2
ICÔNES NOUVELLES 20 HÉROINES DE BARBARELLA À CARRIE BRADSHAW L’artiste russe Olga Tobreluts nous interpelle par la confrontation des canons de beauté classiques et contemporains. 20_NVELLES HEROINES 6/03/08 17:47 Page 20

ICÔNES NOUVELLES HÉROINES · Page de gauche :Evening (Angelina Jolie), 180 x 79 cm. Night (Keira Knightley). Morning (Kate Moss), 180 x 83 cm. Impression et huile sur toile, Olga

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: ICÔNES NOUVELLES HÉROINES · Page de gauche :Evening (Angelina Jolie), 180 x 79 cm. Night (Keira Knightley). Morning (Kate Moss), 180 x 83 cm. Impression et huile sur toile, Olga

ICÔNES

NOUVELLES

20

HÉROINESDE BARBARELLA À CARRIE BRADSHAW

L’artiste russe Olga Tobreluts nous interpelle par la confrontation des canons de beauté classiques et contemporains.

20_NVELLES HEROINES 6/03/08 17:47 Page 20

Page 2: ICÔNES NOUVELLES HÉROINES · Page de gauche :Evening (Angelina Jolie), 180 x 79 cm. Night (Keira Knightley). Morning (Kate Moss), 180 x 83 cm. Impression et huile sur toile, Olga

ne Desperate Housewife vénale, une trentenaire célibataire en mal de mâle, Gabrielle Solis et CarrieBradshaw seraient-elles les nouvelles héroïnes auxquelles s’identifier ? Pour quelles raisons femmes au foyer et vieilles filles me fascinent-ellesautant ? Ce n’est pas uniquement parce qu’elles

portent des Manolo Blahnik. Alors, régression féminine ou mutationheureuse et salutaire ? La légende veut que les femmes soient com-pliquées. Complexes et paradoxales, elles combattent le machismedominateur tout en alimentant les fantasmes des hommes. Les quel-ques super-héroïnes en sont la parfaite illustration : de l’amazonejusticière Wonder Woman à l’aventurière sexy Lara Croft. Short mou-lant et décolleté plongeant valent parfois quelques superpouvoirs.Fruits de l’imagination masculine, ces personnages fantasmés inspi-rent moins les femmes elles-mêmes, qui aux transports peu farou-ches de Barbarella ou au gros calibre de Lara Croft préfèrerontAngelina Jolie-Pitt et sa ribambelle d’enfants.

Barbie contre les supers-hérosL’identification à des personnages réels ou fictifs de l’Histoire ou dela mythologie humaine est cependant essentielle dans la construc-tion personnelle de chacune d’entre nous. Les femmes ont d’abordpris leur mal en patience... Les héroïnes libres et émancipées tardentà apparaître. L’auteur et comédienne américaine Rita Rudner ironise sur le sujet : « Les hommes ont confiance en eux car ils grandis-sent en s’identifiant à des super-héros. Les femmes ont une mauvaise imaged’elles-mêmes car elles grandissent en s’identifiant à Barbie ». Ainsi, dansles années 90, une nouvelle génération de femmes prend le contre-pied de cette tendance. En mode working girl, les héroïnes sont desguerrières, indépendantes et combattantes ! La vague du girl powerdéferle sur le conformisme harmonieux de nos vies. Outre Manche,les Spice Girls révolutionnent les clichés, Barbie quitte Ken, et prendle pouvoir. Carrière exemplaire, elle gère l’éducation des enfants,qu’elle élève seule et se perd entre Sex & the City et les dédales de savie sentimentale. La mode suit, provocante et agressive, narcissiqueet délirante, fondée comme une provocation sur l’hyper sexualisa-tion du corps. Les grandes marques s’emballent et renouvellent l’esprit même de leur maison. Des nouvelles collections parfois àfaire pleurer Gabrielle Chanel, pour laquelle « le luxe, ce n’est pas lecontraire de la pauvreté, mais celui de la vulgarité. » Ce mouvement, au-delà du féminisme, prône l’avancée constantedes femmes dans des milieux où on ne les attendait pas. Telle unerevanche pour des siècles d’obéissance passive. L’actrice qui a lemieux incarné cette époque de l’ultra-féminisme étant Demi Moore.Dans les années 90 toujours, elle accepte des rôles de femmes forteset masculines. Elle use et abuse de son pouvoir sur les hommes dansHarcèlement, exerce des métiers d’hommes dans Des Hommesd’Honneur et ose carrément le crane rasé dans À Armes Egales. Le problème se pose alors en ces termes : une femme doit-elle renierl’essence même de ce qu’elle est pour accéder aux mêmes droits quela gente masculine ?

