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Hypotension orthostatique : marqueur de gravité et adaptation du traitement antihypertenseur Goel Fenech, Michel Safar, Jacques Blacher Université Paris-Descartes, Hôtel-Dieu, Paris, Assistance Publiquehôpitaux de Paris, unité HTA, prévention et thérapeutique cardiovasculaires, centre de diagnostic et de thérapeutique, 75004 Paris, France Correspondance : Jacques Blacher, hôpital Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France. [email protected] Disponible sur internet le : 4 avril 2012 Hypotension orthostatique en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Dossier thématique Presse Med. 2012; 41: 11161121 ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1116 Mise au point Key points Orthostatic hypotension: Marker of severity and manage- ment of antihypertensive treatment Orthostatic Hypotension (OH) is an independent predictor of cardiovascular disease and of all-cause mortality. It is a marker of poor prognosis in older and middle-aged patients. It should be primarily sought, at diagnosis of hypertension, at thera- peutic modification, and when suspected by symptoms. One must make therapeutic decisions in older patients, based on measured blood pressure in standing position. Before blaming the antihypertensive treatment, one must search for other contexts favoring orthostatic hypotension. The antihypertensive treatment in older patients should: be initiated with low dosages and subsequent dose titration, be associated to lifestyle changes, not be associated to medica- tions that have the potential to induce Orthostatic Hypoten- sion, include a clear information about Orthostatic Hypotension (recognition, preventive measures. . .). Points essentiels L’hypotension orthostatique (HO) est un facteur prédictif indépendant de morbidité cardio-neurovasculaire et de mor- talité toutes causes confondues.C’est un marqueur de mauvais pronostic chez les sujets âgés et d’âge moyen. L’hypotension orthostatique doit être principalement cherchée, au moment du diagnostic de l’hypertension artérielle, des modifications thérapeutiques et d’une clinique évocatrice. Il convient de mieux prendre des décisions thérapeutiques chez les sujets âgés sur des pressions artérielles mesurées en position debout et non assise ni couchée. Avant d’incriminer le traitement antihypertenseur, de rechercher les autres contextes favorisant l’hypotension orthos- tatique. Le traitement antihypertenseur chez le sujet âgé doit être débuté progressivement avec une posologie initiale plus modérée. Sa prescription doit s’accompagner d’une informa- tion claire sur l’HO (reconnaissance, conduite à tenir, mesures préventives. . .), s’associer aux règles hygiéno-diététiques, et limiter les co-médications potentiellement responsables d’hypotension orthostatique. tome 41 > n811 > novembre 2012 doi: 10.1016/j.lpm.2012.02.008

Hypotension orthostatique : marqueur de gravité et adaptation du traitement antihypertenseur

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Hypotension orthostatique

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Presse Med. 2012; 41: 1116–1121� 2012 Elsevier Masson SAS.

Tous droits réservés.

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Key points

Orthostatic hypotension: Markment of antihypertensive trea

Orthostatic Hypotension (OH) icardiovascular disease and of allof poor prognosis in older and mbe primarily sought, at diagnospeutic modification, and when sOne must make therapeutic decion measured blood pressure inBefore blaming the antihypertsearch for other contexts favorThe antihypertensive treatmeninitiated with low dosages and

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Hypotension orthostatique : marqueur degravité et adaptation du traitementantihypertenseur

Goel Fenech, Michel Safar, Jacques Blacher

Université Paris-Descartes, Hôtel-Dieu, Paris, Assistance Publique–hôpitaux de Paris,unité HTA, prévention et thérapeutique cardiovasculaires, centre de diagnostic et dethérapeutique, 75004 Paris, France

Correspondance :Jacques Blacher, hôpital Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris,[email protected]

Disponible sur internet le :4 avril 2012

er of severity and manage-tment

s an independent predictor of-cause mortality. It is a markeriddle-aged patients. It shouldis of hypertension, at thera-uspected by symptoms.sions in older patients, based

standing position.ensive treatment, one musting orthostatic hypotension.t in older patients should: besubsequent dose titration, benot be associated to medica-

induce Orthostatic Hypoten-about Orthostatic Hypotensiones. . .).

