisons entre des états et des situations, plus que de determines des valeurs absolues.

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Hydrologie au glacier d'Argentière 63

essentiellement sous-glaciaire (au sens étroit) c'est-à-dire que la presque totalité de l 'eau écoulée chemine sur la roche (délavage des roches). Ceci explique les quantités relativement fortes de Ca et de SiOz (8 à 10 mg/1) la concentration étant d'autant plus grande que le phénomène de dilution est faible. Enfin pendant l'hiver le pH de l'eau est relativement fort (7,5) tandis que la quantité de COa libre est faible.

Pendant la saison chaude (de mai à octobre) la quantité de matière en suspension est plus importante que la quantité de matière en dissolution, avec un rapport plus grand que précé­demment, les gros débits 11 m3/s) et la violence des mitraillages par l'eau chargée de sables et sablons, la brutalité des vidanges, en font la période d'érosion mécanique par excellence, les traces de cette érosion sont nettement visibles sur la roche en place —• chenaux d'écoulement des eaux, marmites etc.

L'érosion chimique n'est pas pour autant inexistante; les eaux sont plus acides (pH 6,5) et se caractérisent par un exès de C 0 2 libre.

Clément et Vaudour (1967) ont mis en valeur l'acidité de l'eau de fonte de la neige (pH 5,4; limites 4,4 et 7,0). Il semble bien que l'on retrouve ici cette caractéristique, l'eau s'écoulant en été résultant, au moins au début de la phase d'ablation, de la fonte de la neige. L'acidité provient sans doute aussi des pluies froides d'été (pH <6) et peut être du délavage de certaines roches (orthose de la protogine).

Les causes de forte teneur en C 0 2 semblent pouvoir être attribuées à un brassage intensif des eaux de fusion qui dans ses tourbillons s'aère davantage donc se charge en acide carbonique ; elle peut aussi résulter de la fusion de l'eau de neige qui en balayant l'atmosphère lors de sa chute a emprisonné du COa (moyenne de 0,200 1 pour 1 m3 de neige d'après J. Deveau) ; elle peut enfin provenir de réactions chimiques à partir de bicarbonates solubles [(COs)2CaH2] ob­tenus à la suite de l'action, sur les feldspath calcosodiques, d'eau chargée elle même de gaz carbonique.

Abrasion, arrachement et défonçage pro-glaciaire apparaissaient jusqu'ici comme les pro­cessus essentiels de l'érosion par les glaciers. L'exploration méthodique de près de 400 m2 du lit rocheux sous le glacier d'Argentière deux kilomètres en amont de son front, les diverses ob­servations faites sur la morphologie des marges du glacier et à propos de son hydrologie sous-glaciaire le recoupement de ces observations avec d'autres expériences sous-glaciaires alpines (Grande Dixence) nous incitent, en conclusion, à mettre l'accent sur un processus d'érosion glaciaire généralement sous estimé : celui des eaux sous-glaciaires.

Face à l'incapacité, souvent constatée et signalée, des glaciers alpins à s'affranchir des con­ditions tectoniques et structurales qui s'imposent à eux, les incisions par les torrents sous gla­ciaires apparaissent presque toujours comme les marques les plus remarquables et les plus pro­fondes du passage des glaciers, même si le polissage (abrasion) reste l'empreinte la plus originale du modelé glaciaire.

Cette érosion se situe sur deux plans: chimique et mécanique. L'érosion chimique est d'autant plus intense que l'agressivité des eaux est forte, et efficace lorsque l'écoulement sous-glaciaire est généralisé, donc que la surface de contact eau—roche est grande. L'érosion chimique se matérialise par une perte de matière mais aussi par la destruction pour les roches éruptives de leur réseau cristallin (par attaque des feldspaths). Cela aboutit à un affaiblissement de la roche qui devient alors extrêmement sensible à l'érosion mécanique.

L'examen morphoscopique des sables (2 mm >-rf> 0,050 mm) qui résultent de la désinté­gration des roches cristallines (protogine dans le bassin amont d'Argentière) et qui sont charriés par les eaux, montre l'absence totale d'émoussé qui les caractérise. Les arêtes vives et anguleuses participent activement à l'abrasion de la roche par le torrent. Cette action mécanique est d'autant plus efficace que par suite des mises en charge fréquentes rencontrées sous le glacier,

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des effets de vidange et de chasse d'eau, les sables sont projetés avec violence contre les obstacles et contribuent au calibrage des chenaux et rigoles d'écoulement.

Mais le rôle de l'eau ne se limite pas à cette action érosive directe. L'étude granulométrique de la matière sableuse recueillie au contact roche-glacier dans une zone où la glace était en pres­sion (près de AR 203, Fig. 6) nous a montré la disparition de la fraction fine écrémée par ruis­sellement diffus. Cet écoulement mineur, que l'on peut attribuer autant au flux géothermique (température du rocher 1,7 °C) qu'à la chaleur due aux forces de frottement consécutives au

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Fig. 6.

fluage de la glace, conditionne donc dans une certaine mesure l'abrasion glaciaire propremen dite. De même les écoulements majeurs sont souvent déterminants pour la dynamique du gla­cier tout entier.

Echantillon séduisant par la diversité des problèmes qu'il propose à l'investigation scienti­fique, le glacier d'Argentière n'en reste pas moins un cas particulier parmi les glaciers alpins. Pour cela, il n'est pas possible de donner une valeur exhaustive à nos conclusions. Cependant telles quelles, malgré la brièveté du temps d'observation (2 a), elles nous ont permis de préciser quelques uns des problèmes de l'écoulement des eaux dans un glacier alpin de vallée en décrue, et par là semblent constituer une base solide pour la poursuite et le développement du program­me de recherches établi au printemps 1967.

REM ERCIEMENTS NOUS tenons à remercier tout particulièrement Monsieur Chardonnet (Chef des Services Études' E.D.F. R.E.H. Alpes-Nord) qui nous a donné toutes facilités pour mener à bien cette étude, Messieurs Courdouan (Chef d'Aménagement E.D.F. à Chamonix), Siegfried (Ingénieur E.D.F.), Renaud (Chef de Section E.D.F.), ainsi que Monsieur Veyret (Directeur de l'Institut de Géographie Alpine, Centre de Haute Montagne) et Madame Ricq (Ingénieur Chimiste, Institut de Géographie Alpine) pour l'aide précieuse qu'ils nous ont apportée.

BIBLIOGRAPHIE CLEMENT, P., and VAUDOUR,J. 1968. Observations on the pH of melting snow in the southern French Alps. {In Wright, H . E.

jr., and Osburn, W. H., ed. Arctic and alpine environments. Washington, D, C , [U. S.] National Academy of Sciences and National Research Council, p. 205-13.)