La mode libère les femmes...et l’héroïneRetour aux sources. Historiquement, les héroïnes se sont imposéesà force de détermination, de courage et par l’abnégation de leur fémi-

nité. Sacrifice suprême mais néanmoins nécessaire pour valider leurcrédibilité. Jeanne d’Arc aurait-elle été Jeanne d’Arc sans son armureet ses cheveux coupés à la garçonne ? Et comment mener une arméeen corset et jupon ? Dans un monde qui ne considérait et ne respec-tait que les hommes, seule sa virginité lui accordait une once de crédit. Dès lors, l’héroïsme féminin est étroitement lié au féminisme.Les vraies héroïnes, celles qui ont accompli de grandes choses, sontpeu nombreuses. Les guerres engendrent héros et héroïnes. Après-guerre, tout est possible. Quelques femmes en profitent pour s’octroyer de plus grandes libertés. Et la couture ouvre la voie. Dans les années 20 et 30, Coco Chanel modernise la femme enaccompagnant la mode garçonne. Elle crée des vêtements pour unefemme émancipée et emprunte au vestiaire masculin le tweed, lesganses d’uniformes, les pantalons et les larges boutons... Après-guerre à nouveau, les années 50 et 60 offrent une foule d’héroïnes d’un autre genre. Un idéal, un modèle, une réponse aubesoin de repère d’une société qui délaisse peu à peu les pratiquesreligieuses. Idole du glamour et de l’élégance. Idole de la grâce et dela féminité. Idole d’une génération. Egérie du couturier Hubert deGivenchy, l’actrice oscarisée Audrey Hepburn n’incarne cependantson plus beau rôle qu’à 39 ans... Abandonnant le cinéma pour s’occuper de ses enfants, elle est nommée ambassadrice de l’Unicef.Elle est le charme, le talent, la mère, la générosité et le don de soi. Les femmes l’adulent et les hommes l’adorent.Marilyn. Nul besoin de mentionner son nom. Immortelle. Son pou-voir nait de sa beauté, renforcé par un destin tragique. Son style necessera sans doute jamais d’être réédité. La preuve en est cette annéeencore avec Scarlett Johansson dans le rôle de l’héroïne hollywoo-dienne rétro vue par Mert et Marcus pour la campagne publicitaireLouis Vuitton. Les princesses sont également idolâtrées. Celles de fiction comme les vraies. Cendrillon et Grace Kelly. Mais aussi Lady Di dont Serge July dit qu’elle « fut et reste une parfaite héroïnedes mythologies de cette fin de siècle. »

Des super pouvoirs ?L’héroïne du futur sera une femme assumée, plus féminine que fémi-niste. Elégante, belle sans agacer, assez intelligente pour ne pas s’envanter, drôle et organisée. Des superpouvoirs ? La clairvoyance et ledon d’ubiquité, et un humour acéré. Habillée par les grands coutu-riers, elle se faufile, habile, dans la ville ensommeillée et vole ausecours des enfants meurtris et délaissés. Heureusement, désormais,la super-héroïne s’humanise et troque sa panoplie vintage d’UrbanWarrior contre une armure à fleurs : la robe-coque à fleurs deBalenciaga. L’avenir annonce une héroïne ni soumise ni castratrice,qui par féminité ne sera peut-être plus autant dans l’extravagance.Une Marion Cotillard vue par Jean-Paul Gaultier ?

Héros, d’Achille à Zidane, jusqu’au 13 avril 2008 à la BNF, site FrançoisMitterrand, Paris.Page de gauche : Evening (Angelina Jolie), 180 x 79 cm. Night (KeiraKnightley). Morning (Kate Moss), 180 x 83 cm. Impression et huile sur toile,Olga Tobreluts, Projet Thinning Factor, 2007. Courtesy of Galerie Orel Art,40 rue Quincampoix, 75004 Paris, www.orelart.com.

21

Alors que le héros antique et contemporain s’expose à la Bibliothèque Nationalede France, un singulier constat s’impose : l’héroïne brillait jusque récemment par sa quasi-absence. Sauf que l’héroïsme n’est désormais plus une rêverie exclusivement masculine. Explications. par JULIA DEGONSE

ICÔNES

U

20_NVELLES HEROINES 6/03/08 17:47 Page 21