Points essentiels

L’hypotension orthostatique (HO) est un facteur prédictifindépendant de morbidité cardio-neurovasculaire et de mor-talité toutes causes confondues.C’est un marqueur de mauvaispronostic chez les sujets âgés et d’âge moyen. L’hypotensionorthostatique doit être principalement cherchée, au momentdu diagnostic de l’hypertension artérielle, des modificationsthérapeutiques et d’une clinique évocatrice.Il convient de mieux prendre des décisions thérapeutiques chezles sujets âgés sur des pressions artérielles mesurées enposition debout et non assise ni couchée.Avant d’incriminer le traitement antihypertenseur, derechercher les autres contextes favorisant l’hypotension orthos-tatique.Le traitement antihypertenseur chez le sujet âgé doit êtredébuté progressivement avec une posologie initiale plusmodérée. Sa prescription doit s’accompagner d’une informa-tion claire sur l’HO (reconnaissance, conduite à tenir, mesurespréventives. . .), s’associer aux règles hygiéno-diététiques, etlimiter les co-médications potentiellement responsablesd’hypotension orthostatique.

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MPP

Hypotension orthostatique : marqueur de gravité et adaptation du traitement antihypertenseurHypotension orthostatique

L’hypotension orthostatique (HO) est définie par unebaisse de la pression artérielle systolique (PAS) d’au moins20 mmHg et/ou de la pression artérielle diastolique (PAD) d’aumoins 10 mmHg, une, deux ou trois minutes après l’orthosta-tisme. Fréquente et de mauvais pronostic, l’hypotensionposturale est une situation pathologique à dépister et dont ilexiste des moyens de prévention simples. Sa prise en chargepasse forcément par une adaptation des traitements en cours,particulièrement ceux des antihypertenseurs.

Hypotension orthostatique : facteurprédictif de morbidité cardio-neurovasculaire et de mortalitéMarqueur de mauvais pronostic chez les patients hypertendusdiabétiques [1], l’HO ne semble plus se limiter à une catégoriede personne. Symptomatique ou non [2], l’hypotensionposturale devient plus généralement, un facteur de risqueindépendant de morbidité cardio-neurovasculaire et de mor-talité aussi bien chez les sujets âgés que ceux d’âge moyen.

Chez le sujet âgé

L’HO est plus fréquente chez le sujet âgé. Sa prévalenceaugmente avec l’âge, passant de 5 % avant 65 ans, à plusde 30 % après 75 ans [3,4]. L’HO serait même plus fréquentechez les sujets âgés institutionnalisés [5] que ceux maintenuesà domicile [6]. En plus de l’âge, les traitements antihyperten-seurs [7] et l’HTA [8,9] elle même sont des facteurs de risqued’HO. Autrement dit, le sujet âgé hypertendu traité cumule lesrisques de survenue d’une HO.L’HO chez le sujet âgé est un facteur de risque de syncope [10],de chutes [11,4] et par conséquent, de fracture et de syndromepost-chute avec un risque accrue d’entrée dans la dépendanceavec perte d’autonomie et institutionnalisation. Concernantl’association de l’HO et le risque de mortalité chez lesujet âgé, les données de la littérature sont contradictoires.

lossaireRIC Atherosclerosis Risk in CommunitiesVC accident vasculaire cérébral- bêta-bloquantsHP Honolulu Heart ProgrammeO hypotension orthostatiqueM infarctus du myocardeCa antagonistes calciquesAPA mesure ambulatoire de la pression

artériellePP The Malmö Preventive ProjectAD pression artérielle diastoliqueAS pression artérielle systolique

