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À LIRE, VOIR, ÉCOUTER Médecine palliative 54 N° 1 – Février 2006 le superficiel du paraître normalisé à l’ex- pression de la singularité. Un roman un peu extrême mais très agréable à lire. Les manifestations N. Azoulai Seuil, 2005. ISBN 2-02-080217-1 (21 , 319 p.) Deux adolescentes et un adolescent se rencontrent au lycée. Leur amitié a la puissance de gommer leurs différences d’origine sociale, de penser et d’être. Ils partagent un engagement contre le ra- cisme et participent, de ce fait, à des ma- nifestations de protestation. Les années passent, et la vie sépare les chemins des trois amis. Cette séparation s’avère être bien plus profonde qu’il n’y paraît. Chacun a évolué sur son propre chemin et des divergences s’insinuent jusqu’à briser cette amitié que tous pen- saient indéfectible. L’affection va laisser la place à la ran- cœur, voire à la haine. Il n’y aurait donc aucune génération par- faite. L’auteur ne se laisse pas aller à une écriture à « l’eau de rose ». Elle ose dire crûment, mais toujours dans un style élé- gant, la réalité humaine d’une génération que l’on pensait enrichie de l’expérience des précédentes. Rien n’est laissé de côté, tout y est abordé, l’amitié, le sexe, la fa- mille, l’antisémitisme, le dogmatisme, l’aveuglement par un confort acquis ou la volonté de se fondre dans la masse des gens reconnus et branchés. Et si être in obligeait à être, au fond out, out de sa simple réalité humaine ? Intéressant et agréable à lire. Histoire Pythagore et l’harmonie des sphères S. Jacquemard Seuil, 2005. ISBN 2-02-067887-X (16 , 244 p.) Pythagore de Samos est universellement connu de tous les collégiens ou lycéens grâce à son célèbre théorème. Que sait-on en réalité de sa biographie, de son person- nage ? L’auteur tente de nous retracer la vie et la pensée du philosophe plus connu pour ses apports aux mathématiques qu’à la pensée philosophique. Grand voyageur, à l’origine de multiples controverses, Pythagore travaille sur la notion d’harmonie et du beau. Il pense que le nombre est le lieu du mystère du beau comme de l’harmonie. À l’époque de Pythagore (VI e siècle avant notre ère) la science est mêlée à la morale comme au religieux. Pythagore était un mystique et un religieux de son époque, il fonda une école qui connut fortune, célébrité et per- sécution. On peut ainsi découvrir ce personnage qui apporta tant à la philosophie comme à la science. Divers Enfants en soins palliatifs ; des leçons de vie A. de Broca L’Harmattan, 2005. ISBN 2-7475-8448-8 (13 , 128 p.) Au-delà d’un recueil de témoignages, ce livre est une réflexion sur la vie, la mort et sur l’enfance. On y perçoit bien plus que la passion de l’auteur pour sa profes- sion. Il y est question de la réalité de l’en- fance que l’on considère trop souvent comme peu voire pas signifiante. L’enfant y paraît comme un être à part entière, si- gnifiant, à chaque instant, et apte à dire comme à faire, tout simplement parce qu’il est un être humain. Pas de sensiblerie, pas d’émotion inutile- ment mises en avant, une véritable ré- flexion reposant sur une pratique quoti- dienne avec un recours à la réflexion éthique. Livre étonnant par son étonnement per- manent parfaitement transmis par l’auteur. Un hymne à l’humilité du soi- gnant et de l’accompagnement. À lire absolument. L’esprit de solitude J. Kelen Albin Michel, 2005. ISBN 2-226-13906-0 (15 , 246 p.) Dans notre monde, la solitude est ressen- tie comme néfaste, comme négative. Bien de nos contemporains confondent soli- tude avec isolement, manque et abandon. Par ailleurs, la société veille à ce que l’in- dividu ne se retrouve pas face à lui-même. La solitude, si elle est choisie, n’est pas un enfermement ni une misère. Elle peut, en ce cas, s’avérer une richesse, et un lieu de plénitude et de sérénité. La solitude peut ouvrir la porte de l’intériorisation, de la possible découverte de soi. Mais pour se découvrir soi, il est cependant nécessaire de découvrir l’autre. C’est en cela que la solitude, choisie, est différente de l’isole- ment et de l’abandon. Selon l’auteur, c’est à travers cette rencontre de soi, sans né- gliger la rencontre de l’autre, que l’on peut appréhender sa propre liberté. Cet essai, emprunt d’un peu de philoso- phie et de beaucoup de spiritualité est fort bien écrit. Il offre une approche peu cou- rante de cette solitude choisie tant décriée dans un monde qui est plus inscrit dans une volonté normative liberticide que dans une visée libératrice fondée sur la valeur de l’être. L’être étant considéré comme secondaire devant des intérêts im- médiats soit disant collectifs. On pourrait se laisser à penser que si l’humanité oublie l’homme sous quelque prétexte que ce soit, alors elle se condamne à errer hors de tout sens. À découvrir. Psychologie – Psychanalyse Hypnose ou traité du sommeil nerveux J. Braid L’Harmattan, collection « Encyclopédie psychologique », 2005. ISBN 2-7475-7596-9 (25 , 262 p.) Réédition fac simile de l’ouvrage fonda- mental sur l’hypnose écrit à la fin du XIX e siècle par Braid, ce livre est un des textes fondateur de l’hypnose moderne.