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Pour certains, il n’y a pas de relation [8], pour d’autres seul l’HOdiastolique est associée à la mortalité uniquement cardiovas-culaire [12].Le Honolulu Heart Programme [13] (HHP) est une étude épidé-miologique prospective des maladies cardiovasculaires dansune cohorte d’américains d’origine japonaise vivant à Hawaï.Elle inclut 3522 hommes âgés (entre 71 et 93 ans) avec un suivide quatre ans. Après réajustement des comorbidités et facteursde risque et analyse en sous-groupes de personnes en appa-rence en bonne santé, l’HO semble être un facteur prédictifindépendant de mortalité à quatre ans, toutes causes confon-dues. Le risque de mortalité serait d’ailleurs plus élevé pour desréductions tensionnelles systolique et/ou diastolique plusgrande. Cette étude considère de plus, que l’HO pourrait êtresurajouté aux marqueurs de fragilité connus, comme marqueurde fragilité physique (physical frailty), chez le sujet âgé.The Rotterdam Study [14] est une étude prospective hollan-daise dont l’objectif a été de déterminer la valeur pronostic del’HO chez le sujet âgé. Cette étude de 7983 personnes concluesur un suivi moyen de six ans, que l’HO est un facteur demorbidité cardiovasculaire et de mortalité toutes causesconfondues. Dans le sous-groupe des sujets de plus de70 ans (moyenne d’âge 78 ans), l’HO a été prédictif d’accidentvasculaire cérébral (AVC) [14].L’association entre l’HO et la démence a aussi été suggérée[15]. L’étude d’une cohorte finlandaise, de patients de plus de70 ans, en institution ou maintenus à domicile mais nonsélectionnés, ne retrouve cependant pas de lien significatifentre l’HO (présente chez un quart d’entre eux) et la détériora-tion cognitive initiale, ou le déclin cognitif au cours des deuxannées de suivi [16].Si la majorité des études sur l’HO comme facteur de morbi-mortalité étaient limités aux sujets âgés, d’autres études visentà étendre cette conclusion aux sujets d’âge moyen.

Chez le sujet d’âge moyen

L’étude Atherosclerosis Risk in Communities (ARIC) est uneétude de cohorte concernant l’athérome. Elle a inclut 15 792 per-sonnes provenant de quatre régions différentes des États-Unis.À partir des données issues de l’étude ARIC, au décours du suivides sujets de la cohorte, il a été mis en évidence une relationentre l’HO et l’incidence des AVC, des maladies cardiovascu-laires et de la mortalité chez les sujets d’âge moyen.

Hypotension orthostatique : un facteur de morbiditécardio-neurovasculaireHypotension orthostatique : un facteur de risque decoronaropathieRose et al. en 2000 [17], ont montré que chez 12 433 sujetsentre 45 et 64 ans de l’étude ARIC, initialement indemne demaladie cardio-neurovasculaire, l’HO est un facteur prédictif desurvenue de coronaropathie (infarctus du myocarde [IDM]confirmé ou probable, IDM silencieux, IDM mortel) sur une

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période moyenne de suivi de six ans (HR 1,85 ; IC95 % = 1,31–

2,63).The Malmo Preventive Project [18] (MPP) est une étude pro-spective suédoise incluant 33 346 patients d’âge moyen(45,7 � 7,4), avec un suivi moyen de 22,7 ans. Cette étudequi inclut un nombre de sujets plus important et plus jeune avecun suivi plus long que l’étude ARIC, suggère comme l’étude HHPque non seulement l’HO est un facteur de morbidité cardio-vasculaire, mais que plus la baisse tensionnelle est prononcée,plus l’incidence d’évènements coronaires est élevée. Cetteéquipe reprend par ailleurs l’hypothèse, que l’incidence desévénements coronaires serait plus fortement associé à l’HOdiastolique [19,20].

Hypotension orthostatique : un facteur de risque d’ accidentvasculaire cérébralChez 11 707 patients entre 45 et 64 ans (âge moyen 55,4 ans)de l’étude ARIC, initialement indemne de maladie cardio-neu-rovasculaire, l’HO est un facteur prédictif d’AVC sur une périodemoyenne de suivi de 7,9 ans (HR 2,0 ; IC95 % = 1,2–3,2) [21].En revanche, selon les données issus du MPP [18], le lien entrel’HO et les AVC reste incertain, notamment après réajustementdes comorbidités et des autres facteurs de risques cardiovas-culaires [22].

Hypotension orthostatique : un facteur de mortalité

Comme chez le sujet âgé, l’HO ne semble pas être seulement unfacteur de morbidité cardio-neurovasculaire chez le sujet d’âgemoyen. Rose et al. publient de nouveau en 2006 [23], uneétude montrant sur 13 152 patients d’âge moyen issue desdonnées d’ARIC, que l’HO est un facteur prédictif indépendantde mortalité toutes causes confondues sur un suivi moyen de13 ans (HR 1,71 [IC : 1,44–2,04]) : 13 % des sujets avec une HOsont décédés dans les 13 ans de suivi, contre 4 % sans HO. Cetteconclusion persistait (hormis pour le cancer) même aprèsréajustement des comorbidités et analyse en sous-groupesde sujets apparemment en bonne santé. Ces résultats coïn-cident avec les données issues du MPP [18], dont la mortalitéest plus particulièrement élevé chez les sujets jeunes de moinsde 42 ans. Dans les causes de mortalité non cardiovasculaires,l’équipe de Fedorowski et al. retient les blessures, les maladiesneurologiques (neurodégénératives principalement) et respi-ratoires [24]. Contrairement à la morbidité cardiovasculaire,dans les données issus du MPP, le risque de mortalité serait lié àl’HO systolique et diastolique [18].Ainsi, l’HO devrait être considéré comme un facteur de risquede morbi-mortalité indépendant [18,23] et être dépisté enthéorie, chez tous les patients au même titre que les autresfacteurs de risques traditionnels (tabagisme, HTA. . .). En pra-tique, certains experts [25] recommandent de chercher l’HOprincipalement, au moment du diagnostic de l’HTA, des mod-ifications thérapeutiques et d’une clinique évocatrice.

Adaptation du traitement antihypertenseurchez le sujet hypertendu avec hypotensionorthostatiqueLes antihypertenseurs permettent de réduire la morbi-morta-lité cardiovasculaire chez les patients hypertendus, même chezles sujets âgés [26,27] et très âgés [28]. Or, l’HO est fortementassocié à l’HTA [4]. Les études ARIC, Rotterdam et MPP ontrévélé qu’il y avait plus de sujets hypertendus parmi lespatients avec HO par rapport aux patients sans HO[14,18,17,21]. Comment adapter le traitement antihyperten-seur, responsable d’HO [6,7], chez des patients déjà à risqued’hypotension posturale du fait de leur HTA ?