Hypnose ou traité du sommeil nerveux

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Page 1: Hypnose ou traité du sommeil nerveux

À LIRE, VOIR, ÉCOUTER

Médecine palliative

54

N° 1 – Février 2006

le superficiel du paraître normalisé à l’ex-pression de la singularité.Un roman un peu extrême mais très agréable à lire.

L

es manifestations

N. Azoulai

Seuil, 2005.

ISBN 2-02-080217-1 (21

, 319 p.)

Deux adolescentes et un adolescent se rencontrent au lycée. Leur amitié a la puissance de gommer leurs différences d’origine sociale, de penser et d’être. Ils partagent un engagement contre le ra-cisme et participent, de ce fait, à des ma-nifestations de protestation.Les années passent, et la vie sépare les chemins des trois amis. Cette séparation s’avère être bien plus profonde qu’il n’y paraît. Chacun a évolué sur son propre chemin et des divergences s’insinuent jusqu’à briser cette amitié que tous pen-saient indéfectible.L’affection va laisser la place à la ran-cœur, voire à la haine.Il n’y aurait donc aucune génération par-faite.L’auteur ne se laisse pas aller à une écriture à « l’eau de rose ». Elle ose dire crûment, mais toujours dans un style élé-gant, la réalité humaine d’une génération que l’on pensait enrichie de l’expérience des précédentes. Rien n’est laissé de côté, tout y est abordé, l’amitié, le sexe, la fa-mille, l’antisémitisme, le dogmatisme, l’aveuglement par un confort acquis ou la volonté de se fondre dans la masse des gens reconnus et branchés.Et si être

in

obligeait à être, au fond

out

,

out

de sa simple réalité humaine ?Intéressant et agréable à lire.

Histoire

P

ythagore et l’harmonie des sphères

S. Jacquemard

Seuil, 2005.

ISBN 2-02-067887-X (16

, 244 p.)

Pythagore de Samos est universellement connu de tous les collégiens ou lycéens

grâce à son célèbre théorème. Que sait-on en réalité de sa biographie, de son person-nage ? L’auteur tente de nous retracer la vie et la pensée du philosophe plus connu pour ses apports aux mathématiques qu’à la pensée philosophique.

Grand voyageur, à l’origine de multiples controverses, Pythagore travaille sur la notion d’harmonie et du beau. Il pense que le nombre est le lieu du mystère du beau comme de l’harmonie. À l’époque de Pythagore (

VI

e

siècle avant notre ère) la science est mêlée à la morale comme au religieux. Pythagore était un mystique et un religieux de son époque, il fonda une école qui connut fortune, célébrité et per-sécution.

On peut ainsi découvrir ce personnage qui apporta tant à la philosophie comme à la science.

Divers

E

nfants en soins palliatifs ;des leçons de vie

A. de Broca

L’Harmattan, 2005.

ISBN 2-7475-8448-8 (13

, 128 p.)

Au-delà d’un recueil de témoignages, ce livre est une réflexion sur la vie, la mort et sur l’enfance. On y perçoit bien plus que la passion de l’auteur pour sa profes-sion. Il y est question de la réalité de l’en-fance que l’on considère trop souvent comme peu voire pas signifiante. L’enfant y paraît comme un être à part entière, si-gnifiant, à chaque instant, et apte à dire comme à faire, tout simplement parce qu’il est un être humain.

Pas de sensiblerie, pas d’émotion inutile-ment mises en avant, une véritable ré-flexion reposant sur une pratique quoti-dienne avec un recours à la réflexion éthique.

Livre étonnant par son étonnement per-manent parfaitement transmis par l’auteur. Un hymne à l’humilité du soi-gnant et de l’accompagnement.

À lire absolument.

L’

esprit de solitude

J. Kelen

Albin Michel, 2005.

ISBN 2-226-13906-0 (15

, 246 p.)

Dans notre monde, la solitude est ressen-tie comme néfaste, comme négative. Bien de nos contemporains confondent soli-tude avec isolement, manque et abandon. Par ailleurs, la société veille à ce que l’in-dividu ne se retrouve pas face à lui-même. La solitude, si elle est choisie, n’est pas un enfermement ni une misère. Elle peut, en ce cas, s’avérer une richesse, et un lieu de plénitude et de sérénité. La solitude peut ouvrir la porte de l’intériorisation, de la possible découverte de soi. Mais pour se découvrir soi, il est cependant nécessaire de découvrir l’autre. C’est en cela que la solitude, choisie, est différente de l’isole-ment et de l’abandon. Selon l’auteur, c’est à travers cette rencontre de soi, sans né-gliger la rencontre de l’autre, que l’on peut appréhender sa propre liberté.