Facteurs favorisant l’ hypotension orthostatique

Avant d’incriminer les antihypertenseurs chez les sujets hyper-tendus traités, il faut chercher les autres situations favorisantesd’HO, avec en premier lieu, les comédications.Les polypathologies et les polymédications sont des situationsfréquentes chez le sujet âgé. Elles incitent à chercher laresponsabilité d’autres médicaments à risque d’HO, particu-lièrement les neuroleptiques et antidépresseurs surtout s’ilssont associés aux antihypertenseurs [29]. L’apparition d’HOserait en effet corrélée au nombre de médicaments poten-tiellement responsables d’HO consommées [30]. Ainsi, enfonction des traitements et de leurs indications, il convientde supprimer ou de modifier les prescriptions thérapeutiquesen cas de risque ou de survenue d’HO. Par exemple, s’il y aindication à un traitement antidépresseur, plutôt que derisquer de devenir inefficace en diminuant les doses d’untricyclique, il vaut mieux préférer un inhibiteur de la recapturede sérotonine comme la fluoxétine. Comme le changement demédicament ou de posologie, la modification de l’horaired’administration des médicaments peut être une alternative(prise médicamenteuse à distance des repas plutôt qu’aumoment des repas, en raison des hypotensions post-pran-diales fréquentes chez le sujet âgé). L’arrêt total et définitif del’alcool, substance favorisant l’HO, est aussi indispensable. Desexemples de classes thérapeutiques responsables d’HO sontrassemblées dans le (tableau I).Les affections intercurrentes comme la déshydratation (lorsd’une gastro-entérite virale par exemple), l’anémie sont aussides contextes favorisants l’hypotension posturale. Cette der-nière pourrait aussi être liée à des maladies neurologiquessous-jacentes (maladie de Parkinson, démence à corps de Levy,accident vasculaire cérébral), à des maladies cardiovasculaires(insuffisance cardiaque), à une insuffisance veineuse, au dia-bète et à d’éventuels excès d’alcool.Finalement, avant d’imputer la responsabilité de l’HO aux seulsantihypertenseurs, toutes les autres situations favorisantesdoivent être évoquées, particulièrement chez le sujets âgéspolypathologiques et polymédicamentés.

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Tableau I

Exemples de classes thérapeutiques responsables d’hypotensionorthostatique

Classes Principalesmolécules

incriminéesdans la classe

Médicaments du systèmenerveux central

Antidépresseurstricycliques

Imipramine

Antidépresseurnon tricycliques

Paroxétine,venlafaxine

IMAO Iproniazide

Neuroleptiques Chlorpromazine

Antiparkinsoniens Lévodopa,bromocriptine

Antalgiques Morphine

Médicamentscardiovasculaires

Antihypertenseurs TOUS

Dérivées Nitrés

Anti-arythmiques Amiodarone

Médicamentsà viséeurologique

Prazosine,sildénafil

Hypotension orthostatique : marqueur de gravité et adaptation du traitement antihypertenseurHypotension orthostatique

Traitement antihypertenseur

Il faut savoir que la relation entre l’HO et les antihypertenseursest controversée. Contrairement à l’étude de Rotterdam etMPP, les études ARIC et HHP ne montrent pas d’associationentre l’HO et la thérapie antihypertensive. D’autres étudessupposent, que le traitement antihypertenseur exacerbe seule-ment une HO préexistante [31]. Quoi qu’il en soit, en supposantque le traitement antihypertenseur soit associé au risque d’HO[7,14,18], sa prescription soulève de nombreuses questions etpeut devenir un véritable dilemme pour le médecin.

Introduction et choix des antihypertenseurs

L’initiation d’un traitement antihypertenseur doit suivre lesrecommandations générales et doit être chez le sujet âgé, plusprogressive avec une posologie initiale plus modérée [32].Parce qu’ils sont à haut risque d’HO, il faut éviter hors indica-tions électives, les alpha 1 bloquants (souvent prescrit à viséeurologique), les agonistes alpha 2 (en se méfiant de l’effet

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rebond hypertensif lors de l’arrêt de la clonidine), les alpha-bloquants centraux et les diurétiques de l’anse. La spironolac-tone serait un antihypertenseur également plus associé à l’HO[33].Parmi les antihypertenseurs recommandées [32] (béta-blo-quants [b-], antagonistes calciques [InCa], diurétiques thiazi-diques, IEC et ARA II), il n’y a pas de consensus sur ceux quiseraient les plus responsables d’HO.Retiré des indications de première intention chez les sujets âgéshypertendus des récentes recommandations canadiennes [34],pour cause de faible niveau de preuve, les b- pourraient aussiêtre plus responsables d’HO [35,36]. Cette responsabilité des b-dans l’HO n’est néanmoins pas partagée par tous les auteurs,dont certains leur confèrent au contraire des effets positifs voireprotecteurs sur l’HO [37]. Par ailleurs, les IEC [33] comme lesARA II [35,38] - sauf réaction hypotensive « première dose »

chez quelques sujets - engendreraient selon certains, moinsd’HO chez les sujets hypertendus traités. En ce qui concerne lesdiurétiques thiazidiques, ils ne semblent pas être plus respon-sables d’HO, à la dose de 12,5 mg.Les mesures hygiéno-diététiques doivent être associées auxtraitements antihypertenseurs, car elles contribuent à diminuerle nombre et la dose des antihypertenseurs [32]. Elles néces-sitent donc d’être connues et renforcées, surtout lorsqu’ on saitque nombre d’hypertendus finissent souvent sous plurithérapieantihypertensive, notamment les sujets âgés où la réduction depression artérielle est plus difficile [39]. Ce qui augmente apriori le risque de survenue d’apparition d’HO. Néanmoins, uneétude récente [35] chez des sujets très âgés institutionnalisés,suggère que le risque d’HO chez l’hypertendu traité, n’est pasdéterminé par le nombre de médicament antihypertenseur,mais par l’équilibre tensionnel résultant du traitement anti-hypertenseur. Comme d’autres publications [40], cette étudesuppose donc qu’un patient hypertendu traité bien contrôléaurait moins de risque d’HO qu’un patient hypertendu traitémal contrôlé.

Éducation thérapeutique

Outre le changement de style de vie, l’éducation thérapeutiquedu patient comprend aussi l’enseignement des signes évoca-teurs d’HO, de la mesure tensionnelle par un appareil d’auto-mesure à la survenue des ces derniers, de la nécessité derelever le contexte de leur apparition (post-prandial, après unbain chaud. . .), de l’importance d’en informer rapidement sonmédecin traitant et des moyens thérapeutiques non pharma-cologiques de premier recours à entreprendre. S’hydrater 2 à3 litres par jour, notamment avant les repas et le lever du matin[41], décomposer le lever avec changement de position pro-gressif, croiser les jambes avant de se lever, dormir en positionsemi assise, porter des bas de contentions juste avant le leverjusqu’en fin de journée, l’arrêt de l’alcool et fractionner lesrepas en sont des exemples [42]. Le patient doit signaler à tous

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médecins consultés, les traitements en cours, afin d’éviter lespolymédications qui augmentent les risques d’HO. Finalement,une prise en charge optimale de l’HTA, implique que nospatients soient correctement informés des risques et mesurespréventives de l’HO et convaincus des bénéfices du traitementantihypertenseur.

Surveillance

Sous traitement antihypertenseur et particulièrement les sujetsâgés, notamment ceux vivant en institution [4], l’HO doit êtresystématiquement dépistée et surveillée en raison de sonrisque et de son caractère asymptomatique fréquent [4]. Aucours du suivi, tous symptômes évocateurs d’HO - sensationsvertigineuses, malaises, chutes à répétition survenant ou nonau moment des changements posturaux- doivent faire chercherune HO cliniquement au cabinet, puis secondairement par unemesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) si besoin.La surveillance est clinico-biologique à la recherche de contextefavorisant l’HO, comme les excès d’alcool, l’anémie et ladéshydratation. Le suivi du traitement antihypertenseur doitêtre assez rapproché et les ajustements thérapeutiques suffi-samment fréquents pour obtenir une amélioration réelle de lapression artérielle sans apparition d’HO, ce qui implique uninvestissement important tant de la part du patient que dumédecin. Il comprend une évaluation régulière de l’ordon-nance médicamenteuse pour adapter le traitement antihyper-tenseur, à de nouvelles coprescriptions(psychotropes. . .), à denouvelles situations cliniques (déshydratation/ diurétiquesthiazidiques. . .) dans le but de prévenir la survenue d’HO.

ConclusionL’HO est une situation pathologique fréquente et représente unmarqueur de mauvais pronostic tant chez le sujet âgé quele sujet jeune. Son association à l’HTA et aux traitements

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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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Hypotension orthostatique : marqueur de gravité et adaptation du traitement antihypertenseurHypotension orthostatique

tome 41 > n811 > novembre 2012