Cet essai, emprunt d’un peu de philoso-phie et de beaucoup de spiritualité est fort bien écrit. Il offre une approche peu cou-rante de cette solitude choisie tant décriée dans un monde qui est plus inscrit dans une volonté normative liberticide que dans une visée libératrice fondée sur la valeur de l’être. L’être étant considéré comme secondaire devant des intérêts im-médiats soit disant collectifs. On pourrait se laisser à penser que si l’humanité oublie l’homme sous quelque prétexte que ce soit, alors elle se condamne à errer hors de tout sens.

À découvrir.

Psychologie – Psychanalyse

H

ypnose ou traité du sommeil nerveux

J. Braid

L’Harmattan, collection « Encyclopédie

psychologique », 2005.

ISBN 2-7475-7596-9 (25

, 262 p.)

Réédition

fac simile

de l’ouvrage fonda-mental sur l’hypnose écrit à la fin du

XIX

e

siècle par Braid, ce livre est un des textes fondateur de l’hypnose moderne.

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À LIRE, VOIR, ÉCOUTER

Med Pal 2006; 5: 52-55

© Masson, Paris, 2006, Tous droits réservés

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www.masson.fr/revues/mp

Essentiellement adressé aux psycholo-gues, psychiatres et aux historiens, il peut aussi intéresser les étudiants comme celles ou ceux que la pratique de l’hypnose concerne de près ou de loin. On pourra, au fil des pages, prendre conscience des possibles dérives « théoriques », « mysti-ques » ou autres que la fascination ou le simple intérêt pour l’hypnose peuvent gé-nérer. En effet, si l’hypnose peut être une réalité, elle peut être aussi une sorte de magie et peut amener certains, manquant de véritable discernement, à la pratique magique, à l’illusion du pouvoir tout maî-triser même l’irrationnel. L’aspect ration-nel de l’hypnose y est décrit avec sérieux. On y trouve aussi bien les rendus possi-bles que les limites de cette méthode.

L

e moine et la psychanalyste

M. Balmary

Albin Michel, 2005.

ISBN 2-226-15995-9 (16

, 203 p.)

Il s’agit de la rencontre entre un moine et une psychanalyste agnostique issue d’une famille de tradition juive. Ils s’interrogent sur ce qui guérit et sur ce qui sauve. Les échanges sont parfois vifs, mais toujours emprunts d’un respect mutuel.Il ne s’agit pas d’une contribution essen-tielle au plan de la psychologie ou de la psychanalyse, loin de là. Un exemple de l’intérêt à travailler, à réfléchir à partir de

nos expériences et de nos racines, aussi différentes soient-elles, ce serait la meilleure façon de tenter de définir ce que l’on peut trouver à cette lecture.

F

ondations subjectives de la pensée

Sous la direction de C. Savinaud

L’Harmattan, 2005.

ISBN 2-7475-7682-5 (30

, 359 p.)

Voici un livre rare. Rare non parce qu’il est difficile à trouver mais par sa richesse, l’intérêt qu’il suscite chez le lecteur qui veut s’attarder sur la notion du penser.Cet ouvrage collectif a été rédigé par le groupe d’étude « des processus normaux et pathologiques dans les champs subli-matoires » du centre de recherche de l’Ins-titut de psychologie et de sociologie appliquées de l’Université d’Angers.La problématique de la pensée est abordée dans sa composante philosophique et phénoménologique, en tant que processus psychique conscient ou inconscient et comme procédé organisationnel neuro-physiologique et de traitement de l’infor-mation. A priori un peu complexe, le sujet traité par ce groupe d’universitaire s’avère, en réalité, tout à fait accessible pour le lecteur, même s’il n’est pas spécia-liste en ces domaines.Le thème est traité en trois parties. La pre-mière est consacrée à la question : « Faut-

il un sujet pour penser ? », avec trois ap-proches qui sont : deux voix des pays de l’impensé, Feud et Heidegger ; modèles de pensée, de la psychanalyse à la biologie ; de la pensée au délire, articulation entre signifiant et jouissance.

La seconde partie se consacre à la ques-tion du « quand le corps pense ». Cette partie est divisée en trois chapitres, 1) la pensée contre le corps, étude de l’anorexie d’une adolescente, 2) pensées d’un méde-cin en quête de causalité, 3) penser l’esprit à travers la matière, une problématique particulière : le diabète.

La troisième partie aborde le thème du « je pense est un autre ». Se succèdent quatre approches qui concernent 1) aux frontiè-res du réel : un mode de pensée particulier dans la psychose, 2) le penseur : génie ou créateur ?, 3) préfiguration de la mort im-pensable ? Une lecture de la nuit mysti-que chez Jean de la Croix, 4) Pensées croisées sur la clinique : du particulier au singulier.

Le dernier chapitre est consacré à un in-dex des occurrences « pensée, penser » et de quelques signifiants compagnons dans l’œuvre de Jacques Lacan de 1926 à 1966.

Un excellent livre qui témoigne de la ri-chesse de la pluridisciplinarité comme moyen d’approfondir une réflexion thé-matique.